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UHPFRC 2009 – November 17 th & 18 th – Marseille, France 1 Les nouvelles recommandations AFGC sur les BFUP CHAPITRE I – Comportement et caractéristiques mécaniques des BFUP Alain SIMON Responsable Pôle Ouvrages Spéciaux Service Technique Ouvrages d’Art EIFFAGE TP Neuilly/Marne, France Résumé Le chapitre I aborde les différentes caractéristiques mécaniques des BFUP : résistance en compression, résistance en traction, module d’élasticité statique... Les grandeurs couramment obtenues avec ces matériaux sont indiquées, ainsi que les protocoles expérimentaux pour les obtenir, lorsque ceux-ci sont particuliers. C’est le cas notamment des essais à entreprendre pour qualifier le comportement en traction d’une formule de BFUP en fonction de l’application visée, essais qui font l’objet de méthodes d’analyse toutes particulières. Ce chapitre traite également des épreuves qui jalonnent un projet faisant intervenir du BFUP. Les nombreuses applications récentes en BFUP, et tout particulièrement en France dans le domaine des ponts, ont permis d’acquérir une véritable expérience, sur laquelle s’est appuyée la mise à jour du texte pour affiner notamment la définition des épreuves de convenance. Ces chantiers ont permis de vérifier la pertinence - et la nécessité - de la démarche originale proposée par le texte de l’AFGC, dans son concept d’élément témoin à échelle 1 à réaliser pour la validation des coefficients K traduisant l’orientation des fibres dans la structure. Mots clefs : BFUP, compression, traction, méthode inverse, structures épaisses, structures minces, coefficient K, épreuves de convenance Introduction Trois raisons principales ont motivé la mise à jour du chapitre I des recommandations AFGC de 2002 [1]: - l’amélioration de la connaissance des matériaux BFUP depuis 8 ans (nouveaux développements français et internationaux, nombreux essais complémentaires et retours d’expérience variés sur les BFUP « historiques »,…), - le souci d’améliorer la lisibilité de la démarche originale et innovante de validation des performances mécaniques des BFUP, notamment dans les conditions réelles de leur mise en oeuvre sur chantier (explicitation plus détaillée des épreuves de convenance), - rendre les notations qui caractérisent les performances des BFUP, compatibles avec le format Eurocode 2 [2], désormais adopté au chapitre II pour les calculs de structures. Dans l’article qui suit, on se propose de parcourir le nouveau texte des recommandations, en suivant l’ordre des sous-chapitres, et en essayant d’en faire ressortir les éléments principaux.

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Les nouvelles recommandations AFGC sur les BFUP CHAPITRE I – Comportement et caractéristiques mécaniques des BFUP

Alain SIMON Responsable Pôle Ouvrages Spéciaux Service Technique Ouvrages d’Art EIFFAGE TP Neuilly/Marne, France

Résumé Le chapitre I aborde les différentes caractéristiques mécaniques des BFUP : résistance en compression, résistance en traction, module d’élasticité statique... Les grandeurs couramment obtenues avec ces matériaux sont indiquées, ainsi que les protocoles expérimentaux pour les obtenir, lorsque ceux-ci sont particuliers. C’est le cas notamment des essais à entreprendre pour qualifier le comportement en traction d’une formule de BFUP en fonction de l’application visée, essais qui font l’objet de méthodes d’analyse toutes particulières.

Ce chapitre traite également des épreuves qui jalonnent un projet faisant intervenir du BFUP. Les nombreuses applications récentes en BFUP, et tout particulièrement en France dans le domaine des ponts, ont permis d’acquérir une véritable expérience, sur laquelle s’est appuyée la mise à jour du texte pour affiner notamment la définition des épreuves de convenance. Ces chantiers ont permis de vérifier la pertinence - et la nécessité - de la démarche originale proposée par le texte de l’AFGC, dans son concept d’élément témoin à échelle 1 à réaliser pour la validation des coefficients K traduisant l’orientation des fibres dans la structure.

