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mise au point | formation Différents travaux ont montré que le MERS-CoV utilise un récepteur conservé chez les chiroptères, les porcs et les humains, le dipeptidyl peptidase 4. Cette propriété indiquerait une barrière faible pour la transmission entre les hôtes du virus. L’existence de réservoirs intermédiaires (dromadaires, moutons, chèvres, chiens, vaches) est probable et de nom- breuses études sont en cours pour déterminer leur rôle dans la transmission de ce nouveau virus respiratoire à l’homme. Des anticorps ont déjà été trouvés chez les dromadaires mais le virus n’a jamais été détecté chez les animaux. En conclusion, bien que le nombre de cas soit encore restreint, l’alerte sanitaire concernant le MERS-CoV est toujours en cours. Le risque de voir diffuser la maladie dans la zone géo- graphique concernée existe (Moyen-Orient et particulièrement l’Arabie saoudite qui est une zone de grand rassemblement). En France, les tests virologiques permettant d’effectuer le dia- gnostic précoce ne sont réalisés que dans des laboratoires ayant reçu l’accréditation (CNR Grippe). Virus influenza A (H7N9) Ce nouveau virus grippal, faiblement pathogène pour les oiseaux, semble l’être beaucoup plus pour l‘homme. A partir de lignées aviaires, des virus réassortants se sont adap- tés à l’homme, grâce à des marqueurs d’adaptation aux voies respiratoires hautes. 136 cas humains d’infections respiratoires dues au virus influenza A(H7N9) ont été identifiés en Chine parmi lesquels 45 décès (33,1 %) ont été déclarés. L’étude des cas a montré une prédominance des cas de sexe masculin (71 % des cas) avec un âge médian de 60 ans. Les marchés de volailles vivantes semblent être au cœur de la transmission animal-homme et l’émergence de l’épidémie a été stoppée avec la fermeture des marchés chinois. Quelques cas ont néanmoins été décrits depuis l’arrêt de l’épidémie justifiant le maintien de la surveillance de ce virus, notamment en Europe, chez les personnes présentant un tableau respiratoire sévère après un retour de Chine. En conclusion L’émergence de nouveaux virus respiratoires est liée à de mul- tiples facteurs parmi lesquels les capacités évolutives des virus sont un facteur important. Sur la base des informations actuellement disponibles, l’OMS encourage les pays à maintenir la surveillance de virus respi- ratoires émergents. Le principal objectif de cette surveillance est la détection précoce des cas, moyen essentiel pour lutter contre la dissémination de ces nouveaux virus. | source D’après une communication de A. Vabret, Caen 3 e Journée de virologie clinique Paris – Novembre 2013 15 OptionBio | Mardi 15 avril 2014 | n° 506 Les nouveaux entérovirus à tropisme respiratoire Les Entérovirus sont de petits virus à ARN simple brin +, non enveloppés. Leur répartition est ubiquitaire et leur transmission à l’homme peut être directe (voie fécale-orale et aérienne) ou indirecte (environnement). Les infections humaines à Entérovirus sont fréquentes et prennent des formes symptomatiques très variées. Les manifestations les plus fréquemment rapportées sont cérébro-méningées mais de façon plus récente des syndromes respiratoires ont été également décrits. Une nouvelle taxonomie du genre Entérovirus a été établie en 2012. Le genre comprend 12 espèces dont 7 sont pathogènes pour l’homme (4 espèces d’Entérovirus HEV-A à HEV-D compre- nant 110-120 génotypes et 3 espèces de Rhinovirus HRV-A à HRV-C comprenant 100 génotypes). Comme chez tous les virus à ARN, une évolution génétique au cours du temps et leur circulation est observée chez les Entérovirus. Des mutations génétiques constituent le premier mécanisme d’évolution génétique possible aboutissant à une multiplicité de variants viraux au sein d’une même souche (composée d’un variant majoritaire et d’une multitude de variants minoritaires). Les recombinaisons génétiques sont le deuxième mécanisme possible (recombinaison intra-typique et intra-espèces ou recom- binaison inter-espèces). Le mécanisme aboutit à une évolution rapide des Entérovirus. Epidémiologie des entérovirus humains L’homme est le seul réservoir, les enfants constituant le vecteur principal de diffusion. Dans les pays développés, la circulation des virus se fait selon un mode épidémique (été-automne) et une co-circulation de différentes souches est observée. Les facteurs favorisants les infections virales à Entérovirus sont l’âge (0-6 ans +++ et > 50 ans), le sexe (sexe ratio H/F = 1,5 à 2,5), l’atopie, l’origine ethnique, les conditions sanitaires et enfin l’immunosuppression. Infections humaines à Entérovirus Le nombre d’infections humaines à Entérovirus est estimé à 1 milliard par an dans le monde (données du CDC d’Atlanta), 10 % seulement de ces infections étant symptomatiques.

