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Les Huichols au Mexique parlent la langue des dieux; The UNESCO

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TRESORS

DE L'ART

MONDIAL

Grèce

Photo © René Roland, Paris

Les petites déesses-mères de la grande Mycènes

Plus de mille ans avant Jésus-Christ, le village de Mycènes, dans le Péloponôse. fut une capitale dumonde grec. Ouvertes après 1870 par l'archéologue allemand Heinrich Schliemann, les fouilles deMycènes ont mis â jour des joyaux â profusion, de grands masques d'or et quantité d'objets précieuxdont beaucoup en ivoire, en particulier des miroirs â main et des peignes. Merveilleux exemple de lamaîtrise des artistes mycéniens dans le travail de l'ivoire, voici deux déesses avec un enfant ; unesculpture parfaite qui ne fait que quelques centimètres de haut (7,6 cm). Elle date du 15a siècle avantnotre ère et se trouve conservée au Musée national d'Athènes.

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LeCourrier^e ^ unescoFEVRIER 1979 32« ANNEE

PUBLIÉ EN 20 LANGUES

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Anglais Hindi Ourdou

Espagnol Tamoul Catalan

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Arabe Néerlandais Kiswahili

Japonais Portugais

Mensuel publié par l'UNESCOOrganisation des Nations Uniespour l'Éducation,la Science et la Culture

Ventes et distributions :

Unesco, place de Fontenoy, 75700 Paris

Belgique : Jean de Lannoy,202, avenue du Roi, Bruxelles 6

ABONNEMENT 1 an : 35 francs français ; deuxans : 58 francs français. Payement par chèquebancaire, mandat postal, CCP Paris 12598-48,â l'ordre de : Librairie de l'Unesco, Place de

Fontenoy - 75700 Paris.

Reliure pour une année : 24 francs.

Les articles et photos non copyright peuvent être reproduits àcondition d'être accompagnés du nom de l'auteur et de lamention « Reproduits du Courrier de l'Unesco », .en préci¬sant la date du numéro. Trois justificatifs devront être envoyésà la direction du Courrier. Les photos non copyright serontfournies aux publications qui en feront la demande. Lesmanuscrits non sollicités par la Rédaction ne sont renvoyésque s'ils sont accompagnés d'un coupon-réponse internatio¬nal. Les articles paraissant dans le Courrier de l'Unescoexpriment l'opinion de leurs auteurs et non pas nécessaire¬ment celle de l'Unesco ou de la Rédaction. Les titres des arti¬

cles et les légendes des photos sont de la rédaction.

Bureau de la Rédaction :

Unesco, place de Fontenoy, 75700 Paris, France

Rédacteur en chef :

Jean Gaudin

Rédacteur en chef adjoint :

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Edition française :Edition anglaise : Howard Brabyn (Paris)

Edition espagnole : Francisco Fernandez-Santos (Paris)Edition russe : Victor Goliachkov (Paris)

Edition allemande : Werner Merkli (Berne)

Edition arabe : Abdel Moneim El Sawi (Le Caire)

Edition japonaise : Kazuo Akao (Tokyo)Edition italienne : Maria Remiddi (Rome)

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Edition portugaise : Benedicto Silva (Rio de Janeiro)Edition turque : Mefra Arkin (Istanbul)Edition ourdoue : Hakim Mohammed Said (Karachi)

Edition catalane : Cristian Rahola (Barcelone)

Edition malaisienne : Azizah Hamzah (Kuala Lumpur)Edition coréenne : Lim Moon-Young (Séoul)Edition Kiswahili : Peter Mwombela (Dar-es-Salaam)

Rédacteurs adjoints :

Edition française : Djamel BenstaaliEdition anglaise : Roy Malkin

Edition espagnole : Jorge Enrique Adoum

Documentation : Christiane Boucher

Illustration : Ariane Bailey

Maquettes : Robert Jacquemin

Toute la correspondance concernant la Rédaction doitêtre adressée au Rédacteur en Chef.

pages

4 CLIMATS, ATTENTION ! FRAGILE

par William W. Kellogg

10 DES CHIFFRES POUR RETROUVER

LES LETTRES MAYA

par Vladimir A. Kouzmistchev

15 LA VIE, ET AU-DELA. CHEZ LES ANCIENS MAYA

par louri Knorozov

16 LES HUICHOLS PARLENT

LA LANGUE DES DIEUX

par Juan Negrin

19-22 QUATRE PAGES COULEUR

28 LA CULTURE HAÏTIENNE :

UN LONG REVE MUSICIEN

par René Depestre

35 LE CENTRE DU MONDE N'EST

PAS TOUJOURS CE QUE L'ON PENSE

par Geoffrey Barraclough

2 TRESORS DE L'ART MONDIAL

GRECE : Les petites déesses-mères de la grande Mycènes

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: o Photo © P. Lloyd Baker, Oregon, USA

Notre couverture

Dans les montagnes escarpées de la sierramexicaine, les Huichols sont un peuple â

part. Ils ont conservé presque intacte uneculture dont les origines sont bien plusanciennes que l'arrivée des Espagnols.Marcheurs infatigables, pèlerins en quête deleur personnalité divine, leur culture a produitun art unique en son genre et dont leurs"tableaux de laine" sont tout à fait

représentatifs. Les Huichols expriment là,dans la pureté des formes et des couleurs, lemonde sacré des ancêtres et des dieux. Ainsi

de cette Révélation du Cerf Bleu, oeuvre deJuan Ríos Martínez. La culture latino-

américaine est riche et multiforme. Dans ce

numéro on trouvera encore un article

consacré au récent déchiffrement de

l'écriture maya et un autre, au réelmerveilleux dans l'art haïtien.

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Climats,attention !

fragilepar William W. Kellogg

LE climat peut se définir de façon trèslarge comme le genre de temps quel'expérience nous a appris à prévoir

pour l'année à venir. On reconnaît en géné¬ral que ce climat n'est jamais exactement lemême d'une année ou d'une décennie sur

l'autre. Aussi, c'est bien humain, nous

attendons toujours un temps favorablepour les récoltes, les vacances, les régionsoù nous choississons d'habiter ; et ravis

lorsque le temps est meilleur que d'habi¬tude, nous sommes consternés quand il sedégrade. Cependant les faits sont là : le cli¬mat est fluctuant d'une année sur l'autre

et même, sur des périodes plus longues, ilchange.

Il nous reste en mémoire bon nombre

d'exemples de telles variations climatiques.L'Europe occidentale et l'est des Etats-Unisont connu quelques rudes hivers qui ontaffecté l'approvisionnement en combusti¬bles et causé des fermetures temporairesd'usines ; en Afrique du Nord, la zonesahelienne subit toujours les conséquencesde la sécheresse dévastatrice qui s'est pro¬longée de 1969 à 1974 ; en 1972, l'ouest del'URSS a souffert d'un hiver froid et sec

puis d'un été chaud et sec qui ont considé¬rablement réduit le volume de ses récoltes

en céréales. Pour autant ces conditions

habituelles ne sont pas sans précédents.Elles s'étaient déjà produites auparavant etelles se reproduiront encore dans diversesparties du globe.

Ces événements récents viennent nous

rappeler que le climat de notre planèterésulte d'un équilibre changeant et fragile.Cet équilibre a pour facteurs l'influence dusoleil, de l'atmosphère, des océans, de laterre, des neiges et glaces polaires, celle de

WILLIAM W. KELLOGG est l'un des responsa¬bles scientifiques du Centre National de laRecherche Atmosphérique (NCAR) à Boulder(Colorado) et ancien directeur de son laboratoire

de Sciences atmosphériques. Actuellement encongé du NCAR, il travaille en qualité de Con¬seiller du Secrétaire général sur le ProgrammeClimatologique Mondial pour l'OrganisationMétéorologique Mondiale. Il est l'auteur denombreux écrits sur la dynamique de la hauteatmosphère, les applications des satellitesmétéorologiques, la chimie atmosphérique, lapollution de l'air et l'influence de l'homme sur lesclimats.

L'Avenir des Statues,

de René Magntte © FondationEdward James, Royaume-Uni

tous les organismes vivants dont l'hommelui-même. Il y a de quoi s'émerveillerdevant un équilibre climatique qui a étérelativement stable au cours des derniers

siècles, et surtout si l'on considère ce passésomme toute assez proche (quelque 15000à 20 000 ans) où l'Amérique du Nord etl'Europe de l'Ouest étaient en grande partierecouvertes par les glaces.

On ne peut plus admettre aujourd'hui,comme par le passé, un climat trop capri¬cieux ; ceci pour plusieurs raisons :

D'abord, nous ne possédons plus lesréserves alimentaires et autres, qui exis¬taient voilà peu de temps encore. Les res¬sources de la planète sont limitées,l'accroissement de la population et duniveau de vie moyen est continu. Si le cli¬mat provoque de mauvaises récoltes ou demauvaises pêches dans une région, l'effeten est répercuté dans le monde entier.

Ensuite il existe tous les grands projets :développement de réseaux routiers, desystèmes d'irrigation, d'industries, de cen¬trales énergétiques, de productions agrico¬les massives dans les pays industrialiséscomme dans les pays en développement. Il

devient donc de plus en plus essentiel deprendre en compte les changements et lesvariations probables du climat.

De plus, nous en avons assez appris surl'ensemble du système qui détermine le cli¬mat pour savoir d'une part que les change¬ments climatiques peuvent se produire surtoutes les échelles de temps, et, d'autrepart, que les activités de l'homme peuventavoir une influence notable sur le climat

dans un avenir prévisible.

Enfin notre connaissance du système cli¬matique et de ses effets sur la société s'estétendue. Un matériel nouveau existe quicomporte de puissantes techniques, per¬met l'observation de la terre à partir del'espace, le recueil et l'analyse informati¬ques des données climatologiques. A cesprogrès technologiques se joignent desprogrès tout aussi remarquables dans lacompréhension du système climatique lui-même. A un degré moindre, on peut direque la réaction des structures sociales auxchangements de climat est elle aussi mieuxconnue.

En définitive, les problèmes liés au climatdoivent être traités à l'échelle mondiale et

internationale. A cette fin, les NationsUnies et leurs diverses agences, particuliè¬rement l'Organisation MétéorologiqueMondiale (OMM), travaillent en ce momentde concert avec le Conseil International des

Unions Scientifiques, à élaborer un Pro¬gramme Climatologique Mondial (PCM).

Un tel programme doit dépasser les limi¬tes de ¡a climatologie conventionnelle.L'étude du système climatique comporte,de fait, aussi bien l'ensemble des sciences

de la terre que l'écologie. Par ailleurs, un telprogramme doit s'efforcer de comprendrel'impact du climat sur les activités et les ins¬titutions humaines ; il doit aider les respon¬sables à organiser et coordonner les activi¬tés et institutions tributaires des conditions

climatiques afin de les rendre moins vulné¬rables aux variations et aux changementsde climat.

En prélude à la première Conférencemondiale sur le climat, une Conférence

interdisciplinaire d'experts sur le climat etl'homme a été organisée par l'OMM celaen coopération avec l'Unesco, avec vd'autres organisations spécialisées des r

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Les variations climatiques peuvent avoir un effet considérable sur lessociétés humaines. Ainsi, "le petit âge glaciaire" (1500-1700) a affecté lesvignobles d'Angleterre et a fait des Anglais une nation de buveurs debière. Cette période a vu aussi une avance importante des glaciers alpins.Le vingtième siècle, lui, a été marqué par un réchauffement général et unrecul des glaciers alpins. La gravure, en haut de la page, montrant leglacier d'Argentière en France, a été réalisée vers 1860 ; la photo, en bas,prise en 1966, montre le recul du glacier en un peu plus d'un siècle.Aujourd'hui, environ les trois-quarts de l'eau douce mondiale se trouventen réserve dans la calotte glaciaire et les glaciers. Si toute la glaceexistante fondait, le niveau de la mer s'élèverait de quelque 90 mètres.

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Deux vues de l'Antarctique prises du satellite météorologiqueNimbus-5 ; elles montrent les changements importants quiinterviennent dans la calotte glaciaire au cours de l'été polaire.L'image de gauche a été prise le 15 décembre 1972 et celle dedroite le 30 janvier 1973. Sur chaque photo, une ligne noiresuperposée délimite la surface terrestre du continent. Les

surfaces blanches ou gris clair représentent les étendues d'eau.Les points noirs marquent une absence d'information dans lesdonnées communiquées par le satellite.

> Nations Unies, le Conseil International desUnions Scientifiques (CIUS) et l'InstitutInternational pour l'Analyse des SystèmesAppliquée (NASA). Elle se tiendra à Genèvedu 12 au 23 février 1979.

Cette conférence a pour but de dresser lebilan de ce que l'on sait du système quidétermine le climat. Elle doit examiner

ensuite les nombreuses incidences des

variations et changements climatiques surdiverses activités humaines : agriculture,ressources en eau, sylviculture, pêche...Elle cherchera enfin à en déterminer l'effet

sur les structures sociales et économiquesfondamentales de la société.

Ses conclusions serviront lorsque leCongrès de l'OMM se réunira en mai pro¬chain : il s'agira en effet de mettre sur piedle Programme Climatologique Mondial(PCM).

La version du Programme qui sera pré¬sentée à ce Congrès de l'OMM est à l'étudedepuis plusieurs années. En 1978, de nom¬breuses réunions d'experts se sont, tenuespour en élaborer le détail. Actuellement, lePCM se divise en quatre parties ou Sous-Programmes qui en aborderont chacune unaspect essentiel :

les données climatiques ;leur application ;l'étude des influences climatiques ;les recherches climatologiques propre¬

ment dites.

Les données climatiques conventionnel¬les mesurent et décrivent les variations de

la température, des chutes de pluie ou de

neige, celles du vent, de la pression atmos¬phérique, de l'humidité, de la nébulosité...Viennent s'y ajouter des données liées auclimat : rayonnement solaire, températureà la surface des eaux, étendue des glacesmarines par exemple.

Les données météorologiques sont four¬nies par plus de 9000 stations de surface.Parmi elles, environ 4000 font régulière¬ment huit rapports par jour en tant que sta¬tions du réseau synoptique mondial. Quel¬que 900 de ces stations font aussi une oudeux observations atmosphériques quoti¬diennes. En plus des stations terrestres,quelque 7 000 bâtiments de la marine mar¬chande font des observations de surface et

environ 1 500 compte-rendus sont fournisquotidiennement par des avions commer¬ciaux. Les données communiquées auréseau sont diffusées en quelques heurespar le Système Mondial de Télécommuni¬cations organisé par l'Organisation Météo¬rologique Mondiale. Elles sont ensuite trai¬tées, déposées dans un certain nombre deCentres météorologiques régionaux et dansles trois Centres mondiaux de données

météorologiques, à Washington, Moscouet Melbourne.

Toutes ces observations ont pour pre¬mier objectif les prévisions météorologi¬ques. Mais on accorde en général trop peud'attention aux données qui sont nécessai¬res aux scientifiques pour étudier des sujetscomme la circulation océanique où les con¬ditions particulières aux régions polaires.Quelques-unes de ces données non-synoptiques sont actuellement rassemblées

par des réseaux qui ne dépendent pasdirectement des services météorologiques.

D'autres catégories de données sontnécessaires aux recherches sur les climats

du passé : ainsi, l'examen des couches decroissance des arbres, la répartition dediverses sortes de pollens dans les sédi¬ments lacustres, ou encore l'étude des gla¬ciers. Dans ce domaine, le PCM a pourobjectif de localiser les données existanteset d'en faciliter une utilisation plus large.

L'étendue des données nécessaires aux

différentes applications et recherches cli¬matologiques est donc très vaste. Les paysdéveloppés tiennent en général un certaincompte de ces données dans la conceptionet la réalisation de grands projets : dévelop¬pement des ressources en eau, nouvellescentrales électriques, construction de rou¬tes, croissance urbaine... A cet égard, lestechniques statistiques sont bien au point.Cette partie du Programme visera tout par¬ticulièrement à aider les pays en développe¬ment pour leur permettre d'utiliser ces con¬naissances à un moment où beaucoupd'entre eux voient leurs bases industrielles

et agricoles se développer.

De nombreux pays en développementont des climats peu favorables à leurs acti¬vités. Ils doivent donc tenir compte des fac¬teurs climatiques dans le moindre de leursprojets.

Une organisation internationale commel'OMM a bien des moyens d'aider les paysen développement à utiliser la connais¬sance du climat dans la préparation et la

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gestion de leur développement agricole,industriel et social. Certains pays possè¬dent des programmes perfectionnésd'application des données climatologiques.L'OMM peut prendre des dispositions pourun transfert de ces techniques vers les paysqui souhaitent les utiliser. Elle peut partici¬per à la formation des techniciens et à lamise en place du système de traitement desdonnées.

Les oscillations climatiques ont souventd'importantes conséquences. Une séche¬resse, un froid rigoureux ou des inonda¬tions peuvent affecter diverses structuresde façons diverses. Certaines structuressont nettement plus vulnérables qued'autres aux caprices du climat. Pour quel¬les raisons ? On est loin de bien le savoir.

Le but de ce Sous- Programme est de com¬prendre puis de prévoir la réponse d'unsystème social et économique donné à telou tel changement du climat.

Si, comme on le pense, des change¬ments de climat doivent se produire dansles prochaines décennies, nous devons nonseulement en comprendre les causes etdécrire les changements avec une précisionsuffisante, mais aussi pouvoir évaluerl'influence qu'ils auront sur l'homme. Toutresponsable doit connaître l'impact deschangements climatiques sur la vie écono¬mique et sociale pour pouvoir décider enconnaissance de cause.

Bien qu'étant seulement le quatrièmeSous-Programme du PCM, le Programmede recherches climatologiques pourrait trèsbien être en fait l'élément le plus important.De façon générale, la recherche climatolo¬gique tend à améliorer notre connaissancedu système global qui détermine le climaten tous lieux. Cette partie du Programmeinsistera donc sur le développement dedivers modèles théoriques et empiriques du ksystème climatique. Par un perfectionne- r

Dessins © Jean Le Marié, Paris

Les fossiles, même ceux

des êtres marins

minuscules, peuvent fournirdes indications sur les

températures de la merdans un passé lointain. LeNéogloboquadrinaPachyderms qui, malgréson nom impressionnant,n'est pas plus gros qu'unetête d'épingle, est forméd'une coquille dont laspirale est orientée dansune direction (dessin 1)

quand la température del'eau fait moins de 7°C, et

dans la direction opposéelorsque la température estplus élevée. Les

températures de l'eau quidépassent 10°C sont

révélées par la présenced'un autre être marin, leGloborotalia Menardii

(dessin 3).