Mots clefs : BFUP, compression, traction, méthode inverse, structures épaisses, structures minces, coefficient K, épreuves de convenance

Introduction Trois raisons principales ont motivé la mise à jour du chapitre I des recommandations AFGC de 2002 [1]:

- l’amélioration de la connaissance des matériaux BFUP depuis 8 ans (nouveaux développements français et internationaux, nombreux essais complémentaires et retours d’expérience variés sur les BFUP « historiques »,…),

- le souci d’améliorer la lisibilité de la démarche originale et innovante de validation des performances mécaniques des BFUP, notamment dans les conditions réelles de leur mise en œuvre sur chantier (explicitation plus détaillée des épreuves de convenance),

- rendre les notations qui caractérisent les performances des BFUP, compatibles avec le format Eurocode 2 [2], désormais adopté au chapitre II pour les calculs de structures.

Dans l’article qui suit, on se propose de parcourir le nouveau texte des recommandations, en suivant l’ordre des sous-chapitres, et en essayant d’en faire ressortir les éléments principaux.

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1. Les nouvelles recommandations

1.1. Généralité

Ce paragraphe rappelle les différentes étapes du processus global de conception dans un projet mettant en oeuvre du BFUP : depuis les épreuves d’études jusqu’aux épreuves de contrôle, en passant par les convenances. Il introduit la notion de « carte d’identité d’un BFUP », concept spécifique à ces matériaux, et qui correspond à la fiche signalétique de ses caractéristiques et propriétés, étayées par les essais qui ont permis de les obtenir. Elle rassemble donc l’ensemble des données d’entrée nécessaires pour une conception de structure, et son existence permet de s’affranchir d’une phase d’épreuves d’études.

1.2. Influence du traitement thermique

Pour influer sur certaines de leurs caractéristiques, les BFUP peuvent faire l’objet d’un traitement thermique. Deux types de traitement sont maintenant distingués :

- le premier est appliqué peu après la fin du bétonnage. Il consiste en un étuvage à température relativement modérée (on se limite en général à une valeur de l’ordre de 65°C, ce qui permet de se prémunir d’un éventuel risque de formation différée d’ettringite) et en ambiance maintenue humide. Il affecte principalement la cinétique de prise à jeune âge et permet des rotations de coffrage plus rapides.

- le second consiste à placer une pièce en BFUP, décoffrée plusieurs heures auparavant, dans une enceinte où la température est portée progressivement jusqu’à environ 85 à 90°C, puis est ainsi maintenue pendant 1 à 2 jours, et dans laquelle l’humidité relative est proche de 100%. Ce traitement va initier la formation de nouveaux hydrates et donc influer sur certaines caractéristiques du matériau : augmentation des performances mécaniques à long terme, limitation des déformations différées après traitement (retrait et fluage), ainsi qu’une amélioration de certaines propriétés de durabilité.

1.3. Résistance à la compression

La résistance en compression est mesurée sur éprouvettes cylindriques de dimensions normées Φ7x14 ou Φ11x22. Des dimensions plus importantes sont peu compatibles avec le niveau de résistance atteint : de 150 à 200MPa, voire plus pour certains BFUP.

Fig. 1 Comportement du BSI® en compression, mesuré à l’EPFL [3]

Elle peut désormais l’être aussi sur éprouvettes cubiques, conformément à l’Eurocode 2 [2], sous réserve d’avoir validé le coefficient de passage cylindre/cube à l’occasion d’épreuves d’études ou de convenance.

Cette résistance est notée fck (valeur caractéristique) lorsqu’elle est obtenue sur éprouvettes cylindriques, et fck,cube sur éprouvettes cubiques.

A titre d’exemple, la figure ci-contre (Fig. 1) illustre le comportement en compression du BSI®, mesuré à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne [3] sur des éprouvettes cylindriques Φ7x14. La moyenne des quatre essais est ici fcm = 191MPa.

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1.4. Comportement à la traction

Le comportement en traction d’un BFUP est caractérisé par deux domaines : le premier est la réponse élastique de sa matrice cimentaire (jusqu’à sa limite, notée fct,el), et le second sa résistance de matériau fissuré apportée par les fibres métalliques, capables de coudre les fissures (résistance notée σ(w) en ouverture de fissure ou σ(ε) en déformation).

Comportement adoucissant Comportement écrouissant

Fig. 2 Exemples de comportement en traction

Les recommandations AFGC distinguent deux familles de structures: celles dont les épaisseurs sont « minces » à l’échelle de la longueur des fibres, et les autres, considérées « épaisses ». Car cette nuance intervient sur l’orientation plus ou moins privilégiée des fibres par l’effet des parois d’un coffrage ou des surfaces libres. Est considérée « épaisse » une section dont l’épaisseur vérifie :

e > 3Lf où Lf est la longueur des fibres.

