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LES RENDEZ-VOUS CONSTRUCTIFS « LA RÉFORME DU DROIT DES CONTRATS APPLIQUÉE AU DROIT IMMOBILIER » FORMATION DU 24 NOVEMBRE 2016

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LES RENDEZ-VOUS CONSTRUCTIFS

« LA RÉFORME DU DROIT DES CONTRATS

APPLIQUÉE AU DROIT IMMOBILIER »

FORMATION DU 24 NOVEMBRE 2016

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I - Présentation générale de la réforme : l’Ordonnance du 10 février 2016

entrée en vigueur le 1er octobre 2016

II - Focus sur :

• L’obligation précontractuelle d’information

• La formation du contrat

• Les difficultés liées à l’exécution du contrat :

- la réduction du prix

- l’imprévision

- l’exécution forcée

- la suspension de l’exécution

Intervenants :

Me Christian BARNOUIN, Me Caroline FAVRE de THIERRENS, Me Marie MAZARS

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Présentation générale de la réforme : l’Ordonnance du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016

Le 1er octobre 2016, la réforme du droit des contrats, issue de l'Ordonnance du 10 février 2016 est

entrée en vigueur.

Le projet de loi de ratification de cette Ordonnance a bien été déposé dans les six mois de sa

publication conformément à la loi d'habilitation.

Ce projet de loi énonce simplement en un unique article que « l'ordonnance n° 2016 - 131 du 10

février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations

est ratifiée ».

L'ordonnance du 10 février 2016 présentée par les pouvoirs publics comme une simple œuvre de

codification à droit constant de la jurisprudence, contient tout de même son lot de nouveautés.

Après 212 années d'application du Code Napoléon et de la jurisprudence, fini les articles mythiques

que connaissaient par cœur des générations de juristes.

Mais à l'évidence il ne s'agit pas d'une simple réécriture formelle des textes issus de la rédaction

originelle du Code Civil.

Ce qui pose immédiatement le problème de l'application dans le temps des dispositions nouvelles.

Ce qui semble ne pas être discutable, c’est que l'ensemble des contrats conclus à compter du 1er

octobre 2016 sont soumis au droit issu de l'ordonnance.

Corrélativement, l'article 9 al. 2 prévoit « que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016

demeureront soumis à la loi ancienne » (exception des articles 1123, 1158 et 1183 d'application

immédiate).

En apparence la ligne de démarcation est claire et donc deux corps de règles distincts vont

s'appliquer, étant entendu qu'à mesure de l'écoulement du temps, les « infiltrations » du droit

nouveau dans l'interprétation des textes anciens devraient se faire plus nombreuses.

En pratique, on sait que l'application dans le temps sera source de difficultés (négociations

formalisées, accords successifs, promesses synallagmatiques, contrats cadres conclus avant le 1er

octobre 2016, cession de contrats postérieurs).

Enfin, incertitude plus grande tirée de la possibilité offerte au juge d'appliquer immédiatement

certaines dispositions légales qui présenteraient un caractère d'ordre public particulièrement

impérieux.

Le texte énonce certes que les nouvelles dispositions présentent un caractère supplétif, à l'exception

de certains articles mentionnant expressément leur caractère impératif.

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Mais faut-il rappeler qu'une telle affirmation ne liera pas nécessairement les juges ?

Bref, les difficultés sont devant nous et manifestement pour longtemps.

Sur le fond, cette ordonnance codifie des principes jusque-là dégagés par la jurisprudence qui ne sont

pas véritablement des nouveautés ou proposent simplement une nouvelle rédaction plus claire des

dispositions anciennes dont les principes sont maintenus (les négociations précontractuelles et leur

rupture, l'obligation précontractuelle d'information, la formation du contrat, la validité du contrat,

les effets des contrats à l'égard des tiers).

Les grandes nouveautés de la réforme de février 2016 sont essentiellement les dispositions

suivantes:

- Distinction de l'article 1110 entre les contrats de gré à gré (stipulations librement négociées entre les parties) et les contrats d'adhésion (les stipulations sont déterminées à l'avance par une des parties) cela permet une nouvelle chasse aux clauses abusives puisque dans un contrat d'adhésion, est réputée non écrite toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties (article 1171).

- Consécration de l'exception d'inexécution qui n'était jusqu'alors que retenue par la jurisprudence (article 1219).

- Théorie de l’imprévision (article 1195) : une partie peut demander la modification du contrat en cas de changement des circonstances économiques d'exécution.

- L’exécution forcée en nature devient la règle en cas d'inexécution des obligations avec toujours l’exigence d'une mise en demeure préalable.

Les exceptions au principe d'exécution en nature sont légalement fixées (exécution

impossible, disproportion manifeste entre le coût pour le débiteur et son intérêt pour le

créancier) par l'article 1221.

- La notion de "prestation" de services est encadrée par un nouveau texte.

- En ce qui concerne les moyens de preuve, l'article 1366 consacre la signature électronique « l’écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ».

On notera qu'en revanche :

- disparaissent les distinctions des obligations de faire, de ne pas faire et de donner,

- qu'il n'y a toujours pas de codification de la notion d'obligation de moyens / de résultat.

On peut donc noter que les notions de « violence économique » et « dépendance économique »

viennent de faire leur entrée dans le Code civil, elles étaient jusque-là essentiellement réservées aux

« consommateurs ».

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On veut toujours plus protéger celui qui est considéré comme le faible et le principe de la force

obligatoire des contrats est une nouvelle fois battu en brèche.

Enfin, l'office du juge sort considérablement renforcé, puisqu’il devient un « partenaire » des parties

avec de nouveaux pouvoirs.

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L’OBLIGATION PRÉCONTRACTUELLE D’INFORMATION

Article 1112-1 du Code civil :

« Celle des parties qui connait une information dont l’importance est déterminante pour le

consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement cette dernière ignore

cette information ou fait confiance à son contractant.

Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la

prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le

contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la

lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information

peut entrainer l’annulation du contrat dans les conditions de l’article 1130 du Code civil ».

Avant ce texte, la jurisprudence et la loi, par des textes spéciaux, ont déjà consacré l’obligation

précontractuelle d’information. :

- La Jurisprudence : l’obligation d’information est, depuis longtemps, largement reconnue par

les Tribunaux, et au fil du temps, les discussions relatives au manquement à l’obligation

d’information, dans le domaine du droit immobilier en particulier, sont devenues du point de

vue judiciaire omniprésentes et à fort enjeu.

Exemple en droit de la construction : un couvreur est mandaté par un maître de l’ouvrage. Il

indique que la toiture doit être intégralement reprise. Le maître de l’ouvrage n’a pas les

moyens d’investir, et demande une intervention limitée autour des souches de cheminée.

Les infiltrations reviennent. Un expert est mandaté, qui retient à la charge de l’entrepreneur

un manquement à son obligation de conseil et d’information : il aurait dû conseiller la

réfection complète de la toiture. Le Tribunal de grande instance de NIMES, en raison du

manquement à son obligation d’information et en vertu du principe de la réparation

intégrale, a condamné le couvreur à régler l’intégralité des travaux de réfection de la toiture.

Son marché à l’origine était de 4000 €, et il a été condamné à 25 000 €. La notion

d’enrichissement sans cause n’a pas été retenue, en vertu du principe de la réparation

intégrale.

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- Les textes spéciaux : il existe de nombreux textes spéciaux, consacrant l’obligation

d’information :

o Pour le professionnel, en général, dans ses relations avec les consommateurs : la loi

du 17 mars 2014 dite Loi HAMON a consacré l’obligation précontractuelle

d’information dans le Code de la consommation pour tous les contrats de vente ou

de prestations de services, conclus postérieurement au 13 juin 2014. Il faut donc

disposer de conditions générales de vente ou de prestations de services (notamment

pour les constructeurs).

o Le vendeur d’immeuble : tenu à des obligations d’information imposées par le Code

de la construction et de l’habitation, par le Code de l’environnement : transmission

des diagnostics, information sur les risques naturels.

o Le bailleur d’immeuble : transmission des diagnostics

o L’assureur : l’obligation précontractuelle d’information à la charge de l’assureur, qui

est prévue dans le Code des assurances

o Le contrat de franchise avec l’obligation pour le franchiseur de délivrer un document

d’information précontractuelle sous peine de nullité du contrat de franchise ( qui

doit contenir notamment une présentation de l’état général et local du marché, les

comptes annuels, le réseau d’exploitants).

Le nouveau texte :

Il s’agit là de la consécration d’un devoir général d’information en droit commun, texte d’ordre public

auquel il ne peut être dérogé contractuellement.

L’apport de ce texte :

- Délimite le contenu de l’obligation d’information

- Instaure une obligation générale d’information à la charge des deux parties

- Précise les règles de preuve

- Et les sanctions encourues.

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Quel est le contenu de cette obligation d’information ?

Le texte parle d’une « information dont l’importance est déterminante pour le consentement de

l’autre ».

D’après ce texte :

- Ce qui n’est pas déterminant : l’estimation de la valeur de la prestation

- Ce qui est déterminant : « les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu

du contrat ou la qualité des parties ».

Concernant ce dernier point, la notion de « lien direct et nécessaire » n’est pas forcément évidente à

déterminer.

Ce devoir d’information ne porte pas sur l’ensemble des informations relatives du contrat, mais

seulement les informations qui pourraient avoir une influence sur le consentement du contractant.

Qui est débiteur de ce devoir d’information ?

Le texte ne fait pas de différence selon la qualité de la partie : cette obligation d’information incombe

en conséquent au particulier ou au professionnel.

Avant la réforme, la jurisprudence ou la loi ont consacré un devoir général d’information, mais il était

fait souvent référence à la qualification professionnelle de l’une des parties.

