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Les premiers Feudataires du Haut-Pays de Nice Un travail d'ensemble que nous avons l'ambition de réaliser sur la maison féodale de Beuil nous a tout naturellement con- duit à nous occuper de l'origine des premiers feudataires du Haut-Pays uiçois. Quelques chercheurs locaux attirés par cette maison féo- · dale dont l'importance dans l'histoire du Comté de Nice n'est pas à démontrer, sc sont attaché3 uuiquement aux Grimaldi .le Beuil, barons que nouS qualifierons « de la seconde race » et qui se perpétuèrent du début XIve siècle au début XVIIe (Vers 1310, le premier Grimaldi de Beuil, Andaron, épouse Astrugue héritière du fief ; en 1621, le deruier Gri- maldi de Beuil, le comte Anuibal est exécuté pour crime de félouie). A leur propos il convient de signaler la grossière erreur dont ont été victimes certains chercheurs, tel l'anonyme qui " dressé les tableaux généalogiques figurant dans le fonds Garin de Cocconato du Musée Masséna à Nice. En effet, si Beuil toponyme francisé, après avoir été italiauisé en Boglio, < loit être rectifié en Bueil, ainsi qu'il appert de la vieille gra- phie et de la prononciation locale toujours en usage, il ne faut pas ignorer que Bueil est également un bourg tourangeau d'Indre et Loire, lequel donna son nom à une illustre maison féodale française. Ainsi Jean de Bueil (de Touraine), Maitre des Arbaletiers de France, périt à Azincourt (1415). alors qu'à la même époque vivait ici Jean de Bueil (Grimaldi), baron de 1368 à 1446 dont le nom est attaché il. la dédition du comté de Nice à la Savoie (1388). Pierre de Bueil (Grimal- di), fils du précédent, fut baron de 1446 il. 1469, alors que Pierre de Bueil (de Touraine) était son contemporain. Curieuse identité patronymique et troublante similitude chronologi- que qui ne doivent pas cependant nous abuser.

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Les premiers Feudataires du Haut-Pays de Nice

Un travail d'ensemble que nous avons l'ambition de réaliser sur la maison féodale de Beuil nous a tout naturellement con­duit à nous occuper de l'origine des premiers feudataires du Haut-Pays uiçois.

Quelques chercheurs locaux attirés par cette maison féo­·dale dont l'importance dans l'histoire du Comté de Nice n'est pas à démontrer, sc sont attaché3 uuiquement aux Grimaldi .le Beuil, barons que nouS qualifierons « de la seconde race »

et qui se perpétuèrent du début XIve siècle au début XVIIe (Vers 1310, le premier Grimaldi de Beuil, Andaron, épouse Astrugue héritière du fief ; en 1621, le deruier Gri­maldi de Beuil, le comte Anuibal est exécuté pour crime de félouie). A leur propos il convient de signaler la grossière erreur dont ont été victimes certains chercheurs, tel l'anonyme qui " dressé les tableaux généalogiques figurant dans le fonds Garin de Cocconato du Musée Masséna à Nice. En effet, si Beuil toponyme francisé, après avoir été italiauisé en Boglio, <loit être rectifié en Bueil, ainsi qu'il appert de la vieille gra­phie et de la prononciation locale toujours en usage, il ne faut pas ignorer que Bueil est également un bourg tourangeau d'Indre et Loire, lequel donna son nom à une illustre maison féodale française. Ainsi Jean de Bueil (de Touraine), Maitre des Arbaletiers de France, périt à Azincourt (1415). alors qu'à la même époque vivait ici Jean de Bueil (Grimaldi), baron de 1368 à 1446 dont le nom est attaché il. la dédition du comté de Nice à la Savoie (1388). Pierre de Bueil (Grimal­di), fils du précédent, fut baron de 1446 il. 1469, alors que Pierre de Bueil (de Touraine) était son contemporain. Curieuse identité patronymique et troublante similitude chronologi­que qui ne doivent pas cependant nous abuser.

