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Textes : - Ernestine Carreira, Maître de Conférences au Département d’études luso-brésiliennes, Institut d’Etudes Africaines, Université de Provence - José Manuel Fernandes, Professeur d’Histoire de l’architecture et de l’urbanisme – Université Technique de Lisbonne (Portugal) - Idelette Muzart, Professeur de Portugais, Département de portugais, Université de Paris X Nanterre. - Natalia Umbelina Neto, Doctorante, Institut d’Etudes Africaines Traductions et révision : - Adriana Florent, Maître de Conférences, Département de Portugais, Université de Paris VIII. - Danielle Pinet, Professeur de Portugais, Lycée Sacré Cœur, Aix-en-Provence - Catarina Vaz, Lectrice du Département d’études luso-brésiliennes et de l’Instituto Camões (Ministère des Affaires Etrangères portugais) Sources des illustrations: - Arquivo Histórico Ultramarino, Lisbonne (Portugal) - Centre des Archives d’Outre-mer, Aix-en-Provence - ECOFAC.org (Programme européen pour la conservation des écosystèmes forestiers de l’Afrique Centrale), Consulat de Sao Tomé et Principe - José Manuel Fernandes Prises de vue et traitement de l’image - Christine Inácio, Infographiste - Monique Menin, Vice-présidente de Portulan - Anne-Marie Nida, Maître de Conférences à l’Ecole des Beaux-Arts d’Avignon - Natalia Umbelina Neto ORGANISATION Association Portulan Institut d’Etudes Africaines – M.M.S.H. – Université de Provence Nous remercions pour leur collaboration Madame Abrantes, Directrice de l’A.H.U. Madame Cornède, Directrice du C.A.O.M. M. Bensaïd, Consul Honoraire de Sao Tomé et Principe à Marseille Q U A D R I S S I M O 15, rue Fortia 13001 Marseille Maquettes expo : Christophe Beaulier • [email protected]

ÎLES - saotomeislands.com · provenance de la côte africaine (Bénin, Dahomey, Cameroun…) mais aussi des autres territoires et colonies portugaises comme les îles du Cap-Vert,

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Page 1: ÎLES - saotomeislands.com · provenance de la côte africaine (Bénin, Dahomey, Cameroun…) mais aussi des autres territoires et colonies portugaises comme les îles du Cap-Vert,

Textes :- Ernestine Carreira, Maître de Conférences au Département d’études

luso-brésiliennes, Institut d’Etudes Africaines, Université de Provence

- José Manuel Fernandes, Professeur d’Histoire de l’architecture etde l’urbanisme – Université Technique de Lisbonne (Portugal)

- Idelette Muzart, Professeur de Portugais, Département de portugais,Université de Paris X Nanterre.

- Natalia Umbelina Neto, Doctorante, Institut d’Etudes Africaines

Traductions et révision :- Adriana Florent, Maître de Conférences, Département de Portugais,

Université de Paris VIII.

- Danielle Pinet, Professeur de Portugais, Lycée Sacré Cœur,Aix-en-Provence

- Catarina Vaz, Lectrice du Département d’études luso-brésilienneset de l’Instituto Camões (Ministère des Affaires Etrangères portugais)

Sources des illustrations:- Arquivo Histórico Ultramarino, Lisbonne (Portugal)

- Centre des Archives d’Outre-mer, Aix-en-Provence

- ECOFAC.org (Programme européen pour la conservation desécosystèmes forestiers de l’Afrique Centrale), Consulat de Sao Toméet Principe

- José Manuel Fernandes

Prises de vue et traitement de l’image- Christine Inácio, Infographiste

- Monique Menin, Vice-présidente de Portulan

- Anne-Marie Nida, Maître de Conférences à l’Ecole des Beaux-Arts d’Avignon

- Natalia Umbelina Neto

ORGANISATIONAssociation Portulan

Institut d’Etudes Africaines – M.M.S.H. – Université de Provence

Nous remercions pour leur collaborationMadame Abrantes, Directrice de l’A.H.U.

Madame Cornède, Directrice du C.A.O.M.M. Bensaïd, Consul Honoraire de Sao Tomé et Principe à Marseille

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15, rue Fortia13001 Marseille

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Sao Tomé et Principe appartiennent à la famille géo-morphologiqueet botanique de la Macaronésie, qui inclut l’ensemble des trente îleset archipels atlantiques : Açores, Madère, Canaries, Cap-Vert… L’archipel du golfe de Guinée comprend les îles de Fernando Pó,Principe, Sao Tomé et Annobón, ainsi qu’une série de petits îlots.Il se trouve à 300 km à l’ouest du Gabon et à 1500 km au nordde l’île de Sainte Hélène. Situées en zone équatoriale, les magnifiques îles de Sao Tomé etPrincipe, couvertes à l’origine de forêt vierge, présentent aujourd’huiencore une profusion de paysages verdoyants et de forêts très denses.

L’archipel de Sao Tomé et Principe

D’origine volcanique ces îles secomposent de massifs montagneux,dont certains atteignent 2000 md’altitude et de forêts parfoisinaccessibles. Recouvertes de rochesbasaltiques et de terre argileuse, ellesprésentent un climat chaud et humideen plaine, frais et sain sur leshauteurs. L’amplitude thermiqueannuelle varie de 18 à 27°.

Avec une pluviométrie qui oscille entre1000 et 7000 mm par an, l’eau abonde

sous toutes les formes : torrents,cascades, cours d’eau, ruisseaux etrivières qui descendent des massifs

montagneux . La petite île de Principedispose à elle seule de plus de soixantedix cours d’eau. Aucun n’est navigable

en raison de la configurationgéographique des îles.

A l’exception des rares routes et chemins, le véritable axede communication entre les îles, mais aussi entre les

différents espaces de chaque île, reste la mer. Elle esttrès calme dans cette région, ce qui rend la navigation

aisée et permanente. Un grand nombre de baies offrentun abri sûr aux navires. Les plus importantes sont celles

d’ Ana Chaves à São Tomé, au bord de laquelle a étébâtie la capitale, et celle de Santo António à Principe, où

se localise la deuxième ville de l’archipel. Baie de Santo António en 2001

Crédit photographique ECOFAC.org. - Consulat de Sao Tomé - José Manuel Fernandes

LES ÎLES

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LES ÎLESL’île de Sao Tomé couvre unesuperficie de 860 km2, soit unelongueur moyenne de 47 kmpour une largeur de 27 km.