Pour un BFUP donné, les essais de caractérisation de son comportement en traction vont donc dépendre de l’application visée. Selon qu’elle sera mince ou épaisse, la structure bénéficiera ou non de l’effet de l’orientation des fibres dans le domaine non linéaire de sa loi de comportement en traction.

a) Cas des structures épaisses

La démarche privilégiée par les recommandations consiste à réaliser deux séries d’essais :

- 6 essais en flexion 4 points (Fig. 3), sur des éprouvettes prismatiques de dimensions a x a x 4a (avec a ≥ 5Lf) non entaillées, pour déterminer la valeur fct,el à partir de la mesure de la flèche,

- 6 essais en flexion 3 points (Fig. 4), sur des éprouvettes prismatiques de dimensions a x a x

4a (avec a ≥ 5Lf) entaillées en leur milieu sur une face, pour déterminer la courbe σ(w) à partir de la mesure de l’ouverture de la fissure en fond d’entaille, par méthode inverse.

a

l = 3a

L = 4a

F

Fig. 3 Essai de flexion 4 points

a

l = 3a

L = 4a

F

Fig. 4 Essai de flexion 3 points

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Flexion 4 points

L’enregistrement de la flèche au cours d’un essai de flexion 4 points, permet de détecter l’effort Ffiss à partir duquel le comportement n’est plus élastique linéaire. Considérant cet effort, on calcule la contrainte élastique équivalente:

Rfl = 3 · Ffiss / a² avec Ffiss en N, a en mm et Rfl en MPa

Cette contrainte de traction par flexion n’est cependant pas une grandeur intrinsèque au matériau, car elle est sujette à un effet d’échelle (ou effet de gradient) lié à la hauteur de l’éprouvette. La loi de correction de cet effet, issue du Model Code CEB/FIP [5] et vérifiée expérimentalement sur les BFUP [6], qui permet d’obtenir la résistance en traction directe fct,el est:

0.7

7.0

100a

21

100a

2 R f flelct,

⋅+

⋅×= avec a en mm

Avec les 6 valeurs de fct,el on calcule la moyenne fctm,el et l’écart-type s. Considérant le coefficient de Student k pour un fractile de 5% et correspondant au nombre d’essais réalisés (cf. table 1), on obtient la résistance caractéristique en traction de la matrice du BFUP:

fctk0.05 = fctm,el – k · s

NB: fctk0.05 remplace l’ancienne dénomination ftj.

Table 1 Coefficient de Student (k) correspondant à un fractile de 5%

Nombre d’essais

Valeur de k

Nombre d’essais

Valeur de k

1 - 7 1.943 2 6.314 8 1.895 3 2.920 9 1.860 4 2.353 10 1.833 5 2.132 11 1.812 6 2.015 12 1.796

Flexion 3 points

L’enregistrement de l’effort F(w) et de l’ouverture de fissure w en fond d’entaille au cours d’un essai de flexion 3 points, permet d’obtenir une courbe Moment / Ouverture de fissure M(w), avec:

M(w) = 3 · a · F(w) / 4

A partir des 6 courbes M(w) ainsi tracées, on construit la courbe moyenne, puis la courbe caractéristique sur la plage d’ouverture [ 0 ; 1mm ]. Cette construction doit se faire de préférence point par point de façon à rendre compte au plus près du comportement en traction (contrairement à une méthode énergétique qui s’écarte artificiellement du comportement matériau, par le fait qu’elle impose une même dispersion quelle que soit l’ouverture de fissure considérée).

Ainsi pour chaque valeur de w on obtient une valeur caractéristique du moment Mk(w) à partir de la moyenne des 6 valeurs M(w), de l’écart-type correspondant et du coefficient de Student (cf. table 1). Il reste alors à transformer cette courbe caractéristique en une loi en traction directe σ(w).

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Cette transformation inverse est l’objet d’une méthode développée par Chanvillard [8], basée sur le modèle d’équilibre de Casanova [9]. Elle consiste à considérer une série de points expérimentaux (M i ; wi) issus d’un essai de flexion et à écrire les équations d’équilibre de la section fissurée en intégrant ces données. Ce modèle d’équilibre est représenté ci-dessous.

