Les réformes sociales Hartz IV à l'heure de la rigueur en Allemagne

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  • 8/13/2019 Les rformes sociales Hartz IV l'heure de la rigueur en Allemagne

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    Les rformes sociales Hartz IV

    lheure de la rigueur en Allemagne

    ______________________________________________________________________

    Brigitte Lestrade

    Juin 2010

    Comit dtudes des relations franco-allemandes

    NNootteedduuCCeerrffaa7755

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    LIfri est, en France, le principal centre indpendant de recherche,dinformation et de dbat sur les grandes questions internationales. Cr en1979 par Thierry de Montbrial, lIfri est une association reconnue dutilitpublique (loi de 1901).

    Il nest soumis aucune tutelle administrative, dfinit librement ses activits etpublie rgulirement ses travaux.

    LIfri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans une dmarcheinterdisciplinaire, dcideurs politiques et experts lchelle internationale.Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), lIfri simpose comme un desrares think tanksfranais se positionner au cur mme du dbat europen.

    Les opinions exprimes dans ce texte

    nengagent que la responsabilit de lauteur.

    Cette Note du Cerfaest publie avec le soutiendes ministres des Affaires trangres allemand et franais.

    Directeurs de collection : Louis-Marie Clouet, Hans Stark

    ISBN : 978-2-86592-727-2 Ifri2010Tous droits rservs

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    Notes du Cerfa

    Publie depuis 2003 un rythme mensuel, cette collection estconsacre lanalyse de lvolution politique, conomique et socialede lAllemagne contemporaine: politique trangre, politiqueintrieure, politique conomique et questions de socit. Les Notesdu Cerfasont des textes concis, caractre scientifique et de nature policy oriented . Envoyes gratuitement plus de 2 000 abonnssous forme lectronique, linstar des Visions franco-allemandes, les

    Notes du Cerfasont accessibles sur le site Internet du Cerfa, o ellespeuvent tre consultes et tlcharges gratuitement.

    Dernires publ ic ation s du Cerfa

    Christoph Egle, Lavenir des Verts allemands: vers un particharnire ? , NdC 74, Note du Cerfa, n 74, mai 2010

    Christian Meier, Le partenariat conomique Allemagne-Russie : une interdpendance assume , Note du Cerfa, n 73,

    avril 2010Helmut Becker, Crises et dfis de lindustrie automobile

    allemande , Note du Cerfa, n 72, mars 2010

    Reiner Klingholz, Stephan Sievert, Le dcrochagedmographique France-Allemagne , Visions franco-allemandes,n 16, janvier 2010

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    Auteur

    Brigitte Lestrade est professeur des Universits, professeur decivilisation allemande contemporaine luniversit de Cergy-Pontoise, directrice du dpartement dtudes germaniques, etdirectrice du master professionnel Traduction daffaires et dumaster de recherche Enjeux internationaux .

    Elle est par ailleurs chercheur au Centre de RechercheCivilisations et Identits Culturelles Compares des SocitsEuropennes et Occidentales (CICC), responsable de laxe derecherche : tude compare des enjeux et mcanismes de rgulationsocio-conomique et de gouvernance politique et sociale dans lessocits dveloppes.

    Ses recherches portent principalement sur les aspectsconomiques, sociologiques et culturels de lAllemagne contem-poraine, plus particulirement sur lvolution du monde du travail.

    Parmi ses derniers ouvrages publis figurent :

    Emploi et immigration. Vers une convergence des pratiquesen Europe ?(dir.), ditions LHarmattan, 2009

    Cultures croises Japon-France, Un regard sur les dfisactuels de notre socit, (dir.), ditions LHarmattan, 2008

    Lemploi des seniors. Les socits europennes face auvieillissement de la population active (dir.), ditions LHarmattan,2006.

    Les femmes et le travail. Axes dmancipation (BrigitteLestrade, Sophie Boutillier, dir.), ditions lHarmattan, 2004.

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    Rsum

    Le dbat autour de Hartz IV, le dispositif daide aux chmeurs delongue dure introduit par le gouvernement de Gerhard Schrder en2005, na jamais rellement cess, se nourrissant du constat delcart croissant entre bas et hauts revenus et, partant, de la craintedu dclassement prouve par un nombre important de salaris.

    Mais il a t relanc avec force au dbut de lanne 2010quand la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, dans un verdict attenduavec impatience, a jug le 9 fvrier que ce systme daides socialespour les plus dmunis ntait pas compatible avec la loi fondamentaleallemande qui garantit le droit une existence digne , selon ladclaration de son prsident de lpoque, Hans-Jrgen Papier. Sansexiger expressment un relvement des allocations, les juges deKarlsruhe ont donn jusquau 31 dcembre 2010 au gouvernementpour mettre fin aux incohrences de la loi Hartz IV.

    Cinq ans aprs lentre en vigueur de la loi Hartz IV, le verdictde la Cour constitutionnelle offre loccasion de sinterroger sur lesrsultats de la rforme mesurs laune des attentes, sur les insuf-fisances constates et les pistes explorer pour faire face la

    croissance dun segment du march de lemploi au carrefour duchmage, de la prcarit et des bas salaires.

    Les rponses sont dautant plus difficiles formuler que larevalorisation des allocations suggre par la Cour de Karlsruhe seradifficile financer, alors que le gouvernement allemand souhaiteraffirmer une politique de rigueur budgtaire.

