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16 lES PllGS, DIX ANS APRES (1/5) Le textile portugais s'offre une nouvelle Jeunesse Les nouveaux producteurs asiatiques avaient mis a mal cette industrie, comme partout ailleurs en Europe. La crise financiere de 2007-2008 lui avait donne le coup de grace. Dix ans plus tard, le secteur renait. 11 est meme l'un des piliers du dynamisme retrouve de l'economie RAM ETWAREEA, AU PORTUGAL '# @rametwareea n train leger relie Porto, ville portuaire sur la cote nord-est du Portugal, a Guimaraes, cite medievale au nord du pays, toutes les heures. Il traverse une quinzaine de com- munes. Situees au camr du Val d'Ave, Rio Tinto, Vilarinho, Santo Tirso, Vila do Condo ou Monte de Carvalho incarnent la renaissance de l'industrie du textile et de la confection au Portugal. 10% des exportations en 2017,juste derriere les machines-outils, equipements elec- triques et electroniques (15%) et les pieces detachees, notamment pour l'industrie automobile (12%). Le textile est ainsi redevenu l'un des piliers du dynamisme economique retrouve du Portugal, apres la crise qui avait frappe le pays des 2007 et l'avait plonge dans une longue recession, de2008 a 2014. Lisbonne avait alors du recourir a un programme d'aide de l'Union euro- peenne et du Fonds monetaire internatio- nal pour sortir de l'orniere. Concurrence chinoise Le Val d'Ave revient de loin, lui aussi. Des dizaines d'usines abandonnees, ron- gees par la rouille et envahies par la vege- tation qui deft.lent le long de la route, sur les flancs de colline eten bas dans la vallee. A Santo Tirso, Arco Texteis, une des pres- tigieuses fabriques de prets-a-porter au Portugal, avait ferme en 2015. A cote de la gare ferroviaire, l'enorme site est totale- ment laisse a l'abandon, dans l'indiffe- rence generale. «De tristes souvenirs d'une belle epoque, lorsque le Portugal etait un grand expor- tateur de textile, deplore Luis Guimaraes, patron de Polopique, une entreprise res- capee de la crise, sise a Vilarinho. Il est trop facile de pointer du doigt la mondia- lisation et la concurrence chinoise, indienne ou vietnamienne pour expliquer le declin des annees 1990-2000.» Le coup de grace est arrive avec la crise econo- mique et financiere de 2007-2008. Produire pour Zara «La filiere n'etait pas preparee a faire face a une crise, poursuit Luis Guimaraes. Elle avait vecu de beauxjours et fait la fortune de nombreuses families. Mais ces der- nieres n'avaient pas reinvesti dans la modernisation des outils de production.» Elles n'avaient pas non plus prepare la releve. La deuxieme ou troisieme genera- tion avait herite des entreprises familiales, mais avait vite dechante. En 2008, lorsque la crise a demarre, plusieurs centaines de fabriques qui etaient dejafragiles ont mis la cle sous le paillasson. Dans la foulee, elles ontjete des milliers d'ouvriers a la rue. «Decouragees, les autorites d'alors nous disaient que le Val d'Ave devait trou- ver un autre destin», se souvient le patron de Polopique. Il faut dire que le Portugal avait beneficie de l'Accord multifibres selon lequel les nouveaux producteurs d'Asie devaient volontairement limiter leurs exportations vers l'Europe et les Etats-Unis. Signe en 1994, il est arrive a echeance en 2005, et en 2008 pour la Chine. Polopique a non seulement survecu a la crise, mais grace a une strategie clair- voyante et a l'innovation, elle incarne fie- rement la renaissance de cette industrie qui retablit graduellement la reputation du Portugal comme un fournisseur de renommee mondiale. L'entreprise fondee '!¥HM4' LUNDI 23 JUILLET 2018 do Comercio, a Lisbonne. (CARLOS COSTAINURPHOTO) par Luis Guimaraes et sa femme Filipa en 1996 occupe aujourd'hui plusieurs unites (tissage, filage, couture, emballage etlogis- tique). Sur une surface de 70000 metres carres, les 1070 collaborateurs produisent 35 millions de metres de tissus et 20 mil- lions de pieces d'habits. 90% de la produc- tion est realisee exclusivement pour la marque espagnole Zara, qui compte des magasins dans 47 pays. Au depart, Polo- pique est nee dans un minuscule local avec 20 employes. «Un contrat a long terme avec une marque de confiance et en pleine expan- sion a ete probablement notre principale force, explique Luis Guimaraes, homme confiant et affable, rencontre dans son bureau a Vilarinho. Nous avons en effet grandi avec Zara.» Supermarche contre ep1cerie de quartier Cet entrepreneur n'est pas arrive dans le secteur par hasard. «J'ai grandi dans une famille qui etait deja dans la filiere depuis longtemps.» Predestine a reprendre l'en- treprise familiale, il s'est inscrit dans une haute ecole de gestion a Landres. Plus presse de mettre la main a la pate que d'em- pocher un diplome, lejeune homme est rentre au pays sans terminer ses etudes. Il n'etait toutefois pas sur la meme lon- gueur d'onde en matiere de gestion et de strategie que sa famille. Des lors, il a cree «Je sais manier des ciseaux pour couper le tissu et /'aiguille pour coudre», dit-il avec fierte sa propre entreprise en partenariat avec son epouse, dont les parents etaient aussi engages dans le textile. En 1996, le train de la globalisation est bien en marche. De nouveaux concur- rents, notamment d'Asie, alimentent le marche mondial de textile. «Je me suis dit qu'elle etait un supermarche geant et Polo- pique l'epicerie du quartier, raconte Luis Guimaraes. J'etais convaincu que les detaillants europeens prefereraient s'ap- provisionner au Portugal qui est a deux heures de toutes grandes villes du conti- nent. Des clients peuvent venir le matin, negocier les achats dans lajournee et ren- trer au pays a la fin de la memejournee.» Lefastfashion, ce nouveau phenomene selon lequel la mode vestimentaire est ephemere, n'est pas commode pour les fabriques en Asie qui travaillent sur de grandes commandes et a long terme. «En revanche, nous sommes capables de satis- faire les exigences des clients en l'espace de quelques semaines», vante le patron de Polopique. 585 euros par mois Son succes, Luis Guimaraes le doit aussi aux lec;ons tirees du declin du secteur des les annees 1990. «Investir dans la techno- logie constitue une priorite absolue.» De son bureau tout en bois et en verre, qui jadis etait une ferme, il aperc;oitl'ensemble de son site. «Lorsque nous avions achete le batiment en face - il est peint tout en blanc et a l'air flambant neuf - c'etait comme s'il sortait de la guerre de Bosnie, plaisante-t-il. Si l'ancienne generation

