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LES MARQUEURS DE L'IDENTITÉ ETHNOLINGUISTIQUE DANS LES PAYSAGES RURAUX: L'ONTARIO DE L'EST ET LE PONTIAC (QUÉBEC)

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Page 1: LES MARQUEURS DE L'IDENTITÉ ETHNOLINGUISTIQUE DANS LES PAYSAGES RURAUX: L'ONTARIO DE L'EST ET LE PONTIAC (QUÉBEC)

Geographica 61

RUSHKAR, A . 1992 ‘The seventh wave of emigration could be the most massive in Russia’s history’ Current Digest of the Post-Soviet Press 44, 6-7

SACERS, M.I. 1992 ’Review of the energy industries in the former U.S.S.R. in 1991’ Post-Soviet Geography33,237-68

SCHWARTZ, L. 1991 ’U.S.S.R. nationality redistribution by republic, 1979- 1989: From published results of the 1989 All-Union Census‘ Soviet Geography 32,209-48

SHAW, D. 1991 ’Return of tatars to Crimea‘ Soviet Geography 32, 132 ZORKAYA, N., and GUDKOV, L. 1992 ‘There won’t be any exodus’ Current

Digest of the Post-Soviet Press 44, 7-8

LES MARQUEURS DE L’IDENTITE ETHNO-

(QUEBEC)

LlNGUlSTlQUE DANS LES PAYSAGES RURAUX: L’ONTARIO DE L’EST ET LE PONTIAC

Michel Phipps, Andre Langlois et Wei Jiang Departement de Gographie, Universit.4 d’Ottawa, Ottawa, Ontario, Canada K1 N 6N5

AprPs des dkcennies de recherches nourries de statistique et d’enqu6te sociologique, le paysage semblait avoir perdu son statut de concept cle de la Geographie. A I’observation de cette expression visible et tangible des genres de vie, on a progressivement substitub I’inspection de recueils statistiques et I’interrogation d’acteurs presu- mes des ph6nomPnes qui faqonnent I’espace. A I’origine de cette evolution, iI y a le primat devolu A I’etude des processus au detriment de celle des formes, reputees vulgaires, simplesproduitsfinalsdesprocessus. ftait-ce la fin du paysage en tant qu‘objet de recherche? Rien n’est moins scr aujourd’hui. Un regaind’interet pour I’etude de la forme et de I’espace se dessine travers un grande varietk de domaines scientifiques. C’est le cas notamment du rnouvement pour une semiotique de I’espace, inspire de considerations architecturales mais qui, depassant I’objet construit, vise I’espace dans sa totalite. N’est-il pas interessant de noter sous la plume d’un semiologue une affirmation qui rappelle I’aphorisme Lablachien?’

Tout se passe cornrne si I’objet de la serniotique topologique etait double, cornrne si son projet pouvait etre defini A la fois cornrne I’inscription de la societe dans I’espace et cornrne la lecture de cette sociCt6 a travers I’espace (Creirnas 1979).

Ce present article a un triple objet. II s’agit d’abord, par une etude concrete, de contribuer substantiellement au debat sur lestatut du paysage. Ensuite, il s‘agit de poser les jalons d‘une approche operatoire du paysage fondee sur

I’analyse de I’information (Phipps 1981 ). L’Ctude de cas, enfin, apportera une contribution A la connaissance du paysage rural de I’Ontario de Pest et du Comtb de Pontiac.*

Enjeu theorique, Enjeu regional

DIALECTIQUE DU SlCNlFlANT SPATIAL ET DU SICNIFI6

CULTUREL

Le paysage est une espace charge de signes produits par I’activite economique, la culture ou I’imaginaire d’individus ou de collectivites (Wieber 1985). Mais la simple saisie de ces signes par le regard ne dit rien de leur signification. De mSme qu’un texte se lit a I’aide des signes de I’alphabet et se comprend grace A la syntaxe propre a une langue, le lecture du paysage culture1 et sa comprehension procPdent essentiellernent du langage des signes et des signifies auxquels i l s renvoient. Le paysage est donc aborde ici en tant que lieu oir se tisse le lien entre signifiants spatiaux et signifies culturels.

lndividus et collectivites, par exemple, tendent 3 ins- crire les marques de leur identite ethno-linguistique dans leur espace. Certains de ces signes ont un sens explicite: I’affichage d’un emblPme national particulier refPre sans ambiguite 5 I’appartenance de I’individu A cette nation. Mais iI existe aussi des signes riches de signification implicite qui se manifestent 3 I’insu des individus. I ls emanent de traditions, de faCons d’Stre, de pratiques ou de conditions de vie propres A un groupe particulier (Sauer 1963). Leur presence peut Streaussi revelatrice que celle de marqueurs ostensiblement utilises comme mode de proclamation d’une adhesion A un groupe ou une culture.

Le dkchiffrage du paysage se heurte A une double difficult@. D’une part, nous ne connaissons pas a priori le langage de ces signes. La lecture du paysage passe donc obligatoirement par la reconstruction de sa syntaxe, c’est-&dire par la reconnaissance des liens signifiants entre signes (associations, redondances, oppositions, su- bordinations). La deuxieme difficult6 vient du fait que nous ne savons pas jusqu‘h quel point cette syntaxe est universelle. Nous devrons ainsi supposer que le caractPre signifiant de tel signe est fonction du contexte dans lequel il est vu.