L’île de Principe se situeà 150 km au nord-est

de la précédente.

Elle atteintles 140 km2, avec

une longueur de 15 kmet une largeur moyenne

de 10 km.

Francisco Mantero, "La main-d’œuvre à São Thomé et à l’île duPrince Traduit du portugais", Lisbonne, édition de l’auteur, 1910Fonds du Centre des Archives d’Outre-mer, Aix-en-Provence

Carte la fin du XIXe siècleFonds de l’ Arquivo Histórico Ultramarino, Lisbonne

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Les îles du golfe de Guinée furent certainementvisitées avant l’époque chrétienne par desembarcations côtières en provenance de la côteafricaine. Elles étaient cependant inhabitées lorsde leur découverte - entre 1469 et 1472 - par lesnavigateurs João de Santarém et Pero Escobar.

Comme la plupart des îles occupées par le Portugal,elles furent baptisées du nom du saint du jour del’arrivée du premier navire : São Tomé (Saint Thomas)et Santo António (Saint Antoine). La deuxième devintPríncipe (l’île du Prince) en 1500.

La découverte de l’archipel coïncidait avec larecherche de la route des Indes. La couronne sepréoccupa donc rapidement de les transformer

en zone d’escale des navires qui descendaient versle passage du cap de Bonne Espérance (découverten 1487). Elles devinrent très rapidement aussiune base incontournable dans le commerce entrela métropole et la côte africaine, où les Portugaisétablissaient des factoreries depuis le golfe deGuinée jusqu’à la côte d’Angola.

Au commerce de l’or et des esclaves, déjà aux mainsd’une puissante classe marchande insulaire au débutdu XVIe siècle, allait s’ajouter le développementd’une agriculture d’exportation : celle de la canne àsucre, déjà expérimentée à Madère dans la premièremoitié du XVe siècle. Cette dernière allait permettrela déforestation des zones côtières des îles et faire lafortune des planteurs.

A l’image de l’ensemble de l’empire, les îlesbasculèrent au début du XVIIe siècle dans unepériode de perturbations et de déclin. L’empiremaritime asiatique disparut face aux attaquesconjuguées des Hollandais et des Britanniques etle réseau d’escales atlantiques sombra avec lui.Réduits à une dimension périphérique, malprotégés, les archipels connurent dès lors - etjusqu’au XIXe siècle - de multiples attaquespirates et corsaires, lesquelles se traduisirent pardes pillages et mises à sac des principaux ports.

DES ESCALESATLANTIQUES

À LAFORTERESSE

NEGRIERE

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LES DÉCOUVERTESMARITIMES PORTUGAISES

RÉGIONS DÉCOUVERTESVilles et ports conquis ou fondés

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A partir du milieu duXVIIe siècle, lareconstruction del’empire portugais autourde ses possessionsatlantiques (les îles, lacôte d’Angole, le Brésil)provoqua l’effondrementde la production sucrièrede Sao Tomé, incapablede soutenir laconcurrence face à lagigantesque productionbrésilienne. Mais elleplaçait aussi l’archipelau cœur d’une nouvelledynamique : celle duravitaillement del’Amérique portugaiseen main-d’œuvre esclave.Sao Tomé se transformadurablement en entrepôtd’esclaves achetés par lesélites autochtones sur lecontinent africain et que lesnavires des armateurs de Riode Janeiro et de Bahia venaientrégulièrement embarquer.

Ces échanges firent de l’archipelune dépendance de l’Amériqueportugaise. Ainsi, en 1778, lesnégociations entre Lisbonne etMadrid aboutirent à la cessiondes îles de Fernando Pó etAnnobón à la couronne espagnoleen échange d’une partie du suddu Brésil.

L’indépendance de cette colonieen 1822, puis l’interdiction dutrafic négrier allaient obliger lesautorités de Sao Tomé et Principeà évoluer de nouveau vers unepolitique de production agricole.Gouverneurs et négociantsautochtones reconvertirentprogressivement les capitaux dela traite dans la création depropriétés agricoles où ils allaientdévelopper la culture du café,puis celle du cacao à partir de laseconde moitié du XIXe siècle.

Le développementagricole allait provoquerle renforcement de laprésence colonialeeuropéenne et aboutir àde graves conflits avec lescommunautés insulaires.En 1953, pour intensifierla production de cacao, legouverneur décidad’autoriser le recrutementforcé de travailleursautochtones, lesquelsavaient toujours refusé detravailler dans lesplantations. Leur attitudefut interprétée comme unacte de rébellion etplusieurs centaines d’entreeux périrent massacrésdans le village de Batepá.

Les îles de Sao Tomé et Principeont accédé à l’indépendance le 12juillet 1975. Elles formentaujourd’hui le plus petit étatinsulaire d’Afrique : la RépubliqueDémocratique de Sao Tomé etPrincipe. Le système marxisteléniniste en vigueur jusqu’en1990 a été ensuite substitué par lemultipartisme. L’économienationale repose essentiellementsur l’agriculture, la pêche, letourisme et on développeactuellement la prospectionpétrolière et gazière.