Les nouveaux entérovirus à tropisme respiratoire

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Page 1: Les nouveaux entérovirus à tropisme respiratoire

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Différents travaux ont montré que le MERS-CoV utilise un récepteur conservé chez les chiroptères, les porcs et les humains, le dipeptidyl peptidase 4. Cette propriété indiquerait une barrière faible pour la transmission entre les hôtes du virus. L’existence de réservoirs intermédiaires (dromadaires, moutons, chèvres, chiens, vaches) est probable et de nom-breuses études sont en cours pour déterminer leur rôle dans la transmission de ce nouveau virus respiratoire à l’homme. Des anticorps ont déjà été trouvés chez les dromadaires mais le virus n’a jamais été détecté chez les animaux.En conclusion, bien que le nombre de cas soit encore restreint, l’alerte sanitaire concernant le MERS-CoV est toujours en cours. Le risque de voir diffuser la maladie dans la zone géo-graphique concernée existe (Moyen-Orient et particulièrement l’Arabie saoudite qui est une zone de grand rassemblement).En France, les tests virologiques permettant d’effectuer le dia-gnostic précoce ne sont réalisés que dans des laboratoires ayant reçu l’accréditation (CNR Grippe).

Virus influenza A (H7N9)Ce nouveau virus grippal, faiblement pathogène pour les oiseaux, semble l’être beaucoup plus pour l‘homme.A partir de lignées aviaires, des virus réassortants se sont adap-tés à l’homme, grâce à des marqueurs d’adaptation aux voies respiratoires hautes.

136 cas humains d’infections respiratoires dues au virus influenza A(H7N9) ont été identifiés en Chine parmi lesquels 45 décès (33,1 %) ont été déclarés. L’étude des cas a montré une prédominance des cas de sexe masculin (71 % des cas) avec un âge médian de 60 ans.Les marchés de volailles vivantes semblent être au cœur de la transmission animal-homme et l’émergence de l’épidémie a été stoppée avec la fermeture des marchés chinois.Quelques cas ont néanmoins été décrits depuis l’arrêt de l’épidémie justifiant le maintien de la surveillance de ce virus, notamment en Europe, chez les personnes présentant un tableau respiratoire sévère après un retour de Chine.

En conclusionL’émergence de nouveaux virus respiratoires est liée à de mul-tiples facteurs parmi lesquels les capacités évolutives des virus sont un facteur important.Sur la base des informations actuellement disponibles, l’OMS encourage les pays à maintenir la surveillance de virus respi-ratoires émergents. Le principal objectif de cette surveillance est la détection précoce des cas, moyen essentiel pour lutter contre la dissémination de ces nouveaux virus. |sourceD’après une communication de A. Vabret, Caen3e Journée de virologie cliniqueParis – Novembre 2013

15OptionBio | Mardi 15 avril 2014 | n° 506

Les nouveaux entérovirus à tropisme respiratoire

Les Entérovirus sont de petits virus à ARN simple brin +, non enveloppés. Leur répartition est ubiquitaire et leur transmission à l’homme peut être directe (voie fécale-orale et aérienne) ou indirecte (environnement). Les infections humaines à Entérovirus sont fréquentes et prennent des formes symptomatiques très variées. Les manifestations les plus fréquemment rapportées sont cérébro-méningées mais de façon plus récente des syndromes respiratoires ont été également décrits.