Dans cette etude, nous sommes partis d‘une double question: dans des regions de transition linguistique (Cartwright 1988) cornme le sud-ouest du Quebec et Pest de I’Ontario, quels peuvent Stre les marqueurs paysa- giques de I’identite ethno-linguistique? Quelle est leur signification? Repondre A cette double question exige un

The Canadian Geographer / Le Ckographe canadien 38, no 1 (1994)

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A LES MUNICIPALITES DU PONTIAC

. -. . .__

LES MUNICIPALTTES DE L’ONTARIO DE L’EST

101 Lancaster 103 Lancaster (vl) 106 Charlottenburgh 107 Akwesasne 1 10 Cornwall (tp) 1 12 Cornwall (c) 115 Osnabruck 1 17 Wiliamburgh 1 19 Morrisburgh 122 Matilda 124 l roquds 127 Mountain 131 Winchester (lp) 133 Winchester (vl) 135 Chestervile (v) 138 Finch (tp) 141 Finch (vl) 145 Roxborough 148 Kenyon 151 Maxville 153 Lochiel 155 Alexandria 201 E. Hawkesbury 206 W. Hawkesbury 208 Hawkesbury

120 Pontlac 150 Bristol 180 Shawvllle 200 Clarendon 220 Thorne 240 Port. du Fort 250 Bryson 260 Cambell’s Bay 280 Litchfield 300 Grand-Calumet 330 I.aux All. (est) 350 Chapeau 370 I. aux Allumettes 410 Alleyn et Cadwood 430 Dorion 450 Leslie, Clap.. Hud. 470 Fort-Coulon e 480 Mansfield e? Pont. 500 Wallham et Bryson 520 Chichester 540 Sheen, Esher ... 560 Rapide-des-Joach.

209 Vankleek Hill 212 Caledonia 216 Longueuil 218 L’orignai 221 Alfred (tp) 224 Alfred (v) 226 S. Piantag. 227 St-Isidore 231 Piantag. (tp) 234 Plantag. (v) 237 Clarence 239 Rockland 242 Cambridge 244 Casselman 248 Russell

/

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\

Figure 1 Situation et statut ethno-linguistique des principales munic

B

:ipalit& des deux regions 21 I‘&&.

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Ceographica 63

dCploiement mCthodique mettant en oeuvre les concepts CnoncCs plus haut aussi fidhlement que possible. Un de nos objectifs visait donc 3 formuler un modhle operatoire permettant d‘appliquer les notions de signifiants paysagiques, de structure shantique et de signifibs cul- turels. Nous nous attacherons aussi 3 I’espace individuel, c‘est-&dire aux marques inscrites sur la maison d‘habitation et 2 son espace associe. D’autres marqueurs existent dans I’espace collectif (edifices institutionnels, par exempie), mais dans une region de transition linguis- tique ou la mosa’ique ethno-linguistique se manifeste souvent 3 I’Cchelle residentielle, la seule observation de I’espace collectif ne permettrait pas de saisir toute la richesse d’expression du paysage.

DEUX RgCIONS DE TRANSITION ETHNO-LINGUISTIQUE

Le ComtC du Pontiac (so du Quebec) et I’Ontario de regions de transition linguistique (Lachapelle et Henripin 1980; Cartwright 1988)’ offrent des caracteristiques qui en font un laboratoire privilegie d‘observation du paysage ethno-culturel. Cette richesse se fonde dabord sur leur caract6re peripherique commun. Leur excentricit6 geo- graphique au sein de leur province respective les a amenees 3 developper des modes de vie domines par le local et, partant, 3 inscrire dans le paysage de nombreux signes l ies 3 la vie quotidienne. Ces signes sur lesquels Blanchard ( I 954) fondait I’utilisation du concept euro- @en de ‘pays,’ deviennent des clCs de lecture fondamen- tales pour I’interpretation du paysage. Periphkriques, elles le sont aussi par rapport3 I’espaceethno-culture1 qui les entoure. Car elles introduisent toutes deux dans le paysage des aires dominance ethno-linguistique de groupes minoritaires A I’bchelle de leur province respec- tive. Cette situation Cree d’interessants contrastes paysa- giques qui, souvent, s’observent A peu de kilom6tres de distance.

Ce paysage contrast6 est le fruit d‘une repartition spa- tiale qui est loin d’hre uniforme, comme le montrent les cartes A et 6 dans la Figure 1. Ces cartes illustrent la position geographique de la population d‘origine britan- nique dans le Pontiac et celle de la population d‘origine frayaise dans I’Est de I’Ontario. On y remarque, dans les deux cas, une repartition concentrk favorisant, au deb du poids dkmographique, la consolidation spatiale de ces groupes.

Dans les deux regions, on a donc affaire 3 des minorites linguistiques provinciales qui se transforment en majori- tes regionales. En outre, la marque du temps a laisst5 dans ces regions des traces indelibiles. A la suite de vagues successives de colonisation provenant de divers milieux

Tableau 1 Liste et nombre de classes des 21 descripteurs observes dans I’inventaire des 281 7 residences

Groupes Caracteristiques et signes Nb Clas.