Saule Bouleau Pin Noisetier Tilleul Chêne Hêtre

Période Climat Dates

SubatlantiqueFroid

et

humide

500

'ap. J.-C.

500

Sub-boréaleChaud

et

sec

'av. J.-C.

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AtlantiqueChaud

et

humide

av. J.-C.

BoréalePériodesèche,

plus chaud

av. J.-C.

7000

PréboréaleType

Subarctique

'av. J.-C.

9000

'av. J.-C.

Fin

du Glaciaire

TypeArctique

Subarctique

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Ci-dessus, le diagramme d'un pollen témoin montre les conditions climatiques â l'est duDanemark, depuis l'an 9000 avant J.-C. jusqu'à l'an 500 de notre ère. Le pollen fossilisédécouvert dans les dépôts de tourbe et d'argile montre comment la végétation a évolué.Les pollens fossilisés sont un excellent indicateur des variations climatiques puisqu'ilssont pratiquement identiques aux pollens des plantes vivantes ; aussi peut-on les suivre àla trace en remontant des millions d'années en arrière.

A droite, une coupe d'arbre en bois durmontrant le développement d'un cerne.Dans les régions tempérées, la plupart desarbres s'accroissent chaque année,comme le montrent les troncs d'arbres

abattus, par cernes concentriques. Nonseulement ceux-ci permettent dedéterminer l'âge de l'arbre mais leurlargeur donne également de précieusesinformations sur les conditions

climatiques du passé. Ainsi, des cernesétroits peuvent indiquer une période debasse pluviosité ou de sécheresse. Descernes plus larges signifient desconditions climatiques favorables pourl'espèce considérée.

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RADIATIONS ÉMISES PAR

LE SOLEIL

Une fonction importante de notre atmosphère est de filtrer lesradiations émises par le soleil vers la terre. Le bouclieratmosphérique diffuse la plupart du rayonnement de courtelongueur d'onde. Mais à l'instar d'une serre, il retient une partiede ces radiations qui, autrement, se disperseraient dans l'espace(voir diagramme ci-dessus), ce qui a pour effet de ralentir la perted'énergie en provenance de la terre et de stabiliser ainsi latempérature à la surface du globe terrestre. Aujourd'huicependant, l'homme brûle une telle quantité de combustiblesfossiles comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel, qu'ilaugmente de façon excessive la proportion de d i oxyde decarbone dans l'atmosphère. Le dioxyde de carbone absorbe lesradiations de la terre et les empêche de se disperser dansl'espace. Ainsi, l'homme par son action "épaissit les vitres de laserre". Sur le graphique à droite, la ligne pleine indique latempérature moyenne en surface dans l'Hémisphère Nord depuis1860. En dessous, les tirets montrent ce que la température auraitdû être si l'homme n'avait pas fait monter le taux de dioxyde decarbone dans l'atmosphère "naturelle". La ligne en pointillé âdroite, montre l'élévation dramatique de la température moyennemondiale à laquelle on peut s'attendre si l'orientation actuelle semaintient.

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Température approximativeau cours du siècle dernier

en climat "naturel"

Température moyennemondiale estimée

ment constant, ces modèles pourrontsimuler de mieux en mieux le comporte¬ment du système réel. Ils permettrontd'étudier la fiabilité des prévisions climati¬ques (à l'échelle des saisons ou desannées). Plus important encore sans doute,nous pourrons nous faire une idée plus pré¬cise de la façon dont réagit le système cli¬matique aux changements, d'envergureprovoqués par les activités humaines.

Question fondamentale, bien que nousne puissions sans doute pas espérer unebonne prévision du climat d'une année surl'autre, nous savons déjà simuler le com¬portement du système de façon assezexacte pour comprendre que les activitésde l'homme peuvent effectivement engen¬drer un changement du climat à l'échellemondiale si nous persévérons dans la voieactuelle.

De tous les grands problèmes quis'annoncent pour les prochaines décen¬nies, celui que pose le réchauffement duclimat terrestre par l'homme est un des plusmenaçants. Il n'a pas de précédent. L'aug¬mentation de la proportion de dioxyde decarbone dans l'atmosphère en sera la causeprincipale. Due à l'utilisation de combusti¬bles fossiles (charbon, pétrole, gaznaturel), elle est lourde de conséquences et

peut entraîner un réchauffement non négli¬geable à la fin du siècle. Ce réchauffementprovient du fait que le dioxyde de carboneest un gaz stable et qui tend à rester long¬temps dans l'atmosphère ; or il absorbe lesradiations infrarouges venues de la terre etqui sans cela se disperseraient dansl'espace ; c'est un phénomène qu'onappelle parfois "effet de serre".

Et peut-être la proportion de ce gazaugmentera-t-elle encore à la suite dudéboisement des forêts tropicales car ladécomposition du bois en produit aussi.

Ce gaz se maintient très longtemps dansl'atmosphère avant de disparaître, principa¬lement dans les océans. En fait, les océano¬graphes estiment qu'il faudrait entre 1 000et 1 500 ans pour que les eaux absorbent lamoitié seulement de la quantité que nousavons déjà libérée dans l'atmosphère. Enpratique, la concentration de ce gaz a étéeffectivement constatée (environ 15 %

depuis le début du siècle). Elle continueraprobablement jusqu'à ce qu'elle ait doubléau milieu du siècle prochain. Elle est "irré¬versible".

Cette prévision d'un réchauffement glo¬bal reste toutefois fondée sur des prémis¬ses plutôt incertaines. L'une d'elles, et nondes moindres, vient des précisions que l'on

peut faire sur l'attitude future des hommesen ce qui concerne la production d'énergie.

Bien des choses ont déjà été dites et écri¬tes sur ce sujet. Il faut le reconnaître : ilexiste un consensus croissant dans la com¬

munauté scientifique pour dire que le tauxde dioxyde de carbone continuera à aug¬menter si l'humanité ne change pasd'orientation. Les meilleures estimations

admettent qu'à la fin de ce siècle la terresera en moyenne plus chaude qu'elle ne l'ajamais été dans les 1 000 dernières annéesau moins, et la température continuera às'élever.

Moins connus sont les effets que cechangement climatique pourra avoir surl'humanité. Les circulations atmosphéri¬ques et océaniques changeraient probable¬ment, causant des variations régionales detempératures et de précipitations supérieu¬res à la moyenne. Certaines régionsseraient plus sèches qu'aujourd'hui,d'autres plus humides ; et alors que la tem¬pérature moyenne de surface s'élèverait,

diverses parties du globe pourraient con¬naître un refroidissement au moins tempo¬raire.

On s'attend à ce que les régions polairesse réchauffent plus que les tropiques. Celapourrait modifier l'étendue des glaces et

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des neiges polaires, conduisant en fin decompte les nappes de glace du Groenlandet de l'Antarctique à changer de volume.On observerait une montée concomittante

du niveau de la mer. Cependant, les glacio-logues s'accordent à penser que ces der¬niers réajustements seront très lents com¬parés au rythme des activités humaines.

Les changements à attendre dans lestempératures, les chutes de pluie et deneige, les vents, seront d'une importanceencore plus fondamentale. Pendant cettepériode où le système climatique ne ces¬sera de se réajuster, des fluctuationsannuelles de climat plus amples que cellesque nous connaissons actuellement pour¬raient se superposer à la tendance géné¬rale. Certaines régions et leurs habitants,suivant la manière dont ils aménagent leurvie, pourront mieux que d'autres faire faceà ces changements. Et certains serontdurement touchés. En tout cas, il faudraparfois réviser radicalement les techniquesagricoles et les modes de vie : or c'est unevérité économique que tous les réajuste¬ments de grande envergure reviennent trèscher à l'ensemble de la communauté.

Si nous pensons à l'évolution future duclimat et aux réactions qu'elle susciterachez l'homme comme à un drame au théâ¬

tre, on peut dire que nous sommes déjàloin dans le premier acte de la pièce. Ce quise produira dans la suite de ce dramelorsqu'il deviendra Histoire, reste encore dudomaine des hypothèses. L'humanitépersévérera-t-elle dans sa routine, ou bienfera-t-on quelque chose pour freiner l'utili¬sation de combustibles fossiles et le déboi¬

sement des tropiques ? Sera-t-elle assezsage pour prévoir les futurs changementsde climat et élaborer des réponses en con¬séquence ?

Bien sûr, personne ne peut le dire. Maisla Conférence mondiale sur le climat et le

Programme Climatologique Mondial ont unsens : ils apparaissent comme les premierspas dans la bonne voie.

William W. Kellogg

Les effets de l'homme sur le climat sont

particulièrement sensibles au Sahel, la ceinturesemi-aride qui traverse l'Afrique d'ouest en est,depuis la Mauritanie et le Sénégal jusqu'auTchad et aux frontières du Soudan. Le Sahel est

traditionnellement et depuis des siècles, uneterre de pâturages pour les nomades. En haut àdroite, la dévastation des pâturages et ledéboisement ont transformé en désert des

milliers de kilomètres carrés de terres â pâtures.A droite, une peinture rupestre préhistorique duplateau des Ajjéers dans le Tassili, au Saharaalgérien. On pense que les grands anneauxreprésentent les huttes des anciens pâtres.

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Motif en stuc provenant d'une inscription chronologique du "Temple Oublié" de Palenque.Il se compose d'un préfixe qui représente la divinité du chiffre 3 et d'un glyphe principalen médaillon désignant le jour OC, qui signifie "Tête de chien". On lit donc le jour 3 OCdu calendrier rituel de 260 jours. Cette inscription est de la période maya classique récente(600-900).

Des chiffres

pour retrouver

les lettres Mayapar Vladimir A. Kouzmistchev

Photo Corson © Fotogram. Paris

DE petits dessins-symboles, signesmulticolores alignés en colonnesserrées sur des feuilles en fibre de

figuier, peuvent non seulement expliquer lemystère des pyramides, mais encore don¬ner plus de renseignements que toutes lesruines des cités d'autrefois. Les anciens

manuscrits sont en mesure de. nous dévoi¬ler bien des secrets et des mystères ;ouvrez-les, et vous saurez...

Le déchiffrement des anciennes écritures

inconnues n'a été entrepris sur une basestrictement scientifique que depuis assezpeu de temps moins de deux siècles.Ainsi ont livré leurs secrets les hiéroglyphes

VLADIMIR A. KOUZMISTCHEV, docteur essciences historiques, est directeur du Départe¬ment de la Culture de l'Institut d'Amérique latinede l'Académie des Sciences de l'URSS. Spécia¬liste des problèmes de la culture latino-américaine, il est l'auteur d'un livre intitulé "Le

mystère des sacrificateurs maya" et vice-président de l'Association soviétique d'amitié etde collaboration culturelle avec les pays del'Amérique latine.

10

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égyptiens et les écrits cunéiformes desSumériens. Et c'est devenu un principe queles écritures mystérieuses laissées par descivilisations englouties peuvent être lues,même si la langue à laquelle elles corres¬pondaient a disparu elle aussi.

Il restait cependant une inconnue : leslivres-codex des anciens Maya, peuplesindiens de l'Amérique centrale. Dessavants de maints pays avaient consacrétoute leur vie au décodage de ces signes.En vain. Les spécialistes avaient alors con¬clu que les signes mayas ne représentaientpas une écriture, mais une pictographie,soit une série de dessins n'étant pas desti¬nés à être "lus", mais susceptibles d'êtreinterprétés.

Telle était donc la situation au début des

années cinquante, lorsqu'un jeune savantsoviétique, Youri Knorozov, commença às'intéresser aux codex maya. Il rêvait de seconsacrer à l'élaboration d'une théorie des

symboles et des signes, l'un des domainesles plus passionnants de la linguistique his¬torique et comparée, et de la linguistiquemathématique. Or pour découvrir le sensd'un signe, il faut au moins pouvoir ledéchiffrer.

A droite, un extrait du

Codex de Paris. On voit

dans la figure centrale ledieu de la pluie qui tient latête du dieu du vent. Il se

dresse face à un dieu à

peine visible, qui, lui, estassis sur un trône, sceptreen main. Un oiseau vole au-

dessus de sa tête. Des

offrandes de nourriture

sont déposées sur untrépied.

En règle générale, les écrits inconnus destemps anciens ont pu être déchiffrés grâceà l'existence de textes bilingues, ou plutôtgrâce à la transcription d'un même texte endeux langues, l'une étant déjà connue.Ainsi de la célèbre "Pierre de Rosette" quia permis au savant français Champollion depercer le mystère des hiéroglyphes égyp¬tiens. Le déchiffrement était facilité aussi

par la connaissance des événements histo¬riques qui s'étaient produits parallèlementdans différents pays ainsi que par leurséchanges.

Mais les données de ce genre étaienttotalement absentes dans le cas de l'Améri¬

que précolombienne. Comment devaitdonc procéder le chercheur ?

Une réponse s'imposait, et elle étaitextrêmement "simple" : il fallait trouver unnouveau procédé de déchiffrement. Maispar où commencer ?

Après avoir étudié à fond tous les docu¬ments écrits des anciens Maya connusjusqu'alors (il s'agissait de trois "Codex"appelés, d'après les villes où ils étaient con¬servés, ceux de Dresde, de Madrid et de

Paris), Youri Knorozov s'aperçut non sans

étonnement que l'analyse de ces docu¬ments se caractérisait par d'énormes lacu¬nes. Son raisonnement fut alors le sui¬

vant : si les Codex sont de véritables textes,il faut retrouver le système d'écriture uti¬lisé, et pour cela, il faut établir un parallèleentre ces textes et d'autres textes écrits

dans certains autres caractères connus.

Mais comment établir ce parallèle ?

La réponse s'est révélée fort simple.Knorozov attribua à chaque signe un nom¬bre donné, ce qui lui permit de déterminernon seulement la quantité totale de cessignes et la fréquence de leur répétition,mais aussi d'autres corrélations qui, unefois comparées aux indicateurs de diverssystèmes d'écriture connus, ont infaillible¬ment révélé que les anciens Maya utili¬saient bien un système d'écriture.

Et voici l'histoire :

Dans les trois manuscrits (on peut désor¬mais leur donner ce nom), Knorozov avait

dénombré en tout quelque 300 signes. Ilfallait donc trouver un système comportantun nombre analogue de signes. Mais si lesmanuscrits maya n'étaient que des dessins,il y aurait eu non pas 300, mais plusieursmilliers de signes. Il ne s'agissait donc pasde pictographie.

D'autre part, dans n'importe quelle lan¬gue, le nombre de sons n'atteint jamais lacentaine et s'établit généralement aux envi¬rons de 30 à 40, ce qui correspond au nom¬bre des signes (ou lettres) d'un alphabetgraphique. Il ne s'agissait donc manifeste¬ment pas d'un alphabet graphique. Dansles systèmes dits syllabiques (les katakanaet hiragana japonais, le devanagari indienou l'écriture cypriote ancienne), le nombre ide syllables ne dépasse jamais cent à cent I

Exemples de hiéroglyphes maya avec leursignification : (1) une pousse ; (2) épis demaïs ; (3) mûrir (le mûrissement du maïs) ;(4) le discours ; (5) la route (traces de

pas) ; (6) verser ; (7) (deux significations) :citerne d'eau de pluie ou bien : la lune ;(8) la mort (yeux clos) ; (9) un mort dansla position du foetus.

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Page 12: Les Huichols au Mexique parlent la langue des dieux; The UNESCO

cinquante. Il ne s'agissait donc pas de celanon plus. Dans l'écriture morphémique (oùle signe correspond à la racine du mot ou àune particule grammaticale), on dénombrede 1 000 à 1 500 morphèmes. Ce n'étaitdonc pas encore cela. Il ne restait que ledernier des systèmes connus, le systèmehiéroglyphique ou mixte, dans lequel unepartie des signes correspondent à des mor¬phèmes et l'autre à des sons ou à des sylla¬bes. Et voilà que la quantité des signes cor¬respondait !

Ainsi Knorozov a prouvé, grâce au lan¬gage précis des nombres, ce que Léon deRosny proposait dès 1881 à titre d'hypo¬thèse. Mais cet ethnographe françaisn'avait pas réussi à confirmer son hypo¬thèse et il avait alors fait l'objet de critiquesvirulentes.

Les Maya utilisaient donc un systèmed'hiéroglyphes, et par conséquent ils pou¬vaient être "lus". Le travail de déchiffre

ment devait donc continuer. Il suffisait seu¬

lement de préciser à quoi correspond exac¬tement chacun des 300 signes et commentil se prononce (à supposer qu'il se pro¬nonce). Il deviendrait alors possibled'entreprendre leur lecture. Encore fallait-ilauparavant déterminer dans quelle langueils sont écrits. Comment aborder cette nou¬

velle série de problèmes ?

Il a suffi d'une autre trouvaille "simple",reposant sur une brillante hypothèse.

Commençons par l'hypothèse. Elle a prisnaissance lors de la lecture et de l'étude du

célèbre "Alphabet de Landa", qui se trou¬vait dans les pages du non moins célèbremanuscrit de 1566 intitulé "Relación de las

cosas de Yukatan" ("Rapport sur les affai¬res du Yukatan"). Dans ce texte, le reli¬

gieux franciscain Diego de Landa, alorsprieur provincial et plus tard évêque duYukatan, faisait connaître aux dirigeants deson ordre l'existence des Indiens maya et le

travail qu'il avait accompli chez eux pourécraser l'hérésie.

Malheureusement, en même temps ques'extirpait l'hérésie, périssait une culturequi traduisait le monde spirituel de l'Indien.C'est ainsi que disparurent des milliers demanuscrits maya. Restait le "Rapport" dufranciscain, pratiquement la seule sourceaujourd'hui de nos connaissances sur lesanciens Maya. Ce document, dont unecopie avait été découverte en 1863 parBrasseur de Bourbourg, contient non seu¬lement "l'alphabet", mais aussi des exem¬ples de mots rendus par des signes maya ;or ces exemples et croquis étaient généra¬lement considérés jusqu'alors sinoncomme une falsification, du moins commeun effort tout à fait maladroit pour transli¬térer les signes-dessins maya en caractèresde l'alphabet espagnol.

