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LES RÉFORMES DES POLITIQUES DE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD

LES RÉFORMES DES POLITIQUES DE L’EMPLOI AU MOYEN …...l’Égypte), Nader Mryyan (pour la Jordanie), Makram Maleeb et Najib Issa (pour le Liban), Mohammed Bougroum (pour le Maroc)

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LES RÉFORMES DES POLITIQUESDE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENTET EN AFRIQUE DU NORD

Office des publications

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LA FONDATION EUROPÉENNE POUR LA FORMATION (ETF)FACILITE LA COMMUNICATION ET L’APPRENTISSAGEENTRE L’UE ET SES PAYS PARTENAIRES DANS LEDOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCESHUMAINES

NOUS CONTACTER

Des informations complémentaires sur nos activités,appels d’offres et vacances d’emploi peuvent êtreobtenues sur notre site web : www.etf.europa.eu

Pour toute autre information, veuillez contacter :

Unité « Communication extérieure »Fondation européenne pour la formationVilla GualinoViale Settimio Severo 65I – 10133 TorinoE [email protected] +39 011 630 2222F +39 011 630 2200

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LES RÉFORMES DES POLITIQUESDE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENTET EN AFRIQUE DU NORDPROBLÈMES RELATIFS AUFONCTIONNEMENT DES MARCHÉSDU TRAVAIL

Traduit de l’anglais. En cas de doute quant à l’exactitude des informations ci-incluses, veuillez vousreporter à la version originale.

Ummuhan Bardak, Henrik Huitfeldt et Jackline WahbaFondation européenne pour la formation2006

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Europe Direct est un service destiné àvous aider à trouver des réponses aux

questions que vous vous posez surl’Union européenne.

Un numéro unique gratuit (*) :00 800 6 7 8 9 10 11

(*) Certains opérateurs de téléphonie mobile nepermettent pas l’accès aux numéros 00 800 ou peuventfacturer ces appels.

De nombreuses autres informations sur l’Unioneuropéenne sont disponibles sur l’internetvia le serveur Europa (http://www.europa.eu).

Une fiche bibliographique figure à la fin del’ouvrage.

Luxembourg : Office des publications officiellesdes Communautés européennes, 2007

ISBN : 978-92-9157-543-5

© Communautés européennes, 2007

Reproduction autorisée, moyennant mention dela source

Printed in Italy

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PRÉFACE

La coopération bilatérale, multilatérale etrégionale entre l’Union européenne (UE) etles pays partenaires de la région de laMéditerranée méridionale et orientale s’estintensifiée depuis le lancement duprocessus de Barcelone en 1995. Lerenforcement de la coopération audéveloppement par le biais du programmede partenariat euro-méditerranéen(MEDA), l’adoption progressive desprogrammes de soutien sectoriels et lanouvelle politique européenne de voisinageont fourni à la fois le cadre d’unecoopération élargie et une nouvelleperspective sur l’intégration avec le marchéintérieur de l’UE. Le nouvel agenda devraitaméliorer l’intégration du capital humainmais aussi lancer de nouveaux défis auxpays de la Méditerranée du Sud, enmatière de politiques de développement del’emploi et des ressources humaines. Pourparvenir à une meilleure compréhensiondes mécanismes clés qui gouvernent cesprocessus, la Fondation européenne pourla formation (ETF) a lancé une recherchesur l’emploi et le fonctionnement desmarchés du travail dans la région.

Ce projet se concentre dans une largemesure sur cinq pays (l’Égypte, laJordanie, le Liban, le Maroc et la Tunisie),mais il prend également en considérationla situation d’autres pays de la région, là oùdes données significatives étaientdisponibles. Les politiques de l’emploi n’ysont pas examinées dans une perspectivemacroéconomique mais l’accent est plutôtmis sur les problèmes structurels quiaffectent le fonctionnement du marché dutravail et sur l’analyse de la pertinence despolitiques visant à y faire face. Un chapitreintroductif passe en revue les sources de

données disponibles pour les cinq pays etcompare les indicateurs clés des marchésdu travail. Le reste du rapport examine lesrelations existant entre : l’investissementdans l’enseignement ou la formation et lesperformances en matière d’emploi et sur leplan économique, la mobilité de lamain-d’œuvre et la segmentation dumarché du travail et, enfin, les institutionsdes marchés du travail et les politiques del’emploi. Étant donné que le rapport ne sepropose pas de fournir une descriptionexhaustive des marchés du travail dans lespays de la région, certaines questions –comme le souci d’égalité entre hommes etfemmes ou les effets de la croissance de laforce de travail – sont traitées seulementde façon marginale.

Dans le cadre du projet de l’ETF, deuxtypes d’analyses de la réalité propre àchaque pays ont été élaborées pour lescinq États considérés. La première sériede rapports a approfondi les thèmessuivants : les principales sourcesstatistiques existantes, les informations debase ayant trait aux variables du marchédu travail, l’investissement dansl’éducation, l’emploi et la croissanceéconomique, la mobilité de lamain-d’œuvre et la segmentation dumarché du travail. La deuxième série derapports s’est centrée sur le cadreréglementaire gouvernant les institutionsdu marché du travail et la politique del’emploi, tout en examinant, de façonrelativement détaillée, les institutionsimpliquées dans l’élaboration despolitiques, la législation du travail, lespartenaires sociaux, les politiques activesdu marché du travail et le systèmed’enseignement professionnel.

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Ce rapport – dressé par Ummuhan Bardak,Henrik Huitfeldt et Jackline Wahba sur labase des rapports produits pour chaquepays – replace dans une perspectiverégionale les informations recueillies sur unensemble précis de problèmes affectant(principalement) les marchés du travail enÉgypte, en Jordanie, au Liban, au Maroc eten Tunisie, et procède à une analyse debase des implications qui en découlentpour l’avenir de ces pays. Sauf indication

contraire, toutes les informations propresaux différentes réalités proviennent desrapports établis par pays. Ces rapports ontété mis au point par des experts locauxdes cinq pays considérés et, plusprécisément, par : Mona Amer (pourl’Égypte), Nader Mryyan (pour la Jordanie),Makram Maleeb et Najib Issa (pour leLiban), Mohammed Bougroum (pour leMaroc) et Mongi Boughzala et MohammedChemingui (pour la Tunisie).

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TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE 3

RÉSUMÉ 7

1. REVUE DES STATISTIQUES DES MARCHÉS DU TRAVAIL 11

1.1 Les sources des données 11

1.2 Variables clés du marché du travail 13

1.3 En conclusion 19

2. L’INVESTISSEMENT DANS L’ÉDUCATION ET SES RÉPERCUSSIONS SUR L’EMPLOIET L’ÉCONOMIE 21

2.1 Les investissements en capital humain 21

2.2 Les bénéfices de l’investissement dans l’éducation 25

2.3 La transition de l’école au travail 26

2.4 En conclusion 28

3. MOBILITÉ ET SEGMENTATION DE LA MAIN-D’ŒUVRE 29

3.1 Les secteurs en développement 30

3.2 Le secteur informel 34

3.3 Mobilité sectorielle : le cas de l’Égypte 40

3.4 Migrations internationales 41

3.5 En conclusion 43

4. LES INSTITUTIONS DES MARCHÉS DU TRAVAIL ET LES POLITIQUES DE L’EMPLOI 45

4.1 Les institutions responsables de la formulation des politiques 48

4.2 Les partenaires sociaux 51

4.3 La législation du travail 55

4.4 Les politiques actives du marché du travail 60

4.5 L’enseignement et la formation professionnels 64

4.6 En conclusion 67

5. LES PERSPECTIVES DE RÉFORME DES MARCHÉS DU TRAVAIL 69

ACRONYMES 77

RÉFÉRENCES 79

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RÉSUMÉ

L’évolution de ces dernières décennies afait de l’emploi une des priorités politiquesde la région du Moyen-Orient et del’Afrique du Nord (MENA) et a contraint lesgouvernements à mettre en œuvre desmesures visant à la création d’emplois,attendu que le chômage continueraprobablement à représenter un défiéconomique et social majeur au cours desprochaines décennies. L’intérêt croissantsuscité par les questions liées à l’emploi anon seulement eu pour effet de promouvoirl’élaboration d’un discours politique et lelancement d’initiatives de réforme àl’échelon national mais il a égalementcontribué à augmenter l’intérêt pour lacoopération des bailleurs de fonds. Le défià relever reste cependant celui deconstruire des stratégies globales etintégrées, assurant la coordination entreles différents domaines d’intervention(main-d’œuvre, économie, enseignementet formation, politiques sociales, etc.) dansles pays de la région.

En dépit de cette mobilisation croissante, leMENA a prêté relativement peu d’attentionà la question de l’emploi. Aucune rencontrede haut niveau n’a eu lieu, par exemple,entre les ministres ou les experts de l’UE etdu MENA (Martin, 2006). La créationd’emplois a, en fait, été implicitementconsidérée comme un aboutissementlogique de la croissance économique, uneconséquence naturelle des réformeséconomiques et d’une progressivelibéralisation du commerce. Or si l’onconsidère la jeunesse et le rythme decroissance de la force de travail etl’absence d’initiatives visant à promouvoirl’emploi (programmes de grande envergureà effets immédiats et assurant desconditions d’emploi décentes), le problèmeapparaît d’une extrême gravité. Si rienn’est fait pour l’affronter, de nombreuses

répercussions négatives se feront sentirsur les pays MENA, pris individuellement,comme sur la région dans son ensemble.