1. Localisation Implantation

2. Construction

3. Ornements prksents sur le terrain

kalisation dans le sage Visibilite depuis la rue Utance depuis la

& de I ’sf ice &at d‘metien de I‘edifice - N o m k dlages ke tement Werieur lype architectural &&on et d e r i e Lucarne - Couleur h i n a n t e W e u r sondaire

Cl6tures Bnements floraux

&es ornementaux Lr&s grands i&res - Autres & r e s Qrnements con v&btaux k6nes &ieuses Draaeaux

5 4 3

3 5 4 7 6 3 2 10 10

2 2 2 2 2 2 2 2 2 -

NOTE: Les portions de mots soulignbs indiquent les abrbviations utilisCes dans les figures.

ethno-culturels (Gilbert et Langlois 1986; Phipps, Gilbert et Casteran 1992) une mosayque ethno-culturelle a pris forme que le paysage exprime encore avec force et dont cette 6tude veut rendre compte.

BASE DE DONNEES

Au cours de I’automne 1991, 281 7 residences ont 6t6 repertoriees selon un protocole d‘observation standard decrit par Phipps et al. (1 991). Ces residences appartien- nent 3 22 villages situks dans les deux regions dkrites plus haut. Dans chaque village, toutes les residences ont Ct6 prises en compte. Les descripteurs inclus dans le protocole d‘observation sont au nombre de 21 et se repartissent entre 3 groupes distincts definissant respec- tivement la localisation de la residence dans le village et son implantation sur le terrain, les caracteristiques de la construction elle-m&ne et, enfin, les el6ments d’ornementation presents sur le terrain de la residence (Tableau 11.4

L‘identite ethno-linguistique des residents etait notee 3 chaque fois que cela Ctait possible, soit par contact direct avec les residents, soit d’aprhs des indications visibles comme une plaque portant I’identite des residents. Sur les 281 7 cas, cette indentit6 n’a pu Ctre relevee que dans une

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proportion de 28.5% (803 cad. Afin d‘augmenter cette proportion, nous avons ajoute un certain nombre de cas d‘identite non connue mais situks dans des villages dont on savait par ailleurs que leur proportion de francophones ou d‘anglophones depassait 90%. C r k e A cette correc- tion entrainant des erreurs inferieures ?I 1 O%, le nombre des cas connus ou prksumks d’appartenance linguistique est pass6 2 1694, soit 60.1% de I’echantillon complet, avec une proportion de 50% pour chacun des deux groupes.

Signe, Information, Structure

DU SICNE A L’INFORMATION

Au sens de la theorie de I’information, tout signe observe dans une collection d’objets genPre une quantite me- surable d’information qui est une fonction logarithmique de la probabilitie de ce signe dans la collection. Ainsi, la quant i t6:

E& = -Inp, (1)

mesure la quantite d’information gen6ree par I’ob- servation unique k d u n signe jayant la probabilitep, dans la collection de reference. Par exemple, A chaque fois que nous noterons la presence d’ornements floraux dans une residence, cette observation produira une quantite d’information fonction de la probabilite de ce type d’ornement dans la collection des residences observees.

L‘equation de I’entropie d‘information de Shannon, derivee de la precedente, mesure la quantit6 globale d’information recueillie au cours d‘une enquPte relative aux signes exprimant les divers aspects d‘un descripteur. Par exemple, pour un descripteur comme la couleur de la maison c’est I’information fournie par les aspects particu- hers de la couleur (bhnc, gris, vert, etc.) au cours d‘une enquete. Cette equation donne donc la mesure de f’information totale accumul6e en observant dans la collection entiPre le descripteur A qui s’exprime par les aspects j = 1, m, de probabilites respectives p;

(2)

Nous pouvons aussi mesurer le lien existant entre l’information de deux descripteurs A et 6. L’informa- tion rnutuelle mesure la correlation qui existe entre I’expression respective des deux descripteurs A et 6. Elle est obtenue de la facon suivante:

Oh

HB(A)= - 2 ~ ; xpu/ijlnPu/i, ] (4)

represente I’information du descripteur A lorsqu’il est observe relativement au descripteur B (p<,,a &ant la probabiliteconditionnelle du signe jde A en presence du signe i de B). L‘information mutuelle a le sens dune prediction. Ceci veut dire que nous pourrons mesurer, dans la collection des residences observees, la valeur de chaque descripteur en tant que predicteur de I‘appar- tenance un groupe ethno-linguistique particulier. Cette dernihe mesure constituera I’element cl6 de la recherche de la structure semantique.

i = l i“ j = l

DE L’INFORMATION A LA STRUCTURE

Le recours A la mesure d’information dans une etude du paysage culture1 decode des remarques preckdentes sur la necessite de reconstruire la syntaxe g r k e A laquelle les signes paysagiques produisent du sens. I 1 s’agit de montrer comment ces signes forment une structure semantique et, pour cela, analyser les rapports qui gouvernent I’expression de ces signes. Ces rapports prennent diverses formes (liaison, opposition, subordination) que nous de- vons decouvrir. C’est A cette t%che essentielle que servira I’analyse d’information.