lES PllGS, DIX ANS APRES (1/5) Le textile portugais s ... · les machines-outils, equipements elec ... Son succes, Luis Guimaraes le doit aussi aux lec;ons tirees du declin du secteur

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Page 1: lES PllGS, DIX ANS APRES (1/5) Le textile portugais s ... · les machines-outils, equipements elec ... Son succes, Luis Guimaraes le doit aussi aux lec;ons tirees du declin du secteur

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lES PllGS, DIX ANS APRES (1/5)

Le textile portugais s'offre

une nouvelle • Jeunesse

Les nouveaux producteurs asiatiques avaient mis a mal cette industrie,

comme partout ailleurs en Europe. La crise financiere de 2007-2008 lui

avait donne le coup de grace. Dix ans plus tard, le secteur renait. 11 est meme l'un des piliers du dynamisme retrouve

de l'economie RAM ETWAREEA, AU PORTUGAL '# @rametwareea

n train leger relie Porto, ville portuaire sur la cote nord-est du Portugal, a Guimaraes, cite medievale au nord du pays, toutes les heures. Il traverse une quinzaine de com­munes. Situees au camr du Val d'Ave, Rio Tinto, Vilarinho, Santo Tirso, Vila do Condo ou Monte de Carvalho incarnent la renaissance de l'industrie du

textile et de la confection au Portugal. 10% des exportations en 2017,juste derriere les machines-outils, equipements elec­triques et electroniques (15%) et les pieces detachees, notamment pour l'industrie automobile (12%).