Une nouvelle taxonomie du genre Entérovirus a été établie en 2012. Le genre comprend 12 espèces dont 7 sont pathogènes pour l’homme (4 espèces d’Entérovirus HEV-A à HEV-D compre-nant 110-120 génotypes et 3 espèces de Rhinovirus HRV-A à HRV-C comprenant 100 génotypes).Comme chez tous les virus à ARN, une évolution génétique au cours du temps et leur circulation est observée chez les Entérovirus.Des mutations génétiques constituent le premier mécanisme d’évolution génétique possible aboutissant à une multiplicité de variants viraux au sein d’une même souche (composée d’un variant majoritaire et d’une multitude de variants minoritaires).Les recombinaisons génétiques sont le deuxième mécanisme possible (recombinaison intra-typique et intra-espèces ou recom-binaison inter-espèces). Le mécanisme aboutit à une évolution rapide des Entérovirus.

Epidémiologie des entérovirus humainsL’homme est le seul réservoir, les enfants constituant le vecteur principal de diffusion.Dans les pays développés, la circulation des virus se fait selon un mode épidémique (été-automne) et une co-circulation de différentes souches est observée.Les facteurs favorisants les infections virales à Entérovirus sont l’âge (0-6 ans +++ et > 50 ans), le sexe (sexe ratio H/F = 1,5 à 2,5), l’atopie, l’origine ethnique, les conditions sanitaires et enfin l’immunosuppression.

Infections humaines à EntérovirusLe nombre d’infections humaines à Entérovirus est estimé à 1 milliard par an dans le monde (données du CDC d’Atlanta), 10 % seulement de ces infections étant symptomatiques.

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16 OptionBio | Mardi 15 avril 2014 | n° 506

Parmi les pathologies aiguës dues aux Entérovirus, les infec-tions respiratoires hautes (rhinite, pharyngite, laryngite) et basses (bronchite, bronchiolite, pneumonie) ne sont pas rares.Le diagnostic des infections respiratoires à Entérovirus par des techniques classiques et/ou moléculaires devra être effectué chez l’enfant à partir des aspirations nasopharyngées et chez l’adulte à partir d’un écouvillonnage nasal.

Emergence de nouveaux EntérovirusGrâce aux techniques de diagnostic disponibles, la responsabi-lité des HEV-A, HEV-C, HEV-D dans les infections respiratoires a été mise en évidence entre 2000 et 2013 mais une émergence de nouveaux Entérovirus est actuellement observée (pneu-monie à Coxsackie virus A-16, complications respiratoires à Entérovirus HEV-A71 après syndrome PMB d’un enfant, infec-tions respiratoires sévères à Entérovirus 68 chez des enfants).

Ces nouveaux génotypes émergents laissent à penser qu’il existe une large diversité des souches d’Entérovirus dont une partie est non détectable par les techniques virologiques de routine (classiques et/ou moléculaires).Il y a donc très probablement une sous-estimation du rôle étiolo-gique et de l’impact clinique des Entérovirus dans les infections aiguës des voies respiratoires.Une étude a été effectuée au CHU de Reims entre septembre 2009 et juin 2010 chez 1 165 enfants hospitalisés (avec au moins une aspiration nasopharyngée) pour mettre en évidence les étiologies microbiennes des pathologies respiratoires aiguës.Un diagnostic virologique et bactériologique classique, à la recherche des pathogènes conventionnels, a été dans un premier temps réalisé (VRS, virus Influenza, virus Para influenza I,II,III, Adénovirus, pneumocoque, S. aureus, H. influen-zae, M. catarrhalis, P. aeruginosa, entérobactéries).

Encadré 3. Caractéristiques des 519 enfants sans étiologie microbienne retrouvée.

Tableau I. Etiologies des infections aiguës des voies respiratoires (CHU Reims - 519 enfants hospitalisés).