Pour appliquer la mesure d‘information ?I la recherche de structure, I’kquation (3) est incorporee dans un algo- rithmemultivari6(Proc6durePEGASE, Phipps 1981). I1 s’agit d‘une division pas-&pas de l’ensemble des residences observees selon les descripteurs qui predisent le mieux l’appartenance linguistique. Nous partirons donc de la base de donnees contenant la totalit6 des observations de terrain, puis I’ensemble des ces residences sera divise progressivement selon les descripteurs qui president le mieux le groupe linguistique. Par exemple, si la mesure d’information revele que le descripteur pr6sence / ab- sence de tr6s grands arbres est le meilleur predicteur de I’appartenance linguistique, on divisera I‘ensemble des residences selon cette ligne de partage (voir Figure 2a). Desormais les deux sous-ensembles correspondant i chacun des deux maqueurs prgsence et absence de ce type d’ornement, constitueront des contextes distincts quant A I’appartenance linguistique. Bien entendu, une simple division ne suffira pas A devoiler la structure recherchee. La proc6dure reprendra donc chacun des deux sous-ensembles prCcCdemment form& et les sou- mettra, separement, A la recherche du meilleur predicteur suivant.

Le produit final de cette procedure est la structure en arbre (dendrogramme) representee dans les Figures 2a et 2b. Chaque branche du dendrogramme reprbente un ensemble de residences caracterisees par un m&me

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Fi T.G,ARB.

b 1 PRES.

REV EXT. i

AWM. UJTRES

L0C.VIL

CE~TRE GGRUE RUE~SEC. P ~ I P H . &IS PIERRE BRIQUE CRifPiS

A

E

PELOUSE REV.UCT. 0R.N.VcG.

B C

SiGNE PARTIC.

GRFRANC. I- CARACTER. ORANGLO. DIV.

LEGENDE

NBREh. BALC.GAL. 1 AGE EDIF. 2- DISTAUE CLOTURE

D E F G H

BOlS

2

CWL.SEC. I i

BIANC GRlS BEIGE VERT -1 p-iz- r2.691

BAiCON GALERE

COUCSEC. 10 b

BIANC AUTRES

25 27 T.AR.CHIT. 22 23 24 I

PIG”-AV. [email protected]. 2 PION. TOlT 4 P.

Figure 2 (a) Dendrograrnrne de I’analyse des 1694 residences individuelles. Se reporter au Tableau 1 pour la definition des descripteun et de leurs Btats. Pour des raisons de place, la suitedu dendrograrnrne ne peut h re representee, a I’exception de la branche E (Figure 2b). Le dendrogramme cornplet est disponible sur demande aupres de I’auteur principal. (b) Suite de la branche E du dendrograrnme (les conventions graphiques sont les mernes que celles de la Figure 2a).

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PAYSA6E C’ULTUREL EST ONTARIEN = PONTIAC

0.7 yP r 5 0.65; ‘9

I 14.5

4 I I

0.6 j

0.55 j 0.5 7

0.4 4 I

,/ r“

- 2.5

- 2

- 1.5

I C 0.5 i I

I 6 i 0 0 20 40 60 80 100

0.2- I

Nombre de Sous-ensembles

Figure 3 Aucoursde laprocduredivisive, lenornbredes branchesdudendrograrnrneaugrnente(axedesX) tandisque I’incertitude(entr0pie) relativeaux 2 groupes ethnc-linguistiquesdiminue(axedesY agauche)gr&e& I’informationdeplusenplusdCtaiIl&fourniepar I’ensernbledessignalernents (axedesY hdroite). Lorsque la procedure s’arrete 98 signalernents, I’incertitude rkiduelle relative aux 2 groupes est de 0.48.

Tableau 2 Quatre signalements majorit6 francophone

SICN.12 N=9 H=0.21 95% FRANC. SICN.36 N=50 H=0.28 92% FRANC.

1 T.G.ARB.: PRI% 2.6% 1 T.G.ARB.: ABS. 5.0% 2 REV.EXT.: CRCPIS 1 0.7% 2 LOCViII.: CENTRE 5.3% 3 DIST.RUE: <5 M 49.0% 3 PELOUSE: PRk . 5.4%

5 ARBUST.: PRCS. 2 1 .5% 4 NBRE CT.: 1 ET. 22.7%

SIGN.66 N=4R H=0.23 94% FRANC. SIGN.68 N=54 k 0 . 2 6 93% FRANC.

1 T.C.ARR.: ABS. 5.0% 2 L0C.VILL.: GRUE-CH.R. 3.2% 3 REV.EXT.: BRIQUE 17.3% 4 PELOUSE: PR& 4.1% 5 DRAPEAU: A8S. 3.5% 6 AGE CDIF.: RECENT 33.1%

1 T.G.ARB.: ABS. 5.0% 2 L0C.VILL.: G.RUE-CH.R. 3.2% 3 REV.EXT.: ALUM. -3.2% 4 0R.FLOR.: ABS. 17.3% 5 AGE CDIF.: ANCIEN 19.1% 6 OR.N.V$C.: ABS. 20.5%

I_ .. ____ _ _ ~~~

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Tableau 3 Quatre signalements A majorite anglophone

SICN.8 N=21 Hz0.19 95% ANGLO. SIGN.10 N=26 H=O.OO 100% ANGLO.

