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Les partenaires Impression Ouest-France (35). Ne pas jeter sur la voie publique. Le plastique dans les océans: quelles solutions? pages 2, 4, 5 Connaissez-vous bien le phénomène des marées? page 14 Jean Guichard Les marins, ces inventeurs Éric Tabarly, l’esprit d’innovation L’histoire de la navigation Pages 6 à 11

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Les marins,ces inventeursÉric Tabarly, l’esprit d’innovation

L’histoire de la navigation

Pages 6 à 11

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2 Mai 2018©

Rég

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des

Pays

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PLUS D’INFOS SURetudenautisme.paysdelaloire.fr

2e région nautique française avec plus d’un milliard d’eurosde chi�re d’a�aires en 2016 et près de 7 200 emplois surtout son territoire, la Région des Pays de la Loire s’engageet met en place un plan d’actions pour l’avenir du nautismeligérien, afin d’accompagner l’ensemble de cette filièreet ses entreprises.

Elle a décidé, en partenariat avec la Fédération des industriesnautiques (FIN), de mener une étude sur les retombéeséconomiques de la filière nautique ligérienne en analysantle poids de trois domaines d’activités majeurs : ports deplaisance et sites de mouillage ; sports nautiques et de bordde mer ; industries, commerces et services.

Professionnels de la filière nautique régionale, vous êtesinvités à y participer sur etudenautisme.paysdelaloire.fr

NAUTISME EN PAYS DE LA LOIRE

La Région lance une étude

Sommaire

À la SNSM, le bénévole n’est pas un amateur ...................................................................................3

Une seconde vie pour les déchets marins..............................................................................................4

L’océan sans plastique, c’est possible.........................................................................................................5

François Bellec, grand explorateur des abysses de l’histoire maritime..........6-7

Éric Tabarly ou l’innovation pour credo.................................................................................................8-9

Par la mer et par la glace, la grande traversée................................................................................10

«Naviguer à l’ancienne, c’est le bonheur »............................................................................................11

L’aquacultureveut marier l’algue et le poisson...............................................................................12

Un drone pour secourir les tombés à la mer ...................................................................................13

À quelle heure est la marée ? Ça dépend…........................................................................................14

Des bulles pour protéger les mammifères marins .....................................................................15

À Bordeaux, un musée où l’art prend la mer....................................................................................16

Le plastique, c’est dramatique

Ça suffit ! L’actualité récente est venue rappeler lamonstruosité de la pollution des déchets en plas-tique dans tous les océans. Nous, terriens, sommestous coupables en considérant la mer commeune gigantesque poubelle et les belles paroles nepeuvent plus suffire.

Le 22 mars dernier, la revue Scientific Reports arévélé que la décharge de déchets plastiques flot-tant à la surface du Pacifique s‘étendait sur uneimmense surface, équivalente à trois fois celle dela France ! On a aussi retrouvé des sacs de plas-tique dans les abysses. On pensait ces sanctuairesvierges de toute pollution. Il n’en est malheureuse-ment rien. Certaines fosses sont même plus pol-luées que les pires des cours d’eau chinois.

Les conséquences de ces concentrations dedéchets plastiques sont évidemment dramatiquespour la biodiversité marine. Et ce dans toutes lesmers du monde. Début mars, un cachalot a ainsiété retrouvé échoué au sud de l’Espagne avec pasmoins de 29 kg de déchets plastiques dans l’esto-mac.

Il y a ce qui se voit et il y a ce qui ne se voit pas. Lesmicroparticules de plastique sont ingérées et pol-luent toute la chaîne alimentaire de l’écosystèmemarin.

On ne peut plus fermer les yeux. Avec les produitsen plastique, qui ne datent que des années 1950,nous avons réussi à défigurer et empoisonner nosocéans millénaires, source de vie. Il nous faut les

sauver encore plus rapidement. De nombreuses ini-tiatives très intéressantes en matière de ramassageou de recyclage sont lancées. Des interdictionssont prises, aussi, concernant certains emballagesplastiques et autres horribles cotons-tiges.

C’est bien mais notoirement insuffisant. La Franceet l’Europe s’honoreraient en prenant des mesuresdrastiques et en montrant l’exemple. Il nous fautéradiquer au maximum tous les produits en plas-tique, recycler les autres. Les solutions et alterna-tives existent. À commencer par les pailles dont onabuse lorsque pointe l’été. De grâce, bas les pailles,ou alors en matériau biodégradable.

Jean-Marie BIETTE.

Retrouvez également La mer, notre avenir

en version numérique :http://apps.ouest-france.fr/esupplements/2018-La-mer-notre-avenir-12/

La mer, notre avenir c’est aussi un site internet :www.lamernotreavenir.fr

Imprimé sur du papier UPM produit en Allemagne àpartir de 52 % de fibres recyclées, porteur de l’éco-label européen, numéro FI/11/001. Eutrophisation :0,003 kg/tonne.

La mer, notre avenir

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3Mai 2018

À la SNSM, le bénévole n’est pas un amateur

ƒ Solidarité. Ils sont 7 000 volontaires en France et leur efficacité passe par la formation. On a poussé la portedu centre national de formation de la Société nationale de sauvetage en mer, ancré à Saint-Nazaire.

Qui sait combien d’entre nous, mêmesimples baigneurs, auront un jourbesoin des sauveteurs en mer ? Cesderniers sont à 60% des non-profes-sionnels du monde maritime. «Aupa-ravant, la majorité des bénévolesétaient des pêcheurs, des navi-gants issus des métiers de la ma-rine marchande, des plaisanciers…Aujourd’hui, ils ne représentent plusque 40 % des effectifs », explique Di-dier Moreau, directeur de la formationopérationnelle, lui-même entré à laSNSM comme nageur sauveteur bé-névole en 1984.

C’est ainsi qu’est née l’idée de créerune direction de la formation, en2009, et de structurer des formationsadaptées. « On est parti d’une pageblanche », souligne Didier Moreau.Le centre de formation national a étéinauguré en juin 2011 à Saint-Nazaire.

Des bénévoles

de tous horizons maritimes

Situé au bord de l’estuaire de la Loire,c’est un lieu fédérateur qui accueille,pour y être formés, les formateurs ex-perts du sauvetage, les équipages etles nageurs sauveteurs. Tous béné-voles. « On a une approche profes-sionnelle car le bénévole n’est pasun amateur. L’objectif est d’inter-venir plus efficacement et en sécu-rité. » Le centre reçoit chaque année600 stagiaires de toutes les stationsSNSM de France, Outre-mer com-pris. Notamment les patrons de ve-dettes, dont le parcours de formationest composé de plusieurs modules.« On ne peut pas former un patrondans sa station, sur son bateau. Ilsviennent à Saint-Nazaire où ils neconnaissent pas la zone, ni l’équi-page, ni les moyens de sauvetage àdisposition. De plus, les échanges

entre des gens de tous horizons ma-ritimes sont très enrichissants. »

Plus de moyens

pour plus de bénévoles

Le centre dispose de moyens adap-tés : deux vedettes, cinq semi-rigides,et un centre de simulation qui recréenotamment la passerelle des deuxvedettes, et un Centre régional opé-rationnel de surveillance et de sau-vetage (Cross) pour pouvoir simu-ler toutes les situations et de nom-breuses zones d’opérations.

Aujourd’hui, l’objectif du centre na-tional est de mettre l’accent sur lesformations de formateurs et d’ex-perts (30 % de l’activité), tout en dé-veloppant les moyens pour accueillirles bénévoles opérationnels « parceque lorsqu’on ouvre une sessionde stage de 12 places, on a 30 de-mandes», constate Didier Moreau.

D’ici 2021, le centre aura poussé lesmurs pour doubler sa capacité d’ac-cueil, sur 2600 m2.

Véronique COUZINOU.

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La formation des patrons et sous-patrons de vedettes SNSM passe aussi par des exercices sur simulateur, au centre deformation national de Saint-Nazaire.

