Les mondes du froid - Geographica !Translate this pagegeographica.danslamarge.com/IMG/odt/Les_mondes_du_froid... · 2013-06-22Les mondes du froidConcours 2014 ENS et ChartesDossier

Embed Size (px)

Citation preview

Les mondes du froid

Les mondes du froid

Concours 2014 ENS et Chartes

Dossier documentaire initial

Compilation Jean-Michel Dauriac 2013

Dossier lire avec un atlas ouvert en permanence (Atlas du XXIme sicle Nathan , conseill)

PRIGLACIAIRE (DOMAINE)Article crit par Roger COQUE, Franois DURAND-DASTS

Le domaine priglaciaire fait partie des rgions froides caractrises par un bilan radiatif fortement ngatif. L'atmosphre y cde plus de chaleur qu'elle n'en reoit des diverses formes de rayonnement. Sous les hautes latitudes, cette situation rsulte de l'absence de rayonnement solaire pendant la longue nuit polaire, tandis que la faible hauteur du Soleil estival au-dessus de l'horizon limite leur apport thermique, en raison de la forte paisseur de la couche d'air traverser et de leur talement sur de grandes surfaces. Dans les hautes altitudes, le froid tient la rduction de l'absorption du rayonnement solaire cause par la rarfaction et l'asschement de l'air. La dcroissance de la temprature avec l'altitude s'exprime par un gradient thermique de 0,6 0,70C par 100mtres d'lvation jusqu' la tropopause. Dans les deux cas, il faut aussi mettre en cause les pertes d'nergie par rflexion sur la glace et la neige, qui peuvent dpasser 95 % du rayonnement solaire.

Le froid constitue l'lment climatique dont les effets, directs ou indirects, sont les plus dcisifs sur la morphogense et les aspects du relief de ce domaine. Il doit son qualificatif de priglaciaire, propos en 1909 par von ?oziski, sa localisation gnralement en marge des rgions englaces des hautes latitudes et des montagnes leves, c'est--dire en de de la limite des neiges permanentes. l'oppos, la lisire septentrionale de la fort borale de conifres spare approximativement les premires du domaine tempr des moyennes latitudes, alors que les secondes sont bornes par la limite suprieure des forts de l'tage subalpin.

Dans ces limites, le domaine priglaciaire actuel englobe environ 18 % des terres merges. Outre les tages priglaciaires de montagne, il s'tend essentiellement sur les grands archipels et les vastes masses continentales des hautes latitudes de l'hmisphre Nord . Dans l'hmisphre Sud, maritime, il ne concerne que les petites les perdues au milieu des ocans et les rares portions dglaces de l'Antarctique.

Mais le domaine priglaciaire a connu une extension plus considrable la faveur des glaciations quaternaires. On estime plus de 10millions de kilomtres carrs ses gains raliss alors aux dpens du domaine tempr, dont le model du relief apparat fondamentalement hrit des priodes froides les plus rcentes (cf. domainetempr). Les recherches effectues dans les rgions priglaciaires actuelles aident ainsi la comprhension du faonnement du relief des pays temprs.

Roger COQUE

I-Les climats du domaine priglaciaire actuel

Les rgions de climat priglaciaire sont caractrises par un hiver long et accentu et par une priode de dgel court et limit. La prsence de cette priode de dgel permet de les sparer des rgions de climat proprement glaciaire, sans dgel significatif, tandis que le caractre peu marqu de l't les oppose aux rgions continentales hivers froids, mais ts plus nets (cf.milieux polaires).

Climats priglaciaires des hautes latitudes

C'est videmment la latitude qui est la premire responsable des traits de ces climats. L'hiver, le rayonnement solaire est trs faible. La plupart des rgions priglaciaires sont situes au-del des cercles polaires. Il y a donc au moins quelques nuits de vingt-quatre heures, et de longues semaines o les jours sont rduits quelques heures. En t, au contraire, les jours sont trs longs, mais l'chauffement reste limit car le Soleil ne monte pas haut sur l'horizon. Ses rayons sont donc obliques, et ils traversent une grande paisseur d'atmosphre avant d'atteindre le sol. Les circulations atmosphrique et ocanique interviennent surtout pour apporter quelques nuances l'intrieur du domaine priglaciaire. Les rgions ctires, surtout en Europe, sont quelque peu rchauffes par des masses d'air en provenance des ocans. De plus, des eaux atlantiques pntrent jusque dans la mer de Barents, et en rchauffent lgrement les ctes: prs de 690 de latitude, le port de Mourmansk est libre de glaces. L'troitesse du dtroit de Bring limite la pntration des eaux du Pacifique dans l'ocan Arctique.

Le froid hivernal dure pendant l'essentiel de l'anne. En gnral, les tempratures moyennes sont ngatives de septembre mai inclus, et bien des fleuves ne dglent qu'en juin. Les tempratures les plus basses sont observes assez tard, en fvrier sur le continent amricain, en mars en Eurasie. Les moyennes des mois les plus froids se situent entre 20 et 300C, et on a observ des minimums absolus de 500C. (On notera que les tempratures les plus froides sont observes, dans l'hmisphre Nord, dans des stations qui n'appartiennent pas au domaine priglaciaire, car elles ont un t assez chaud. Trop au sud pour avoir un t peu marqu, elles doivent leur hiver hyperrigoureux leur position continentale.)

L'hiver est aussi une saison sche: la neige est peu paisse; lgre, elle est facilement souleve par le vent. Sur les ctes de l'Alaska et dans la Norvge septentrionale, les tempratures sont un peu moins basses (moyenne autour de 150C) et les prcipitations plus fortes cause de la proximit de l'ocan. Il existe donc sur les ctes un climat priglaciaire attnu et humide, qui constitue un domaine original.

Aprs un printemps court et tardif, o l'augmentation de la longueur des jours prcde nettement le rchauffement, l't est bref. Les tempratures restent modres. Certes, les moyennes se situent entre 0 et 100C, mais il n'y a gure de priode sans gel ( Alert, le d'Ellesmere, 820 de latitude nord, en juillet 1963, il a gel 18nuits sur 31). Les prcipitations sont moins modestes qu'en hiver, et on observe beaucoup de journes maussades et fraches. Les temps clairs, assez rares, provoquent des montes sensibles de la temprature: on a observ plus de 300C jusqu' 70-750 de latitude nord.

L'automne est prcoce, et c'est la saison la plus perturbe par des temptes parfois violentes.

Climats priglaciaires de montagne

Les climats priglaciaires de montagne diffrent sensiblement des climats de haute latitude, car ils sont dus plutt la faible densit de l'air qu' la faiblesse du rayonnement solaire. L'air reste donc trs froid, mais le rayonnement solaire est fort. Aussi, l't surtout, quand le manteau neigeux a fondu, le sol peut s'chauffer et atteindre dans la journe des tempratures assez importantes. Ce fait a videmment des consquences notables sur la morphogense et la vgtation.

Par ailleurs, il y a des diffrences considrables selon la latitude. Dans les rgions tropicales et quatoriales, le domaine priglaciaire apparat de hautes altitudes. Il n'y a pas de rythme saisonnier. Celui-ci reparat aux latitudes tempres: aux rythmes diurnes viennent ici s'ajouter des oppositions trs marques entre l'hiver et l't.

On peut donc distinguer en dfinitive quatre types de climats priglaciaires: climats de haute latitude de nuance continentale; climats de haute latitude attnus par la position littorale; climats des hautes montagnes tropicales; climats des hautes montagnes tempres.

Franois DURAND-DASTS

II-Les systmes morphogniques

Les systmes morphogniques priglaciaires rsultent de combinaisons ralises entre des actions mtoriques, des processus morphogniques et de grands agents d'vacuation des matriaux. Leurs activits sont essentiellement rgles par l'intensit, la dure et la frquence du gel.

Actions mtoriques

La primaut du gel s'exprime par une nette prpondrance des actions mcaniques sur les processus chimiques et biochimiques. Son intervention sur les roches provoque une contraction des minraux, qui parat toutefois incapable d'entraner une fragmentation. En revanche, le gel l'tat humide constitue un puissant agent de dbitage. Cette glifraction, ou cryoclastie, tient l'augmentation de volume d'environ 9 % qui accompagne la transformation de l'eau libre des roches en glace, et cre des tensions internes engendrant des ruptures.

Selon l'importance et l'agencement de leurs vides, les roches sont plus ou moins glives. Trs poreuse, la craie est trs sensible au gel et se fragmente en granules; les roches structure schisteuse se dbitent aussi aisment en paillettes. cette microglifraction s'oppose la macroglifraction des roches compactes, caractrise par le dlogement de gros blocs, d l'exploitation par le gel des rseaux de fissures constitus par les diaclases, les plans de clivage ou les joints de stratification.

Mais ces types de fragmentation dpendent aussi des modalits du gel. Le premier correspond au gel modr et superficiel des climats priglaciaires maritimes (les australes, Islande et Groenland du Sud-Ouest) et de ceux des hautes montagnes tropicales alternances gel-dgel journalires. Les varits continentales gel intense et prolong, caractrises par quelques alternances gel-dgel saisonnires, engendrent le second.

Toutes les autres actions mtoriques ne jouent qu'un rle secondaire et local. Ainsi, la dissolution s'exerce aux dpens des calcaires, avec une certaine efficacit dans les rgions suffisamment humides, d'autant plus que les eaux de fonte de neige, froides, ont des teneurs leves en dioxyde de carbone. Il existe des karsts lapis et grottes sous les hautes latitudes (Spitzberg, Laponie). En revanche, les basses tempratures, l'insuffisance frquente d'eau, la mdiocrit de la vgtation ou son absence rduisent considrablement les actions chimiques et biochimiques. Des migrations limites d'oxydes mtalliques, suivies de leur reconcentration par vaporation, laborent toutefois de minces crotes et des vernis ferro-manganiques (nord du Canada, Antarctique).

Processus morphogniques

Les processus morphogniques s'exercent sur les lments des roches meubles comme sur les dbris fournis par la glifraction. Les plus efficaces d'entre eux dpendent troitement du gel.

La cryoturbation reprsente la gamme de phnomnes les plus remarquables et les plus spcifiques du domaine priglaciaire. son origine, il y a la pntration du gel dans le sol, une vitesse et jusqu' une profondeur variant avec sa compacit, sa teneur en eau et l'importance de la couverture isolante de neige et de vgtation. Dans les rgions climats trs rudes, l'paisseur de sol et de sous-sol gels atteint plusieurs centaines de mtres et reprsente, pour une bonne part, un hritage des priodes froides quaternaires (Sibrie du Nord, Alaska). Pendant un bref t, seule la partie suprieure dgle, sur une paisseur qui n'excde gure 2mtres dans les cas les plus favorables. Ainsi se diffrencie le perglisol, gel en permanence, du mollisol, alternativement gel et dgel selon les saisons. Cette dernire couche, active, qui exprime les diverses consquences de ces changements d'tat de l'eau gagne actuellement sur le perglisol, en raison du rchauffement climatique.