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    Sommaire

    INTRODUCTION................................................................................... 5

    LE VERDICT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE DE KARLSRUHE............. 6

    LES BENEFICIAIRES DE HARTZ IV,UNE POPULATION MULTIFORME......... 8

    DEUX GROUPES PARTICULIERS DE BENEFICIAIRES:LES AUFSTOCKER ET LES FAMILLES MONOPARENTALES.....................11

    HARTZ IV,UN PROBLEME DE PLUS POUR LE GOUVERNEMENT ...............15

    QUELLES SOLUTIONS POUR REFORMER HARTZ IV ? ............................17

    INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES ........................................................21

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    Introduction

    Le dbat autour de Hartz IV, le dispositif daide aux chmeurs delongue dure introduit par le gouvernement de Gerhard Schrder en2005, na jamais rellement cess, se nourrissant du constat delcart croissant entre bas et hauts revenus et, partant, de la craintedu dclassement prouve par un nombre important de salaris.Mais il a t relanc avec force au dbut de lanne 2010 quand laCour constitutionnelle de Karlsruhe, dans un verdict attendu avec

    impatience, a jug le 9 fvrier que ce systme daides sociales pourles plus dmunis ntait pas compatible avec la loi fondamentaleallemande qui garantit le droit une existence digne , selon ladclaration de son prsident de lpoque, Hans-Jrgen Papier. Sansexiger expressment un relvement des allocations, les juges deKarlsruhe ont donn jusquau 31 dcembre 2010 au gouvernementpour mettre fin aux incohrences de la loi Hartz IV.

    Le dbat autour de cette loi destine flexibiliser le marchde lemploi en fusionnant laide sociale et la llocation chmage longuedure et en durcissant les conditions dindemnisation des chmeurssoulve des questions complexes : comment viter laccroissementde la pauvret dans la population, notamment celle des enfants ?Comment instaurer un systme qui, dun ct, ne cantonne pas lesbnficiaires de Hartz IV dans la dpendance financire, mais, delautre, ne dcourage pas les travailleurs accepter un emploifaiblement rmunr ? Quelle gouvernance prvoir pour un systmequi cote cher au contribuable, mais qui est peru comme unemachine crer la pauvret par les bnficiaires ? Comment, enfin,rformer ce systme sans quil perde son intrt initial, inciter leschmeurs reprendre rapidement un emploi rmunr ?

    Cinq ans aprs lentre en vigueur de la loi Hartz IV, le verdictde la Cour constitutionnelle offre loccasion de sinterroger sur lesrsultats de la rforme mesurs laune des attentes, sur les insuf-

    fisances constates et les pistes explorer pour faire face auphnomne de la croissance dun segment du march de lemploi quiest au carrefour du chmage, de la prcarit et des bas salaires.

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    Le verdict de la Courconstitutionnelle de Karlsruhe

    Si les juges de la Cour constitutionnelle ont critiqu plusieurs aspectsde la loi Hartz 4, cest surtout le mode de calcul des allocations pourles chmeurs de longue dure qui a retenu lattention du public 1. Lesplaintes des trois familles lorigine du verdict, qui ont travers toutesles instances des tribunaux sociaux avant daboutir Karlsruhe,

    portaient essentiellement sur linsuffisance des allocations versesaux enfants, car elles ne couvraient pas, selon elles, leurs besoinsspcifiques. Les aides verses aux allocataires sont calcules selonun barme trs prcis, qui a lambitionde prendre en considrationlensemble des besoins dune personne adulte, ce qui donne unesomme globale de 359 en 2010 par mois, compare 345 en2005 lors de son entre en vigueur. Pour les enfants, lallocation estcalcule sur la base de la somme verse pour un adulte. Ainsi, pourun enfant de moins de 6 ans, lallocation est de 60 % (215), entre 6ans et moins de 14 ans de 70 % (251) et pour ceux entre 14 et 18de 80 % (287). Le mode de calcul appliqu par le gouvernement neprend pas en considration les besoins spcifiques des enfants, tels

    que le changement plus frquent des vtements et des chaussures,les activits scolaires et culturelles ou les produits dhyginencessaires aux bbs.

    Selon le verdict de la Cour constitutionnelle, le gouvernementtait parfaitement en droit de crer une allocation taux fixe, dont lemontant en soi ntait pas considr comme manifestementinsuffisant sachant que Hartz IV prvoit en sus le financement duloyer et des frais de chauffage, mais le calcul devait tre revu dansun procd transparent et conforme aux ralits, selon les besoinsconcrets, notamment en ce qui concerne les enfants. Les prestationsdevaient tre fixes sur la base de chiffres fiables et de modes de

    calculs pertinents, justifis de faon crdible. Dans lattente de la

    1Le systme de pilotage du dispositif Hartz IV est galement point du doigt par lesjuges de Karlsruhe. Lors de la mise en place de la rforme, le gouvernement, unecoalition SPD/Verts, et lopposition chrtienne-dmocrate, nont pas russi semettre daccord sur qui, de lAgence fdrale pour lemploi, favorise par legouvernement, ou des communes, prfres par la CDU, devait en assurer la miseen place et le pilotage. Le compromis trouv lagence pour lemploi soccupant delinsertion dans le march de lemploi et les communes de la gestion sociale nesatisfait pas la Cour constitutionnelle qui exige une responsabilit unique pour leschmeurs de longue dure.

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    rforme du mode de calcul prvue pour la fin de lanne 2010, lerglement actuel reste valable. En attendant la refonte du systme, laCour constitutionnelle est revenue sur une autre particularit : avant2005, les chmeurs de longue dure pouvaient faire valoir desbesoins sortant de lordinaire, tels que des quipements mnagers,des voyages scolaires, etc., pour lesquels ils obtenaient des fondssupplmentaires ; lallocation Hartz IV, considre comme couvrantlensemble des besoins tant des adultes que des enfants, necomprenait aucun versement complmentaire. Or, les juges deKarlsruhe ont jug que cette disposition tait galement contraire audroit fondamental une existence digne et ont accord aux bn-ficiaires de Hartz le droit de faire valoir des besoins spcifiquesncessitant des prestations complmentaires, si elles sont nces-saires au maintien dune existence digne.