Ce texte institue une symétrie d’information et les parties, de ce point de vue-là, sont sur un plan

d’égalité, et ce quel que soit la qualité de la partie : particulier ou professionnel.

Ce texte pourrait être un nouveau moyen de défense pour les professionnels face à leurs clients

particuliers.

Application au droit de la construction :

Cette solution n’est pas nouvelle, mais cette disposition rappelle que cela concerne les deux parties,

tant l’entrepreneur que le maître de l’ouvrage.

Le maître de l’ouvrage n’est pas exonéré de toute obligation d’information, et doit mettre à la

disposition du professionnel les informations importantes en sa possession :

- Communication d’un rapport d’expertise en cas d’intervention après un sinistre

- Communication d’une étude de sol, de préconisations d’un bureau d’étude

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- Information à donner sur un conflit de voisinage : sur une servitude de passage, une

servitude de vue, une servitude non aedificandi, une contestation sur un bornage, des bornes

qui ont été déplacées.

Certes, il pourra être toujours possible de reprocher au constructeur de ne pas s’être suffisamment

renseigné sur la situation du bien, le nouveau texte précise que l’obligation d’information porte sur

ce qui « est légitimement ignoré ».

Mais, dans certains cas, il pourrait être également reproché au maître de l’ouvrage de ne pas avoir

transmis une information essentielle, que le constructeur pouvait légitimement ignoré.

Application au bail :

Il existe pour le bail d’habitation des textes spécifiques qui instituent une obligation spéciale

d’information.

Avec ce nouveau texte, peut-on reprocher à un locataire de ne pas avoir informé le propriétaire de sa

situation de surendettement, d’un licenciement récent, de l’imminence de l’ouverture d’une

procédure collective à son encontre?

La jurisprudence antérieure l’admettait en cas d’intention frauduleuse (de dol), mais avec ce

nouveau texte, la responsabilité du locataire peut être admise même sans intention frauduleuse

(étant précisé que la fraude est souvent difficile à prouver).

Ce type d’informations peut être considéré comme déterminant pour le bailleur.

Application au droit de la vente :

Les cas sont plus limités en droit de la vente.

L’acquéreur peut voir sa responsabilité engagée s’il n’a pas donné une information sur la révision

d’un POS, qu’il est le seul à connaître de par ses fonctions municipales.

La responsabilité du marchand de biens pourrait également être retenue, s’il n’a pas donné une

information au vendeur sur la situation future du bien.

Comment transmettre l’information ?

La preuve, comme auparavant, en la matière est primordiale.

Le texte précise « Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que

l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie ».

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Le mécanisme est donc en deux temps :

- Premier temps : celui qui n’a pas reçu l’information doit prouver qu’elle était pour lui

déterminante.

- Deuxième temps : si cette preuve est démontrée, l’autre partie prouvera qu’elle a donné

cette information.

Les moyens de communication des informations sont libres, étant précisé que pour le débiteur de

l’obligation d’information, cette information doit être donnée avant la signature du contrat.

Dans de nombreux litiges, nos clients nous indiquent avoir donné l’information…. oralement (ce qui

est bien évidemment insuffisant).

Il ne suffit donc pas de donner l’information, il faut prouver l’avoir donnée.

Application en droit de la construction :

Il faut prévoir la transmission de l’information, avant la signature du contrat.

Plusieurs solutions :

- La remise systématique avec le devis de conditions générales de prestation de service

adaptées à son activité. (Loi HAMON)

- Pour des informations spécifiques au chantier, à des difficultés techniques particulières : il

faut porter les informations :

o sur le devis,

o le marché de travaux

o un courrier remis en main propre contre récépissé

o un courrier recommandé.

Application en droit de la vente :

Exemple : l’existence d’un procès en cours ? La contestation d’un permis de construire ? L’absence de

souscription d’une assurance dommages ouvrage ? L’existence d’une servitude non aedificandi, de

vue, de passage… ?

Peut-on se contenter de mentionner l’information sur le compromis ?

Le texte instaure une obligation d’information précontractuelle, donc avant la signature du contrat

(or le compromis est un contrat).

En pratique, le projet de compromis est remis à l’avance à l’acheteur, et il faut justifier de la

transmission de ce document avant le jour de la signature.

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A défaut, l’information peut être mentionnée dans :

- Offre unilatérale de vente

- L’annonce immobilière

- Fiche descriptive de l’immeuble

- Correspondance remise en main propre ou recommandée

Il est à noter qu’en matière de vente aux enchères, soit la saisie immobilière, le cahier des conditions

de vente, que tous les acquéreurs potentiels peuvent consulter, contient toutes les informations

relatives au bien vendu (renseignements hypothécaires, plan cadastral, diagnostics, procès-verbal

descriptif…).

A mon sens, il pourrait être instauré une DATA ROOM (soit en Français une chambre de données),

comme en matière de fusion acquisition, qui contient l’ensemble des informations mises à

disposition par un vendeur de société pour permettre à l’acquéreur de faire une offre d’achat.

Bien évidemment, toutes ces informations doivent être reprises dans le compromis, et l’acte

authentique.

Application en matière de bail commercial :

Il existe une obligation d’information du bailleur, renforcée par la loi PINEL.

Mais, il s’agit d’informations qui doivent être mentionnées sur le contrat de location, et notamment

sur l’inventaire précis et limitatif des charges, impôts, redevance, les travaux passés et à venir…

Il faut, comme pour la vente, justifier avoir donné ces informations avant la signature du contrat de

bail.

La jurisprudence, en application du nouveau texte, pourrait mettre à la charge du bailleur une

obligation d’information plus large.

Ainsi, le bailleur pourrait devoir informer le futur preneur de l’état du marché, un projet urbanistique

connu de lui, la perte imminente de commercialité des lieux loués en raison du départ d’un des

locataires phares dans l’ensemble commercial.

En revanche, l’obligation d’information ne peut porter sur le montant du loyer, puisque l’obligation

ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.

Quelle est la sanction du manquement à l’obligation d’information ?

Le nouveau texte prévoit deux sanctions cumulables :

- L’allocation de dommages et intérêts

- L’annulation du contrat

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- Sur les dommages et intérêts : pour cette sanction, il n’est pas nécessaire de démontrer le

caractère intentionnel de la violation de l’obligation d’information : même par simple

négligence, et même sans intention de tromper l’autre.

o Si le contrat a été signé : il pourrait y avoir l’allocation de dommages et intérêts en

réparation du préjudice subi.

o Si le contrat n’a pas été signé : des dommages et intérêts peuvent être quand même

alloués :

frais de négociation inutile,

perte de temps,

frais de déplacement,

perte de chance de conclure un contrat avec une autre partie à des

conditions plus avantageuses.

Mais avec ce nouveau texte, l’évolution de la jurisprudence pourrait aller plus loin et les

juges pourraient allouer des dommages et intérêts même en l’absence d’un préjudice

particulier, à l’instar du manquement de l’obligation d’information du médecin : c’est le

manquement lui-même à l’obligation d’information qui cause un préjudice et peut justifier

des dommages et intérêts.

- L’annulation du contrat selon les conditions des articles 1130 du Code civil, s’il a provoqué

une erreur ou un dol.

En ce qui concerne le dol, il faut tout même démontrer le caractère intentionnel du

manquement à l’obligation d’information.

A noter : la loi HAMON dans les rapports professionnels consommateurs, a prévu en sus des

sanctions civiles, des sanctions administratives : soit des amendes administratives pouvant aller

jusqu’à 3000 € pour les personnes physiques et 15 000 € pour les personnes morales.

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LA FORMATION DU CONTRAT

LE CONTENU DU CONTRAT

Article 1171 du Code civil :

« Dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et

obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur

l'adéquation du prix à la prestation »

Il s’agit là de l’une des principales innovations de la réforme qui introduit dans les conditions de

formation du contrat le contrôle des clauses abusives définies comme les clauses créant un

déséquilibre significatif entre les parties.

En élargissant le champ d’application du contrôle des clauses abusives, la réforme renforce ainsi la

cohérence du dispositif en matière de droit des contrats.

Avant la réforme :

Longtemps la lutte contre les clauses abusives s’est faite au cas par cas, clause par clause : clause

pénale, clause d’exclusivité, clause de non concurrence…, que des règles spéciales venaient légiférer.

Puis la catégorie juridique de clauses abusives a été consacrée permettant de traquer l’abus en tant

que tel et le contrôle s’est progressivement organisé au travers de deux dispositifs :

- Le droit de la consommation pour ce qui concerne les relations professionnels /

consommateurs – non professionnels : le Code de la consommation répute non écrites les

clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties (articles L

212-1 et suivants)

- Le droit des affaires pour ce qui concerne les contrats conclus entre professionnels : le Code

de commerce comporte depuis 2008 un dispositif visant à sanctionner, sur le terrain de la

responsabilité, les clauses créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des

parties (article L442-6 I 2° du Code de commerce).

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Apports de la réforme :

L’article 1171 nouveau du Code civil poursuit l’évolution et généralise le dispositif aux contrats

d’adhésion.

Il s’agit donc de transposer aux relations entre professionnels une règlementation consumériste.

Initialement envisagé comme d’application générale, le dispositif a finalement été limité aux contrats

d’adhésion dont la définition est donnée par l’article 1110 nouveau :

« Le contrat d'adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont

déterminées à l'avance par l'une des parties. »

On ne peut que s’interroger alors sur le véritable apport du texte puisque la plupart des contrats

d’adhésion relèvent du droit de la consommation ou du droit des affaires et que la jurisprudence a

plutôt tendance à ouvrir le dispositif consumériste.