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N'a.joutons pas foi non plus aux assertions con~enucs dan5 la supplique qu'adressa li Louis XIV, l'infortuuél Georges d" Bueil, fils du comte Annibal , ce dernier ignominieusement étranglé puis pendu , dans laquelle le dit Georges démontl'l111 t l'illustration de sa maison la fait descendre en l ~gne directe (les maires d'Austrasie : " Grimaldi nommé le Juste, fils alné de Pépin le Gros, duc de Brabant, frère de Oh""'les Martel. oncle de l'empereur Oharlem!1gne, comte dc FlaJ~dres, est le prince dont l'ancienne et illustl'C l\iaison de Grimaldi tire. son nom ... etc ... etc ... » de quoi faire pâ.Jir d'envie le glorieuJ< )'oi de France, !( modeste )) Bourbon .

Si, comme nous l'avons dit, certains généalogistes se sont interessés aux Grimaldi de Beuil, aucun IL notre donnaissance ne s'est aventuré dans le maquis du haut moyen-:lge alor.~

que vécurent les sires de Beuil de la première race, les Rostaing. Seul , Caïs de Pierlas dans l'ouvrage de base qne constitue son " XIe siècle dans les Alpes-Maritimes» a posé h, question dc leur origine. Vabbé Gioffredo le probe et cruscieneieu x historien niçois dans sa monumentale (( Stol'i a done Alpi Marittime » a rassemblé chronologiquement leJ documents que nouS retrouvons épars dans l'ancien fonds" bittà e Oon­tn.do (li Nlzza » des Archives de Turin, dépo~é aujourd'h,ui >LU X Arehiyes départementales des A. M. et analysé pal' M.ili. Imbert et J,atouehe, et surtout dans les caJ'tulaires locaux, soit ceux de Lélins, de St Pons .et de l'ancienne cathédrale de Niee. Le caJ'tulaire de St Victor de Marseille et la série B des Archives départementales des Bouches du 1 Rhône l'en­ferment aussi de précieux l'enseignements concernant le Juw t pays niçois. Ce sont là les documents que nous rious sonune, efforcé de revoir (J) et dont. nous nous sommes ,inspiré.

i LES ROS'l'AING DE NICE

On a cru pendant longtemps que les seignefrs de Beuil de la première J'ace descendaient de la famille yicomtale do Nice; en effet une si vieille et si noble maison r e se devait­elle pas d'être issue de la grande Odile de Nice ? Gioffl'edo

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lui-même selon la. pertinente remarque de Oaïs de Piel'ia~ a confondu les Rostn.ing de Niee avec les Rostaing du Hn.ut­pays. La chn.rte XII, datée de 1075, du chartrier de St Pons indique nettement la zoue territoriale sur laquelle s'étendait la juridiction féodale de la famille vicomtale de Nice: « Oimiez. Ste Marguerite du Var, Falicon, Ste Thècle de Drap, Ste Ré­parate de Nice, St Hospice, St-Laurent d'Eze, Ste Dévote de Monaco, Ongran et Oïra (à P eille) , l'Escarène, Oolomars, Levens, St-Blaise , St-Martin-du-Var, Gordolon, Roquebil-1ère )) tous lieux inclus dans le diocèse de Nice compris cntre Var et Roya, et « la Gaude)) du diocèse de Vence. Les dona­teurs sont: Raimbald de Nice (fils d 'Odile et de Laugier). son frère: Rostaing de Gréolières et Laugier fils de ce dernier (1) ses fils: Pierre, évêque de Vaison, Laugier le Roux, Rostaing, ses petits-fils: Pons et Raimbaud d 'Orange lequel sem l'Llu des chefs de corps de l'ost proven ça.! qui suivit Raymond de Toulouse à la première croisade. Ces personnages n'ont rien de commun avec les Rostaing dn Haut-Pays qni à la. mênl(' époqne dominaient à Beni!, dans le Valdeblore et dans la Tinée, sinon, pour cm-tains d'entre eux, identité d'un patro­nyme qui paTa.1t avoir été fort à la mode à l'époque.

