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LES POUVOIRS DE L'ESPRIT

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LES POUVOIRSDE L’ESPRIT

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Michel Le Van Quyen

LES POUVOIRSDE L’ESPRIT

Transformer son cerveau,c’est possible !

Flammarion

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© Flammarion, 2015ISBN : 978-2-0813-3730-5

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Pour Ellinor, Raphael et Gabriel

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REMERCIEMENTS

Ce travail s’inspire directement des idées accumuléesau contact des membres du LENA, mon premier labora-toire à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, avec notammentFrancisco Varela, Jacques Martinerie, Jean-PhilippeLachaux, Eugenio Rodriguez, Antoine Lutz, ClairePetitmengin, Andreas Weber, le regretté AlexandreBoidron, la regrettée Line Garnero. Je tiens à remercierJuliane Bagdasaryan, Mario Valderrama, LionelNaccache, Isabelle Célestin-Lhopiteau, Claus Abel,Catherine Bernard, Fabrice Midal, Stéphane Charpierauprès de qui j’ai trouvé l’enthousiasme, la sensibilitéet la culture indispensables à la maturation de ce projet.Un grand merci aussi à mon éditeur, ChristianCounillon, pour sa lecture attentive et ses précieuxcommentaires, et qui le premier m’a encouragé à écrirece livre.

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PRÉFACE

Le livre que vous tenez entre vos mains est bien plusqu’un ouvrage de vulgarisation scientifique. Certes,Michel Le Van Quyen y explique les effets de l’auto-suggestion, de l’hypnose, du neurofeedback et de laméditation sur la structure et le fonctionnement ducerveau. Et, fort de son expertise scientifique, il nousmontre comment ces différentes approches « corps-esprit » exercent un réel impact à la fois sur la préserva-tion de la bonne santé du corps et sur la guérison decertaines maladies. Mais cet ouvrage est, avant tout, untémoignage et l’invitation à nous poser une questionde toute première importance.

Ce témoignage est celui d’un homme plongé aucœur de l’une des grandes révolutions de la recherchescientifique contemporaine : la révolution des neuro-sciences. L’exploration du cerveau humain est désor-mais rendue possible par des moyens technologiquessans précédent. Cependant, ces derniers n’expliquentpas, à eux seuls, les formidables avancées effectuéesdans le domaine au cours des trente dernières années.

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Il faut saluer la profonde remise en question de certainschercheurs qui auparavant travaillaient de manièreisolée, chacun dans leur discipline, et aujourd’huiunissent leurs efforts dans une approche transdiscipli-naire et intégrative qui permet de mieux embrasser lacomplexité de ce qui est étudié.

Michel Le Van Quyen est l’exemple même de cegenre de chercheurs transdisciplinaires. Son parcoursatypique – ingénieur passionné par les mathématiques,il est devenu docteur en neurosciences, formé par leregretté neurobiologiste Francisco Varela – l’a conduità intégrer l’Institut du cerveau et de la moelle épinièrede l’Inserm, à Paris. C’est là que, entouré de médecins,de psychologues, de physiciens et de mathématiciens, ilétudie la possibilité de modéliser et de prédire l’activitécérébrale, en particulier dans les cas d’épilepsie. Sesrecherches sur le neurofeedback – un dispositif permet-tant de suivre en temps réel les effets de la consciencesur l’activité du cerveau – l’ont conduit tout naturelle-ment à se poser la question que l’on retrouve, en fili-grane, tout au long de ce livre.

Cette question pourrait être formulée de la manièresuivante : ce que nous appelons communément« l’esprit » est-il une entité séparée et indépendante ducorps, agissant sur celui-ci par l’intermédiaire d’unorgane récepteur appelé « cerveau » ; ou bien est-il, aucontraire, totalement lié au corps, produit par le cer-veau à partir des expériences faites à travers le corps etcapable, en retour, d’influencer le cerveau et le corpsdans son ensemble ?

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PRÉFACE

Pendant des millénaires, les hommes et les femmesont vécu avec l’idée d’être un esprit incarné dans uncorps. Cela leur a permis de croire en l’existence d’unevie de la conscience qui se poursuit dans l’éternité aprèsla mort du corps. Le fonctionnement du cerveau n’étaitalors pas connu ; nos lointains ancêtres imaginaientque le siège corporel de l’esprit – aussi appelé siège del’âme – se situait dans la tête ou dans le cœur – les deuxendroits où ils pouvaient éprouver le plus facilementles effets de leurs pensées et de leurs sentiments.