Le textile est ainsi redevenu l'un des piliers du dynamisme economique retrouve du Portugal, apres la crise qui avait frappe le pays des 2007 et l'avait plonge dans une longue recession, de2008 a 2014. Lisbonne avait alors du recourir a un programme d'aide de l'Union euro­peenne et du Fonds monetaire internatio­nal pour sortir de l'orniere.

Concurrence chinoise Le Val d'Ave revient de loin, lui aussi. Des

dizaines d'usines abandonnees, ron­gees par la rouille et envahies par la vege­tation qui deft.lent le long de la route, sur les flancs de colline eten bas dans la vallee. A Santo Tirso, Arco Texteis, une des pres­tigieuses fabriques de prets-a-porter au Portugal, avait ferme en 2015. A cote de la gare ferroviaire, l'enorme site est totale­ment laisse a l'abandon, dans l'indiffe­rence generale.

«De tristes souvenirs d'une belle epoque, lorsque le Portugal etait un grand expor­tateur de textile, deplore Luis Guimaraes,

patron de Polopique, une entreprise res­capee de la crise, sise a Vilarinho. Il est trop facile de pointer du doigt la mondia­lisation et la concurrence chinoise, indienne ou vietnamienne pour expliquer le declin des annees 1990-2000.» Le coup de grace est arrive avec la crise econo­mique et financiere de 2007-2008.

Produire pour Zara «La filiere n'etait pas preparee a faire face

a une crise, poursuit Luis Guimaraes. Elle avait vecu de beauxjours et fait la fortune de nombreuses families. Mais ces der­nieres n'avaient pas reinvesti dans la modernisation des outils de production.» Elles n'avaient pas non plus prepare la releve. La deuxieme ou troisieme genera­tion avait herite des entreprises familiales, mais avait vite dechante. En 2008, lorsque la crise a demarre, plusieurs centaines de fabriques qui etaient dejafragiles ont mis la cle sous le paillasson. Dans la foulee, elles ontjete des milliers d'ouvriers a la rue. «Decouragees, les autorites d'alors nous disaient que le Val d'Ave devait trou­ver un autre destin», se souvient le patron de Polopique.

Il faut dire que le Portugal avait beneficie de l'Accord multifibres selon lequel les nouveaux producteurs d'Asie devaient volontairement limiter leurs exportations vers l'Europe et les Etats-Unis. Signe en 1994, il est arrive a echeance en 2005, et en 2008 pour la Chine.

Polopique a non seulement survecu a la crise, mais grace a une strategie clair­voyante et a l'innovation, elle incarne fie­rement la renaissance de cette industrie qui retablit graduellement la reputation du Portugal comme un fournisseur de renommee mondiale. L'entreprise fondee

'!¥HM4' LUNDI 23 JUILLET 2018

Pra~a do Comercio, a Lisbonne. (CARLOS COSTAINURPHOTO)

par Luis Guimaraes et sa femme Fili pa en 1996 occupe aujourd'hui plusieurs unites (tissage, filage, couture, emballage etlogis­tique). Sur une surface de 70000 metres carres, les 1070 collaborateurs produisent 35 millions de metres de tissus et 20 mil­lions de pieces d'habits. 90% de la produc­tion est realisee exclusivement pour la marque espagnole Zara, qui compte des magasins dans 47 pays. Au depart, Polo­pique est nee dans un minuscule local avec 20 employes.

«Un contrat a long terme avec une marque de confiance et en pleine expan­sion a ete probablement notre principale force, explique Luis Guimaraes, homme confiant et affable, rencontre dans son bureau a Vilarinho. Nous avons en effet grandi avec Zara.»