1 T.C.ARB.: ABS. 5.0% 1 T.C.ARB.: P R k 2.6% 2 LOC.VILL.: R.SEC. 18.6% 2 REV.EXT.: BOIS 43.5% 3 0R.N.VEC.: PRES. 48.8% 3 BALC.GAL.: GALERIE 53.9%

SICN.78 N=31 H=0.24 94% ANGLO. SIGN.89 N = l 7 H=O.OO 100% ANGLO.

1 T.G.ARB.: PRES. 2.6% 2 REV.EXT.: BRIQUE -1.4% 3 AGE fDIF.: ANCIEN 1.0% 4 DIST.RUE: >5 m 11.1%

6 ET. ENTR.: AS.BON 32.2% 5 NBREET.: >1 ET. 19.9%

1 T.G.ARB.: PRk. 2.6% 2 REV.EXT.: ALUM. 1.3% 3 CLOTURE ABS. 6.0% 4 AGE ~DIF.: ANCIEN 7.5% 5 VISIBLIT~: AUTRE 4.2% 6 0R.N.VEG.: PRfS. 32.2% 7 ET.ENTR.: T.BON 46.1%

signalement (ensemble de marqueurs), montrant une affinite plus ou moins marquee pour I’un ou I’autre des groupes linguistiques. Au fur et 2 mesuredes divisions, les signalements deviennent plus complets et les indications linguistiques plus precises. On sera mieux en mesure de predire I‘identite ethno-linguistique des residents grlce a I’information de plus en plus riche fournie par les signa- lements. L’information acquise au cours de la procedure diminue I’incertitude quant 2 I’identite ethno-linguistique (voir Figure 3). Ce qu’il faut souligner, c’est que le dendrogramme obtenu revele les regles qui regissent la combinatoire des marqueurs pertinents de I’appa- tenance linguistique. C‘est precisement ce que nous avons appele structure semantique ou syntaxe des signes paysagiques.

La syntaxe des signes: Rksultats de I’analyse

Les rbultats de I’analyse peuvent Ctre expolites 2 trois niveaux: (1) les resultats du dendrogramme; (2) les signalements, et (3) I’evaluation de la prediction en general. Avant de donner des exemples pour chacun d‘entre eux, une precaution s’impose: dans ce qui suit, nous parlerons du lien entre signes et majorit6 ethno- linguistique en utilisant des termes tels que ‘marqueur,’ ‘signalement,’ ’indication.‘ Pour eviter toute difficult6 d’interpretation, on gardera present a I’esprit qu’il ne s’agit pas de liens deterministes mais de liens probabilistes fondes sur des liaisons statistiques significatives.

RCSULTATS DU DENDROGRAMME

Ces resultats apparaissent dans les Figures 2a et 2b. Des

le premier palier de division (Figure 2a), le descripteur le plus discriminant des groupes linguistiques est la ‘prksence / absence de grands arbres.’ Cette ligne de partage definit d‘une part un contexte 2 majorit6 francophone marque par I’absence de grands arbres et, d’autre part, un contexte a majorite anglophone marque par la presence de ces arbres. Dans chacun de ces contextes, les descripteurs distinctifs suivants sont respectivement la ‘localisation dans le village’ et le ‘reveternent extkrieuf de la construction.

Les diagrammes inseres dans chaque boite du dendrogramme montrent clairement les tendances lin- guistiques associees aux marqueurs. Dans le premier contexte, 3 des 4 sous-ensembles produits par la ‘locali- sation dans le village’ different peu les uns des autres quant 2 la dominance linguistique des francophones. Par contre, le sous-ensemble correspondant aux ‘rues secon- daires’ se distingue des autres par un renversement de la majorite linguistique en faveur des anglophones. Dans le deuxieme contexte, le descripteur discriminant est le ’rev6tement extkrieuf de la maison; ici, Vindication est aussi forte que dans le cas precedent: dans ce contexte 2 forte majorit6 anglophone, certains types de revhements renforcent cette tendance dominante: c’est le cas du bois notamment qui marque presqu’exclusivement le groupe anglophone. Par contre, 3 autres marqueurs (pierre, bri- que et, surtout, cr6pis) renversent le rapport linguistique et sont clairement I’apanage des francophones.

La lecturedudendrogramme se suffit 2 elle-m&me et un commentaire complet depasserait les limites de cet arti- cle. II faut neanmoins insister sur la signification de la hibrarchie des marqueurs. Le cas des maisons de bois, avec des grands arbres fournit un bon exemple (Figure

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68 Ceographica ___.___

2b). Dans ce contexte, ’I’absence/pr&ence de balcon ou gaierie‘ se r6vi.le comme le descripteur le plus distinctif. Ce fait a un double sens: d‘une part, it indique que ce caractere architectural varie dans ces maisons et, d‘autre part, que la distinction selon les aspects de ce descripteur refli.te I’identitk ethno-linguistique des occupants. La ’couleur de la maison‘ est le descripteur discriminant suivant; lui aussi possi.de cette double pertinence. Or la hierarchie et la subordination des deux marqueurs au rev&tement extCrieur de bois prend son plein sens quand on note que balcon, galerie et couleur (imposee par la necessitk d’une peinture protectrice) sont, par excellence, les moyens par lesquels la maison revhue de bois se trouve valorisee et personnalisee. De nombreux exemples similaires pourraient etre montrb dans le dendrogramme.