Knorozov commença donc par vérifier"l'alphabet" de Landa. Et il s'aperçut qu'il

Sur la terre...Avant la conquête espagnole tous lesprêtres maya utilisaient des manuscrits enguise de manuels, et toutes les villesavaient leur bibliothèque. Mais au milieudu 16e siècle, l'Inquisition fit brûler cesmanuscrits "païens". Aujourd'hui nerestent plus que quatre manuscrits, ceuxde Dresde, de Paris et de Madrid ainsi

dénommés d'après les villes où ils sontconservés, et le Codex Grolier qui setrouve à New-York dans une collection

particulière. A gauche, un extrait duCodex de Dresde raconte par le texte etl'image comment Kashish, dieu du vent etde la pluie s'est mis en route (1er panneau)tel un paysan, pour planter le maïs avantla venue des pluies. Il porte en mains unoutil pour faire des trous dans le sol et,sur son dos, un sac de graines. Lesinscriptions sous ses pieds symbolisent lalongue marche vers les champs de maïs.Quand il en a fini avec cette tâche,

Kashish se rend (2e panneau) sur un lieufunéraire, indiqué par des ossements, où ilinvoque l'assistance des ancêtres. Ensuiteil part (3e panneau) chercher des pierres àchaux dans une carrière (les Mayaconservaient le maïs dans de l'eau de

chaux). Ayant trouvé assez de pierres,Kashish entre dans l'eau d'une rivière (4e

panneau) pour y ramasser des nénupharset des coquillages. Le texte qui surmontele premier panneau peut se lire : "Onze(jours avant) la neuvième (période). S'enva aux champs (le Dieu) Kashish avant sondépart pour le voyage (?). Voilà sa tâche.Une (journée avant) la seconde (période)".Dans une autre version plus tardive duCodex de Dresde, les activités rustiquesde la divinité font place à un rituel plusélaboré. Le dieu se rend au temple (1erpanneau) recueillir des offrandes. Il vaensuite à un lac (2e panneau) où il invoquela pluie par des gesticulations magiques.Un chapitre du manuscrit parle desfemmes et des jours qui sont pour elles debon ou de mauvais présage. Certainsjours, ceux où le dieu de la mort recevaitune fleur, une femme risquait d'épouser lamort. Yumtsek, le dieu de la mort (3e

panneau) est assis, une fleur, nic-te, à lamain. Au-dessus, le texte se lit : "Il reçoitune fleur (dieu de la mort) Yumtsek, lui

qui a la puissance de la mort. Douze (joursavant) la seconde (période)."

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Page 13: Les Huichols au Mexique parlent la langue des dieux; The UNESCO

comme au cielLes Maya tenaient un registre précis des observationsastronomiques et météorologiques en vue de déterminer la venuedes pluies, et le moment de semer le maïs. Il est difficile

d'apprécier la valeur de leur prévision du temps ; les astronomesmaya avaient toutefois une connaissance approfondie de l'annéesolaire : ils se repéraient sur treize constellations semblables auxsignes du zodiaque et portant chacune le nom d'un animal.A droite, sur un extrait du Codex de Paris qui se lit de droite âgauche, on voit un serpent à sonnettes (nos Pléiades actuelles),une tortue (les Gémeaux), un scorpion (le Cancer). Le zodiaquemaya commençait son cycle par l'équivalent de notre Bélier avec lesoleil dans l'équinoxe de printemps. Dans la mesure où aujourd'huile point vernal (équinoxe de printemps) se situe dans laconstellation des Poissons, on peut considérer que le zodiaquemaya, tel qu'il est décrit dans le Codex de Paris, remonte aupremier siècle avant Jésus-Christ. Ci-dessus, le "Caracol",

impressionnant observatoire maya de Chichen-ltza. L'édifice al'aspect d'une tour ronde, construite sur une vaste plate-formesurélevée, une surface rectangulaire de 67 x 57 m. Au centre de latour s'élève un escalier en spirale dont la paroi a été percée demeurtrières orientées dans certaines directions astronomiques pourpermettre les observations.

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ne s'agissait nullement d'une falsification,ni même d'une quelconque approxima¬tion : Diego de Landa, homme à l'espritclair et précis, s'était efforcé de faire com¬prendre à ses supérieurs les hiéroglyphesmaya et avait dressé son alphabet en utili¬sant, non pas simplement des lettres, maisleur désignation phonétique, qui étaiteffectivement plus proche des signes mayaet correspondait même phonétiquement àcertains éléments de l'écriture maya. Pour

comprendre cela, il a suffi à Knorozovd'une petite phrase que Diego de Landaavait ajoutée comme en passant dans sontexte : "Ils (les Maya) écrivent parsyllabes..." Or, la désignation phonétiquedes lettres espagnoles est rendue elle aussiau moyen de syllabes ! C'était là la brillantehypothèse de Knorozov.

L'alphabet de Landa n'offrait toutefoisqu'un échantillon des signes maya, et nonleur catalogue complet. Il ne contenait queceux des 300 signes qui correspondaientdirectement ou se rapprochaient de l'appel¬lation des lettres de l'alphabet espagnol,lesquelles ne sont qu'au nombre de 25. Lasituation se compliquait du fait que ces hié

roglyphes étaient eux-mêmes un systèmed'écriture mixte et d'une complication fortéloignée de la simplicité presque idéale del'écriture littérale. Par ailleurs, non seule¬ment ce système comporte près de 300signes, mais certains de ceux-ci remplis¬sent selon les cas des fonctions différentes,

voire doubles : les signes idéographiquescorrespondent à la racine des mots ; lessignes phonétiques traduisent une syllabeou un son ; enfin les signes diacritiques (oudéterminatifs) précisent le sens du motmais ne se lisent pas (c'est ainsi que si lemot français "pierre" était transcrit en écri¬ture hiéroglyphique, il aurait fallu un signediacritique pour indiquer au lecteur s'ils'agit d'une matière minérale dure ou biendu nom propre d'une personne).

Une fois de plus, Knorozov fit appel auxmodèles mathématiques pour analyser lesrègles grammaticales de la langue maya. Ilutilisa pour cela principalement les textesconnus sous le nom de "Livres de Chilam

Balam", écrits au cours des 16e et 17e siè¬cles en caractères latins et se rapportant àdes événements antérieurs à la période desConquistadors, de sorte que la langue dans

laquelle ils ont été écrits est relativementproche de celle des hiéroglyphes.

Ainsi revêtus de nombres, les signes hié¬roglyphiques ont de nouveau connu un lenttravail destiné à faire ressortir les lois gram¬maticales de la langue. Et bien que la docu¬mentation de base fut extrêmement réduite

les trois manuscrits des "Livres de Chi¬

lam Balam" ne représentaient guère que210 de nos pages imprimées ce travail apermis de dégager progressivement lesprincipaux indicateurs de l'écriture hié¬roglyphique maya, grâce, entre autres, à lafréquence du retour de certains signes, et àla place caractéristique de chacun d'entreeux dans l'ensemble de la "phrase", etc.

Cette méthode d'analyse, qui a pris lenom de "statistique positionnelle', a élu¬cidé définitivement le mystère de l'écriturehiéroglyphique des Maya, en fournissant laclé qui permet de la lire et de la compren¬dre. Chaque signe possède désormais son"passeport", indiquant la nature de sonaction ainsi que sa place dans le "bloc",c'est-à-dire dans chacun des dessins hié¬

roglyphiques. La lecture de certains motspar d'autres savants a confirmé ces hypo-

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Page 14: Les Huichols au Mexique parlent la langue des dieux; The UNESCO

Photo Roger Viollet. Pans

Disque de pierre montrant un joueur de ballon maya. Les Maya pratiquaient un jeu deballon rituel qui survit encore dans le nord-ouest du Mexique. On jouait dans une courrectangulaire entourée de murs. En s'aidant de l'avant-bras et des hanches, les joueursenvoyaient un ballon dur en caoutchouc contre les murs. Le jeu était souvent violent. Leshanches, les coudes et les genoux des joueurs étaient d'ailleurs protégés par du cuirrembourré. On pense que les cérémonies qui succédaient à la manifestation sportivecomportaient quelquefois le sacrifice des joueurs de l'équipe perdante.

thèses. Ainsi la statistique positionnelle a-t-elle été pour Knorozov l'équivalent, enquelque sorte, de la "Pierre de Rosette"pour Champollion, sauf que Knorozov a ducréer lui-même sa "Pierre de Rosette". Les

conclusions de cet énorme travail sont con¬

signées dans "L'écriture des Indiensmaya", paru à Leningrad en 1963.

Mais il restait encore à lire les manuscrits

maya. C'était là un tout autre travail ! Il fal¬

lut à Knorozov déterminer d'abord quelleétait la langue dans laquelle chaque manus¬crit avait été rédigé. Il ne faut pas oublierque la langue des Maya du 16a siècle, danslaquelle sont écrits les "Livres de ChilamBalam", est déjà très différente de celle desMaya contemporains. Ces manuscrits

reproduisaient en effet des textes rédigésvraisemblablement dans une langue datantde 2000 ans.

Un gros travail pour redécouvrir cettelangue a été fait par les savants mexicainsdu "Centre d'études maya" rattaché à l'undes principaux établissements d'enseigne¬ment d'Amérique latine, l'Université natio¬nale autonome du Mexique. Pour com¬prendre comment il a été possible de déter¬miner la langue des manuscrits, on peutrecourir en effet à l'analogie suivante : onpeut se demander laquelle des langues"latines" modernes l'espagnol, l'italien,le français, le portugais ou le roumainest la plus proche du latin. Précisément, les

savants se sont demandé quelle langueétait la plus proche de la langue anciennede leur pays, leur latin à eux, et ils ont net¬tement établi que c'était la langue maya.Ainsi, les publications du Centre ont-ellesnotablement rapproché le moment oùseraient totalement déchiffrés les manus¬

crits maya.

Ce travail s'est poursuivi parallèlementdans plusieurs pays. A la fin de 1975 parutun nouveau livre de Youri Knorozov, "Les

manuscrits hiéroglyphiques maya", qui estune véritable traduction de tous les manus¬

crits parvenus jusqu'à nous.

Ces manuscrits ne sont pas des livres ausens où nous l'entendons aujourd'hui, maisdes guides ou des aide-mémoire encyclo¬pédiques portant sur tous les aspects de lavie et les traditions d'un peuple ancien.Comme l'écrit Youri Knorozov lui-même,"ces manuscrits, textes de référence desti¬nés aux prêtres locaux, ne devaient nulle¬ment être lus à la file. Ils permettaient auxprêtres de s'orienter dans les arcanes du

rituel des fêtes mobiles... La significationofficielle et le cérémonial de ces fêtes

étaient évidemment connus non seulement

des prêtres, mais aussi des laïques (ce quenous ne pouvons guère dire de nousautres, chercheurs contemporains)".

Il n'est pas de meilleure preuve du talentde Knorozov que les quelques échantillonsde traduction qu'il propose (voir page 12).

Quel est donc le premier bilan du déchif¬frement et de la traduction des manuscrits

des anciens Maya ? Tout d'abord, le faitmême qu'il possédait une écriture aconfirmé le niveau élevé de civilisation de

ce peuple étonnant. En second lieu, on atrouvé, au cours du processus de déchiffre¬ment, la preuve irréfutable que cette écri¬ture était une "invention" locale, car leshiéroglyphes reprennent des éléments de lafaune, de la flore et des traditions culturel¬les des Maya eux-mêmes.

Mais le déchiffrement, la lecture etl'étude détaillée des manuscrits ne se limi¬

tent pas aux seuls problèmes des Maya etmême d'autres peuples d'Amérique. Nousavons déjà parlé de la sémiotique pro¬blème actuel et aussi problème d'avenir. Il ya plus : les Maya étaient à coup sûr d'excel¬lents astronomes, et ils ont établi un calen¬drier beaucoup plus précis que notre calen¬drier grégorien. Ils observaient attentive¬ment le ciel et enregistraient non seulementtous les phénomènes répétitifs au cours

Figurine en terre cuite représentant un anciennotable maya. Avec le développement d'unecivilisation agricole, la société maya s'estrapidement divisée en classes bien distincteset un grand fossé s'est creusé entre lesnobles et le peuple. Chez les nobles, pouvoiret propriété passaient au fils aîné ; les plusjeunes devenaient, eux, prêtres ou guerriers.Les autres classes de la société étaient

constituées d'artisans, de marchands, desorciers, de médecins, de devins, chacune

ayant sa propre divinité.

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Page 15: Les Huichols au Mexique parlent la langue des dieux; The UNESCO

des années et des phases solaires et desphases d'autres planètes, mais aussi toutesles anomalies "étoiles filantes", pluiesde météorites, éclipses (qu'ils savaientmême prédire). Toutes ces données, inscri¬tes dans les manuscrits ou sur des stèles de

pierre, ne peuvent tout simplement paslaisser indifférents les astronomes contem¬

porains.

Autre problème fort intéressant : lesMaya avaient établi un calendrier solaireétonnamment précis (la durée de leurannée solaire était de 365,2420 jours, alorsque celle du calendrier grégorien est de365,2425 jours, et en fait, on sait qu'elle estde 365,2422 jours). Une exactitude aussiextraordinaire appelle l'attention sur leursystème de calcul. Et puis, d'où vient leurdate zéro mythique 5 041 738 annéesavant notre ère ? Aujourd'hui, l'on se perden conjectures, car pour le moment toutehypothèse que ce soit celle du déluge,de la naissance de quelque "Christ" mayaou de tout autre événement serait aussi

peu justifiée qu'une autre. Mais un travail,pleinement justifié celui-là, est la recherchede la solution dans les textes maya ou avecleur aide.

Knorozov a traduit tous les manuscrits

connus jusqu'ici. Ceux-ci sont aujourd'huiau nombre de quatre, car en 1973, le spé¬cialiste bien connu de la civilisation mayaMichael Coe en a découvert et publié unquatrième, qui "se cachait" dans unebibliothèque privée de New-York. Celaconfirme l'espoir qu'on trouve d'autres"livres" maya. En outre, il existe des ins¬criptions maya sur de nombreuses stèles,sur des édifices et des objets d'usage cou¬rant, sur des fresques, des bas-reliefs etd'autres vestiges de la culture matérielle etspirituelle de ce grand peuple. Toutes cesinscriptions sont, elles aussi, composéesde hiéroglyphes.

La "structure" de ces hiéroglyphes sedistingue nettement de celle des manus¬crits. Il est toutefois possible et même

nécessaire de les déchiffrer à leur tour,pour pouvoir les lire. On s'efforce actuelle¬ment de le faire. L'important est que la plu¬part de ces glyphes concernent commele confirment les premiers signes qu'il a étépossible de comprendre non pas desthèmes religieux et rituels, mais des sujetshistoriques. Il est pour l'instant difficile depréciser l'intérêt de ces documents. Mais ilest certain qu'ils permettront de faire dispa¬raître de nombreux blancs qui subsistentdans l'histoire des anciens Maya et de toutel'Amérique précolombienne.

La traduction des manuscrits maya n'estcependant qu'une partie des résultats obte¬nus par Youri Knorozov au cours de sesrecherches fondamentales dans le domaine

général de la théorie des signes, ou sémioti-que. D'autres savants, utilisant sa méthodede statistique positionnelle, cherchentmaintenant à déchiffrer d'autres inscrip¬tions qui nous paraissent encore mystérieu¬ses.

Vladimir A. Kouzmistchev

La vie et au-delà

chez les anciens Mayapar louri Knorozov

LES anciens Maya apportaient au prêtreleur enfant nouveau-né : il scrutait son

destin, et définissait son emploi futur,il lui donnait un nom. Un ancien texte relatif

aux présages, remontant à l'ère coloniale,nous raconte que les enfants nés les joursde Kan, Chuen et Men étaient promis àl'emploi d'artisan, ceux des jours de Kish etde Kib seraient guerriers, ceux du jour deKhets'nab seraient médecins, etc. Le prêtreétait donc celui qui décidait du métier queferait l'enfant, il pouvait donc indiquer auxparents comment les élever.

On allaitait les enfants jusqu'à l'âge detrois ou quatre ans. Les filles grandissaientsous l'oeil vigilant de la mère.

Pour les Maya, loucher était signe debeauté ; un état qu'ils provoquaient d'ail¬leurs chez l'enfant, en accrochant à ses che¬

veux une petite boule qui pendait entre sesdeux yeux.

Une fille devenait majeure entre quatorze

et quinze ans ; un garçon entre dix-sept etdix-huit. Mais les rites d'initiation qui ren¬daient possible le mariage, intervenaient unpeu plus tôt, de sorte que les parents puis¬sent s'accorder sur l'union de leurs enfants.

Après son initiation, le fils aidait au travailde son père et ¡I portait son nom ; marié, il yajoutait celui de sa mère.

Pendant les premières années de sonmariage, l'homme vit avec son épouse dans

IOURI V. KNOROZOV, savant soviétique, faitautorité dans le domaine de la théorie des signeset des anciennes civilisations de l'Inde et de

l'Amérique. Docteur en Histoire des Sciences, ildirige d'importantes recherches à l'Institut d'eth¬nographie de l'Académie des Sciences d'URSS.Auteur de plus d'une centaine de publicationsscientifiques, il a remporté en 1978 le Prix Scien¬tifique d'Etat.

une petite hutte sur le territoire de la belle-famille et il travaille pour son beau-père. S'ilse plaint, il sera bientôt mis au pas. Mais safemme se doit de le nourrir.

Pour la plupart, les femmes Maya souhai¬taient beaucoup de fils et elles faisaient desoffrandes propitiatoires à six dieux et auxdivinités des quatre points cardinaux, à ladéesse de la Lune et à cinq autres déesses.Un "père mystique" pouvait se montrer à lafemme sous forme d'une étoile filante. A

certaines dates précises, les femmes pas¬saient toute une. nuit dans le temple enespérant la visite d'un dieu bienveillant.

Une femme qui rencontre un homme doitlui tourner le dos ou au moins baisser les

yeux. Si une fille vient à regarder unhomme, sa mère doit lui frotter les yeuxavec du poivre. Les jours de fête, hommeset femmes dansent séparément, encore queselon une ancienne tradition, il leur soit

arrivé de danser ensemble certaine gigue.La femme infidèle est blâmée, mais son

séducteur est lapidé à mort.