    Le gouvernement Merkel, qui sattendait ce que son systme soitinvalid par la Cour constitutionnelle, na toutefois pas attendulannonce du verdict pour y apporter des modifications. La plus impor-tante concerne la part de patrimoine quun chmeur a le droit deconserver notamment en vue de sa future retraite avant depouvoir bnficier de lallocation Hartz IV. Au dbut de lanne 2010,le gouvernement a tripl le montant du patrimoine rservataire, leportant de 250 par anne de vie 750, ce qui permet parexemple un chmeur de 40 ans de percevoir son allocation tout enconservant 30 000 dconomies. Une semaine aprs lannonce duverdict, le gouvernement a fait un premier pas vers une transfor-mation du systme dans le sens souhait par Karlsruhe, en tablis-sant un catalogue de cas qui permettraient un bnficiaire de HartzIV de faire valoir des besoins supplmentaires (Hrtefallregelung).Celui-ci comprend notamment les mdicaments non remboursablespour certaines affections prcises, la rmunration daides mna-gres pour personnes handicapes, des cours particuliers dans dessituations exceptionnelles et passagres, voire les cots induits par lemaintien de contacts avec les enfants vivant avec le partenairespar. Mises part ces dpenses dj dcides et en partie enga-ges, le gouvernement sattend un accroissement considrable descots dun systme qui ont avoisin les 40milliards avant larforme venir. Il est vrai que Hartz IV concerne une population trsnombreuse se trouvant dans des situations trs diverses.

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    Les bnficiaires de Hartz IV,une population multiforme

    Lorsque le gouvernement allemand de lpoque a dcid en 2001 dese lancer dans une grande rforme du march de lemploi, le nombrede chmeurs avait dpass les cinq millions, et Gerhard Schrdercraignait pour sa rlection un an plus tard. Pour faire baisser lechmage de faon significative, il convenait dactiver les chercheurs

    demploi pour quils acceptent plus facilement un emploi propos,mme si celui-ci tait moins bien pay, se trouvait loin de leur lieudhabitation et ne correspondait que partiellement leurs qualifi-cations. Ce durcissement des conditions de perception de lallocationchmage, premier volet de la future loi Hartz IV, saccompagnaitdune refonte totale des systmes de revenus de substitution. Avantla rforme existaient trois allocations pour les personnes sansrevenus : lallocation chmage tait verse aux chmeurs pendantune dure variable, pouvant aller jusqu 32 mois pour les sans-emploi gs ; son montant atteignait environ les deux tiers du salaireperu prcdemment ; une fois le droit cette premire allocationpuis, le chmeur percevait lassistance chmage, cette fois en

    principe jusqu son dpart la retraite, sil ne retrouvait pasdemploi ; son montant correspondait environ la moiti du salaireprcdent ; le troisime groupe enfin bnficiait de laide socialeverse par les communes ; cette allocation, proche du RMI franais,tait verse des personnes considres comme trs loignes dumarch du travail.

    Lide du pre de la rforme, Peter Hartz, ancien DRH dugroupe Volkswagen, tait de fusionner lassistance chmage et laidesociale et de ramener le montant peru au niveau de laide sociale.Pour un chmeur de longue dure qui, auparavant, percevait lamoiti de sa rmunration antrieure, la rforme signifiait une

    descente immdiate dans la pauvret. Puisque, en parallle, larforme ramenait la dure de versement de lallocation chmage unan, tout chmeur sans travail depuis un an se trouvait immdiatementramen ltat dindigent. Les bnficiaires de Hartz IV, ceux quiperoivent lallocation chmage II, ainsi dnomme depuis la fusion,sont par consquent tous les anciens allocataires de lassistancechmage et de laide sociale aptes au travail. Cette aptitude autravail est dfinie de faon particulirement svre en Allemagne :est considre comme apte au travail toute personne capable detravailler pendant trois heures par jour. Sont par consquent con-cernes aussi les personnes la sant fragile et les familles mono-

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    parentales. Seules celles qui ne sont pas en mesure de travaillerpendant trois heures par jour sont encore concernes par laidesociale ; toutes les autres sont runies sous le vocable Hartz IV.

    Ce groupe htroclite comprend les chmeurs de longue

    dure, ceux qui viennent de perdre le bnfice de lallocationchmage I2, ainsi que ceux qui sont au chmage depuis des annes,que ce soit en raison dun manque de qualification, de sant fragileou daversion au travail. Il inclut un nombre important dactifs quitravaillent dans le secteur bas salaires et qui gagnent si peu quilspeuvent faire valoir leurs droits un complment sous Hartz IV,qualifis de Aufstocker dans la presse allemande, depuis que leurnombre leur assure une visibilit accrue. Sy ajoutent de nombreusesfemmes, supports dune famille monoparentale, qui se consacrentmajoritairement leurs enfants. Les bnficiaires de Hartz IV sontregroups en communauts de besoin (Bedarfsgemeinschaften),une appellation qui dpasse celle de la famille, car elle ne recouvre

    pas seulement la notion de famille traditionnelle, parents maris avecdes enfants, mais les clibataires ainsi que tout regroupement depersonnes, concubins avec ou sans enfants, mre o pre clibataireavec des enfants, qui sont considrs comme solidaires au sein de lacellule familiale. Au dbut de lanne 2010, le dispositif Hartz IVconcerne 6,6 millions de personnes, dont 4,9 millions dadultes et1,7 million denfants, soit environ 8% de la population allemande, unchiffre en recul de 9,5 % depuis 2006, en raison notamment de lacroissance conomique avant la crise actuelle. Comme le montre letableau ci-dessous, le nombre dallocataires a baiss dans toutes lescatgories de chmeurs, lexception des sans-emploi de plus de 55ans, ce qui constitue un contraste saisissant avec la baisse notabledes bnficiaires de Hartz IV parmi les jeunes.

    2La dure de versement de lallocation chmage I, ramen par la rforme de 2005 12 mois, 18 mois pour les plus de 55 ans, a soulev un tel toll en Allemagne, que lepremier gouvernement Merkel fut oblig de revenir en arrire. Il a rintroduit desdures de versement tages pour les chmeurs de plus de 50 ans, pouvant allerjusqu 24 mois pour ceux gs de 58 ans et plus.