L’archipel de Sao Tomé au XVIIe siècleGravure anonyme - Fonds de l’Arquivo Histórico Ultramarino

DES ESCALESATLANTIQUES

À LAFORTERESSE NEGRIERE

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Les métis représentaient en 1745 environ 2% des 13.000 âmes del’archipel. Planteurs, négociants spécialisés dans le trafic d’esclaves avecle continent, ils établirent au cours des siècles des liens commerciaux et

familiaux avec les communautés marchandes brésiliennes. Anobli etcouvert d’honneurs au XIXe siècle par une couronne désireuse

d’encourager ses élites d’Outre-mer après la désastreuse perte du Brésilen 1822, ce groupe social perdit progressivement le contrôle des îles. Il

ne dépassa jamais les trois cents individus au XIXe et au XXe siècles.Francisco Mantero, "La main-d’œuvre à São Thomé et à l’île du Prince", 1910

Fonds du Centre des Archives d’Outre-mer

Autres représentants de lacommunauté autochtone, lesdescendants d’affranchis, appelés"forros" ou "minuiés", constituentune autre des spécificités del’archipel. Ils bénéficièrent dès leXVIe siècle de droits semblables auxEuropéens et constituèrent unevéritable communauté socialementdémarquée des esclaves nouvellementimportés du continent. Christianiséset économiquement autonomes, ilsreprésentaient au XVIIIe siècle unquart de la population des îles. Ilsjouèrent plus tard un rôle primordialdans la résistance au colonialisme,refusant de s’astreindre aux péniblestravaux agricoles des plantations decafé et de cacao. Francisco Mantero, "La main-d’œuvre à São Thomé et àl’île du Prince", 1910Fonds du Centre des Archives d’Outre-mer

UNEMOSAÏQUE

ETHNIQUEETCULTURELLE

Après sa visite de l’archipel en 1554, le navigateur Gonçalo Piresaffirma y avoir rencontré des descendants de Portugais, de Juifs,de Castillans, et de Génois, auxquels la couronne avait distribuédes terres. Ils possédaient déjà de nombreux esclaves africains.

Les Portugais, colons et chevaliers de petite noblesse,fonctionnaires, militaires ou condamnés de droit commundéportés, ne représentèrent dès la fin du XVe siècle qu’une petiteminorité dans ces îles. Marins débarqués au hasard des escales ounégociants confirmés, les autres Européens furent toujours les bienvenus. La plupart des habitants d’originejuive (environ deux mille dans la première moitié du XVIe siècle) étaient des enfants baptisés et retirés àleurs parents par l’Inquisition, en métropole.

Dans les archipels comme en Asie, les rois du Portugal décidèrent de développer le peuplement enpromouvant le métissage, dans la première moitié du XVIe siècle. Chaque colon reçut une esclave africainedans le but affiché de " peupler " les îles. Leurs enfants furent déclarés hommes libres et obtinrent les mêmesdroits que les Européens. Cette élite autochtone allait devenir l’aristocratie insulaire et détenir le pouvoiréconomique et social jusqu’au XIXe siècle.

Les Angolares représentent aussi une des communautés les plus anciennement installées dans l’archipel (milieu duXVIe siècle). La légende attribue leur arrivée au naufrage d’un navire négrier qui allait de l’Angola vers le Brésil.Ils s’installèrent dans le sud de l’île de Sao Tomé où ils vécurent de manière autonome jusqu’au XIXe siècle.Ils conservèrent leurs pratiques africaines et furent rejoints par de nombreux esclaves en fuite. Ces communautésfurent en grande partie dispersées au XIXe siècle lors de la déforestation du sud de l’île par les planteursautochtones, lesquels n’hésitèrent pas à user de violence pour les réduire au travail forcé dans leurs plantations.

Maison d’agriculteurs autochtones Gravure du XIXe siècle - Fonds de l’Arquivo Histórico Ultramarino

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En 1856, un décret royal abolitl’esclavage dans tous les territoires del’Outre-mer portugais. Mais devant larésistance des planteurs insulaires, ilne fut appliqué qu’en 1878 à SaoTomé et Principe. Pendant cettepériode de transition, legouvernement local créa un régimede tutelle qui obligea les anciensesclaves à continuer leur travail dansles plantations. Par la suite, cesderniers abandonnèrent massivementleurs employeurs.

Dépourvus de main-d’œuvre, lesplanteurs et sociétés exploitantesoptèrent pour l’importation detravailleurs sous contrat dès lesannées 1880. Jusqu’au milieu du XXe

siècle, plusieurs dizaines de milliersd’hommes, que l’on nomma serviçais,allaient arriver dans l’archipel, enprovenance de la côte africaine(Bénin, Dahomey, Cameroun…) maisaussi des autres territoires et coloniesportugaises comme les îles du Cap-Vert, l’Angola, le Mozambique, etmême de Chine.

Ils représentaient en 1930 les deuxtiers des 54.000 habitants des îles.Peu d’entre eux eurent l’opportunitéde repartir dans leurs régionsd’origine mais certainescommunautés, comme celle descoolies de Macao s’établirent ensuitecomme commerçants dans les espacesurbains.

Les deux îles comptent aujourd’hui150.000 habitants, dont 43% ontmoins de vingt ans. Majoritairementcatholiques, ils sont aussi les héritiersde traditions africaines trèsenracinées. Ils parlent plusieurscréoles luso-africains. La langueofficielle reste le portugais.

"Serviçais" du Cap-Vert. L’ouvrage de Mantero se destinant à la défense des planteursface aux accusations internationales d’exploitation humaine, les portraits collectifs detravailleurs reflètent rarement la réalité des conditions d’existence de ces populations. Francisco Mantero, "La main-d’œuvre à São Thomé et à l’île du Prince", 1910Centre des Archives d’Outre-mer, Aix-en-Provence

Enfants de Sao Tomé - Crédit photographique ECOFAC.org. Consulat de Sao Tomé

UNEMOSAÏQUE

ETHNIQUEETCULTURELLE

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L’urbanisation de l’archipel suivit la traditiondes villes de l’Outre-mer portugais. L’empiremaritime se composait d’espaces côtiers etinsulaires, reliés par un réseau de ports et deroutes maritimes régulières.

Les premiers noyaux urbains insulairesapparurent vers le milieu du XVe siècle à Madèreet aux Açores. Surgie en 1485, la bourgade deSão Tomé fut élevée au rang de cidade (villecapitale) en 1535. Elle dominait alors l’archipelet une série de forteresses côtières, perdues auxXVIIe et XVIIIe siècles par les Portugais.La ville comptait environ 7000 habitantsà la fin du XVIIIe siècle.