On citera d'abord les glistructures dues la compression progressive du mollisol, entre le perglisol et la couche superficielle qui regle en hiver. Il s'agit de plications, d'involutions et d'injections dans les fentes du perglisol. La cryoturbation engendre aussi des sols structurs, de dimensions et de types trs varis, selon le matriel affect, l'existence d'une toundra et les modalits de l'alternance gel-dgel. Il s'agit de figures gomtriques, fermes sur les surfaces planes (polygones de toundra dlimits par des fentes de retrait, cercles de pierres, roses de pierres, nids de pierres) ou ouvertes sur les versants (sols rays ou stris aligns selon la pente, guirlandes allonges transversalement). Enfin, il faut ajouter une srie de microformes originales, dveloppes par gonflements diffrentiels du sol en liaison avec des sgrgations de glace internes, suivis d'affaissements lors de la fusion de la glace. Ce sont les buttes gazonnes (en islandais, thufur) et les hydrolaccolites des toundras, ou les bourrelets des tourbires cordes.

Avec la cryoturbation, les mouvements de masse trouvent des conditions trs favorables lors du dgel qui fournit l'eau, d'autant plus que le perglisol semble constituer une surface de glissement. On donne le nom de glifluxion ces phnomnes, dont les modalits varient avec l'paisseur et la texture des sols, la topographie et l'existence ou non d'une vgtation. Ainsi distingue-t-on les nappes de boue qui s'coulent sur les versants dnuds, les langues boueuses concentres dans les talwegs, les coules de blocaille lorsque des lments grossiers se mlent la matrice argilo-limoneuse fluide. Quand un tapis de toundra stabilise la couche superficielle, le mouvement n'affecte que la masse sous-jacente. Sur les pentes raides, il provoque des dchirures dans le manteau inerte, par lesquelles s'chappent des bavures de boue. On signalera aussi les dplacements lis aux filaments de glace dvelopps sur un sol humide par un gel brusque et court, les pipkrakes, capables de soulever et de basculer des fragments rocheux.

Deux autres processus de transport des matriaux interviennent sur les versants, qui ne sont plus propres au milieu priglaciaire: l'boulis de gravit et le ruissellement diffus. Le premier correspond la glifraction de corniches rocheuses surplombantes. Il cre des dpts caractriss parfois par un litage rgulier de leurs lments, appels boulis ordonns. Bien qu'essentiellement dclench par le dgel estival, le rle morphognique du second n'est pas ngligeable, car il bnficie, au dbut, de l'impermabilisation du sol gel, de l'insignifiance de l'vaporation et, parfois, de celle de la vgtation.

Agents d'vacuation

la base des versants, de grands agents morphogniques prennent en charge les dbris et assurent leur vacuation. En milieu priglaciaire, il s'agit de l'coulement fluvial et du vent.

L'coulement fluvial concerne les rivires locales et les grands fleuves allognes de l'Arctique (Mackenzie, Yukon, Ob, Lena, Ienisse). L'originalit de leur rgime hydrologique et de leur activit morphognique tient aux particularits du climat. Pris par la glace en hiver, en bloc ou en partie, ils s'animent lors de la fusion estivale, parfois paule par des pluies. La progressivit de la restitution de l'eau, par gouttage du mollisol, fait que les petites rivires ne connaissent gure de crues. Leurs dbits restent modestes ainsi que leur activit rosive. Les fleuves arctiques en ont au contraire d'imposantes. Coulant vers le nord, leurs eaux, d'abord libres l'amont, puis bloques par les bouchons de glace d'aval, dbordent largement de leurs lits. Lorsque le flot parvient briser la rsistance de ces embcles, d'normes chasses d'eau les balaient et attaquent leurs berges, grce leurs radeaux de glace et aux charges de matriaux grossiers qu'elles dplacent. Dans les interfluves, l'inorganisation du drainage, lie la paralysie prolonge de l'coulement due au froid, se traduit par la multiplicit des lacs et des tourbires.

Moins spectaculaire dans ses interventions, le vent n'est cependant pas ngliger. Sous les hautes latitudes, il est fort et frquent; il bnficie de la scheresse climatique, de la capitalisation prolonge de l'eau en glace, de la mdiocrit de la couverture vgtale, enfin de l'abondance du matriel fin fourni par les glaciers ou la glifraction. Arm d'abrasifs, grains de sable ou cristaux de neige durcis, le vent exerce une corrasion efficace, exprime par le polissage des roches dures (dolrites, quartzites), le creusement de cupules ou de cannelures et le faonnement de rochers-champignons. Mais l'activit de transport est plus dcisive. Elle implique une dflation, aux dpens du manteau neigeux comme de la fraction fine des dpts priglaciaires, et une accumulation corrlative dont les manteaux de lss (cf. Models et formes dus au vent) sont l'expression la plus remarquable.

III-Les models et les formes de relief priglaciaires

Diffrentes familles de models et de formes priglaciaires rsultent de l'activit des systmes morphogniques.

Models de versants

Quatre types essentiels de models de versants correspondent aux principales combinaisons ralises entre les divers processus morphogniques.

Les versants de glifraction rsultent de la fragmentation par le gel d'une paroi de roches cohrentes telles que calcaire, grs, granite. La partie rocheuse est uniforme ou dcoupe en clochetons et en pinacles, la faveur de l'exploitation de diaclases ou de ravins par la glifraction. Ses dbris s'accumulent la base, par gravit, en cnes aux dbouchs des ravins et en tabliers dans les intervalles. mesure de l'ablation, la partie rocheuse tend s'aligner dans le prolongement de ces boulis ordonns, plus ou moins perturbs par la glifluxion et le ruissellement de fonte. Ainsi s'laborent des versants rgls, au profil rectiligne, dont la pente n'excde pas une trentaine de degrs .

Les versants de glifluxion se dveloppent dans un matriel argilo-limoneux favorable aux mouvements de masse. Tous offrent un model chaotique aux aspects variables selon les modalits du phnomne. Lorsque la pente est faible, le glissement en nappe se traduit par une microtopographie de rides, de bourrelets et de petits bombements. Son acclration sur une pente plus ou moins forte cre des versants boursoufls par des loupes de solifluxion et sillonns par des dchirures vives. D'innombrables gradins, malencontreusement dnomms terrassettes ou pieds de vache, caractrisent des versants raides et particulirement dynamiques. Trs souvent, des chevelus d'gratignures vives trahissent, sur tous ces versants, une intervention secondaire du ruissellement de fonte diffus.

Les versants replats-goletz restent plus nigmatiques. Coups par des piliers horizontaux, parfois d'une centaine de mtres de largeur, des talus raides de plusieurs mtres de hauteur les sparant, ils se localisent dans les rgions de climats rudes (Sibrie). Des produits de glifraction grossiers soulignent les talus, alors que les replats ne comportent que du matriel fin cryoturb, ce qui implique la fourniture de dbris htrognes par le gel et des effets de triage au cours de leurs dplacements. Un tel model rsulte d'une combinaison complexe, encore mal dfinie, entre la glifraction, la glifluxion et la cryoturbation.

Les versants couloirs d'avalanches caractrisent l'tage priglaciaire des moyennes montagnes, principalement dans le domaine tempr et les rgions climats relativement neigeux des hautes latitudes (Spitzberg occidental). Leurs sillons, profonds et rectilignes, rsultent de l'ablation exerce par les avalanches de fond dclenches lors de rchauffements brusques. En revanche, les avalanches sches et poudreuses des hautes montagnes restent sans effet gomorphologique.

Models et formes fluviatiles

Les models et les formes fluviatiles se diffrencient en fonction de l'importance des organismes d'coulement. Au creux des vallons en berceau, les petites rivires locales se perdent dans la masse des dbris amens des versants, qu'elles sont impuissantes vacuer. Mieux aliments par des reliefs importants, les coulements de pimont dposent, sur le sol encore gel, des pellicules de matriaux anguleux en cnes aplatis aux gnratrices rectilignes. tals sur des kilomtres, ils constituent, par coalescence, de vastes glacis d'accumulation dont l'paisseur ne dpasse pas quelques mtres (sandr).

Les grands fleuves arctiques ont, la fois, une action d'ablation et d'accumulation. Le choc des radeaux de glace et des gros blocs contre les berges dgeles entrane un sapement latral actif, par boulements. L'largissement dmesur de leurs lits qui en rsulte est encore favoris par l'instabilit des chenaux d'coulement, lie aux rgimes dbcles. Mais les crues de fusion construisent aussi d'immenses plaines alluviales, avec les quantits considrables de matriaux qu'elles transportent. Dans les eaux calmes des vastes lacs de dbordement crs par les embcles, se dposent des limons et des sables fins, en particulier dans les cours infrieurs en pente faible. Les chasses d'eau de dbcles finissent aussi par abandonner en vrac leurs charges grossires, auxquelles s'ajoutent d'normes blocs largus par des radeaux de glace ou librs aprs leur chouage dans des bras morts. pandu sur des plaines encore geles, tout ce matriel recouvre des lacs et des mares pris par le gel. Cette glace fossilise s'ajoute la glace de sgrgation concentre en coins et en lentilles dans les dpts meubles. Il suffit d'un rchauffement climatique momentan pour provoquer la fusion de celle des couches superficielles. Les tassements rsultants engendrent alors un model chaotique fait de dpressions fermes, ennoyes ou non, entoures par des collines basses. On lui donne le nom de cryokarst en raison de l'analogie de ces cuvettes avec certains types de dolines (cf.karst).

Parmi ces cuvettes, celles qui sont issues de l'volution des pingos sont les plus caractristiques. On dsigne par ce terme esquimau des collines hautes de plusieurs mtres et atteignant quelques dizaines de mtres de longueur, dues au soulvement entran par la lente formation de grosses lentilles de glace de sgrgation. Contrairement aux hydrolaccolites, formes petites et saisonnires, les pingos ne disparaissent qu' la suite d'un rchauffement climatique durable. Alors, les collines font place des dpressions lacustres ou marcageuses, ceintures par des bourrelets annulaires typiques. Des oscillations sculaires rcentes de la temprature expliquent leur frquence dans les plaines alluviales de l'Arctique (bas Mackenzie, Alaska, Sibrie). Elles contribuent largement leur confrer leur aspect chaotique et amphibie si original.

Models et formes dus au vent

Si la corrasion exerce par le vent ne se manifeste gure que dans les dtails du relief, la dflation et l'accumulation crent, en revanche, des formes et des models originaux.

Par vannage des lments olisables des sandr, des plaines alluviales et des larges estrans dcouverts par les rgressions lies au glacio-eustatisme, la dflation dveloppe des champs de pierres comparables aux regs sahariens dans les rgions trs ventes. En aval de ces secteurs d'alimentation, le dpt du matriel fin s'effectue en zones successives. Celle du sable vhicul au ras du sol comporte des dunes banales de faibles dimensions, parfois rassembles en champs d'une certaine tendue (terre de Peary, Antarctique). Mais le sable peut aussi bien s'taler en nappes informes. Plus originales et plus frquentes sont les nappes nivo-oliennes, difies par le dpt de sable et de neige mls. La fusion de celles-ci provoque un tassement de la partie minrale, d'o l'absence caractristique de triage et de stratification, et les lgres ondulations du model.