LES RoS'rAING DU H AUT-PAYS DE NICE

Le premier Rostaing dn hant pays que nous connaissions est Rostaing de Thorame leqnel, dans les premières années du XIe siècle, en compagnie de ses frères, Aldebert quo.lifié de comte et Abellon comte d'Apt, possède tout le nord de l'actnel département des Alpes-Maritimes , c'est-à-dire les comtés de Glandèves et de Tinée. La preuve en est dans les donations qu'ils font il, l'Eglise ainsi que nons l'allons voir.

Le comté de Tinée : TI est courant de dire qu'au milieu des fréquents partages territoriaux qui enrent lien durant le haut moyen-âge selon le principe de la division en parties égales de l'hoirie paternelle, une seule unité territoriale fut à peu près respectée : le diocèse, division admiuistro.tive calquée po.. l'Eglise sur l'ancienne « civitas )) romaine. Lorsque Méro-·

(1) Au siècle suivant, en 1152, un second Laugicr de Giolièrcs Fo~ ,èd(' toujoun du droits féodaux sur Je rivage Niçois.

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, 'ingiens, pills Carolingiens, établirent leurs fo!nctionnail'cs royaux, les comtes, à la tête de ces Cireouseri~tions, toutes

:~:~Ii, .. ~::j~;'è~:;~:~;:::. ~:::~~:rs d:~~:.:~:1ta~:: ~~;::: 3Ia.ritimes compta alors les comtés de Vintimille,' de Nice, (1) d'ÂIltibes (2). de Vence et de Glandèves, (3) / juridictions <iviles et religieuses.

Puis apparut le comté de Tinée, « cOluitatu, Tiniensis »,

sans doute après que Charlemagne eut divisé l'eII\pire en com­tés et marquisats, car ce comté de Tinée dépourvu de siège épiseopal semble bien avoir été un comté de marche, un gou­vernement milita.Îfe destiné à veiller sur les nombreux pa.s­sages qui du col de Larche au massif du Gelas 1 coupent nos Alpes, office rempli sur le versant oriental de la chaine pal' les comtés d'Auriate (val de Stura) et de Bredulo (vals du Gesso et du Tanaro) . Du point de vue religieu~, le comté do Tinée fut soumis à deux juridictions ecclcsiasFques : c.ello de l'évêque de Glandèves et celle de l'évêque de Nice; la ligne de fatte d'entre Cians et Tinée formant limite. ILe comté dO Tinée circonscription civile, était séparé du comté de Nice pal' la crête d'entre Tinée-Vésubie; son chef-lieu était St­Eticnne (Saneti Stephaui Tiuiensis cn 1067). Beaueoup plus t,ard, le chef-lieu fut transféré à Puget, d 'ol! naissance au XIVe siècle du toponyme " Pujeto Tenearum » dont nouS :wons fait Puget-Théuiers, alors qu'antéricurement lc lieu était dénommé simplement Pujct (lou Pouèt en dialecte, de podium: éminence). (4) i

DI< pays d'Apt al< pays de Glandèves et de l~ Tinée. Vers le milieu du xe siècle un certain Grifo ou Griffon fut

délégué au gouvernement du comté de G1andèves (5). Dès 950, ce Grifo sans doute d'une famille d'optimatts pro'Vençl1ux est qualifié de comte. Il a trois enfants c09nus Rotbert, Garac ou V""ac et Rostaing qui paraissent avoir été per­sonnages importants en pays d'Apt. Rostaing l y fut évêque

(,) Et non d, C;m;" d,,,u;', à «tt, époque. 1 (2.) Le siège épiscopa l fut transféré à Grasse en 1 2 4-1- . 1 (3) G laudè ves~Entrevaux, siège supprimé à la Rêvolution. {4) 1066 castru m que nominant Pogeto (Ca.rt. Ancien ne Cath.).

:~~~: ~:~~~~~ ::;~ tivo~~~~~s p~~Set:~ê1lCC:rt.d·:cntbeeri~s). 1

( 5) De Manta yer: la Provence du l u au X IIe siècle.

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{955), Rotbert e~ Garac y fondèrent uue abbaye (St-Eusèbè au terroir de Saig!,on, fief reçu de l'évêque en 967) . Garac a son tour eut trois 'fils : Aldebert et Abellon qualifiés de com­tes et Ro&taing ; en outre une fille, Ingarde, qui épousa un ",ertain Constantin, .