Le 23 juin, dites

mille mercis aux sauveteurs

Pour célébrer la SNSM, qui a fêtéses 50 ans en 2017, Damien Gri-mont, concepteur du Record SNSMet de la course The Bridge à Saint-Nazaire, a imaginé un événementnational, le Mille SNSM, à l’occasionde la Journée des sauveteurs enmer, le samedi 23 juin 2018.Détails sur www.millesnsm.org

En bref

Les premières Assises du nautismeà La RochelleLes Assises du nautisme et de la plai-sance se dérouleront à La Rochelleles 29 et 30 mai, à l’initiative de la FIN(Fédération des industries nautiques)et du groupe Ouest-France. Ces jour-nées réuniront les acteurs majeursdu secteur ainsi que des collectivités,des responsables politiques natio-naux pour envisager l’avenir du nau-tisme. Plusieurs sujets seront débat-tus lors des tables rondes : les risquesde multiplication des restrictions d’ac-cès à la mer, la transformation des

ports en entreprises de services, lesprochaines innovations qui révolu-tionneront le secteur…

Nausicaá, le plus grand aquariumd’EuropeCréé en 1991, Nausicaá, centre na-tional de la mer à Boulogne (Pas-de-Calais), aouvert le19 mai leplusgrandbassin de poissons d’Europe et le4e du monde. Il contient un volumed’eau de 10 000 m3, soit quatre pis-cines olympiques. Long de 60 m,large de 30 m et profond de 8 m,il pourra accueillir entre 22 000 et

25 000 espèces marines différentes.Outre le bassin, la surface d’exposi-tion va doubler, passant de 5 000 à10000 m2.

Dictionnaire amoureux de la merÉcrivain, prix Goncourt 1985, Bretonrevendiqué et fou de mer, Yann Quef-félec dit son amour avec la passionmais aussi l’humilité du marin dansson Dictionnaire amoureux de la mer.De A comme Aber-Ildut ou Antipodeà Z (comme Le Roi Gradlon, vous dé-couvrez pourquoi en lisant l’antholo-gie), en passant par P comme Peyron(Loïck) et un entretien malicieux, l’écri-vain se livre, et nous livre, à la mer.800 pages. 24 €. Édité par Plon. Envente sur chasse.maree.com et enlibrairie.

La mer notre avenir remercie ses parrains

DR

La mer, notre avenir

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De l’encre de seiche et de la nacre de coquillages dans nos tissusL’initiative

Axelle Gisserot, étudiante en designtextile à l’École nationale supérieurede création industrielle, souhaite dé-velopper une alternative à la produc-tion du textile.

Elle s’est intéressée aux coproduitsmarins. « La quantité et la diversitédes matériaux issus du milieu ma-rin m’ont amenée à réfléchir à leurintégration pour créer des fibres,explique la jeune femme. J’ai toutd’abord utilisé de l’encre de seichepour teindre mes fils, et des extraitsd’algues sargasses avec lesquelsj’ai obtenu des couleurs vertes,bleues, brunes et orangées. »

Elle s’est interrogée sur la texturedes étoffes, comme le matelassageou le rembourrage. Le byssus* demoule se prête particulièrement bienà la texturisation du tissu.

Des expériences de transfert denacre des coquilles d’huîtres sur lestextiles sont en cours, pour apporterun aspect de surface mais aussi despropriétés mécaniques aux textiles.

L’étudiante vise en effet la créationde fils naturels mais avec des béné-fices pour la santé, les soins et lebien-être. « Par exemple la chitine,une molécule que l’on trouve dansles carapaces de crabes, permetd’obtenir une viscose aux proprié-tés fongiques, bactériologiques,cicatrisantes et anallergiques. » Sarencontre avec le Smel l’a confortéedans sa recherche de coproduits ma-rins vertueux.

I. G.

*Le byssus est appelé «soie marine»ou «soie des rois », c’est une fibre na-turelle fabriquée par la moule pours’accrocher à un support.

Ingr

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Axelle Gisserot crée de nouveaux fils dans l’atelier de l’École nationale supérieurede création industrielle à Paris.

Une seconde vie pour les déchets marins

ƒ Environnement. La pêche et la conchyliculture produisent des déchets plastiques importants. Le projetSeaplast, en Normandie, étudie le recyclage et la valorisation de ces matériaux indésirables.

Entretien

Laurence Hégron-Macé,chef de projet au Smel (Synergie meret littoral)* dans la Manche.

Pourquoi réaliser une étudesur les déchets maritimesdes professionnels normands ?

Le recyclage des déchets plastiquesissus de la pêche et de la conchyli-culture est une priorité à l’échelle eu-ropéenne, dans le cadre de la préser-vation de la qualité du milieu marin.Selon la Commission européenne,20 à 40 % des déchets plastiquessont produits en mer. De surcroît, laChine, qui absorbait une grande par-tie des déchets plastiques mondiauxà hauteur de 7 à 9 millions de tonneschaque année, a restreint radicale-ment son importation sur son territoiredepuis janvier 2018. Il était utile de s’in-terroger sur le devenir de ces déchets.

Quels sont les volumesengendrés par la pêcheprofessionnelle et laconchyliculture?

Après neuf mois d’enquête, on estimeque la pêche normande génère plusde 100 tonnes de déchets plastiquespar an, entre les filets et les chaluts.La mytiliculture et l’ostréiculture en-gendrent plus de 550 tonnes depoches à huîtres et de filets à moules.Ces matériaux plastiques sont

aujourd’hui traités dans des centresd’enfouissement. Les coproduitscomme les coquilles d’huîtres et deSaint-Jacques sont estimés à plus de6000 tonnes par an. Ils finissent sou-vent comme remblais dans les che-mins.

Quelles sont les pistesde valorisation?

Le partenariat avec l’entreprise Natu-replast, d’Ifs (Calvados), a permis viason unité de recherche et développe-ment, de recycler ces déchets pourcréer des matériaux plastiques biodé-gradables. On intègre de la poudre de

coquillages à des plastiques et on ob-tient des bioplastiques, qui peuventêtre transformés en un nouvel outil deproduction. On pourra bientôt fabri-quer des poches ostréicoles à basede coquilles d’huîtres et de plastiquesrecyclés.

Y a-t-il des limites à ceprocessus ?

Oui car la problématique est le coûtd’acheminement des déchets. Uneécotaxe sur le matériel profession-nel serait un moyen de le financer.Le mode de collecte est aussi com-pliqué. Des réponses sur la gestion

pérenne des plastiques usagés de lapêche française seront apportées parle projet national de la Coopérationmaritime intitulé Pechpropre. Depuismars 2018, des opérations pilotes surla collecte et le recyclage des filetset chaluts, ont démarré dans douzeports français.

Ingrid GODARD.

*Le Smel est une entité du Conseildépartemental de la Manche qui apour mission d’aider au développe-ment des activités économiques ba-sées sur les ressources marines vi-vantes.

Ingr

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Seaplast estime que la pêche normande génère plus de 100 tonnes de déchets plastiques par an.

Natureplast conçoit des bioplastiquesavec de la coquille d’huître.

La mer, notre avenir Mai 2018

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L’océan sans plastique, c’est possible

« Chaque minute, l’équivalent d’uncamion-poubelle de déchets plas-tiques se déverse dans la mer. » Auterme de la première expédition océa-nique de Race for Water, en 2015,Marco Simeoni, le président de lafondation suisse, reposait les piedssur terre : il était utopique de collecterles plastiques qui polluent les vastesocéans. Il y en a trop, beaucoup trop,énormément trop.

De la minuscule particule au macro-déchet, c’est une véritable soupetransportée au gré des courants, in-saisissable.

Valoriser les plastiques

Que faire ? Éviter que les déchets at-teignent la mer. C’est l’objet de la nou-velle mission l’Odyssée de Race forWater. Le catamaran aux 500 m2 depanneaux solaires, ancien Planet Solarskippé par Gérard d’Aboville, a quittéLorient il y a un an. Pour une circum-navigation de cinq années et, ainsi,porter de port en port, de ministre enministre, de chef d’État en chef d’État,le message de l’urgence à saisir.

Un an après, l’Odyssée, dontl’équipe logistique est basée à Lo-rient, dresse un premier bilan. « Septescales, 10 000 milles parcourus(18 500 km), 6 000 invités reçus àbord », comptabilise Franck David, ledirecteur de la mission.

Parmi les matelots d’un jour,« 1 450 enfants des écoles. Ils com-prennent immédiatement les enjeux,

ils savent en parler autour d’eux, surles réseaux sociaux. Ce sont nospremiers ambassadeurs », se ré-jouit l’ancien champion olympique deplanche à voile en 1992 à Barcelone.

La prise de conscience est unechose. La concrétiser, c’est encoremieux. Race for Water n’accostepas les cales vides. « Nous propo-sons une solution de traitement àterre, reprend Franck David. Brûlerles plastiques par pyrolyse à trèshaute température. Les avantages :on peut mélanger tous les types de

plastique, il n’y a pas de rejet de CO2(le gaz carbonique) et, à la sortie, onproduit du gaz qui peut être convertien électricité. » La fondation défendce cercle vertueux.