Toutefois, ces êtres humains d’un autre âge avaientconstaté que la santé du corps dépendait étroitementde celle de l’esprit. C’est ainsi que, depuis la nuit destemps, les chamans, les sorciers et autres guérisseursont tenté d’agir sur l’esprit pour soigner le corps. À leursuite, de grandes civilisations comme celles de l’Indevédique, de la Chine ancienne et de la Grèce antiqueont inventé des médecines extrêmement sophistiquées,dont les principes reposaient sur le constat d’uneétroite connexion entre les pensées, les émotions et lefonctionnement corporel. Fortes de leur empirisme etde leur pragmatisme, ces médecines n’ont jamais remisen question la croyance en une vie indépendante del’esprit pouvant se prolonger au-delà de la mort ducorps.

Au XVIIe siècle, confronté aux nouvelles connaissancesde l’anatomie et de la physiologie, René Descartes a pro-posé d’établir une distinction entre l’intelligence, qu’ilconsidérait produite par le cerveau, et l’esprit propre-ment dit, qu’il assimilait à la conscience – la « chose

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pensante », une substance immatérielle et indépen-dante du corps que Descartes imaginait capabled’interagir avec le cerveau par l’intermédiaire de laglande pinéale, sans expliquer néanmoins commentcette interaction pouvait se produire. Dès le départ,le dualisme cartésien a été contesté par de nombreuxphilosophes parmi lesquels Baruch Spinoza, pour quil’esprit était « l’idée du corps ». Cela n’a pas empêchéla philosophie de Descartes d’exercer une influenceimportante dans le développement des sciences médi-cales. Sans doute parce que cette philosophie dualisteoffrait l’avantage de considérer le corps comme unemachine qui pouvait être soumise au réductionnismeanalytique de la méthode scientifique, sans devoirs’encombrer des questions subjectives qui ont été aban-données aux spéculations des philosophes, des méta-physiciens et des théologiens.

À la fin du XIXe siècle, Sigmund Freud a tenté desoumettre l’étude de l’esprit – qu’il préférait appeler« psyché » – aux règles de la science analytique. Mal-heureusement, sa psychanalyse reposait sur des élé-ments trop subjectifs pour parvenir à véritablement sedifférencier des théories philosophiques. Quelquesannées plus tard, des psychanalystes et médecins dontGeorg Groddeck ont essayé d’objectiver les manifesta-tions de la psyché en étudiant les symptômes du corps.Cela les a amenés à proposer la psychosomatique. Mais,cette fois encore, leurs observations se sont révéléestrop subjectives pour convaincre les scientifiques,habitués à fonder leurs raisonnements sur des preuvesmatérielles objectives. Pendant longtemps, la simple

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PRÉFACE

hypothèse d’une influence de l’esprit sur la santé ducorps a ainsi été contestée et souvent réfutée par lesscientifiques. Et, de façon tout à fait paradoxale, lascience matérialiste a préféré ignorer certaines observa-tions qui obligeaient à incriminer le psychisme dans lagenèse et dans la guérison de certaines maladies, plutôtque de remettre en question le dogme dualiste deRené Descartes.

Il a fallu attendre les années 1930 pour que les tra-vaux de Walter Cannon sur l’homéostasie et ceux deHans Selye sur le stress fournissent les preuves irréfu-tables de l’influence des pensées et des émotions sur lefonctionnement corporel. Puis, à la fin des années1970, Robert Ader, Nicholas Cohen et David Feltenont créé la psycho-neuro-endocrino-immunologie afind’étudier les liens entre le psychisme, le fonctionne-ment du système nerveux, la sécrétion des hormonespar les glandes endocrines et les modifications desdéfenses immunitaires. Ainsi, à mesure que les moyensd’investigation se sont développés, le caractère multidi-mensionnel, unitaire et indivisible de l’être humains’est imposé dans les représentations scientifiques. Oncommence à bien comprendre comment les expé-riences physiques faites à travers le corps engendrentau niveau du cerveau des sensations et des émotionsqui deviennent des représentations mentales, des mots,des sentiments et des pensées ; et comment, en retour,les pensées et les sentiments entraînent des émotionsqui se traduisent par des sensations physiques, enmême temps qu’elles influencent le fonctionnement ducorps. Les récentes découvertes de la biologie cellulaire

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et de la génétique montrent que cette influence se pro-duit jusque dans le noyau des cellules, au niveau del’expression des gènes situés sur les chromosomes.