São Tomé et sa rivale Santo António répondent àla forme architecturale traditionnelle des villes del’Atlantique portugais : elles suivent la courbe d’unebaie, au confluent d’une série de cours d’eau.

Les bâtiments officiels (douanes, bâtimentsmunicipaux, pilori…) s’alignaient le long de labaie et les rues perpendiculaires complétaientle maillage urbain.

Aucune muraille ne protégeait l’arrière-pays car ledanger venait presque toujours de la mer. Ces villesinsulaires de l’Atlantique étaient donc des structures ouvertes.

L’ÉPOQUEDES VILLES PORTUAIRES : SÃO TOMÉ

ET SANTO ANTÓNIO

Carte de la baie d’Ana Chaves et de la ville de São Tomé au XVIIIe siècle Fonds de l’Arquivo Histórico Ultramarino

Dessin de la baie d’Ana Chaves et de la villede São Tomé au début du XIXe siècle

Fonds de l’Arquivo Histórico Ultramarino

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Forteresse de São Sebastião (São Tomé)L’organisation de la défense des ports de l’Atlantique devintune nécessité dans les deux dernières décennies du XVIesiècle, pour répondre aux attaques persistantes des pirates etcorsaires européens. La protection des villes bâties sur desbaies reposa désormais sur la construction de deuxforteresses situées aux points extrêmes et équipées de canons.En croisant le feu, elles empêchaient la pénétration de naviresennemis. Celles de Sao Tomé et Principe, bâties et renforcées entre leXVIe et le XVIIIe siècle, révélèrent toujours des capacitésdéfensives insuffisantes et les îles furent régulièrement pilléeset rançonnées. Toutes ces forteresses sont aujourd’hui enruines à l’exception de la plus importante, São Sebastião.Construite entre 1566 et 1575, elle servit longtemps derésidence aux gouverneurs de l’archipel, mais aussi d’hôpitalet de refuge pour les habitants lors des attaques étrangères oudes esclaves révoltés. Restaurée dans les années 1960, elleabrite aujourd’hui un musée ethnographique.Francisco Mantero, "La main-d’œuvre à São Thomé et à l’île du Prince", 1910Fonds du Centre des Archives d’Outre-mer

L’ÉPOQUEDES VILLES PORTUAIRES : SÃO TOMÉ

ET SANTO ANTÓNIO

View of the Islandof St Thomas

Gravure anonyme - 1812Fonds de l’Arquivo Histórico Ultramarino

Panorama de la ville de São Tomé au début du XXe siècleFrancisco Mantero, "La main-d’œuvre à São Thomé et à l’île du Prince", 1910

Fonds du Centre des Archives d’Outre-mer

Le port de São Tomé dans laseconde moitié du XIXe siècleFonds de l’Arquivo Histórico Ultramarino

La ville de São Tomé dans laseconde moitié du XIXe siècleFonds de l’Arquivo Histórico Ultramarino

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L’ÉPOQUEDES VILLES PORTUAIRES : SÃO TOMÉ

ET SANTO ANTÓNIOEn 1753, dans le cadre d’uneréforme générale descapitales de l’Outre-mer,le marquis de Pombal,principal ministre du roidom José I, ordonna letransfert de la capitale versla modeste bourgade deSanto António (moins de4000 habitants), sur l’îlede Principe. La salubritédes lieux et l’excellence desdéfenses naturelles semblentêtre à l’origine de cettedécision. L’expérience setermina en 1852 avecle retour de l’autoritéadministrative et militaireà São Tomé.

Ville de Santo António - Caserne, douane et résidence du gouverneur Gravure du XIXe siècle - Fonds de l’Arquivo Histórico Ultramarino

Ville de Santo António Rue principale,églises paroissiale et de la miséricordeGravure de 1869 - Fonds de l’Arquivo Histórico Ultramarino

Santo António dans la premièremoitié du XIXe siècle

Francisco Mantero, "La main-d’œuvre à São Thomé et à l’île du Prince", 1910Fonds du Centre des Archives d’Outre-mer

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Dès la fin du XVe siècle, les Portugais souhaitèrentcroiser les espèces végétales de leurs territoiresd’Outre-mer afin d’assurer le ravitaillementalimentaire de leurs colonies et de leurs navires.Les trois continents qui bordent l’Atlantiquefournirent alors aux espaces insulaires, les seuls àposséder des climats et micro-climats de transition,les plantes nécessaires à la construction d’uneagriculture productive.

Les oiseaux venus du continent africain amenèrentles premières graines de céréales et autres végétauxcomestibles. A leur tour, les esclaves venus du Congoet du Bénin apportèrent les premières racinesd’igname, qui allait devenir la base de l’alimentationdes autochtones dès le début du XVIe siècle.

L’Europe fournit à la même époque la canne à sucre,les agrumes, céréales et légumes traditionnels commela fève, le chou, la laitue… qui se répandirent ensuiteau Brésil. Madère, la côte africaine, l’Inde et même leMoyen-Orient fournirent les multiples variétés debananes, mangues, palmiers et cocotiers qui furenteux aussi, par la voie de Sao Tomé, naturalisés auBrésil.

Malgré une politique d’essais encouragée par lacouronne et relayée par les grands négociants desîles, aucune production notable ne parvint àremédier au déclin de la canne à sucre entre le XVIIe

et le XIXe siècles. On tenta pourtant d’y acclimater lepoivre, la cannelle, le thé, le café, espèces d’origineasiatique, mais aussi le tabac, plante américaine quireprésentait alors une des principales monnaiesd’échange dans les réseaux de traite négrière.

La solution vint du Brésil. Les premiers arbustesde café arrivèrent en 1822, en provenance de Riode Janeiro. La café allait représenter la principaleressource de Sao Tomé et Principe au XIXe siècle etl’Angola développa plus tard sa production à partirdes plants insulaires.

Arbre issu de la forêt équatoriale brésilienne, lecacaoyer allait lui aussi remarquablement s’adapterdans l’archipel à partir de la seconde moitié du XIXe

siècle.