« C’est un modèle économique,plaide Franck David. La collecte desplastiques dans les rues crée del’emploi local. La revente du gaz oude l’électricité rapporte de l’argentà la coopérative, etc. Dans les îles,dans certaines villes côtières, dansdes pays comme la République do-minicaine, le projet est viable. » Mais

il faut le financer. C’est là que Race forWater doit convaincre lors de ses es-cales, notamment les élus.

Car la machine, mise au point par lasociété franco-suisse Etia, coûte 3 mil-lions d’euros. « En revendant l’élec-tricité, on estime qu’elle peut êtreamortie en douze ans », expliqueFranck David.

Charles JOSSE.

En savoir plus :www.raceforwater.org

Départ LorientLe 9 avril 2017

Valparaiso - ChiliPosition actuelle

Guadeloupe

Rép. dominicaine

Panama

Cuba

Bermudes

Lima - Pérou

Île de PâquesSamoa

FidjiVanuatu

Nouvelle-Calédonie

Micronésie O c é a n P a c i f i q u e

O c é a nI n d i e n

O c é a nA t l a n t i q u eO c é a n

I n d i e n

Tokyo - Japon

Lieux de la pollution des océansEmplacement estimé

des plaques de déchets

Direction des courants de surface

Shanghaï - Chine

PapouasieNouvelle-Guinée

Îles SalomonTonga

Polynésie française

Île RobinsonCrusoé

Dubaï

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Sources : UNESCO - IOC.

Parcours du catamaran solaire Race For Water

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ƒEnvironnement. Collecter les déchets au large, c’est utopique, dit la fondation Race for Water, maison peut éviter qu’ils atteignent la mer. C’est le message porté de port en port par son cata écolo.

À chaque escale, des écoliers sont accueillis à bord. Ici, en Guadeloupe.

Repères

Un catamaran autonomeRace for Water (31 m de long) est uni-quement propulsé par des énergiespropres. Le soleil : 510 m2 de pan-neaux solaires produisent de l’élec-tricité stockée dans huit batteries(36 heures de navigation à 3,5 nœuds,6-7 km/h). Le vent : une aile de kite de40 m2 est déployée comme un cerf-volant à 150 m d’altitude (permet unenavigation à 6-7 nœuds). L’eau demer : l’hydrogène, obtenu par élec-trolyse de l’eau de mer dessalinisée,puis purifiée, est stocké puis convertien électricité grâce à deux piles àcombustible (6 jours d’autonomie à5 nœuds).

10 % du plastique en surfaceL’essentiel du plastique erre sousla surface, entre deux eaux ou aufond. La production mondiale deplastiques a été multipliée par 20 aucours des 50 dernières années, de15 millions de tonnes à 300 millionsde tonnes. Et le rythme s’accélère !Selon la fondation Ellen MacArthur,en 2050, les océans contiendrontplus de plastique que de poissons(en poids) !

Dans le ventreFranck David, directeur de la mis-sion Odyssée, cite un scientifique deMadère. « Depuis quinze ans qu’il

observe les poissons, il a trouvé duplastique dans le ventre de chaqueanimal disséqué. » Du plastique, il y aen partout, y compris dans nos vête-ments, dans nos produits de beauté,etc. Certains plastiques mettent plusde 500 ans à se décomposer.

ValparaísoRace for Water devait appareil-ler de Lima (Pérou) le 20 mai pourValparaíso (Chili) où il accostera àl’occasion de la Journée mondiale del’océan (le 8 juin). Puis cap sur l’île dePâques. Le navire embarque diverseséquipes scientifiques au long de sonpériple.

La mer, notre avenir

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Le catamaran Race for Water est parti de Lorient en avril 2017.

DR

Mai 2018

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François Bellec, grand explorateur

ƒHistoire. Le contre-amiral, après une carrière effectuée essentiellement entre océans Pacifique et Indien, aAuteur prolixe et conférencier impénitent, c’est un excellent connaisseur des sciences et techniques de la

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Entretien

Vous venez de publierun remarquable ouvragesur l’histoire de la navigationdes origines à nos jours. Pourquoiavez-vous eu envie de racontercette épopée?

Quand j’ai commencé au débutdes années 1980 à entreprendre demettre en ordre l’histoire de la naviga-tion hauturière, dont aucune synthèsen’existait encore, il m’est apparu quela conquête de la haute mer – l’acqui-sition de l’art de ne pas se perdre –est sans doute la plus ambitieuse desgrandes entreprises de l’humanité.

Pourquoi les hommesont-ils pris la mer ?

Hasard, curiosité ou nécessité? C’esten effet l’interrogation fondamentale.J’ai intitulé mon premier livre sur lesrelations entre les hommes et la merTentation de la haute-mer, parce quelà était la question émouvante. Dèsque l’on a su construire des navires, lamer est devenue un espace d’affron-tements, mais surtout d’échanges de

biens, de cultures et de religions, demigrations, de découvertes. Chaquepeuple marin a eu ses propres mo-tivations. Hasard de voyages acci-dentels, besoins vivriers, coutumesd’essaimage et surpopulation, granddessein dépassé par l’ampleur

inattendue de l’océan… La motivationde l’expansion maritime européenneà partir du XVe siècle a été, plus oumoins sous couvert d’évangélisation,l’accès direct aux sources fabuleusesdu poivre et des épices.

Des Vikings aux Polynésiens,des Chinois aux Arabes, quelssont les marins des premierssiècles qui vous surprennentle plus et pourquoi?

En l’an mille, les Norvégiens avaientcolonisé l’Islande et atteint le Labra-dor. Les Persans, Arabes et Chinoiscommerçaient depuis la mer deChine jusqu’à la mer Rouge. Deleur côté, les Maoris avaient peuplél’océan Pacifique. Chacun avec sesméthodes, ses intuitions, son sensmarin, son intelligence de l’observa-tion. Et cela, grâce à une astronomiede berger que chacun utilisait selon

son environnement. Les étoiles tour-naient autour de la tête des Vikings,et se levaient verticalement dans l’Estpour les Polynésiens. Les Occiden-taux, les moins doués des peuplesmarins, sont entrés avec précautionquatre siècles plus tard en haute-mer.

Pour quitter la terre de vue,les marins ont souvent dûsurmonter des peurs, bouleverserles mentalités. Vous soulignez lerôle du Portugal.Pour quelles raisons ?

Le Portugal, un petit pays accrochéau continent européen, n’avait au-cune vocation maritime. Et c’est luiqui a surmonté les peurs, enfoncéles mythes et mis au point le pre-mier système universel de navigation :carte, boussole et latitude par le soleil,offrant l’Atlantique, puis le monde, ànotre civilisation continentale.

FrançoisBellec,contre-amiral,auteuret conférencier.

Vaincre le cap de la Peur, une révolution pour l’homme du XVe siècleL’ouverture de la route des Indes, laCarreira da India, par le contournementde l’Afrique pour gagner l’Orient, eutdes conséquences fondamentales, plusgrandes à long terme pour l’histoire ma-ritime que la découverte de l’Amérique– ou plutôt des Bahamas.

Bien plus qu’un progrès des scienceset techniques, le franchissement du capBojador (actuel cap Boujdour, au Sa-hara occidental), le « cap de la Peur »,pour pénétrer dans la mer des Té-nèbres, a en effet constitué une révolu-

tion mentale aussi cruciale que celle im-posée à l’homme pour poser les piedssur la Lune.

Ce sont les Portugais qui par-vinrent à le vaincre : ils mirent 83 ansà contourner l’Afrique et 127 anspour parvenir au Japon, le mythiqueCipango. « L’épopée portugaise s’éva-lue en générations humaines, tantétait incroyable l’effort intellectuel quifit basculer les rapports entre l’Occi-dent et la mer, qui transforma l’océanpériphérique, repoussoir hérité de

la culture gothique, en espace ba-nal d’opérations maritimes », estimeFrançois Bellec. Pour lui, il n’y a aucundoute : « Bien plus que les navires, cesont les hommes qui ont fait reculerles limites du monde connu. »

François Bellec est l’auteur del’Histoire universelle de la naviga-tion. Tome I. Les découvreurs d’étoiles(2016) ; Tome II, Des étoiles aux astresnouveaux (2017). Éditions De Monza,Paris.