Ce sont ces derniers personnages petits-enfants probables du comte Grifo de Glandèves qui intéressent grandement le haut pays de Nice. Les donations qn'ils font à l'Eglise dès le début dn XIe siècle et auxquelles ils 'participent avec leurs enfants, leurs alliés et leurs collatéranx, indiquent clairement qu'ils disposent de biens allodiaux .. Les chartes les concer­nant se trouvent dans les cM'tulaires de St-Victor de ·Mar­seille, de Lérins, de l'ancienne cathédrale de Nice; retenons senlement que nous les t ronvons : en 1009 : à Thorame dans le Haut Verdon (également en 1056), en 997-1027 : à Brian­çonnet, en 1039 : à Aiglnn, en 1040 : à Entrevaux, Massoins, Bairols, en 1043 : il Amirat, Colmars, Allos, Castellane, en 1046-1066 : à Ascros, en 1028-1046 : à Roqnesteron, C.ué­bris, en 1060 : à Valdeblore, en 1067 : dans la Haute Vésubie (Anduébis, Venanson) et dans toute la Tinée, de Valdeblore il St Etienne, en 1081-1092 à Gars et à Mujoulx. En conclnsion tons lieux compris dans les comtés de Glandèvcs et de Tinée.

On pourrait s'étonner que l'expansion tcnitoriale dé ces optimates provençaux se soit faite d'ouest en est, du Rhône aux Alpes, de la plaine il la montagne. il y a sans doute à eela plusieurs raisons que nous allons examiner :

10) Raison politique d'abord : Si la f"mille descend de Grifo, comte de Glandèves dès 950, il est vràiscmblable qu'elle a dû conserver la charge, puis, la féodalité s'établissant, fail'e $ien le « comitatus Glannatensis n, Castellane et le Verdon qui vraisemblablement en dépendaient (1) ; la quaHfication de comte dont se parent Abellon et Adalbert n'étant plus ·qu'un titre honorifique l'appelant l'ascendance paternelle.

20) Raison économique ensu·ite : .A cette époque, la vie agri cole et pastorale domine essentiellement l'économie ctlaseule l'iehesse est la terre (champs et pâtnres). L'é oonomie pastora­le des pays provençaux étant conditionnée pal' la translm-

(1) Au Vc siècle disparaît l'anc ienn e juridiction de b. u Ci \' itil S Salinac ~ soit -C:utdlan e, partagée alors cntre Senu d Glaudh·cs.

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;a~:c~~n~t~~t ::::~:::s::e 1~:::~~~~::i~:::s:~J::s àd~e::i~ vage de leurs troupeaux. Delà cette poussée vers hl montagll{' Nous verrons la race issue de Garac posséder jus~u'au XIVe siècle les alpages du Verdon, du Haut-Var et de, la Tinée, triple source de revenus: entretien des troupeaux seigneu­riaux, location des montagnes pastorales, droit : de t.ransit; perçu sur les transhumants aux péages de Castell~nc, de Ver­gons et de St Auban.

30) Raison géographique enfin: Pour bien comprendre la vie de l'époque, il nous faut faire abstraction de ~os concep­tions modernes. Nous avons l'habitude aujourd'hui de consi­dérer l'arrière pays niçois comme une sorte de ~'ande bau­lieue du chef-lieu à cause de la grande facilité des hommunica tions actuelles. Mais avant l'ouverture moderne des routes de vallées (1), le haut pays fut presque entièrement' fermé à hl côte. La circulation pendant des siècles s'y fit s'frtout da os le sens transversal, d'ouest en est, par les cheminements de crête, alors que les clues fermant les vall41es à ledr base l'es­taient inviol63s, chemins « transverses » aujourd'hui abandon­nés, carraires de transhumants et drailles. Descendant des cols alpestres ils condnisaient en Provence, franchissant la Tin41e dont le cours est parallèle il. la chaine pal' des gnés ou par des ponts dont on trouve encore les assises il. Tour­nefort, Pont de Clans, moulin de Marie, St-Sauveur, I sola. St-Etienne. Déjà au temps de la préhistoire ces 1'oies trans­verses étaient suivies; témoin « la. cachette de marchand » de. l'âge du bronze découverte à Clans, sur le vieuxi chemin de Ste Anne de Monnard, segment de la transverse Moyen Val' - Valdeblore - col de Cerise ou Lombarde.