Considérant vérifiés les états 0 à i-1, on résoud le système posé par l’équilibre de l’état i (principe mathématique de récurrence). Le résultat de l’application de cette méthode inverse, dont les équations détaillées sont données en annexe des recommandations, est une courbe σ(w) en traction directe.

Pourtant une dernière correction doit être apportée à ce résultat. Il convient en effet de supprimer l’effet favorable des parois des éprouvettes sur l’orientation des fibres. Les éprouvettes ayant une entaille dont la profondeur correspond à 10% de la hauteur a (donc proche de Lf/2), on considère que les fibres favorablement orientées en fond de moule ne sont plus actives et que seules la parois latérales ont encore une influence. La correction se fait par application de coefficients d’orientation des fibres, tel que décrit dans [10].

On donne ici l’exemple d’une éprouvette 7x7x28 avec un BFUP qui contiendrait des fibres de 12mm. L’entaille serait donc de 7mm. Les coefficients d’orientation des fibres λ sont obtenus à partir des facteurs d’orientation α, qui dépendent de l’espace dans lequel peuvent s’orienter librement les fibres (α1D = 1; α2D = 0.637; α3D = 0.405).

surface coffrée

0.7 cm

6.3 cm

0.6 cm 5.8 cm 0.6 cm

surface libresurface coffrée

entaille

Dans la zone centrale de la section, les fibres ont une orientation 3D libre. On considère donc le facteur d’orientation α3D = 0.405.

Dans l’espace particulier formé par les bandes situées entre un bord coffré (espace 2D) et une distance égale au centre de gravité des fibres Lf/2=0.6cm (espace 3D), on intègre le facteur d’orientation sur Lf/2 et la moyenne vaut α2D/3D = 0.587.

Le coefficient d’orientation à l’échelle de l’éprouvette, par lequel on doit diviser la courbe σ(w), est donc simplement le rapport:

3D

2D/3D3D2D/3D

α0.6)5.8(0.6

α0.6α5.8α0.6 λ

⋅++⋅+⋅+⋅= =1.08

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La loi σ(w) est désormais utilisable pour un calcul de structure. Si l’on préfère utiliser une loi de type σ(ε), la relation de passage entre ouverture de fissure et déformation (cf. Chapitre II des recommandations) est la suivante:

ccm

ctk

l

w

E

0.05+= avec 3

2hlc = où h est la hauteur de la section

b) Cas des structures minces

La résistance en traction de la matrice fctk0.05 est obtenue selon le même principe que pour les structures épaisses, en réalisant 6 essais de flexion 4 points à partir desquels on détecte la perte de linéarité sur la mesure de la flèche. Il est recommandé d’utiliser des bandes mais il pourrait aussi s’agir éventuellement de prismes.

Pour l’obtention du domaine non linéaire du comportement en traction, la démarche privilégiée par les recommandations consiste à faire 6 essais de flexion 4 points sur bandes non entaillées (Fig. 5), sciées dans une plaque mince bétonnée de la même façon que l’application visée (à plat ou bien sur la tranche).

Fig. 5 Eléments minces – Définition des corps d’épreuve

De façon à ne pas couper de fibres et à bien prendre en compte l’effet de leur orientation influencée par les bords coffrés, aucune entaille n’est réalisée. De ce fait l’essai ne donne pas la grandeur w et il faut donc ici appliquer une nouvelle méthode inverse pour obtenir une loi en traction directe σ(ε), à partir de l’enregistrement de l’effort appliqué F et de la mesure de la flèche ou bien d’une déformation sur la fibre tendue.

F

yFlèche au centre

σσσσ

εεεεDéformation

Données expérimentales Loi de comportement

Le détail de ce calcul inverse à partir de la flèche était déjà donné dans la première version des recommandations [1]. Il est complété par une borne supérieure des déformations pour la loi de calcul, correspondant à la capacité maximale en flexion expérimentalement obtenue. La méthode n’est en effet valable que jusqu’au pic de la courbe expérimentale caractéristique (Fk,max) puisqu’il s’agit de la valeur cible de la résolution inverse.

Rappelons brièvement le principe de la démarche. A partir des 6 essais de flexion 4 points on construit point par point la courbe caractéristique Moment/Flèche, selon le même principe qu’en flexion 3 points avec les structures épaisses. On relève alors la valeur du moment au pic: Mk,max.