Ce projet a vu le jour en réponse à lapénurie d’informations disponibles sur lesmécanismes des marchés du travail dansla région MENA. L’analyse des marchésde l’emploi est d’une importance crucialepour la mise au point de politiqueséclairées, à l’échelon aussi bien nationalque régional, tout comme dans le cadredu partenariat impliqué par MENA. Lesconditions macroéconomiques ont certesleur importance mais les structures dumarché du travail et les politiques qui legouvernent jouent un rôle majeur dans ladéfinition de modèles pour ledéveloppement de l’emploi. Ce rapportreprésente une tentative de mettre enlumière certaines questions communesaux marchés du travail de la régionMENA, mais un travail d’analyse plusapprofondi est nécessaire pour mesurerles effets des politiques et le rôle desinstitutions du marché du travail, entermes de participation au marché dutravail et d’accès à l’emploi. La conclusionprincipale de cette étude est qu’unfonctionnement correct du marché dutravail est indispensable si l’on veut retirerun maximum de bénéfices (comme laréduction du chômage) des réformeséconomiques entreprises et d’unaccroissement des investissements dansl’enseignement et la formation.

Un bref résumé de chaque chapitre de cerapport est fourni ci-après. Il est à soulignerque si toutes les questions examinées sontimmédiatement utiles à la compréhensiondu fonctionnement des marchés du travaildans la région MENA, elles sont traitéeschacune de façon indépendante et peuventêtre abordées séparément.

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Le chapitre 1 fournit des informationsessentielles à la lecture de ce rapport. Ilsynthétise sous forme statistique lescaractéristiques principales des marchésdu travail dans la région MENA. Ladémarche adoptée est de passer d’aborden revue les études existantes sur la forcede travail des pays de la région, puis deprésenter des données sur la participationde la force de travail, l’emploi et lechômage, ventilées par sexe, âge etniveau d’éducation. Ce chapitre comprendégalement une analyse de base, suivied’un développement sur les principauxdéfis lancés aux marchés du travail de larégion MENA. Il faut souligner les faiblestaux de participation de la force de travailpour les jeunes et les femmes sansinstruction supérieure, le rôle joué parl’éducation dans les cas d’intégrationréussie sur le marché du travail et le tauxélevé de chômage des diplômésuniversitaires. Étant donné que lesdéfinitions des enquêtes sur les forces detravail et les interprétations de l’emploi sontquelquefois ambiguës, il apparaîtnécessaire de recourir à des statistiqueslongitudinales de façon à pouvoir conduireune analyse plus approfondie dufonctionnement des marchés du travaildans la région.

Le chapitre 2 traite de l’investissementdans l’éducation et la formation, qui estconsidéré comme un des leviers majeursde la croissance économique. Il existe deplus en plus de raisons documentées depenser que, dans la région MENA, lerapport entre l’investissement dansl’éducation et la croissance économiqueest lâche. Ce chapitre s’interroge sur le faitque de gros investissements effectuésdans l’enseignement et la formation n’ontpas réussi à se traduire en croissanceéconomique et en création d’emplois. Sontainsi analysés les tendances en matièred’investissement dans l’éducation et lesretours sur ces investissements, lesdestinations des jeunes qui sortent dusystème éducatif et les opportunités etincitations existant pour les entrants sur lemarché du travail ainsi que la mesure danslaquelle celles-ci influencent le processusd’intégration. En conclusion de ce chapitre,il est souligné que la qualité du systèmeéducatif ne semble pas s’être détériorée en

conséquence de son expansion et que lesretours individuels (privés) surl’investissement dans l’éducation sontimportants ; il apparaît, néanmoins, que leséconomies de la région MENA n’ont pasréussi à assortir les investissementsconsidérables effectués dans l’éducation,de réformes adéquates sur le marché dutravail, débouchant sur une utilisationefficace de leur réservoir de main-d’œuvrequalifiée.

Le chapitre 3 affronte la dynamique del’affectation de la force de travail dans lecontexte des pays MENA. Leremplacement des emplois improductifspar des emplois plus productifs est unesource importante de croissanceéconomique. C’est là un élémentfondamental pour une réforme du marchédu travail dans des pays où le secteurpublic joue un rôle prédominant et où lemarché du travail formel manque dedynamisme (l’accent étant fréquemmentmis sur la création d’emplois destinés àdurer une vie entière). Le secteur public esttraditionnellement le plus gros employeurdans les pays MENA et le secteur privéformel s’est toujours révélé incapable decréer des emplois alternatifs. Pour bien despersonnes, toutefois, les seuls emploisaccessibles relèvent de l’économieinformelle, moins productive. Enfin, lespays MENA sont caractérisés par unefaible mobilité entre les secteurs.

Le chapitre 4 se consacre au rôle desinstitutions du marché du travail dans lapolitique de l’emploi dans la région MENA.Les interventions sur le marché du travail,qu’il s’agisse de l’adoption de politiques oud’actions institutionnelles, visent à établirune meilleure correspondance entre l’offreet la demande de main-d’œuvre, àprotéger les emplois, à déplacer lestravailleurs vers de nouveaux emplois, àencourager la mobilité et à assurer l’égalitédes chances à tous les groupes sociauxsur le marché du travail. En accord avecces indications générales, les interventionspeuvent prendre différentes formes et avoirtrait à différents domaines : servicesministériels et publics, législation du travail,régimes d’allocations de chômage, chargefiscale sur le travail, partenariats sociaux,politiques actives du marché du travail, et

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formation professionnelle. Les résultatsobtenus concernant le marché du travailpeuvent être influencés positivement par ledéveloppement et la mise en œuvre destratégies, de politiques et de mesuresdans tous ces domaines. Le chapitres’ouvre sur une revue des approchesexistantes en matière de politique del’emploi, à l’échelon national. Ensuite, desaspects particuliers du marché du travaildans la région MENA sont discutés endétail (et notamment, les institutionschargées de l’élaboration et de la mise enœuvre des politiques, les partenairessociaux, la législation du travail, lespolitiques actives du marché du travail etles systèmes de formation professionnelle)dans le but d’offrir une vision d’ensembledes structures en place sur les marchés dutravail de la région, sur le planinstitutionnel, réglementaire et politique. Lacapacité institutionnelle des systèmesexplique les modalités de mise en œuvredes mesures et la nature des rapportsexistant entre les acteurs principaux desmarchés du travail.

Enfin, le chapitre 5 examine lesperspectives qui s’ouvrent en termes de

réformes envisageables du marché dutravail dans la région. Sur la base desconclusions formulées dans les chapitresprécédents – et indépendamment des défislancés au système d’éducation (en termesde qualité) – il semblerait qu’il y ait unbesoin réel de réformer en profondeur lesmarchés du travail. Tout indique que cesmarchés ne fonctionnent pas bien dans larégion ou, en d’autres termes, qu’uneaffectation efficace des ressourceshumaines à leur usage optimal fait défaut.Une allocation efficace des ressources estfondamentale pour le succès de toutepolitique visant à promouvoir la croissanceéconomique. Ce chapitre final présenteune vue d’ensemble des initiatives deréforme qui s’inscrivent dans le cadre deprogrammes largement financés par desbailleurs de fonds. La communauté desbailleurs de fonds contribue de façonimportante à impulser et financer lechangement dans la région, mais il fautbien davantage pour accomplir desréformes en profondeur. Le chapitre seconclut par une évaluation d’ensemble desfacteurs susceptibles d’influer positivementou négativement sur l’avenir du processusde réformes.

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RÉSUMÉ

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1. REVUE DES STATISTIQUESDES MARCHÉS DU TRAVAIL

1.1 LES SOURCES DESDONNÉES

La principale source de données utiliséepour l’analyse des marchés du travail estl’enquête sur les forces de travail, que laplupart des pays de la région MENAréalisent sur une base régulière(Tableau 1.1). Par exemple, la Jordanie, leMaroc et l’Autorité nationale palestinienneconduisent, depuis la fin des années 90,des enquêtes trimestrielles qui contiennentdes données de base sur la population enâge de travailler, sur la composition de laforce de travail et sur les taux d’emploi etde chômage, ventilées par sexe, âge,niveau d’éducation, activité économique,occupation et répartition (rurale/urbaine).Cependant, la plupart des pays de larégion ne publient – ou ne rendentdisponible pour la recherche – qu’unepetite partie des informations recueillies.Dans certains pays, en particulier enAlgérie, en Tunisie et en Égypte, lesinformations publiées se limitent à unepoignée d’indicateurs. Des informationscomplémentaires ont été mises à ladisposition de l’ETF par les offices destatistiques du Maroc, de l’Égypte, de laJordanie, de la Syrie et de la Tunisie auxfins d’élaborer ce rapport.

Même si les pays conduisent des enquêtessimilaires et produisent, dans leurspublications, le même type d’indicateurs surl’emploi et le chômage, il est difficile decomparer ces données, car il existe souventdes différences entre ces pays au niveau desdéfinitions, de la formulation des questions,des modalités de mise en œuvre desenquêtes ou des instructions données auxinterviewers. Ces différences, qui peuventaussi apparaître dans un même pays d’uneannée à l’autre, sont susceptibles dedéterminer des écarts considérables entreles statistiques publiées. Les comparaisonsentre les différents pays et entre les résultatsd’années différentes doivent donc êtreétablies avec prudence. La tâche est d’autantplus ardue que les définitions mêmes del’emploi peuvent différer d’un pays à l’autre.Certains des principaux aspects à prendre enconsidération quand on compare etinterprète les résultats des enquêtes sur lesforces de travail conduites dans la régionMENA, sont examinés ci-après.