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    Tableau 1 : Allocataires Hartz 4 aptes au travail, de 2006 2009(chiffres de juin), selon le sexe et lge

    2006 2007 2008 2009 Changement 2006-2009

    Allocataires 5 441 916 5 311 387 5 054 056 4 922 731 -519 185 -9,5 %

    sexe

    Hommes 2 756 147 2 621 581 2 457 408 2 413 964 -342 186 -12,4 %

    Femmes 2 685 697 2 689 767 2 596 645 2 508 767 -176 930 -6,6 %

    Age

    Moinsde 25 ans

    1 161 389 1 052 040 974 640 925 103 -236 286 -20,3 %

    25 55 ans 3 678 043 3 606 656 3 389 802 3 288 413 -389 630 -10,6 %

    Plusde 55 ans 602 485 652 691 689 614 709 215 +106 730 +17,7 %

    Source : IAB-Kurzbericht 29/2009, p. 2

    Si la situation individuelle des bnficiaires est trs diverse,une chose les runit : ils sont majoritairement convaincus quelle estplus prcaire quavant la rforme. Les mesures daccompagnementprvues par la loi, au-del du durcissement des conditions deperception des allocations, sont particulirement mal vcues, tellesque les jobs un euro . Ce dispositif est cens rapprocher dumarch du travail les chmeurs de longue dure difficiles placer. Ilsagit en principe doccupations dintrt gnral pour lesquels lesparticipants, qui se trouvent dans lobligation daccepter les travauxproposs, peroivent non pas un salaire mais une indemnisation, delordre dun deux euros de lheure, en sus de leur allocation. Cesemplois, qui ne doivent pas constituer une concurrence pour lepremier march du travail, sont limits six mois, nouvrent aucundroit la formation continue et mnent trs rarement un emploirgulier. Les bnficiaires de Hartz IV sont toutefois tenus daccepterles jobs un euro proposs par ladministration, sous peine devoir leurs allocations amputes de 30 % pendant trois mois. Si lOfficefdral du travail se flicite des rsultats de cette mesure finance

    sur les deniers publics, les chmeurs concerns sont plus dubitatifsquant au bnfice des activits proposes en vue dune ventuelleinsertion professionnelle.

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    Deux groupes particuliersde bnficiaires : les Aufstocker

    et les familles monoparentales

    Le Code social II (Sozialgesetzbuch II) issu de la rforme desallocations sociales de 2005 permet la poursuite dune activitprofessionnelle paralllement la perception de lallocation Hartz IV.Le revenu des personnes qualifies de Aufstocker reprsente parconsquent une combinaison de prestations sociales et de salaire dutravail. Cette possibilit donne aux bnficiaires de lallocationchmage II explique aussi en partie pourquoi le nombre total debnficiaires dallocations sociales (allocation chmage I et II ainsique laide sociale), de 8millions environ, na gure vari depuis 2005,bien que le nombre de chmeurs ait baiss de 1,5 million. Lesbnficiaires de Hartz IV travaillant ct, dont le nombre est passde 951 000 1,28 million entre 2005 et 2007, ont quitt les statis-tiques du chmage. Si la loi permet lexercice dune activit rmu-nre tout en gardant le bnfice de lallocation, elle a nanmoinsfix des limites troites : jusqu un revenu mensuel complmentaire

    de 100 par mois, lallocataire en garde la totalit ; entre 100 et800, il conserve 20%, les 80 % restant tant imputs sur sonallocation ; entre 800 et 1 200 (pour des clibataires et des couplessans enfants), ou entre 800 et 1 500 (pour des familles mono-parentales ou des couples avec enfants), limputation atteint 90 %.Au-del de 1 200 ou 1 500 respectivement, lallocation nest plusverse. Ces chiffres montrent que lintrt financier dune reprisedactivit st limit3.

    Qui sont les Aufstocker, et comment expliquer quils neparviennent pas sortir de la dpendance du soutien public ?LAgence fdrale du travail se penche de faon croissante sur cegroupe de personnes qui reprsente dsormais presquun quart de

    3 titre dexemple, le cas dun chmeur clibataire percevant une allocationchmage II dun montant total de 681 et qui accepte un emploi dans le secteur desbas salaires avec une rmunration brute de 800. Des 635,20 nets, il a le droit deconserver, selon le dispositif lgal, exactement 240. Les 395,20 restants sontimputs son allocation chmage. Le revenu net atteint 921, ce qui correspond 70 % du revenu net moyen en Allemagne, au-dessus du seuil de pauvret fix 60 %. Limputation leve signifie toutefois quil ne conserve que 21% de la valeurdenviron 1140 quil doit crer pour son entreprise pour que celle-ci accepte delemployer (Wirtschaftsdienst 2008).

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    lensemble des bnficiaires de Hartz IV. Le premier lment quifrappe est le faible volume horaire travaill : en 2007, seuls 20 %travaillaient temps plein, 55 % effectuaient mme moins de15 heures par semaine ; ce chiffre est tir vers le haut par le grandnombre de clibataires qui travaillent moins de 15 heures parsemaine ; ils sont 65 % dans ce cas, un peu plus que dans lesfamilles monoparentales avec 58 %. Leur rmunration est faible :7 lheure travaille en moyenne lOuest, 6,02 lEst, avectoutefois des carts assez importants ; si 15,6 % lOuest et 7,1% lEst peroivent 10 de lheure ou plus, 29,5% (Ouest) et 39,2 %(Est) doivent se contenter dun salaire horaire infrieur 5.

    La faiblesse du volume horaire travaill et de la rmunrationcorrespondante explique en partie la ncessit du recours lalloca-tion chmage qui constitue en fait la partie la plus importante desrevenus de ce groupe de personnes. Une analyse plus fine deshandicaps susceptibles de les empcher de travailler davantage ou

    de percevoir des rmunrations plus leves montre la situationdes familles monoparentales mise part, dont il sera question plusloinque les Aufstockercumulent un certain nombre de problmes,comme le montre le tableau ci-dessous.