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On fait l’hypothèse que le comportement en traction peut être approché par une loi bi-linéaire (Fig. 6). Connaissant la résistance de la matrice fctk0.05 et le module d’élasticité Ecm, il reste à calculer σu en partant d’une valeur arbitraire de la déformation correspondante, par exemple εu = -1‰.

ε

σ

εu εe

σu

fctk0.05

Ecmε(Mk,max)

Fig. 6 Loi de comportement d’un

élément mince

Le modèle d’équilibre de la section de hauteur h, fléchie et fissurée sur une fraction α de la hauteur, est représenté sur la figure 7.

On trouve l’inconnue σu en procédant par itération, jusqu’à ce que le maximum de la courbe M(χ,σu) de calcul corresponde à la valeur expérimentale Mk,max.

La pente de la droite du comportement fissuré étant maintenant connue, il ne reste plus qu’à la tronquer à la valeur de la déformation correspondant à Mk,max (Fig. 6).

εc

εe

εt

σc

σt0

h

z

y1

αh

fctk0.05

χ

Fig. 7 Equilibre d’une section mince fléchie fissurée

c) Synthèse

Les nouvelles recommandations identifient trois types de BFUP en fonction de leur comportement en traction directe:

- adoucissant (type I) si le matériau est adoucissant en loi moyenne,

- peu écrouissant (type II) s’il est écrousissant en loi moyenne mais adoucissant en loi caractéristique (c’est le cas le plus couramment rencontré actuellement, avec des BFUP comme le Ductal®, le BSI®...),

- écrouissant (type III) s’il est écrouissant en loi caractéristique (comme certaines formulations de CEMTEC® qui présentent un dosage volumique en fibres métalliques de l’ordre de 11%).

Pour les BFUP de types I, II et III, que l’application visée soit une structure épaisse ou mince, la résistance caractéristique en traction de la matrice fctk0.05 peut s’obtenir en procédant à 6 essais de flexion 4 points sur des éprouvettes non entaillées (cf. §a), ou bien directement par 6 essais de traction directe sur éprouvettes (en forme de diabolo par exemple) non entaillées.

Pour les BFUP de types I et II utilisés en structure épaisse, la loi de comportement en traction dans le domaine fissuré peut s’obtenir en procédant à 6 essais de flexion 3 points sur éprouvettes entaillées (cf. §a).

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Pour les BFUP de types I, II et III utilisés en structure mince, la loi de comportement en traction dans le domaine fissuré peut s’obtenir en procédant à 6 essais de flexion 3 points sur bandes non entaillées (cf. §b).

Enfin pour les BFUP de type III utilisés en structures épaisses, la même démarche que celle adoptée pour les types I et II peut être suivie (cf. §a), mais en sachant qu’elle est pénalisante puisqu’elle n’intègre pas le caractère systématiquement multifissurant d’un tel matériau. Le principe de l’essai localise en effet une et une seule fissure. Dans ce cas il devient pertinent d’envisager des essais en traction directe (dont la stabilité est grandement améliorée par le comportement écrouissant en traction) sans entaille, sur des éprouvettes en forme de diabolo par exemple.

1.5. Module d’élasticité statique

Le module d’élasticité statique (ou module d’Young) des BFUP, est généralement compris entre 50 et 65GPa. Il est noté Ecm (on doit en effet considérer la valeur moyenne du module pour les calculs de structures). Il n’a pas été trouvé à ce jour de formule valable pour l’ensemble des BFUP, permettent de relier la valeur du module et la résistance en compression. Il doit donc être déterminé expérimentalement.

Fig. 8 Dispositif expérimental du LCPC [4] pour la mesure de Ecm et ν

Fig. 9 Déformation en compression du CEMTEC® [4]

A titre d’exemple, on présente sur les figures 8 et 9 des essais réalisés au LCPC [4] sur cylindres Φ11x22 avec le CEMTEC® après traitement thermique. Les résultats sont ici: Ecm = 55GPa, ν = 0.21 et fck = 205MPa (valeur moyenne fcm = 215MPa).

1.6. Coefficient de Poisson

Le coefficient de Poisson est noté ν. Toutes les mesures effectuées à ce jour sur des BFUP, sont voisines de 0.2.