Michel Le Van Quyen va plus loin en nous expli-quant que, en plus d’exercer une influence sur le corpsconsidéré dans son ensemble, les sensations, les émo-tions et les pensées générées par le cerveau modifientla structure et le fonctionnement cérébral lui-même.Faisant appel aux plus récentes hypothèses émises pardes chercheurs comme Roger Sperry ou Douglas Hof-stadter, il nous montre que nous avons un véritablepouvoir d’autofaçonnement biologique, dont FranciscoVarela avait eu l’intuition dès les années 1970. Nouscomprenons alors que cette capacité « autopoïétique »explique à la fois les changements cérébraux et les effetsbénéfiques sur la santé du corps, observés lors de lapratique des approches « corps-esprit » que sont l’auto-suggestion, l’hypnose, le biofeedback et la méditation.Nous comprenons aussi que nous ne devrions plus dire« j’ai un corps », comme la pensée dualiste de Descartesnous a appris à le croire, mais bien « je suis un corps ;je suis un corps qui perçoit, qui éprouve et qui pense ;je suis un corps qui évolue en permanence parce qu’ilperçoit, parce qu’il éprouve et parce qu’il pense ». Leschercheurs en neurosciences décrivent cela en parlantd’une boucle de « causalités ascendantes » et de « causa-lités descendantes ».

Ce livre dont vous allez entreprendre la lecture ouvredes perspectives pleines d’espoir. Loin de nier l’exis-tence de l’esprit, il lui donne un corps et il nous laisseentrevoir une réalité qui va, je crois, nous obliger à

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PRÉFACE

modifier notre vocabulaire pour mieux en appréhenderl’immensité et la complexité. Freud et Groddeckavaient sans doute raison de parler de « psyché » pourdécrire ce que les neuroscientifiques francophonesappellent aujourd’hui « l’esprit ». Déjà, dans le mondeanglo-saxon, un pas a été fait en parlant du mind etnon pas du spirit. Malheureusement, en français, noustraduisons mind par « esprit ». En réalité, le mind estl’ensemble des capacités cognitives, intellectuelles etpsychiques, liées à l’activité cérébrale. Nous pourrionsdonc l’appeler « la psyché » ou, peut-être, « le mental ».En anglais, il existe une distinction claire entre le mind(la psyché, le mental) et le spirit (l’esprit). On ne parlejamais de body-spirit medicine (une médecine corps-esprit) mais de body-mind medicine (une médecinecorps-mental ou corps-psyché). Ainsi, pour les Anglo-Saxons, l’être humain apparaît composé d’un corpsmatériel (body), d’émotions (soul : ce qui nous met enmouvement, l’âme) et de pensées (mind : le mental oule psychisme). Dans leur discours, l’esprit (spirit)désigne la quatrième dimension qui réunit toutes lesautres – le spiritus latin : le souffle qui traverse et animele vivant.

En refermant ce livre, nourri par les passionnantesinformations qu’il contient, enrichi par la pensée inspi-rée de son auteur, je n’ai pas pu m’empêcher de visuali-ser ces liens qui font l’esprit : des ondes qui sepropagent à travers le cerveau, des courants électriquesqui s’échangent d’un neurone à l’autre, des molécules

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qui circulent au sein des vaisseaux sanguins, des cas-cades de réactions chimiques et d’interactions électro-magnétiques, au cœur des cellules, autour deschromosomes, dans un va-et-vient incessant qui, dumacroscopique au microscopique et du microscopiqueau macroscopique, crée la vie. C’est dans ces liens qu’ilfaut sans doute chercher l’esprit véritable. Je me suisalors amusé à imaginer que lorsque les neuroscienti-fiques auront compris cela, les neurosciences ne serontplus seulement une « science du mind » mais bien une« science du spirit » – une science de l’esprit : une spiri-tualité. Je profite de cette préface pour remercierMichel Le Van Quyen de m’avoir, à travers son livre,transmis ce souffle de vie.

Bonne lecture à vous.

Thierry Janssen *

* Chirurgien devenu psychothérapeute spécialisé dans l’accompagne-ment des patients atteints de maladies physiques, Thierry Janssenœuvre pour le développement de ce que l’on appelle la « médecineintégrative » – une médecine qui réunit des médecins conventionnelset des praticiens d’approches thérapeutiques non conventionnelles. Ilest l’auteur de nombreux livres dont La Solution intérieure : vers unenouvelle médecine du corps et de l’esprit (Fayard, 2006), et il a fondél’École de la présence thérapeutique (www.edlpt.com) afin d’accom-pagner les soignants dans l’exercice de leur profession.