    Tableau 2 : Quelques caractristiques des Aufstockercompars la population allemande dans son ensemble

    Aufstocker(15 64 ans) en %

    Ensemble population(15 64 ans (en %)

    Sant fragile 35 22,4Handicap 11,2 9,3

    Soins familiaux 8,5 6,2

    Absence de formationprofessionnelle

    36,9 19,2

    Absence de formationscolaire acheve

    10,3 3,2

    Plus de 58 ans 9,0 11,6

    Satisfait du niveau

    de vie

    4,91 7,13

    Source : IAB-Kurzbericht 2/2009, p. 5

    Plusieurs lments spcifiques aux Aufstocker se dgagentde cette comparaison. Ils sont globalement plus fragiles sur le plan dela sant, mme si lge ne semble pas jouer un rle dterminant, etils sont nettement moins qualifis que lensemble de la population. Ilssont trois fois plus nombreux ne pas avoir termin leur scolarit etdeux fois plus nombreux ne pas disposer dune formation profes-sionnelle. Si labsence de qualification permet dexpliquer la faiblesse

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    des rmunrations, elle ne jette pas de lumire sur la pratiquecourante des Aufstocker de se limiter quelques heures de travailpar semaine. 57 % dentre eux se contentent en effet dun mini-job,ce contrat spcifique lAllemagne qui offre des facilits tant auxsalaris quaux entreprises4. Les problmes de sant jouent sansdoute un rle important, mais on peut supposer que le dispositif dim-putation du salaire sur les allocations perues joue galement un rledissuasif.

    Le dernier rapport du gouvernement sur la pauvret et larichesse (BAMS 2008) a soulign que les foyers monoparentauxprsentent, avec 36 %, un risque de pauvret deux fois plus levque la moyenne des mnages avec enfants. Ils constituent 18 % desfoyers comportant des enfants mineurs et un peu plus de la moitides familles allocataires de Hartz IV, une proportion en augmentationlente mais constante depuis 2005. Plus le nombre denfants mineursau sein dune famille monoparentale est lev, plus grande est la

    proportion de mresce sont elles qui sont concernes 95 % - quivivent de lallocation chmage II. Pour les foyers comportant troisenfants ou plus, presque les trois quarts sont dans ce cas. Lesfamilles monoparentales constituent le seul cas o lobligationdexercer une activit professionnelle impose par la loi ne sappliquepas systmatiquement5.

    Une des particularits de ce groupe de bnficiaires est derester plus longtemps dpendant de lassistance sociale que lesautres. Un an aprs lentre dans le systme Hartz IV, les deux tiersdes bnficiaires peroivent encore lallocation, compar 44 48%pour les autres types dallocataire. Aprs deux ans et demi la dure

    actuelle de la priode dobservation , une bonne moiti des famillesmonoparentales se sont sorties de cette dpendance.

    Les familles monoparentales ne constituent toutefois pas ungroupe homogne. On peut distinguer grosso modo deux sous-groupes, savoir celui des jeunes mres clibataires dont les enfantssont en bas ge et celui des femmes un peu plus ges, souventdivorces, charges denfants dge scolaire. Ces derniresreprennent plus facilement un emploi que les femmes dont lesenfants ne vont pas encore lcole. Cest notamment la prsencedenfants de moins de trois ans au foyer qui est dterminante.Laccueil de la petite enfance par des structures publiques tant peu

    dvelopp en Allemagne, les jeunes mres sont obliges dassurer

    4 Le dispositif des mini-jobs permet aux salaris dont la rmunration ne dpassepas 400 par mois de ne pas payer dimpts sur le revenu; les entreprises versentdes cotisations sociales forfaitaires de 25 %, qui nouvrent pas de droits aux salaris,dont 22 % pour les caisses retraites et 3 % pour les caisses maladie.5Le Code social II prcise dans son 10 alina 2 : Le bnficiaire apte au travaildoit accepter tout travail moins que lexercice du travail mette en pril lducationde son enfant ou de lenfant du partenaire; lducation dun enfant ayant accompli satroisime anne nest en rgle gnrale pas mise en pril, dans la mesure o sonaccueil dans un centre daccueil de jour est assur.

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    elles-mmes la garde des enfants si elles ne parviennent pas trouver une solution prive. Pour cette raison, leur sortie de ladpendance de Hartz IV est plus lente que pour les autres foyersmonoparentaux. On constate toutefois que les mres seules char-ges denfants, quils soient trs jeunes ou dge scolaire, tendent avoir plus de difficults sinsrer dans le march du travail, si ellesont bnfici de lallocation chmage II pendant un laps de tempsrelativement long. Bien que le temps dobservation du comportementdes bnficiaires ne permette pas un recul suffisant, on observe quecertaines mres seules, pour des raisons de perte de comptenceso par accoutumance leur situation, sinstallent durablement dansla dpendance.

    Leur prsence assez importante parmi les Aufstockermontretoutefois une relle volont de rester proche du march de lemploi,ne serait-ce qu temps partiel. Selon des tudes de lAgencefdrale pour lemploi (IAB-Kurzbericht 2/2009), la situation des

    mres seules en matire de sant ou de qualification ne diffre passensiblement de celle de la population dans son ensemble, ce qui estprobablement relier leur moyenne dge plus basse que celle desbnficiaires de Hartz IV globalement. La prsence massive desfamilles monoparentales parmi les bnficiaires de lallocation ch-mage II est par consquent largement due labsence de structuresdaccueil6, une faille dont le gouvernement allemand actuel com-mence prendre conscience et quune politique familiale plus volon-tariste pourrait combler.

    Les bnficiaires de Hartz IV prsentent des situationsindividuelles trs diffrentes, mais la majorit dentre eux ont un

    handicap qui les empche dexercer une activit professionnelle, temps plein ou temps partiel, que ce soit une insuffisance au niveaude la sant, de la qualification ou de la prise en charge des enfants.Ce quils ont galement en commun, cest la perception de vivre dansla prcarit. La Cour constitutionnelle vient de confirmer que, danscertains cas, le systme actuel ne leur permet pas de vivre dans ladignit. Cette dcision, pourtant attendue, prcipite le gouvernementdans lembarras.

    6Les agences pour lemploi en charge des chmeurs de longue dure bnficiairesde Hartz IV (ARGE) ne proposent pratiquement jamais de possibilits de prise encharge des enfants, alors que manquent non seulement des structures daccueil pourla petite enfance, mais aussi celles prenant en charge les enfants dge scolairelaprs-midi, aprs la fermeture des tablissements scolaires. Les trois quarts desenfants dge scolaire nont cours que le mat in, ce qui oblige leurs mres secontenter dun emploi temps partiel, grossissant ainsi les rangs des Aufstocker.Plus de la moiti dentre elles dtiennent un mini-job leur rapportant moins de 400par mois.