En théorie, les enquêtes sur les forces detravail appliquent une définition large del’emploi (qui comprend aussi les activités desubsistance). La question standard posée,par rapport à une semaine de référence, estla suivante : « Avez-vous travaillé pour une

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rémunération en argent ou en naturependant au moins une heure? » Bien qu’unequestion complémentaire soit parfois poséedans la tentative de prendre en compte desformes d’emploi moins conventionnelles, lesenquêtes sur les forces de travail éclairentmal la participation à des activités desubsistance, et ce tout particulièrementparmi les femmes.

Étant donné que dans les enquêtes sur lesforces de travail, la question relative àl’emploi se rapporte en général à unesemaine de référence précise, les résultatssont influencés par des facteurssaisonniers dans les pays qui neconduisent pas d’enquêtes de façonrégulière. C’est le cas, en particulier, despays ayant un secteur agricole important,où les résultats d’une enquête peuvents’avérer très différents selon que celle-ciest effectuée en mars ou en septembre.

Les enquêtes sur les forces de travail nesont pas non plus en mesure de prendreen compte, de façon adéquate, le travailoccasionnel. Par exemple, une personnesans emploi permanent qui travaillependant certaines périodes et cherche unemploi pendant d’autres périodes seraconsidérée comme occupée ou sansemploi selon qu’elle a ou n’a pas travaillédurant la semaine de référence. Ainsi, lesestimations correspondantes de l’emploi,du chômage et de l’inactivité ne sont pasen mesure de saisir la dynamique réelle dumarché du travail. Ce problème pourrait

être résolu si les informations collectéesavaient trait à une période plus longue. Leseul pays de la région MENA qui recueilledes données individuelles longitudinalessur le marché du travail est l’Égypte.

Depuis 1968, l’Égypte conduitrégulièrement des enquêtes annuelles surla force de travail. En 1988, 1998 et 2006des enquêtes plus détaillées ont étéréalisées afin de mieux mesurer lesvariables du marché du travail. Cesenquêtes approfondies ont étésoigneusement conçues pour assurer demeilleures procédures d’échantillonnage etun contrôle plus rigoureux sur lesréponses. Les informations à fournirétaient, d’une façon générale, plusdétaillées et une attention spéciale a étéprêtée à la participation des femmes à laforce de travail, au travail des enfants ainsiqu’aux salaires et rémunérations. Cesenquêtes prévoyaient trois périodes deréférence (une semaine, un mois et troismois) et incluaient également desquestions rétrospectives permettant desuivre les changements survenus au fil dutemps, dans le statut d’un individu sur lemarché du travail. En outre, l’enquête de2006 comprenait un panel ou échantillond’individus qui avaient déjà été interrogésen 1998. Les informations recueillies par lebiais de ces enquêtes élargies ont permisd’accomplir un travail de recherche sur lemarché du travail beaucoup plusapprofondi en Égypte que dans n’importequel autre pays de la région.

Tableau 1.1 : Enquêtes sur les forces de travail conduites dans divers pays MENA

AlgérieEnquêtes occasionnelles ; les plus récentes datent de 2001, 2003, 2004et 2005.

ÉgypteEnquêtes annuelles depuis 1968 (les plus détaillées datent de 1988, 1998et 2006).

JordanieEnquêtes trimestrielles depuis 1999 ; annuelles ou semestrielles avant1999.

LibanDernière enquête officielle en 1997. Enquête de l’Université Saint-Josephen 2001.

MarocEnquêtes trimestrielles couvrant l’ensemble du pays depuis 1999.Enquêtes annuelles ou semestrielles avant 1999.

SyrieEnquêtes annuelles en 2001 et 2004. Précédemment : enquêtesoccasionnelles.

Tunisie Enquêtes annuelles en 1997 et depuis 1999.

Cisjordanie etBande de Gaza

Enquêtes trimestrielles depuis 1995.

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1. REVUE DES STATISTIQUES DES MARCHÉS DU TRAVAIL

Suivant la définition courante del’Organisation internationale du travail (OIT),une personne est considérée au chômage sielle a travaillé moins d’une heure dans lasemaine de référence alors qu’elle était« disponible pour travailler » et avaitactivement cherché du travail dans les quatresemaines précédentes (en entreprenant des« démarches spécifiques »). Les pays MENAont commencé à appliquer la définition del’OIT, bien que d’autres définitions duchômage y aient eu cours précédemment ;par exemple, en Tunisie, jusqu’en 2003, unepersonne était définie comme au chômage

même si elle n’avait pas spécifié lesdémarches qu’elle avait entreprises pourchercher un emploi.

1.2 VARIABLES CLÉS DUMARCHÉ DU TRAVAIL

Croissance de la population et de laforce de travail

La croissance de la population a étésoutenue au cours des dernièresdécennies, dans tous les pays de la région,

Tableau 1.2 : Taux de croissance (%) de la population et de la force de travail dansdivers pays MENA

PaysPopulation1

(millions)

Croissanceannuelle de la

population (%)2

Croissanceannuelle de la

population en âgede travailler (%)

(15-64 ans)2

Croissanceannuelle de laforce de travail

(%)(15-64 ans)2

Algérie 32,9 1,40 2,24 2,92

Égypte 74,0 1,71 2,08 2,19

Jordanie 5,7 2,16 2,61 3,05

Liban 3,6 0,99 1,50 2,07

Maroc 31,5 1,36 1,82 1,91

Syrie 19,0 2,16 2,77 3,36

Tunisie 10,1 1,01 1,85 2,49

1 20052 Estimations 2001-10

Source : Division de la population, Département des Affaires économiques et sociales du Secrétariat des NationsUnies, Perspectives de la population mondiale (World Population Prospects) (http://esa.un.org/unpp) ; OIT,Estimations et projections de la population active (http://laborsta.ilo.org/).

Algérie Syrie Tunisie0.00

1.00

2.00

3.00

4.00

5.00

6.00

1960198020002010

Égypte Jordanie Liban Maroc

Figure 1.1 : Taux de croissance annuels (%) de la population en âge de travailler(15-64 ans) dans divers pays MENA

Source : Division de la population, Département des Affaires économiques et sociales du Secrétariat des NationsUnies, Perspectives de la population mondiale (World Population Prospects) (http://esa.un.org/unpp).

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bien que l’on perçoive des signes debien que l’on perçoive des signes deralentissement, en particulier dans larégion du Maghreb. Ce ralentissement,toutefois, n’a pas encore affecté le taux decroissance de la population en âge detravailler, qui demeure élevé dans tous lespays MENA. Il s’ensuit que la pressiondémographique exercée sur le marché dutravail par les nouveaux entrantscontinuera à être forte dans les prochainesannées. De plus, la transformation desmodèles de migration dans certains pays(en particulier la Jordanie) accentueégalement la pression sur le marchéinterne du travail.

Participation à la force de travail

Un autre facteur qui influence le taux decroissance de la force de travail est lahausse de la participation des femmes.Entre 1980 et 2005, le taux de participationdes femmes (âgées de 15 à 64 ans) à laforce de travail1 est passé de 20% à 33%dans la région2,3. Néanmoins, laparticipation des femmes à la force detravail demeure faible. Au cours de lamême période, la participation des jeunes

hommes (et, dans une certaine mesure,des jeunes femmes) à la force de travail adiminué de façon significative, enconséquence de l’allongement de la duréedes études. Néanmoins, malgré ce reportde l’entrée sur le marché, l’offre demain-d’œuvre ne s’est pas trouvéeaffectée, dans la mesure où le relèvementdu niveau d’éducation tend à accroître laparticipation à la force de travail.

Le niveau d’éducation a une influenceimportante sur le taux de participation desfemmes à la force de travail. En Jordanie, parexemple, le taux de participation des femmesayant fait des études supérieures n’est quede 15 à 25 points de pourcentage inférieur àcelui des hommes ayant atteint le mêmeniveau d’études (Figure 1.3). Les taux departicipation à la force de travail des hommescomme des femmes dans la force de l’âgequi justifient d’un diplôme d’étudessupérieures sont élevés dans la régionMENA. En Syrie, presque tous les hommesen âge de travailler ayant dépassé latrentaine et 80% des femmes ayant bénéficiéd’une éducation supérieure participent à laforce de travail (Figures 1.4-1.5).

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LES RÉFORMES DES POLITIQUES DE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENT ET ENAFRIQUE DU NORD

Syrie TunisieÉgypte Jordanie Liban Maroc

FemmesHommes

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10.0

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Total

Figure 1.2 : Taux de participation (%) à la force de travail de la population en âge detravailler (15-64 ans), par sexe, dans divers pays MENA

Note : Chiffres relatifs à 2003, exception faite pour la Jordanie où ils se réfèrent à 2004.

Source : Données compilées par l’ETF à partir des résultats des enquêtes sur les forces de travail.

1 Le taux de participation à la force de travail, ou taux d’activité, est défini comme la part d’actifs âgés de 15 à64 ans (occupés plus chômeurs) dans la population en âge de travailler.

2 OIT, Estimations et projections de la population active, http://laborsta.ilo.org/

3 La participation des femmes au marché du travail est parfois mal prise en compte par les enquêtes sur lesforces de travail effectuées dans la région et les données indiquant une évolution dans le temps doivent êtreinterprétées avec prudence.

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Figure 1.3 : Taux de participation (%) à la force de travail de la population en âge detravailler (15-64 ans), par niveau d’éducation et par sexe, en Jordanie (2004)

Source : Données compilées par l’ETF à partir des résultats des enquêtes sur la force de travail.