Pour les femmes, les dents limées étaient

une marque d'élégance. Après le mariage,hommes et femmes se tatouaient le haut du

corps jusqu'à la taille, sauf le sein. Ils sefrictionnaient aussi avec un onguent decouleur rouge qui les protégeait de la cha¬leur, du froid et des moustiques. Les fem¬mes se parfumaient en se frictionnant lapeau avec une barre de résine odorante.Dans leur chevelure elles mettaient des

guirlandes de fleurs et, la nuit tombée, desvers luisants.

Quand les tribus étaient encore nomades,

vivant de la chasse et de la cueillette, la

coutume voulait qu'on supprimât les plusvieux à cause du manque de nourriture. LesItzas tuaient ceux des leurs qui avaientatteint cinquante ans (on considérait que la

durée de la vie n'excédait pas 52 ans) pourles empêcher de devenir des sorciers.

Quand la civilisation Maya devint séden¬taire et agricole, les anciens, au contraire,étaient pris en grande considération : onappréciait leur riche expérience dans lechoix d'une terre, la sélection des semen¬

ces, la prévision du temps, etc.

La notion de mort a changé souvent chezles Maya. On la retrouve dans leurs ritesfunéraires. Certains dessins montrent un

personnage mort sous l'aspect d'unembryon humain, donnant l'idée que l'ancê¬tre défunt va revivre dans le nouveau-né. Le

cadavre était peint en rouge et emmaillotédes pieds â la tête. On tenait le mort pourtrès dangereux (cette croyance étant sansdoute liée à des cas de contagion provo¬qués au contact d'un cadavre).

On préparait le corps du défunt commepour un voyage : on lui passait la tunique duvoyageur et, dans la bouche, on lui mettaitdes petits morceaux de jade et de la galetteséchée, toutes choses dont un voyageurdoit se munir. Dans la tombe, on plaçaitencore des statuettes de dieux et d'autres

objets divers. Selon les légendes qui racon¬tent que les ancêtres étaient venus du Nord,on pouvait croire qu'une personne qui mou¬rait se mettait en route pour sa demeurelégendaire, dans le Nord. Les termes quidésignent le Nord (sham-shib : ce-qui-fut-s'évanouit ou bien sham-an : ce-qul-fut-est-lâché) sont dérivés de la racinesham qui signifie à la fois ce-qui-fut etancien. Selon d'autres croyances, vraisem¬blablement plus tardives, le mort partaitpour un monde souterrain [ich-chab ou ich-kab, c'est-à-dire "dans la terre"). L'ombre

du défunt traversait l'une après l'autre lesneuf sphères du monde inférieur avant deréapparaître dans l'enfant nouveau-né.

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Page 16: Les Huichols au Mexique parlent la langue des dieux; The UNESCO

Les Huichols

parlent la languedes dieux

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Page 17: Les Huichols au Mexique parlent la langue des dieux; The UNESCO

Les Huichols ou Huixitari comme ils se

dénomment eux-mêmes, se sont

développés en un groupe ethnique etculturel très fort et cohérent, dont la

vigueur se manifeste dans un système decroyances et un art tout à fait original(voir pages centrales). Ce groupe deHuichols dans le paysage grandiose de laSierra Madre occidentale, fait le

pèlerinage traditionnel au pays du peyote.Sur ce chemin où la marche est pénible etdure des mois, ils vont à la recherche de

leur personnalité divine, â la rencontre deleurs ancêtres les dieux.

par Juan Negrin

CEUX qui vinrent au Mexique en quê¬te d'or et d'âmes à sauver, pourengendrer en fait l'actuelle race

métisse, laissèrent de côté un certain nom¬bre d'indigènes qui allèrent se replier auplus profond de leurs vallées montagneu¬ses.

Au Sud de la Sierra Madre Occidentale,dans les Etats mexicains de Jalisco et de

Nayarit, vivent aujourd'hui 6 000 à 7 000 deces marginaux : les Huichols. Ils habitentdes contrées au relief accidenté, avec des

ravins pouvant atteindre 500 mètres et dessommets plus de 2 000 mètres, au pointque l'on ne peut y accéder qu'à pied. Leurrace n'est pas homogène, car les Huicholsrassemblent trois tribus différentes, et par

la langue, et par la culture : les Huautüari,les Tuapuritari et les Tatéikitari. Leur lan¬gue se rattache à la branche uto-nahuatl etleur établissement dans la Sierra est anté¬

rieur à l'arrivée des Aztèques dans la valléede Mexico.

La vigueur de la culture des Huicholsétait telle, que loin.de se laisser acculturer,leur art s'est développé en puisant auxsources précolombiennes. Quant à la viespirituelle, ce que recherche le Huichol,aujourd'hui comme hier, c'est à se doterd'unc immatériel (iyari), fort et sain. Laquête de cette source vive se fait à traversla perpétuation de la mémoire collective,l'accomplissement de rites complexes,l'imposition de.v et de sacrifices entraî¬nant des privations, alors qu'ils vivent déjàdans le dénuement. Comme l'a exprimél'artiste huichol José Benitez : "Ainsi souf¬

frent les Xuturite ("fleurs de papiers", nomdonné aux Huichols dans "La parole desdieux") : sans manger et sans dormir etsans choses (propriété) et sans savoir où ilsvont, pauvres et innocents, mais riches deleur cupuri (âme), de leur vie."

JUAN NEGRIN, écrivain et chercheur mexicain

a, depuis 1970, orienté ses recherches sur l'art etla religion du peuple huichol. A la suite de plu¬sieurs voyages au cours desquels il séjournaparmi eux et sur leurs lieux sacrés, il a organisé,au Mexique et aux Etats-Unis, plusieurs exposi¬tions consacrées aux Huichols. Juan Negrin estl'auteur de The Huichol Creation of the World

(La création du monde selon les Huichols) publiéen 1975 par E.B. Crocker Gallery à Sacramentoet le Musée des Arts de San José ; El arte con¬

temporáneo de los Huicholes (L'art huichol con¬temporain) à l'Université de Guada/ajara,Mexico, 1977, et de Apreciación subjetiva de lacultura huichola (Un avis subjectif sur la culturehuichole), UNAM, Mexico, 1978.

L'impassibilité du Huichol devant lebesoin matériel n'a rien de négatif. La disci¬pline qu'il s'impose pour faire naître le iyari,lui confère la dignité et l'intégrité qui sontdes qualités manifestes chez les habitantsde la Sierra. D'ailleurs, la première étudefaite par le Gouvernement mexicain (PlanLerma - Memoria "Operación Huicot"1965) sur les possibilités de développementde la région huichole conclut : "À traversles siècles, rien ou presque rien n'a changédans sa manière d'être traditionnelle, etc'est lui (le Huichol) qui a le mieux défenduet conservé les traditions de son monde,

incomparablement meilleur à ses yeux quele monde civilisé, même si ce dernier lui a

été présenté comme étant le plus souhaita¬ble".

Au contraire de l'homme moderne, lesHuichols valorisent la vie dans ses aspectstranscendents et immanents. Le c

immatériel est constitué par les sédimentsde mémoires impersonnelles déposésdepuis l'aube de l'humanité. Les Ancêtres,tels le Feu (Notre Grand-Père), la Mer(Notre Mère) et les premiers animaux,furent des personnes qui sacrifièrent leurc physique pour donner vie aux Hui¬chols, leur permettre d'obtenir le iyari etd'accéder à une vision surnaturelle de leurmonde. Pour le Huichol, il s'agit de suivrel'exemple des créateurs, en méritant la viespirituelle par des sacrifices id'ordre maté¬riel. Les besognes les plus humbles aux¬quelles s'adonne l'indigène ont des corres¬pondances avec ce qui fut à l'origine de lacréation du monde et qui se reflète dansson microcosme individuel, dans l'essencede chaque plante et de chaque minéral. Leprésent se confond avec son essence éter¬nelle, éliminant tout besoin de se"distraire", puisque, comme le dit l'histo¬rien roumain Mircea Eliade, toute occupa¬

tion pleinement assumée est en soi unefaçon "d'échapper au temps". Ces convic¬tions, d'après lesquelles agissent les Hui¬chols, sont l'essence même de la penséepré-hispanique de l'Amérique et du senti¬ment religieux universel.

L'art huichol s'exprime sous différentesformes : la première est sacrée, mystique,transcendentale et collective. C'est un art

religieux "capable de susciter, et non seule¬ment de décrire, un vécu spirituel". Et seulsles initiés chamaniques ou "ceux qui chan¬tent", appelés maraacate (maraacame, ausingulier), connaissent les formes exactesde cet art ainsi que sa signification précise.

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PAGES COULEUR

La création du monde huichol

Les reproductions en couleur des trois pages suivantes montrentsix tableaux en étamine de laine dus à deux artistes huichols tout

à fait remarquables, José Benítez Sánchez et Tutukila Carillo.Eux-mêmes racontent et commentent le mythe qui anime etpeuple leur Voici des extraits de leur commentaire dans latranscription qui en a été faite par Juan Negrin (voir aussi notrecouverture).

Page de droite

En haut : Les entrailles du monde, par José Benítez Sánchez. "Icion voit le monde... il est né d'une femme. Tatéi Yurianaca,

c'est son nom est Notre Mère la Terre Féconde. C'est Notre

Grand Frère le Gentil Cerf du Soleil qui l'a fécondée. Dans lemonde primordial et obscur de Huatetüapa, la Terre vivait sousl'aspect d'une femme. Là-bas Cauyumarie lui demanda si ellevoulait devenir un monde immense. Et il s'expliqua ainsi : 'Tuposséderas quelques-uns des dieux importants et tu seras unmonde grand. Yurianaca accepta. Alors Cauyumarie se faisanttout petit, s'introduisit dans le ventre de Yurianaca. Celle-ci resta

enceinte, puis elle commença à s'élargir pour faire place en elle'aux fruits et â la nourriture. Ainsi naquit le monde, c'est-à-dire laTerre. Dans les entrailles de Yurianaca, on voit Cauyumarie quiporte une tête de cerf et un corps humain. Au centre de lamatrice, il a semé de tout ce dont le Huichol pouvait se nourriravant de connaître l'agriculture... A tout cela, Cauyumarie ajoutale "kawi", un ver comestible et l'iguane. Derrière lui, on voit lepanier dans lequel il avait rapporté tous ces produits du mondeprimordial. Cauyumarie dans son ouvrage était assisté de sesalliés : Tatehuari, le Maître du Feu (à gauche) dut prendre encharge le Cerf Bleu, l'ancêtre des cerfs, dont le sang nourritl'âme des dieux. Tatehuari chemine dessus les fleurs tout comme

Tahueviécame, Notre Père le Soleil (sur la droite). En bas, Pariyaannonce la venue de l'aube au désert de Huiricuta, le pays dupeyote. Le monde est entouré d'eau et la vie de l'eau est

symbolisée par quatre aigles nés de l'écume de la mer, les aiglesqui veillent aux quatre points cardinaux."

Photo © P. Lloyd Baher, Oregon

En bas : Après leur mort les esprits des dieux se retrouvent auHuiricuta, par José Benítez Sánchez. "Nos ancêtres sont mortsdans leur chair, mais en esprit ils restent vivants. Chaque annéeleurs esprits se retrouvent pour rendre visite â leur chef. NotreGrand Frère Cauyumarie. Même une fois qu'ils ont dépouillé leurcorps, leur matrice demeure dans le désert sacré de Huiricutapour qu'ils puissent s'y rassembler au terme de l'année. Leurceur, leur âme, le pouls qui battait â leurs poignets sont réunissur l'autel de pierre de Parietsié (en bas au centre) ; c'est là que,pour la première fois, la lumière s'est faite à la surface de laterre. On y voit Tatéi Yurianaca, Notre Mère la Terre Humide, etTatéi Huerica Huimari, Notre Mère la Jeune Aigle qui est l'espritdu ciel, perchée sur la tête de Yurianaca au-dessus d'un autel deroche... Notre Grand Frère Cauyumarie a figure de cerf, et laplante qui est sur son dos, c'est Notre Mère Maïs. A droite del'autel, Tatehuari, l'Esprit du Feu, lance ses flammes autour deCauyumarie. En bas à gauche. Notre Père le Soleil lance des"flèches" rouges...

Pages centrales

En haut à gauche : Kieri Ahuatusa prend place parmi les espritsdes ancêtres, par Tutukila Carrillo. "Tous les esprits des dieux seréunissent à Teacata et préparent une célébration pour conférerau grand Andouiller Blanc la qualité d'esprit divin. En signe deses attributs il a reçu la Flèche votive, le plus grand symbole etinstrument du pouvoir. La flèche est ornée d'un arc, de petiteschaussures et d'une natte sur laquelle son esprit pourrademeurer. Elle est placée au pied de son corps de plante. Ensacrifice, on lui offre un taureau dont le sang nourrira son esprit.En l'honneur du taureau, l'encens brûle dans un petit réchaud deterre. Notre Bisaïeule, Déesse de la Croissance et notre Grand

Père le Feu dédient des cierges à l'esprit de Kieri. Tsitsika Temaitransmet les félicitations de tous les autres dieux. Xaye, leserpent â sonnettes exprime sa gratitude aux esprits pour avoirreçu la garde de Kieri ; quant à Ahuatsay, le pic-vert à crêtebleue, il avertira l'esprit de Kieri si quelqu'un s'approche ; et laLune et le Soleil lui offrent chacun leur "nierika" afin qu'il puisserester en contact avec leurs esprits. C'est ainsi que KieriAhuatusa a pris place parmi les esprits-ancêtres.

En haut à droite : Nos ancêtres les dieux goûtent au Peyote, parJosé Benítez Sánchez. "Ici l'on voit nos grands ancêtres : NotreGrand Frère le Cerf, Notre Grand-Père le Feu et Notre Père le

Soleil, Tahueviécame. C'est ainsi qu'ils se sont vus quand ils ontmangé le peyote, ce cactus qui est leur proprec Ils ont touspris la même quantité de peyote (représenté sous forme de troistonneaux qui poussent des racines vers la droite). Sous l'effet dupeyote Cauyumarie s'est vu transformé en cerf (en haut àgauche). Alors il s'est retourné et, sur sa queue, il a vu un visagehumain ; il s'est mis â lui parler. Notre Grand-Père le Feu (en basau centre) est celui qui a senti le plus les effets du peyote : ils'est vu ramper comme un serpent dont la queue devenaitcendres d'où naissaient des fleurs. Notre Père le Soleil a pris laforme d'un lion de la montagne alors qu'il n'avait pas fini demanger son peyote. Il a eu l'impression qu'il se balançaitdangereusement sur un arbre et que l'arbre allait tomber.

En bas à gauche : Après l'inondation, par Tutukila Carrillo. "A lafin du déluge, nos ancêtres retrouvèrent la terre ferme àXapaviyemita. Dans la pirogue (en haut à droite) ont pris placeHuatácame avec sa pagaie, Tacutsi, Notre Bisaïeule et Mère de laCroissance, avec son bâton et la petite chienne noire deHuatácame qui incarne Tatéi Yurianaca, Notre Mère la TerreHumide ; elles ont la calebasse, le maïs et les grains qu'elles ontsauvés du désastre. En signe de consécration du lieu, ellesabondonnent une flèche et une "nierika". Tacutsi entreprend derechercher Nierika Mamna. On la retrouve presque là où onl'avait laissée, â Kiehuimuta. Voici, réunis devant la Nierika,

Tacutsi avec son bâton (â gauche) et Tatehuari, Dieu du Feu,assis sur son siège sacré, tandis que Tamatsi Cauyumarie, NptreGrand Frère le Cerf et Tamatsi Huaxacuaxi, Notre Grand Frère

Queue de Cerf se montrent de part et d'autre d'une grandeflèche. En quête de son être spirituel, Tamatsi Cauyumarie saisitson arc et ses flèches (â gauche sous la pirogue) ; il part â lachasse au peyote, car le peyote, c'est aussi lui-même sousl'apparence d'un cerf. Teacata ainsi que Tuapuri Tacutsi,Tatehuari et Tamatsi Cauyumarie (en bas et à droite) ont établileurs maisons-divines et mis en place leurs flèches sacrées. Acôté de la maison qui est tout à fait en bas, le peyote sort d'unpot vers les ancêtres qui célèbrent la fête de Hikuri. TatéiYurianaca (au centre et en bas), elle, a décidé de revenir â la côte

en compagnie de Huatácame et de sa chienne. Elle emporte unemarmite et une calebasse votive emplies de toutes les grainesnécessaires à la nouvelle croissance.

En bas à droite : La création du sel, par José Benítez Sánchez."Tacutsi Nacahué, mère des dieux, se rendit au bord de la mer où

elle s'apprêta à mourir. Elle se défit de ses os (en haut â gauche)et elle les écrasa avec une pierre ; il devinrent du sel mêlé à de laterre. Puis elle broya ses dents avec ses mâchoires et ilsdevinrent du sel pur qu'elle dispersa dans la mer. Huatácame (àgauche) contemple avec étonnement le changement de ses os etde ses dents en sel. Quand Tacutsi, déployant ses ailes noires, semit â la mer (en bas â gauche), surgit une grande vague au largede la côte (la ligne bleue ondulée qu'on voit au centre). Ainsinaquit Tamatsi Maxayuavi, Notre Grand Frère le Cerf Bleu."

Photos © Juan Negrin, Guadalajara, México

La vision "merveilleuse"

des peintres haïtienspage 22

Dans une véritable explosion de formes et de couleurs, les artisteshaïtiens contemporains gardent bien vivantes les traditions de leurpeuple. On les appelle parfois mais c'est peut-être â tort pein¬tres naïfs ou primitifs. En réalité, ces artistes montrent le "merveil¬leux", c'est-à-dire, selon l'écrivain haïtien Jacques Stephen Alexis,"l'imagerie dans laquelle un peuple enveloppe son expérience,reflète sa conception du monde et de la vie". Voici deux exemplesde leur génie particulier : L'Ile Oiseau de Jasmin Joseph (né en1923), et en dessous. Le Paradis terrestre de Wilson Bigaud (né en1931).