Détection positive genre Entérovirus

(RT- qPCR)N = 187

CV moyenne 107 copies/mlâge médian (mois) = 11

Détection positive genre Entérovirus

(RT- qPCR)N = 38

CV moyenne 107 copies/mlâge médian (mois) = 6,5

Infections aiguës des voies respiratoires

N = 309âge médian (mois) = 19

Groupe contrôle

N = 210âge médian (mois) = 2

Typage moléculaire HEV

N = 1510 HEV-d68

5 HEV

Typage moléculaire HEV

N = 17240 HRV –C21 HRV-A1 HRV-B110 HRV

Typage moléculaire HEV

N = 11 HEV

Typage moléculaire HEV

N = 375 HRV-C2 HRV-A30 HRV

Page 3: Les nouveaux entérovirus à tropisme respiratoire

mise au point | formation

Les infections respiratoires sont fréquentes chez l’enfant (plusieurs par an) et de gravité variable en fonction de l’âge, du terrain et du germe en cause. Les virus majoritairement responsables sont les rhinovirus, le VRS, les virus Influenza et Para influenza mais seuls 40 à 60 % des cas sont documentés,ce qui laisse à penser que d’autres virus doivent être en cause dans ces infections dont les Metapneumovirus et les Bocavirus.

Metapneumovirus (hMPV)Ce virus qui appartient à la famille des Paramyxoviridae a été décrit en 2001 à partir d’une collection de prélèvements res-piratoires d’enfants avec ECP sans virus identifié (Pays-Bas). Ce virus, très proche du VRS, est de répartition mondiale. Il est présent depuis au moins 50 ans comme l’ont montré différentes études sérologiques et 90 % des enfants le ren-contrent avant l’âge de 5 ans.

EpidémiologieLes épidémies à hMPV se situent en hiver ou au début du printemps, simultanément ou juste un peu plus tard que celles dues au VRS. Des études américaines et françaises ont montré que la fréquence des infections respiratoires à hMPV se situait entre 6 et 10 % (tableau II, figure 2).

17OptionBio | Mardi 15 avril 2014 | n° 506

Aucune étiologie microbienne, parmi celles initialement recherchées, n’a été retrouvée chez 519 enfants parmi les 1 165 hospitalisés (encadré 3).Des techniques de RT-PCR quantitative « Pan-entero-rhino » et de RT-PCR spécifique Entérovirus (HEV, HRV) ont été effec-tuées suivies d’un typage moléculaire.Les résultats de cette étude ont mis en évidence le rôle étio-logique potentiel majeur des Entérovirus dans les infections des voies respiratoires basses chez les enfants hospitalisés (tableau I).

En effet sur les 187 détections positives au genre Entérovi-rus 164 (88 %) correspondaient à des infections respiratoires basses avec 81 % de bronchiolite ou d’asthme exacerbé (133/164) et 23 (12 %) correspondaient à des infections res-piratoires hautes.Cette étude a également révélé la réémergence de l’Entérovirus 68. Toutes les souches françaises appartiennent au même clus-ter génétique HEV-D68 clade C, dont on observe une circulation à l’échelle mondiale. Il apparaît que les infections respiratoires dues à ce pathogène réémergent sont particulièrement sévères (détresse respiratoire 8/10, besoin de supplémentation en O2 6/10, charge virale éle-vée > 107 copies / ml).Cette étude a enfin montré une circulation endémique des HRV avec 2 pics épidémiques, en automne et au printemps (figure 1).

En conclusionLes Entérovirus HEV et HRV sont donc des agents étiolo-giques potentiels majeurs dans les infections aiguës des voies respiratoires.Les infections à HEV semblent être plus sévères (détresse respiratoire et nécessité d’oxygénation), mais la charge virale dans les prélèvements apparaît plus faible pour les HEV que pour les HRV.Il apparaît nécessaire aujourd’hui d’utiliser des tests virolo-giques ayant un large spectre pour les virus à tropisme respira-toire incluant le genre Entérovirus (RT-PCR « Pan-entero-rhino ») dans le diagnostic virologique de routine et dans la surveillance épidémiologique des virus à tropisme respiratoire. |

sourceD’après une communication de F. Rénois, Reims33e Réunion interdisciplinaire de chimiothérapie anti-infectieuseParis – Novembre 2013

| Figure 1. Circulation des HRV (étude du CHU de Reims – 187 détections positives du genre Entérovirus par RT-PCR.

Infections à Metapneumovirus et Bocavirus en pédiatrie

Données HFME Lyon 2010-2011 (emprunté à JS Casalegno).