Les Vikings sont réputés pour leurs navigations sur de longues distances qui les ont amenés jusqu’en Islande et sur les côtesdu Labrador.

Dès son invention,le compas devient

un instrumentindispensablede navigation,

toujours présentssur les bateaux...

et dans les avions.

Dossier : les marins, ces inventeurs Mai 2018

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des abysses de l’histoire maritime

Parmi les instruments mis enœuvre par les navigateursau cours des siècles, lesquelsvous semblent les plus dignesd’intérêt ?

L’inventeur accidentel de la droite dehauteur, aboutissement de la naviga-tion astronomique, était un capitainemarchand américain. Le marin amal-fitain qui a eu l’idée d’assujettir l’ai-guille aimantée flottante à un pivot,inventant la boussole, est resté ano-nyme. Comme l’Anglais qui eut l’idéegéniale du loch à plateau, dont lesnœuds ont donné son nom à l’unitéde vitesse des porte-conteneursgéants de notre temps.

Les marins ont contribuéà dessiner la carte du monde.L’humanité leur est-elleredevable d’autres apports aussiimportants?

Elle leur doit tout ce qui a découlé desdécouvertes, du tabac à la pomme deterre ! Mais aussi à terme d’assurer90% des échanges commerciaux duXXIe siècle.

Quel a été le rôle des Étatset des marines nationales dansles progrès de la navigation?

Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale,la guerre n’a jamais stimulé les progrèsde la navigation. Si le Longitude Act

britannique a eu un effet catalyseur,et si les observatoires de Paris et deGreenwich ont été construits par déci-sion royale pour établir des tables astro-nomiques pour le calcul de la longitude,leurs buts premiers étaient les besoinset la sécurité de la navigation commer-ciale. Ensuite, les systèmes de naviga-tion hyperboliques et surtout le GPS et

les centrales inertielles, aux coûts de dé-veloppement faramineux, ont émergégrâce aux budgets militaires.

À l’heure de l’informatiqueet des satellites, est-il encorepossible d’innover en matièrede navigation?

Le GPS, et bientôt Galileo, et la

navigation intégrée assurent une ges-tion sûre des positions au mètre près.Le navire sans équipage est annoncépour 2020. Reste à savoir si ce seraun progrès…

Recueilli parNathalie COUILLOUD.

dirigé le Musée national de la Marine pendant 17 ans.navigation, sur lesquelles il porte un regard d’historien et de marin.

Quand Mathias décide de reprendre un restaurant, il fait face à de nombreux refus des banques :l’a�aire serait trop risquée. C’est �nalement Olivier, conseiller Crédit Maritime à l’agencede Vannes, qui croit en son projet et embarque à ses côtés. Ensemble, ils avancent : embauches,rachat des murs… Cinq ans plus tard, le restaurant fait salle comble, et Mathias retrouverégulièrement Olivier à sa table. #CestLaMerQuiNousUnit

Retrouvez toutes nos belles histoires surwww.belleshistoires-cmgo.frCrédit Maritime Grand Ouest

BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST, société anonyme coopérative de Banque Populaire à capital variable régie par les articles L.512-2 et suivants du Code monétaire et financier et l’ensemble des textes relatifs aux Banques Populaires et auxétablissements de crédit dont le siège social est situé 15 boulevard de la Boutière – CS 26858 – 35768 Saint-Grégoire Cedex, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Rennes sous le numéro 857 500 227. Intermédiaire en assurancesimmatriculé à l’ORIAS sous le numéro 07 004 504. Banque Populaire Grand Ouest exploite la marque Crédit Maritime.

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CHAQUE JOUR, LA MEROFFRE À NOS CLIENTSET À NOS CONSEILLERSDE BELLES HISTOIRESÀ PARTAGER

Mathias, clientde l’agence de Vannes

Olivier, conseillerà l’agence de Vannes

L’Observatoire royal de Greenwich a été créé en 1675, peu après celui de Paris(1667), pour approfondir la science astronomique et aider l’art de la navigation.

Planisphère de S. Munster (vers 1550),entouré des 12 vents.

Le sextant, instrument de mesured’astres inventé au XVIIIe siècle,est toujours obligatoire en mer.

Dossier : les marins, ces inventeursMai 2018

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Éric Tabarly ou l’innovation pour credo

8 9Mai 2018

Les premiers bateaux volants

De manière à ne pas subir la gîte dubateau lorsqu’il travaille à la table àcartes et y trace sa route, Tabarly faitinstaller celle de Pen Duick II – puisde tous ses autres monocoques en-suite – face à l’avant du voilier maissurtout sur cardan. Il demeure ainsi àl’horizontale pour tracer sa route. Pourle confort, l’assise est une selle d’Har-ley Davidson. Une innovation remiseun temps au goût du jour par un deses disciples, Michel Desjoyeaux àbord du bateau qu’il mènera à la vic-toire au Vendée Globe en 2001.

La table à cartes pivotante

Aujourd’hui on appelle cela des foils.Très vite, Éric Tabarly comprend l’inté-rêt de la sustentation d’un bateau au-dessus de l’eau pour limiter le freinque constitue la surface mouillée dela coque au contact de la surface. Làencore cet incroyable érudit de l’his-toire de la navigation, ne fait que re-prendre un concept inventé dès 1861et adapté sur des bateaux à moteurlors de l’entre-deux-guerres. Il y songedès 1971, la teste en 1976 sur unemaquette de trimaran longue de 6 mgrâce aux travaux menés avec desingénieurs de chez Dassault entreautres.Sur ce principe il lancera en 1979 letrimaran Paul Ricard mais la construc-tion en alu – seule envisageable – enfera un bateau beaucoup trop lourdpour que son rêve d’un coursier vo-lant au-dessus de la mer se réalise.L’Hydroptère dont il aida à la gesta-

tion y parvint mais sans jamais réelle-ment voler longtemps au large. Maissurtout cela est devenu – presque –commun depuis la Coupe de l’Ame-

rica 2013 et on ne compte plus lesbateaux ou engins ainsi équipésde foils (kite-surf, planche à voile…paddle).

La selle d’Harleyétait un clind’œil ; l’importantest l’installationde la tableà cartesde Pen Duick IIsur cardan.Ea

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Même si l’utilisation de foils ne fera pas le succès du Paul Ricard, le concept seralargement popularisé.

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La chaussette à spi est une invention révolutionnaire permettant d’envoyer le spi rapidement, facilement et en toute sécurité.

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Voilà vingt ans, le 13 juin 1998, Éric Tabarly tombait à la mer depuis lepont de Pen Duick, au cours d’une manœuvre nocturne et délicate etalors qu’il convoyait vers l’Écosse son magnifique cotre de 1898. Unmythe français disparaissait brutalement peu avant ses 67 ans. « Lamer l’a pris, elle ne l’a pas volé » déclara quelques jours plus tard sonépouse lors de l’impressionnante cérémonie d’honneur qui lui fut ren-due. L’homme qui avait changé la face de la plaisance française laissaitdes millions de passionnés orphelins mais bien peu imaginent combience marin majuscule apporta à leur passion commune : la plaisance àvoile. Petits tours d’horizons de quelques innovations qui, 20 ans aprèssa disparition, sont toujours d’actualité.

Dès le lancement de Pen Duick V en1968, Tabarly imagine de nombreuxsystèmes destinés à simplifier les ma-nœuvres de voile que doit réaliser unmarin seul en course.Parmi ceux-ci, de grandes voilesd’avant confectionnées dans la toilesi légère et particulière des spis etqui s’enroulent, de manière à être his-sées et affalées enroulées. Cela éviteau marin de vivre des moments sca-

breux sur la plage avant de son ba-teau et aux voiles de passer à l’eaulors des manœuvres. Avec la célébris-sime chaussette à spi, qu’il populariseà partir de la Transat 1976 – à l’origineun seau sans fond prolongé d’un longmanchon en toile ressemblant à unemanche à air – Tabarly a changé la viede tous les voileux du monde pour éta-blir cette voile ballon si belle, si puis-sante mais si volage!

Une chaussette pour le spi

Dossier : les marins, ces inventeurs

Les mâts en forme d’aile profilée sesont généralisés aujourd’hui sur bonnombre de bateaux de course. Uneinnovation apparue en 1965 lors d’unecompétition qui demeure creuset del’innovation: la petite Coupe de l’Ame-

rica. La surface des deux mâts qu’ilessaie dès 1969 sur le trimaran PenDuick IV représente 40% de la super-ficie totale de voilure et le rendementaérodynamique est amélioré. Si Ta-barly ne parvient pas à les rigidifier suf-

fisamment, des avaries successivesainsi que le coût de cette innovationle contraignent à l’abandonner pourdes mâts classiques. Là encore, il auratenté d’adapter à la course au large unetechnologie aujourd’hui commune.