LEJARDIND’ACCLIMATATION

DE L’EMPIRE

Fruits de l’archipelCrédit photographique ECOFAC.org. Consulat de Sao Tomé

Fèves de cacaoCrédit photographique ECOFAC.org. Consulat de Sao Tomé

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Le cacao pouvant s’acclimater jusqu’à une altitude de800 mètres, sa culture entraîna la déforestation des îles,la constitution de grandes propriétés agricoles (les roças),

et la construction de routes et voies ferrées liantla côte et l’intérieur.

Sa culture allait rapidement supplanter le café àpartir des années 1870. Des modestes 92 tonnesexportées au cours de cette décennie, les îlesévoluèrent de manière exponentielle vers le rangde premier exportateur mondial en 1905, avec23 millions de tonnes embarquées.

La Grande-Bretagne, par la voie de la sociétéde William Cadbury, achetait un tiers de cetteproduction. Les Français, les Allemands etles Américains figuraient aussi parmi lesprincipaux clients.

Une maladie des plants provoqua dans lesannées 1920 une spectaculaire chute de la

production, qui atteignait à peine 9000 tonnes en1930. Mais l’archipel restait encore en 1960 une des

provinces d’outre-mer les plus rentables

pour l’Etat portugais.

Francisco Mantero, "La main-d’œuvreà São Thomé et à l’île du Prince", 1910

Fonds du Centre des Archives d’Outre-mer

Francisco Mantero, "La main-d’œuvre à São Thomé et à l’île du Prince", 1910Fonds du Centre des Archives d’Outre-mer

Ancienne Roça de Porto AlegreLa roça représentait une entité autonome, isolée du monde par de hautes palissades ou par la mer. Elle subsistait presque en autarcie puisqu’on y pratiquait aussi l’agriculture de subsistance, l’élevageet l’artisanat rural. Dans ces véritables prisons d’où le travailleur ne pouvait s’absenter qu’avecl’autorisation du maître, l’imposante taille des hôpitaux témoignait de l’effroyable mortalité due auxterribles conditions de vie, aux mauvais traitements, aux insuffisances alimentaires et aux épidémies.Il y avait en 1906 environ 250 roças et près de 40.000 serviçais dans l’archipel. Crédit photographique ECOFAC.org. Consulat de Sao Tomé

Carte des Roças de Sao ToméHenri Navel, "Les principaux ennemis

dans le cacaoyer – îles de Sao Thomé et Principe", 1935Fonds du Centre des Archives d’Outre-mer

ENFERET PARADIS

DU CACAO

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ENFER ETPARADIS

DU CACAOPlus que toutes les précédentes culturesd’exportation, le cacao entraîna une évolutionsociale et économique traumatisante pour lapopulation.

De fait, jusqu’au début du XIXe siècle, les terresdes îles appartenaient en grande majorité àl’Eglise ou à l’Etat, qui les cédaient volontiersaux autochtones sous forme de concessions.

Au cours du XIXe siècle, les élites locales, déjàenrichies par le commerce négrier, investirentdans la culture du café, puis du cacao, ens’appropriant une grande partie des terres déjàaux mains des Angolares et des petitspropriétaires. Les autorités coloniales neréagirent pas contre ces formes de violence.

Mais ces planteurs autochtones allaient à leurtour se voir dépossédés de leurs propriétés par desinstitutions bancaires portugaises auxquelles ils avaient faitappel pour développer leurs propriétés et importer de lamain-d’œuvre. Les roças ainsi saisies furent revendues à descolons européens ou à des compagnies privés.

On assistait à la fin du XIXe siècle à une re-colonisation del’espace, avec l’émergence d’une puissante classe deplanteurs blancs et l’arrivée massive de travailleurs souscontrat, dont les conditions de vie ne différaient guère decelles des esclaves qui les avaient précédés. Elites et classespopulaires autochtones perdaient ainsi le contrôle social etéconomique des îles et se retrouvaient marginalisées.

Pour l’ensemble de ces raisons, le cacao, symbole desouffrance humaine et de présence coloniale, n’a jamaisintégré les traditions culinaires insulaires. Il n’y existe doncaucune technique de fabrication du chocolat, malgré lapersistance actuelle d’une petite production nationale.

Francisco Mantero, "La main-d’œuvre à São Thomé et à l’île du Prince", 1910Fonds du Centre des Archives d’Outre-mer

Francisco Mantero," La main-d’œuvre à São Thomé et à l’île du Prince", 1910Fonds du Centre des Archives d’Outre-mer

Francisco Mantero,"La main-d’œuvre àSão Thomé et àl’île du Prince", 1910Fonds du Centre desArchives d’Outre-mer

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D’après José Manuel Fernandes, architecte spécialiste dupatrimoine colonial portugais, les multiples roças del’archipel présentent aujourd’hui une valeur artistiqueincontestable et témoignent de l’évolution de l’aménagementdu territoire. Edifiées majoritairement à la fin du XIXe siècle,elles ont constitué la base du processus d’urbanisation dulittoral et de l’intérieur.

La roça était à la fois un lieu de résidence et de production,relié à la fois aux espaces d’exportation et aux principauxnoyaux urbains de l’île. Outre les routes, les roças les plusimportantes disposaient de leur propre quaid’embarquement ainsi que d’un système ferroviaire (privé)qui utilisait des voies étroites destinées aux wagonnets detransport de marchandises. Il passait par un paysage escarpéet sinueux de vallées et de collines. Seul moyen d’accès auxespaces agricoles les plus abrupts, ce réseau a disparu aprèsl’indépendance de 1975.

En tant qu’unité de production, la roça construisait un espacecollectif et des structures fonctionnelles adaptées aux formes lesplus modernes de l’exploitation agraire. Lieu de résidence pourpatrons et employés, elle répondait au besoin d’atténuerl’isolement insulaire, le dur climat équatorial et l’environnementforestier local. Elle créait ainsi un véritable espace urbanisé,édifié et architectural.

Au centre se trouvait le terreiro, vaste place généralement rectangulaire et ouverte,dont les dimensions pouvaient varier en fonction de l’importance de la plantation.Le terreiro constituait naturellement le centre des liaisons entre tous les autreséléments et constructions.