Photos Warren E. Leon Jr. © Ed. Delroisse, Paris. Coll. Musée d'Art haitien

du Collège St-Pierre, Port-au-Prince

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SUITE DE LA PAGE 17

Pourtant, le maraacame ne vit pas dansl'isolement ; sa grande famille et les servi¬ces qu'il rend à la communauté sont sa rai¬son d'être. Cet art religieux peut être consi¬déré comme la manifestation d'un effort

collectif dirigé et placé sous les auspicesdes maraacate. On se réunit dans un centre

cérémonial (Tukipa). Pour se retrouver, descentaines de Huichols, venant de leurs ran¬chos (maisons rurales très isolées), doiventaffronter souvent plus d'une journée demarche pénible. Tous viennent participer àun drame surnaturel, dont le but est de

recréer une ambiance propice à régénérerla vie du monde. A la façon des dieux, ilsdoivent rétablir l'harmonie entre l'Eau (Nos

Mères de la Mer, de la Pluie, du Ciel et de laTerre), le Feu (Notre Grand-Père), le Soleil(Notre Père Créateur), le Vent et le Cerf

(Nos Frères Aînés). Pendant des jours etdes nuits, ils s'adonnent avec ferveur à uneinvocation rituelle des Ancêtres, dansant,

jeûnant, veillant au rythme de la musiqueensorcelante. Et les Ancêtres, réjouis parles efforts de leurs descendants humains

renouvellent les forces de leur iyari et rafraî¬chissent leur âme (cupuri) en leur donnantla rosée. Ainsi communient dans le Huichol

l'esprit immanent reçu des Ancêtres avecl'esprit latent commun à tous hommes,ainsi se crée une correspondance entre lemacrocosme et le microcosme qui se sou¬tiennent mutuellement, l'éternel fécondant

le présent.

Tous, des enfants aux anciens, prennentune part active à cette union de l'humainavec le divin. Chacun transmet ses forces

et son enthousiasme aux autres pour sou¬tenir l'extraordinaire mission du maraa¬

came qui chante pour tout le peuple. A lafête des Ancêtres succède le festin des

hommes qui ont approché les dieux par lefeu, la pénitence et leur représentationspontanée. Alors les familles qui vivent iso¬lées les unes des autres entrent en commu¬

nion tribale.

C'est toute la vie de la famille qui sereflète et prend valeur d'exemple danscette création d'un temps et d'un espacemagiques, lors des rites accomplis au cen¬tre cérémoniel. La fête est l'apogée drama¬tique du cycle des travaux quotidiens de laculture du Maïs (Notre Mère). La danse de

"Notre Mère" est un moment significatif dela cérémonie : il faut qu'Elle souffre qu'onLa mange.

Ainsi s'exprime le sens écologique duHuichol : "Tout se sacrifie pour nous : leMaïs nous donne ses filles, le Cerf ses por¬tées, le Soleil ses flèches et la Mer ses filles,serpents à plumes, nuages d'eau". Voilà

Deux objets rituels, représentationsmystiques de Tatéi Nuarihuame,Notre Mère Messagère de la Pluie,symbolisée dans la couleuvre d'eau.En haut, une pierre taillée figure unecouleuvre enroulée. C'est la pierre del'autel où le serpent d'eau gardel'oratoire dédié à Tatéi Nuarihuame.

En bas, une planche de bois et sadécoration de brins de laine collés à

la "cire de campeche". Les dessinsmontrent les traits salutaires de Tatéi

Nuarihuame, en particulier pour lafécondité de la femme et l'abondance

du maïs. Ce genre d'objets est àl'origine des "tableaux de laine" queles artistes huichols contemporainsont rendus célèbres.

qui fonde les coutumes où chaque familles'oublie jour après jour. Les tâches et lesresponsabilités sont réparties. Toute vie està l'imitation de l'ordre divin. Dès l'âge dequatre ans, les enfants s'occupent des pluspetits, partageant la responsabilité desparents. De leur côté, les grands-parentstransmettent aux jeunes la profondesagesse que donnent les années.

L'enfant Huichol grandit avec un senti¬ment religieux de la vie qui lui révélera peuà peu la signification des mystères quil'entourent. Les anciens lui racontent les

mythes où se mêlent leurs expériences per¬sonnelles. Il apprend que tout est vie dansson environnement, que tout le relie à laréalité transcendante cachée en chaquephénomène, que les plantes, les personneset les animaux peuvent subir des transmu¬tations, changer de nom, se dématérialiser.La glace se fond en eau pour maintenir lamer qui devient écume, puis rosée. Le pèle¬rin à l'esprit frivole se transforme en rocher,en pic, preuve éternelle d'un misérableorgueil.

On lui enseigne aussi à traduire les textessacrés au moyen de broderies, de tissages,en apprenant à tailler la pierre et à confec¬tionner des tablettes de cire où les figuressont formées avec des graines et des brinsde laine.

Les niveaux d'expression de l'artiste hui¬chol varient selon sa compréhension et savision personnelle des mythes, ce qui exigequ'il s'identifie avec le contenu intérieur dece qu'il voit, ne considérant rien commeétant une chose en soi. Ainsi, on dit que lemaraacame, qui possède la connaissance,perçoit la terre qu'il foule comme étant unepersonne et qu'il peut donc s'entreteniravec notre Mère la Terre. Dans la relation

avec l'autre, il recherche le c à c

C'est la possession du c spirituel ouiyari qui rend cette vision possible et, pourl'acquérir, le Huichol doit apprendre à con¬trôler son corps, dominer ses appétits etpurifier son esprit des pensées qui pour¬raient déformer sa vision et entacher sa

conscience. Il faut qu'il dépasse sa condi¬tion humaine pour voir avec l'esprit.

Pour obtenir la nierica (image intérieurede toute réalité), le Huichol doit accomplirdes parcours difficiles physiquement aussibien que spirituellement. Il doit marcherparfois jusqu'à 500 km pour trouver uneplante rituelle, le peyote qui est une espècede cactus poussant dans le désert et donton extrait la mescaline au pouvoir halluci¬natoire. Cette longue marche est aussi ¡ni- 1tiatique. Celui qui s'en va chercher le I

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> peyote, le peyotero, doit développer deuxpersonnalités tout au long de son pèleri¬nage.

Une personnalité divine, intérieure, quigrandit à mesure que le pèlerin s'éloigne desa réalité quotidienne, et une autre, exté¬rieure et profane. L'effort physique qui faitmarcher des jours et des jours sans boireavant la tombée de la nuit, passée souventà veiller autour du feu, renvoit les besoinsdu corps à un niveau secondaire, excitantl'esprit à se manifester pour supplanterl'énergie corporelle. Alors la force inté¬rieure de Yiyari s'ébranle, détruisant lesfaçades extérieures de l'être, faisant renaî¬tre le pèlerin, avec un nom nouveau enaccord avec sa nouvelle personnalité, ainsipurifiée et consacrée. Marchant sur les tra¬

ces des Ancêtres, le peyotero découvreaussi leurs véritables noms.

Le peyotero sait que le peyote contientl'«sprit du Gentil Cerf du Soleil, Tamatsi

Cauyumarie (Notre Frère Aîné) qui lui adonné naissance en s'immolant pour fairele bonheur du pèlerin. Par cette commu¬nion spirituelle, le peyotero, dans un trans¬port extatique, entre en contact direct avecles dieux, puisque "Notre Frère Aîné" lesreprésente tous. Du fond de lui-même, leGentil Cerf invisible s'adresse au pèlerin, illui tient le langage des dieux, lui découvreleurs visages mouvants et laisse gravé dansson iyari un peu de sa mémoire. Cepen¬dant, cette approche des dieux, del'essence spirituelle de l'être nécessitel'effort de toute une vie.

Après des semaines ou des moisd'absence, le peyotero reviendra auprèsdes siens pour les rites sacrés. Tout au longde son voyage, il se sera enrichi d'un nou¬veau langage, qu'il s'est efforcé de créerpour être en accord avec sa nouvelle vision.A moins de chercher à comprendre tout cequ'il y a de mystique et de poétique dans le

complexe rituel huichol, nous ne verronsque l'esprit extérieur de cette culture si pro¬fonde et son expression artistique originalenous échappera.

L'art huichol, lorsqu'il est authentique,tient dans la vie de l'indigène une placebien plus importante que celle que nous-mêmes accordons généralement a l'art. Enparlant de l'art pré-hispanique, Paul Wes-theim a fait des observations qui s'appli¬quent directement à l'art huichol : "On nereproduit pas la réalité, on crée une réalité :celle de la pensée magique. Le regard del'artiste ne suffit pas ; pour rendre le sensmythique et caché du phénomène, il fautsa vision". "Le réalisme moderne cherche à

reproduire ce qui est visible ; le but du réa¬lisme centro-américain, c'est de rendre visi¬ble l'invisible". Celui qui, dans cet art, veutdevenir un créateur doit baigner dans lavision mythique, afin de pouvoir représen¬ter une réalité invisible et magique. Magi-

Dans les rites et les fêtes

huichols, les rythmeshypnotisants de la danse etde la musique jouent unrôle important. En haut, unenfant frappe un tambourtrípode (tepo en huichol) aucours de la cérémonie des

prémices. Lors de cettecérémonie, les enfants

s'adressent au soleil pourqu'il mûrisse les récoltes,sonnaillant et jouant dutambour pendant toute unejournée. Ainsi les enfantsHuichols font-ils un voyageimaginaire au pays desancêtres sacrés. En bas,une scène de marché.

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que, car la création de l'homme doit pou¬voir attirer et abriter aussi bien l'énergie spi¬rituelle de l'homme que celle des dieux qu'ilreprésente.

L'artisanat huichol est le plus souventproduit par un Huichol qui a abandonné lecoamil*, s'est déraciné de sa communautéet vit en milieu urbain. Il craint la colère des

Ancêtres qu'il ne veut pas "connaître", nipar l'intermédiaire des sacrifices tradition¬nels, ni par la magie invocatrice des repré¬sentations idéographiques. Il est évidentque l'artisan qui fabrique des objets desti¬nés à la vente ne le fait pas sous une inspi¬ration "divine", ni pour accomplir uneprière. En plus de la "déculturisation" dontsouffre ce Huichol déraciné, sa vie s'inscritdans un système qui l'exploite. Pour le pro¬duit "décoratif" de l'indigène, les ache-

* Terrain situé sur le flanc des montagnes où l'on plantele maïs à l'aide d'un bâton, le "coa".

teurs ne montrent qu'un intérêt pécunier.D'ailleurs le prix de ces objets artisanauxest si bas, que les intermédiaires ne s'y inté¬ressent pratiquement pas. Dans cetéchange où l'on méprise son travail, l'arti¬san professionnel ne trouvera, et c'est tris¬tement normal, ni une satisfaction person¬nelle, ni l'envie de créer.

Certains artisans se consacrent néan¬

moins à une tâche plus importante. Ilss'efforcent de revendiquer leur identitéeffacée par l'anonymat et de récupérer leursensibilité première, trop souvent sacrifiéeà la nécessité de produire en grande quan¬tité pour pouvoir survivre.

Quant à l'art huichol lui-même, il obéit,comme tout grand art, à la nécessité queson créateur ressent, de communiquer unmessage important qui bouleverse soncAur empli de foi, de douleur ou de joie.Les nuvres des artistes huichols (voir

pages couleur) sont précisément des ges

tes de communication, des témoignages devibrantes visions et de symboles disposéspour cristalliser une idée, un importantmessage. Les dons artistiques de leursauteurs, José Benitez Sánchez, TutukilaCarrillo, Juan Ríos Martínez et GuadalupeGonzález Ríos, sont profondément liés àleur éducation, à la formation magico-religieuse assimilée avec ferveur dans leurjeunesse. Après avoir vécu et travailléparmi les gens "civilisés", ces artistes sontrevenus à la culture ancestrale, renouant,par l'accomplissement du vvu traditionnel,des liens qui s'étaient affaiblis.

Leurs tableaux sont constitués par uneplanche de bois, recouverte d'une fine cou¬che de cire collante (cire de Campeche)produite, selon les Huichols, par une guêpedépourvue d'aiguillon. Cette cire est appli¬quée sur le bois avec la main, après qu'onl'ait fait chauffer au soleil pour la rendre imalléable. Il arrive que l'artiste trace le con- 1

Son panier sur le dos ily a placé de menuesprovisions et ses objetsrituels le peyotero, oupèlerin huichol, part à lachasse au peyote. Elle lemènera jusqu'à 500 km dechez lui par les sentiersde la Sierra Madre et le

désert de San Luis de

Potosí. Du lever au

coucher du soleil, ils vont

par petits groupes d'unedizaine d'hommes,

silencieux et recueillis,

supportant milleprivations et sacrifices,sous la direction d'un

prêtre, le chaman. Dansl'Amérique indigène, levoyage mystique dupeyote reste une

manifestation religieusetrès complexe et tout àfait surprenante.

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\Photo © Juan Negrfn, Guadalajara, Mexico

tour des figures dans la cire. Ensuite, avecle pouce, il dispose, sur la cire, des brins delaine, aux couleurs avivées par de l'aniline,et de préférence il les pose brin par brin.D'un point de vue symbolique, le tableauest un ¡tari, c'est-à-dire un lit sur lequel lesdieux ancestraux viendront se reposer,mais c'est aussi un champ prêt à recevoirles semences du maïs, du haricot, de lacalebasse et de l'amarante, (huaute). Pourdélimiter cet espace, on commence parétablir les marges du tableau, en consti¬tuant un cadre avec trois couleurs contras¬

tantes qui vont déterminer le choix desautres teintes. On forme ensuite le contour

des figures et enfin une ou plusieurs cou¬leurs viennent faire le fond du tableau.

Ces "tableaux de laine" ne sont apparussur le marché qu'en 1951, du jour où le pro¬fesseur Alfonso Soto Soria les a exposésdans la ville mexicaine de Guadalajara.D'origine préhispanique, utilisés à des finsreligieuses, ils servent encore aujourd'huipour dédier des ex-voto aux Ancêtres. Lacire elle-même, avant de servir de supportaux décorations faites en brins de laine ou à

l'aide de billes de verre était utilisée pourcoller des figurines en bas-reliefs à l'inté¬rieur de calebasses découpées ou de mor¬ceaux de bois de forme plus ou moins cir¬culaire ; sur la cire, on collait -encore desgraines de coton ou des fibres d'agave.

Pour l'artiste huichol en général et parti¬culièrement dans le cas de José Benitez, lacréation est le seul moyen efficace de com

bler le profond fossé qui sépare sa culturesubconsciente et spirituelle de la culturequ'il a acquise dans la civilisation mexicainemoderne. Pour lui, l'expression idéographi¬que de sa culture représente un moyen dedéfendre la pensée indigène qui donne unsens à- sa vie personnelle. En tant queporte-parole de sa culture, l'artiste huichol

s'identifie avec les personnages mythiquesqui participent au drame de ses tableaux.Sa lutte intérieure s'extériorise dans les

figures de ses "planches", riches de mou¬vements, de magnétisme et de polarisa¬tion, liées entre elles par une tension quasi-musculaire.

En tout cas, l'expression de l'artiste hui¬chol est profondément personnelle ; elledécoule d'expériences qui ont marqué soncvur et sa mémoire. Un tableau de José

Benitez ou de Guadalupe Gonzalez, parexemple, est profondément remanié aprèsun pèlerinage. Les sujets sont en rapportavec les travaux et les changements de sai¬son (la récolte, la rosée, le temps despluies), ou bien ils font allusion à des évé¬nements intimes comme un rêve inquié¬tant, la naissance ou la mort d'un enfant,etc. De même que l'expérience qui boule¬verse l'être intime ne se répète pas, chaqueluvre est unique.

Les tableaux témoignent de ce quel'artiste arrive à voir à travers sa nierica, sonmiroir intérieur poli par l'expériencesacrée ; les formes surgissent de Yiyari, cec qui est, selon la tradition aztèque, un

"livre de peintures". Et le plus grand mal¬heur pour le Huichol, serait de "perdreYiyari", qui lui permet d'entrer en contactavec la vaste mémoire génétique amonce¬lée dans Nos Ancêtres, qui sont la naturemême.

Cette forme d'art est née de la rencontre

d'un ancien artisanat local avec le génieparticulier de quelques Huichols accultu-rés, mais aussi profondément engagés àperpétuer les traditions ancestrales.

Pour nous, cet art est un excellentmoyen d'entrer en contact avec la culturehuichole, un intermédiaire visuel qui nousparle à travers le dénominateur commun dela beauté. L'artiste Huichol arrive à nous

transmettre sa vision subjective que nousressentons comme telle, participant à sesvaleurs universelles grâce à la poésie et àl'esthétique visuelle. Il s'agit d'un artmoderne, né de la conscience que l'artistea de son identité et qui essaie de la commu¬niquer à ceux qui ne sont pas de sa race.C'est la raison pour laquelle les artistes ontinsisté pour que nous précisions les"bases" sur lesquelles repose leur élabora¬tion plastique. Leurs sont un appelà la mémoire sacrée qui jaillit du c decelui qui a gardé la parole de l'ancien ou dumaraacame, le tout, marqué du sceau de sapropre expérience. José Benitez déclaraitdans une interview que si ses tableauxétaient exposés comme de simples objetsdécoratifs, ce serait manquer de respect àla mémoire de ses "Pères".

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L'établissement des Huichols dans les

montagnes des Etats de Nayarit et deJalisco est antérieur â l'arrivée des

Aztèques dans le haut bassin de

Mexico, ce qui donne â penser surl'ancienneté de leur culture. Leur race

n'est pas parfaitement homogène,elle rassemble trois tribus différentes

et par la langue et par les originesculturelles. A gauche, trois femmeshuicholes en costumes de fête riches

et très ouvragés. En bas, un jeuneHuichol.

On peut espérer que la beauté de cetteculture authentique ne disparaîtra pas, abî¬mée par un mode de vie imposé de l'exté¬rieur, mais qu'elle pourra suivre son coursdans le respect de son intégrité.

Ne perdons pas de vue les valeurs esthé¬tiques universelles et la profonde philoso¬phie de ces derniers témoins de la com¬plexe vision aborigène de l'Amérique Cen¬trale.

Nous avons vu comment les Huichols quisont venus vivre en ville, dans un systèmede valeurs métisses, sont accablés par lesentiment de leur soi-disant infériorité et

désespérés d'avoir perdu leurs racines.

Nous en avons vus, ravagés par l'alcoo¬lisme, poussés au crime, vivant dans unemisère noire, malades, leur famille déman¬telée.