Ainsi la Cour de cassation a considéré qu’une SCI, promoteur immobilier, était « un professionnel de

l’immobilier mais pas un professionnel de la construction » et qu’elle pouvait donc se prévaloir du

dispositif relatif aux clauses abusives (Civ. 3ème, 04.02.2016, n°14-29.347 pour un contrat avec une

société chargée d'une mission de contrôle technique portant sur la solidité de l'ouvrage et des

éléments d'équipement : le promoteur est considéré ici comme un professionnel de l'immobilier

mais pas de la construction.).

L’apport de l’ordonnance peut donc être considéré comme très restreint même si on observe que la

limitation aux contrats d’adhésion recueille les faveurs de la jurisprudence, puisqu’un arrêt récent a

limité la lutte contre les clauses abusives entre professionnels à l’hypothèse d’un contrat n’ayant pu

être négocié par l’une des parties (Com., 03.03.2015, n°13-27.525).

La définition donnée des contrats d’adhésion pose la question de savoir ce que sont donc des

conditions générales soustraites à la négociation.

Exemple en matière de droit de la construction : le contenu du cahier des clauses administratives

générales que lui soumet un maître de l’ouvrage

Enfin, le texte ajoute que ne sont pas concernées les clauses qui portent sur l’objet principal du

contrat ni sur le prix.

En pratique :

Le contrat d’adhésion est défini par le seul biais de ses conditions générales, par hypothèse

soustraites à la négociation, à l’inverse des contrats de gré à gré qui seraient entièrement négociés.

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Application au droit de la construction et au droit immobilier :

Contrats de promotion immobilière : ce sont dans leur grande majorité des contrats d'adhésion...

Le principal problème vient du recours au concept de « déséquilibre significatif » : l'extrême

imprécision de cet instrument est de nature à faire peser sur les conventions une insécurité juridique

chronique.

En jurisprudence, on n’a pas de définition claire et précise : les décisions sont rendues au cas par cas

en fonction d’une prise de position de principe du juge.

Ainsi en droit de la consommation, il n'a jamais été possible de définir le « déséquilibre significatif »

et il a fallu recourir à des listes réglementaires de clauses « grises » (présumées abusives) et de

clauses « noires » (toujours considérées comme abusives).

Cette même notion de déséquilibre significatif n'a pas davantage pu être définie clairement en droit

commercial depuis son introduction dans le nouvel article L. 442-6, I du Code de commerce.

Dans les contrats de construction de maison individuelle, il est vrai que le risque n'est pas très grand

de voir surgir des clauses abusives.

Celles-ci sont d'ailleurs prohibées par l'article L. 231-3 du Code de la construction et de l'habitation.

On ajoutera que, dans le secteur protégé, l'accédant à la propriété étant généralement un

consommateur, il bénéficie aussi de la répression des clauses abusives des articles L. 212-1 et

suivants du Code de la consommation.

Dans les ventes en état futur d’achèvement, on peut s’interroger sur la licéité des clauses prévoyant

des causes de retard légitimes ou celles autorisant le remplacement de certains matériaux par

d'autres jugés équivalents.

Alors que la Cour de cassation les avait pourtant jugées licites au regard du Code de la

Consommation (Civ. 3ème, 24.10.2012, n°11-17.800) ne risquent-elles pas d'être attaquées ?

De même pour les clauses autorisant des marges et tolérance de surface de 5% en matière de vente

d’immeuble à construire, que la jurisprudence a validées en application des articles 1619 et suivants

du Code civil (Civ. 3ème, 25.03.2015, n°14-15.824) .

Qu’en sera-t-il au regard de l’article 1171 nouveau, étant précisé que la réforme n’a pas impacté les

dispositions de l’article 1619 du Code civil ?

Quid également de la clause résolutoire de plein droit fréquemment utilisée dans la vente

d'immeuble à construire ?

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Certes la clause est indirectement admise par l'article L. 261-13 du Code de la construction et de

l'habitation qui suspend son efficacité pendant un mois à compter de la mise en demeure adressée

par le promoteur.

Donc la règle spéciale entérinant la clause devrait normalement l'emporter sur le nouvel article 1171

du Code civil.

Mais nul doute que des acquéreurs auront l'idée de tenter leur chance de ce côté-là et attaqueront la

clause résolutoire comme abusive, en particulier lorsqu'ils auront par ailleurs invoqué l'exception

d'inexécution que la Cour de cassation refuse pour le moment d'admettre dans un tel cas (Civ. 3ème,

28.01.2015 n°14-10.963).

Et cela d'autant plus que l'exception d'inexécution est désormais consacrée par le nouvel article 1219

issu de l'ordonnance…

De toute évidence, le risque est celui de la contamination de tous les contrats d'adhésion par les

règles du droit de la consommation

La parade pour les professionnels de la construction qui proposent de tels contrats sera sans doute

d'organiser un semblant de négociation afin d'échapper à la qualification fatidique de « contrat

d'adhésion » ou, notamment dans le domaine de la construction, d’avoir recours aux normes P03-

001 ou P03-002, récemment révisées et dont il ne parait pas qu’elles contiennent des clauses

abusives.

Application en matière de bail commercial :

Le bail commercial n'apparaît pas dans la panoplie des contrats susceptibles de recéler de telles

stipulations.

Même si les juges en ont une approche souple en matière de baux commerciaux, le champ

d'application restera limité.

D'abord, parce que le droit spécial des baux et le droit spécial des baux commerciaux comportent

déjà nombre de dispositions qui permettent de prévenir ou de corriger les déséquilibres

particulièrement significatifs et la jurisprudence les a développées au fil des années.

Ensuite, parce que le cœur du contrat de bail vient d'être doté de pontages qui régulent le flux des

stipulations potentiellement ou réellement déséquilibrées.

On pense, tout particulièrement, à la fixation du loyer révisé ou du loyer du bail renouvelé ou encore

des stipulations relatives aux charges et au coût des travaux ou encore à l'indexation du loyer.

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Il est parfois suggéré que les clauses qui prévoient à l'avance les modalités de fixation du loyer du bail

issu d'un renouvellement seraient déséquilibrées au profit du bailleur.

Or la question du loyer rejoint l'exception prévue au texte des clauses relatives au prix de la

prestation.

S’agissant de la clause résolutoire insérée au bail au seul profit du bailleur, celui-ci se réservant

même la faculté de ne pas donner suite immédiatement à la sanction prononcée par le juge laissant

le locataire en situation d'incertitude quant à la pérennité de son occupation des lieux : à cet égard,

un arrêt de la Cour de cassation a jugé que le défaut de réciprocité d'une faculté de résiliation d'un

contrat de location-gérance était illicite (Com. 20.09.2011, n°10-30.567).

En définitive, il apparaît que le nouvel article 1171 du Code civil pourrait ne pas recevoir une

application significative en matière de bail commercial.

Application en matière de bail d’habitation :

Un bail d’habitation peut-il être considéré comme un contrat d’adhésion ?

On peut penser que le bail est pré rédigé par le bailleur et qu’il n’y a donc pas de négociation.

Mais même dans ce cas, il n’est pas certain que cela suffise pour qualifier le bail de contrat

d’adhésion.

En effet, depuis le décret 2015-587 du 29 mai 2015, en vigueur depuis le 1er août 2015, un contrat

type de location s’impose aux parties.

Les conditions générales du contrat sont donc déterminées à l’avance non pas par les parties mais

par le législateur.

Ce ne serait donc que dans les cas où le contrat type n’est pas applicable (bail soumis au droit

commun tel une location touristique ou à la loi du 1er septembre 1948) que l’article 1171 aurait

vocation à s’appliquer.

Par ailleurs il faut garder à l’esprit que lorsque le bailleur est un professionnel les dispositions du

Code de la consommation ont pleinement vocation à s’appliquer.

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LA PREUVE DU CONTRAT :

Article 1358 du Code civil :

« Hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être apportée par tout moyen »

Article 1359 du Code civil

« L'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être

prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.

Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique, même si la somme ou la

valeur n'excède pas ce montant, que par un autre écrit sous signature privée ou authentique.

Celui dont la créance excède le seuil mentionné au premier alinéa ne peut pas être dispensé de la

preuve par écrit en restreignant sa demande.

Il en est de même de celui dont la demande, même inférieure à ce montant, porte sur le solde ou sur

une partie d'une créance supérieure à ce montant »

L’article 1358 nouveau pose le principe de la liberté de la preuve sauf disposition légale contraire.

Ce principe n’était pas affirmé de façon aussi limpide dans le Code civil, mais se déduisait déjà de la

confrontation des articles 1341 et 1348 anciens.

L’article 1359 nouveau énonce les exceptions générales au principe de liberté de la preuve introduit

par l’article 1358 nouveau :

- Les actes juridiques portant sur une valeur ou une somme excédant un montant fixé par

décret (actuellement 1 500€) doivent nécessairement être prouvés par un écrit : conforme

au droit positif, l’écrit n’étant pas exigé à titre de validité du contrat, en vertu du principe du

consensualisme, la sécurité des transactions rend indispensable l’exigence de la preuve par

écrit (alinéa 1)

- Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit que par un écrit et ce quelle que soit la valeur

ou le montant sur lequel porte l’obligation en cause et sa source, acte ou fait juridique

(alinéa 2)

- Celui dont le montant ou la valeur de l’obligation excède le seuil fixé par décret ne peut

réduire sa demande pour échapper à l’exigence probatoire d’un écrit sous seing privé ou

authentique (alinéas 3 et 4).

Consécration du droit positif.