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    Hartz IV, un problme de pluspour le gouvernement

    Au printemps de lanne 2010, le gouvernement doit faire face unesrie de problmes qui, commencer par la rponse europenne lacrise grecque, risquent de considrablement aggraver la situationfinancire de lAllemagne, mise mal, elle aussi, par la criseconomique et financire de 2008. Le ministre des finances,

    Wolfgang Schuble, avait lintention de sattaquer aux dficits ds2011, pour revenir, ds 2013, au-dessous des limites imposes par lepacte de stabilit. Le verdict de la Cour constitutionnelle qui, sans ledire ouvertement, implique une augmentation des allocations Hartz IVpour au moins une partie des 6,7 millions de bnficiaires est denature aggraver les dissensions au sein de la coalition gouver-nementale. A la volont de rtablir les quilibres financiers deschrtiens-dmocrates soppose en effet lexigence des libraux debaisser les impts, comme convenu dans le contrat de coalition de2009. Il nest pas tonnant ds lors que lannonce du verdict aitconduit des manifestations dopinions tranches et contradictoires.

    Les prises de position sont particulirement contrastes entreles libraux du FDP et les chrtiens sociaux de Bavire. Les repr-sentants du FDP, notamment son prsident Guido Westerwelle,souhaitent tenir leurs promesses de rduction dimpts, dont lamp-leur a dj t passablement rabote suite aux consquences de lacrise conomique. Leurs soucis se portent principalement sur lesclasses moyennes, celles dont les impts alimentent ltat social. Siles drapages verbaux, tels que la dcadence de la Rome tardive dont serait menace lAllemagne si les allocations Hartz IV taientaugmentes, ne font gure progresser le dbat, les libraux estimentdans leur ensemble que le travail devrait rapporter davantage que lenon-travail, mettant laccent sur un des points cruciaux du dbat

    autour des revenus de substitution.La CSU bavaroise sinscrit en faux par rapport cette

    position. Son prsident, Horst Seehofer, souhaite se servir du verdictpour procder une refonte de lallocation chmage II. Ainsi, ilsouhaite adapter le taux des allocations aux niveaux de vie diffrentsselon les rgions. De plus, il est favorable loctroi de versementsspcifiques aux chmeurs de longue dure pour lacquisition de biensdurables, tels que des machines laver, p.ex. Considrant que lesystme actuel est indigne dun tat social , il estime que sarforme est indispensable et ne devrait pas seffectuer en neregardant que laspect financier. La CDU, le parti majoritaire de la

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    coalition gouvernementale, reste curieusement absente du dbat7. Silattentisme a prvalu en raison des lections rgionales de laRhnanie du Nord-Westphalie auxquelles les chrtiens-dmocratesne souhaitaient pas porter prjudice par des dcisions htives, il estde fait que les responsables politiques sont la recherche desolutions viables, tant les apprciations sur les qualits ou les dfautsdu systme actuel sont variables. Faut-il conserver Hartz IV dans saforme actuelle en lamendant lgrement dans le sens souhait par laCour constitutionnelle, faut-il le rformer en profondeur, le supprimerventuellement ? Mais le remplacer par quoi ?

    7La seule voix qui sest leve de faon audible au sein de la CDU est celle de laministre du Travail, Ursula von der Leyen, qui propose, en rponse au verdict de laCour constitutionnelle, de faire bnficier les enfants de prestations en nature ou debons dachat plutt que dallocations financires supplmentaires. Cette suggestionnest pas approuve par tous, certains estimant quelle jette la suspicion sur lesfamilles qui, de surcrot, sont soumises un outingindsirable dans les magasins.

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    Quelles solutionspour rformer Hartz IV ?

    Le dsarroi des politiques est le reflet de celui des spcialistes, carau-del de la rforme plus ou moins profonde du systme se pose laquestion de ses rsultats effectifs. Hartz IV se situe en effet auconfluent du chmage et du secteur des bas salaires. Quand onprend en considration le seul aspect de la baisse du chmage, les

    rsultats de lintroduction de la rforme Hartz IV sont spectaculaires:de 5,3 millions au printemps de 2005, le nombre de chmeurs arecul 2,9 millions fin 2008, pour ne remonter qu 3,4millions auprintemps 2010, en dpit des turbulences cres par la criseconomique sur le march de lemploi. Si, au-del de ces chiffres, onregarde lintention du lgislateur, le tableau est plus nuanc. Legouvernement de lpoque, estimant que linsertion sociale seffec-tuait par linsertion professionnelle, a rform la politique sociale demanire permettre aux chmeurs aptes au travail de se prendre enmain eux-mmes et dagir de faon autonome. Lobjectif principaltait la reprise dune activit professionnelle permettant de couvrir lesbesoins de lexistence. Mesur laune de cette attente, le rsultat

    est dcevant. Sur les 4,9 millions de bnficiaires de Hartz IV en juin20098, seuls 1,3 million exerce une activit salarie ct, lesfameux Aufstocker. Par consquent, 3,9 millions de chmeurs delongue dure vivent exclusivement des allocations, en dpit desmesures dactivation dployes par les agences pour lemploi qui enont la charge. Si, dans leur cas, on peut noter des obstacles desant, dabsence de qualification, etc. lexercicedun travail, lesspcialistes notent que lactivation nest pas encore suffisammentefficace dans leur cas, une situation laquelle la confusion qui rgnedans lattribution des responsabilits au sein des agences nest pastrangre.

    Reste le cas des Aufstocker. Le terme allemand employsuggre que ces personnes qui combinent salaire et allocationcompltent leur revenu de travail par une allocation partielle. En fait,le systme des imputations mis en place en 2005 conduit ce quilsperoivent une allocation complte, ventuellement augmente par

    8Ce chiffre ne comprend que les chmeurs eux-mmes, et non pas les personnesqui vivent dans le mme foyer queux et bnficient galement de versements autitre de Hartz IV. Le nombre total de bnficiaires atteint 6,7 millions en 2009 (chiffresde lAgence fdrale du travail).