Autour du terreiro, on trouvait la maison du propriétaire (dans un lieu généralementprivilégié avec une vue dégagée). Elle exhibait les goûts architecturaux de sa culture(portugaise ou étrangère). On la bâtissait généralement avec des matériaux propres au" chalet " : bois apparent dans le revêtement extérieur, toitures très inclinées etcouvertes d’une chape métallique industrielle ou de tuile de type marseille, vastesvérandas vitrées en prolongement des toits (lesquelles reposaient sur des piliers enbois ou en métal). Originaire du centre et du nord de l’Europe, ce type de chaletjustifiait sa présence non seulement par un effet de mode mais aussi par sonexcellente adaptation aux régimes climatiques de forte pluviosité. Il bénéficiait enfinde l’existence de lignes maritimes régulières entre l’archipel et l’Europe, lesquellespermettaient d’importer tous types de matériaux de construction pré-fabriqués.

ARCHITECTUREET PATRIMOINE :

LES ROÇAS

Maison du propriétaire de la Roça Boa Entrada (île de Sao Tomé)Crédit photographique : José Manuel Fernandes

Carte montrant l’implantation de laRoça Boa Entrada (île de Sao Tomé)

et le réseau ferroviaire quila reliait au port - 1952

Fonds de l’ Arquivo Histórico de São Tomé e PríncipeCrédit photographique : José Manuel Fernandes

Véranda de la maison du propriétaire de laRoça Porto Real (île de Principe)

Crédit photographique : José Manuel Fernandes

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La Roça disposait aussi d’infrastructures et équipements très modernespour l’époque. On y trouvait un hôpital, une école primaire, une chapelle,des résidences de travailleurs - généralement des regroupements demaisons basses alignées en files parallèles (une typologie identique à celledes villes ouvrières de la métropole portugaise), des petits chalets pour les

techniciens et les cadres, des écuries, des magasins, des aires deséchage (sequeiros), un portique d’entrée…

ARCHITECTUREET PATRIMOINE : LES ROÇAS

Ces anciennes roças présententaujourd’hui un véritablepotentiel de mise en valeur duterritoire car on pourrait lesrénover pour des fins scolaires,sanitaires ou économiques.Elles conviennent en effet auxdiverses formes de tourisme(plage, forêt, culture, éco-

tourisme….). Il existeactuellement des projets deréhabilitation dans le cadred’une adaptation autourisme d’habitation.Un retour à leur anciennefonction de productionn’est pas exclu.

Ancien Hôpital de la Roça Rio do Ouro après restaurationCrédit photographique : José Manuel Fernandes, 2001

Chalets des technicienset cadres d’une roça de Sao Tomé

Crédit photographique ECOFAC.org. Consulat de Sao Tomé

Portique d’entrée de laRoça Belo Monte (île de Principe)

Crédit photographique : José Manuel Fernandes, 2001

Francisco Mantero, "La main-d’œuvre à São Thomé et à l’île du Prince", 1910Fonds du Centre des Archives d’Outre-mer

Francisco Mantero, "La main-d’œuvre à São Thomé et à l’île du Prince", 1910Fonds du Centre des Archives d’Outre-mer

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Àgua Izé symbolise à elle seule le modèlede la roça du XIXe siècle et le destin

des élites autochtones.

A l’origine de sa création, ontrouve João de Sousa e Almeida,métis descendant de Brésiliens.Il commença sa carrièrecomme négociant d’esclavesen Angola.En 1845, au moment où legouvernement métropolitaincommençait à interdire letrafic négrier, il obtint de cedernier la concession de ÁguaIzé à l’est de l’île de Sao Tomé.Il y développa avec succès laproduction de café et reçut

une reconnaissance officielle sous forme de lettres denoblesse : la baronnie d’Água Izé. Il était à la date deson décès, en 1869, l’homme le plus influent del’archipel.

Mais dans les années qui suivirent, ses héritiers, trèsendettés auprès des banques de Lisbonne, perdirentleur roça, qui fut postérieurement revendue par cesdernières à la Companhia da ilha do Príncipe.

João de Sousa e Almeida avait légitimé les enfantsissus de ses unions avec plusieurs serviçais africaines.Parmi eux, Jacinto Carneiro de Sousa e Almeida reçutune éducation universitaire en métropole et revints’installer à Sao Tomé en 1868. Il subit simultanémentla perte d’Àgua Izé et l’hostilité des autorités locales

envers les élites locales. Réfugié dans le sud de l’île,il défricha et s’appropria par la violence une partiedes terres fertiles, créant ainsi plusieurs grandes roças.Protégé par le gouvernement métropolitain, il reçutle titre de vicomte de Malanza et représenta l’archipeldans les grandes expositions internationales.Il mourut en 1904 à Lisbonne, complètement ruiné,comme la quasi-totalité des grands planteursautochtones des îles.

ARCHITECTUREET PATRIMOINE :

LA ROÇA D’AGUA IZÉ

Le premier baron de Água IzéCrédit photographique :

José Manuel Fernandes, 2001

Francisco Mantero,"La main-d’œuvre

à São Thomé età l’île du Prince", 1910Fonds du Centre desArchives d’Outre-mer

Cocoteraie de la roça d’Água IzéGravure de la fin du XIXe siècle - Fonds de l’Arquivo Histórico Ultramarino

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ROÇA,SERVIÇAIS

ET COLONIALISMEDANS LE PATRIMOINE

LITTÉRAIRE

SócópéOs verdes longos da minha ilhasão agora a sombra do ocáNévoa da vida,nos dorsos dobrados sob a carga(copra,café ou cacau – tanto faz).

Ouço os passos do ritmocalculado do sócópé,os pés-raizes-da-terraenquanto a voz do coroinsiste na sua queixa(queixa ou protesto – tanto faz).

Monótona se arrastaaté explodirna tal ânsia da liberdade.