Le mât aile dès 1969

En inventant le mât en forme d’aile profilée, forme aujourd’hui popularisée, Éric Tabarly est en avance sur son temps.

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Certes Éric Tabarly était doté d’un sa-cré coup de crayon, mais il ne se trou-vait jamais loin des architectes quidessinèrent ses bateaux. Il ne laissa àpersonne d’autre le soin de créer PenDuick III qui reste l’un des voiliers auplus impressionnant palmarès sportif.Ce bateau-là, à la structure architec-turale révolutionnaire, est doté d’undouble bouchain (zone intermédiaireentre fond de coque et les flancs), lesupérieur étant arrondi et l’inférieur« vif », à savoir anguleux. Il imposeraaussi ce principe de bouchain sur PenDuick V, dessiné par Bigoin et Duver-gie, qui permet de stabiliser un ba-teau en navigation. De plus ce dernier(lancé en 1968) présente aussi une ca-

rène très large à l’arrière – alors qu’àl’époque les poupes sont très fines –et Tabarly le dote de ballasts, à savoirde volumineux réservoirs d’eau demer, éléments qui garantissent vitesseet stabilité de route aux vents portants.Ces caractéristiques sont toujourscelles des monocoques du VendéeGlobe! Les bateaux de croisière ainsidessinés ne sont pas rares.Enfin, il ne faut pas oublier le nova-teur trimaran Pen Duick IV, premiervrai grand trimaran de course au large,construit en 1968 et qui, s’il n’auraguère de succès avec Tabarly, per-mettra à Alain Colas de pulvériser bonnombre de records et de gagner laTransat 1972.

Le dessin, l’autre talent de Tabarly

Doté de vastes ballasts (500 litres), Pen Duick V gagne la Transpacifique, en 1969,avec 10 jours d’avance sur le deuxième, Jean-Yves Terlain.

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Dès les années 60, époque où les voi-liers de course étaient construits encontre-plaqué, Tabarly décida d’adop-ter des alliages légers pour son PenDuick III lancé en 1967. Il s’agit en l’oc-currence de l’AG4 MC, alliage d’alu-minium-magnésium (avec traces demanganèse et chrome). Le gain enpoids est considérable même si cematériau est deux fois plus onéreuxque le bois et six fois plus que l’acieret que sa mise en œuvre réclame unemain-d’œuvre hautement qualifiée.Plus tard, au lieu du plomb, il adop-tera de l’uranium appauvri autant parsouci d’économie (le CEA le lui avaitoffert) que d’efficacité pour la quillede Pen Duick VI. Ce qui ne se révélerad’aucune utilité technique et fut mêmeinterdit par le règlement de la courseautour du monde! Mais il avait osé. En

1985, pour cette même épreuve, il fitconstruire Côte-d’Or en kevlar-époxy,

le plus grand monocoque jamaislancé alors avec ce matériau.

Des matériaux originaux

Le Pen Duick VI fut équipé à ses débuts d’une quille en uranium.

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Textes : Philippe JOUBIN

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Par la mer et par la glace, la grande traversée

L’initiative

Sur le port de Roscoff, c’est uneétrange embarcation qu’on devinedans un hangar, deux coques auxétraves relevées et surmontées d’ungrand rouf tout noir…

Autour, on s’affaire, à commencerpar Sébastien Roubinet, cheveuxen bataille et regard brillant de pas-sions… Un marin que le grand publicavait découvert en 2007 quand il étaitparvenu à franchir, en double, le pas-sage du Nord-Ouest à la voile pure,une première sur cette route maritimequi permet – parfois – de rallier le Pa-cifique à l’Atlantique par le Nord ducontinent américain. Babouche – unnom de baptême qui décrit très biencet étonnant catamaran – était déjàconçu pour progresser sur l’eau maiségalement sur la glace.

«Beaucoup de traversées du pas-sage échouent à cause de quelquesmètres de glace. Mon idée était enoutre de passer entre la terre et lespremières plaques, là où il y a del’eau. Il fallait donc un bateau avecpeu de tirant d’eau, ce que permetun multicoque qui reste néanmoinsstable. »

2000km sur l’eau,1000 sur la glace

Ce périple accompli, Sébastien son-geait alors à traverser un jour l’océanarctique depuis l’Alaska jusqu’auSpitzberg en passant par le pôle

Nord, soit un parcours de 2000 kilo-mètres sur l’eau et 1000 sur la glace.Il lui fallait donc concevoir un bateauinédit.

« En 2011, avec Ti Babouche, ona navigué pendant 45 jours à deuxavant d’être contraint de faire demi-tour pour un problème de batterie.Deux ans plus tard, on est repartissur un nouveau bateau mais cettefois les vents contraires nous ontobligés à demander assistance caron prenait trop de retard sur notreprogramme, avec le risque de man-quer de nourriture. » Un brise-glacerusse viendra les recueillir.

Ne pas risquer la casse

Cette année, ils seront trois à bordd’un nouveau catamaran de 7 mètresde long, une unité toujours conçueet construite par Sébastien, embar-cation de haute technologie qui nepèse que 200 kg : les coques, qui segonflent, sont dotées de ski ; un roufabrite le matériel et les hommes pourla nuit ; soleil et gaz apportent l’éner-gie…

«Sur l’eau, on navigue en moyenneà 7 nœuds. Sur la glace, quand il nefaut pas tirer le bateau, on pourraitmarcher à plus de 25 nœuds, maison se limite au tiers environ pour nepas risquer la casse. Car, là où onva, on ne peut compter sur presqueaucun secours…»

Outre cette dimension architectu-rale et technologique, les sciences

font aussi partie de l’aventure. Deuxcaméras et quelques carottages vontpermettre de déterminer la propor-tion eau/glace et le relief de cette der-nière, données qui serviront à étalon-ner les satellites. Il s’agit égalementd’étudier la cryoconite, ces particulesminérales ou ces polluants qui contri-buent à accélérer la fonte des glaces.

Enfin, des relevés de microplas-tiques seront également au pro-gramme, comme la médecine avecun suivi de la santé de l’équipagedurant ces trois mois d’aventure.

«Qu’est-ce qui me pousse à partir ?L’endroit, car je m’y sens bien, heu-reux. La conception, la construc-tion et la mise au point du bateauégalement. Le côté « record », jem’en moque. Par contre, c’est pas-sionnant d’avoir construit un pro-jet global et inédit en partant derien. Et puis il y a cette dimensionscientifique et technologique : c’estune satisfaction si mon projet peutcontribuer à la connaissance. »Départ le 15 juin.

Gwendal JAFFRY.

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� Exploration. Sébastien Roubinet et ses deux coéquipiers tentent cet été de traverser l’océan Arctique à bordd’un catamaran à skis qui leur permet de naviguer sur l’eau et sur la glace. Une aventure aussi scientifique.

Quand le catamaran ne parvient pas à naviguer sur la glace, Sébastien Roubinet et ses coéquipiers sont contraints de le pousser.

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1 750 milles(2 816 km)

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Source : www.sebroubinet.eu/

Traversée de l’océan arctique à la voile

Dossier : les marins, ces inventeurs Mai 2018

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«Naviguer à l’ancienne, c’est le bonheur »

Les aides à la navigation ont fait unbond incroyable en une grosse géné-ration. Rendez-vous compte, les an-goisses du marin ont presque toutesdisparu grâce aux progrès technolo-giques.

Les GPS, traceurs, fichiers Grib devent et autres logiciels de navigationrépondent aux questions existen-tielles «Où suis-je? » et «Où vais-je? ».Sans oublier de vous livrer des pré-visions météo d’une redoutable pré-cision et, grâce à l’AIS, la présencede bateaux vous entourant avec leurnom, leur taille, leur cap, leur vitesse,etc.

Marins assistés

Finies les longues heures à se ron-ger les sangs et ce qui vous restaitd’ongles, à estimer les dérives, ventset courants, en cherchant la premièrebouée d’un chenal paré de sinistrescailloux. Terminée l’angoisse descornes de brume de gros cargos quel’on croyait sans arrêt surgir, énormes,dans notre tableau arrière en pleinepurée de pois.