Ces remarques soulignent le fait que la valeur indica- trice d‘un signe particulier ne s’avPre generalement que dans un contexte sp6cifique. Ainsi la ‘pr&ence/absence de balcons et de gaieries’ possPde une grande valeur indicatrice dans le contexte particulier des maisons a revetement de bois, dans un milieu dej i en majorite anglophone. Ailleurs, ces caracteres peuvent exister ou ne pas exister; mais leur presence ou leur absence n’y ont pas valeur indicatrice. Ce phenomPne de hierarchie et de subordination qui gouverne I’expression des marqueurs est be1 et bien la syntaxe des signes paysagiques evoquee au debut de cet article.

LES SICNALEMENTS

Toute branche du dendrogramme represente un sous- ensemble de residences ayant en commun plusieurs marqueurs particuliers et manifestant une tendance linguistique plus ou moins specifique. L’ensemble des marqueurs attaches i une telle branche, ou signalement, constitue en m@me temps une sorte de ’portrait robot‘ des residences correspondantes et une ’c iF de prediction des groupes linguistiques. Dans certains cas, Vindication linguistique est Claire: le sous-ensemble est fortement domine par un desdeux groupes; dans I’autres, la reponse est incertaine: aucune majorite, ni anglophone, ni francophone ne se degage. Cette incertitude est mesurk par la valeur finale de I’entropie dinformation attachee A la branche. Pratiquement, une entropie superieure A 0.56 constituera une reponse incertaine car les probabilites respectives des deux groupes linguistiques sont com- prises dans I’intervalle 0.25-0.75. En revanche, on considerera qu’il existe une tendance linguistique nette si I’entropie se situe au dessous de 0.56. Nous avons choisi 8 signalements particuliers, hautement spkifiques puisque leur entropie ne depasse pas 0.28, ce qui veut

dire qu’ils sont domines a plus de 92% par Pun des groupes linguistiques.

Les quatre signalements du Tableau 2 sont tres majoritairement francophones. Les descripteurs et mar- queurs definissant ces sous-ensembles sont indiques dans I’ordre de leur intervention dans la procedure. Les bran- ches se terminent plus ou moins tBt, certains signalements pouvant etre acquis dPs le Prne palier de la procedure, tandisque d’autres ne se forment qu‘au Pme. Les pourcen- tages indiques en fin ligne donnent la contribution du marqueur correspondant i la reduction de I’entropie de chaque signalement. Parmi ces portraits types, on voit par exemple qu’une maison r6cente rev&tue de brique, entouree d’une pelouse sans grands arbres, localisee sur la grande rue du village ou sur un chemin rural a de grandes chances d’6tre occupee par des residents franco- phones (signalement 66).

Les quatre signalements du Tableau 3 sont au contraire majoritairement anglophones, cette dominance Ctant meme exclusive dans deux cas. La maison de bois, avec une galerie et entouree de grands arbres (signalement 10) a toutes les chances d’etre occupee par des residents de langue anglaise. De la mCme faGon, une maison haute, de construction ancienne de brique pleine, b%tie en retrait de la rue sur un terrain complante de grands arbres et en assez bon &tat d’entretien est, elle aussi, un portrait type de maison en milieu anglophone (signalement 78).

VALEUR DU MODELE DE PRtDICTION

On vient de voir que certains signalements ont une bonne valeur predictive tandis que d’autres sont beaucoup plus ambigus dans leur reponse linguistique. Ceci souleve la question de la validit6 generate du modele de predic- tion. Celle-ci depend evidemment de I’ensemble des signalements, de leur nombre d’observations et de leur entropie respective. La Figure 3 repond A cette question. Elle montre la variation de I’entropie globale pour I’ensemble de la structure au cours de la procedure. I I s’agit donc d’une mesure du niveau d’incertitude pour I’ensemble des branches au fur et 2 mesure que celles-ci se forment. On voit que I’entropie finale est de 0.48, valeur qui correspond aux probabilites respectives0.19 et 0,81 pour lesdeuxgroupes linguistiques (ces valeurs etant evidemment symetriques vis-a-vis de ces deux groupes). Ceci montre donc qu’au total, I’identite linguistique s’inscrit avec force dans I’espace residentiel et qu’elle est assez predictible (avec une probabilite de 80% en moyenne).

Cette reponse entraine une autre question: quel poids revient 3 chacun des descripteurs participant aux signale- ments. La Figure 4 montre les 2 1 descripteurs decrits dans

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PAYSAGE CULTUREL EST ONTARIEN - PONTIAC

1 16 18 20 2

m

I I

~ E U R

5 Contribution des Marqueurs Paysagiques (%)

Figure 4 Contribution relative des descripteurs paysagiques a la reduction de I’incertitude relative aux deux groupes ethno-linguistiques. Cette contribution constitue une mesure de la valeur de ces descripteurs en tant que marqueurs paysagiques.

le Tableau 1, mais ranges cette fois dans I’ordre de leur contribution decroissante la definition des signale- ments. On voit que le ‘rev&ementext&ieur‘ a une contri- bution qui depasse celle de la ‘prksence /absence de grands arbres.‘ Ceci se conGoit bien s i on considPre que le revetement exterieur intervient en plusieurs occasions meme si ce n’est pas en premiere lignecomme dans le cas des grands arbres. II faut aussi noter que les signes les plus explicites de I’appartenance ethno-linguistique comme les drapeaux, les ic8nes religieuses ne contribuent prati- quement pas A I’ensemble des signalements; nous revien- drons plus tard sur ce fait surprenant.