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INTRODUCTION

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« Prie pour obtenir un esprit sain dans un corpssain » : le vieux précepte du poète romain Juvénal, gaged’une vie heureuse, est un lointain écho de la sagesseantique. Fascinés par les phénomènes mentaux et leurseffets sur le corps, les Anciens avaient accumulé unimportant savoir empirique sur ces questions. Etcomme le montre le début de cette maxime – débutqu’on oublie trop souvent, soit dit en passant –, ils neséparaient nullement l’être humain de son âme. Déjà,Hippocrate avait perçu que nos croyances, nos pensées,nos émotions avaient une influence directe sur notrebien-être et pouvaient hâter la guérison. En Orient, lebouddhisme a somme toute effectué le même constat.Alors que les pratiques méditatives s’affinaient, notrefonctionnement psychologique s’est progressivementprécisé et il est apparu que nous pouvions avoir uneaction positive sur les différents systèmes du corpshumain. Toujours est-il qu’en Orient comme en Occi-dent les premiers thérapeutes se sont saisis de ce lienet ont élaboré diverses techniques exploitant ce pouvoirde l’esprit sur le corps.

Mais quelle est donc la nature de ce lien entre« l’âme et le corps » ? Longtemps, la science a com-mencé par chercher des preuves de son existence.

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Munie d’outils de dissection, de visualisation et demesure de plus en plus puissants, elle a finalementmontré que c’est bien le cerveau – et non le cœur –qui est à l’origine de notre pensée, de nos comporte-ments, de notre conscience. Avec ses 100 milliards deneurones, organisés de façon très étroite en réseaux spé-cifiques, le cerveau humain est ce qui nous rendunique. Et c’est sans doute l’objet le plus complexe, leplus subtil, le plus extraordinaire qui puisse exister dansla nature.

Pourtant, tandis que le fonctionnement du cerveauest petit à petit révélé, le lien qui le relie à l’esprit resteentouré d’un voile de mystère pour les chercheurs. Enbref, nous comprenons soit un discours « psy », soit undiscours « neuro », mais leur relation fait problèmeparce que nous n’arrivons pas à interpréter l’un à partirde l’autre. Plus grave encore : les formidables progrèsde la science moderne ont peu à peu distendu ce lien,en poussant la médecine à se focaliser sur les organeset à les aborder comme des entités séparées du reste del’individu et de son esprit. Et la recherche s’est progres-sivement décomposée en une myriade de sous-domaines hyperspécialisés… Si bien que, de nos jours,l’idée même des pouvoirs de l’esprit sur le corps paraîtdésuète, si ce n’est naïve. Pis : pour certains, elle sembleimmédiatement relever du charlatanisme !

Pourtant, les temps changent, et vite, en particulierdans nos disciplines. Tout récemment, grâce aux tech-niques d’exploration fonctionnelle du cerveau, lesscientifiques ont mis des « images » sur une expérience

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INTRODUCTION

intérieure restée longtemps invisible, et de ce fait inac-cessible. Et la preuve est faite désormais que certainsentraînements de l’esprit ont un effet bénéfique sur destroubles aussi divers que la douleur, le stress, l’épilepsie,la maladie de Parkinson ou la dépression. Commel’avaient pressenti les sages de l’Antiquité, et renonçantpar là à une tradition que d’aucuns font remonter àRené Descartes, la science redécouvre peu à peu unevérité forte : certaines pratiques de l’esprit ont uneaction réelle sur le corps. Mieux : elles transformentlittéralement le cerveau, dans sa structure et son fonc-tionnement le plus intime.

Fortes de ce constat, plusieurs méthodes psycholo-giques, d’origine souvent très ancienne et longtempsdénigrées, resurgissent progressivement dans lecontexte médical ou hospitalier moderne. Regroupéessous le nom de médecines complémentaires ou « corps-esprit », des techniques comme la méditation maisaussi l’autosuggestion, l’hypnose, le neurofeedback ou lamusicothérapie connaissent un étonnant regain d’inté-rêt thérapeutique. Comment l’interpréter ? Les patientssont, pour le coup, unanimes : il s’agit d’abord de limi-ter leur consommation en médicaments, et ainsid’échapper à la nocivité de leurs effets secondaires.Mais une autre raison, plus profonde, se dessine : cesapproches constituent une autre manière de guérir.Elles encouragent le patient à s’impliquer, à agir positi-vement sur sa santé et à trouver en lui de nouvellesressources qu’il pourra développer et exploiter demanière volontaire.