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PrimaireSecondaireIntermédiaireSupérieur

Figure 1.4 : Taux de participation (%) à la force de travail de la population masculineen âge de travailler (15-64 ans), par âge et par niveau d’éducation, en Syrie (2001-02)

Source : Données compilées par l’ETF à partir des résultats des enquêtes sur la force de travail.

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Emploi et chômage

La pression démographique ne s’est pastraduite par une croissance de l’emploi dansl’économie formelle, le résultat étant que lestaux de chômage sont en hausse, de mêmeque les niveaux de l’emploi dans l’économieinformelle. Le secteur public demeure uneimportante source d’occupation et decréation d’emplois et malgré les réformespour en réduire les dimensions, les chiffressemblent indiquer clairement que la part dela force de travail employée dans le secteurpublic a augmenté dans certains pays aucours de la dernière décennie. Cephénomène serait largement imputable aufait que, face à la stagnation du secteurprivé, les gouvernements se sont vuscontraints à se muer en employeurs de ladernière chance. Dans l’économieinformelle, par contre, l’emploi tend à êtreélevé, s’adjugeant une part de 35 à 50% del’occupation non agricole dans la plupartdes pays. Qui plus est, dans certains pays,l’économie informelle est la première sourced’emplois nouveaux.

Le taux d’emploi4 dans les pays MENA (telqu’il ressort des enquêtes sur les forces detravail) est inférieur à 50%. Ceci s’expliqueessentiellement par le faible taux d’emploi(et de participation à la force de travail) desfemmes. Le taux d’emploi est égalementbas pour les hommes, comparé à celuirelevé dans d’autres régions, phénomène àmettre, pour une bonne part, en rapportavec le chômage élevé qui frappe lescohortes de jeunes de la région MENA, oùles structures démographiques sont tellesque les jeunes ont une part dominantedans la population en âge de travailler. Letaux d’emploi demeure relativement élevépour les hommes dans la force de l’âge et– dans certains pays – pour les femmesdans la force de l’âge ayant une éducationsupérieure, en accord avec la règlegénérale qui veut que le taux d’emploiaugmente en fonction du niveaud’éducation. Dans certains pays présentantun vaste secteur agricole, on constate quele taux de l’emploi est également élevépour les personnes ayant un niveaud’instruction plus modeste.

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Âge

PrimaireSecondaireIntermédiaireSupérieur

Figure 1.5 : Taux de participation (%) à la force de travail de la population féminineen âge de travailler (15-64 ans), par âge et par niveau d’éducation, en Syrie (2001-02)

Source : Données compilées par l’ETF à partir des résultats des enquêtes sur la force de travail.

4 Le taux d’emploi mesure, en pourcentage, le nombre de personnes occupées par rapport à la population enâge de travailler (15-64 ans).

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Figure 1.6 : Taux d’emploi (%) de la population en âge de travailler (15-64 ans), parsexe, dans divers pays MENA

Note : Chiffres relatifs à 2003, exception faite pour la Jordanie où ils se réfèrent à 2004.Source : Données compilées par l’ETF à partir des résultats des enquêtes sur les forces de travail.

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Figure 1.7 : Taux d’emploi (%) de la population en âge de travailler (15-64 ans), parniveau d’éducation, dans divers pays MENA

Note : Chiffres relatifs à 2003, exception faite pour la Jordanie où ils se réfèrent à 2004.Source : Données compilées par l’ETF à partir des résultats des enquêtes sur les forces de travail.

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Les taux de chômage, qui sont en généralélevés dans la région MENA, affectentdans une large mesure les jeunes et lesentrants potentiels sur le marché du travailayant atteint un haut niveau d’études. Enl’absence de régimes de sécurité socialegarantissant une protection élevée pourtous et vu la dimension des familles, laplupart des travailleurs ayant un niveaud’instruction bas ou nul ne peuvent sepermettre de rester sans emploi et n’ontpas d’autre possibilité que d’accepter untravail mal rémunéré dans le secteurinformel. À l’autre extrémité du spectre, lesjeunes dotés d’un bon niveau d’éducationpréfèrent en général attendre un travaildans le secteur formel et public, qui offrede meilleurs salaires outre des avantagesnon salariaux substantiels. L’augmentationdu nombre des jeunes ayant reçu unebonne éducation, conjuguée avec lastagnation de l’emploi dans le secteurpublic, a eu pour effet d’allonger les tempsd’attente des emplois formels et de fairebondir le taux de chômage des jeunes.

Dans la plupart des pays MENA, le taux dechômage des jeunes âgés de 15 à 24 ansest beaucoup plus élevé que celui despersonnes plus âgées ; en Égypte, parexemple, ces taux sont respectivement de35% et de moins de 5%. Les personnesayant reçu au moins une éducation deniveau intermédiaire représentent 72% du

nombre total des chômeurs. Le taux dechômage tend, en effet, à atteindre unplafond en correspondance avec lesniveaux d’éducation intermédiaires pourensuite décroître au fur et à mesure que leniveau d’éducation s’élève. Au Maroc, parexemple, le taux de chômage de ceux quiont fait des études secondaires estbeaucoup plus élevé que le taux enregistrépour les jeunes ayant un niveaud’éducation inférieur et il atteint 30% pourles diplômés universitaires. Quoiqu’il ensoit, étant donné que, dans l’ensemble, leniveau d’éducation est bas, ce groupe nereprésente pas plus de 40% du nombretotal des chômeurs.

Dans les pays plus avancés comme laTunisie ou la Jordanie – où le marché dutravail est plus compétitif – desdemandeurs d’emploi ayant un haut niveaud’éducation peuvent entrer en compétition,pour un même emploi, avec des candidatsayant fait des études plus modestes. Cettesituation en est venue à créer une barrièreà l’entrée sur le marché du travail pour lesjeunes ayant une éducation de base oud’un niveau intermédiaire. En Jordanie, laconcurrence des travailleurs immigrés nonqualifiés contribue à accroître le chômagedes travailleurs les moins instruits ou lesmoins qualifiés – une situation qui n’affectepas en revanche les travailleurs ayant unhaut niveau d’éducation.

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Figure 1.8 : Taux de chômage (%) de la population en âge de travailler (15-64 ans),par sexe, dans divers pays MENA

Note : Chiffres relatifs à 2003, exception faite pour la Jordanie où ils se réfèrent à 2004.Source : Données compilées par l’ETF à partir des résultats des enquêtes sur les forces de travail.

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Dans la région MENA, les taux dechômage sont plus élevés pour les femmesque pour les hommes, encore que ces tauxne soient pas strictement comparables, vul’infériorité du taux global de participationdes femmes à la force de travail. Un plusgrand nombre de femmes sur le marché dutravail ont un niveau d’éducation supérieuret elles sont nombreuses à attendred’obtenir un type d’emploi spécifique –inéluctablement dans le secteur public. Lenombre de femmes qui entrent dans lesecteur privé formel est relativement limité.

1.3 EN CONCLUSION

La plupart des pays de la région MENApublient régulièrement des indicateursrelatifs à la participation à la force detravail, à l’emploi et au chômage, sur labase des informations recueillies dans lecadre des enquêtes sur les forces detravail. Cependant, il convient de procéderavec prudence à des comparaisons entreles divers pays, en raison des différencesde méthodologies et pratiques. Lesrésultats varient sensiblement en fonction

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Figure 1.9 : Taux de chômage (%) des jeunes et des adultes dans la population enâge de travailler (15-64 ans), dans divers pays MENA

Note : Chiffres relatifs à 2003, exception faite pour la Jordanie où ils se réfèrent à 2004.Source : Données compilées par l’ETF à partir des résultats des enquêtes sur les forces de travail.

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Figure 1.10 : Taux de chômage (%) de la population en âge de travailler (15-64 ans),par niveau d’éducation, dans divers pays MENA

Note : Chiffres relatifs à 2003, exception faite pour la Jordanie où ils se réfèrent à 2004.Source : Données compilées par l’ETF à partir des résultats des enquêtes sur les forces de travail.

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de la définition de l’emploi qui est adoptée.Des données longitudinales (ou panels)sont nécessaires pour pouvoir analyser lefonctionnement du marché du travail defaçon appropriée. Ces donnéespermettraient de suivre sur une période

plus longue les activités et lesmodifications de parcours despersonnes interviewées. Le seul pays dela région qui collecte des informationslongitudinales sur les individus estl’Égypte.

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LES RÉFORMES DES POLITIQUES DE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENT ET ENAFRIQUE DU NORD

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2. L’INVESTISSEMENT DANSL’ÉDUCATION ET SESRÉPERCUSSIONS SURL’EMPLOI ET L’ÉCONOMIE

2.1 LES INVESTISSEMENTSEN CAPITAL HUMAIN

L’investissement dans l’éducation et laformation du capital humain est considérécomme un facteur de croissanceéconomique majeur5 (voir, par exemple, dela Fuente et Ciccone (2003) pour unapprofondissement de la littératurethéorique et empirique sur le capitalhumain et la croissance). Au niveaumacroéconomique, deux facteursprincipaux influencent l’impact del’investissement dans l’éducation sur lacroissance économique : (i) la qualité del’investissement dans les systèmesd’enseignement et de formation ainsi quela qualité du résultat obtenu ; (ii) lesmodalités d’affectation des diplômésformés par ces systèmes aux emplois surle marché du travail. L’efficacité del’utilisation et de l’affectation des

ressources humaines varie en rapport avecl’efficacité du fonctionnement du marchédu travail ; l’affectation d’une partimportante du capital humain à desactivités qui n’ont pas d’influence sur lacroissance constitue un sérieux risque(Pissarides, 2000). Par conséquent, un bonfonctionnement du marché du travail revêtla plus haute importance pour ladétermination des effets del’investissement dans l’éducation aussibien sur les niveaux d’emploi que sur lacroissance économique.