1.7. Coefficient de dilatation thermique

Le coefficient de dilatation thermique (sans notation particulière dans l’EC2 [2]) reste le même que celui des bétons ordinaires: de l’ordre de 10.10-6 à 12.10-6 m/m°C.

1.8. Fluage – Retrait

Le nouveau texte de ce sous-chapitre des recommandations n’est pas figé à la date de rédaction du présent article. Il sera pour le moins enrichi par les résultats expérimentaux de campagnes récentes.

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On rappelle ici simplement quelques notions et ordres de grandeur du retrait mesuré sur certains BFUP.

Le retrait des BFUP est essentiellement de type endogène (contraction volumique résultant de la formation des hydrates de ciment). Son amplitude finale est de l’ordre de 400 à 600µm/m selon les matériaux (500µm/m pour le Ductal®, 550µm/m pour le BSI®), résultat principalement lié à leur teneur élevée en ciment. En cas de mise en oeuvre d’un traitement thermique de second type, la grande majorité de ce retrait est effectuée pendant le traitement. Une telle cinétique est illustrée sur la figure 10 pour le Ductal®. L’avantage réside ici dans le fait que des pièces préfabriquées sorties de l’usine, ne présentent plus de retrait endogène.

Fig.10 Effet du traitement thermique sur le retrait endogène du Ductal® (source Lafarge)

Enfin, même si leur rapport Eau/Liants hydrauliques est faible (en général E/L ≈ 0.2), et même si leur grande compacité limite la migration d’eau libre, les BFUP sont également le siège d’un retrait de dessiccation. Celui-ci est toutefois d’amplitude très modérée (cf. Fig.11) et sa cinétique très rapide (de l’ordre de 1 à 2 semaines).

Millau - Carte d'identité du BSIMesure des retraits endogène et de dessiccation

0

100

200

300

400

500

600

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180

Age [ jours ]

Déf

orm

atio

n [

µµ µµm/m

]

dessiccation

endogène

Fig.11 Retraits endogène et de dessiccation mesurés sur le BSI® (source Eiffage)

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1.9. Résistance aux chocs

Les nouvelles recommandations reconduisent les développements déjà avancés en 2002 [1]. Les BFUP, de par la résistance en traction de leur matrice et par la présence en grande quantité de fibres métalliques, offrent aux structures une très bonne capacité à résister aux chocs.

D’une part la résistance en traction de la matrice, qui est déjà élevée sous sollicitation statique, est encore augmentée par l’effet d’une sollicitation dynamique rapide : on retrouve quasiment les mêmes proportions entre augmentation de la résistance et vitesse de déformation, qu’avec un béton ordinaire, mais avec une valeur initiale bien supérieure (8 à 9MPa pour un BFUP courant, contre 2 à 3MPa pour un béton ordinaire).

D’autre part les fibres apportent au matériau une aptitude à dissiper l’énergie, dans la mesure où leur capacité post-pic en traction reste importante dans une plage significative d’ouverture de fissure. Cette faculté déjà bien connue avec les bétons de fibres ordinaires, est d’autant plus vraie avec les BFUP, qu’une caractéristique minimale imposée par les recommandations AFGC est de vérifier un critère inspiré de la non fragilité en traction par flexion (ce qui se traduit par un dosage volumique minimal en fibres métalliques à respecter) :

2.5

f σ(w).dw

3.0

1 0.05ctk3.0

0

≥⋅ ∫ où w est l’ouverture de fissure en mm

1.10. Etude, fabrication et mise en œuvre des BFUP

Outre les aspects particuliers liés à la formulation, la fabrication, au transport et à la mise en oeuvre des BFUP, ce sous-chapitre traite de façon détaillée de l’ensemble des épreuves qui jalonnent un projet faisant intervenir du BFUP. Il s’agit des épreuves d’études, de convenance et de contrôle.

Les nombreuses applications récentes en BFUP, et tout particulièrement en France dans le domaine des ponts, ont permis d’acquérir une véritable expérience, sur laquelle s’est appuyée la mise à jour du texte pour affiner la définition des épreuves de convenance. On citera notamment le pont de Saint-Pierre la Cour (Mayenne), réalisé en Ductal® en 2005 par Quille (groupe Bouygues), le PS 34 sur l’autoroute A51 réalisé en BCV® en 2005 par Campenon Bernard Régions (groupe Vinci), ou encore le pont Pinel à Rouen en BSI®, réalisé en 2007 par Eiffage TP.