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Ce livre se propose de faire le point sur ces pratiques,de montrer leurs domaines d’application respectifs etd’en présenter tous les bénéfices validés scientifique-ment. Selon moi, la redécouverte de ces méthodesouvre autant de nouvelles voies très prometteuses pourla médecine moderne. Patient, chercheur, médecin,simple curieux : nous vivons un instant passionnant,d’autant que les questions ne manquent pas… Quelssont les processus physiologiques particuliers mobiliséspar les techniques « corps-esprit » ? Comment évaluerleur véritable efficacité sur le corps, cerveau compris ?En outre, cet ouvrage est traversé de part en part parune conviction personnelle, sans doute plus audacieuseencore : je suis fermement persuadé qu’il est grandtemps d’élargir l’horizon de la science, afin de lui asso-cier l’expérience humaine et les pouvoirs de transfor-mation exercés par l’esprit. Faute de quoi, nosconceptions scientifiques deviendront à terme irrécon-ciliables avec notre vécu et, tout particulièrement, avecnotre expérience intérieure.

La science est donc aujourd’hui à un tournant histo-rique, et l’intérêt actuel pour ces pratiques constitueune formidable opportunité d’élargissement et derenouvellement. J’invite le lecteur à m’accompagnerdans cette rencontre unique, ce stupéfiant dialogueentre la science de pointe et les pouvoirs de l’esprit.

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Chapitre 1

ESPRIT, ES-TU LÀ ?

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« Durant des millénaires, les êtreshumains ont vécu dans une compréhen-sion spontanée de leur propre expérience,inscrite dans leur temps et leur culture etnourrie par ceux-ci. Mais à présent, cettecompréhension ordinaire et spontanée selie indissolublement à la science et peut,de ce fait, être transformée par lesconstructions scientifiques. Beaucoupdéplorent cet événement, d’autres s’enréjouissent. Un fait demeure : cet événe-ment a lieu, et à une vitesse et une profon-deur croissantes. »F. Varela, L’Inscription corporelle de l’esprit

Une rencontre inédite

Début des années 2000, dans mon laboratoire derecherche * à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.Ce jour-là, j’ai la chance d’assister à une rencontre

* Le Laboratoire d’électro-encéphalographie et de neurophysiologieappliquée (LENA). Ce laboratoire du CNRS a été créé par AntoineRémond en 1948 et intégré à l’Institut du cerveau et de la moelleépinière (ICM) en 2009.

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exceptionnelle : celle d’un moine bouddhiste et d’unneurobiologiste. Le moine, c’est Matthieu Ricard,qu’on ne présente plus. Il a quitté pour quelque tempsson monastère Shéchèn à Katmandou, au Népal, où ilétudie, pratique et enseigne le bouddhisme depuis sonordination en 1979. On sait sans doute moins que c’estfort d’un doctorat en biologie cellulaire de l’InstitutPasteur qu’il s’est engagé dans la voie du bouddhismetibétain, abandonnant la recherche scientifique pure.Dans le laboratoire, à ses côtés, se trouve mon directeurde thèse, le neurobiologiste Francisco Varela. Diplôméde Harvard et directeur de recherche au CNRS, Fran-cisco est un surdoué de la science. L’homme s’est faitconnaître dans le monde entier pour ses travaux à lacroisée de la biologie, des sciences cognitives, de la phi-losophie et de la vie artificielle. Esprit éternellementbouillonnant, il a déjà participé à la rédaction de plusde deux cents articles pour des revues spécialisées etécrit ou dirigé la rédaction de quinze livres, traduitsdans plusieurs langues. D’origine chilienne, il a dûquitter son pays après le coup d’État du général Pino-chet, pour un exil qui l’amena à travailler partout dansle monde.