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    une faible part de salaire. Pour ceux qui exercent un travail tempsplein, ils parviennent de cette manire financer eux-mmes, aumoins partiellement, leur allocation. Cette situation ne concerne tou-tefois que 20 % des Aufstocker. La dure moyenne de travail nestque de 17,7 heures de travail par semaine. La plupart desAufstockerse contentent dun mini-job pour complter leur allocation. Travaillerdavantage, pour ne conserver que 20 % du salaire au-del de 100 par mois, nest pas considr comme rentable par la plupart deschmeurs de longue dure. La sortie du systme, elle aussi, est trsdifficile. Seul un tiers de ceux qui russissent quitter lassistancetrouvent un emploi temps plein et dure indtermine. Unefraction importante de cette minorit, plus dun quart, travaille au -dessous de son niveau de qualification, et une personne sur deuxperoit moins de 7,50 brut de lheure.

    Que ces personnes peroivent lallocation chmage II ouquelles reprennent un emploi, se dgage de ces chiffres limpression

    quelles restent dans le besoin, o comme allocataire ou en tant quetravailleur dans le secteur des bas salaires. Sil est vrai que leschiffres du chmage ont baiss considrablement, on peut se deman-der si le gouvernement de lpoque tait conscient du fait que larforme serait lorigine de la cration dun vaste secteur de bassalaires, tel quil existe actuellement. Certains nhsitent pas direque le chmage affich de lpoque sest simplement transform enchmage occulte9. Si tel est le cas, si lemploi auquel peut prtendreun allocataire Hartz IV ne rapporte gure plus, voire moins, que cequil peroit sans travailler, on peut sinterroger sur la pertinence dusystme actuel. Les propositions visant combattre ce problmefondamental du systme actuel sont nombreuses. Les principalesconcernent linstauration dun salaire minimum garanti pour accrotrela distance entre allocation et revenu du travail, la refonte du systmedimputation afin de rendre plus attractif lexercice dune activit pro-fessionnelle complmentaire, voire la cration dune allocation uni-verselle pour tous.

    Linstauration dun salaire minimum garanti, tel quil existedj dans la majorit des pays de lUnion Europenne, revientrgulirement dans la discussion. Lexistence de salaires trs basdans des secteurs non couverts par des conventions salariales estrgulirement pointe du doigt par les partis de gauche comme tantindigne dun pays avanc comme lAllemagne. Au-del de la crationde salaires minimum dans certains secteurs dactivit dtermins,

    9 Un nombre considrable de bnficiaires de Hartz IV ne figure pas dans lesstatistiques officielles du chmage de lAgence fdrale du travail. Il sagit desAufstocker ayant un revenu brut suprieur 400 par mois (579000), desbnficiaires de prestations pour linsertion dans lemploi, tels que les dtenteursdun job 1 (437000), des allocataires ayant plus de 58 ans (357 000) ou moinsde 20 ans (458 000) ainsi que ceux ayant la charge denfants en bas ge(1,045 million) ; total : 2,876 millions de chmeurs de longue dure, chiffres de 2008,qui ont disparu des statistiques officielles.

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    tels que le btiment, le gouvernement actuel est oppos lagnralisation du systme, estimant, en accord avec le patronat, quilconduirait laggravation du chmage. Il craint que le vaste secteurdes bas salaires actuel, qui offre du travail des personnes peu oupas qualifies, ne se transforme en dsert. Lopposition de gaucheestime pour sa part que seule linstauration dun salaire minimumdcent la Confdration des syndicats allemands, DGB, avance8,50 de lheure, un peu moins que le SMIG franais peut crerune distance suffisante entre salaire du travail et revenu de substi-tution, seule susceptible dinciter les chmeurs de longue dure sortir de lassistance et dasscher ainsi le rservoir des allocatairesHartz IV. Lattitude de la plupart des chmeurs de longue dure face la rmunration confirme ce constat. Si 65 80 % dentre euxseraient prts accepter des concessions en matire de longueur dutrajet, de conditions de travail, ainsi que dactivits au-dessous deleur qualification, ils le sont moins en ce qui concerne le salaire. Ils

    naccepteraient pas de travailler pour les salaires actuellementproposs dans certains secteurs de bas salaires10. Les autrespropositions visent moins la rduction du nombre de bnficiaires dusystme que sa transformation partielle ou complte.

    LInstitut de lconomie allemande de Cologne (Institut derdeutschen Wirtschaft), proche du patronat, maintiendrait pour sa partle systme tel quil existe, mais en modifiant les incitations reprendre un emploi. Il considre que le lgislateur a eu raison depermettre aux Aufstockerde conserver une partie de leur salaire detravail, mais le mode de calcul des imputations avantage trop leschmeurs qui dtiennent un mini-job au dtriment de ceux quitravaillent temps plein. Soulignant que presquun quart desAufstocker se contente de gagner 100 par mois, exactement lasomme non touche par le systme dimputation, il propose que lesrevenus mensuels jusqu 200 soient pleinement imputs surlallocation mis part 20 pour des frais ventuels , mais lessommes au-del, jusqu une rmunration de 1000, seulement 60 %. Cette rforme serait susceptible dinciter les allocataires reprendre un emploi plein-temps et les amener plus facilement sinsrer dans le march du travail11.

    Lallocation citoyenne (Brgergeld), quant elle, correspond une proposition tant des libraux que des partis de gauche et dessyndicats. Ce terme ne dsigne toutefois pas la mme chose pour la

    droite et la gauche. Pendant les ngociations pour former le nouveau

    10 Daprs une tude de lInstitut de recherche sur le march du travail et lesprofessions (IAB 19/2009), seuls les chmeurs dtenant un mini-job accepteraient unsalaire horaire denviron 6 ; pour les autres, la limite infrieure se situerait entre6,50 et 8 environ. Or, certains secteurs dactivits proposent des rmunrationsnettement infrieures.11 Si ces propositions mnagent les intrts des entreprises, elles risquent dedplaire la majorit des Aufstocker, qui tiennent aux facilits que leur procurelactuel systme des mini-jobs, auquel elles porteraient un coup svre.