Les Romains les empruntèrent surtout à des fins militai­res, pour la pénétration et la soumission du hau~ pays. Plus tard, elles servirent de route d'invasion a.ux Barpares venus de Germanie en Italie du nord et poursuivant leuf route \'Tcrs l'ouest; témoin la tombe wisigothique découvert~ à lrougne (hameau d'Donse) sur la transerse Valdebl?re, Marie. Donse, col de St Pons, Rigaud et la Provence ( ~ ). En plein

( 1) La route de vallée 3tt ~int St-Sauveur en 1870\ Guillaumes en 188+ Isola en

18Ui i:'~~:leb~n~ a:;ar:8J'~'ralfgne par le (dt Octobon, Nict- Historiql/ t 1940.

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Moyen-Age enfin , au temps du Comté angevin de Piémont, c'est par Guillaumes, Beuil, Isola, le pas de Ste Anne que se faisait le passage de Pro"ence en Italie, le col de Teude n'étant pas en possession du comte de Provence. La. grande voie nnissant la Provence aux comtés de Glaudèves et de Tinée passait par Castellane, St Julien-du-Verdon, le col de Toutes Aures et, pal' la Vaire, d<lbouchait sur le Var; une variante par le Logis du Pin et St-Auban aboutissait également à Glan­d""es. C'est le chemin qu'empruntent encore les transhu­mants quand, il. la St Micllel, ils rentrent en Provence. TI ne faut donc pa~ s'étonner de voir les fé,da.ux partir de Castel­lane pour atteindre le Var moyen, le Haut-Var et la Tinée. Ainsi il semble bien ét·abli que la riche famille de feudataires issue d'e Grifo , comte de Glaudéves au XO siècle, et venue semble-t-il du pays d'Apt, ait progressé d 'ouest en est, de la Provence aux Alpes. Pendant le XIe siècle, l'estoc issu de Garac, feudataire en pa,ys d'Apt, tient le comté de G1audèves, du Verdon li l'Estéron et le comté de Tinée. Sans doute au COUI'S du siècle, alors que le pouvoir central allait s'affaiblis­.ant, ont dû sc constituer SUl' place les différentes branches qni se parta.gèrent montagnes pastorales, vals fertiles, péages ,lcs gués et des cols, et formèrent les maisons de Castellane, de Thorame, de Glandèves, de St AJban, de Puget, de Beuil ct de Valdeblore (1 J.

BAI.B, BADA'r m' BAUX

Uu autre patronyme, celui ùe B"lb, fort ré.pandu à la même époque a grandement intrigué les généalogistes. Le premier Balb du haut pays de Nice dont nous parlent les chartes, prénommé Piene, vers le milieu du xe siècle, en eompa.gnie de son frère ]}filon Lagit, donne à Lérins des biens sis en terroir pugétois ; en outre, en 1067 , les deux frères cèdent li l'évêque de Nice, des terres, des hommes et des droits aux lieux de Marie et de Clans dans la Tinée. Ces feudataires du Moyen Var et de la Basse Tinée ont saus doute même origine que les Rostaing pré:é:lemmcnt étudiés. En 1040, li la gmnde. dona-

~ I ) Lts Sti11.fUurS dt !,lIl.1rbhrt dt /'0/1 1000 i1 !'QJI 13S8, par Louis Rutil , Nice­fil s/orique 1')53, nO 1.