C’est dans les années 1970, à Boulder dans le Colo-rado, qu’il rencontre la méditation bouddhiste etqu’une véritable histoire d’amour commence pour lui.Multipliant les séjours au Népal, Francisco prend eneffet conscience qu’il était possible d’étudier, d’éprou-ver et de décrire des phénomènes mentaux avec lamême précision et clarté que la science lorsqu’elleétudie et décrit le monde physique. Il s’investit alors

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ESPRIT, ES-TU LÀ ?

avec passion dans un dialogue entre science et boud-dhisme. À la suite de quoi, il fonde les conférencesMind and Life, ces rencontres entre des scientifiquesoccidentaux et le dalaï-lama appelées à un succès qui nes’est jamais démenti jusqu’à nos jours. C’est d’ailleursà l’occasion de ces multiples conférences, dans l’inti-mité de la résidence du chef spirituel des Tibétains,à Dharamsala sur les contreforts de l’Himalaya, queFrancisco Varela et Matthieu Ricard se sont rapprochés,devenant amis et aimant à discuter avec une acuité,un humour et une ouverture sidérante pour quiconqueassistait à leurs échanges.

Je contemple ces deux hommes hors du commun,que tant de points rapprochent, à commencer par lascience et le bouddhisme donc. Un autre lien les unit,moins palpable : la nature sauvage, et tout particulière-ment la haute montagne. Durant une année de retraite,Matthieu Ricard a même séjourné dans la stricte soli-tude d’un ermitage, sur les hauteurs de Katmandou :ses merveilleuses photographies témoignent du bon-heur de vivre et de méditer dans les altitudes extrêmesde la chaîne himalayenne1. Quant à Francisco Varela,il vécut enfant dans le village isolé de Monte Grandedans la Cordillère des Andes, à 3 200 mètres d’altitude.Pour l’essentiel, son mode de vie avait alors tout dupaysan du XIXe siècle, et il se souvenait volontiersd’expériences très charnelles dans son rapport à lanature. Il n’y avait aucun romantisme dans cette pos-ture, mais plutôt ce sentiment de fête, d’ouverture etd’harmonie de l’esprit que l’on ressent parfois sponta-nément devant le spectacle du monde.

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Si Francisco Varela et Matthieu Ricard se sont donnérendez-vous dans un laboratoire en pointe pour lesrecherches sur le cerveau, dans les sombres sous-solsd’un hôpital parisien, c’est pour y effectuer une éton-nante expérience : enregistrer les activités cérébralespendant la méditation. L’examen – qui n’a jamais étéréalisé auparavant – se déroule dans une chambre inso-norisée, entourée d’une cage métallique destinée àisoler la pièce de toute perturbation d’origine électro-magnétique. Le moine porte sur la tête un drôle decasque d’électro-encéphalogramme (ou EEG), qui sertà capter de faibles champs électriques recueillis sur laboîte crânienne en différents points du scalp (figure 1).Enregistrés sur un ordinateur avec une grande préci-sion, milliseconde après milliseconde, ces champsreflètent l’activité cohérente de millions de neurones ducerveau. On sait que le déclenchement d’un neuroneengendre un infime courant électrique, tout commefrapper dans ses mains produit un petit « clap ». L’EEGcorrespond à la somme de millions de ces courants : ils’apparente donc à l’enregistrement des salves d’applau-dissements du public, dans une vaste salle de concert.Souvent, l’activité cérébrale apparaît à l’écran de l’ordi-nateur comme une pulsation qui se calme, puis s’activede nouveau et qui prend la forme d’une onde.

À la demande du chercheur, Matthieu Ricard doiteffectuer un type particulier de méditation, dite decompassion universelle. Cette très ancienne techniquese fonde sur le développement d’un sentiment d’amouret de bienveillance pour tous les êtres. Dès le début del’expérience, un phénomène inespéré se produit : sur

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Figure 1 : Matthieu Ricard en méditation pendant l’enregistre-ment de son activité cérébrale.

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TABLE

Remerciements ....................................................... 6Préface .................................................................. 7

Introduction ......................................................... 151. Esprit, es-tu là ?............................................. 212. Remodeler ses neurones ................................ 473. Guérir grâce à l’imagination.......................... 694. Arrêter les crises d’épilepsie par la pensée ..... 935. Modifier sa perception par l’hypnose ............ 1116. Piloter son cerveau en temps réel .................. 1357. Accroître son bien-être par la méditation...... 1598. Mieux vivre grâce aux autres ......................... 1939. Le pouvoir de la vie ...................................... 215

10. Plaidoyer pour les pouvoirs de l’esprit........... 237

Notes ..................................................................... 269Crédits .................................................................. 285

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Mise en page par Meta-systems59100 Roubaix

N° d’édition : L.01EHBN000704.N001Dépôt légal : janvier 2015