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LA FIXATION DU PRIX :

L'ordonnance apporte des modifications substantielles concernant le rôle du juge et des parties dans la fixation du prix des contrats immobiliers et de construction. Avant d'en venir à ces nouveautés, il convient de souligner que l'article 1167 du Code civil précise le sort du contrat lorsque son prix devait être déterminé par rapport à un indice qui a cessé d'exister ou d'être accessible. Le recours à un indice de remplacement

Article 1167 du Code civil : « Lorsque le prix ou tout autre élément du contrat doit être déterminé par référence à un indice qui n'existe pas ou a cessé d'exister ou d'être accessible, celui-ci est remplacé par l'indice qui s'en rapproche le plus ». Cette disposition favorisera la continuation du contrat, là où la jurisprudence était indécise quant à son sort lorsqu'un élément, le plus souvent le prix, devait être déterminé par référence à un indice qui avait cessé d'exister ou d'être accessible, sans que les parties puissent s'accorder sur son remplacement. A priori, l'impact de cette disposition ne doit pas être négligé dans le secteur de la construction et plus largement en matière immobilière, dont les contrats, très souvent de durée, prévoient l'indexation des prix sur des indices : indice du coût de la construction (ICC), index nationaux du bâtiment (BT), des travaux publics (TP) et divers de la construction, indice des loyers commerciaux, indice des loyers des activités tertiaires, indice de référence des loyers, etc. Cependant cet article apparait de portée limitée dans la mesure où on constate que :

- Les pouvoirs publics prennent généralement soin lorsque les indices ne sont plus publiés ou lorsque leur base est modifiée de prévoir un coefficient de raccordement.

- Dans la pratique, les rédacteurs d’actes prévoient les modalités de remplacement des indices

et il apparait opportun de continuer à œuvrer dans ce sens malgré l’article 1167 qui demeure muet sur les modalités de remplacement ou même son processus.

L'une des parties (le créancier du prix ?) pourra-t-elle remplacer unilatéralement l'indice dès lors qu'il s'agit de celui qui se rapproche le plus de celui qui a cessé d'exister ou d'être accessible ? Ce remplacement suppose-t-il l'accord des parties ?

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Le juge interviendra-t-il pour trancher un éventuel désaccord ou pour contrôler que l'indice de remplacement unilatéralement désigné par l'une des parties est celui qui se rapproche le plus de celui qui a cessé d'exister ou qui n'est plus accessible ? Autant de questions auxquelles le texte de l'article 1167 n'apporte pas de réponses. Ces incertitudes justifient que les parties au contrat continuent de préciser dans le contrat les modalités de ce remplacement en envisageant au moins deux hypothèses. La première est celle dans laquelle un nouvel indice destiné à se substituer à la série d'indices ayant disparus est publié. Dans ce cas, il pourra être prévu que le nouvel indice prolongera de plein droit l'ancienne série d'indices en utilisant le coefficient de raccordement publié. La seconde est celle dans laquelle aucun indice de remplacement n'est publié ou celle dans laquelle une série d'indices est remplacée par plusieurs nouveaux indices. Dans ce cas, il pourra, par exemple, être prévu la nécessité d'un accord des parties, sous la forme d'un avenant, et, à défaut, le recours au juge ou à un expert qui sera chargé de désigner l'indice qui se rapproche le plus de celui qui a été supprimé ou a cessé d'exister.

La fixation du prix dans les contrats de prestation de service

Article 1165 du Code civil : « Dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation. En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande en dommages et intérêts. » Cet article apporte d'importantes nouveautés. Quels régimes de fixation du prix ? Les modalités de fixation du prix dans les contrats de vente, y compris les ventes d'immeuble à construire, demeurent inchangées, dès lors que l'article 1591 du Code civil, qui n'a pas été modifié, prévoit toujours que « le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties ». Il en va d'ailleurs de même dans tous les contrats pour lesquels la loi prévoit que le prix doit être déterminé dès leur conclusion : contrat de construction de maison individuelle (CCH, art. L. 231-2, d), contrat de promotion immobilière (CCH, art. L. 222-3, d), etc. Ce texte, concernant directement le droit immobilier et de la construction en ce qu'il s'applique aux «contrats de prestation de service», modifie en effet sensiblement tant les pouvoirs des parties que ceux du juge en matière de fixation du prix.

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o La qualification de contrat de prestation de service Dans l'ordonnance et par référence à l'article 1127-1, cette catégorie de contrat de prestation de service s'oppose à la famille des « contrats de fourniture d'un bien » Si les contrats de vente sont à l'évidence des contrats de fourniture de biens (mais la vente est déjà visée par l'article 1591), les contrats d'entreprise sont, quant à eux, des contrats de prestation de service. On peut également certainement considérer que le contrat de mandat et donc, par exemple, le contrat de maîtrise d'ouvrage déléguée entrent aussi dans la famille des contrats de prestation de service. Encore, on peut admettre que le contrat d'assurance entre dans cette catégorie. Mais demeurent d'importantes difficultés concernant l'ensemble des contrats par lesquels leur propriétaire en confie l'usage (bail ou prêt par exemple) ou la garde (dépôt par exemple) à une autre personne. Sont-ils membres de la famille des contrats de fourniture d'un bien ou des contrats de prestation de service ?

o Le nouveau régime de la fixation du prix dans les contrats de prestation de service Nombreux sont les changements opérés par le texte de l'article 1165. Notre propos sera donc limité aux contrats d'entreprise et aux contrats de mandat, d'usage fréquent en matière immobilière. Le principe, bien établi en jurisprudence, selon lequel le prix n'a pas à être déterminé dès la conclusion du contrat, demeure, à la lecture de l'article 1165. Si les parties peuvent choisir de déterminer le prix avant l'exécution de la prestation, notamment par le recours à un marché à forfait ou par tout autre mode de fixation du prix, cette circonstance est indifférente à la validité des contrats d'entreprise et plus avant de tout contrat de prestation de service. Le prix peut être valablement fixé après son exécution. Mais, au-delà, l'article 1165 du Code civil modifie considérablement les solutions jusqu'alors acquises, en même temps qu'il les unifie, dès lors que le rôle du juge en matière de fixation du prix du contrat d'entreprise et de la rémunération du mandataire présentait des différences notables.

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o La fixation unilatérale du prix À défaut d'accord sur le prix préalable à la prestation, le texte de l'article 1165 prévoit que le prix peut être fixé unilatéralement par le « créancier ». Ce terme semblant désigner le créancier du prix, seul l'entrepreneur ou le mandataire a donc la possibilité de fixer unilatéralement le prix, à l'exclusion du maître de l'ouvrage ou du mandant. Est ainsi affirmée la possibilité pour l'entrepreneur ou le mandataire de fixer seul, unilatéralement, le prix, ce qui, assurément, rompt avec la jurisprudence antérieure. En effet, jusqu'alors le prix devait être accepté par le maître de l'ouvrage ou le mandant. La fixation a posteriori par l'entrepreneur ou le mandataire ne dispensait pas d'obtenir leur accord. S'il pouvait être fixé, tant avant qu'après l'exécution de la prestation, le prix était malgré tout fixé par les parties. Ceci expliquait qu'en « l'absence d'un tel accord », ainsi que le souligne la Cour de cassation (Civ. 1ère, 24.11.1993, n°91-18.650), le juge s'était octroyé le droit de fixer le prix. Par exemple, le contrat d'entreprise est valable même en l'absence de fixation du prix, mais il suppose un prix ; il était donc nécessaire qu'il soit fixé judiciairement en cas de désaccord entre les parties. Cette nouvelle prérogative reconnue à l'entrepreneur ou au mandataire est ainsi de nature à modifier considérablement les modalités de paiement du prix. Le débiteur du prix ne devrait plus pouvoir refuser de payer le prix fixé unilatéralement par le créancier. Du moins si ce dernier en justifie le montant. En effet, l'article 1165 prévoit que « le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation ». Si le créancier du prix n'en motive pas le montant, le débiteur pourra refuser de le payer dans l'attente que le juge se prononce sur l'abus dans la fixation du prix, dont l'absence de motivation pourrait constituer un indice.

o Le contrôle judiciaire de l'abus L'article 1165 du Code civil ne permet plus au juge de fixer le prix, sauf texte particulier, ainsi que la jurisprudence le lui permettait lorsque le prix du contrat d'entreprise ou du contrat de mandat n'avait pas fait l'objet d'un accord. De même, cet article ne permet plus au juge de réviser le prix lorsque, plus rarement, il avait été fixé par les parties dans un contrat d'entreprise donnant lieu à honoraires ou dans un contrat de mandat.

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Désormais, le juge ne peut plus que contrôler l'« abus dans la fixation du prix ». Mais, rien, dans le texte de l'article 1165, ne limite le pouvoir du juge au contrôle de l'abus dans la fixation unilatérale du prix par l'entrepreneur ou le mandataire. Le juge peut donc, en l'absence de précisions, également intervenir dans toutes les autres situations qui ne donnaient jusqu'alors pas lieu à un contrôle : lorsque le prix, dès la conclusion du contrat d'entreprise, est déterminable en fonction d'éléments objectifs (marché sur série de prix, marché au métré, etc.), voire déterminé (dans le cadre d'un marché à forfait par exemple) Ou encore lorsque le prix a été fixé par les parties postérieurement à l'exécution de la prestation Il en résulte assurément un changement essentiel, en ce que le juge, par le contrôle de l'abus et l'octroi de dommages et intérêts au débiteur du prix, pourrait devenir le gardien de l'équilibre du prix.

o La caractérisation de l'abus dans la fixation du prix Reste, in fine, que les indices qui permettront de caractériser l'abus conditionneront grandement l'effectivité et la portée de cette réforme confiant au juge un pouvoir général de contrôle de l'abus dans la fixation du prix des contrats de prestation de service. Parmi d'autres critères tels que les usages, la jurisprudence s'attachait essentiellement à relever que « le prix initialement convenu apparaissait exagéré au regard du service rendu », que la commission de l'agent immobilier était « excessive », que le prix demandé par l'entrepreneur « excédait » les prix habituellement pratiqués pour des travaux de même nature ou encore qu'il était « manifestement excessif » par rapport aux prix pratiqués antérieurement entre les parties et même par rapport à ceux obtenus auprès d'un autre prestataire. Dans l'ensemble de ces hypothèses, les juges caractérisaient ainsi le prix excessif pour décider de le fixer ou de le réviser à un prix moindre. Il est certain que si cette appréciation devait perdurer, il en résulterait un contrôle des prix accru par le juge qui dispose désormais du pouvoir de caractériser l'abus dans la fixation du prix quelle que soit la manière dont le prix a été fixé dans les contrats de prestation de service. Aussi, il conviendra de souhaiter que le juge caractérise à l'avenir « l'abus dans la fixation du prix », ainsi que le prévoit l'article 1165, et non seulement le prix abusif. Seule cette interprétation contiendra les pouvoirs du juge dans des limites raisonnables, même s'il n'est pas certain que le nouvel article 1166 relatif à la qualité de la prestation le permette.