Lorsque nous parlons d'éduquer l'indi¬gène, il ne faut pas oublier qu'il a déjà reçuune éducation en accord avec un milieu

dont il connaît à fond la profondeur desrites et des traditions orales.

Ce que nous devons offrir aux Huichols,comme à tant d'autres groupes indigènesde notre monde, c'est une éducation "bi-

culturelle", et donnée en partie par les"sages" formés dans leurs propres tradi¬tions.

Juan Negrin

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Préfète Duffaut (né en 1923) est un maître de la peinture haïtienne dite "naïve" oupopulaire. Dans ce Port ou Ville imaginaire, il fait éclater encore une fois toute lapuissance de son imagination. Sa fantaisie très libre et féconde enracine profondémentcet art dans l'âme haïtienne.

La culture haïtienne :

un long rêve musicien

par René Depestre

RENE DEPESTRE, poète, essayiste et écrivainhaïtien, est l'auteur de nombreux recueils de

poèmes, récits et essais, comme Un arc-en-cielpour l'Occident Chrétien ef Poète à Cuba ; Allé¬luia pour une femme-jardin et Le Mât de coca¬gne, lia enseigné à l'Université de la Havane et àl'Université de West-Indies (Mona, Jamaïque). Ila collaboré à deux Luvres collectives de

l'Unesco : Africa en America Latina (l'Afrique enAmérique latine) et America Latina en sus ideas(l'Amérique latine à travers ses idées). Il estactuellement consultant a ¡'Unesco.

"Il y a plus de choses au ciel et sur la terre,Horatio, que n'en rêve ta philosophie."

Shakespeare

"L'homme aime le merveilleux; moi-mêmeje me surprends à tout moment sur le pointde m'y livrer."

Diderot

SI l'on entend par merveilleux tout cequi dans la vie s'éloigne de l'ordrenaturel et ordinaire des faits et des

idées, il y a peu de pays au monde qui,dans cette voie du rêve, aient avancé avecautant d'audace et de grâce qu'Haïti. Lesens du merveilleux, dans le foisonnementde ses manifestations, est l'une des com¬posantes historiques de la conscience et dela sensibilité des Haïtiens. Il y a une manière

propre à notre peuple de concevoir les rap¬ports de l'esprit à l'imaginaire. En Haïti,même le sommeil des arbres et des pierresdevient, dans l'imagination des êtresvivants, tantôt un long rêve musicien, tan¬tôt la politesse hallucinée de quelque divi¬nité du soir. On écoute la parole des dieuxdans les prodiges du soleil et de la pluie ; ilsparlent aussi dans les coquillages, les pois¬sons des rivières, les ailes des colibris et des

papillons. Les éléments telluriques etsociaux de l'univers haïtien ont été, enréponse à l'âpre problématique de l'escla¬vage, dilatés et noués en un système com¬plexe de correspondances et de conniven¬ces symboliques ou mythiques. Par ce pro¬cessus qui tient effectivement du prodige,les contradictions de la réalité coloniale ont

débouché, non seulement sur le vaudouet ses crises de possession, mais aussi sur

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un discours et des conduites oniriques oùle meilleur et le pire de la condition humainese côtoient familièrement quand ils nes'entrechoquent pas avec une insolite vio¬lence.

En quoi consiste ce réel merveilleuxd'Haïti ?

Il comporte des courants qui s'interpéné¬trent et se recoupent entre eux dans le

naturel et le surnaturel, dans le picaresque,l'erotique, l'ineffable, l'absurde, le burles¬que, le magique et le féerique. Sonempreinte a marqué organiquement la reli¬gion et les mystères politiques de lasociété, les aventures orales du folklore et

la littérature écrite en français ou en haïtien(créole), les enchantements de l'amour etde la danse, la musique, et, avec une ma¬gnificence stellaire, les arts plastiques.

Un matin de décembre 1492, ChristopheColomb, ébloui par la baie, les montagneset le ciel également bleus du pays qu'il avaitsous les yeux, s'exclama : Es una mara¬villa I (C'est une merveille !) Ce jour-là, cecri de fascination, en même temps qu'ilannexait une île-perle de plus à la couronned'Espagne, ouvrait des horizons haïtiens àl'histoire universelle du fantastique : leshabitants autochtones d'Haïti, les Ara-waks, devenaient, à leur insu, "par lesvoies mystérieuses de la providence", desIndiens d'Hispaniola ! Sur la lancée de lamême magie sémantique, dans les décen¬nies suivantes, l'Europe allait quadriller fol¬lement le "Nouveau monde". La colonisa¬

tion "imagina" les nègres avec les Ibos,Bambaras, Ouolofs, Peuls, Mandingues, Ara¬das et autres peuples d'Afrique qu'ondépouilla littéralement de leur identité.D'une façon non moins fabuleuse, mais,cette fois, dans le sens d'une promotion del'être, on "façonna" les blancs avec les eth¬nies espagnole, anglaise, française, portu¬gaise, hollandaise, qui se partageaient lesAmériques (autre dénomination magique¬ment générique I) Par la suite, outre lesindiens, nègres, blancs, déjà inventés, desmulâtres, métis, quarterons, octavons,griffes, sacatras, à la faveur du sang eneffervescence sur ces terres, vinrent à leurtour structurer, dans le malheur et la fantai¬sie, un spectre de conflits et de coloris àcouper le souffle à l'arc-en-ciel lui-même !

Dès lors il sera impossible de dissocierl'aventure historique d'Haïti d'une sorte desurréalisme populaire et baroque qui semanifeste avec une égale exubérance dansla trame des événements collectifs comme

dans l'écheveau individuel des destinées.

De 1492 à 1697, c'est-à-dire jusqu'aumoment où par le traité de Ryswick, lesempires espagnol et français parvinrent àun modus vivendi dans l'île d'Hispaniola,désormais divisée en deux colonies distinc¬

tes, des milliers de légendes seront pêle-mêle tissées avec les abordages des corsai¬res, les histoires rocambolesques de flibus¬tiers et de boucaniers, les contes stupé¬fiants touchant la résistance et le génocidedes tribus indiennes de la Caraïbe. Ces

furieuses féeries étaient articulées aux réali¬

tés des exploits éconpmiques que la terreurpermettait de remporter dans les planta¬tions et les ateliers d'esclaves. La prospé¬

rité légendaire de Saint-Domingue char¬geait les galions d'or, d'indigo, de perles,de pierreries, d'épices, de coton, de café.

Voici comment Jean René Chéry, autre peintre haïtien contemporainvoit le Débarquement de Christophe Colomb en Haïti. "Quellemerveille !" s'écrie le navigateur découvrant la nature généreuse de laCaraïbe. L'appel et le charme du merveilleux n'ont pas cessé de retentirdans l'art et la littérature haïtienne.

Photo © Editions Skira, Genève

Le 7 avril 1803 mourait au fort de Joux, dans le Jura français, ToussaintLouverture. Ce glorieux héros de l'indépendance haïtienne avait étéarrêté et déporté en France sur l'ordre de l'Empereur Napoléon. Unartiste anonyme de l'époque a gravé cette image des derniers momentsdu "Napoléon noir".

Photo P. Bastin © Explorer, Paris

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de sucre, dans la marée d'un commerced'êtres humains qui remplit le monde defureurs et de bruits sans précédent.

Dans le temps que dura, dans des condi¬tions toujours hallucinantes, le trafic despièces d'Inde et du bois d'ébène, les prodi¬ges de l'histoire d'Haïti, loin de s'estomperdans la cruelle monotonie du travail forcé,trouvèrent de nouveaux aliments dans la

résistance que les esclaves opposèrent ausort épouvantable qui leur était imposé. LesAfricains et leurs descendants, réduits à

l'état zombifiant de combustible biologi¬que, prirent à leur viscérale insécurité sondynamisme même pour restructurer lesfondements démantelés de leur identité.,

Malgré la pression déculturante d'uneevangelisation armée de fouets, de ferrouge et de racisme, les esclaves parvinrentà transmuer les péripéties de leur détresseen facteurs de créativité.

Au lieu d'assimiler docilement les leçonsde la catéchèse coloniale, ils les syncrétisè-

"Selon moi, toutes ces merveilles quisortent de la tête d'hommes sans culture,

sans technique, sans directive aucune,elles proviennent de leur imagination."Ainsi Philippe-Auguste Salnavecaractérise-t-il la peinture de son pays. Cetartiste haïtien réputé s'est mis à peindre àl'âge de 52 ans. Il est l'auteur du luxuriantJardin d'Eden, dont nous reproduisons ¡ciun détail.

On trouvera en page de droite, unereprésentation du Baron Samedi, due àAndré Pierre, peintre haïtien contemporainqui est, de plus, prêtre du culte vaudou.Le Baron Samedi, dans la mythologievaudou, est le chef des "loas", espritsattachés au culte des morts. A droite, un

adepte du vaudou possédé par un "loa"dessine un "vevé" (passeport magique du"loa") au cours d'une cérémonie. En haut,

un autre "vevé" magique. Le culte vaudouest issu d'une pratique syncrétique où lechristianisme se mêle aux croyancesd'origine africaine. En mettant aux dieuxnoirs des masques blancs, les esclavesnoirs inventèrent un culte de défense et

de combat, dans une structure symboliqueet mythique qui répondait à leurs besoinsaffectifs et socioculturels. Le vaudou est,

en Haïti, analogue à ce qu'est au Brésil lecandomblé, à Cuba, la santería, etc.

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rent avec les systèmes religieux yoruba,fantiashanti, bantou, congo, fon, auxquelsla mémoire et l'imaginaire collectifs prêtè¬rent de nouvelles fonctions liées aux

besoins affectifs et moraux de la plantationaméricaine. Grâce à cette mutation d'iden¬

tité, les mythologies et les traditions dupassé africain acquirent une étonnantemotricité dans de nouvelles règles de vie,dans des modes éminemment originaux desentir, de rêver, de fabuler, de penser etd'agir. Les esclaves surent métamorphoserles schémas contradictoires d'un double et

même d'un triple héritage culturel (tirailléentre l'Afrique, l'Europe et le monde amé¬rindien), en de nouveaux modèles suffi¬samment dynamiques pour instruire dans ladouleur un processus national et fonder lesfacteurs nutritifs de l'haïtianité. A la fin du

18e siècle, le vaudou fut vécu comme un

psychodrame ou un système onirico-psychique de défoulement. Aux jours desluttes pour l'émancipation, les hommes-lumière qui dirigeaient la guerre d'indépen

dance d'Haïti firent du vaudou une force de

contestation et de mobilisation des masses.

La lutte pour l'indépendance commençale 19 août 1791 avec la cérémonie du Bois-

Caïman : dans un décor de roman gothiquedes bandes de nègres marronsd), rassem¬blés sous les ordres de Boukman, confon¬dirent leur volontarisme avec les violences

d'une tempête. Dans la fureur du vent et dela pluie, tout en buvant le sang frais d'unporc, les insurgés prirent à l'éclair sa signa¬ture cosmique pour sceller jusqu'à l'extasele pacte de vivre libres ou de mourir. A par¬tir de cette nuit, l'île vécut à feu et à sangjusqu'à la décisive bataille de Vertieres, (18novembre 1803). La résistance haïtienne à

l'esclavage fut ainsi, dans un espace ensor¬celant d'épopée, un long rêve éveillé où lesmasses opprimées ne reculèrent devantaucune prouesse ni aucun sacrifice pour

(1) N.D.L.R. Nègres rebelles qui abandonnaient lesplantations et se réfugiaient dans les montagnes où ilsorganisaient la résistance à l'esclavage.

réaliser dans l'histoire mondiale la premièrevictoire du mouvement de la décolonisa¬

tion.

Tous les chefs de ce mouvement précur¬seur, tant par les traits surprenants de leurvie que par les circonstances tragiques deleur mort, continuent de frapper l'imagina¬tion des Haïtiens. Le premier en dates'appela Mackandal. Jusqu'au moment oùil fut brûlé vif sur une place du Cap-Français, ce prophète manchot tînt, quatreannées durant, les plantations du Nord del'île dans un climat de terreur et de fascina¬

tion. Longtemps après son supplice du 20janvier 1758 on le reconnût soit dans l'allured'un arbre-qui-marche, soit dans la clair¬voyance d'un animal domestique ou d'unoiseau de proie.

Après Boukman, le nègre géant deséclairs du Bois-Caïman, vint Toussaint

Louverture. Il fut, lui, le grand cadastreurdes tempêtes d'où naquit Haïti. Rien à sesyeux n'avait de pouvoir d'émerveillementen dehors de la liberté générale des escla¬ves de Saint-Domingue. Tout près de réali¬ser cet immense dessein, au faîte de sa

grandeur, il fut sous l'ordre de Napoléon,capturé et conduit en captivité dans lamétropole. Il s'éteignit au Fort de Joux, unpetit matin glacial du Jura et de la nostal¬gie. Dessalines, son successeur inspiré, fitpousser de nouvelles racines à "l'arbrenourricier et musicien" de la liberté quivenait de disparaître, sous les neiges exté¬rieures, avec les visions de Toussaint Lou¬verture. Deux ans seulement après avoirconstitué une nation, il tomba au Pont-

Rouge sous des balles haïtiennes. Ses res¬tes dispersés sur les lieux du parricidefurent recueillis par une vieille folle qui, enpleine nuit, leur donna la sépulture, tout enmarmonnant sur cette Passion des tropi¬

ques, les paroles de son imaginaire auxabois...

Un autre père enchanté de la patrie,Henri Christophe, fit flamber plus hautencore les feux des légendes qui ontjusqu'ici empêché Haïti de mourir de froid.On l'a qualifié de "Pierre le Grand du soleil"parce que, couronné roi, il fit de chaquejour de l'année une des 365 portes de sonpalais de Sans-Souci, et il édifia au sommetd'une montagne une forteresse qu'AndréMalraux a eu raison d'appeler "la citadellesaturnienne, jamais attaquée, jamais habi¬tée que par les zombis de ceux qui l'ontconstruite". En 1942, dans un cinéma dePort-au-Prince, nous eûmes la surprised'entendre Alejo Carpentier méditer pour lapremière fois sur ces ruines hantées, dansune conférence qui était une incandescenterêverie sur leur magnificence désolée. Car¬pentier eut, ce soir-là, les mêmes accentsque Pablo Néruda (2) devant le vertige duMacchu Picchu. Le maître cubain eut litté¬

ralement la révélation du réel merveilleux

américain qui devait dans les années sui¬vantes féconder sa production romanes¬que et singulièrement le chef-d'qu'est Un royaume de ce monde, directe¬ment inspiré de la folle géométrie et dessonges auxquels le roi Christophe eut lagloire de donner réalité. Enfin, le président iAlexandre Pétion que rien de prime abord I

(2) N.D.L.R. Poète et diplomate chilien, prix Nobelde littérature en 1971.

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ne semblait prédestiner à un destin specta¬culaire fut néanmoins catapulté dans lerêve grandiose suivant : l'aide fraternellequ'il accorda à Simon Bolivar en dérouteconduisit ce dernier tout droit vers le triom¬

phe d'Ayacucho (3). Grâce à Pétion, Haïti,traitée souvent comme un méprisableparent pauvre du monde hispano-américain, reste néanmoins le premier paysde l'hémisphère occidental à avoir tournévers ses voisins, dès 1815, le visage vision¬naire de la solidarité des peuples !

Voilà quelques-unes des données histori¬ques de base qui éclairent la genèse du réa¬lisme merveilleux des Haïtiens. Un pays quientra dans l'histoire des Amériques avec desi fantastiques prémices devait voir ces der¬nières se multiplier très tôt dans les pou¬voirs spécifiques de ses lettres et de sesarts. Paradoxalement il n'en fut pas ainsi.Mal éliminée des structures sociales

d'Haïti, l'emprise coloniale put revenir enforce dans les maurs et dans les concep¬tions esthétiques de l'intelligentzia indi¬gène. Ce processus de récurrence desidées reçues dans la servitude congela pourlongtemps le rôle fécondant que le sens dumerveilleux aurait pu, d'emblée, jouer dansla vitalité de notre culture. Nos premierscréateurs du 19e siècle se mirent à parodierdes théories littéraires et des outillages

mentaux complètement opposés aux réali¬tés et aux rêves que la conscience popu¬laire modelait dans les mythes, les fables etles contes d'un romancero oral. La pre¬mière recherche d'une identité artistiquepour Haïti prit corps dans les vuvres poéti¬ques d'Oswald Durand et de Massillon Coi-cou, et dans la prose de Frédéric Marcelin,Justin Lhérisson, Fernand Hibbert,Antoine Innocent, qui commencèrent àvaloriser les condensateurs originaux de lacréativité haïtienne.

Mais il fallut attendre encore une autre

génération, celle de l'Haïti militairementoccupée de 1927, pour voir cet effortencore flou d'identification trouver décidé¬

ment son orient dans les vecteurs rafraî¬

chissants du réalisme merveilleux. Un

ouvrage de Jean Price-Mars, Ainsi parlal'Oncle, donna le signal d'une nouvelleforme de défense et d'illustration de nos

idiosyncrasies et valeurs nationales. Deshommes comme Normil Sylvain, JacquesRoumain, Antonio Vieux, Emile Roumer,Cari Brouard, Léon Laleau, Philippe Thoby-Marcelin, inventèrent de nouvelles maniè¬res d'articuler l'expression littéraire à la sin¬gularité et à la difficulté d'être Haïtien.Dans la belle foulée de ces pionniers se dis

tinguèrent également Jean-F. Brierre, F.Morisseau-Leroy, Roussan Camille, Clé¬ment Magloire Saint-Aude. Une autre flam¬bée de l'imagination amena sur la scèneRené Balance, Paul Laraque, Edris Saint-Amand, Jacques Stephen Alexis, MarieChauvet, Francis J. Roy, Roger Dorsinville,Lucien Lemoine, et d'autres encore, quitant par la poésie que par la fiction narrativemontrèrent "la possibilité d'une intégrationdynamique du merveilleux dans leréalisme." Les mêmes ferments lyriquessont encore à l' étonnamment dans

les inventions de Davertige, AnthonyPhelps, Georges Castera fus, Serge Lega-gneur, Franck Etienne, Jean-Richard Lafo-rest, Emile Ollivier, René Philoctète, etc.