Mais les manteaux de lss reprsentent l'aspect le plus spcifique de l'accumulation olienne en milieu priglaciaire. On sait qu'ils sont constitus par des poussires limoneuses transportes en suspension, puis piges par une vgtation steppique lors de leur retombe sur la marge du domaine froid. Leur paisseur et leur continuit, variables selon les conditions offertes localement au dpt, diminuent, dans l'ensemble, en fonction de l'loignement par rapport la zone d'alimentation en limons. Les importantes nappes de lss dposes au cours des glaciations quaternaires, en particulier pendant celle du Wrm, font la fertilit de vastes rgions agricoles de l'Europe et de l'Amrique du Nord.

IV-Les types de rgions priglaciaires

Selon les variantes prsentes par les climats froids et les divers systmes morphogniques correspondants, des associations diffrentes de ces formes et de ces models permettent de caractriser des types de rgions priglaciaires. On dfinira les principaux d'entre eux.

Dsert de glifraction

Le dsert de glifraction (barren grounds) se caractrise par un climat trs froid et sec, d'o l'insignifiance de la vgtation. La scheresse limite aussi l'efficacit de la glifraction saisonnire, comme celle de la glifluxion et du ruissellement. L'attaque des roches cohrentes bnficie peut-tre des grandes amplitudes thermiques diurnes favorables leur fissuration. Quant au transport des dbris sur les versants, il semble s'oprer principalement par gravit.

Comme dans tous les dserts, cette lente morphogense s'ajoutent les effets d'actions oliennes intenses, la faveur de la frquence des vents violents, de la scheresse, de la longueur du gel et de la dnudation du paysage. D'o l'tendue des champs de pierres et des nappes nivo-oliennes, l'abondance relative des dunes et la multiplicit des marques de la corrasion sur les affleurements rocheux et leurs dbris. De vastes plaines d'accumulation fluviatile, tales dans les cours infrieurs des grands fleuves arctiques, permettent aussi l'panouissement de toute la gamme des formes de la cryoturbation et du cryokarst.

Les rares secteurs de l'Antarctique libres de glace et, surtout, les marges sibrienne et nord-amricaine de l'ocan Arctique, avec les archipels qui les prolongent, appartiennent ce type dsertique.

Toundras

Les rgions de toundras correspondent des climats moins rudes et relativement plus humides. Les parois rocheuses, dnudes, y subissent les attaques d'une glifraction active, notamment dans les rgions alternances gel-dgel nombreuses. Mais la prsence d'une vgtation y attnue gnralement l'efficacit des processus morphogniques, en particulier du vent et du ruissellement. Cette action inhibitrice est plus ou moins accuse selon les caractristiques thermiques et hydriques de ces rgions.

Au point de vue morphodynamique, on peut distinguer deux types majeurs de toundras, principalement en fonction de l'existence ou de l'absence d'un perglisol. La toundra avec perglisol reprsente, sans doute, le type de milieu priglaciaire le mieux diversifi par ses models et ses formes, en raison des multiples combinaisons ralises entre la glifraction, la glifluxion, la cryoturbation et le cryokarst, selon les conditions locales (Alaska, nord de l'Alberta, nord-est du Spitzberg). La toundra sans perglisol signale des climats relativement plus doux et plus humides (sud-ouest de l'Islande et du Groenland, les australes). Elle se caractrise par une glifraction active due la frquence des alternances gel-dgel, tandis que la forte humidit dveloppe la solifluxion et permet un certain ruissellement. Dans les deux cas, des variantes plus sches, formations vgtales ouvertes, se caractrisent aussi par le dveloppement des actions oliennes (nord-est de l'Islande, terre de Peary, Alaska).

tages priglaciaires

Les tages priglaciaires des montagnes illustrent des types de milieux morphoclimatiques trs originaux, en raison des modifications imposes au climat et la dynamique des versants par le relief. Ainsi, la raideur des pentes intensifie l'activit des ruissellements diffus et des torrents. L'ablation et la dissection rsultantes, avec le froid, contrarient le dveloppement des sols et de la vgtation. D'o l'importance dcisive des actions mcaniques, encore accrue localement par les conditions dfavorables au maintien d'une couverture de neige. Enfin, la variabilit de l'exposition multiplie les oppositions thermiques et hydriques, tandis que les contrastes topographiques bloquent les entreprises du vent.

L'intervention des facteurs climatiques zonaux diversifie les tages priglaciaires selon leur latitude. Dans l'tage des montagnes humides des moyennes latitudes, le perglisol est exceptionnel en raison de l'obstacle oppos par un manteau neigeux pais la pntration du gel. Grce aux prcipitations abondantes et la pente, la glifluxion est efficace malgr la prairie alpine qui tapisse les versants. L'activit de la glifraction saisonnire s'exerce sur les parois rocheuses dnudes, franges par des boulis de gravit. Par ailleurs, l'importance de l'exposition s'exprime par l'opposition entre les versants l'ombre, froids et nus (ubac, envers), et les versants ensoleills, o les oscillations thermiques saisonnires du sol sont plus frquentes (adret, endroit). De mme, l'orientation par rapport aux vents pluvieux cre des diffrences morphodynamiques manifestes entre les versants secs et humides.

Dans les montagnes sches ensoleillement intense (Alpes du Sud, Haut-Atlas marocain, Zagros, Andes sches), des glaciers rocheux caractrisent l'tage priglaciaire, proximit de sa limite avec l'tage glaciaire. Il s'agit d'organismes de transport originaux, constitus de blocs rocheux et de pierraille ciments en profondeur par de la glace interstitielle.

Le haut Var et la haute Tine en offrent de beaux exemples partir de 2500-2600mtres d'altitude. Ils prsentent l'aspect de remblais dlimits par de vigoureux talus, se terminant par un front trs abrupt (de 35 40degrs). La pente moyenne de l'ensemble reste modeste, de l'ordre de 10 20degrs seulement. Leur surface, o se rassemblent les plus gros blocs, est souvent accidente par des bourrelets longitudinaux spars par de larges sillons. Des bourrelets arqus concentriques leur succdent dans le secteur frontal. Au total, la hauteur de ces constructions est d'ordre mtrique, leur largeur et leur longueur d'ordre hectomtrique, cette dernire pouvant dpasser le kilomtre. Selon le rapport largeur/longueur, on distingue deux types de glaciers rocheux, en langue et en lobe. Les premiers s'allongent dans des valles en contrebas de grands versants pourvoyeurs en matriaux. Les seconds s'talent au pied de parois rocheuses tabliers d'boulis. Les uns et les autres reposent soit sur un plancher rocheux, soit sur un matelas d'anciennes moraines contribuant leur alimentation.

Le mouvement des glaciers rocheux rsulte surtout du fluage de la masse de dbris btonne par la glace remplissant ses vides. Il s'effectue selon le rythme annuel gel-dgel, bnficiant la fois de l'attraction gravitaire et de la pousse exerce par les matriaux d'amont. En priode de dgel, une partie des eaux de fusion s'chappe leur front par des sourcins alimentant de petits lacs ou des tourbires. En priode de gel, elles assurent la production de la glace interstitielle qui prennise le bton. Dans tous les cas, les vitesses de dplacement n'excdent gure quelques centimtres par an.

L'absence de saisons thermiques, sous les tropiques humides, caractrise l'tage priglaciaire des montagnes suprieures 4000mtres des basses latitudes (Afrique orientale, Andes vnzuliennes, pruviennes et boliviennes, Him?laya). Le rythme des processus morphogniques y est diurne. La glifraction, en particulier, dpend des oscillations journalires de la temprature autour de 00C. Le gel quotidien ne permet pas sa profonde pntration dans le sol, d'o l'absence de perglisol. De plus, des prcipitations gnralement limites confrent un aspect dsertique ces hauteurs, o l'opposition morphodynamique entre les versants semble attnue du fait d'un rle amoindri de l'exposition.

L'intervention de l'exposition n'apparat gure plus marque dans les toundras de montagnes des hautes latitudes (Alaska, Sibrie orientale, par exemple), qui sont parfaitement intgres au milieu morphoclimatique zonal.

Au-del de traits fondamentaux communs, imposs par le rle dcisif de l'alternance gel-dgel de l'eau dans le faonnement du relief, le domaine priglaciaire prsente donc des aspects diversifis par le jeu des facteurs gographiques. On a simplement voqu certains d'entre eux. Leurs caractristiques restent prciser, comme d'autres types restent dfinir, dans le cadre des proccupations de la gomorphologie climatique.

Roger COQUE

Bibliographie

C.K.Ballantyne, Periglacial geomorphology, in Quaternary Science Reviews, 21: 1935-2017, 2002

R.Coque, Gomorphologie, Armand Colin, Paris, 1993

C.Embleton & C.A.M.King, Glacial and Periglacial Geomorphology, E.Arnold, Londres, 1975

S.tienne, Biogomorphologie d'un milieu priglaciaire humide, Dicologroupe, Clermont-Ferrand, 2004

H.M.French, The Periglacial Environnement, 2ed., Longma, Harlow, 1996

B.J.Moorman et al., Imaging periglacial conditions with griund-penetrating radar, in Permafrost and Periglacial Process, 14, 2003

F.Taillefer, Paysages glaciaires et priglaciaires, in A.Journaux, P.Deffontaines et M.J.Brunhes-Delamarre dir., Gographie gnrale, Encyclopdie de la Pliade, Gallimard, Paris, 1966

J.Tricart, Gomorphologie des rgions froides, P.U.F., Paris, 1963; Prcis de gomorphologie, vol.III: Gomorphologie climatique, Sdes, Paris, 1981

J.Tricart & A.Cailleux, Le Model des rgions priglaciaires, ibid., 1967.

POLAIRES (MILIEUX)Article crit par Roger COQUE, Franois DURAND-DASTS, Yvon LE MAHO

Franois DURAND-DASTS,

Roger COQUE

Les rgions de hautes latitudes prsentent des masses de glaces permanentes, qui occupent une part importante de l'espace. C'est videmment le climat extrmement froid qui caractrise ces milieux, pourtant plus diversifis qu'on pourrait le croire. On a constat empiriquement que le domaine englac correspond en gros aux rgions du globe o aucun mois n'a une temprature moyenne suprieure 00C. La limite des arbres passe trs souvent dans la zone o les tempratures moyennes du mois le moins froid se situent autour de 9 100C; on la retiendra comme frontire du milieu polaire. Cependant, cette valeur moyenne de temprature n'est que l'expression d'un complexe climatique comportant d'autres lments qui lui sont associs assez rgulirement, et dont l'importance est peut-tre plus grande que celle de la seule temprature: existence de vents violents, scheresse de l'air. De plus, une moyenne infrieure 100C en t implique une alternance de jours assez chauds et de nuits froides, avec une possibilit de gele constante, et les ts faiblement marqus sont associs des hivers trs froids et de longue dure.