De la pertinence au sens: L’interpretation des liens

L’analyse met indubitablement en evidence des signes distinctifs presents dans le paysage et qui connotent avec I’appartenance ethno-linguistiques des individus. Quels

liens y a-t-il entre ces signes materiels inscrits dans I’espace individuel et I’appartenance A un groupe linguistique donne? Ici, nous devons faire appel aux conditions de vie, aux goilts et aux pratiques issues de diverses traditions culturelles auxquelles on peut rattacher ces signes.

La premiere interpretation possible consisterait A voir les differences constatees comme des caracteristiques regionales acquises de longue date et d’une segregation ethno-linguistique calquee sur cette regionalisation. Cette interpretation doit &re rejetee car les ‘portraits r6sidentiels’ mis en evidence cohabitent parfois dans les memes zones ou les m&mes villages. II faut donc insister sur le caractere individuel de ce marquage. En outre, la construction d’une residence et sa decoration par divers artifices relPvent A la fois du passe et du moderne. II faut voir ces signes comme la manifestation d’un heritage culture1 et d‘une culture actuelle.

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(at

(b)

Figure 5 Illustration dedeuxtypesde residencesen milieufrancophone. Lepignon lateral, lelogisdeplain-piedetlesrev&ementde brique(a)ou depierre (imitation de pierre jointoy& en b) sont fr6quents. L‘elhent nature1 est gen6ralement inter6 a I’espace construit sous forme d’arbustes d’ornement comme des conifsres (a et b). l a rnaison rnontrtk en b 6voque evidernment le style dit du R6gime francais. Beaucoup de ces residences son1 relativement recentes.

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(b)

Figure b Illustration de deux types de r6sidences en milieu anglophone. Le pignon sur rue (b) ou le double pignon qui s‘accompagne d’un plan en L (a), sont a I’honneur. Le logis a plusieurs &ages la et b) ainsi que balcons et galeries (b) sont 6galement trPs frequents. La maison d’habitation est le plus souvent enserr& dans un cadre de verdure constitue par de t r k grands arbres (a et b). Un grand nornbre de ces maisons sont anciennes.

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74 Ceographica _______

Un premier phCnomPne est a noter: la prosperit6 de la communaute anglophone est un fait indeniablement an- cien. kussi bien dans les maisons villageoises que dans les maisonsdeferme, cetteaisancese manifestait souvent par I’ampleur du logis et une certaine recherche de style. Du c6t6 francophone cette aisance n’est apparue que plus tard. Dans le milieu rural de I’Ontariode I’est notamment, elle est venue avec le succPs de I’agriculture moderne, particulierement de la production IaitiPre, qui a fait un bond economique spectaculaire h une epoque relative- ment rkente. Cefait rend comptedu caractere recent que nous avons note a propos de nombreuses residences de francophones; ceux-ci ont souvent remplacP leurs de- meures anciennes par des habitations neuves plus confor- tables.

On a note la position cle des tr& grands arbres dont la presence signale, dPs le debut de la procedure, un milieu majoritairement anglophone. II s’agit d‘arbres seculaires, souvent des ormes ou des erables argent& ombrageant maisons villageoises et maisons de ferme. Cette donnee doit hre mise en opposition avec la presence d’arbustes d’ornements qui, en I‘absence de grands arbres, signale de maniPre constante des residences de la communaute francophone. Cette opposition relPve bien entendu de deux maniPres de concevoir le rapport entre l a maison et son environnement naturel: d’une part, la maison im- mergee dans son cadre de verdure et d‘autre part, I’Clement naturel intCgr6 et subordonne A I’espace cons- truit. Y aurait-il la une reminiscence de traditions comme celle du paysage anglais et celle d’une nature plus domes- tiquee! La question se pose de toute evidence.

Les marqueurs ethno-linguistiques visibles sur la cons- truction elle-m6me montrent aussi plusieurs traits cons- tants qui peuvent 6tre interpret& parfois en fonction de certaines traditions. On a vu d’abord le r6le cle du revstement exterieur avec une propension marquee des residents francophones a utiliser la pierre, la brique plaqu& ou le crepis. Ces m@mes residents montrent Cgalement une tendance nette 2 occuper des maisons rbcentes, de plain-pied et le plus souvent a pignon lateral. Peut-on voir dans ces traits des influences traditionnelles? II serait sans doute temeraire de se hasarder sur cette voie car ces traits sont generalement ceux des constructions ubiquistes qui caracterisent I‘kpoque moderne et que I‘on trouveen milieu urbain comme en milieu rural. On notera toutefoisque la plupartdeces traits appartiennent aussi au styieditdu reggimefranqais (Humphreyet Sikes 1980)dont on trouve de plus en plus de copies rkentes en milieu francophone. Cependant aux traits cites plus haut, ce style ajoutait trois 6lements importants qui manquent ici: le haut pignon et I’avant-toit &vase abritant une galerie. II

reste que les revetements qui simulent les materiaux de construction solides jouissent dune grande faveur chez les residents francophones.