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La qualité de la prestation

Article 1166 du Code civil : « Lorsque la qualité de la prestation n'est pas déterminée ou déterminable en vertu du contrat, le débiteur doit offrir une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie ». La référence à la qualité de la prestation existait déjà, de façon discrète, dans certaines dispositions. En matière de construction, certains textes exigent que la qualité soit mentionnée dans l'acte. Par exemple, l'art. L. 261-15, al. 2, du CCH dispose que le contrat préliminaire doit comporter des indications relatives à la consistance et à la qualité de la construction à la fois de l'immeuble en son entier et du local particulier qui a été réservé. Mais, il résulte néanmoins de l'art. R. 261-25 du CCH que cette qualité est suffisamment établie par une note technique sommaire indiquant la nature et la qualité des matériaux et des éléments d'équipement. Le nouvel article 1166 peut avoir une certaine résonance en matière de construction, s'agissant, notamment, de la qualité de la construction ou des matériaux utilisés, mais également des prestations intellectuelles nécessitées par l'opération de construction (architecte, bureau d'études, etc.). En présence de précisions dans le contrat, la qualité de la prestation, qui n'est autre que l'objet de l'obligation, devra être celle conventionnellement prévue, étant rappelé que le contenu des documents publicitaires visant par exemple une « résidence de grande classe » ou « la qualité de construction supérieure » entre dans le champ contractuel, ainsi que la cour d'appel de Toulouse a eu l'occasion de le rappeler : « Les documents précontractuels (brochures publicitaires), remis et mis à disposition des acquéreurs sur Internet dans un but d'inciter les cocontractants à s'engager au vu des qualités alléguées du produit vendu et qui affirment des caractéristiques précises mais inexactes ont participé de l'objet du contrat et de ses qualités attendues » (CA TOULOUSE 16.03.2015 N°13/05151). La qualité promise de la construction n'est donc naturellement pas neutre et s'est même invitée à plusieurs reprises ces dernières années dans le contentieux relatif à l'impropriété à la destination (Civ. 3ème, 12.10.2012, n°10-28.309 et 10-28.310). Mais, ce qui est formalisé par cet article, c'est qu'en l'absence de précisions contractuelles le débiteur doit offrir une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes des parties. Toutefois, sous couvert d'exiger une certaine qualité, c'est à nouveau le prix qui est au cœur de cette disposition. En effet, selon le texte, les attentes légitimes des parties s'apprécieront par rapport à la nature de la prestation, aux usages et au montant de la contrepartie.

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Le juge sera amené à mettre en balance la nature de la prestation et le montant de la contrepartie, en tenant compte éventuellement des usages. Ainsi on peut penser que lorsqu'il jugera le prix excessif, exagéré au regard de la nature de la prestation et/ou des usages, il condamnera le débiteur de la prestation.

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LA RÉDUCTION DU PRIX

Article 1223 du Code civil :

« Le créancier, peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et

solliciter une réduction proportionnelle du prix ;

S’il n’a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais ».

Avant ce texte :

Cette possibilité était jusqu’à présent offerte par certains textes spéciaux :

- Droit de la vente : l’action en garantie des vices cachés, action en réduction de prix pour

manquement à l’obligation de délivrance.

- Droit de la consommation : article L 217 10 du Code la consommation : dans l’hypothèse où

la réparation et le remplacement du bien sont impossibles : l’acheteur peut se faire rendre

une partie du prix.

- Droit commun sur le fondement de l’article 1147 du Code civil : il était possible d’obtenir des

dommages et intérêt, revenant ainsi, dans les faits, à une réduction du prix.

Apport de ce texte :

Le texte prévoit deux cas de figure :

- Si le prix a été payé : le créancier peut demander, après mise en demeure, la réduction du

prix. En cas de refus, il devra saisir le juge pour obtenir une réduction proportionnelle du

prix, comme auparavant…

- Si le prix n’est pas payé : le créancier de manière unilatérale décide que le prix doit être

réduit, le juge ne pouvant être saisi qu’à postériori par le débiteur victime de la réduction de

prix.

La nouveauté de ce texte réside dans le caractère unilatéral d’une telle décision.

La créancier, de son propre chef et sans autorisation judiciaire, peut modifier unilatéralement le

contrat conclu.

Le texte érige le créancier en juge de l’exécution correcte du contrat afin de justifier la diminution du

prix.

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Ainsi, le créancier juge lui-même :

- Du caractère imparfait de l’exécution

- De la réduction proportionnelle à appliquer.

Il y a ainsi un risque d’apparition d’un contentieux de la part de mauvais payeurs, qui vont invoquer

des exécutions imparfaites pour refuser de régler le prix.

Application en droit de la construction :

En droit de la construction, il pourrait ainsi apparaitre une nouvelle négociation au moment de la

réception des travaux, la liste des réserves étant suivie d’une diminution du prix en contrepartie de

l’abandon par le maître de l’ouvrage du droit de faire lever ces réserves par l’entrepreneur.

Or, cela peut être lourd de conséquences, puisque dans ce cas, le maître de l’ouvrage accepte le

désordre, la malfaçon et renonce à solliciter la réparation.

Or, si le désordre évolue après réception et devient de nature décennale, l’assurance décennale

pourrait refuser sa garantie, au motif que la partie de l’ouvrage théâtre du désordre n’a jamais été

réceptionnée, puisque le maitre de l’ouvrage, par sa demande de réduction de prix, n’a pas

manifesté sa volonté d’accepter l’ouvrage.

Au surplus, ce texte vient en contradiction avec la garantie de parfait achèvement, qui oblige

l’entrepreneur à réparer.

Il faudra donc combiner le droit spécial et cette disposition de droit commun.

Application à la vente :

En matière de vente en l’état futur d’achèvement, l’acheteur, au moment de la livraison, pourrait

refuser le versement du solde du prix, et il renonce ainsi à l’exécution parfaite du contrat, et donc à

exiger la levée des réserves mentionnées au moment de la livraison.

Le droit actuel offre deux possibilités pour l’acheteur :

- La consignation du prix : l’article R 261-14 du Code de la construction et de l’habitation

prévoit que lorsque l’immeuble reste affecté de malfaçons et de non conformités,

l’acquéreur est autorisé à consigner le solde du prix, jusqu’à ce que les réparations soient

faites.

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- L’exception d’inexécution : qui est généralement invoqué en cas de prise de possession avant

l’achèvement. Mais la jurisprudence exige que l’immeuble soit affecté de défauts de

conformité et de malfaçons graves de nature à faire obstacle à l’achèvement de l’ouvrage.

Le nouvel article 1123 du Code civil offre là une troisième possibilité inédite : à savoir obtenir la

réduction proportionnelle du prix moyennant renonciation à obtenir la réparation de malfaçon ou

non-conformité.

Pour la vente d’immeuble, en général, les actes de vente contiennent une clause selon laquelle la

garantie des vices cachés n’est pas due.

Avec ce nouveau texte, le vendeur aura tout intérêt à mentionner que ce texte de droit commun

n’aura pas non plus vocation à s’appliquer.

Cette disposition pourrait recevoir application au lieu et place des dispositions spécifiques au droit de

la vente et plus particulièrement sur l’obligation de délivrance.

Or, les textes relatifs au droit de la vente sont enfermés dans les délais de prescription spécifique

raccourcis :

- Prescription de deux ans pour l’action en garantie de vice caché

- Prescription d’un an pour l’action en diminution du prix pour manquement à obligation de

délivrance.

Or, pour ce nouveau texte de droit commun, le délai de prescription est de 5 ans.

Les vendeurs auront intérêt à préciser le texte applicable notamment celui du droit de la vente pour

éviter de se voir appliquer le droit commun des contrats, et sa prescription plus longue.

A défaut, des plaideurs, prescrits sur la législation spécifique à la vente, tenteront leur chance en

sollicitant l’application du droit commun.

Application au bail d’habitation :

Avec ce texte, l’on peut aussi imaginer que le locataire accepte que son logement ne soit pas exempt

de tous reproches, pour payer un loyer moindre, dont il arbitrera lui-même la diminution.

Le propriétaire n’aura plus qu’à saisir le juge pour contester la décision unilatérale de son locataire.

Il s’agit là d’un changement notable, puisque jusqu’à présent, le locataire devait saisir le Juge pour

obtenir l’autorisation de consigner les loyers ou de réduire le loyer jusqu’à ce que le propriétaire

effectue les travaux nécessaires à la remise en état du bien loué.

Une simple action en réduction du loyer, sans demande de réalisation des travaux, n’était pas

admise par la jurisprudence.