Franois DURAND-DASTS

L'existence permanente d'eau l'tat de glace se traduit par des modalits originales de l'rosion, que celle-ci s'exerce par l'intermdiaire des glaciers ou qu'elle rsulte de l'activit des eaux libres saisonnirement par leur fusion partielle.

Les nunataks sont des affleurement rocheux qui mergent par endroits des calottes de glace. Dans le cas de l'inlandsis groenlandais s'y ajoutent les crtes rocheuses sparant les icestrms qui descendent vers la mer. On connat aussi les oasis antarctiques, libres de glace toute l'anne en raison de l'intensit locale du flux gothermique comme dans la rgion du mont Erebus en Antarctique. Les inlandsis glaciaires s'tendent sur quelque 10 % des terres merges. Ils ont connu, plusieurs reprises, une extension beaucoup plus considrable au Quaternaire, en fonction de refroidissements rpts du climat (glaciations). Ceux-ci s'expriment surtout par d'importantes progressions des glaces de l'hmisphre Nord, aux dpens du domaine tempr. Au maximum de son dveloppement quaternaire, le domaine glaciaire s'est tal sur le tiers environ des continents. Des combinaisons complexes de processus morphogniques originaux y ont faonn des models d'ablation et d'accumulation particuliers. La dglaciation qui suit l'ultime pulsation froide du Wrm ne remonte gure plus de 11000 12000ans. Dans ces conditions, on conoit l'importance et la fracheur de l'hritage gomorphologique glaciaire du Quaternaire, et son intrt pour la comprhension de l'action glaciaire.

La saison vgtative trs courte, le rythme irrgulier des jours et des nuits, ainsi que le sol gel, ne laissent vivre que quelques espces trs adaptes. La vgtation est marque par l'absence d'arbres et consiste, l o elle est prsente, en formations buissonnantes basses, voire en simples placages de mousses et de lichens. Les animaux ont une fourrure trs fournie (ours blanc, renard polaire...) ou une paisse couche de graisse (phoques, manchots ...). Les eaux froides, riches en sels minraux, abondent en plancton.

Roger COQUE

I-Climats

Causes gnrales du froid: dficit du bilan radiatif

Dans ces rgions, l'air reoit presque en permanence des diverses formes de rayonnement moins de chaleur qu'il n'en cde, et il tend donc se refroidir: le bilan radiatif est fortement ngatif. Les apports de radiation sont nuls pendant une longue priode de l'anne: la nuit dure six mois aux ples, quatre mois 800 de latitude, deux mois 700. 600, le jour le plus court ne dure que 5 h 30min, et le Soleil monte trs peu au-dessus de l'horizon. En t, par contre, les jours sont trs longs, et une quantit considrable de rayonnement est reue la limite suprieure de l'atmosphre. Mais elle est beaucoup moins forte la surface du globe, car le Soleil reste bas sur l'horizon, si bien que les rayons traversent une couche d'air trs paisse et s'talent sur une grande surface. Aussi, dans le mois qui suit le solstice d't, les rgions polaires reoivent-elles environ 500watts par mtre carr la limite de l'atmosphre, mais moins de 150 au sol. De plus, d'autres facteurs jouent, comme le fort pouvoir rflchissant de la glace et de la neige, qui renvoie jusqu' 80 % de la radiation solaire, dont une part importante reste ainsi inutilise. Il en rsulte le maintien de calottes glaciaires, mme en priode d'activit solaire assez forte, et un retard important du rchauffement et de la fonte au printemps.

La circulation atmosphrique apporte certes des masses d'air plus chaudes, dont l'arrive empche le refroidissement de dpasser certaines limites, et cre des types de temps assez nettement diffrencis, car l'apport d'air plus chaud n'est pas rgulier. Mais le dficit de radiation reste le facteur fondamental.

Les calottes polaires et leurs marges

La glace continentale ou marine couvre d'immenses tendues dans les rgions polaires des deux hmisphres. Les glaces permanentes continentales s'tendent au Groenland sur environ 1,8million de kilomtres carrs, et dans les terres antarctiques sur 14millions, les banquises permanentes des ocans Arctique et Austral occupent une superficie d'environ 10millions de kilomtres carrs: au total, environ 26millions de kilomtres carrs de surface toujours glace. De plus, en hiver, il peut s'y ajouter quelques millions de kilomtres carrs de glace de mer dans le bassin arctique en nette diminution avec le rchauffement climatique, et jusqu' 15millions autour de l'Antarctique.

Les rythmes saisonniers

Le domaine des glaces permanentes polaires s'tend sur trois types de rgions. Dans l'Antarctique, la latitude et les altitudes sont galement hautes et se combinent pour donner des extrmes de froid; les banquises arctiques sont moins froides cause des altitudes faibles et de la prsence de la mer qui fait sentir ses effets rchauffants travers la glace; le Groenland, des latitudes plus basses, doit en grande partie ses glaciers sa forte altitude.

Tout ce domaine a des hivers trs froids et trs longs. Au ple Sud, les tempratures sont en gnral infrieures 580C d'avril septembre, et on y a relev jusqu' 830C. Le record du froid semble appartenir la station sovitique de Vostok, o l'on a observ 89,30C. La station d'Eismitte, plus de 3000mtres d'altitude au centre du Groenland, a une moyenne de janvier de 470C, et le minimum absolu y a t de 640C.

L't est court et reste trs froid: au ple Sud, les tempratures varient entre 34 et 120C en janvier, et Eismitte connat une moyenne de 110C en juillet.

Ces rgions reoivent dans l'ensemble des prcipitations trs faibles, surtout en hiver, o une neige sche et lgre, facilement souleve par le vent, est la forme principale de prcipitation. Sa valeur en eau est faible; dans l'intrieur de l'Antarctique, elle semble se monter seulement une centaine de millimtres, ce qui est trs peu. D'une manire gnrale, l't est mieux pourvu, surtout sur les marges o des neiges mouilles apportent davantage d'eau. On a observ de la pluie jusqu' 2000mtres d'altitude au Groenland.

La banquise permanente de l'ocan Arctique est un peu moins froide. L'hiver, on enregistre des minima autour de 45 500C, et l't, la temprature de l'air se situe autour de 00C. On relve cependant, prsent, des tempratures proches de +200C sur le 80edegr de latitude nord.

Dans tout ce domaine, surtout en t et aux saisons intermdiaires, il y a d'assez grandes diffrences d'un jour l'autre; ainsi, en avril, sur la banquise arctique, on a pu voir la temprature passer de 37 150C en trente-six heures.

Les marges du domaine englac ont bien sr des climats plus nuancs. Une nette opposition climatique spare les toundras littorales de l'Alaska et de la Scandinavie et les stations plus enfonces dans les grandes masses continentales. Cette diffrence est nette surtout en hiver. Ainsi, la moyenne de janvier est de 160C Nome, sur la cte de l'Alaska, contre 330C Chesterfield Inlet, sur les ctes nord-ouest de la baie d'Hudson. C'est l un effet de la proximit des eaux relativement chaudes de l'Atlantique et du Pacifique nord. La dure de l'hiver varie aussi: la temprature est infrieure 100C pendant dix mois Ostrov Russkiy (Sibrie du Nord) et pendant six mois Nome.

L't est plus uniforme, et les tempratures du mois le plus chaud des diffrentes stations tendent se rapprocher. Mais, si les moyennes peuvent tre nettement positives et atteindre 100C, la menace du gel reste constante. La zone des toundras est nettement plus arrose que le domaine glaciaire proprement dit, avec des pluies et des neiges mouilles, en t surtout. Le total annuel peut atteindre environ 500millimtres sur les bordures occidentales (Alaska et Scandinavie ), mais il est plus modr au centre et l'est des continents (avec 150 200mm).

La circulation atmosphrique et les variations du temps

Les grands rythmes saisonniers sont lis aux changements de la radiation. Mais, au cours d'une mme saison, le temps est souvent assez variable, plus qu'on ne l'a cru pendant longtemps. Certes, en hiver comme en t, les temps clairs et secs sont frquents, et ce d'autant plus qu'on se rapproche des ples. Mais d'autres types de temps peuvent apparatre, surtout aux saisons intermdiaires et sur les marges. Parmi ceux-ci, il faut d'abord signaler les blizzards, jours de vents violents, chassant la neige lgre et rduisant en quelques minutes la visibilit une centaine, voire une dizaine de mtres. Ces temptes apparaissent et disparaissent parfois trs rapidement. L't voit alterner des jours clairs et tides avec des jours maussades, frais et brumeux. Enfin, sur des priodes plus longues, on voit alterner des maxima de froid avec des rchauffements tout relatifs, mais brusques. Ainsi Little America (en bordure du continent antarctique), la temprature est passe de 1,20C le 11mai 1958 500C dix jours plus tard.

Tout cela s'explique par la complexit relative de la circulation atmosphrique. Le schma de base est assez simple: les parties les plus froides sont recouvertes par des anticyclones froids trs minces, dans lesquels on trouve une inversion de temprature marque, puisqu'il fait plus chaud quelques centaines de mtres d'altitude qu'au niveau du sol. Ces anticyclones sont bords par des dpressions semi-permanentes autour du 60edegr de latitude, surtout dveloppes sur certaines longitudes. Enfin, ils sont surmonts d'une grande dpression autour de laquelle tournent des vents d'ouest rapides.

La position de ces centres d'action se modifie un peu en cours d'anne, et leur rpartition est plus complexe dans l'Arctique que dans l'Antarctique. Mais l'essentiel est que, assez frquemment, des dpressions en provenance des bordures polaires des moyennes latitudes peuvent pntrer assez profondment dans les rgions polaires, parfois atteindre le cur du Groenland ou du continent antarctique. Leur passage provoque une arrive d'air moins froid et dclenche des vents violents. Ainsi, le 28juillet 1958, une dpression situe sur les ctes de la mer de Weddel, dirigeait vers l'intrieur de l'Antarctique une langue d'air tide qui devait provoquer au ple Sud une monte de la temprature de 240C en quelques heures (fig.1) . De plus, ces perturbations dtruisent souvent l'inversion par le brassage d'air qu'elles causent, et il s'ensuit une hausse thermique, due l'arrive prs du sol de l'air venant des zones suprieures plus chaudes. Dans les rgions voisines des calottes, les perturbations sont en revanche responsables des journes fraches et brumeuses de l't et de l'automne.

Il faut enfin signaler que l'air froid des hautes rgions englaces tend s'couler par les valles vers les rgions plus basses, qui connaissent alors des temps venteux et froids, localiss dans l'espace des sites nettement dfavoriss. Ces vents catabatiques sont l'origine de variations climatiques marques sur de courtes distances.

Les perturbations de tous ordres sont frquentes en t et surtout en automne, o les contrastes entre domaines glacs et rgions libres de glaces sont importants; ils donnent naissance des tourbillons localiss, mais violents, qui s'ajoutent aux systmes de plus grandes dimensions.

Franois DURAND-DASTS

II- Gomorphologie glaciaire

L'rosion glaciaire

Sur le plan de la godynamique externe, le domaine glaciaire se caractrise par une rosion spcifique, identique quelle que soit l'poque gologique, qui se diffrencie nettement des rosions dues aux agents purement mtorologiques.