Repérage des prélèvements et de leur face à tester par flexion 3 points:

Fig.12 Elément témoin échelle 1 pour le pont PS34 en BCV®

Tous ces chantiers ont permis de vérifier la pertinence - et la nécessité - de la démarche originale proposée par le texte de l’AFGC, dans son concept d’élément témoin à échelle 1 à réaliser dans le cadre des épreuves de convenance (Fig.12, 13 et 15). Cette étape dans la construction des ouvrages,

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a conduit bien souvent à adapter ou changer les méthodes de bétonnage, ou bien à requalifier les lois de comportement en traction dans certaines zones particulières des structures, par application d’une nouvelle valeur d’un coefficient K d’orientation des fibres.

Les recommandations proposent deux valeurs théoriques du coefficient K à prendre en compte pour un dimensionnement, a priori, des structures: Kglobal = 1.25 et Klocal = 1.75. Le premier concerne les zones dans lesquelles un défaut ponctuel de fibrage n’est pas préjudiciable car le mécanisme étudié fait intervenir une zone relativement étendue, comme la vérification des contraintes normales de flexion générale, les contraintes tangentes dans l’âme d’une poutre, les effets de diffusion générale... Le second concerne les vérifications suffisamment locales pour qu’un tel défaut ponctuel devienne préjudiciable, comme celle de l’équilibre du coin inférieur, celle des effets de surface et d’éclatement dans les zones de diffusion des efforts concentrés...

Fig. 13 Elément témoin de 5m de long, pour le pont Pinel en BSI®

A titre d’exemple on peut citer les résultats obtenus dans le cadre des épreuves de convenance des poutres précontraintes en BSI® du pont Pinel [12]. Compte-tenu de l’épaisseur variable de l’âme, une longueur représentative de 5m a été retenue pour la fabrication de l’élément témoin (Fig. 13 et 14).

Trois zones ont fait l’objet de prélèvements de prismes, par sciage (Fig. 14). A l’issu des essais de convenance les valeurs obtenues furent: Kglobal = 1.33 et Klocal = 1.75.

Fig. 14 Elément témoin pour le pont Pinel - Position des prélèvements

Les poutres précontraintes en Ductal® du pont de Saint-Pierre la Cour [11], ont également fait l’objet d’épreuves similaires. A partir d’un tronçon de poutre de 3m (Fig. 15), réalisé dans les mêmes conditions que l’ensemble des éléments du pont, trois zones de prélèvement ont là encore été retenues (Fig. 16). Les résultats des essais furent: Kglobal = 1.34 et Klocal = 1.81.

Pour ces deux applications relativement proches, mais qui mettent en oeuvre des BFUP différents, dans des usines de préfabrication différentes (usine Hürks Beton de Veldhoven pour le BSI® et usine Composants Pré-Contraints de Brive pour le Ductal®), les résultats sont très semblables et légèrement au dessus des valeurs de référence des recommandations. Dans les deux cas ils ont permis d’affiner les méthodes de mise en oeuvre du béton dans les coffrages.

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Fig. 15 Elément témoin en Ductal® pour le pont de St-Pierre la Cour

Comme le montrent les figures 12, 14 et 16, les positions et orientations des prélèvements sont dictées, dans les différentes zones, par la direction des efforts ou des contraintes de dimensionnement du projet.

Il est tout à fait pertinent d’envisager plusieurs valeurs du coefficient K, selon par exemple que l’on s’intéresse à la partie centrale d’une poutre ou bien à la zone d’about. L’orientation des fibres peut y être différente.

Fig. 16 Elément témoin en Ductal® - Position des prélèvements

C’est d’autant plus le cas si les structures sont complexes. Citons l’exemple des épreuves de convenance du PS34 en BCV® [11], qui furent l’occasion de réaliser des voussoirs d’essais. Des prélèvements ont été effectués dans un tel élément témoin (Fig. 12) réalisé dans les conditions réelles de la production des voussoirs du pont, à l’usine Campenon Bernard de Romanieux. Les différentes zones critiques ont été identifiées: flexion transversale dans le hourdis supérieur (moment négatif maxi à l’aplomb des âmes et moment positif maxi à l’axe du voussoir), effort tranchant dans les âmes et flexion transversale dans le hourdis inférieur. Les résultats des épreuves ont conduit à la validation de la méthode de mise en oeuvre du béton (par injection dans le moule), à l’obtention des coefficients K dans ces différentes zones, mais aussi à l’ajout d’un dispositif de couture du hourdis inférieur en son milieu (par ajout d’armatures passives), c’est-à-dire au point de jonction des deux fronts d’écoulement.