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Par un arrêt du 30 juin 1999, la Cour de cassation a approuvé une décision des juges du fond qui avait

débouté le locataire de son action en réduction du prix du bail, au motif que le bailleur n’avait pas

rempli son obligation d’entretien et de réparation (en l’espèce infiltrations d’eau et humidité et le

locataire n’avait pas sollicité la mise en œuvre des travaux de réparation)

Cette jurisprudence, nonobstant ce texte, sera très certainement maintenue lorsque l’obligation du

bailleur de livrer un logement décent est en cause.

En revanche, à partir du moment où la sécurité et la santé des habitants ne sont pas en jeu, il est

possible d’imaginer une réduction du prix du loyer lorsque par exemple :

- Une pièce annexe et non de vie n’est pas utilisable : garage, cave, grenier

- Un élément d’équipement n’est pas utilisable : piscine, adoucisseur d’eau….

La jurisprudence devra donc déterminer si ce texte de droit commun peut se cumuler avec la loi de

1989.

Application au bail commercial :

Comme en matière de bail d’habitation, ce texte peut ouvrir la possibilité pour le preneur d’opérer

lui-même une baisse de loyer en cas de manquement du bailleur à l’une de ses obligations (travaux,

entretien).

La nouveauté de ce texte réside dans le fait que l’autorisation judiciaire préalable n’est plus

nécessaire.

Le preneur prend évidemment le risque d’une demande de résiliation du bail pour non-paiement des

loyers.

Il appartiendra à la jurisprudence de combiner ce texte avec les textes spécifiques relatifs au bail

commercial.

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L’IMPRÉVISION

Article 1195 du Code civil : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe. » Ce texte a vocation à s’appliquer aux contrats à exécution successive, étant précisé qu’il n’est pas d’ordre public. Avant la réforme : Depuis l'arrêt Canal de Craponne (Civ. 6 mars 1978), la jurisprudence civile a toujours refusé pour le juge la possibilité de modifier les prestations des parties dans les contrats de longue durée, même en cas de survenance d’éléments imprévisibles venant bouleverser l’économie du contrat. Bien que la Cour de cassation ait depuis eu l’occasion de rappeler qu’en principe le juge n’a pas le pouvoir de modifier le contrat (Civ. 3ème, 18.03.2009, n°07-21.260 refusant de réviser le loyer d’un bail qui avait été fixé en tenant compte des services rendus par le locataire au bailleur et celui-ci étant par la suite décédé), la jurisprudence a progressivement tempéré la rigueur de ces décisions (Com. 29.06.2010, n°06-67.369). L’article 1195 constitue l’une des innovations importantes de l’ordonnance puisqu’il introduit donc l’imprévision dans le droit des contrats français et ce afin de lutter contre les déséquilibres contractuels majeurs qui surviennent en cours d’exécution. Apport de la réforme : Les conditions qui président à la mise en œuvre de l'article 1195 sont étroitement définies. Elles requièrent d'abord un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat, ensuite une exécution excessivement onéreuse. Le changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat s'entend d'un événement qui ne pouvait être connu ou calculé lors de la conclusion du contrat.

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Cette condition, bien que non circonscrite aux seules circonstances économiques, limite raisonnablement le nombre potentiel de situations concernées. Exemples de circonstances imprévisibles : une variation brutale du coût de la main-d’œuvre ou de certains matériaux, la survenance d'un événement naturel tel que des inondations, un orage de grêle, un aléa technique imprévisible même pour un cocontractant spécialisé ou encore une situation de grève générale. Quant à la date d'appréciation de ce changement imprévisible, elle est fixée au jour de la conclusion du contrat. Par conséquent, ne saurait relever de ce texte l'hypothèse d'un changement de circonstances imprévisible entre le contrat de réservation et le contrat définitif de vente en l'état futur d'achèvement. Certes, le Code de la construction et de l'habitation permet au vendeur de ne pas conclure le contrat définitif (R261-31 CCH, moyennant restitution du dépôt de garantie) mais ce dernier peut souhaiter maintenir le contrat à des conditions différentes et solliciter une renégociation avec son cocontractant, voire demander au juge de réviser le contrat. À côté de ce changement imprévisible, il faut encore établir une exécution excessivement onéreuse au-delà de ce qu'un cocontractant doit supporter sans pour autant que cette exécution devienne impossible. Il conviendra toutefois que les juges précisent comment apprécier cette condition : est-ce au regard de l'équilibre initial du contrat ou au regard de la situation de la partie qui invoque ce bouleversement ? À ces conditions strictes, s'ajoute le caractère supplétif de l'article 1195 du Code civil. L'alinéa 1er de l'article 1195 prévoit que ce mécanisme ne fonctionne que si la partie qui subit le changement imprévisible « n'a pas accepté d'en assumer le risque ». Comme l'a écrit le professeur H. Périnet-Marquet : « Le texte fournit son propre antidote puisqu'il suffira qu'une partie accepte d'assumer le risque de changement de circonstances imprévisibles et onéreuses pour que cette nouvelle disposition soit écartée ». Il faut bien mesurer l'impact que pourrait avoir l'application de la théorie de l'imprévision en droit de la construction où de nombreux contrats ont des liens étroits les uns avec les autres, et sont tous nécessaires à la réalisation d'un programme immobilier. La modification d'une condition financière, d'un délai d'exécution, comme le prononcé de l'extinction de l'un de ses contrats auront des répercussions sur l'opération finale, le plus souvent en raison d'un surcoût. Il est donc fort probable que les contrats du droit de la construction voient fleurir dans les tout prochains mois des clauses en vertu desquelles les cocontractants ou l'un d'entre eux acceptent d'assumer tel ou tel risque, voire tout changement imprévisible.

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Application en droit de la construction et de l’immobilier :

Quel sera l'impact de cette innovation en droit de la construction et de l'immobilier ? Différents arguments conduisent à penser que l'impact sera mesuré. En effet, l'ordonnance du 10 février 2016 précise à l'alinéa 3 de l'article 1105 que les règles générales s'appliquent sous réserve de règles particulières à certains contrats. Cette disposition interroge sur une possible coexistence de l'article 1195 avec l'article 1793 du Code civil relatif aux marchés à forfait, qui incluent notamment les contrats de construction de maison individuelle (L231-2 CCH et L232-1 CCH). L'entrepreneur pourra-t-il invoquer l'imprévision pour obliger son cocontractant à renégocier le prix du contrat ou demander au juge de modifier ce prix ? L'article 1793 du Code civil prévoit que, lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, il ne peut demander aucune augmentation de prix, en particulier sous le prétexte de l'augmentation de la main-d’œuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire. La Cour de cassation a ainsi affirmé au visa de ce texte qu'aucune circonstance imprévisible ne pouvait entraîner la modification du caractère forfaitaire du contrat (Civ. 3ème, 20.11.2002 n°00-14.423) Admettre l'imprévision dans le cadre de ces contrats constitue une négation des spécificités des marchés à forfait. Contrats de promotion immobilière : il s'agit cette fois de se demander si le nouvel article 1195 peut s'appliquer alors que l'article 1831-1 du Code civil énonce que le promoteur s'oblige à faire procéder à la réalisation d'un programme pour un « prix convenu », ce qui impose que tout dépassement de prix soit supporté par le promoteur même lorsque les raisons de ce dépassement naissent d'un cas de force majeure qui, par définition, est nécessairement un changement de circonstances imprévisible. Certes, l'article L. 223-1 du Code de la construction et de l'habitation prévoit la possibilité de stipuler un poste pour imprévus qui impose au maître de l'ouvrage de prendre en charge les sommes qui dépassent le montant total du prix convenu, tout en restant dans les limites de sommes indiquées dans la clause ; mais, en l'absence d'une telle clause, admettre l'application de l'article 1195 conduit à remettre en cause une obligation caractéristique du contrat de promotion immobilière, à savoir l'obligation du promoteur de prendre en charge les dépassements du prix.

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Vente d'immeuble à construire : aucune disposition spécifique ne semble ici s’opposer à ce que le prix puisse être modifié, mais une telle solution s'inscrit à contre-courant de l'évolution protectrice de l'acquéreur que connaissent ces contrats. Ainsi on peut imaginer que l’acquéreur malchanceux (victime d’un deuil, d’un divorce, d’un licenciement…) puisse se prévaloir des dispositions de l’article 1195 ? Certes l’accédant dans l’état actuel du droit dispose déjà d’un certain nombre d’échappatoires lui permettant de sortir d’un contrat de construction (condition suspensive de l’obtention d’un prêt de l’article L312-16 du Code de la consommation, le délai de rétractation de dix jours de l’article L271-1 du CCH, la cession de la vente d’immeuble à construire à un tiers acquéreur de l’article L261-4 CCH…). Vu la généralité du texte, on peut penser que rien n’empêcherait l’acquéreur de se prévaloir des dispositions de l’article 1195. On peut envisager pour les promoteurs constructeurs d’écarter expressément et de manière systématique dans leur contrat tout recours à l’imprévision.