L’examen des données récentes recueilliessur les pays MENA montre que le lienentre l’investissement dans l’éducation etla croissance économique y est faible(Pritchett, 1999 ; Keller et Nabli, 2002 ;Makdisi et al., 2003). La rapide progressiondu nombre des inscriptions dans les écoleset les universités s’est traduite par une

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2

5 Bien que l’enseignement et la formation puissent, naturellement, avoir des objectifs sociétaux plus vastesque la simple contribution à la croissance économique, ce rapport se limite à des considérationsessentiellement économiques sur l’investissement dans l’éducation.

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forte expansion du réservoir de capitalhumain et par une amélioration significativede la qualité des ressources humaines. Enoutre, pour la population en âge detravailler, la durée moyenne de la scolaritéa doublé en 20 ans (Barro et Lee, 2000).Cependant, en dépit de cette avancée, lacroissance économique s’est révéléedécevante (Figure 2.1), et la hausse duproduit intérieur brut (PIB) par habitant aété très faible dans toute la région.

Au cours des dernières décennies lacroissance économique de la régionMENA a été alimentée par desinvestissements en capital brut et par

l’essor de la force de travail. Néanmoins,l’augmentation de la productivité globaledes facteurs – qui mesure la croissanceéconomique dont ne peuvent rendrecompte les augmentations en capitalet/ou en capital travail – a été faible,voire dans certains cas négative(Commission européenne, 2006). Lacroissance de la productivité globale desfacteurs peut être considérée comme unreflet de l’efficacité des investissementsen capital humain (et physique). Seulesl’Égypte et la Tunisie ont enregistré destaux de croissance satisfaisants de laproductivité globale des facteurs aucours de la dernière décennie.

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Figure 2.1 : Croissance du PIB dans divers pays MENA (1960-2000)

Source : Banque mondiale, Indicateurs de développement mondial (http://devdata.worldbank.org/).

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Figure 2.2 : Nombre moyen d’années de scolarité dans divers pays MENA(1960-2000)

Source : Barro et Lee (2003), Statistiques internationales sur les résultats éducatifs.

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Dans tous les pays MENA, l’accès àl’éducation s’est considérablementamélioré au cours des dernièresdécennies. Vu la rapide progression destaux de croissance de la population (quiprésente une augmentation exponentielledu nombre des jeunes), il s’agit là d’uneperformance remarquable. D’une façongénérale, l’éducation a toujours étéconsidérée comme une priorité dans lecourant des dernières décennies, bienqu’une légère baisse d’intérêt se soitmanifestée dans la période desprogrammes d’ajustements structurels (aucours des années 80 et au début desannées 90). Plus récemment, des réformeséducatives et une nouvelle expansion luiont redonné toute son importance.

Les taux d’alphabétisation des adultes ontrapidement progressé au cours desdernières décennies même s’ils restentfranchement bas dans certains pays, enparticulier dans la population féminine. Larégion dans son ensemble présente untaux d’alphabétisation des adultesd’environ 80%. En 2004, ces taux variaientde 66% au Maroc à 95% en Jordanie pourles hommes et de 40% au Maroc à 85% enJordanie pour les femmes (UNESCO,2006). L’alphabétisation a reçu uneimpulsion essentielle avec l’essor massifde la scolarisation formelle des jeunes (lespersonnes âgées alphabétisées sontrelativement peu nombreuses).

L’inscription à l’école primaire est devenuepresque universelle dans toute la région,aussi bien pour les garçons que pour lesfilles. Cependant, les abandons scolairesrestent fréquents dans certains pays, enparticulier au Maroc, où le taux d’abandonatteint 30%. Au cours de la dernièredécennie, les inscriptions brutes à l’écolesecondaire ont, elles aussi, rapidementaugmenté, dépassant le taux de 80% danstous les pays à l’exception du Maroc et dela Tunisie. De la même façon, danscertains pays (en particulier en Égypte, enJordanie et en Tunisie), l’augmentation desinscriptions des jeunes à des cursuspostsecondaires a été explosive. EnJordanie, les inscriptions dans desétablissements postsecondaires ontaugmenté de 55% entre 1999 et 2003. AuLiban, où les inscriptions dansl’enseignement supérieur sonttraditionnellement élevées, elles ont grimpéde près de 50% en 2004 (UNESCO, 2006).

Un des huit objectifs du Millénaire pour ledéveloppement est de combler l’écart entreles sexes relatif à l’accès à l’éducation. Cetobjectif a, dans une large mesure, étéatteint, à tous les niveaux d’éducation,dans l’ensemble de la région MENA. Ilexiste encore, toutefois, quelquesdifférences au niveau de l’enseignementprimaire, avec un ratio d’inscriptionfille-garçon qui s’établit à 0,92 au Maroc,0,94 en Algérie, 0,96 en Syrie, en Égypte,

23

2. L’INVESTISSEMENT DANS L’ÉDUCATION ET SES RÉPERCUSSIONS SURL’EMPLOI ET L’ÉCONOMIE

Tableau 2.1 : Inscriptions brutes (%) aux différents niveaux d’enseignement dans larégion MENA

Algérie Égypte Jordanie Liban Maroc Syrie Tunisie

Primaire 1970 76,1 67,6 72,0 121,4 51,5 77,5 100,4

1980 94,5 73,1 81,6 111,4 83,0 99,6 102,1

1990 100,5 91,5 100,6 113,2 65,2 102,2 113,7

2004 111,7 100,7 98,2 106,8 105,6 122,9 109,9

Secondaire 1970 11,2 28,4 32,8 41,5 12,6 38,1 22,7

1980 33,0 50,5 59,1 59,1 26,0 46,4 27,0

1990 60,9 70,8 63,3 35,5 48,8 44,4

2004 80,7 87,1 87,4 88,7 47,6 63,2 81,3

Supérieur 1970 1,8 6,9 2,1 21,0 1,4 8,3 2,6

1980 5,9 16,1 13,4 30,1 5,9 16,9 4,8

1990 11,8 16,7 24,0 10,9 18,2 8,7

2004 19,6 32,6 39,3 47,6 10,6 28,6

Source : UNESCO (2006), (www.uis.unesco.org).

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au Liban et en Tunisie, et enfin 0,98 enJordanie (UNESCO, 2006). Dansl’enseignement supérieur, les différencessont minimes et, dans certains cas, cesratios sont inversés.

Malgré l’extension de la couverture dessystèmes d’enseignement au cours desdernières décennies, on n’enregistreaucune augmentation correspondante desdépenses publiques d’éducation, qui,exprimées en part du PIB, sont restéesrelativement stables dans la plupart despays. Si, au Liban, cette part ne s’élèvequ’à 3%, les pourcentages de plus de 6%enregistrés en Jordanie, au Maroc et enTunisie (Figure 2.3) sont, eux, supérieurs àla moyenne mondiale (4%) tout comme aupourcentage (5,7%) relevé pour les pays àhaut revenu (UNESCO, 2006). Il n’endemeure pas moins que la forte croissancede la population dans la plupart des paysMENA a eu pour effet de diminuer lesdépenses par habitant (c.-à-d. parétudiant). Ceci tendrait à indiquer soit uneamélioration de l’efficacité éducative soitune détérioration de la qualité del’éducation. On ne relève cependant quepeu d’indices directs qui témoigneraientd’une diminution de la qualité del’éducation dans la région MENA (Iqbal,2006) ; le rapport apprenant-enseignant estresté à peu près stable ou a décru à partirde 1985 dans la plupart des pays enquestion. Il est à souligner que la plupartdes pays de la région MENA ont participé à

l’enquête internationale de 2003 portantsur la mathématique et les sciences(Trends in International Mathematics andScience Study (TIMSS)), et que si lesrésultats en étaient plutôt faibles en termesabsolus pour la région, ils n’en étaient pasmoins alignés sur les niveaux escomptéspour les pays à revenu moyen.

Le système d’éducation dans les paysMENA est largement public, exception faitepour le Liban où plus de 50% des élèvessont inscrits dans des écoles privées.Certaines données semblent indiquerqu’une augmentation des dépensesprivées en éducation a pu compenser lastagnation des dépenses publiques. Lafacture de l’éducation au Liban représenteen gros 9% du PIB, et deux tiers de celle-cisont couverts par des fonds publics. Si l’ontient compte des contributions privées, leniveau des dépenses en éducation porte leLiban au niveau des leaders mondiaux enmatière d’investissement en éducation. AuMaroc, l’enseignement privé a connu, cesdernières années, une expansion dans lesgrandes agglomérations urbaines ; sa partde dépenses en éducation a, parconséquent, augmenté de 8,7% en1990/91 à 15,5% en 2002/03 (Bougroum,2005).

Bien que l’éducation soit gratuite dans laplupart des pays MENA, la grande diffusiondu tutorat privé, sous forme de leçonsparticulières dispensées pour garantir la

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LES RÉFORMES DES POLITIQUES DE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENT ET ENAFRIQUE DU NORD

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Figure 2.3 : Dépenses publiques en éducation dans la région MENA (% du PIB)

Source : Unesco (2006), (www.uis.unesco.org).