Processus morphogniques

L'coulement glaciaire dveloppe les processus morphogniques spcifiques qui aboutissent une attaque des roches du lit et au transport des moraines.

La connaissance des mcanismes de l'ablation exerce par le glacier repose sur l'interprtation des micromodels des lits glaciaires hrits et des portions de ceux qui sont en partie dglacs la suite de la dcrue amorce il y a quelques dcennies. Cette ablation consiste d'abord dans une abrasion exerce par la glace arme de matriaux durs, qui se manifeste par le poli des roches moutonnes et par des stries ou des cannelures orientes. Mais elle s'exerce sans doute plus efficacement par le dlogement et l'arrachage de blocs parfois normes aux dpens du fond. Ces blocs, pris dans la glace par suite d'une alternance gel-dgel, peuvent tre entrans par elle. Un tel dfonage suppose une dislocation pralable des affleurements rocheux par des diaclases, des fentes de gel ou des cassures dues aux pressions subies. Son efficacit dpend du degr de prparation de la roche et de sa rsistance aux actions mcaniques.

Le transport des moraines s'effectue en surface (moraines latrales et mdianes), l'intrieur du glacier (moraines internes) ou sur le fond (moraines de fond). La capacit et la comptence de l'coulement glaciaire apparaissent pratiquement illimites. Des blocs de plusieurs dizaines de mtres cubes ont pu ainsi tre dplacs sur des distances considrables. Dans le cas des moraines de fond, le matriel provient, au moins pour l'essentiel, de l'attaque du lit glaciaire. C'est la glivation des versants supraglaciaires qui alimente au contraire les autres moraines .

En fait, la glivation constitue un processus de fragmentation trs actif dans les secteurs non englacs soumis l'alternance du gel et du dgel. Les avalanches, les chutes par gravit et la solifluxion fournissent ses produits aux glaciers. ces actions de la glace se combinent celles des eaux de fusion lors du dgel saisonnier ou diurne (fig.2 ). Ces coulements sont divers. Ils s'effectuent, en effet, dans des gorges ouvertes dans la glace appeles bdires (eaux supraglaciaires), son contact avec les versants (eaux juxtaglaciaires), l'intrieur mme de la glace (eaux intraglaciaires) et sur le lit glaciaire (eaux sous-glaciaires). Les coulements sous-glaciaires et juxtaglaciaires exercent une action dissolvante non ngligeable sur les roches appropries, et surtout une usure mcanique grce aux charges grossires qu'ils entranent. Tous contribuent au lavage des moraines et au transport des produits de l'ablation glaciaire. Des coulements diffus, en chenaux instables ou en nappes, recueillent puis dposent ce matriel typiquement fluviatile au-del du front glaciaire (eaux proglaciaires).

Il convient de tenir compte aussi des influences lithologiques. Toute fragmentation pralable des roches facilite l'ablation glaciaire (fig.2). La glivation priglaciaire semble particulirement efficace dans le cas des inlandsis progression lente. Elle met de l'abrasif en abondance la disposition du glacier, qui se borne alors assurer le nettoyage de ses produits.

L'efficacit glaciaire reste de toute faon fort variable selon le jeu de divers facteurs. Elle dpend, en premier lieu, de l'paisseur de la glace, dterminant sa pression et son adhrence, c'est--dire du bilan alimentation-ablation dfini par le milieu climatique. Les glaciers alpins bien aliments sont aussi les plus rapides. ces appareils actifs, le plus souvent en crue, s'opposent les appareils passifs en dcrue prolonge, minces et lents, mais pourvoyeurs d'eaux de fusion abondantes. la limite, le glacier mort, priv d'alimentation, est un survivant presque inerte vou l'ensevelissement sous ses moraines. Certes, la pente de la topographie sous-glaciaire influe sur la vitesse de l'coulement glaciaire et l'adhrence. Enfin, la plus ou moins grande abondance des moraines intervient aussi, en raison de l'aptitude l'abrasion qu'elles confrent la glace. ce point de vue, les inlandsis, qui doivent leur propret la raret des versants supraglaciaires, apparaissent dfavoriss par rapport aux glaciers alpins. Les premiers se rvlent relativement peu actifs en raison de la lenteur de leur coulement, de leur propret et souvent de la mdiocre diffrenciation de la topographie englace, comme des volumes limits de leurs eaux de fusion du fait de leur rgime thermique. Pour des raisons inverses, l'activit morphognique des seconds est sans aucun doute plus efficace.

Les models d'ablation et d'accumulation

Les models d'ablation dus aux inlandsis offrent une grande monotonie. Ils caractrisent les vastes boucliers de l'hmisphre Nord faonns par les glaciations quaternaires. Le paysage s'y rsume une succession de collines basses roches moutonnes, spares par un ddale de dpressions, et localement tapisses par une moraine de fond peu paisse. De multiples lacs, marcages ou tourbires expriment l'indcision du drainage. Les plus grands lacs occupent des dpressions d'rosion diffrentielle creuses dans les sdiments primaires des marges (Carlie, Sude centrale, bouclier canadien occidental).

Dans les bordures souleves des boucliers (Norvge, Groenland, Labrador oriental), de hauts plateaux constituent les fjells domins par quelques reliefs rsiduels chancrs par des cirques et reprsentant d'anciens nunataks. Des fjords profonds les entaillent, correspondant aux auges glaciaires faonnes par les icestrms, puis ennoyes par la mer postrieurement.

Les models d'accumulation prdominent vers la marge de l'inlandsis. Les plus originaux forment des champs de drumlins groupant souvent plusieurs milliers de collines profiles et disposes selon la direction de l'coulement glaciaire. Elles caractrisent le paysage islandais et celui du Massachusetts, avec leurs noyaux rocheux souvent enrobs l'aval par des paquets de moraine de fond.

Au-del, les aspects de l'accumulation se diversifient en fonction d'une activit croissante des eaux de fusion aux dpens de celle de la glace. Dans la zone de fonte, les eaux supraglaciaires des bdires et les eaux sous-glaciaires restent directement contrles par le glacier. Elles engendrent des accumulations linaires sinueuses, allonges sur des dizaines de kilomtres lors de la rcession du glacier. Ce sont les oesar (sing. s) islandais et sudois, au matriel fluviatile, mouss, tri et structur en lentilles.

Sur le front de l'inlandsis s'difie une moraine bordire constitue de matriaux peu faonns, stris, non classs et non structurs. Elle prend l'aspect de collines, hautes parfois de plusieurs centaines de mtres, sinuant sur des dizaines de kilomtres selon la coalescence des lobes glaciaires (plaine germano-polonaise, rgion des Grands Lacs nord-amricains).

Dans la zone proglaciaire, enfin, les coulements de fonte diffus dposent les matriaux prlevs aux moraines en cnes coalescents formant des sandur (Islande). Dans les lacs intermdiaires, la lente sdimentation des lments les plus fins dveloppe des varves dont la microstratification reflte la diffrenciation des apports saisonniers.

Consquences gomorphologiques des fluctuations glaciaires

l'exception de quelques formes marginales des glaciers actuels, le model glaciaire reprsente un hritage gomorphologique des glaciations quaternaires. Sa gense ainsi que l'agencement de ses lments ne sont intelligibles que dans la perspective de squences morphoclimatiques dfinies par une alternance de refroidissements et de rchauffements.

Au cours d'un refroidissement, une priode caractrise par le dveloppement d'une rosion priglaciaire efficace prcde l'arrive des glaciers. Elle met la disposition des appareils en crue les masses de matriaux fournies par une glivation intense, en mme temps qu'elle disloque les affleurements rocheux. C'est essentiellement aux dpens et l'aide de ce matriel prpar que s'opre le faonnement du lit glaciaire. Le raclage et le nettoyage se traduisent simultanment par l'dification d'une moraine de pousse (Alberta, rgion de New York). Son facis de progression se manifeste surtout dans la complexit de sa structure due des phnomnes de glacitectonique. Car la pousse de la glace cause des empilements, des chevauchements et des basculements de paquets de matriaux emprisonns dans le perglisol.

cette primaut de l'action glaciaire se substitue progressivement celle des eaux de fusion quand se dclenche le rchauffement climatique. La passivit croissante des glaciers sous-aliments s'exprime par l'panouissement des models de rcession, surtout d'accumulation, qu'il s'agisse de l'abandon de moraines terminales ou de l'allongement des oesar. En mme temps, la glace finit par disparatre sous une moraine d'ablation engendre par la concentration sa surface des matriaux autrefois internes, jusqu'au moment o sa fusion totale entrane sa superposition sur la moraine de fond. Les kames et les terrasses de kames se mettent en place, tandis que des coulements de fonte abondants creusent dans le lit glaciaire libr des sries de canyons proglaciaires parallles, plus ou moins continus et profonds.

Mais la rcession se traduit aussi par un morcellement des appareils glaciaires. la priphrie des inlandsis, des culots de glace morte abandonns lors du retrait fondent lentement sous leur couverture morainique. Leur disparition laisse subsister des dpressions fermes, plus ou moins accuses selon l'paisseur de la lentille de glace, l'importance de la moraine et le colmatage postrieur (cryokarst). Au fur et mesure de leur fusion, ces glaciers rsiduels se transforment en glaciers noirs par concentration superficielle des moraines. On en connat de nombreux exemples, actuels ou hrits, dans les montagnes (Alaska, Groenland occidental, Alpes-de-Haute-Provence, Grand Atlas marocain).

Or le Quaternaire a connu de trois cinq glaciaires spars par des interglaciaires, chaque glaciation se subdivisant elle-mme en plusieurs stades lis des pulsations mineures du climat. On conoit alors la complexit de l'hritage gomorphologique correspondant. Car les models glaciaires et fluvio-glaciaires, d'ablation et d'accumulation, se sont diversement juxtaposs, superposs ou combins selon les variations dans l'extension des glaciers. ces complications s'ajoutent celles qui sont lies aux modifications provoques par l'rosion postglaciaire et aux phnomnes corrlatifs de la dglaciation (glacio-eustatisme et isostasie). Ainsi s'explique la richesse des models du domaine glaciaire, dont l'analyse dlicate reste une des bases fondamentales de la chronologie du Quaternaire.

Les glaciations de l're primaire

Les glaciations ne sont pas l'apanage du Quaternaire. En fait, la Terre a connu des priodes glaciaires tout fait comparables au cours des quelque 500millions d'annes que comportent l'ocambrien et l're primaire. Depuis longtemps, les gologues les ont signales, en identifiant des formations compactes facis glaciaires et priglaciaires, appeles tillites, dans les sries sdimentaires correspondantes.