Dans tous les exemples précédents, et dans bien d’autres non détaillés ici, ces épreuves de convenance ont permis de démarrer la phase de préfabrication en ayant préalablement validé les procédures d’exécution: outils et points de bétonnage, hauteur de chute, longueur d’écoulement, fronts d’écoulement, reprises entre bennes, bon écoulement du BFUP autour des câbles de précontrainte ou d’autres inserts…).

Pour ce qui concerne la détermination des coefficients K à partir des prismes sciés dans l’élément témoin, le texte des nouvelles recommandations a été revu et agrémenté de façon à le rendre plus explicite. On rappelle simplement ici qu’ils sont obtenus à partir d’essais de flexion 3 points sur des prismes entaillés, pour les structures épaisses, ou bien sur bandes non entaillées s’il s’agit de structures minces (cf. 1-4).

Page 13: Les nouvelles recommandations AFGC sur les BFUP CHAPITRE I

UHPFRC 2009 – November 17 th & 18th – Marseille, France

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2. Références bibliographiques [1] AFGC-SETRA – « Bétons fibrés à ultra-hautes performances – Recommandations

provisoires », Janvier 2002.

[2] EUROCODE 2 Partie 1-1 – « Calcul des structures en béton – Règles générales et règles pour le bâtiment », NF EN 1992-1-1 Octobre 2005 + Annexe Nationale NF EN 1992-1-1/NA Mars 2007.

[3] J. YUNGWIRTH – « Zum tragverhalten von zugbeanspruchten bauteilen aus Ultra-Hochleistungs-Faserbeton », Thèse n°3429 (2006), Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne.

[4] P. ROSSI, E. PARRANT, O. LAURENCE, P. FAKRI, A. ARCA - « Mechanical behavior of a new cementitious composite with stress-hardening », Bulletin des laboratoires des Ponts et Chaussées n°238 – Mai-Juin 2002.

[5] FIB - « Structural concrete. Textbook on behaviour, design and performance, updated knowledge of the CEB/FIP Model Code 1990 », FIB, volume 1, p.31-34, Juillet 1999.

[6] G. CHANVILLARD, S. RIGAUD – « Complete characterisation of tensile properties of Ductal® UHPFRC according to the French recommendations », HPRFCC – 4 symposium, Ann Arbor, Michigan, Juin 2003.

[7] AFREM - « Les bétons de fibres métalliques – Méthodes de dimensionnement, essais de caractérisation, de convenance et de contrôle – Eléments de structure fonctionnant comme des poutres », AFREM, 1995.

[8] G. CHANVILLARD - « Caractérisation des performances d’un béton renforcé de fibres à partir d’un essai de flexion. Partie 2 : identification d’une loi de comportement intrinsèque en traction », RILEM, Matériaux et Constructions, vol. 32, p.601-605, Octobre 1999.

[9] P. CASANOVA – « Bétons renforcés de fibres métalliques – Du matériau à la structure », LCPC série ouvrages d’art – OA20, 1996.

[10] Y. BOUAFIA, B. FOURE, M. S. KACHI – « Relation effort-ouverture des fissures dans le cas du béton armé de fibres d’acier », Annales du bâtiment et des travaux publics, Avril 1998.

[11] J. RESPLENDINO, S. BOUTEILLE - « Construction de deux ponts routiers en béton fibré ultra-performant (BFUP) », SETRA, Bulletin Ouvrages d’Art n°53, Novembre 2006.

[12] S. CHANUT, N. FABRY, G. LECLERC, P. MARCHAND, D. MARCHESSE, D. de MATTEIS, A. PETEL, T. THIBAUX – « Un cinquième pont routier français en BFUP – Le triplement du pont Pinel à Rouen », SETRA, Bulletin Ouvrages d’Art n°56, Novembre 2007.