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tion faite par le comte Aldebert à Lérins, de bienk sis il. Entre vaux, Massoins, Bairols, c'est-à-dire dans la mêlIje région du Moyen Var et de la Basse Tinée, un certain BaU est témoin en compagnie des fils du donateur. Serait-ce le Pierre Balb do 1067 ? son ascendant direct ? Il est impossible ,d'affirmer; cependant le patronyme mérite attention, il persiste au conrs des siècles dans la famille, aussi bien dans la bra~che des sei­gnenrs de Valdeblore qne dans celles des maisoJs de Puget, de Glandèves et de St Alban; jusqu'an XIve siècle les Balb. sont nombreux dans la région qni nous occnpe et se retronvent notamment à Puget, Massoins,Bonson, Collougues, Rimplas,

St~::::':;SiS,~~~t::~~~ ~:i~11;iginaire de chierJ en Piémont. L'nne de ses branches établie en Provence, sans doute à l'épo­qne de l'extension transalpine du comté angevin ;aur"it donné à la France le « mestre de camp» Crillon, compafnon d'armes du Béarnais : Lonis Balbis de Berton de Crill0l" né à Murs en Provence en 1543. Les Bulb de Chieri commelceux de Vin­timille n'ont s"ns doute rien de commun avec les Balb dn hant p"ys de Nice déjà en place au début du XIe siècle.

Pour en terminer, signalons qu'nne vieille fdrnille niçoise, celle des Badat, qui s'illustra dans les charges consulaires dès le XIIe siècle prétend descendre de limon Balb dit Lagit, frère du premier Pierre Balb connu. On a même vouln faire de Badat les premiers seigneurs de Benil ce qni ert peu proba· bIc (2). Nous pensons au contraire pouvoir étr ·blir que les Beuil descendent des Rostaing de Valdeblore. Nous savons cependant que tardivement, vers 1350, Jacques Badat de Nice épousa Béatrix de Beuil, fille du baron Audaron Gri· m",ldi. N'est-ce pas cette brillante alliance qUi incita, plus tard, les Badat de Nice à se dire issus des Bal~ du haut pays et d'arborer des armes semblables à celles des Beuil : " De gueules à l'étoile d'or li ? 1

En résumé, les Balb du haut pays de Nice, de très vieille origine, viennent sans doute de Provence ainsi que les feuda-

~a::s !~:sd~;Oc;::~~~~n d: m:::~~~:t:~i:!:l ~!a~~~n~:~ 1

( 1) II est vrai qu'à la même époque les comtu de Vintimille portent les mêmes

e·m;:-J,:::;'I~";';. ':::'::~!":.::"'" ,ru ..... '" r ., .... , .. ,",,' 1

de Puget-Théniers sont un rameau de la fameuse maison pro­vençale connue depuis le xe siècle (Pons le jeune, 971) . TI est certain que les Baux contractèrent des alliances en pays niçois où ils possédèrent des fiefs : Contes au XIe siècle ; Mérindol (village disparu, près de St André de Nice) qu'ils possédaient encore au milieu du XIIIe siècle. Si cela ne prouve rien, la science héraldique semble au contraire confirmer l'hypothèse d'une origine commune:

Les Baux de Provence portent « De gueules à l'étoile de 16 rais d'argent)) et les Beuil de la première race « De gueules li l'étoile de 16 rais d'or )). Ne faut-il pas voir dans les armes des Beuil une brisnre de celles des Baux ? Les Balb de Puget: « De gueules à l'étoile de 12 rais d'argent ». Les Balb de St­Alban : « D'or à l'étoile de 8 rais de gueules ». Les G1andèves enfin : « Fascé d 'or et de gueules de 6 pièces)) qui r appelle les Ilmaux des Beuil, des Puget, des St-Alban.

En somme on peut admettre que c'est une seule et même famille qui a possédé les hautes vallées du pays de Nice, fa.­mille qui se divisa en plusieurs branches : Thorame, Valde­blore, Beuil, Puget, G1andèves, St-Alban et Castellane. Ces maisons féodales disparurent du terroir lorsque se fixa en 1388 la frontière provençale, à l'exception toutefois de celle de Beuil à qui les Grimaldi férocement opportunistes insnf­flèrent un esprit nouveau et dont les armes rappellent la double origine :

« E cartelé : au l et au IV de gueules au soleil d 'or, qui est Beuil; au II et au III fuselé d'argent et de gueules, qui est Grimaldi )).

Louis BUEIL,

P,ojesseu, de Cours Complémentaire à Nice.