Ds la fin du Protrozoque, au cours de la centaine de millions d'annes qui prcde le Cambrien, une ou deux glaciations caractrisent l'ocambrien. Une calotte glaciaire coiffe alors le bouclier africain, et notamment le Sahara. Mais c'est seulement l'Ordovicien suprieur, entre 435 et 450Ma, que se dveloppe une importante glaciation, dite de l'Ashgill, sous la forme d'un vaste inlandsis recouvrant largement les boucliers brsilien, saharien et sud-africain. Au Sahara, en particulier, la prospection ptrolire a permis de prciser son extension, ses aspects, le sens et la direction de l'coulement de la glace. Cette reconstitution a t possible grce la richesse et la fracheur de models glaciaires typiques, remarquablement conservs la faveur de leur fossilisation sous des sdiments proglaciaires et priglaciaires, puis marins, conscutive la transgression glacio-eustatique dclenche par la dglaciation. Dans les sries tassiliennes, notamment, l'rosion a exhum des lits glaciaires avec des cannelures et des stries, des ombilics et des verrous, des surfaces de roches moutonnes et des moraines de fond et de pousse. L'inlandsis de type arctique, centr au sud du Hoggar, s'tendait sur 4,5millions de kilomtres carrs, au moins, prolong par des langues glaciaires sur la marge saharienne septentrionale et dans les bassins sdimentaires adjacents. Au cours de sa longue existence, il a connu des fluctuations comparables aux glaciaires et interglaciaires du Quaternaire, les rcessions les plus importantes ayant entran sa dislocation en plusieurs calottes. Lors des maximums glaciaires, en revanche, les plus grands inselbergs du Sahara actuel taient des nunataks mergeant de la glace!

Postrieurement, une glaciation beaucoup moins ample se place la fin du Silurien, vers 400Ma. Elle se manifeste par des petites calottes glaciaires localises sur les pointes de l'Afrique du Sud et de l'Amrique du Sud, les Falkland comprises. C'est au Carbonifre suprieur que s'panouit nouveau une puissante glaciation jusqu'au dbut du Permien. Cette glaciation sakmarienne s'tale sur quelque 75millions d'annes. Un norme inlandsis, centr sur l'Antarctique, recouvre le bouclier brsilien et la pointe de l'Amrique du Sud, le bouclier sud-africain et Madagascar, l'Inde pninsulaire, l'Australie occidentale et orientale.

Ainsi s'est cr, plusieurs reprises, de l'ocambrien jusqu' la fin du Primaire, un vaste domaine glaciaire sur des continents situs aujourd'hui aux basses latitudes, mais qui taient alors runis dans un supercontinent austral, le Gondwana. Aprs sa dislocation partir du Secondaire, la drive lie l'ouverture des ocans Atlantique et Indien entrana ses fragments jusqu' leur position actuelle. Pendant ces priodes froides, la Terre offrait une zonation climatique comparable celle d'aujourd'hui, dtermine par la localisation des ples. Au cours des glaciations ordovicienne et silurienne, le ple Sud se situait entre l'Ouest saharien et la pninsule Ibrique, dans la rgion des les Canaries. Il se trouvait au niveau de l'Antarctique lors de celle du Permo-Carbonifre. Par ailleurs, les hautes chanes de montagnes riges par les orogenses caldonienne (Silurien) et hercynienne (Permo-Carbonifre) provoquaient simultanment l'apparition de glaciers de type alpin. La glace disparat totalement de la surface de la Terre au Secondaire, au profit de climats chauds, pour ne rapparatre qu'au dbut du Quaternaire.

Roger COQUE

III-La vie

Mme si l'on peut voir des visiteurs ails des centaines de kilomtres l'intrieur du Groenland ou de l'Antarctique, ces rgions polaires sont, au sens du vivant, les zones les plus dsertiques de notre plante. La vie y dpend en grande partie des ressources marines. Ainsi, par exemple, on trouve une chane alimentaire dont le sommet est occup par l'ours polaire dans l'cosystme marin de la banquise arctique.

Du point de vue de la biodiversit, une diffrence essentielle entre les deux rgions polaires est que les continents s'avancent jusqu' de trs hautes latitudes en Arctique alors que le continent Antarctique est isol la fois par l'immense ocan Austral et par l'efficace barrire que constitue le fort courant marin circumpolaire antarctique qui l'encercle.

La vision que l'on a des animaux polaires est souvent fausse. Ainsi, les manchots sont souvent considrs comme des oiseaux primitifs cause de leur incapacit voler. C'est en fait tout le contraire puisqu'ils correspondent un stade trs avanc de l'volution, leurs anctres tant des oiseaux volants probablement proches des ptrels plongeurs actuels. Avec leur morphologie trs hydrodynamique, leurs ailerons qui leur permettent de se propulser dans l'eau la vitesse de plusieurs mtres par seconde et leurs aptitudes physiologiques la plonge, ils sont remarquablement adapts la vie marine. Qui plus est, contrairement une vision galement fausse, les manchots ne sont pas uniquement infods la glace antarctique: on les rencontre galement le long des ctes d'Afrique du Sud et d'Amrique du Sud, et mme jusqu' l'quateur avec le manchot des les Galpagos.

L'ours blanc est un animal remarquablement adapt au milieu de la glace de mer arctique. La spcialisation des animaux polaires en fonction des contraintes extrmes des milieux constitue une menace pour eux eu gard un changement climatique que les climatologues dmontrent comme tant le plus rapide de toute l'histoire de la Terre.

Une plus grande biodiversit au Nord

Dans l'hmisphre Nord, la prsence de terres de trs hautes latitudes a facilit les mouvements de populations animales et vgtales, en fonction des fluctuations climatiques, et l'adaptation des espces aux diffrents milieux. Ainsi, l'ours blanc a pour anctre l'ours brun de la toundra, son pelage blanc lui assurant le mimtisme ncessaire la vie dans les glaces arctiques et sa grande taille lui permettant d'accumuler les rserves corporelles ncessaires son long jene hivernal. Le continuum de terres entre les rgions tempres et la zone polaire arctique explique pourquoi l'on trouve aujourd'hui plus d'une centaine d'espces de plantes fleurs 840 de latitude nord au Groenland. Inversement, seules deux espces de plantes fleurs sont connues 560 de latitude sud, en raison de l'isolement de l'Antarctique. La flore antarctique se rsume des lichens et des mousses.

Alors que seulement quelques dizaines d'espces d'oiseaux nichent en Antarctique, prs de deux cents sont observes en Arctique, dont certaines y vivent tout l'anne, comme le lagopde du Svalbard (Lagopus mutus hyperboreus) et la chouette harfang (Nyctea scandiaca). Toutefois, la plupart de ces espces nicheuses sont reprsentes par des oiseaux migrateurs cygnes, oies, canards, passereaux et limicoles qui reprsentent des millions d'individus qui relient rgulirement l'Arctique aux autres continents, en transportant avec eux parasites, virus et graines de plantes. Ces mmes espces aviaires sont totalement absentes au sud. Certes, on trouve bien dans les Terres australes, sur les les Crozet et Kerguelen, le canard d'Eaton (Anas eatoni) qui est probablement issu du canard pilet europen, mais il n'est gure observ au del de 45-500 de latitude sud. Parmi les arthropodes, un seul diptre est prsent sur le continent antarctique et les mollusques terrestres, les araignes et les vers y sont totalement absents, contrairement l'Arctique.

Du point de vue des mammifres, certes le mammouth a disparu de l'Arctique il y a quelques milliers d'annes, en raison du rchauffement climatique, mais on y trouve encore aujourd'hui des mammifres terrestres, comme le buf musqu, le renard polaire et le renne (ou caribou), ainsi que des mammifres marins, comme les morses. En revanche, en Antarctique, les seuls mammifres rencontrs sont marins, reprsents par les phoques, les otaries, et les ctacs. Ils constituent mme une population plus importante que celle des herbivores en Afrique.

Du fait de l'isolement de l'Antarctique, non seulement la biodiversit y est plus rduite sur les roches dcouvertes de glace mais, l'exception d'oiseaux nichant sur des chanes de montagne l'intrieur du continent, la vie est limite des oiseaux et mammifres marins vivant le long des ctes. l'inverse, en Arctique o s'avancent des continents de trs hautes latitudes, la traverse de ces derniers par de grands fleuves issus de rgions plus mridionales fait bnficier l'ocan Arctique d'eaux riches en nutriments. La chane trophique arctique, dans laquelle les populations de chouettes harfang voluent en fonction de celles des lemmings la population de ces petits mammifres fluctuant son tour en fonction de la vgtation, est par consquent sans quivalent dans la zone antarctique.

Pour ces mmes raisons biogographiques, la colonisation de l'Arctique et de l'Antarctique n'est en rien comparable. Il y a dj 10000ans que des chasseurs venus de Sibrie ont travers le dtroit de Bring pour s'installer en Alaska, puis au Groenland, formant ainsi les populations inuit. Ces dernires, nomades, se sont remarquablement adaptes aux contraintes du milieu polaire arctique. Des fouilles archologiques ont galement dmontr que les Vikings ont colonis le Groenland au xesicle et mme, deux sicles plus tard, l'le Ellesmere, localise l'extrme nord-est du Canada o vivaient dj des Inuit. Cependant, les Vikings quittrent le Groenland lors du refroidissement climatique qui svit au xviesicle. Le sicle suivant fut celui du dbut de la conqute de l'Arctique par des navigateurs anglais, comme William Baffin, puis par des Danois. On trouve aujourd'hui en Arctique de grandes villes de hautes latitudes, comme celle de Troms en Norvge, situe plus de 690 de latitude nord. Sur le continent antarctique, la prsence humaine n'est permanente que depuis une cinquantaine d'annes et demeure restreinte uniquement aux scientifiques dont le nombre total en hiver, du fait de l'inaccessibilit par navire, ne dpasse pas un millier de personnes.

Une richesse venant de la mer

Durant la priode hivernale polaire, le soleil apparat peine l'horizon et aucun rayon lumineux n'arrive atteindre l'ocan en raison de la banquise qui le recouvre. En revanche, la vie explose ds que cette glace se fragmente et disparat. On considre que la croissance bactrienne estivale en Antarctique n'a pas d'quivalent ailleurs sur notre plante. Algues et bactries se dveloppent, formant un abondant phytoplancton. Les algues unicellulaires marines, notamment les diatomes, constituent des producteurs primaires qui captent directement le rayonnement solaire et le dioxyde de carbone, et rejettent de l'oxygne en fixant le carbone dans la synthse de glucides. Les ocans Austral et Arctique fixent ainsi 10 100grammes de carbone par mtre carr par an, cette fixation atteignant mme 400grammes par mtre carr par an dans la mer de Bring. Au total, l'ocan Arctique fixe 700millions de tonnes de carbone par an, dont la moiti provenant de la mer de Bring. Pour l'ocan Austral, on estime que la fixation varie entre 600 et 4500millions de tonnes de carbone par an. Dans le contexte de l'aggravation de l'effet de serre, cette fixation de carbone par les ocans polaires est loin d'tre ngligeable mme si elle est modeste par rapport aux plus de 31milliards de tonnes de carbone fixs annuellement sur le reste de la plante.