Supermarche contre ep1cerie de quartier

Cet entrepreneur n'est pas arrive dans le secteur par hasard. «J'ai grandi dans une famille qui etait deja dans la filiere depuis longtemps.» Predestine a reprendre l'en­treprise familiale, il s'est inscrit dans une haute ecole de gestion a Landres. Plus presse de mettre la main a la pate que d'em­pocher un diplome, lejeune homme est rentre au pays sans terminer ses etudes. Il n'etait toutefois pas sur la meme lon­gueur d'onde en matiere de gestion et de strategie que sa famille. Des lors, il a cree

«Je sais manier des ciseaux pour couper le tissu et /'aiguille pour coudre», dit-il avec fierte

sa propre entreprise en partenariat avec son epouse, dont les parents etaient aussi engages dans le textile.

En 1996, le train de la globalisation est bien en marche. De nouveaux concur­rents, notamment d'Asie, alimentent le marche mondial de textile. «Je me suis dit qu'elle etait un supermarche geant et Polo­pique l'epicerie du quartier, raconte Luis Guimaraes. J'etais convaincu que les detaillants europeens prefereraient s'ap­provisionner au Portugal qui est a deux heures de toutes grandes villes du conti­nent. Des clients peuvent venir le matin, negocier les achats dans lajournee et ren­trer au pays a la fin de la memejournee.»

Lefastfashion, ce nouveau phenomene selon lequel la mode vestimentaire est ephemere, n'est pas commode pour les

fabriques en Asie qui travaillent sur de grandes commandes et a long terme. «En revanche, nous sommes capables de satis­faire les exigences des clients en l'espace de quelques semaines», vante le patron de Polopique.

585 euros par mois Son succes, Luis Guimaraes le doit aussi

aux lec;ons tirees du declin du secteur des les annees 1990. «Investir dans la techno­logie constitue une priorite absolue.» De son bureau tout en bois et en verre, qui jadis etait une ferme, il aperc;oitl'ensemble de son site. «Lorsque nous avions achete le batiment en face - il est peint tout en blanc et a l'air flambant neuf - c'etait comme s'il sortait de la guerre de Bosnie, plaisante-t-il. Si l'ancienne generation

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avait modernise les equipements, le Por­tugal aurait mieux resiste a la crise.»

Luis Guimaraes se veut un patron social. Il regrette d'emblee que le salaire mini­mum au Portugal ne so it que de 585 euros par mois. «Je ne peux pas comprendre ceux qui ont fixe cette limite et comment des families peuvent survivre avec une telle somme. Pour ma part,je paie 30% de plus. C'est de la solidarite, mais c'est aussi le prix a payer pour leur fidelite.» Polo­pique tourne nuit etjour, septjours sur sept. Les ouvriers travaillent a tour de role, six heures par jour.

La commune de Carvalho est situee a une dizaine de minutes de Vilarinho, tou­jours dans le Val d'Ave. C'est ici que Calve­lex est installee depuis 1985, qui est, s'il en faut, un autre exemple de la renais­sance de l'industrie du textile portugaise. Son patron, Cesar Araujo, 50 ans, person­nage gai et enthousiaste, se prenomme le «Tailleur des temps modernes». «Je sais manier des ciseaux pour couper le tissu et l'aiguille pour coudre, se pavane-t-il dans sa salle d'exposition remplie des modeles d'habits visiblement destines a de grandes marques.Jene devoilerai pas les noms de mes clients.»

Calvelex produit un million de chemises, pantalons,jupes, blouses, pulls et vestes par annee, qui sont vendues en Europe et aux Etats-Unis. La fabrique fournit egale­ment des uniformes pour les employes de

nombreuses entreprises, notamment des compagnies d'aviation et d'h6tels. «C'est une niche qui rapporte gros», chu­chote-t-il.

«Le Portugal ne peut pas habiller Le monde entier»

Cesar Araujo assume egalement les fonc­tions de president de l'Associac;ao nacional das industrias de vestuario e confecc;ao (Anivec), qui regroupe 7000 entreprises et 100000 employes et qui ont expo rte l'an dernier pour 3,3 milliards d'euros de mar­chandises. «Nous ne blamons pas la mon­dialisation ou la Chine d'avoir inonde le marche, affirme-t-il. Le probleme, c'est qu'elle impose des droits de douane de 35 a 40% sur nos produits, alors que nous taxons les leurs a seulement 12%.»