Du cat6 des residents anglophones, nous avons note la propension h utiliser le bois, ou la brique pleine dans des constructions relativement anciennes. La maison haute avec pignon-sur-rue ou double pignon, dotee de balcon ou galerie, a eu la faveur de ces memes residents; sur les batisses de bois la couleur blanche dornine. II est impossible ici de ne pas 6voquer la tradition coloniale nord-americaine. Selon les Cpoques, celle-ci s’est exprimee h travers des styles bien caracterises comme les styles Georgien, Regency et pittoresque (HumphreyetSikes 1980; Brayetal. 198O)qui eurenttour h tour la faveur des colons loyalistes. Mais au deb des traits particuliers A chacun de ces styles, iI est certain que ces traditions ont perdure dans la maniere de construire en milieu anglophone, bien aprPs que ces styles eussent cesse de regner.

Conclusion

Le paysage refkte la sociCt6 comme on I’affirme. Cette remarque s’applique bien h I’espace residentiel rural dans une region de transition ethno-linguistique comme le Pontiac et I’Ontario de I’est. Nous avons montre que chacun des groupes ethno-linguistiques qui peuplent ces regions arbore A sa faSon son identit6 linguistique a travers une variet6 de signes affiches dans l’espace personnel. Mais il s‘agit plus d’une expression implicite que d‘une manifestation intentionnelle. Les marqueurs de cette identit6 emanent de goat, de pratiques, de maniPres d’etre ou de conditions d’existence propres A chacune des communautes en presence et s’expriment h I‘insu des individus. En depit de ceci, le lien entre signes paysagiques et I‘appartenance ethno-linguistique se rkvele avec une force surprenante.

Ce mode individuel d’appropriation de I‘espace, se superpose h d’autres marqueurs ethno-culturels de I’espace collectif, les renforcant, bien entendu. Que ce soit A travers les modes d’utilisation du sol oh I’on decPle encore le legs de strategies agricoles deployees autrefois par les colons (Casteran 1987) ou A travers des structures villageoises en milieu francophone, reproduisant presque trait pour trait les caracteres du village de I’epoque seigneuriale du Bas Canada (Courville 19901, le paysage rural possPde une charge d’expression ethno-culturelie des plus riches. L’interCt des regions de transition ethno- linguistique reside evidemment dans I‘articulation spa- tiale de ces formes d’expression. Que cette articulation se fasse par villages entiers ou sous la forme d’une mosa’ique

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fine dans les villages mixtes, I’espace individuel offre au geographe un repertoire semiotique de grande valeur. Reste 1 en dechiffrer le sens.

La difficult6 du dechiffrage ne peut, a notre sens, Ctre surmontee que par une lecture systematique du paysage et une analyse attentive et serree de la valeur indicatrice des signes par rapport aux communautb presentes. La thboriede I’information offrea cet 6gard un cadreconcep- tuel et une methode grace auxquels ce dechiffrage peut &tre pousse a un niveau suffisant pour les besoins d‘une semiologie de I’espace. Celle-ci vise, rappelons-le, la reconstruction d‘une structure semantique au sein de laquelle les signes produisent du sens. D’autres modbles d’analyse applicables 1 des informations qualitatives peu- vent bien entendu &re utilises a des fins similaires. A quelques exceptions prhs, tous les descripteurs

consideres jouent un rate pertinent dans ce marquage ethno-linguistique. Par contre, i t est surprenant de voir que les signes explicites, ceux que I’on s’attendrait A trouver au premier rang des marqueurs, ne jouent qu‘un r6le negligeable. On a vu en outre que la pertinence de la plupart des marqueurs ne s‘avbre que dans des contex- tes particuliers et, dans la hierarchic, nous avons insist6 sur I’importance de la subordination des marqueurs les uns par rapport aux autres. Cette remarque donne evidemment du poids A la notion de syntaxe des signes paysagiques ou de logique semantique (Greimas 1979). C‘est 1 ce niveau que se nouent les liens multiples qui font du paysage le lieu des transactions entre I’occupa- tion humaine et son expression spatiale. C’est 13 que ce genre &exploration puise sa valeur heuristique. I1 y a la une IeGon a tirer quant aux approches qui pr6tendent recuser 1 I’avance tout appareil methodologique allant au dela du simple enregistrement de I’apparence phCno- m6nologique des choses.

Notes

1 Le paysage, rnedaille frappb a I‘image dune civilisation. 2 Cette etude a 6t6 realis& dans le cadre d’un project subventionne par

la Societe Royale Geographique du Canada sur I’fconographie des Paysages Ruraux de /‘Ontario de Pest et du Pontiac.

3 Cette region est definie ici commne I’ensernble form6 par les Corntks de Russell, Prescott, Glengarry et Stormont.

4 Le tableau cornplet des descripteun et de leurs aspects est disponible sur dernande aupres de I’auteur principal.

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