Le phytoplancton est la base du rseau alimentaire marin. Il est consomm par des herbivores qui transfrent ainsi le carbone de plus hauts niveaux dans ce rseau. Ces herbivores, qui constituent le zooplancton, sont principalement de petits crustacs, notamment des coppodes en Arctique et le krill en Antarctique. Les diatomes, qui pullulent avec les rayons solaires du printemps et de l't, reprsentent l'essentiel de l'alimentation du krill, espce de crevette (Euphausia superba) d'une longueur moyenne infrieure 20millimtres. Par l'importance de ses populations, le krill constitue un chanon essentiel entre le plancton et les prdateurs suprieurs dans le rseau alimentaire antarctique. En effet, Euphausia superba est, avec des centaines de milliers de milliards de reprsentants, l'une des plus importantes espces animales en nombre d'individus sur notre plante. Les variations d'abondance de cette espce cl ont donc des rpercussions considrables sur toute la chane alimentaire antarctique. On estime que les manchots en consomment annuellement 100millions de tonnes, les phoques 150millions et les rorquals et baleines franches 200millions. Parmi les manchots, l'espce dont l'ensemble de la population constitue le plus grand consommateur de krill est le gorfou macaroni ou gorfou dor (Eudyptes chrysolophus) caractris par une touffe de plumes jaunes de chaque ct de la tte, avec 9millions de tonnes par an. Il ne faudrait cependant pas en conclure que le krill est la seule proie de choix. En effet, 60millions de crustacs amphipodes sont consomms chaque anne, dont 50millions par de petits poissons de la famille des myctophids (poissons lanternes). Le manchot royal (Aptenodytes patagonicus), qui est alimentairement spcialis, consomme annuellement environ 3millions de tonnes de myctophids.

En Arctique, l'espce marine cl du rseau alimentaire est la morue arctique (Boreogadus saida).

Les cosystmes marins, moteur de l'volution

Le fait que les eaux polaires renferment de grandes quantits de nourriture explique pourquoi mammifres et oiseaux marins ont colonis des rgions aux contraintes environnementales parfois extrmes. Ainsi, le grand cormoran Phalacrocorax carbo, un oiseau d'origine africaine devenu cosmopolite en environ 60millions d'annes, est capable d'hiverner au Groenland malgr une morphologie de toute vidence moins favorable la conservation de chaleur que celle des pingouins ou des manchots. Le plumage du cormoran prend en effet progressivement l'eau et cette mouillabilit rduit videmment l'isolation thermique et l'tanchit qu'il procure. En fait, alors que le long des ctes normandes le grand cormoran consacre chaque jour en moyenne environ quarante minutes son alimentation, au Groenland il arrive satisfaire ses besoins journaliers en moins de dix minutes. Une telle performance serait videmment impensable dans des eaux pauvres en poissons...

L'abondance des ressources marines dans les rgions polaires fait que nombre de prdateurs y sont attirs certaines priodes de l'anne et sont ainsi devenus de grands migrateurs, telles les baleines qui quittent les zones tropicales pour venir s'y nourrir de krill. Il existe mme des espces qui tirent profit de chaque ple au moment o la production marine y est maximale. C'est le cas de la sterne arctique (Sterna paradisea). Cet oiseau, pesant peine 100grammes, se reproduit dans l'Arctique, durant l't boral, puis migre en Antarctique pour l't austral. Cette migration sur tout l'ocan Atlantique reprsente un trajet de plus de 10000kilomtres, accompli deux fois par an. Un autre oiseau, le labbe de MacCormick, (Catharacta maccormicki) effectue le trajet en sens inverse.

Pour s'alimenter, mme sans raliser ces longs voyages d'un ple l'autre, nombre d'oiseaux marins se dplacent sur des distances considrables du fait de l'isolement des les subantarctiques o ils se reproduisent au milieu de l'ocan austral. Ainsi, un albatros hurleur, (Diomedea exulans) de l'le de la Possession, dans l'archipel de Crozet, peut couvrir des distances de plus de 10000kilomtres en mer pour s'alimenter et rapporter de la nourriture pour son poussin. Son rgime alimentaire serait, semble-t-il, constitu de cadavres de calmars qui remontent la surface de l'ocan. Outre le fait que ce grand planeur doit naviguer en fonction des vents, un tel rgime ncrophage spcialis expliquerait pourquoi l'albatros hurleur parcourt de telles distances pour s'alimenter. Mais si l'on comprend bien que le cot nergtique rduit du vol plan permet d'effectuer de tels trajets, il est encore plus surprenant que des manchots, qui par dfinition se propulsent dans l'eau avec leurs ailerons, puissent galement parcourir de grandes distances. Ainsi, les manchots royaux, qui se reproduisent sur l'le de la Possession, se nourrissent en t au niveau du front polaire. Celui-ci se trouve, selon les annes, quelque 400 500kilomtres au sud de cette le subantarctique. Cependant, la nourriture disparat brutalement au dbut de l'hiver, c'est--dire les premiers jours du mois de mai, obligeant les manchots royaux de la Possession venir s'alimenter un peu moins de 2000kilomtres au sud, la limite des glaces entourant l'Antarctique. C'est d'ailleurs ce qui explique qu'en hiver les poussins de manchots royaux sont abandonns par leurs parents sur leur le subantarctique. Ils sont ainsi amens jener pendant prs de quatre mois, leurs parents revenant parfois en hiver mais sans gure leur apporter de nourriture. Il faut attendre le printemps et la rapparition de la nourriture au niveau du front polaire pour que les couples de manchots reviennent nourrir assidment les poussins qui ont survcu.

Quant aux manchots empereurs, ils tablissent leurs colonies dans des zones proches du continent antarctique, l o la banquise est solidement ancre et ne risque donc pas d'tre dtruite au cours d'une tempte. Ces animaux doivent donc parcourir, en marchant, des distances de quelque 130kilomtres ou plus pour aller chercher de la nourriture en mer libre ou dans des polynies, zones d'eau ouvertes dans la banquise. De tels dplacements peuvent demander une dizaine de jours.

Les mammifres marins peuvent galement effectuer de grands trajets pour s'alimenter. Ainsi, les femelles gravides d'lphants de mer (Mirounga) de Gorgie du Sud parcourent environ 3500kilomtres en mer pour venir se nourrir en pninsule Antarctique.

Des adaptations tonnantes

Pour arriver survivre dans les rgions polaires, les animaux ont dvelopp au cours de l'volution de remarquables adaptations morphologiques et physiologiques, qui ont d'ailleurs souvent converg entre les deux ples. Ainsi, bien que la lgine (Dissostichus mawsoni) de l'ocan Austral et la morue arctique (Arctogadus glacialis) vivent totalement spares, chacune l'un des ples terrestres, elles ont la mme capacit de produire des glycoprotines, un antigel qui leur vite de geler dans des eaux marines dont la temprature est d'environ 1,80C. On trouve galement ces protines antigel chez un poisson d'eau douce qui peuple les lacs de l'archipel de Svalbard dans l'Atlantique nord, l'omble.

Comme l'abondance de la nourriture varie considrablement selon la saison, les animaux polaires sont capables d'accumuler d'importantes rserves corporelles qu'ils utilisent ensuite au cours de longues priodes de jene. C'est le cas du lagopde du Svalbard qui s'engraisse l'automne, ce qui lui permet de survivre l'hiver lorsque les lichens dont il se nourrit deviennent inaccessibles, recouverts par une neige rapidement transforme en glace.

Une autre remarquable convergence entre les deux ples est le long jene associ une reproduction en plein hiver chez l'ours blanc et le manchot empereur. Mais dans le premier cas, il s'agit de la femelle, puisqu'elle met bas dans une caverne de glace avec un jene d'environ quatre mois. Chez le manchot empereur, il s'agit au contraire du mle, qui assume la totalit de l'incubation de l'uf unique du couple au cur de l'hiver antarctique, ce qui implique un jene galement de quatre mois.

De graves menaces

Le rchauffement climatique constat en Arctique entrane une fonte de la banquise qui est suprieure aux prvisions moyennes des climatologues. Ainsi, la surface de la glace de mer permanente est ainsi passe de 5,3millions de kilomtres carrs en 2005 4millions en 2007, ce qui correspond un recul de 23 %! Dans ces conditions, l'avenir de l'ours blanc parat bien compromis.

De mme, la pninsule antarctique et les les subantarctiques sont l'objet d'un rchauffement suprieur celui qui tait prvu par les climatologues. Un impact est dj observ pour la biodiversit. Ainsi, Kerguelen, le rchauffement d'un degr Celsius et la baisse des prcipitations observs dans l'ouest de l'archipel ont permis la mouche cosmopolite bleue (Calliphora vicina) de s'implanter. Provenant de l'le de la Runion avec le navire de relve de la station scientifique, elle menace la mouche endmique sans ailes (Anatalanta aptera). De mme, l'radication du lapin de garenne, (Oryctolagus cuniculus) sur l'une des les de l'Archipel de Kerguelen n'a pas permis la restauration escompte de la vgtation endmique. Suite au rchauffement climatique, c'est une plante invasive, le pissenlit Taraxacum officinale, qui colonise peu peu l'le...

Mais la menace pse galement sur les populations d'oiseaux marins. Ainsi, une tude publie en 2008 montre qu'une augmentation de la temprature de la surface de la mer de seulement 0,260C la limite des glaces antarctiques se traduirait, deux ans plus tard, par une rduction de 0,9 % de la probabilit de survie des manchots royaux se reproduisant sur l'le de la Possession dans l'Archipel de Crozet. En outre, un rchauffement de la mer proximit de Crozet entranerait galement une baisse de la reproduction de ces animaux. Avec une prvision par les climatologues d'un rchauffement de 0,40C de l'ocan austral pour les vingt prochaines annes, que deviendra toute cette faune, pour la plupart endmique?

Yvon LE MAHO

Bibliographie

Arehn, Milieu polaire, AREHN, 2007

A.Berger, S.Schneider & J.-C.Duplessy dir., Climate and Geosciences, Kluwer, Dordrecht, 1989

R.Beugne, Le Monde des ples. Arctique-Antarctique, Milan, Toulouse, 2006

R.Coque, Gomorphologie, Armand Colin, Paris, 5ed. 1993

M.Derruau, Prcis de gomorphologie, Masson, Paris, 7ed. 1988; Les Formes du relief terrestre. Notions de gomorphologie, Armand Colin, 2001

D.Drewry dir., Glacial Geologic Processes, E.Arnold, Londres, 1986

Y.Frenot, Quels enjeux pour les ples?, Le Pommier, Paris, 2007

M.Gauthier-Clerc, Ples en pril, d. Buchet-Chastel, Paris, 2007

J.Jouzel & G.Jugie, L'Antarctique, terre de sciences, in La Science au prsent, Encyclopdia Universalis, 2006

R.Kandel, Le Devenir des climats, Hachette, Paris, 1990

C.Lorius, Glaces de l'Antarctique, Odile Jacob, Paris, 1991

L.Mayet dir., L'Aventure polaire, Le Pommier, Paris, 2007

L.Quentin & C.Reisser, Terres de glace, Nathan, 2005

F.Rmy, L'Antarctique: la mmoire de la Terre vue de lespace, d. du C.N.R.S., 2003

D.Sugden & B.John, Glaciers and Landscape, E.Arnold, 1976.