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réussite des élèves aux examens del’école publique, comporte des fraisconsidérables pour les ménages privés. EnÉgypte, où le tutorat représente unsystème parallèle d’enseignement privé, onestime que les cours privés s’adjugentquelque 20% des dépenses des ménages.En Jordanie, 50% des recettes desuniversités publiques proviennent decontributions payées par des particuliers ;d’après les enquêtes sur les ménages, unesomme moyenne de 442 dinars jordaniensest dépensée par famille en enseignementprivé ou public (Mryyan, 2005), un chiffrequi représente près de 45% des dépensestotales d’éducation dans le pays.

2.2 LES BÉNÉFICES DEL’INVESTISSEMENT DANSL’ÉDUCATION

Comme on l’indiquait plus haut, lesbénéfices retirés d’investissements aussiconsidérables dans l’enseignement et laformation semblent avoir été minimes. Unautre point non moins important àconsidérer est celui du retour surl’investissement dans l’éducation au niveauindividuel. La distinction entre bénéficesprivés (individuels) et bénéfices sociaux del’éducation est fondamentale, et de faiblesretours sociaux sur l’investissement dansl’éducation peuvent être parfaitementcompatibles avec des retours privés élevés(pouvant stimuler la demande individuelled’éducation). Il existe plusieurs explicationspossibles à ce faible rendement del’investissement au niveau privé dans larégion MENA : il se peut que lesgouvernements accordent des salaires etavantages importants aux travailleurs dusecteur public sans que ceux-ci contribuentnécessairement à une meilleureproductivité (Pritchett, 1999) ; il se peutégalement que des qualificationsfacilement mesurables, acquises par lamémorisation par cœur et dans le cadred’une scolarité formelle, soient mieuxcotées que des compétences plusproductives et plus immatérielles maismoins quantifiables telles que la créativitéou une bonne aptitude au travail en équipe(Murphy et Salehi-Isfahani, 2003). Lesretours privés sur l’investissement dansl’éducation ne rendent pas compte de tous

les bénéfices que la société dans sonensemble retire de l’éducation ou, end’autres termes, de ces facteurs externesqui génèrent des bénéfices pour les autresmembres de la société.

Sur le plan international, les niveauxd’enseignement supérieur sont associés àdes résultats positifs sur le marché dutravail pour les individus et notamment à deplus hauts salaires et à de meilleuresopportunités d’emploi. Selon lesestimations, les retours individuels (privés)générés par une année supplémentaire descolarité équivalent en général à uneamélioration de salaire de 8% à 15%(Card, 1999 ; Psacharopoulos et Patrinos,2002 ; Pritchett, 1999).

D’après les estimations, dans les paysMENA, les retours sur l’investissementdans l’éducation varient de 5% à 15%suivant les pays et les niveaux de scolarité(Banque mondiale, 2004). Si les femmesperçoivent des salaires inférieurs à ceuxdes hommes, les inégalités entre les sexestendent à s’atténuer avec l’élévation duniveau d’études. Il en résulte que lesbénéfices privés de l’éducation tendent àêtre plus importants pour les femmes quepour les hommes. Dans la plupart desrégions en développement, les retoursprivés sur l’investissement dans l’éducationtendent à être plus élevés pour lespersonnes ayant reçu une instructionprimaire que pour les diplômés de l’écolesecondaire ou de l’université (Krueger etLindahl, 2001). Cependant, dans les paysMENA, on observe la situation inverse : lesbénéfices de l’éducation semblentaugmenter avec le niveau de scolarité(Psacharopoulos et Patrinos, 2002 ;Banque mondiale, 2004). L’on peut trouverune explication à ce phénomène dans lefait que les emplois publics jouent un rôleplus important dans les pays MENA quedans les autres régions en développement,et que les bénéfices de l’éducation tendentà être plus élevés dans le secteur publicque dans le privé. De meilleursrendements de l’éducation pour lespersonnes titulaires d’un diplôme d’étudessecondaires ou universitaires pourraientrefléter l’échelle des salaires desgouvernements plutôt qu’un gain deproductivité (Pritchett, 1999 ; Glewwe, 2002).

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2. L’INVESTISSEMENT DANS L’ÉDUCATION ET SES RÉPERCUSSIONS SURL’EMPLOI ET L’ÉCONOMIE

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Said (2002) a analysé les changementsintervenus de 1988 à 1998 dans lesrendements de l’éducation en Égypte. Aucours de ces 10 années, les bénéfices del’éducation ont décliné pour les titulaires dediplômes d’études secondaires de premieret deuxième cycle alors qu’ils ontaugmenté pour les demandeurs d’emploiayant un niveau d’instruction plus modeste(cycle d’alphabétisation et/ou certificatd’études primaires) et pour les titulairesd’un diplôme d’enseignement supérieur(délivré par des écoles postsecondaires oudes établissements universitaires). En1998, les retours sur l’investissement dansl’éducation ont été plus élevés dans lesecteur public que dans le secteur privé,surtout pour les femmes. Cependant, lesretours sur l’éducation pour les femmestitulaires d’un diplôme d’étudessecondaires ont connu une fortecontraction dans le secteur public dans lapériode considérée.

Plusieurs études ont tenté de mesurer lesbénéfices de l’éducation en Tunisie(Zouari-Bouattour, 2001 ; Banquemondiale, 2003). En général ceux-ci ontaugmenté de pair avec la hausse desniveaux d’éducation et de qualification. Desdifférences importantes apparaissenttoutefois entre les secteurs. Par exemple,les exploitants agricoles et les ouvriersagricoles qualifiés gagnent moins que lestravailleurs urbains ayant des qualificationssimilaires ou inférieures. Il existe aussi, enTunisie, une prime de salaire dans lesecteur public de l’ordre de 18% (de 24% à30% pour les femmes) par rapport ausecteur privé.

Au Liban, les résultats d’une enquête sur laforce de travail conduite par l’UniversitéSaint-Joseph en 2002 ont montré que,chez les jeunes (âgés de 18 à 35 ans), lasatisfaction salariale augmente avec leniveau d’éducation (Maleeb, 2005).Cependant, l’échantillon de populationinterviewé indiquait aussi, de façonévidence, un faible niveau général desatisfaction pour les revenus ; 17,7%,25,8% et 23,5% des interviewés,respectivement titulaires d’un diplômed’instruction primaire, d’un diplômed’enseignement secondaire général et d’undiplôme d’enseignement secondaire

professionnel, se déclaraient satisfaits deleurs revenus. Face à ces chiffres, le tauxde satisfaction des diplômés universitairesatteignait 34,4%.

Huitfeldt et Kabbani (2006), qui ontprocédé à une estimation des retours surl’éducation en Syrie en 2001 et 2002, ontobservé que les taux de rendementaugmentaient avec le niveau d’éducation,même si, au départ, ils étaient faibles,selon les critères internationaux ; lesmeilleurs résultats ont été enregistrés pourles femmes d’un niveau d’étudespostsecondaire. Ces mêmes auteurs ontpu constater que l’enseignement supérieurexerçait un attrait dans la mesure où il avaitpour effet d’accroître les chances detrouver un emploi, de réduire les délaisd’attente d’un poste dans la fonctionpublique et d’augmenter les possibilités detrouver un emploi à l’étranger.

Bien qu’ils apparaissent plutôt faiblesdans un contexte international, les retoursprivés sur l’investissement en éducation,tels qu’ils résultent des estimations, n’ensont pas moins substantiels dans lecontexte des pays MENA. Étant donné,toutefois, que les analyses de cesrendements se basent sur les salairesdéclarés, l’évaluation des bénéficesassociés à un allongement des étudespeut comporter une sous-estimation desavantages réels procurés, surtout dans lesecteur public. Il est en effet possible quen’aient pas été pris en compte desbénéfices moins aisément quantifiables ounon déclarés, obtenus dans le secteurpublic, ou encore le revenu d’un deuxièmetravail, non déclaré, dans le secteur privéou informel.

2.3 LA TRANSITION DEL’ÉCOLE AU TRAVAIL

Dans la région MENA, le secteur publiccontribue, traditionnellement, de façonprépondérante, aussi bien à absorber lesjeunes sortant du système d’enseignementsecondaire ou supérieur, qu’à assurer unéquilibre entre l’offre et la demande sur lemarché du travail. Cependant, ce modèlede marché du travail connaît un fortdéséquilibre du fait qu’il existe de moins en

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moins de possibilités pour le secteur publicd’absorber le nombre croissant dedemandeurs d’emploi diplômés. Latransition de l’école au travail est, parconséquent, un processus long et incertainet le chômage des jeunes a atteint desniveaux critiques dans toute la région.

La demande d’emplois dans le secteurpublic est telle que les jeunes font la queuepour occuper les postes. Les tempsd’attente tendent cependant à refléter leniveau d’éducation : moins longs pour lescandidats plus qualifiés (Huitfeldt etKabbani, 2006). Les décisions en matièrede recrutement sont souvent basées sur laposition des candidats dans la listed’attente, celle-ci ayant tendance à varieren fonction du niveau d’études atteint plutôtqu’en fonction de la qualité del’enseignement reçu, encore que cemodèle concernant l’emploi public soitsusceptible d’être remis en cause quand lesecteur privé commencera à jouer un rôleplus important sur le marché.

À l’autre extrémité du spectre, lesdemandeurs d’emploi peu qualifiés ouayant abandonné leurs études, ont bienpeu de possibilités de choix et optent, leplus souvent, pour une place d’apprenti ouun travail sur le marché informel.