Application au bail commercial :

En la matière, le législateur a déjà prévu un mécanisme, fixé impérativement le droit au renouvellement du contrat, la révision du loyer en cours de bail, permis l'indexation sur tel ou tel indice réputé légal, réduit les excès des bailleurs en termes de transfert de charges et régulé la procédure de modification du loyer en cas de renouvellement, mis en place des mécanismes permettant la réduction de la durée du bail pour le preneur et le bailleur. Les dispositions impératives relatives à l'évolution de l'activité exercée dans les lieux loués ont permis une adaptation des activités sans perte de localisation et sans que le bailleur n'y perde de revenu. Enfin, en imposant une nouvelle lecture de l'article L. 145-12 du Code de commerce relatif à la date d'un éventuel accord sur la durée du bail issu du renouvellement, la Cour de cassation a réduit la possibilité de fixer à l'avance une durée supérieure à neuf années des baux successifs. C’est déjà dire que le champ d'application de l'article 1195 du Code civil, eu égard au double caractère des dispositions statutaires : ordre public et texte spécial privilégié en cas de dualité d'application potentielle du droit commun et du droit particulier, devrait être réduit à la portion congrue. Cela ne signifie pas qu'il ne puisse être invoqué dans les interstices des normes statutaires. En effet, l'alinéa 3 de l'article 1105 rappelle que « les règles générales s'appliquent sous réserve de ces règles particulières ». Les parties peuvent renoncer dans le contrat à la possibilité d'invoquer l'article 1195 du Code civil au cours de son exécution.

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Plusieurs questions se posent alors. Celle de savoir si les parties peuvent aménager la charge du risque ; celle de savoir ce qu'il en sera lors du renouvellement du bail. Si une renonciation totale est possible, une renonciation limitée dans le temps, eu égard à telle ou telle circonstance, est la preuve d'une négociation raisonnée ; d'autre part, c'est ce qui se pratique avec les clauses de hardship, les clauses de renégociation. La renonciation vaut-elle pour les baux successifs issus du renouvellement ? La question se pose de savoir si, dans un bail commercial, la renonciation faite au départ peut valoir pour les baux successifs, ou si elle doit être à nouveau expressément réitérée lors de l'accord de renouvellement ? Ici, la réponse n'est pas évidente. D'un côté, il est de règle que le bail se renouvelle aux clauses et conditions du bail expiré, ce qui emporte la pérennité de la clause de renonciation à invoquer l'article 1195 du Code civil dans le nouveau bail. De l'autre, rendre la clause de risque imperméable aux effets de l'écoulement du temps pour lequel elle a été souscrite, semble être en contradiction avec le principe de l'accès au processus de révision voulu pour pallier les effets du temps sur l'onérosité de l'exécution du contrat. La clause devrait être considérée comme ayant épuisé ses effets dérogatoires lors de la fin du bail qui la contient. On peut envisager que le bénéficiaire de la clause précise dans le congé ou la demande de renouvellement le maintien ou l'éviction de la clause En matière de baux commerciaux, les outils qu'offre le droit spécial pourraient s'avérer plus pertinents que l'article 1195 pour maintenir le bail en vie.

Application au bail d’habitation :

La réglementation d'ordre public des lois particulières laisse peu d'espace à ce mode judiciaire de révision du contrat. La loi du 1er septembre 1948 fixe les modalités de la révision du loyer (et aucune stipulation ne peut y déroger : Civ. 3e, 5 nov. 2015, n° 14-23.693). La loi du 6 juillet 1989 énonce les seules modalités admissibles de réévaluation du loyer, en son article 17-2, et de révision de ce loyer, en son article 17-1. Seul un bail soumis au Code civil, dépourvu de clause d'indexation, ou dont l'indice de référence n'évoluerait qu'insuffisamment, pourrait se voir appliquer ce nouvel article 1195.

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On peut également envisager que le locataire puisse demander l'application de ce nouveau texte, par exemple si le loyer, du fait de l'indexation (voire d'une réévaluation), a considérablement augmenté depuis la conclusion initiale, ce qui rend l'exécution du contrat excessivement onéreuse pour lui. La réévaluation à la baisse n'est envisagée par le législateur qu'en zone d'encadrement des loyers (soit à Paris à l'heure actuelle), selon l'article 17-2 de la loi de 1989, lorsque le loyer actuel excède le loyer de référence majoré. Encore faudrait-il que les conditions posées à l'article 1195 soient remplies, et en particulier la notion de « changement de circonstances imprévisible ». L'évolution d'un indice contractuellement choisi ou l'application des modalités légales de réévaluation du loyer ne parait pas constituer un changement imprévisible, puisque les modalités en sont exposées dès la conclusion du bail.

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L’EXÉCUTION FORCÉE EN NATURE ET LA DISPROPORTION MANIFESTE

Article 1221 du Code civil :

« Le créancier d’une obligation, peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature,

sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le

débiteur et son intérêt pour le créancier ».

Avant ce texte :

Le Code civil faisait primer l’exécution forcée en nature, qui permettait ainsi au créancier d’en

réclamer l’exécution forcée en nature, mais imposait également au juge de faire droit à sa demande.

Apport de ce texte :

Ce texte rappelle le principe selon lequel l’exécution forcée en nature est due.

Ce texte pose deux limites à l’exécution forcée :

- l’impossibilité d’exécution

- la disproportion manifeste.

o L’impossibilité d’exécution :

L’impossibilité peut être :

- Matérielle : la chose est détruite

- Juridique : la chose est vendue.

Le nouveau texte ne définit pas l’impossibilité d’exécution, qui devra être cernée par la

jurisprudence.

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o La disproportion manifeste :

La nouveauté réside dans le fait que ce texte instaure un contrôle de proportionnalité.

Ainsi, il doit être apprécié la disproportion manifeste entre le coût pour le débiteur et l’intérêt du

créancier :

Il s’agit d’une réelle nouveauté, par rapport au droit antérieur.

Il y a donc un nouveau critère dans le cadre de l’exécution d’un contrat : l’enjeu économique peut

justifier de déroger au contrat.

Deux conditions sont posées par ce texte :

Il faut une disproportion manifeste :

La difficulté de ce nouveau texte réside dans le fait que la notion de « disproportion manifeste » n’est

pas définie par le texte.

La définition du Petit Robert du mot « disproportion » : « c’est la différence excessive entre deux ou

plusieurs choses ».

La définition du Petit Robert du mot « manifeste » : « dont l’existence ou la nature est évidente ».

Or qu’est-ce que l’excès, qu’est-ce que l’évidence ?

La jurisprudence devra trancher….les discussions seront vives…

Il faut arbitrer entre le coût d’une exécution forcée pour le débiteur et l’intérêt qu’elle

procure au créancier.

Cela place en réalité le créancier dans la situation d’exiger son dû, sauf lorsqu’il n’en tirerait pas

réellement de profit.

Si la disproportion est manifeste, le créancier devra se tourner vers une autre solution, telle que la

résolution du contrat.

Ce contrôle de proportionnalité est une notion nouvelle.

La Cour de cassation, depuis quelques mois, a commencé à introduire cette notion notamment en

droit de la construction, avant même l’entrée en vigueur du nouveau texte.

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Application au droit de la construction :

Cet article pourrait conduire les entrepreneurs à refuser d’exécuter en nature des contrats devenus

trop onéreux.

Néanmoins, cet article suppose que soit opéré un contrôle de la proportionnalité entre le coût pour

le débiteur (l’entrepreneur) et l’intérêt pour le créancier (maître de l’ouvrage).

Ce contrôle de proportionnalité a vocation à s’appliquer pour les demandes de démolition.

En droit de la construction, les cas sont nombreux :

- Erreur altimétrique

- Erreur d’implantation

- Erreur d’orientation

- Non-respect des règles d’urbanisme

- Non-respect des règles de construction : de sécurité, sécurité incendie, parasismiques,

d’accessibilité.

- Empiètement sur le fonds voisin

- Non-respect des règles impératives des contrats de construction de maison individuelle

La jurisprudence se montrait, jusqu’à présent, particulièrement sévère pour les constructeurs,

puisque le Juge faisait primer le contrat et sanctionnait donc le constructeur qui n’en respectait pas

les termes.

Arrêt du 11 mai 2005 N 03 21 136 : la Cour de cassation a censuré un arrêt de Cour d’appel qui a

refusé d’ordonner la démolition d’un immeuble, construit avec une erreur altimétrique de 33 cm, par

rapport à ce qui était convenu contractuellement et a ainsi jugé :

« Viole l’article 1184 du Code civil une cour d’appel qui, ayant constaté que le niveau de la

construction présentait une insuffisance par rapport aux stipulations contractuelles, n’a pas ordonné

la démolition de l’ouvrage aux motifs que la non-conformité ne rendrait pas l’immeuble impropre à sa

destination et ne porterait pas sur des éléments déterminants du contrat ».

Arrêt du 26 juin 2013 N 12 18 121 : la Cour de cassation a précisé que la nullité du contrat de

construction de maison individuelle pour violation des règles d’ordre public protectrices du maître de

l’ouvrage lui ouvre le droit de solliciter la remise en état du terrain sans indemnité pour le

constructeur au titre des travaux réalisés. La demande de démolition a été donc été accueillie.

Arrêt du 16 juin 2015 N 14 14 612 : la Cour de cassation a censuré l’arrêt de la Cour d’appel qui avait

refusé la démolition de l’ouvrage au motif que le nouveau bâtiment n’était affecté d’aucune

malfaçon et n’empiétait sur aucune autre propriété, et que le préjudice limité pour le maître de

l’ouvrage en rapport avec le coût exorbitant d’une opération de démolition reconstruction. En

l’espèce : avait été commise une erreur d’implantation qui avait entrainé une occultation partielle

d’une fenêtre du bâtiment existant et conservé. La Cour de cassation a censuré l’arrêt de la cour

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d’appel au visa de l’article 1184 du Code civil : « qu’en statuant ainsi après avoir retenu que

l’implantation des constructions nouvelles n’était pas conforme aux stipulations contractuelles ».

La jurisprudence constante de la Cour de cassation sur l’empiètement sur la propriété voisine est

bien connue et établie : l’empiètement même de quelques centimètres est sanctionné par

l’obligation de démolition.

Un début de revirement ?