Il y a aussi l'équipe de la nouvelle généra¬tion, qui pousse, réfléchit et rêve les yeuxouverts dans un magazine qui s'appelle Le

est le créateur qui a défini la portée de cettequête d'identité : "Qu'est-ce donc le Mer¬veilleux, dit-il, sinon l'imagerie danslaquelle un peuple enveloppe son expé¬rience, reflète sa conception du monde etde la vie, sa foi, son espérance, sa con¬fiance en l'homme, en une grandejustice..." Elevant ces conceptions à lahauteur d'un manifeste d'école, Alexis

invita les poètes, romanciers, musiciens,peintres de son pays à utiliser le "trésor decontes, de légendes, toute la symboliquemusicale, chorégraphique, plastique, tou¬tes les formes de l'art populaire haïtien,pour aider la nation à résoudre ses problè¬mes et à accomplir les tâches qui sont,devant elle".

Ce sont les peintres d'Haïti qui, jusqu'ici,ont réalisé avec le plus de rigueur etd'éblouissement le programme esthétique

Casimir Laurent (né en 1928) est, parmi les peintres haïtiens dit "primitifs", l'un des plusréputés. Dans son Marché en plein air, c'est toute la foule haïtienne qui foisonne decouleurs et de vie.

(3) N.D.L.R. Bataille qui décida de l'émancipationdes peuples d'Amérique du Sud (1824).

Petit Samedi soir, même quand c'est l'aubequi pointe dans ses pages.

Donc depuis un demi siècle, loin de l'imi¬tation parodique des esthétiques d'impor¬tation, à ses risques et périls, Haïti court lagrande aventure des mystères et des véri¬tés à cheval, dont elle est illuminée du

dedans, de par ses racines historiquesmêmes. Les deux maîtres incontestés de

cette espèce de renaissance restent Jac¬ques Roumain et Jacques Stephen Alexis.Dans Gouverneurs de la rosée comme

dans Compère Général Soleil, et dans lesautres travaux excellents de l'un comme de

l'autre, à travers les somptueuses allégoriesde la lutte pour une vie meilleure en Haïti, lesonge et le réel parviennent toujours àfusionner merveilleusement les données

quotidiennes de la tendresse et de labeauté. Jacques Stephen Alexis, ayant édi¬fié son sous la dictée onirique d'unoncle légendaire, "Le Vieux Vent Caraïbe",

qui remonte à Roumain et à Alexis. Dansune frénésie de formes et de couleurs ils

ont amené la conscience haïtienne au cen¬

tre le plus incandescent de son identité. Lesouhait exprimé un jour par l'architecte haï¬tien Albert Mangonèse a été comblé : lesens extraordinaire du rythme qu'ont lesHaïtiens est parvenu à se métamorphoserdans la peinture.

Un jour de fin 1943, notre professeurd'anglais au lycée Pétion, un nord-américain d'origine hollandaise, DeWittPeters fit ses adieux à notre classe : il aban¬

donnait l'enseignement pour fonder unCentre d'Art à Port-au-Prince. Son projet,qui paraissait alors un peu extravagant, pritcorps le 14 mai 1944, dans "la premièreexposition de peinture haïtienne jamaisorganisée". Le réalisme merveilleux avaitenfin trouvé son langage et son souffleplastiques. Des imaginations éminemmentpopulaires, rompues aux vicissitudes et aux

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mutations de l'onirisme objectif d'Haïti, semirent à transformer, dans des espacesradieux de couleurs et de formes vierges, lebuisson épineux des humbles contes quienchantent la petite enfance des Haïtiens.

Faisant admirablement fi des courants et

des rhétoriques d'académie, ils donnèrent,dans la justice incantatoire de leurs toiles,la dimension d'un événement artistiquemondial à la goutte de rosée qui trembledepuis des siècles avec la douloureusefeuille haïtienne. Citer ¡ci tous les artistes de

ce mouvement, pas si naïf qu'il n'en a l'air,reviendrait à ouvrir un index de noms pro¬pres où "étincellent les feux de la premièreaurore du monde". Il reste l'unique res¬source de semer en vrac les noms de cette

foule de maîtres : Hector Hyppolite, Phi-lomé et Sénèque Obin, Rigaud Benoit,Castera Bazile, Wilson Bigaud, EnguerrandGourgue, Louverture Poisson, Préfète Duf-faut, Micius Stéphane, André Pierre, Phi¬lippe Auguste, Saint-Brice, JasminJoseph, Dieudonné Cédor, AntonioJoseph, Luckner Lazare, Luce Turnier,Max Pinchinat, J. Chéry, Bernard Wa,Davertige, Léontus, Roland Dorcély,Minium Cayemitte, et tant d'autres, dont"les mains éblouies" aident à faire poindreen Haïti un nouveau jour de la création...

Il a été peut-être accordé aux créateursde notre pays, singulièrement à ses pein¬tres naïfs comme cela arrive dans cha¬

que civilisation d'exprimer avec grâce etintégrité tout ce qui, à travers l'archipel hal¬luciné des Caraïbes, du végétal au minéral,de l'animal jusqu'aux rêves les plus secretsdes sociétés, cherche, pour les relationshumaines, dans la candeur et le ravisse¬

ment des yeux et du céur, un état perma¬nent de poésie et de dignité.

René Depestre

Photo © Seiden Rodman, 1948

En haut et au centre, ce Paysage et cetteVision vaudou de Préfète Duffaut

appartiennent aussi à la magnifique sériedes Villes imaginaires, où le peintre s'estinspiré de son pays natal, la petite ville deJacmel. En bas, le Bal à Port-au-Prince

est peint par Rigaud Benoit (né en 1911),artiste remarquable par sa minutie et songoût du détail.

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On travaille

à restaurer

"Sans-Souci"Le premier janvier 1804, Haïti proclamaitson indépendance et devenait la premièreRépublique noire. Dans le courant de lamême année, le Général Henry Christophe(1767-1820) entreprenait sur le Pic deLaferrière, à 28 km au sud-est du Caphaïtien, la construction d'une citadelle

pour une forte garnison et d'importantesfortifications destinées à protéger laliberté toute neuve. Sept ans plus tard,Christophe, devenu "le Roi Christophe",faisait édifier le Palais de Sans-Souci.

Cette demeure imposante auxmagnifiques jardins suspendus, devaitabriter la famille du monarque et lesbureaux de l'administration. Christophedevait s'y donner la mort en 1820 à la suited'une insurrection. Le Château fut alors

pillé, la Citadelle abandonnée. Un peu plusde 20 ans plus tard, en 1842, untremblement de terre devait détruire une

partie du château et endommager laCitadelle. Depuis 1977, les autoritéshaïtiennes ont décidé de restaurer la

Citadelle et le Palais de Sans-Souci (pour

l'aménager en musée), et de créer un ParcNational Historique. L'Unesco participe àla sauvegarde du patrimoine historique enoctroyant des bourses destinées â deschercheurs qualifiés pour étudier l'étatinitial des monuments â restaurer. De

plus, l'Unesco a envoyé sur place desspécialistes de la conservation de la pierreet de l'architecture. Ainsi reprendront viedans un site enchanteur une forteresse

moyennâgeuse et un palais merveilleux.

Nos illustrations :

Sans-Souci, demeure préférée du RoiChristophe, est construit en pleinevégétation dans un cirque montagneux,non loin de la Citadelle Laferrière. Les huit

hectares du domaine sont multipliés parun ensemble complexe de jardinssuspendus. Jets d'eau et fontaines étaientalimentés par un remarquable systèmehydraulique. (Photo 1)

Photo Unesco

Le bâtiment principal du Palais deSans-Souci dans son état actuel. Cette

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construction de 51 x 25 m. entre dans un

plan architectural nettement baroque,mais admirablement équilibré. (Photo2)Photo © Parimage, Pans

Conçue comme un ultime refuge en casd'invasion, la Citadelle Laferrière, perchéeau sommet du Bonnet-à-l'Evêque, dominela plaine du nord d'Haïti. Armée de 365canons, cette forteresse était prévue pourune garnison de 2000 hommes. Mais,

pourvue de casernes et de jardinspotagers, elle pouvait en accueillir plus dudouble. On estime que 20000 personnesont travaillé à sa construction. (Photo 3)

Photo Lord Oxmantown © Parimage, Paris

Portrait du Roi Christophe (1767-1820) parRichard Evans. Promu souverain du

Royaume du Nord en 1811, Christophe sedonna la mort le 1er octobre 1820. Enfermé

â Sans-Souci lors d'une insurrection, on

dit qu'il se tua d'un coup de pistolet avecune balle en argent pour ne passuccomber â ses adversaires. (Photo 4)

Photo © Service de conservation des sites et monuments

historiques, Port-au-Prince 4

Le centre

du monde

n'est pastoujours ce

que Ton pensepar Geoffrey Barraclough

ON m'a demandé voilà sept ans deconcevoir et d'étudier un nouvel

atlas de l'histoire mondiale (1). Qui

aurait pu refuser gageure aussi passion¬

nante ? Les grands événements de notre

génération la fin des empires coloniaux,la révolution chinoise, l'émancipation de

l'Asie et de l'Afrique avaient complète¬

ment transformé notre vision du passé.

Depuis 1963, lorsque parut l'Histoire del'Humanité en six volumes publiée par

l'Unesco, un certain nombre d'historiens se

GEOFFREY BARRACLOUGH, médiéviste

réputé, a été aussi titulaire à Oxford d'une chaired'Histoire moderne et membre du Collège AHSouls. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages histo¬riques importants, notamment An Introductionto Contemporary History (Introduction à l'His¬toire contemporaine) 1964, Eastern and WesternEurope in the Middle Ages (Europe de l'Est etEurope de l'Ouest au Moyen Age) 1970, TheCrucible Europe (Le creuset de l'Europe) 1976.(1) L'Atlas de l'Histoire mondiale dont le Pr Bar¬

raclough a dirigé la rédaction est publié par"Times Books Limited" à Londres. Les éditions

de cet Atlas en allemand, italien, français, hol¬landais et japonais sont à paraître cette année.

sont efforcés de décrire ces nouvelles

dimensions. Mais pouvait-on les montrer à

l'aide de procédés graphiques et visuels ?

Pouvait-on utiliser des cartes pour trans¬mettre le drame de l'histoire humaine à une

génération au moins aussi sensible auxeffets visuels qu'à l'écriture ? Voilà la

gageure, une gageure redoutable !

Pour réussir, que fallait-il ? D'abord unregard complètement neuf sur le cours et lecontenu de l'histoire, une réflexion sur

l'importance des événements et leur valeur

historique ; et puis, une représentationconcrète de ces idées, car, finalement, tout

dépendait du sort qui serait fait au pouvoir

imaginatif et à l'efficacité du cartographe.

Je ne donnerai qu'un seul exemple de

cette transcription d'idées nouvelles sur

une cartographie souple et ingénieuse. La

carte montrant l'expansion de l'Islam devait

être centrée sur la Mecque puisque c'est là

le c du monde islamique. Quand j'eus

en main le résultat, quel fut mon étonne-

ment ! Toute ma perception de l'expansion ide l'Islam en fut transformée. Je vis sur-le- 1

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> champ que sa progression était bien plussignificative erg Orient qu'en Occident et

que la célèbre bataille de Poitiers (célèbredans la tradition de l'Europe de l'Ouest),

qui vit sa progression en Occident arrêtée

par le chef franc Charles Martel, n'était

guère plus, aux yeux des musulmans,

qu'un incident de frontière mineur, commeles revers subis par les Britanniques en

Afghanistan à la fin du 19e siècle.

Sur d'autres documents, des choses

apparemment familières prennent tout à

coup, grâce à l'habileté du cartographe,une dimension nouvelle. Que peut-on

demander de plus à un atlas de l'histoire

mondiale ? A nos yeux, il ne s'agit pas tant

de présenter un ensemble de données bien

établies que de stimuler l'imagination dulecteur et de l'amener à reconsidérer la

signification du progrès de l'humanité à tra¬

versas âges.

La tâche principale qu'on désespérait devoir réaliser fut de concevoir l'ensemble de

l'histoire humaine en grandes planches

doubles. Au départ, ce dont je ne voulais

pas m'apparaissait plus clairement que ce

que je voulais faire. D'abord il n'était pas

question de se concentrer sur l'Europe,

comme on le fait encore aujourd'hui dans la

plupart des atlas historiques convention¬

nels. Je résolus donc de maintenir l'équili¬

bre entre les continents sans minimiser par

excès de zèle l'influence de l'Europe. Il fal¬

lait, ensuite, que les cartes mettent en évi¬

dence le dynamisme de l'histoire et ne

soient pas seulement des représentations

statiques de situations particulières à unmoment donné.

Troisièmement, il s'agissait de faire unatlas de l'histoire mondiale et non de com¬

piler des histoires nationales.

Enfin, ce devait être un atlas historique,

c'est-à-dire, qu'il devait rendre compte de

ce qui fut important autrefois, jusque cinq

ou dix mille ans auparavant, et pas seule¬

ment de ce qui semble important

aujourd'hui.

Autrement dit, nous étions décidés à

donner un certain poids à des civilisations

comme la grande civilisation ottomane ou

bien à celle de l'Inde des Moghols ou de

l'Empire byzantin, dont l'intérêt ne semble

plus capital désormais. Nous avons aussi

négligé de nombreux événements qui pou¬vaient être considérés de premier plan dans

les histoires nationales, ce qui nous a valu

quelques critiques comme, par exemple,

celles que firent les Britanniques lorsque

l'Atlas parut à Londres ; on n'y trouve en

effet aucune mention particulière de la

bataille d'Hastings qui constitue à leurs

yeux un moment décisif de l'histoire

d'Angleterre. Nous avons alors répondu

qu'il s'agissait de faire une histoire mon¬

diale et non une histoire anglaise.

Il fut bien entendu plus facile de décider

ce qu'il fallait exclure que ce qu'il fallait

inclure. En 1972, j'ai consacré quelques

mois à l'étude des atlas historiques anté¬

rieurs. Je n'avais pas de plan préconçu del'histoire mondiale.

Il semblait important de mettre l'accentsur les liens existant entre les différentes

civilisations et les différents groupes cultu¬

rels, depuis une époque étonnammentancienne d'où la carte montrant la Route

de la Soie qui rattache la Chine à la Médi¬

terranée orientale en passant par l'Asie

centrale. Mais nous avons pris grand soin

de ne pas laisser croire qu'un seul fil ou un

seul processus historique pouvait relier

toute l'humanité. A vrai dire, si l'on observe

l'histoire de l'Australasie ou de l'Afrique du

Sud-Sahara, personne ne peut souscrire à

ce point de vue. L'Atlas a été conçu dans

un but pratique et non point idéologique,mais il n'est certainement pas schémati¬

que.

Néanmoins, il est également vrai,

comme Marx l'a fait remarquer il y a long¬

temps, que toute vision globale de l'histoires'appuie sur des prémisses. En ce qui con¬cerne l'Atlas, en voici les deux principales.

D'une part nous rejetons l'attitude conven¬

tionnelle qui fait des quatre cents ans quiséparent Vasco de Gama de Lénine, le

pivot de l'histoire universelle autour duqueltourne tout le reste (selon les termes du

célèbre historien anglais, E.H. Carr), car

c'est à notre avis une regrettable distortion

de la réalité. D'où nos efforts pour équili¬

brer les sept périodes ou ères différentes

qui composent l'Atlas. D'autre part, nous

pensions que la lutte pour la vie dans un

environnement ingrat est un thème central

de l'histoire de l'humanité et que cette lutte

est d'autant plus fondamentale qu'elle

donne naissance à des systèmes politiquesdifférents et à des réactions intellectuelles

variées. Par rapport à notre projet, cette

lutte avait également son importance dans

la mesure où elle nous permettait de mesu¬

rer la portée mondiale d'un fait et où ellemettait l'accent, non sur des événements

nationaux ou locaux n'affectant qu'un peu¬

ple ou groupe ethnique, mais sur des mou¬vements plus vastes, tel que la révolution

agricole du néolithique, concernant descivilisations tout entières, et peut-être

même toute l'humanité. C'est pourquoi,

plutôt que d'étudier les détailscomplexes

de l'histoire politique de l'Europe féodale,

nous avons consacré une planche entière à

son redressement économique, qui, de 950

à 1150, établit les fondements de la grande

époque des cathédrales et des universités ;

c'était là, selon nous, son aspect le plus

important à court terme aussi bien qu'à

long terme.

A l'intérieur de ces grandes lignes direc¬

trices, les principes sur lesquels l'Atlas fut

élaboré furent très simples, du moins en

théorie. Encore une fois, il s'agissait sur¬tout d'éviter l'eurocentrisme. Comme l'a

Dès le lendemain de la mort du Prophète en 632, l'Islam allaits'étendre, en l'espace d'un siècle, depuis l'Arabie, jusqu'au-delà des Pyrénées et aux confins de l'Inde. Ses conquêtes àl'est de la Mecque eurent plus d'ampleur et d'importanceque celles orientées vers l'ouest. En 750, la première phasede l'expansion était sur le point de s'achever, et le CalifatAbbasside était devenu la plus importante civilisation àl'Ouest de la Chine.

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Carte extraite de "l'Atlas de l'Histoire mondiale", 1978 © Times Books Limited, Londres

36

Page 37: Les Huichols au Mexique parlent la langue des dieux; The UNESCO

souvent fait remarquer Kwame Nkrumah,l'Europe aux treizième et quatorzième siè¬cles était bien moins avancée que le Mali etle Songhaï ; et nous avons donc donné

autant d'importance à l'Université de Tom-

bouctou qu'à celles de Paris et d'Oxford. Il

est peut-être significatif que six planchesentières sur 127 (ou même sept si l'on inclutcelle de l'Egypte ancienne) soient consa¬

crées exclusivement à l'Afrique, sanscompter bien entendu les nombreuses

planches où l'Afrique du Nord fait partie del'Empire romain ou de l'Islam. On peut diresans crainte qu'aucun autre atlas d'histoiremondiale ne s'est autant intéressé à l'Afri¬

que avant la pénétration européenne.