Au Maroc, le processus de transition del’école au travail s’est considérablementtransformé depuis les années 80(Bougroum, 2005), époque où l’offre et lademande d’emplois s’équilibraient de façonadéquate. En outre, les médiations privéeset les contacts avec les réseaux (étendus)de relations familiales facilitaienttraditionnellement l’accès aux emploisdans le secteur privé. Néanmoins, l’arrivéed’un nombre croissant de jeunes sur lemarché du travail, conjuguée à la réductiondes emplois offerts dans le secteur public,a conduit à un déséquilibre entre l’offre etla demande et par voie de conséquence àla formation de taux élevés de chômagechez les jeunes.

Deux facteurs principaux influencent, auMaroc, les conditions d’accès des jeunesau marché du travail : la qualité del’enseignement dispensé et les réseaux de

contacts individuels. Les diplômés desétablissements publics d’enseignementsupérieur s’efforcent souvent d’obtenir unemploi dans le secteur privé, en attendantde décrocher un poste dans le secteurpublic ; mais l’accès aux emplois dusecteur privé est souvent limité du fait del’inadéquation de la formation reçue (tropthéorique) et/ou de l’étroitesse du réseaude contacts disponible. D’autre part, lesdemandeurs d’emploi qui ont suivi unefilière de formation professionnelle n’ontpas d’autre possibilité que de trouver unemploi dans le secteur privé. Un grandnombre d’entre eux débutent leur carrièreen acceptant un emploi dans le secteurprivé informel où ils doivent soutenir laconcurrence de jeunes qui n’ont peut-êtrejamais fréquenté l’école mais qui onteffectué un apprentissage.

En Égypte, Amer (2002) a étudié etcomparé les changements intervenus aucours des années 80 et 90, dans leprocessus de transition de l’éducation à unemploi public ou privé, au chômage ou àl’inactivité. Le secteur public ainvariablement joué un rôle majeur dansl’insertion sur le marché du travail desjeunes diplômés, aussi bien dans lesannées 80 que dans les années 90. Unecomparaison révèle que respectivement29% et 28% des individus insérés dans uncursus d’études en 1981 et en 1990 étaientemployés par le secteur public (dansl’administration ou dans des entreprisespubliques) en 1988 et en 1998. Dans lamême période, le taux de diplômésemployés par le secteur privé est passé de31% à 51% alors que le chômage etl’inactivité déclinaient. Quoiqu’il en soit, lesemplois du secteur privé ont subi unetransformation radicale. En particulier lenombre d’emplois réguliers mais nonprotégés (informels) a considérablementaugmenté. Ainsi, bien que le modèled’emploi public soit, dans une certainemesure, encore en place en Égypte, unplus grand nombre de jeunes choisissent(ou sont contraints d’accepter) des emploisdans le secteur informel, plutôt que d’êtreouvertement au chômage, dans l’attented’obtenir l’un des rares emplois disponiblesdans le secteur public ou dans le secteurprivé formel.

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2. L’INVESTISSEMENT DANS L’ÉDUCATION ET SES RÉPERCUSSIONS SURL’EMPLOI ET L’ÉCONOMIE

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2.4 EN CONCLUSION

Au cours des dernières décennies, larégion MENA a enregistré une forteaugmentation de la population (et, parvoie de conséquence, de lamain-d’œuvre). Elle a également mis enœuvre des réformes économiques qui onteu pour effet de réduire le rôle de bailleurd’emplois du secteur public. Le nombred’inscrits dans les établissementsd’enseignement et de formation a connuun formidable essor et les niveauxd’éducation se sont améliorés. Les retoursindividuels (privés) sur l’éducation sontconséquents. Cependant, les bénéficesretirés de l’amélioration de l’éducation parl’ensemble de l’économie sont, semble-il,limités, bien que rien n’indique clairement

que la qualité du système d’éducation sesoit détériorée durant cette périoded’expansion. Les économies des paysMENA ont été, semble-t-il, incapablesd’assortir les améliorations introduites surle plan de l’éducation, de réformescomparables sur le marché du travail,permettant de tirer pleinement avantagede cette arrivée en masse de demandeursd’emplois qualifiés sur le marché dutravail. Pouvoir compter sur un marché dutravail efficace et sur des mécanismes decréation d’emplois authentiquementperformants s’avère de la plus hauteimportance pour garantir le succès detoute politique visant à promouvoir lacroissance économique par uneintensification de l’investissement dansl’éducation.

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3. MOBILITÉ ETSEGMENTATION DE LAMAIN-D’ŒUVRE6

Bien que le capital humain joue un rôlefondamental dans la croissanceéconomique, son impact surl’augmentation de la productivité dépend àla fois de la qualité du capital humain et dela façon dont il est affecté. La mobilité de lamain-d’œuvre est essentielle pour uneallocation efficace du capital humain ; end’autres termes, une économie peut utiliserses ressources humaines de façon plusefficace et plus productive quand sa forcede travail est mobile.

La mobilité de la main-d’œuvre dépenddans une large mesure de la flexibilité dumarché du travail ; les États-Unis, parexemple, ont une structure du marché dutravail plus mobile et plus flexible que lespays européens. D’une façon générale, lespays développés tendent à avoir desmarchés du travail plus flexibles que leséconomies en développement. La mobilitéde la main-d’œuvre revêt une importanceparticulière pour les économies qui

traversent une période de réformes ou detransition, car la rapidité et l’ampleur desredéploiements de main-d’œuvre d’unsecteur ou d’un marché du travail à unautre sont des facteurs importants desuccès pour les processus de réforme etd’ajustement entrepris.

Un grand nombre d’économies souffrentnéanmoins d’une segmentation de leurmarché du travail, qui rend difficile ledéplacement des travailleurs d’un secteurà l’autre. La segmentation résulte dedistorsions du marché du travail telles quela fixation de niveaux salariaux minimauxou l’adoption de certaines procédures derecrutement dans la fonction publique.Dans bien des cas, des barrières limitentl’accès des travailleurs au marché :qualifications éducatives inadéquates,discriminations en fonction de la race oudu sexe, etc. Dans d’autres cas, le coûtélevé associé à la mobilité des travailleursdécourage le déplacement de ceux-ci d’un

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6 Ce chapitre a été rédigé Jackline Wahba (Economics Division, School of Social Sciences, University ofSouthampton, Royaume-Uni).

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secteur à l’autre. Ce type de segmentationdu marché du travail porte préjudice à lamobilité de la main-d’œuvre et, parconséquent, à l’efficacité de l’affectationdu capital humain. Étant donnél’importance que revêt la mobilité de lamain-d’œuvre au regard des modesd’utilisation du capital humain, ce chapitreprocède à un examen plus approfondi del’état de la mobilité de la main-d’œuvredans cinq pays MENA, à savoir l’Égypte,la Jordanie, le Liban, le Maroc et laTunisie.

3.1 LES SECTEURS ENDÉVELOPPEMENT

Dans les périodes de transition, le succèsd’une économie est déterminé par lafacilité de déplacement de la main-d’œuvredes secteurs non marchands aux secteursmarchands, des secteurs non compétitifsaux secteurs compétitifs, et des secteursinefficaces aux secteurs efficaces. Lespouvoirs publics doivent donc êtrepleinement au fait des secteurs enexpansion de façon à être en mesure deréaffecter de façon fructueuse lesressources humaines.

Répartition de l’emploi par secteuréconomique

Ces dernières années, tous les paysétudiés ont connu une contraction de lapart de l’agriculture dans l’emploi total(Tableau 3.1). En Égypte, le secteuragricole enregistre un déclin constantdepuis les années 60 ; par exemple,entre 1990 et 2002, la part del’agriculture dans l’emploi a chuté de40,6% à 27,5%7. Et l’on observe destendances similaires en Tunisie, où lapart de l’agriculture dans l’emploi totalest tombée de plus de 50%, il y a unequarantaine d’années, à près de 21% en2003. Au Maroc, la part de ce secteur aégalement diminué mais l’agriculture n’endemeure pas moins un secteur depremière importance dans l’économie,s’adjugeant une part de quelque 45%dans l’emploi total en 2003.

Bien que l’industrie soit traditionnellementconsidérée comme un moteur dudéveloppement économique, les paysMENA n’ont pas tous connu un essor de cesecteur. L’Égypte, par exemple, aenregistré une chute de la contribution del’industrie dans l’emploi total, tandis qu’enJordanie, au Maroc et en Tunisie, la partde ce secteur dans l’emploi est restéestable. Néanmoins, on relève desmutations, sous-jacentes à ces tendancesgénérales, dans la composition du secteurindustriel. En Jordanie, par exemple, cesecteur est constitué, en gros, par desétablissements industriels opérant àgrande échelle, entièrement oupartiellement aux mains de l’État, quifabriquent des produits chimiques, desengrais et d’autres produits d’origineminérale, et par des petites et moyennesentreprises familiales spécialisées dansl’industrie légère, produisant une gammeétendue de biens de consommation. Leplus gros de ces sous-secteurs a crû defaçon constante dans la périodeconsidérée, alors que les entreprises plustraditionnelles du cru local ont connu ungrave déclin – tout particulièrement aucours de la récession survenue au milieudes années 90, qui a contraint un grandnombre d’entreprises traditionnelles noncompétitives à mettre fin à leurs activités(Kanaan et Kardoosh, 2002). En Tunisie, lesecteur du textile et de l’habillement est, delongue date, le plus gros employeurindustriel, mais sa part dans l’emploi s’estréduite de 10,4%, en 1999, à 9,4%, en2003, et devrait accuser une nouvellecontraction en conséquence dudémantèlement de l’accord multifibre et del’intensification de la concurrenceasiatique.