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    gouvernement aprs les lections fdrales en 2009, le FDP asuggr de remplacer lactuel systme Hartz IV par une allocationcitoyenne favorable lactivit et cratrice demplois. Daprs lesconceptions des libraux, lensemble des prestations sociales finan-ces par limpt, telles que lallocation chmage II, y compris lesprestations pour le logement et le chauffage, laide sociale, lalloca-tion vieillesse, le complment familial, etc., serait runi en une seuleprestation forfaitaire, lallocation citoyenne, gre par ladministrationfiscale. Daprs les vux des libraux, toutes les personnes dans lebesoin auraient la mme allocation de base ; dans leur programmelectoral tait cite la somme de 662. Leur ide est de substituer ltat qui, daprs eux, se mle de tout, jusqu fixer au centime prsle montant consacr la nourriture, la notion du citoyen responsablequi organise sa vie comme il lentend.

    Quand la gauche, les Verts et le parti Die Linke, parledallocation de base (Grundsicherung), elle dsigne tout autre chose.

    Elle souhaite que toute personne, au chmage ou non, peroive,indpendamment de son revenu du travail, un montant fixe daumoins 690 par mois. Si elle dispose en plus dun revenu du travail,le tout serait soumis limpt sur le revenu. Si ce systme estconsidr par la majorit des Allemands avec rticence, car suscep-tible dinciter trop de chmeurs cesser la recherche dun emploi, laproposition des libraux est plus diversement discute. Les chrtiens-dmocrates la trouvent intressante, mais ils estiment quelle neprend pas assez en considration les besoins diffrencis des ch-meurs. Devant le bilan mitig des premires annes de la rformeHartz IV, aucun consensus ne se dgage au niveau politique quant la meilleure manire de la rendre plus efficace.

    Les consquences du verdict de la Cour constitutionnelleallemande dpassent le problme du mode de calcul des allocationsHartz IV, voire la dfinition du niveau du revenu de substitution deschmeurs. Il soulve le dbat plus large sur la place que la socitactuelle fait ses membres les plus fragiles, les chmeurs sansqualification, les mres de famille isoles, les handicaps.LAllemagne nest pas le seul pays confront ces problmes. Tousles pays europens connaissent cette population aux contours maldfinis qui passe du chmage de longue dure un emploi nonqualifi et mal pay, pour se retrouver nouveau au chmage.Toutefois, certains pays ont trouv des rponses partielles. Pourlaccueil des enfants, problme majeur des familles monoparentales,lexemple des pays scandinaves et de la France pourrait ouvrir despistes. Linsertion des chmeurs est mieux organise au Danemarkquen Allemagne ou en France. Mais tant que le problme central delcart entre la rmunration du travail et le revenu de substitutionaccord ceux qui ne travaillent pas nest pas rsolu, il sera difficilede motiver les millions de bnficiaires actuels de Hartz IV de quitterla dpendance et de sengager dans le march de lemploi.

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    Indications bibliographiques

    Achatz, Juliane/Trappmann, Marc (2009) : Wege aus derGrundsicherung, IAB-Kurzbericht 28/2009

    Bundesagentur fr Arbeit (2009) : SGB II-ArbeitshilfeArbeitsgelegenheiten (AGH) nach 16d SGB II. Stand: Juli 2009

    Bundesministerium fr Arbeit und Soziales (BMAS (2008):Lebenslagen in Deutschland. Der 3. Armuts- und Reichtumsbericht

    der Bundesregierung, BerlinBundesverfassungsgericht: Leitstze zum Urteil des Ersten

    Senats vom 9. Februar 2010,

    http://www.bverfg.de/entscheidungen/ls20100209_1bvl000109.html

    Bender, Stefan/Koch, Susanne/Mosthaf, Alexander/Walwei,Ulrich (2009): Aktivierung ist auch in der Krise sinnvoll, erwerbsfhigeHilfebedrftige imSGB II, IAB-Kurzbericht 19/2009

    Dietz, Martin/Mller, Gerrit, Trappmann, Marc (2009): WarumAufstocker trotz Arbeit bedrftig bleiben, Bedarfsgemeinschaften imSGB II, IAB-Kurzbericht 2/2009

    Knabe, Andreas/Schb, Ronnie (2008): Durch hhere Lhneweniger Armut? Zum Zusammenspiel von Grundsicherung undMindestlhnen, in: Wirtschaftsdienst 2008, p. 433-437

    Lietzmann, Torsten (2009): Warum Alleinerziehende esbesonders schwer haben, Bedarfsgemeinschaften im SGB II, IAB-Kurzbericht 12/2009

    Mller, Joachim/Walwei, Ulrich/Koch, Susanne/Kupka,Peter/Steinke, Joss (2009) : Der Arbeitsmarkt hat profitiert, FnfJahre SGB II: Eine IAB-Bilanz, IAB 29/2009

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    Le Cerfa

    Le Comit dtudes des relations franco-allemandes (Cerfa) a tcr en 1954 par un accord gouvernemental entre la Rpubliquefdrale dAllemagne et la France. LIfri, du ct franais, et la DGAP,du ct allemand, en exercent la tutelle administrative. Le Cerfabnficie dun financement paritaire assur par le Quai dOrsay etlAuswrtiges Amt; son conseil de direction est constitu dunnombre gal de personnalits franaises et allemandes.

    Le Cerfa a pour mission danalyser les principes, lesconditions et ltat des relations franco-allemandes sur le planpolitique, conomique et international ; de mettre en lumire lesquestions et les problmes concrets que posent ces relations lchelle gouvernementale ; de trouver et de prsenter des propo-sitions et des suggestions pratiques pour approfondir et harmoniserles relations entre les deux pays. Cette mission se traduit par lorga-nisation rgulire de rencontres et de sminaires runissant hautsfonctionnaires, experts et journalistes, ainsi que par des travaux derecherche mens dans des domaines dintrt commun.

    Hans Stark assure le secrtariat gnral du Cerfa depuis

    1991. Louis-Marie Clouet y est chercheur et responsable de lapublication des Notes du Cerfa et des Visions Franco-Allemandes.Nele Wissmann travaille au Cerfa comme assistante de recherche etest charge de mission dans le cadre du projet Dialogue davenir.