Sont aussi à ranger au rayon desmauvais souvenirs les triangles d’in-certitudes marqués au crayon de boissur des cartes du golfe de Gascogneou d’ailleurs, à force d’estime et de re-levés au sextant dans la grande houle,quand le soleil daignait faire son ap-parition entre deux grains. Et surtout,adieu les frayeurs du vent qui monteau large, à 25, 45, puis 50 nœuds, àse demander si la tempête du sièclene va pas vous tomber dessus, sivous n’êtes pas au mauvais endroit del’océan, au mauvais moment.

Alors vivrait-on l’âge d’or de la na-vigation en surfant sur toutes nosplanches de salut technologiques ?La réponse peut être positive si l’on seplace d’un point de vue pratique. Lanavigation devient assistée, commepeut l’être la conduite sur route.

Mais éprouve-t-on la même pas-sion, le même plaisir quand on estassisté? Qu’il soit permis d’en douter.Peut-on se retrouver soi-même, capi-taine de son destin, assis dans soncarré, les yeux rivés des heures du-rant à un écran pendant que le piloteautomatique tient la barre et que descapteurs vous alertent sur les change-ments de vent ?

Et surtout, pour qui a connu l’émo-tion profonde, la joie intense de décou-vrir une terre après une longue traver-

sée, sans être tout à fait certain qu’ils’agit bien de l’île visée. Ceux-là vousdiront que rien ne vaut le bonheur desangoisses du temps qu’il va faire, lestress de ne pas connaître sa position.

Navigation pimentée

Car rien ne vaut aussi le bonheur deréussir un point sextant, de devinerle temps à la forme et la couleur desnuages, de sentir le vent à la couleurde l’eau. Bref, de naviguer en vrai ma-rin. Quitte à emmener dans une boîte

scellée un GPS et un téléphone satel-lite par sécurité en cas de gros coupdur. Pour Jean-Luc Van den Heede,au départ le 1er juillet de la GoldenGlobe Race, partir « sans escaleni assistance ni technologie mo-derne», la question ne se pose mêmepas. «Naviguer à l’ancienne, c’est lebonheur. On y retrouve du piment,de l’excitation », proclame-t-il dansun éclat de rire sonore.

Jean-Marie BIETTE.B

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ƒAventure. Les marins retrouveront, avec la Golden Globe Race, le 1er juillet, le goût pimenté de la navigationsans GPS, traceurs, logiciels. Cette course illustre le besoin de retrouver son âme de marin.

Robin Knox-Johnston, à bord de son yacht Suhaili, le 22 avril 1969, après un tour du monde en solitaire et sans escale de313 jours. Une poignée de marins reprend la mer dans les mêmes conditions le 1er juillet 2018, aux Sables-d’Olonne.

La Golden Globe Race, un retour aux sourcesPourquoi ? Comment ?

C’est quoi la Golden Globe Race?Un tour du monde à la voile quis’élancera des Sables-d’Olonne le1er juillet. Il s’agit en fait d’un énormebond dans le passé jusqu’en 1968,année de départ du seul et uniqueGolden Globe couru jusqu’ici. « Seu-lement neuf navigateurs étaient audépart et un seul a fini, Robin Knox-Johnston », rappelle Don McIntyre,l’organisateur. Une course entréedans la légende.C’est ce qui fait sans doute rêver lesskippers au départ car les règles se-ront celles d’un autre temps : une navi-gation au sextant, avec des cartes enpapier et un chronomètre à remontoir,sans aide à la navigation par satellite,sans instruments électroniques ni pi-lotes automatiques… Si tout se passebien, il leur faudra probablement près

de neuf mois pour faire le tour dumonde.

Qui va y participer?19 navigateurs, venus de 13 pays,sont inscrits. Parmi eux, le skipper sa-blais Jean-Luc Van Den Heede, qui adéjà bouclé cinq tours du monde. Il nese voyait pas repartir mais cette idée«absolument géniale» l’a convaincu.Celle de vivre cette aventure « dansles conditions qui m’avaient fait rê-ver quand j’avais 23 ans », révèle-t-il.

Comment va se déroulerle départ?Après une parade nautique et unecourse de charité entre l’Angleterre etla France, les skippers rejoindront levillage de la Golden Globe Race auxSables-d’Olonne à partir du 16 juin.Ouvert au public gratuitement, il pro-posera de nombreuses animationsavant le départ le 1er juillet.

Jean-Luc Van Den Heede à sa table à cartes.

Dossier : les marins, ces inventeursMai 2018

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L’aquacultureveut marier l’algue et le poisson

ƒ Expérimentation. Une méthode d’élevage aquacole combine différentes espèces qui agissent les unessur les autres. Un modèle qui, s’il fait ses preuves, pourrait consolider l’aquaculture en France.

Nourrir une espèce avec les rejetsd’une autre et en faire un circuit com-plet, vertueux et efficace. Sur le pa-pier, le concept de l’Aquaculture mul-titrophique intégrée (AMTI) est sédui-sant. Mais comment transporter serei-nement en pleine mer, milieu ouvertpar excellence, une méthode qui n’ajusqu’ici fonctionnée qu’à terre, enbassins fermés ?

Le schéma complet de l’AMTI com-bine l’élevage de poissons avec ce-lui de mollusques et de plantes ma-rines. Pour faire simple, on nourritles poissons dont les déchets orga-niques et inorganiques nourrissentles mollusques, puis les algues. Enplus d’être logique, cet écosystèmeartificiel est bon pour l’environnementpuisqu’il réduit les déchets dans le mi-lieu marin comme vient de le démon-trer une étude réalisée au Canada.

Logique et vertueux, certes, maisest-ce que ça marche ? « C’est trèscompliqué de confirmer que les al-gues profitent vraiment des rejetsdes poissons, note Bertrand Jacque-min, chef de projet au Centre d’étudeet de valorisation des algues (CEVA).L’AMTI en est encore à ses débuts,il faut prouver qu’elle fonctionne enmer. » Les Norvégiens, pionniers enla matière, n’ont pas encore été ca-pables de prouver les interconnexionsentre espèces. Si, à terre, les modèlesexistent depuis une vingtaine d’an-nées, en mer on tâtonne.

Expérimentations secrètes

C’est là qu’intervient le projet Integrate.Lancé en 2017 pour une durée dequatre ans, Integrate vise à dynamiserla coopération entre le monde de la re-cherche et celui de l’industrie aquacolede cinq pays de l’arc Atlantique (Écosse,

Irlande, France, Portugal et Espagne).Problème : si la volonté de mettre enplace dès le départ un guide de bonnespratiques fait consensus, celle de coo-pérer en toute transparence ne va pasde soi chez les porteurs de projets pri-vés. «Normal qu’ils soient réticents à

parler de leurs projets en rechercheet développement, explique Marie Le-sueur, ingénieure de recherche à Agro-campus Ouest. Les techniques de pro-ductions ne sont pas encore connueset tous cherchent à conserver leuravance. » L’enjeu est important pour

la filière conchylicole française. L’AMTIpourrait en effet apporter la diversité quimanque à ces entreprises dont le mo-dèle économique, fragile, est essentiel-lement la monoculture.

Bruno SAUSSIER.

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En France, l’un des projets les plus aboutis est celui de l’entreprise Symbiomer, qui conjugue élevage de poissons et demacro-algues.

Justin Trudeau veut protégerles océans

Le Premier ministre canadien sou-haite que les chefs d’États et de gou-vernements qui se retrouveront auG7, à Charlevoix (Canada), les 8 et9 juin, abordent les questions de lapêche durable, d’une meilleure col-lecte de données (en mer), de la re-cherche scientifique, de la réductiondu nombre d’objets en plastique quel’on utilise et qui finissent dans lesocéans. Selon lui, il est urgent de ré-fléchir à des infrastructures durableset aux investissements consentis.

Une vague pulvérise le recordpour l’hémisphère SudLes scientifiques ont mesuré ce quipourrait être la plus haute vague ja-mais recensée dans l’hémisphèreSud, un monstre de 23,8 mètres dehaut, soit l’équivalent d’un immeublede huit étages. La vague a été enregis-trée début mai dans l’océan Austral,près de Campbell Island, à environ700kilomètres au sud de la Nouvelle-Zélande. Selon l’océanographe TomDurrant, «c’est la vague la plus hautejamais enregistrée dans l’hémisphèreSud ». La plus grande vague jamaisrecensée fut un tsunami généré en1958 par un séisme, à Lituya Bayen Alaska, mesurant 30,5 mètres dehaut.