Par ailleurs, le president de l'Anivec rela­tivise la crise des annees 1990. «Le Portugal, 10 millions d'habitants, ne peut pretendre avoir la capacite d'habillertoute la planete», poursuit-il. Il prefere parler de !'evolution du secteur que de sa renaissance. «Desor­mais, nous nous developpons comme unefashion country qui non seulement est capable de repondre rapidement a la mode, mais egalement d'en creer et de donner le ton, se felicite-t-il. La mode est devenue le camr de notre activite.» Le pays peut en effet se targuer d'avoir cree de nombreuses ecoles de mode et de design, mais aussi en technologies du textile.

Installe a Lisbonne depuis dix-sept ans, le Lucernois Gregor Zemp, secretaire de la Chambre de commerce, d'industrie et de services Suisse-Portugal, est bien place pour en parler. «C'est uneentreprise locale qui a conc;u le maillot de bain du medaille olympique americain Michael Phelps, a partir d'une fibre speciale, s'enthou­siasme-t-il. Une autre entreprise fabrique des textiles speciaux qui resistent a la chaleur pour les pompiers. »

Strellson ou Isa, made in Portugal Homme de contact pour les investis­

seurs ouimportateurs helvetiques, Gregor Zemp est un temoin privilegie de l'esprit d'initiative qui prevaut dans le pays. Selan lui, de plus en plus de detaillants suisses de l'habillement s'approvisionnent au Portugal. Al'instar d'une start-up baloise qui a cree un porte-bebe de luxe, elegant et qui les fait fabriquer dans une entre­prise de precision.

Une autre entreprise suisse a repense la robe de mariee, qui coute cher et qui n'est portee qu'une seule fois. Avec son partenaire, elle produit un modele transformable en robe chic. Quelques grandes marques helvetiques, comme Strellson ou Isa ont leur propre usine surplace. •

Demain: la mode italienne a fini par tenir le choc de la crise

Les sacrifices ont porte leurs fruits

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Le Douro qui traverse La ville avant de sejeter dans L'Atlantique, ses pants imposants et son quartier medieval au bard du fleuve; Le centre-ville historique, ses mu sees et ses rues pavees; ses eglises aux decorations baroques somptueuses, ses rues marchandes et ses cafes, ses plages, sa gastronomie et son celebre vin.

Tout yest pour faire de Porto L'une des grand es destinations europeennes en cette periode estivale. «Nous vivons Les meilleures ann ees du tourisme, se felicite Bruno Coutinho, economiste et directeur d'un hotel. Les chambres sont toutes reservees JUsqu'a cet automne. En fait, nous n'arrivons plus a satisfaire La demande croissante de Logements.» Resultat, des centaines d'appartements sont transformees pour accueillir des visiteurs. Autant dire que Le tourisme constitue aujourd'hui, avec L'immobilier et Le textile, L'un des moteurs qui tirent Le Portugal de La crise dans Laquelle il etait plong e depuis 2007-2008.

L'immobilier flam be Bruno Miranda s'en souvient. IL travaillait deja dans Le tourisme en 2008. «L'Europe etait en recession et Les touristes se faisaient rares, raconte-t-il. J'avais perdu mon emploi suite a une restructura­tion.» Grace a ses connaissances, il s'etait a lo rs fait engager dans La construction. Une parenthese qui avait du re deux ans.

«Le dynamisme retrouve ne concerne pas seulement Le tourisme, ma is L'ensemble des activites, fait-il remarquer. Les Portugais gagnent plus d'argent, d epensent plus, s'achetent des Logements, ch an gent de voiture et investissent Leu rs economies dans di­verses activites.» Resultat, L'immobilierflambe a Porto, mais aussi a Lisbonne et dans Les autres grand es villes. «Ma prop re maison achetee en 2015 vaut aujourd'hui Le double, avance Bruno. Si L'Etat ne maTtrise pas Le boom de L'immobilier, il explosera.»