ANTARCTIQUEArticle crit par Pierre CARRIRE, Edmond JOUVE, Jean JOUZEL, Tous les auteurs

Le district polaire austral est form d'un continent, l'Antarctide, plus vaste que l'Europe et centr, approximativement, sur le ple Sud, que ceinture un anneau ocanique continu, l'ocan glacial Antarctique. Ce dernier, constitu par la runion de la partie des ocans Atlantique, Indien et Pacifique situe au sud du 60edegr de latitude sud, isole l'Antarctide des autres terres australes: 3600kilomtres sparent ce continent de l'Afrique du Sud, 2000 de la Tasmanie ou de la Nouvelle-Zlande, 1000 de l'Amrique du Sud.

Le continent et ses les bordires, entirement compris l'intrieur du 60eparallle sud, s'tend sur quelque 14millions de kilomtres carrs et il est recouvert, sur 98 % de sa surface, par une norme calotte de glace, paisse, par endroits, de 4000mtres et dont le volume est valu quelque 30millions de kilomtres cubes, ce qui reprsente 90 % des rserves d'eau douce du globe. Cet inlandsis se prolonge en mer par de vastes plates-formes de glaces continentales flottantes, tendues, l't, sur quelque 1,6million de kilomtres carrs, et qui se prolongent vers le large, l'hiver austral venu, par une banquise mettrice d'icebergs dont la limite septentrionale dpasse largement le cercle polaire. Sur cette masse de glace rgne un puissant anticyclone qui engendre, la fois, des tempratures trs basses le cur de l'Antarctide est le point le plus froid de notre globe et des vents violents, dits catabatiques. L'extrme rigueur du climat, responsable de l'extension de la glace, entrane la pauvret de la flore et de la faune antarctiques, exception faite de la frange littorale o l'abondance du plancton a permis le dveloppement de nombreuses espces de poissons et de ctacs, de phoques et de manchots.

L'isolement, joignant ses effets ceux de l'pret du milieu, a longtemps tenu les hommes l'cart de l'Antarctique, et ce d'autant plus que la recherche d'un passage maritime entre les continents, qute qui fut le moteur de l'exploration du bassin arctique, ne se posait pas ici. Le moment venu, l'exploration de l'Antarctique, entreprise par des navigateurs intrpides et des chercheurs expriments, progressa plus vite que celle de l'Arctique. Les convoitises territoriales, surtout celles qui taient exprimes par les tats au nom desquels agissaient les dcouvreurs, furent l'occasion de rivalits qui, heureusement, ne s'exprimrent gure que dans les chancelleries. En dpit de la prtention la souverainet manifeste par une dizaine d'tats, le domaine antarctique jouit d'un statut international et reste, avant tout, consacr la recherche scientifique. Ces vastes tendues inhabites qui accueillent cinq ples le ple gographique austral, le ple magntique austral, le ple gomagntique austral, le ple d'inaccessibilit et le ple du froid offrent un admirable terrain d'tudes aux spcialistes de la climatologie, de la glaciologie, de l'ocanographie, ainsi qu' ceux qui travaillent dans les diffrentes branches de la physique du globe ou de la biogographie.

I-Le milieu naturel

Relief

De forme quasi circulaire, le continent antarctique, massif, prsente un littoral peu dcoup, exception faite des deux profondes indentations de la mer de Weddell et de la mer de Ross qui se font face. La chane Transantarctique, prolongement des Andes, qui court de l'une l'autre de ces mers, spare l'Antarctide occidentale de l'Antarctide orientale. Si cette dernire, fort tendue, semble former une masse continentale continue, la premire, de superficie bien plus rduite, parat bien se composer d'une plate-forme continentale immerge, surmonte par de nombreux archipels d'les que la glace soude les unes aux autres. Ces archipels, tirs en direction de l'Amrique du Sud, donnent naissance la pninsule Antarctique qui est l'amorce de la Scotia et porte, sur la chane des monts Ellsworth, le point culminant du continent: le mont Vinson qui atteint 5140mtres d'altitude.

Les deux parties de l'Antarctique sont recouvertes par un immense glacier de plateau, l'inlandsis antarctique, duquel n'mergent que quelques pics de roche nu, les nunataks. Les roches du continent viennent aussi l'affleurement dans quelques rares valles dbarrasses de glace qui, prises avec les nunataks, occupent peine 2 % de la surface du continent! Situes des latitudes leves, telles les valles de Taylor, de Wright et de Victoria, proches de McMurdo, par 780 de latitude sud, ces dpressions allonges ont le profil transversal en U caractristique des valles glaciaires. leur partie aval, ces valles aujourd'hui dpourvues de glace et appeles, pour cette raison, oasis sont accidentes par de nombreux lacs d'une eau qui, douce d'abord, devient saumtre l'approche de l'ocan. Elles dbouchent sur ce dernier au niveau de ctes basses qu'ourlent, par endroits, de courtes plages de sable et de gravier. Partout ailleurs rgne la glace qui soustrait les roches au regard.

Pierre CARRIRE

Gologie

Le continent antarctique, aujourd'hui entirement recouvert par une paisse couche de glace, est en fait constitu de deux parties, d'ges trs diffrents, qui se distinguent morphologiquement et gologiquement: l'Antarctique de l'Est, gnralement situ au-dessus du niveau de la mer, est un bouclier prcambrien; il est bord par la chane Transantarctique, qui le spare de l'Antarctique de l'Ouest, beaucoup plus jeune, et qui, dglac, apparatrait comme un archipel trs tendu comprenant notamment la pninsule Antarctique, dispose dans le prolongement de l'arc insulaire des Sandwich du Sud, lui-mme prolongement de la Cordillre des Andes.

L'tude gologique de l'Antarctique est rendue particulirement difficile par la prsence de la couche de glace d'paisseur moyenne suprieure 2kilomtres , qui ne laisse apparatre que de rares affleurements rocheux dont la superficie reprsente moins de 2 % de celle du continent. La plupart de ces affleurements ont maintenant t reconnus par les gologues, mais les progrs raliss dans leur connaissance sont aussi dus l'utilisation de techniques gophysiques (prospections gravimtrique, sismique, magntique et radiolectrique) et l'apport de la tldtection. Par ailleurs, le dveloppement de la thorie des plaques permet maintenant de replacer l'histoire gologique de l'Antarctique dans un contexte plus gnral.

L'Antarctique a occup une place centrale dans l'ancien supercontinent du Gondwana, qui regroupait dans l'hmisphre Sud l'Australie, l'Inde, l'Afrique, Madagascar et l'Amrique du Sud. Son appartenance ce supercontinent a d'abord t suggre par l'existence, sur ces diffrentes terres, de roches identiques de mme ge et la dcouverte de fossiles communs. En terre d'Enderby, par exemple, il existe des granites trs particuliers les enderbites que l'on a retrouvs sur la cte orientale de l'Inde; des sdiments glaciaires forms il y a environ 280millions d'annes se retrouvent aussi sur ces deux continents. La priode plus chaude qui a suivi s'accompagne de la prsence commune de nombreux fossiles vgtaux (Glossopteris puis Dicroidium); enfin, les ossements fossiliss du Lystrosaurus reptile terrestre qui ne saurait traverser les ocans datant d'environ 200millions d'annes et identifis sur les diffrents continents issus du Gondwana ont apport une preuve particulirement convaincante. L'histoire de l'volution de ce supercontinent actuellement propose partir des donnes des prospections gophysiques marines situe le dbut de son fractionnement environ 160millions d'annes. La dynamique lithosphrique provoque une premire dislocation qui isole l'Afrique et l'Amrique du Sud. La sparation de l'Inde, puis de l'Australie et de la Nouvelle-Zlande suivra, tandis que l'Antarctique migrera lentement vers sa position actuelle, centre sur le ple Sud. Le seul obstacle cette dynamique semble avoir t la subduction de la plaque Pacifique, qui a engendr les Andes d'Amrique latine et d'Antarctique, spares au Tertiaire par le dtroit de Drake, au sud du cap Horn.

La dtermination des paisseurs de glace par sondages radiolectriques sur une grande partie de l'indlandsis a maintenant permis d'obtenir une bonne image de la topographie du substratum rocheux.

L'Antarctique de l'Est, qui s'tend entre les longitudes 300 ouest et 1600 est (donc principalement dans l'hmisphre oriental), est gnralement situ au-dessus du niveau de la mer notamment avec le relief marqu des montagnes de Gamburtsev. Cependant, il comporte au sud de nombreuses zones situes sous le niveau de la mer; au nord, ces zones sont moins nombreuses et plus limites. En l'absence de glace, le rehaussement isostatique rduirait ces secteurs immergs la rgion ctire du bassin de Wilkes, essentiellement.

Spar de cette entit par la longue chane Transantarctique, dont plusieurs sommets culminent plus de 4000 mtres, l'Antarctique de l'Ouest montre un socle rocheux gnralement situ au-dessous du niveau de la mer, avec des profondeurs qui peuvent dpasser 2500 mtres. Mme sans glace, les zones cote positive seraient essentiellement rduites la pninsule Antarctique, la zone ctire de la terre Marie-Byrd et aux monts Ellsworth, qui comprennent le mont Vinson, point culminant de l'Antarctique (5140m).

La dissemblance topographique qui est observe en surface entre les deux parties de l'Antarctique se retrouve en profondeur: l'paisseur de la crote, qui est de l'ordre de 40kilomtres dans la partie orientale (et atteint mme 60km sous les montagnes de Gamburtsev), n'est gnralement que de 25 30kilomtres dans la partie occidentale. Le plateau continental est anormalement profond puisqu'il se situe 400 mtres environ sous le niveau de la mer, alors que la moyenne mondiale n'est que de 130mtres; cette diffrence pourrait tre explique par une subsidence de la crote sous le poids de la glace.

Curieusement, depuis l'Anne gophysique internationale (1957-1958), le rseau des stations antarctiques n'a enregistr que peu de tremblements de terre d'une magnitude suprieure 4 dans l'chelle de Richter; l'origine de ces sismes est d'ailleurs incertaine (dynamique des glaciers ou activit tectonique?). Ce caractre asismique du continent antarctique n'a pas encore trouv d'explication satisfaisante. Une thorie propose nanmoins le modle de l'inhibition des contraintes tectoniques par la surcharge de glace.

Des affleurements rocheux, principalement mtamorphiques, sont dissmins le long de la cte de l'Antarctique de l'Est. Les plus anciens trouvs jusqu' prsent sont des granulites de la terre d'Enderby formes il y a plus de 3 milliards d'annes. Les granites des montagnes du Prince-Charles et les gneiss des collines de Vestfold sont aussi d'ge archen. L'Antarctique de l'Est consiste ainsi en un bouclier compos d'un nucleus datant du Prcambrien ancien, entour de ceintures protrozoques et parfois palzoques (grs dits de Beacon) . Les caractres lithologiques et structuraux des trop rares affleurements voquent plusieurs orogenses, dont on n'a cependant pas encore pu tablir une histoire gologique prcise.

Les squences gologiques prserves dans la chane Transantarctique qui borde le grand bouclier de l'Antarctique de l'Est ne datent que de 600millions d'annes. S'tendant de la terre Vic