Arrêt du 6 mai 2014 N 13 10 338 : La Cour de cassation, dans cet arrêt, a refusé une demande de

démolition reconstruction :

« Mais attendu qu’ayant retenu que l’existence de non conformités n’empêchait pas le maître de

l’ouvrage de jouir de son immeuble et ne rendait pas la construction inhabitable et qu’il n’existait pas

un empêchement irrémédiable à la construction du garage à l’emplacement prévu et à

l’enfouissement des façades, la cour d’appel a pu en déduire, sans contradiction de motifs, que la

démolition n’était pas justifiée »

Arrêt du 15 octobre 2015 N 14 23 612 : la Cour de cassation va encore plus loin et opère un contrôle

de proportionnalité. C’est un véritable arrêt d’anticipation, par rapport au nouvel article 1221 du

Code civil.

Le cas : il s’agit d’un contrat de construction de maison individuelle, qui est annulé pour défaut de

mentions dans la notice descriptive (dissension sur le coût des travaux à la charge du maître de

l’ouvrage entre ce qui était noté sur le contrat et la notice descriptive) et défaut de précisions dans le

plan (ne comportait aucun positionnement des points lumineux et des prises électriques).

Il est rappelé que la législation relative au CMI est d’ordre public et qu’en cas de non-respect de cette

législation, la nullité du contrat est encourue. Or, qui dit nullité, dit effacement rétroactif du contrat,

donc possibilité de démolition.

Alors qu’en 2013, la Cour de cassation avait admis la démolition en cas de non-respect des règles

relatives au CMI, dans cet arrêt du 15 octobre 2015, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour

d’appel qui avait ordonné la démolition « sans rechercher comme il le lui était demandé, si la

démolition de l’ouvrage, à laquelle s’opposait le CMI constituait une sanction proportionnée à la

gravité des désordres et des non conformités qui l’affectaient ».

La Cour de cassation, dans les prochains mois, devrait se prononcer sur d’autres cas notamment sur

la question de l’empiètement sur le fonds d’autrui…

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Avec ce nouveau texte : le contrôle de proportionnalité par le Juge devra être effectué dès lors que

ce texte est invoqué.

Or, dans nombreuses hypothèses, l’intérêt du maître de l’ouvrage sera considéré comme plus

important que le coût pour l’entrepreneur.

- Exemples où l’intérêt du maître de l’ouvrage pourrait être retenu :

Le non-respect des règles de l’urbanisme pourrait avoir un impact très important pour le maître de

l’ouvrage : absence de conformité aux règles de l’urbanisme (sans possibilité de régulariser la

situation), sanction pénale encourue, démolition demandée par l’administration.

Le non-respect des règles impératives de construction : norme de sécurité incendie, parasismiques,

thermiques, accessibilité, et plus généralement lorsque la sécurité des personnes est en jeu : cela

pourrait également conduire les juges à trancher en faveur du maître de l’ouvrage, et donc ordonner

l’exécution forcée du contrat ;

- Exemples où l’intérêt du maître de l’ouvrage pourrait être écarté :

Des erreurs altimétriques de quelques centimètres :

- Un CMI s’était engagé à réaliser des plafonds à 2,70 m. Or, les plafonds réalisés ne sont qu’à

hauteur de 2,50 m. Cette erreur n’a engendré aucune conséquence en matière

administrative, la conformité ayant été obtenue.

- Une fenêtre qui est trop basse de 3 cm, si bien qu’en terme de sécurité, cela n’est pas

conforme. Pour la rendre conforme, il suffit d’apposer un garde-corps. Le maître de l’ouvrage

pourra-t-il refuser le garde-corps et exiger la démolition de l’ouvrage ?

Des erreurs d’implantation sans empiètement sur un fond voisin :

- Un immeuble qui devait être contractuellement orienté sud, et qui est en définitive orienté

sud-ouest.

Le cas particulier de l’empiètement sur le fonds voisin :

Exemple : Le demandeur, homme de droit, se plaint d’un empiètement sur sa propriété suite à la

construction de l’extension réalisée par ses voisins. L’empiètement est de quelques centimètres.

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L’impact pour le demandeur est quasi nul, puisque l’empiètement était minime, situé au fin fond de

son jardin de plus 3000 mètres carrés, partie du jardin manifestement non occupée.

La Cour d’appel, après avoir rappelé qu’il s’agissait d’un désordre de nature décennale, a ordonné à

la démolition de l’ouvrage qui empiétait, en vertu du droit de propriété.

Certes la question est d’importance, puisqu’effectivement, un droit fondamental est en jeu, soit le

sacro-saint droit de propriété.

Pour autant, et à mon sens, il faut espérer que les juges opèrent le contrôle de proportionnalité,

même en cas d’empiètement sur le fonds voisin, à condition qu’il soit minime et d’impact limité.

Sur l’articulation de ce texte avec la garantie de parfait achèvement :

Il faut également pouvoir articuler cette nouvelle disposition avec l’article 1792-2 du Code civil relatif

à la garantie de parfait achèvement.

En vertu de ce dernier, l’entrepreneur est tenu à réparer les désordres.

Il est possible que l’article 1121 du Code civil soit invoqué et le Juge devra donc dire si le texte spécial

exclut le texte général ou non.

Des problèmes d’articulation des deux textes se poseront nécessairement.

En revanche, ce nouveau texte peut recevoir application avant réception, la garantie de parfait

achèvement n’étant pas applicable.

De même, il pourrait être invoqué en présence de désordres non réservés à la réception et révélés

qu’après la réception.

Application au bail d’habitation et bail commercial :

Sur l’impossibilité d’exécution :

En matière de bail d’habitation et de bail commercial, la jurisprudence fait application de l’article

1722 du Code civil (qui ne contrevient pas aux textes spécifiques) :

« Si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié

de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander

ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucune

dédommagement ».

Ce texte a vocation à s’appliquer si la destruction n’est pas dû à la faute de l’une ou de l’autre des

parties.

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Il s’applique lorsque la chose louée est détruite par cas fortuit, soit par une origine extérieure.

En application de ce texte, et en matière de bail d’habitation, la Cour de cassation vérifie que le cout

de la remise en état n’excède pas la valeur de l’immeuble, sans considération de l’intérêt du locataire

(pour exemple 9 décembre 2009 08 17 483). :

Sur la disproportion manifeste :

En dehors du cas fortuit, le bailleur peut-il refuser d’effectuer des travaux au motif que le coût de ces

travaux est disproportionné ?

L’intérêt pour le locataire sera-t-il privilégié ?

La jurisprudence devra arriver à combiner ce nouveau texte, avec les textes spéciaux, et notamment

l’obligation pour le bailleur de permettre à son locataire de jouir du bien loué.

Il est probable que les impératifs de protection du locataire amènent les juridictions à privilégier les

locataires par rapport aux propriétaires.

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LA SUSPENSION DE L’EXÉCUTION

Article 1220 du Code civil : « Une partie peut suspendre l'exécution de son obligation dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais. » Si l'exception d'inexécution classique est consacrée à l’article 1219 du Code civil, l'article 1220 organise un mécanisme original d'anticipation. Tout créancier se voit autorisé à suspendre l'exécution de son obligation dès lors qu'il est manifeste que son contractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences seront suffisamment graves. Cette anticipation pourra alors s'avérer utile en droit immobilier. Toutefois, au-delà même du risque de voir un juge estimer que le risque d'inexécution n'était pas suffisamment grave pour justifier une telle mesure, cette nouveauté soulève des problèmes d'articulation avec quelques mesures protectrices.

S'agissant des louages : Un entrepreneur qui apprendrait assez tôt la situation relativement obérée du maître de l’ouvrage, tout en sachant pertinemment que la garantie de l'article 1799-1 ne lui sera pas délivrée. L’anticipation permettrait à l'entrepreneur de suspendre l'exécution de son contrat afin de se tourner durant ce temps vers un autre chantier. Mais une telle réaction ne lui est pourtant pas tout à fait permise au regard de la procédure retenue à l'article 1799-1 du Code civil qui n'autorise l'entrepreneur à surseoir à l'exécution du contrat que dans une situation strictement énoncée :

- s'il demeure impayé de travaux - qui « ont été exécutés » - et, après une mise en demeure restée infructueuse plus de quinze jours.

Ainsi, le dispositif protecteur issu du droit spécial deviendra finalement plus sévère pour la victime que le droit commun !

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S'agissant des VEFA : L'exception anticipée risque d'ajouter des difficultés à l'articulation avec certaines clauses résolutoires. En cas de retard de paiement par l'acquéreur, l'article L. 261-13 du Code de la construction et de l'habitation autorise en effet le promoteur, un mois après commandement de payer infructueux, à faire jouer une clause résolutoire de plein droit. Il en résulte néanmoins, et la jurisprudence est constante sur ce point, que si l'acquéreur souhaite justifier son défaut de paiement par une exception d'inexécution, il lui faut alors impérativement saisir le juge durant ce délai d'un mois. À défaut, l'acquéreur ne peut plus s'opposer à la résolution du contrat (Civ. 3ème, 28.01.2015, n°14-10.963). Aussi, en raison de la fréquence de ces clauses résolutoires dans les VEFA, le nouveau droit commun devra ici être manié avec la plus grande prudence par les acquéreurs. En présence d'un commandement de payer, il ne les libérera pas d'une obligation de saisir rapidement le juge...

Application au bail d’habitation :

En la matière, si ce n’est l’exigence de notification, le texte reprend la jurisprudence antérieure. On sait que l'appréciation par les tribunaux de la gravité du manquement du débiteur est assez stricte : en particulier, le locataire ne peut se dispenser de payer le loyer que si le logement est inhabitable (ce qui n'est pas automatique même lorsque le logement est indécent : Civ. 3e, 17 déc. 2015, n° 14-22.754).

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