Maria Manuela Margarido

Planter ses piedsLes Vertes longueurs de mon îlesont à présent l’ombre de l’ocábrouillard de la vie,Sur mes dos courbés sous le poids(coprah,café ou cacao – qu’importe).

J’entends les pas rythmésbien comptés du Sócópé,les pieds-racines-de-la-terretandis que les voix en chœurpersistent dans leur plainte(plainte ou protestation - qu’importe).

Elles se traînent, monotonesJusqu’à l’explosionDans cette quête éperdue de liberté.

Poetas de São Tomé e Príncipe, 1963

Avó MarianaAvó Mariana, lavadeiraDos brancos lá da FazendaChegou um dia de terras distantesCom o seu pedaço de pano na cinturaE ficou.Ficou a Avó MarianaLavando, lavando, lá na roçaPintando seu jessuà porta da senzalaLembrando a viagem dos seus campos de sisal ;Num dia sinistro p’ra ilha distanteOnde a faina do trabalhoapagou a lembrançados bois, nos óbitoslà no Cubal distante.

Avó Mariana chegoue sentou-se à porta da senzalae pintou o seu jessulavando, lavandonuma barreira de silêncio.

Os anos escoaramlá na terra calcinante.

- " Avó Mariana, Avó Marianaé a hora de partir.Vai rever teus campos extensosDe plantações sem fim ".

- Onde é a terra di gente ?velha vem, não volta mais…Cheguei de muito longe,anos e anos aqui no terreiro…Velha tonta, já não tem terravou ficar aqui, minino tonto ".

Avó Mariana, pintando seu jessuna soleira do teu beco escuro,conta Avó Velhinhateu fado inglório,Viver, vegetarà sombra dum terreiro, não contarás a tua história.

Avó Mariana, velhinha minha,pintando o seu jessuna soleira da porta da senzalanada dirás do teu destino…Porque cruzaste mares, avó velhinha,e te quedaste sózinhapintando teu jessu ?

Alda do Espírito Santo

Grand-mère MarianaGrand-mère Mariana, blanchisseusedes blancs de la FazendaArriva un jour, venue de terres lointainesson pagne noué à sa tailleEt elle resta là.Grand-mère Mariana restalavant sans cesse, là-bas dans la plantationfumant sa pipe en terredevant la case des nègresse souvenant du départ de ses champs de sisal ;Un jour sinistrevers l’île lointaineoù les journées de travaileffacèrent le souvenir des bœufs, au milieu des décèslà-bas, dans le Cubal lointain.

Grand-mère Mariana arrivaelle s’assit devant la case des nègreset fumant sa pipe en terrelavant sans cesse plongée dans une barrière de silence.

Les années s’écoulèrentlà-bas sur la terre calcinée.

- " Grand-mère Mariana, Grand-mère Marianail est l’heure de partirVa revoir tes vastes champsde plantations sans fin. "

- " Où est notre pays ?ceux qui viennent, n’y retournent pas…Je suis venue de très loin,depuis des années, je suis là…Une vieille gâteuse n’a plus de paysje vais rester ici, mon petit bêta. "

Grand-mère Mariana, fumant sa pipe en terreau seuil de ton impasse obscure,raconte, vieille grand-mèreton destin sans gloire.Vivre, vivoterdans la plantation,tu ne raconteras pas ton histoire.

Grand-mère, ma petite vieille,fumant sa pipe en terreAu seuil de la case des nègrestu ne diras rien sur ton destin…Pourquoi as-tu traversé les mers, vieille grand-mèreet t’es-tu retrouvée seulefumant ta pipe en terre ?

Poetas de São Tomé e Príncipe, 1963

No mesmo lado da canoaAs palavras do nosso diasão palavras simplesclaras como a água do regato,jorrando das encostas ferruginosasna manhã clara do dia a dia.

E assim que eu te falo,meu irmão contratado numa roça de cafémeu irmão que deixas teu sangue numa ponteou navegas no mar, num pedaço de ti mesmoem luta com o gandúMinha irmã, lavando, lavandop’lo pão dos teus filhos,Minha irmã vendendo caroçona loja mais próximap’lo luto dos teus mortos,minha irmã conformadavendendo-se por uma vida mais serena,aumentando afinal as suas penas.

E para vós, irmãos, companheiros da estradaO meu grito de esperançaconvosco eu me sinto dançandoNas noites de tunaEm qualquer Fundão, onde a gente se junta,Convosco irmãos, na safra do cacau, convosco ainda, na feira,Onde o izaquente e a galinha vão render dinheiro.Convosco, impelindo a canoa p’la praia,Juntando-me convosco,em redor do voador panháJuntando na gamelaVoadô travessáA dez tostões.

Mas as nossas mãos milenáriasseparam-se na areia imensadesta praia de S. João,porque eu sei, irmão meu, tisnado como eu,p’la vida,Tu pensas, irmão da canoa,Seu destino marcaA luz dessa graçaO porvir abarca :Eis nova a História,-Preia-mar de glória !‘Stuário de IdadesOnde as claridadesDe todos os céusFulgirão em graça,Em sol que seduz,Ela olha os incréus…Jeová lhe traçaA rota de estrela,A rota de luz :Seguirá por ela !

Maria Manuela da Conceição CarvalhoMargarido

Ramer ensembleLes mots de nos journéessont des mots simples,clairs comme de l’eau de source,jaillissant des escarpes ferrugineusesDans le clair matin du quotidien.

C’est ainsi que je te parle,Mon frère travailleur dans les plantations de caféMon frère qui laisses ton sang sur un pontOu bien qui navigues sur la mer, flottant sur un morceau fait de ta chairluttant contre le Gandú. Ma soeur qui laves sans cessePour gagner le pain de tes enfants,Ma soeur qui vends du lupinDans le magasin le plus prochePour pouvoir enterrer tes morts,ma soeur résignéequi se vend en échange d’une vie plus sereine,et finit par aggraver ses peines.

Mon cri d’espéranceest pour vous, mes frères, mes compagnons de routeavec vous je me sens danserDans les nuits de fêteDans un coin quelconque, où l’on s’assemble,Avec vous aussi, au marché,Où le izaquente et les pouletsvont être bien vendus.Avec vous, poussant la barque vers la plage,Me joignant à vousAutour du repasEntassant notre repasdans la gamelleà dix sous.