L’ange gardien des océansL’Agence spatiale européenne (ESA)a fait décoller le satellite d’observa-tion de la Terre Sentinel 3B, mercredi25 avril. Ce satellite du programmed’observation de la Terre, Coperni-cus, a rejoint son jumeau, Sentinel3A. La mission de Sentinel 3B est

complexe, il devra mesurer la tempé-rature, la couleur et la hauteur de sur-face des océans ainsi que l’épaisseurdes glaces de mer. Les données quiseront transmises par le satellite sontessentielles car elles contribuerontà de nombreuses recherches. Parexemple, sur l’évolution du niveau ma-rin ou encore la pollution marine. Cesinformations ne seront pas réservéesaux scientifiques, elles seront misesgratuitement à la disposition de tous.Sentinel 3B, comme son jumeau, aune durée de vie d’au moins 7,5 an-nées mais il a assez de carburantpour assurer sa mission sur 12 ans.

L’eau meurt dans le golfe d’OmanDes chercheurs ont découvert dans legolfe d’Oman l’existence d’une «zonemorte » plus grande que l’Écosse.Une zone morte est une région océa-nique où la vie marine est inexistanteà cause d’un faible taux d’oxygène.Ce constat a été fait par l’équipe descientifiques d’East Anglia et de l’uni-versité Sultan Qaboos d’Oman. Pen-dant huit mois, ils ont envoyé des

robots sous-marins qui ont établi undiagnostic. Selon Bastien Queste del’université britannique d’East Anglia,un des auteurs de l’étude, « nos re-cherches montrent que la situationest pire que ce qu’on craignait, etque la zone morte est grande etcontinue à s’étendre. L’océan suf-foque ». L’expansion de cette zonemorte est le résultat du réchauffe-ment climatique, l’eau plus chaudecontient alors moins d’oxygène.

En bref

Une zone morte gigantesque étouffe legolfe d’Oman, dans la mer d’Arabie.

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Un drone pour secourir les tombés à la mer

ƒ Invention. Gilles Vaton réfléchit depuis plusieurs années à la conception d’un drone autonomecapable de sauver les membres d’équipages tombés à la mer. Un dispositif encore jamais fabriqué.

« Ça fait très longtemps que jepense à ce dispositif », confie GillesVaton, architecte naval. Ce dispositif,c’est un drone sauveteur autonome àpropulsion électrique qui permettraitde secourir des membres d’équi-pages tombés à l’eau depuis un ba-teau de course, militaire, hydrogra-phique ou encore d’une plateformeoffshore. « Aujourd’hui, quand onregarde par exemple le coût desbateaux de course qui s’élève à plu-sieurs millions, engager 10 000 à25 000 euros dans un dispositif desauvetage est dérisoire », déclareGilles Vaton.

Un dispositif

sans réelle contrainte

Chaque membre d’équipage seraitéquipé d’un boîtier qui enclenche lalibération de la torpille de sauvetagedepuis l’arrière du bateau, lorsque lapersonne sort d’un certain périmètre.« On peut aussi imaginer qu’il se dé-clenche si de l’eau de mer entre encontact avec le boîtier. »

Le drone de sauvetage se déplacealors automatiquement jusqu’aunaufragé, à une vitesse d’environ5 nœuds. « La grande hélice peutpousser l’engin contre n’importequelle déferlante », précise GillesVaton. Le naufragé n’a ensuite plus

qu’à actionner l’ouverture de la sur-vie et à s’y installer. Une fois à l’abri,la personne peut attendre en sécu-rité jusqu’à plusieurs jours.

Aucun dispositif semblable n’existeactuellement, malgré le nombre d’ac-cidents toujours trop fréquents. « Onfinit par s’y habituer, le temps passeet on voit que ça continue. » Cetinstrument permettrait de tranquilli-

ser à la fois la personne à l’eau, quis’affolerait moins sachant qu’elle vaêtre secourue, mais aussi le pilote,débarrassé de la peur de perdre unmembre d’équipage à la mer.

Selon Gilles Vaton ni le coût, ni l’en-combrement, ni le poids du dispositifne représenterait de réelle contrainte.«J’attends la réponse d’un potentielpartenaire pour réaliser les études

et développer un prototype », dé-clare-t-il. La structure en elle-mêmene présente aucune difficulté tech-nique particulière, le plus délicat se-rait la partie électronique. « J’essaiede réfléchir à pourquoi on ne le fe-rait pas, et je ne trouve pas», résumel’architecte naval.

Margaux GAUBERT.

Le drone de sauvetage se déplace automatiquement jusqu’au naufragé, à une vitesse d’environ 5 nœuds.

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ICIaussi

LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE LA MANCHEmise sur les énergies nouvellesET LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE�Tourné vers l’avenir et la préservation de notre environnement� le Département a fait le parides énergies nouvelles� Organisée pour la première fois à Cherbourg�en�Cotentin du �� au�� juin� avec le soutien de la Communauté d’agglomération du Cotentin� de la RégionNormandie et du conseil départemental� ICOE est la plus grande conférence internationaledédiée aux énergies océaniques en développement�

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À quelle heure est la marée? Ça dépend…

ƒ Le saviez-vous ? Entre marées diurnes et semi-diurnes, les marées sont différentes et ont chacune leursparticularités. Tour d’horizon de ce phénomène aux quatre coins du monde pour comprendre le marnage.

Pourquoi ? Comment ?

Y a-t-il deux marées par jourpartout ?Non. Les marées sont influencéespar les mouvements et phases de laLune, les Grecs l’ont noté depuis 330avant notre ère. Pourtant, elle n’estpas la seule à exercer un yo-yo entreforce centrifuge et gravitationnelle avecnos océans, le Soleil joue aussi. Ainsien Atlantique, les marées sont semi-diurnes car la Lune domine mais ail-leurs c’est parfois le Soleil qui prendla main, donnant lieu à des maréesuniques chaque jour. C’est rare, maisces «marées diurnes» arrivent en merde Chine, dans le Pacifique et sur lescôtes de la Sibérie orientale où l’on ob-serve les plus forts marnages diurnes.

La marée du siècle arrive-t-elletous les cent ans ?Non, la marée du siècle, à savoirune marée à coefficients records, ar-rive plusieurs fois par siècle, tous les18 ans environ. La dernière en date aeu lieu le samedi 21 mars 2015, avecun coefficient de 119 sur une échelleallant de 20 à 120 pour la pleine mer.La précédente datait du 10 mars1997 et les dates des prochainesont déjà été prédites à la lumière de143 critères pour le 3 mars 2033 et le14 mars 2051. Ces années-là, entreLune, Soleil et Terre, tous les para-mètres astronomiques sont réunispour que les forces gravitationnellessoient à leur maximum.

Où trouve-t-on les plus fortesmarées ?Le marnage le plus important aumonde est mesuré en baie de Fundyau Canada, la différence de hauteurd’eau entre pleine et basse mer y

atteint 17 mètres. Pas étonnant quecette zone intéresse l’industrie desénergies marines renouvelables, eten particulier de l’hydrolien.Deuxième site majeur sur le globe : labaie du Mont-Saint-Michel en France,où le marnage peut aller jusqu’à envi-ron 15 mètres alors qu’il n’est que de2,5 mètres sur la bordure Atlantiquedu golfe de Gascogne.

La surface de l’eau est-ellevraiment plate?Vous voyiez l’eau comme un platmiroir ? Et non ! La surface dansun verre semble plate, mais en ré-alité elle présente d’infimes varia-tions, même chose pour les mers etocéans. Leur surface est composéede bosses et de creux permanents,formés par exemple par les cou-rants, comme le Liguro-Provençal

qui forme un petit dos d’âne à la sur-face de la Méditerranée : une défor-mation d’une dizaine de centimètresde hauteur sur plusieurs dizaines dekilomètres, imperceptible à la naviga-tion.

La mer est-elle plus élevée à Brestqu’à Marseille?Oui. Selon les mesures des Maré-graphes de Brest et Marseille – le sitede référence en France pour l’IGN –il y a une différence d’altitude entrele niveau moyen de la mer dans lesdeux ports : le niveau de l’eau auport du Ponant est 33 centimètresplus élevé que celui de la cité pho-céenne. Mais il n’y a pas de marched’escalier quelque part entre les deuxpoints. Étant donné la distance entreles deux villes la pente moyenne n’estpas extraordinaire.