Les emigrants reviennent Economiste de formation et enseignante dans une ecole secon­daire a Lisbonne, Lucia-Maria s'apprete a partir en vacances deux semaines chez des parents en Suisse. La Jeune femme s'offre ce cadeau pour La premierefois depuis cinq ans. Lorsque La crise a frappe, Les fonctionnaires ont ete appeles a faire de grands sacri­fices: reduction de salaires et hausse d'imp6ts. «La roue a tourne et nous pouvons depenser un peu plus», affirme L'enseignante.

Pour Lucia-Maria, La question d'emigrer ne s'estJamais posee. «En revanche, de nombreux a mis qui etaient desesperes sont partis», dit-elle. La situation est maintenant differente. Le ch6mage a force desjeunes a poursuivre des etudes et acquerir de nouvelles connaissances. A present, ces derniers trouvent du travail plut6t bien remunere au pays. «En realite, nous constatons que des cen­taines de nos compatriotes, attires par de nouvelles perspectives au pays, reviennent», se felicite Lucia-Maria.

Ace propos, La Jeune femme fait remarquer que de nombreuses multinationales se sont installees dans Le pays ces demi eres an­nees. «Elles sont attirees notamment par des salaires plus compe­titifs par rapport a d'autres villes europeennes, mais surtout par Le reservoir de Jeunes talents.JP Morgan ou Deloitte savent qu'elles peuvent recruter dix personnes qualifiees a Lisbonne ou a Porto pour Le prix d'une a Landres OU a Berlin», explique-t-elle.

L'aide de Bruxelles et du FMI Que de chem in parcouru par Le Portugal, qui est sorti de La crise par La grande porte. IL ya dix ans, Le pays se trouvait au bard du gouffre. Pour acceder aux march es financiers, il devait payer un taux d'inte­ret d'environ 4% pour des emprunts a 10 ans. Ce taux n'a pas cesse de grimper au fil des mois pour atteindre un sommet de 17%, a La fin de 2011. En mai de La meme an nee, Lisbonne avait negocie un pret de 78 milliards d'euros de L'Union europeenne et du Fonds monetaire international (FM I) en contrepartie des reform es: reduc­tion du nombre de fonctionnaires, baisse de salaires et pensions, hausses d'imp6ts, privatisations ...

Le sacrifice a porte ses fruits. Le Portugal etait entre en recession en 2008 et en est sorti en 2015, enregistrant un taux de croissance de 1,8% du produit interieur brut (PIB) en 2015. Cette an nee, il devrait atteindre 2,2%. Le taux de ch6mage, qui avait atteint son sommet en 2013-2014 a 15,3%, do it baisser a 8,3% en 2018.

Le poids de La dette Un point noir, toutefois: La dette publique a gonfle de 97,8% du PIB en 2008-2012 a 130,1en2016. La decrue a commence en 2017, ma is L'a n prochain, il sera encore a 121,1 %. So it Le double de La Li mite prescrite dans Le Pacte de stabilite de La zone eum L'endet­tement prive est en forte hausse et pres de 3 millions de Portugais sont dependants de L'a ide sociale.

Jose Salgado, directeur de La Millennium Banque privee a Gen eve etfiliale du groupe Millennium Banco Comercial Portugues, troi­sieme institution financiere du pays, estime que L'Etat doit pour­suivre Les investissements dans L'ed ucation, La sante et L' immobilier, non seulement dans Les grand es villes, mais aussi dans L'ensemble du pays. «L'Etat do it aussi reformer et insuffler de La concurrence dans certains secteurs, explique-t-il. Notamment dans L'energie dont Le coot au Portugal est Le plus eleve d'Europe.»

Mais par-dessus tout, selon Le banquier, L'economie portugaise, tout en maintenant sa traJectoire, doit se preparer a faire face a La fin du cycle actuel de croissance. «Heureusement, declare Jose Salgado, ho rm is Les partis populistes, il ya un consensus au sein de L'economie et de La politique autour d'une vision claire qui entend maintenir Le cap des reform es.» •