Le souci de trouver des formes nouvelles

n'empêche pas de faire appel à la cartogra¬phie conventionnelle. Le public en abesoin. Une représentation convention¬

nelle par exemple, concerne l'essor du

royaume franc, sujet traité dans toutes les

histoires de l'Europe. Mais elle se trouve

contrebalancée par une carte du monde

eurasien en 814 qui montre la faiblesse rela¬

tive de l'empire franc à cette époque-là par

rapport à la Chine T'ang, au Califat abbâs-side et à l'empire romain oriental de

Byzance. A la carte de l'expansion des

Etats-Unis entre 1783 et 1890, présente

dans tous les atlas, s'ajoute en contrepartieune planche représentant l'expansion des

colons blancs vue par la population

indienne autochtone, pour qui expansionvoulait dire réduction, prospérité pauvreté,et liberté restriction. La carte traditionnelle

de l'impérialisme européen entre 1890 et

1914, événement somme toute majeur del'histoire mondiale, a été complétée par uneplanche, unique en son genre me semble-t¬il, sur "la réaction anti-colonialiste" en Asie

et en Afrique entre 1881 et 1917. C'est là

une autre façon d'essayer de donner à des

événements familiers une perspective nou¬velle.

En fin de compte, cet Atlas est-il satisfai¬

sant ? La réponse est à la fois oui et non. Il

n'est certes pas parfait. Car le travail de

compression, la tâche presque impossiblequi consiste à faire tenir en 127 planchestoute l'histoire de l'humanité depuis l'épo¬que glaciaire jusqu'à celle de notre mondetroublé, divisé en nations riches et en

nations pauvres, ne permettait guèred'atteindre à la perfection.

Rétrospectivement, je me rends compte

que certains peuples, les Gallois par exem¬ple, ont probablement fait l'objet d'uneattention moindre que celle qu'ils auraient

pu revendiquer. Cela peut être égalementvrai des Québécois, des Kurdes, des Armé¬niens et d'autres encore sans doute.

Nous espérons que cet atlas de l'histoiremondiale proposera à tous un modèle nou¬veau. Dans la mesure où il cherche à rendre

justice, comme c'était son objectif, sanspréjugé ni partialité, aux réalisations de

tous les peuples, à toutes les époques etdans toutes les parties du monde.

Geoffrey Barraclough

37

Page 38: Les Huichols au Mexique parlent la langue des dieux; The UNESCO

Roger CailloisLa mort de Roger Caillois, le 21 décem¬bre dernier, a été cruellement ressen¬

tie par tous les écrivains et tous leshommes de savoir à travers le monde.

Non seulement en France où la

sociologie, le surréalisme, la critiqueet la littérature l'avaient mené jusqu'àl'Académie française mais auJapon, au Brésil dont l'Académiel'avait élu au siège d'André Malraux ,en Argentine où il comptait de nom¬breux amis dont il avait fait connaître

en Europe la pensée et les iuvreselle a ému les milieux littéraires et

intellectuels.

La curiosité de Caillois s'unissait à une

connaissance étendue des domaines

les plus divers du savoir. Il s'intéressaitaux rêves et aux jeux, à la poésie, à lafête, aux masques, aux papillons etaux pierres. La sémantique et la démo¬graphie, l'épistémologie et l'économiepolitique retenaient également sonattention. Directeur de la Division du

Développement culturel à l'Unesco(1968-1971), et rédacteur en chef de larevue internationale de sciences

humaines Diogène (1952-1978), il s'étaitattaché à donner â l'Album-expositionsur les droits de l'homme et à la collec¬

tion Unesco de traductions des

nuvres représentatives de la littéra¬ture universelle, une large image desdifférentes cultures du monde et des

aspirations et des réalisations del'esprit de l'homme.

Le propre de Roger Caillois était de lut¬ter contre l'éparpillement. C'est ce quilui faisait refuser le compartimentageexclusif, et à ses yeux abusif, de lapure érudition où finit par être négligéle point de référence commun â ladiversité des sciences : l'homme. C'est

ici qu'intervient l'imagination créa¬trice. Aux successions de monologuesmutuellement imperméables où cha¬que spécialiste soulignait d'abord l'ori¬ginalité irréductible de son domaine,Caillois avait imposé un facteur, sinond'unité, du moins de confrontation. A

la spécialisation excessive de larecherche parcellaire, il avait fait suc¬céder ce qu'il appelait, au-delà des

recherches interdisciplinaires, lessciences diagonales : non pasl'analyse d'un même phénomène àpartir des approches particulières àchaque science (Caillois prenaitl'exemple d'une monnaie étudiée tourà tour mais séparément par unchimiste, un fondeur, un historien, un

économiste, un esthéticien, etc.), mais

le surgissement d'une connivence iné¬dite à des niveaux d'organisation diffé¬rents. Dans ses derniers travaux

publiés, Roger Caillois avait poussétrès loin cette vue grandiose de lascience et de l'univers jusqu'à éta¬blir entre les pierres et les rêves, entrela matière inerte et la matière vivante,

entre l'imagination libre et la rigueurscientifique des liens formels etsecrets.

Cette audace, cette témérité, qu'ilqualifiait parfois, lui-même, dedémente, ne cessait jamais d'être con¬trôlée par la rigueur la plus implacable.La disparition de Roger Caillois est unedure épreuve pour les sciences humai¬nes de notre temps.

Jean d'Ormesson

de l'Académie française

En Kiswahili,

la vingtième éditiondu Courrier de l'Unesco

Nous avons le plaisir d'annoncer à nos lecteursla publication d'une vingtième édition du Cour¬rier de /'Unesco. Le premier numéro de Mjumbawa Unesco, c'est son titre en kiswahili, est eneffet paru en décembre dernier àDar-es-Salaam. L'édition en kiswahili est publiée

par la Commission nationale tanzanienne pourl'Unesco ; Ministère de l'Education nationale,P.O. Box 9121, Dar-es-Salaam, République-Unie de Tanzanie.

38

Lectures

Peintures haïtiennes, photogra¬phies de Warren E. Leon Jr. EditionsDelroisse, Vilo, Paris (99 F).

Journal de voyage chez les pein¬tres de la Fête et du Vaudou en

Haïti par Jean-Marie Drot. Editionsd'art Albert Skira, Genève (65 F).

Analyse des cernes, dendrochro-nologie et dendroclimatologiepar Pierre de Martin. Masson et Cie,éditeurs, Paris (60 F).

La météorologie VIe série, N° 13,revue trimestrielle publiée par laSociété météorologique de France,Paris (le numéro 50 F).

NOUVELLES PUBLICATIONS

UNESCO

Annuaire statistique de l'Unesco1977, 1064 p. (200 F).

L'architecture sherpa, 74 p. (18 F).

La coopération interrégionale ensciences sociales, 93 p. (10 F).

Etudes à l'étranger 1979-1981,716 p. (36 F).

L'évolution de l'enseignement tech¬nique et professionnel, 126 p.(22 F).

Index translationum 27, 846 p.(240 F).

L'irrigation des terres arides dans lespays en développement et ses con-séquences sur l'environnement,67 p. (22 F).

Julian Huxley - homme de science etcitoyen du monde, 184 p. (18 F).

Le peuplement de l'Egypte ancienneet le déchiffrement de l'écriture

méroïtique, 137 p. (25 F).

Les politiques de la communicationau Zaïre, 66 p. (14 F).

Les politiques de la communicationen République de Corée, 53 p.(10 F).

Quel monde laissons-nous à nos

enfants ? 191 p. (38 F).

Tendances principales de la recherchedans les sciences sociales et humaines

(Partie II,

Vol. 1 : Sciences anthropologiques ethistoriques ; esthétique et sciences del'art ;

Vol. 2 : Science juridique ; philosophie),1645 p. (425 F).

Les dimensions internationales des droits

de l'homme, 780 p. (75 F).

La pensée scientifique, 274 p. (65 F).

Les libertés professionnelles des ensei¬gnants, 238 p. (28 F).

L'évolution du rôle du maître, 257 p.(38 F).

Page 39: Les Huichols au Mexique parlent la langue des dieux; The UNESCO

Statistical yearbookannuaire statistiqueanuario estadístico

Vient de paraître

1 074 pages (28 x 22 cm) 200 frs

Trois grands domaines étudiés

Outre des données de référence sur la population et le niveau d'instruction présen¬tés dans une première partie, trois grands domaines sont abordés :

Education : tous les degrés d'enseignement par continents, grandes régions ;système scolaire et taux d'inscription ; enseignement préprimaire, primaire,secondaire et supérieur ; dépenses de l'enseignement.

Science et technologie : personnel scientifique et technique ; dépenses derecherche ; indicateurs de développement scientifique et technologique.

Culture et information : bibliothèques ; édition de livres, journaux et périodi¬ques ; consommation de papier ; film et cinéma ; radio et télévision.

Pour des publics variés

Cet annuaire intéresse particulièrement : éditeurs, imprimeurs, journalistes, fabri¬cants de matériel audio-visuel, de films éducatifs, de produits destinés à l'ensei¬gnement ;

D les centres de documentation et d'information, les bibliothèques

D les centres de recherches, professeurs et étudiants

D les chefs d'entreprises spécialisées dans l'exportation, directeurscommerciaux et de marketing.

Ouvrage trilingue : français-anglais-espagnol.Cet annuaire regroupe toutes les données statistiques disponibles à fin 1977 dans210 pays ou territoires.

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africaines. B.P. 4541. Abidjan-Plateau. - DANEMARK. EjnarMunksgaard Ltd., 6, Norregade, 1165 Copenhague K.EGYPTE (RÉP. ARABE D'l. National Centre for UnescoPublications, N° 1, Talaat Harb Street, Tahrir Square, Le Caire.

- ESPAGNE. MUNDI-PRENSA Libras S.A., Castelló 37,Madrid 1. Ediciones Liber. Apartado 17, Ondárroa (Viscaya) ; Sr.A. González Donaire, Aptdo de Correos 341, La Coruna. LibreríaAl -Andalus, Roldana, 1 y 3, Sevilla 4. LITEXSA, LibreríaTécnica Extranjera, Tuset, 8-10 (Edificio Monitor) Barcelona.ÉTATS-UNIS. Unipub. 345, Park Avenue South, New York,N.Y. 10010. - FINLANDE. Akateeminen Kirijakauppa,Keskuskatu 1, 00100 Helsinki. - FRANCE. Librairie Unesco, T,place de Fontenoy, 75700 Paris. C.C.P. 12.598.48 - GRÈCE.Librairies internationales. HAÏTI. Librairie A la Caravelle, 26,rue Roux, B.P. 111, Port-au-Prince. - HAUTE-VOLTA. üb.Artie B.P. 64, Ouagadougou. Librairie Catholique « Jeunessed'Afrique». Ouagadougou. HONGRIE. AkadémiaiKonyvesbolt, Váci U.22, Budapest V., A.K.V. KonyvtárosokBoltja. Népkoztasasag utja 16, Budapest VI. - INDE. OrientLongman Ltd. : Kamanl Marg. Ballard Estate. Bombay 400 038 ;17 Chittaranjan Avenue, Calcutta 13 ; 36a Anna Salai, MountRoad, Madras 2. B-3/7 Asaf Ali Road, Nouvelle-Delhi 1, 80/1Mahatma Gandhi Road, Bangalore-560001, 3-5-820 Hyderguda,Hyderabad-500001. Publications Section, Ministry of Educationend Social Welfare, 511, C-Wing, Shastri Bhavan, Nouvelle-Delhi-110001 ; Oxford Book and Stationery Co., 17 Park Street,Calcutta 700016; Scindia House, Nouvelle-Delhi 110001. -IRAN. Commission nationale iranienne pour l'Unesco, av.Iranchahr Chomali N° 300 ; B.P. 1533, Téhéran, KharazmiePublishing and Distribution Co. 28 Vessal Shirazi St, ShahrezaAvenue, P.O. Box 314/1486, Téhéran. - IRLANDE. TheEducational Co. of Ir. Ltd., Ballymount Road Walkinstown,Dublin 12. ISRAËL. Emanuel Brown, formerly Blumstein'sBookstores : 35, Allenby Road et 48, Nachlat Benjamin Street,Tel-Aviv ; 9 Shlomzion Hamalka Street, Jérusalem.- ITALIE.Licosa (Librería Commissionaria Sansoni, S.p.A.) viaLamarmora, 45, Casella Postale 552, 50121 Florence.JAPON. Eastern Book Service Inc. C.P.O. Box 1728, Tokyo 10092. - LIBAN. Librairies Antione, A. Naufal et Frères ; B.P. 656,Beyrouth. - LUXEMBOURG. Librairie Paul Brück, 22, Grande-Rue, Luxembourg. MADAGASCAR. Toutes les pu¬blications : Commission nationale de la Rép. dém. de Mada¬gascar pour l'Unesco, Ministère de l'Education nationale,Tananarive. MAU. Librairie populaire du Mali, B.P. 28,Bamako. MAROC. Librairie « Aux belles images », 282,avenue Mohammed-V, Rabat, C.C.P. 68-74. « Courrier del'Unesco » : pour les membres du corps enseignant :Commission nationale marocaine pour l'Unesco 20, ZenkatMourabitine, Rabat (C.C.P. 324-45). - MARTINIQUE. Librairie

« Au Boul' Mich », 1, rue Perrinon, et 66, av. du Parquet, 972,Fort-de-France. MAURICE. Nalanda Co. Ltd., 30, 8ourbonStreet, Port-Louis. - MEXIQUE. SABSA, Servicios aBibliotecas, S A., Insurgentes Sur N° 1032-401, México 12. -MONACO. British Library, 30, boulevard des Moulins, Monte-Carlo. - MOZAMBIQUE. Instituto Nacional do livra e do

Disco (INLD), Avenida 24 de Julho, 1921 r/c e 1" andar, Maputo.- NIGER. Librairie Mauclert, B.P. 868, Niamey. - NORVÈGE.Toutes les publications : Johan Grundt Tanum (Booksellers),Karl Johans gate 41 /43, Oslo 1 . Pour le « Courrier » seulement :A.S. Narvesens Litteraturjeneste, Box 6125 Oslo 6.NOUVELLE-CALÉDONIE, Reprex S.A.R.L., B.P. 1572,Nouméa PARAGUAY. Agencia de diarios y revistas, Sra.Nelly de Garcia Astillero, Pte. Franco N° 580 Asunción.PAYS-BAS. «Unesco Koener» (Edition néerlandaise

seulement) Systemen Keesing, Ruysdaelstraat 71-75.Amsterdam-1007. Agent pour les autres éditions et toutes lespublications de l'Unesco : N.V. Martinus Nijhoff, LangeVoorhout 9. 's-Gravenhage POLOGNE. ORPAN-Import.Palac Kultury, 00-901 Varsovie, Ars-Polona-Ruch, Krakowskie-Przedmiescie N° 7, 00-068 Varsovie. - PORTUGAL. Dias &Andrade Ltda. Livraria Portugal, rua do Carmo, 70, Lisbonne.ROUMANIE. ILEXIM. Romlibri, Str. Biserica Amzei N° 5-7,P.O.B. 134-135, Bucarest. Abonnements aux périodiques :Rompresfilatelia calea Vlctonei 29, Bucarest. ROYAUME-UNI. H. M. Stationery Office P.O. Box 569, Londres S.E.1 -SÉNÉGAL. La Maison du Livre, 13, av. Roume, B.P. 20-60,Dakar, Librairie Clairafnque, B.P. 2005, Dakar, Librairie «LeSénégal » B.P. 1954, Dakar. - SEYCHELLES. New ServiceLtd., Kingsgate House, P.O. Box 131, Mahé. SUÉDE. Toutesles publications : A/B CE. Fntzes Kungl. Hovbokhandel,Regenngsgatan, 12, Box 16356, 103-27 Stockholm, 16. Pour le«Courrier» seulement: Svenska FN-Forbundet, Skolgrand 2,Box 150-50, S-10465 Stockholm-Postgiro 184692. - SUISSE.Toutes publications. Europa Verlag, 5, Ramistrasse, Zurich,C.C.P. 80-23383. Librairie Payot, 6, Rue Grenus, 1211, Genève11. C.C.P. : 12.236. - SYRIE. Librairie Sayegh Immeuble Diab,rue du Parlement. B.P. 704, Damas. - TCHÉCOSLOVAQUIE.S.N.T.L., Spalena 51, Prague 1 (Exposition permanente) ;Zahracini Literatura, 11 Soukenicka, Prague 1. Pour la Slovaquieseulement : Alfa Verlag Publishers, Hurbanovo nam. 6, 893 31Bratislava. TOGO. Librairie Evangélique, B.P. 1164, Lomé,Librairie du Bon Pasteur, B.P. 1164, Lomé, Librairie Moderne,B.P. 777, Lomé. - TRINIDAD ET TOBAGO. Commission

Nationale pour l'Unesco, 18 Alexandra Street, St. Clair,Trinidad, W.l. TUNISIE. Société tunisienne de diffusion,5, avenue de Carthage, Tunis. TURQUIE. Librairie Hachette,469 Istiklal Caddesi, Beyoglu, Istambul. U.R.S.S.Mejdunaradnaya Kniga, Moscou, G-200 - URUGUAY.Editorial Losada Uruguaya, S.A. Librería Losada, Maldonado,1092, Colonia 1340, Montevideo. - YOUGOSLAVIE.

Jugoslovenska Knjiga, Trg Republike 5/8, P.O.B. 36, 11-001Belgrade. Drzavna Zalozba Slovenlje, Titova C25, P.O.B. 50, 61-000 Ljubljana: RÉP. DU ZAIRE. La librairie. Institut nationald'études politiques, B.P. 2307, Kinshasa. Commission nationalede la Rép. du Zaïre pour l'Unesco, Ministère de l'Educationnationale, Kinshasa.

Page 40: Les Huichols au Mexique parlent la langue des dieux; The UNESCO

L'extraordinaire renaissance de l'art haïtien qu'on a vu s'épanouir â partir de 1940 a révéléles oeuvres d'artistes tels que Wilson Bigaud et Jasmin Joseph dont on trouvera des

reproductions en page 22. Elle porte aujourd'hui de beaux fruits. En témoignent ces"Bananes", de Audes Saul, un peintre de la jeune génération. Pareille floraisond'invention créatrice nous ouvre à la vraie nature du peuple haïtien. Partout, dans lapeinture, la décoration, les objets de l'artisanat, explose une étonnante richessed'imagination qui intègre toute la tradition haïtienne.

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P1

AUDES Ja'ÙLPhoto Warren E Leon *