Quelle est la différence maximalede hauteur entre deux océans?L’altimétrie satellitaire révèle des dif-férences de hauteur sur l’ensembledu globe comme entre la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le sud de l’Inde,avec environ 160 mètres de diffé-rence.L’écart est mesuré à partir de ce queles scientifiques appellent l’ellipsoïde :une référence terrestre et maritimenotamment utilisée par les GPS quifigure la Terre comme une sphère lé-gèrement aplatie aux pôles, alors quele niveau moyen des mers est fait decreux et de bosses, l’Inde étant endessous de la ligne de la boule idéaleet la Papouasie au-dessus. Les écartssont causés par le relief du fond,les courants, la météorologie et lapesanteur.

Lucie LAUTREDOU.

Diurne (de jour). Une seule pleine mer (PM) et une seule basse mer (BM) par jour

Semi-diurne. Deux PM et deux BM ayant sensiblement la même hauteur

Semi-diurne à inégalités diurnes. Deux PM et deux BM avec des différences entre les hauteurs

Mixte. Tantôt deux PM et deux BM par jour, tantôt une PM et une BM par jour

OcéanPacifique

OcéanPacifique

OcéanAtlantique

OcéanIndien

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Source : Shom (Service hydrographique et océanographique de la Marine).

Niveau de l’eauL’Atlantique est plus haut

que la Méditerranée,

jusqu’à 33 cm entre

les ports de Brest

et Marseille

Altimétrie satellitaire160 m de différence

de hauteur entre

la Papouasie-

Nouvelle-Guinée

et le sud de l’Inde

Baie de Fundy (Canada)Marées au marnage

le plus important au monde

Répartition des quatres types de marée

La mer, notre avenir

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Tempête à Porspoder dans le nord du Finistère : un site spectaculaire quand les grands coefficients sont couplés à une meragitée.

Mai 2018

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Des bulles pour protéger les mammifères marins

Les travaux sous-marins sont sourcede pollution sonore et ont un impactsur les mammifères marins, entraînantdes réactions de stress, de fuite, voiredes atteintes physiologiques. Pour lesprotéger, industriels et scientifiquescréent des murs anti-bruit à base debulles : des tuyaux percés placés aufond de l’eau, dans lesquels est insuf-flé de l’air. Les bulles qui s’échappentcréent des barrières acoustiques.

«On atteint des niveaux d’atténua-tion équivalents à ceux qu’apportentdes casques de chantier », vanteThierry Delaunay, de la société Grandstravaux de l’Océan Indien (GTOI), filialedu groupe Colas qui construit 6,7 kmde route-digue pour la future nouvelleroute du littoral de La Réunion.

De nombreuses applications

Pour ce chantier, GTOI utilise prèsd’un kilomètre de tuyaux percés ré-partis en différents tronçons «dimen-sionnés en fonction du bruit sourceet de la taille des travaux », précisel’ingénieur. Ce calibrage est fonda-mental car « si on dose mal le dia-mètre des bulles, leur densité et leperçage du tuyau, on peut amplifierles sons au lieu de les atténuer »,alerte Michel Arrigoni, professeur ensystèmes pyrotechniques à l’Écolenationale supérieure de techniquesavancées (ENSTA) Bretagne.

Les bulles ont de nombreuses appli-cations, la Marine utilise par exempledes ceintures de bulles sur les frégatesanti-sous-marines type Latouche-Tréville pour diminuer leur signatureacoustique. « Ce n’est pas très ré-pandu car ce n’est pas du tout ren-table», observe Christophe Rousseau,directeur adjoint du Centre de docu-mentation de recherche et d’expéri-mentations sur les pollutions acciden-telles des eaux (Cedre).

Utiles pour les énergies

renouvelables

Pour GTOI, le premier mur a coûtéprès de 150 000 € avec la rechercheet développement. Aujourd’hui, untuyau de 125 mètres revient à moinsde 8000 €. Là où le bât blesse, c’estcôté fonctionnement car les compres-seurs sont très énergivores. L’entre-prise travaille sur une alimentation parénergies renouvelables. Le secteurdes énergies marines renouvelablesest d’ailleurs intéressé par les murs debulles pour la construction de fermes.Un dispositif expérimental de réduc-tion de bruit doit être testé lors de laconstruction du parc éolien en mer parAiles Marines au large de Saint-Brieuc.« Il pourrait s’agir d’un ou plusieurs ri-deaux de bulles», précise la direction.

Lucie LAUTREDOU.

GTO

I

ƒ Sciences. Pour lutter contre la pollution sonore des milieux marins, les scientifiques encouragent l’utilisationde rideaux de bulles, soit des dispositifs créant des barrières acoustiques.

Installation d’un mur de bulles autour d’un chantier bruyant GTOI à La Réunion.

portbrest.bretagne.bzh [email protected]

©photos:GettyImages-DuKaiphotographer/PanoramicBretagne

Samedi � juinde ��h à ��h

Dimanche �� juinde ��h à ��hAu programme :

présentation du projet dedéveloppement du port de Brest,visites commentées du chantier…

ENTRÉE LIBRE ET GRATUITEAccès stationnement depuis la rue des Sternes - ����� Brest

VENEZ VISITER

LE CHANTIER

La mer, notre avenirMai 2018

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À Bordeaux, un musée où l’art prend la mer

ƒCulture. Il a pour ambition de faire découvrir l’histoire de la navigation et aussi la richesse et la fragilitédes océans. Une idée pas si folle portée par un promoteur bordelais qui veut faire réfléchir.

Trois questions à…

Norbert Fradin,promoteur immobilier et créateurdu musée de la Mer à Bordeaux.

Quel vent pousse un promoteurimmobilier à créer un tel lieu,culturel et engagé ?

Je dois être un marin frustré ! J’adorela mer ; j’ai grandi à Royan. J’auraisaimé faire l’école navale, mais j’étaisplus littéraire que scientifique… J’aitoujours été attiré aussi par l’art, l’ar-chitecture ; j’ai fait restaurer des châ-teaux orphelins, confiés à des asso-ciations locales qui les font vivre. J’aicollectionné des maquettes de ba-teaux, j’en ai peut-être 3 000. Un jour,je me suis dit « À quoi bon ? Essayonsd’en faire autre chose. » Très vite,l’idée est venue de créer un lieu cultu-rel, muséal, d’envergure, à Bordeaux,dans ce port qui n’a jamais vu la mer.Il a été conçu à quatre mains, avecl’architecte. C’est un grand musée, de6 000 m2, sur trois niveaux.La muséographie, contemporaine,laisse une grande liberté au visiteur,pour que chacun déambule à samanière, à son rythme, dedans etdehors, grâce à des jardins suspen-dus. Le musée est vaste, comme lesocéans.

Qu’est-ce que les visiteursdécouvriront dans ce nouveaumusée ?

D’abord l’histoire de la navigation,des grandes traversées, depuis lapréhistoire jusqu’au XXIe siècle. Lesocéans sont les vecteurs absolusdes empires. C’est ce que le muséeracontera à travers l’art, pour chaqueépoque : des maquettes, des objetsde marine, des cartes bien sûr, desfilms aussi. Nous exposerons mêmeun bateau, la coque en carbone duDéfi français 2002 pour la coupe del’America ! Mais ce n’est pas un mu-sée d’accumulation ; ces objets sont

le prétexte à raconter l’histoire de lamer, de l’exploration, des aventures.Nous avons travaillé en lien étroit avecdes historiens et des scientifiques. Unautre espace est dédié à la décou-verte du milieu naturel, des nouvellesespèces. Il montrera aussi la réalitédes océans, leur fragilité, les dangersqui les menacent. Il expliquera enquoi la survie de l’humanité dépendde la vie des océans.

À quoi doit servir votre musée ?D’abord à faire plaisir, permettre dedécouvrir, d’apprendre, dans un belendroit, ouvert, agréable. Le musée

montrera le passé et expliquera le pré-sent pour mieux envisager l’avenir. Ildoit faire de chaque visiteur un acteurde la connaissance et de la préserva-tion de la mer, pour parler, diffuser,partager ensuite, avec sa famille, sesamis. Je crois en cela, et en la forcedu plus grand nombre.

Stéphanie GERMAIN.

Musée de la mer et de la marine,bassins à flots, Bordeaux. Pré-ouverturele 15 juin avec l’exposition Monet et lamer. Ouverture complète du musée fin2018. museedelamerbordeaux.fr

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Norbert Fradina imaginé

avec passionla conception

du musée.

La mer, notre avenir Mai 2018