Mais nos mains millénairesse séparent dans le sable immenseDe cette plage de S. João,car je sais, mon frère, noirci comme moi,par la vieCe à quoi tu penses, frère embarqué sur le même bateau,Son destin marquépar la lumière de cette grâceQui entame l’avenir :Voici le renouveau de l’Histoire,Marée montante de la gloire !Estuaire des âgesoù les clartésde tous les cieuxBrilleront dans la grâce,dans le séduisant soleilelle contemple les sceptiques…Jéhovah lui traceLa route de l’étoileLa route de lumière :C’est par là qu’elle s’en ira.

No mesmo lado da Canoa, 1935

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Des fêtes traditionnelles – véritablethéâtre de rue - perpétuent le souvenirdes combats de la Reconquêtechrétienne contre les Maures quioccupèrent pendant sept siècles unegrande partie de la Péninsule ibérique.La mise en scène de luttes simuléesentre groupes rivaux est aussi connue enEspagne qu’au Portugal, en AmériqueLatine que dans l’île de Príncipe. Et,parce que les personnages s’appellentCharlemagne, Roland ou Olivier,célèbres Pairs de France, certains croienty voir un ‘authentique héritagemédiéval’ conservé dans une ‘pure’oralité mythique, à l’écart de l’école etdu savoir dit savant. L’Auto da Floripesest présenté chaque année sur l’île dePríncipe sous le nom de Cultura de SãoLourenço. Initialement fête religieuse enhommage à saint Laurent, fêté le 10 oule 15 août, la fête est un métissage decroyances et de traditions. L’argument,les personnages et l’action manifestentun lien narratif étroit avec la célèbreHistória do Imperador Carlos Magno,adaptation en espagnol par Nicolas dePiamonte (1525) de La Conqueste dugrand roy Charlemagne… puis traduit enportugais en 1728 et constammentréédité par la suite, au Portugal commeau Brésil.

Les ‘armées’ des Chrétiens et des Maures[ou Turcs] occupent les rues de Príncipedès le début du spectacle. " La chrétienté,en vérité, ne possède qu’un petit bout derue, dont le revêtement est en mauvaisétat, devant l’église et le château deCharlemagne. Pour le reste, tout estsarrazin et no man’s land. " Le peuplebouge et circule de la Turquie àMormionda, le territoire chrétien. Il suitles troupes et affirme ses préférencesavec ses pieds : " A mon avis, les genspréfèrent les Maures. Les Maures sont enrouge, une chose vivante, qui vous appelle.Le Bleu, des Chrétiens, évoque des chosesplus tranquilles […] Les Chrétienss’occupent plutôt de Dieu, de prière, de laBible et puis c’est tout. Le Maure est unecréature de Lucifer, du Diable. C’est unechose vivante, qui réveille. Et tous les gensle suivent. " Après échangesd’ambassades, défis, combat singulier deleurs chevaliers et force invectives, le roiturc, Balão, et Charlemagne s’affrontentavec leurs armées en une bataille àl’issue de laquelle les Turcs sont vaincuset faits prisonniers. Brutamontes - dontle nom provient de Rodamontes,personnage originaire de Orlandoinnamorato, cité par Camões dans OsLusíadas, " brutal comme les montagnes ",joue un rôle d’intermédiaire entrel’action et le public, comme les bobosqui, masqués, sont à la fois personnageset "policiers" de la représentation,semant parfois le désordre mais sansperdre le contrôle de la rue et de la fête,qui s’achève par une course folle danstoute la ville, une grande vague dansantet chantant : " Ai, ai, ai, minhamachadinha ".

Qui est Floripes, cette femmemystérieuse qui parvient à dépasser lagloire des Douze Pairs et deCharlemagne lui-même pour s’imposercomme héroïne, au point de donner sonnom à la pièce ? Lorsque Olivier est faitprisonnier et que, selon la logiquemilitaire, les Chrétiens sont perdus, "seul un miracle peut sauver Charlemagne

et la chrétienté. Ce miracle s’appelleFloripes " . Miracle, certes, mais fondésur une transgression puisque Floripesrenie les siens, désobéit à son père et tuepour l’accomplir.

Au-delà de la fête même, la FloripesNoire reste la reine de son royaumeimaginaire pendant une année, jusqu’àla prochaine représentation de l’Auto, oùPríncipe se choisira une nouvelle reine.Elle doit aussi rester sage, sinon chaste,sous peine d’attirer le mauvais sort sur lacommunauté. C’est bien un culte qui secélèbre à Principe, un culte identitaire,communautaire, qui fait de Floripes ungage de permanence et de sécurité dansun monde changeant. Que l’humanité sereconnaisse dans cet Auto, qui aspire àêtre inscrit au registre du patrimoineimmatériel de l’UNESCO, et qu’elle yretrouve les accents d’un âge lointain,peut être souhaitable, à condition qu’ilne cesse jamais d’appartenir pleinementà ce peuple qui le chante et le danse,pour le faire revivre chaque année, car sile texte et les costumes sont européens…tout le reste est africain.

Idelette Muzart

Ferrabráz (Fier-à-bras), fils de l’Empereur Balão et roid’Alexandrie (vêtu de rouge) affronte en combat singulier lachevalier Olivier (vêtu de bleu et or), héraut de l’empereurCharlemagne et des Chrétiens. La lutte a pour but de vaincreet de convaincre : elle aboutit à la conversion de Ferrabraz.Crédit photographique : José Manuel Fernandes, 2001

La belle Floripes domine la fête du haut de l’estrade,ornée de rouge, qui figure le palais de l’Empereur Balão,

protégé par ses soldats. Par amour pour l’un des Pairsde France, Floripes permet à Olivier de s’échapper

et rejoint avec lui le camp de Charlemagne.Crédit photographique : José Manuel Fernandes, 2001

PATRIMOINEORAL:

CHARLEMAGNEEN AFRIQUE