Le destin de l’industrie du bâtiment tend àrefléter les conditions cycliques del’économie dans son ensemble et, dans lespays MENA, la part du bâtiment dansl’emploi total est demeurée largementinchangée. En Jordanie, par exemple, unléger déclin de l’emploi dans le secteur dubâtiment a été relevé dans la deuxièmemoitié des années 80, suivi par unemodeste reprise au début des années 90,

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LES RÉFORMES DES POLITIQUES DE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENT ET ENAFRIQUE DU NORD

7 Il est à souligner que ces chiffres peuvent être sous-estimés car la participation des femmes aux activitésagricoles, et en particulier aux activités de subsistance, n’est pas prise en compte dans les enquêtesnormalement effectuées sur les forces de travail.

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essentiellement due au retour de plus de300 000 expatriés jordaniens après laguerre du Golfe. En Égypte, un boom a étéenregistré dans le bâtiment à la fin desannées 70 et 80, alimenté par l’afflux destransferts des émigrés.

Le secteur des services (commerce,restauration, hôtellerie, transports,communications, services financiers etd’assurance, etc.) a apporté unecontribution majeure à l’emploi dans tousles pays MENA. En Jordanie et en Tunisie,le secteur des services a contribué pourprès de 45% à l’emploi total en 2003 ; enÉgypte, cette part a grimpé de 48,7% en1999 à 51,9% en 2002. Cette structure del’emploi correspondant à l’activitééconomique est déviée vers les secteursnon marchands et, dans la mesure où cessecteurs sont freinés par une demandedomestique limitée, des sources derevenus durables ne peuvent êtregénérées.

Les plus hauts taux de croissance de ladernière décennie ont été enregistrés dansle secteur du commerce, de l’hôtellerie etde la restauration, mais, comme il ressortdu tableau 3.1, la croissance ne s’est

élevée que d’1% environ entre 1999 et2002. Ce secteur est fondamentalementporté par le tourisme, qui est un servicemarchand. Bien que le tourisme ait, engénéral, augmenté dans le courant de ladernière décennie, il a été gravementaffecté par les attaques terroristes et n’a,par conséquent, pas pu réaliser pleinementson potentiel en tant que source d’emplois.Dans le secteur des services en Jordanie,la plus forte augmentation comparativeenregistrée pour l’emploi est imputable audéveloppement de l’hôtellerie et de larestauration.

Si l’on examine la croissance annuellemoyenne de l’emploi, dans son ensembleet par secteur (Tableau 3.2), on découvreque la hausse de l’emploi total a été la plussoutenue en Jordanie (5,8%) et la plusfaible au Maroc (1,6%), alors que l’Égypteet la Tunisie enregistraient des taux decroissance intermédiaires (respectivement2,2% et 3%). Malgré la diversité plus oumoins marquée de ces taux, les modèlesde développement de l’emploi présententde grandes similarités, accusant parexemple de très faibles augmentationsmoyennes de l’emploi dans l’agriculture(moins de 1%).

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3. MOBILITÉ ET SEGMENTATION DE LA MAIN-D’ŒUVRE

Tableau 3.1 : Répartition (%) de l’emploi par secteur économique (1999 et 2002 ou 2003)

Activitééconomique

Égypte Jordanie Maroc Tunisie

1999 2002 1999 2003 1999 2003 1999 2003

Agriculture 28,70 27,52 – – 47,8 45,2 21,82 21,30

Industrieminière/manufacturière

13,46 11,85 17,65 17,74 13,8 13,1 20,23 19,70

Bâtiment 7,88 7,36 3,32 3,74 6,0 6,6 12,18 12,28

Servicespublics 1,24 1,35 2,26 2,11 – – 1,31 1,09

Commerce/hôtellerie/restauration

13,85 14,78 22,26 25,11 10,8 12,5 – –

Transports/communications 6,33 6,34 6,23 4,49 3,0 3,5 – –

Finance/assurances 2,74 1,23 2,93 2,57 – – – –

Services 25,80 29,55 45,35 44,24 18,4 19,0 28,50 45,03

Total(en milliers)

16 750,2 17 856,2 584,4 692,1 9 360,3 9 945,9 250,4 295,1

Sources : Égypte : Sondages CAPMAS sur la force de travail 1999 à 2002 ; Jordanie : Département desstatistiques, Enquêtes sur l’emploi ; Maroc : Direction de la statistique, « Activité, emploi et chômage » 1999 et2003 ; Tunisie : Institut national de la statistique, Enquêtes sur l’emploi 1997, 1999, 2000 et 2001.

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Peu de pays ont enregistré desaugmentations significatives de l’emploidans l’industrie manufacturière. En effet,en Égypte, l’emploi dans ce secteur adécliné à un rythme moyen annuellégèrement supérieur à 2% entre 1999 et2002, tandis qu’au Maroc, il a toutbonnement stagné. En Jordanie et enTunisie, par contre, le taux annuel moyende l’emploi dans l’industrie manufacturières’est élevé respectivement à 6% et 3,5%,témoignant de la meilleure santé de cesecteur, dans ces deux pays. Quant àl’emploi dans l’industrie du bâtiment, onrelève une augmentation annuellemoyenne en Jordanie et au Maroc et unecontraction en Égypte et en Tunisie.

L’emploi dans le secteur des services aconnu une croissance dans tous les paysMENA. Le rythme de cette croissance aété toutefois beaucoup plus soutenu enÉgypte et en Jordanie où, dans la période1999-2003, le taux annuel moyen a atteintrespectivement près de 7% et 8%, contreun modeste 2% et 3% respectivement pourla Tunisie et le Maroc. Dans le secteur del’éducation, la progression de l’emploi aété, en général, inférieure aux tauxmoyens : entre 1999 et 2003, l’emploi dansce secteur a crû de 2,7% en Jordanie ;dans la même période, la hausse del’emploi en Tunisie a atteint 1,9% dansl’éducation, la santé et les administrationspubliques.

Il n’existe pas de séries chronologiquesconcernant la répartition ou la croissancede l’emploi par secteur économique auLiban. Néanmoins, des extrapolationseffectuées à partir de diverses enquêtes

indiquent qu’entre 1999 et 2002, l’emploidans le commerce et les services a crû audétriment de l’industrie, de l’agriculture etdes autres activités.

En conclusion, les pays MENA ontenregistré un ralentissement de l’emploidans l’agriculture et le taux de croissancede l’emploi dans l’industrie manufacturièrea accusé des variations considérables.Dans tous ces pays, on a pu relever uneprogression de l’emploi dans le secteur desservices, qui mobilise, dans l’absolu, leplus grand nombre de personnes etreprésente la part la plus importante del’emploi total.

Propriété publique/privée de l’activitééconomique

La propriété des activités économiques estune autre dimension importante del’emploi. Tous les pays MENA ont unsecteur public très développé, mais ils ontégalement mis en œuvre des réformes aucours des dernières décennies afin derationaliser le secteur public et privatiserles entreprises publiques.

Le tableau 3.3 montre les changementsintervenus dans la répartition des activitéséconomiques entre secteur public etsecteur privé entre 1999 et 2002 ou 2003.Si la part du secteur public dans l’emploitotal a diminué en Tunisie et au Maroc, ellea légèrement augmenté en Égypte. Depuis1990, l’économie égyptienne s’emploie àmettre en œuvre un programmed’ajustements structurels visant à réduire lerôle de l’État, mais le secteur public (quicomprend les administrations et les

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LES RÉFORMES DES POLITIQUES DE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENT ET ENAFRIQUE DU NORD

Tableau 3.2 : Croissance annuelle moyenne de l’emploi (%) par secteur économique(de 1999 à 2002 ou 2003)

Égypte Jordanie Maroc Tunisie

1999-2002 1999-2002 1999-2003 1999-2003

Agriculture 0,80 – 0,12 0,91

Industrie -2,02 6,0 0,22 3,47

Bâtiment -0,10 10,1 4,22 -0,42

Services 6,96 7,7 2,43 2,73

Emploi total 2,16 5,8 1,56 3,00

Sources : Égypte : Sondages CAPMAS sur la force de travail 1999 à 2002 ; Jordanie : Département desstatistiques, Enquêtes sur l’emploi ; Maroc : Direction de la statistique, « Activité, emploi et chômage » 1999 et2003 ; Tunisie : Institut national de la statistique, Enquêtes sur l’emploi 1997, 1999, 2000 et 2001.

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entreprises publiques) demeure le plusgros employeur. La part du secteur publicdans l’emploi total a même augmenté, de31,8% en 1990 à 33,5% en 2002, malgréun ralentissement de cette tendanceobservé entre 1999 et 2002. La forteprogression de l’emploi dans le secteurpublic est due essentiellement à lacroissance des services publics de la santéet de l’éducation, qui a incité legouvernement égyptien à continuer àrecruter massivement dans les années 90.La hausse des emplois dans les servicespublics a, dans une certaine mesure,compensé la perte des emplois enregistréedans les entreprises publiques, dont la partdans l’emploi total a chuté (surtout à partirde 1995), en conséquence de l’applicationdes programmes de privatisation.

La Tunisie et le Maroc ont vu décliner la partdu secteur public dans l’emploi. La Tunisieest même parvenue à réduire drastiquementl’emploi dans le secteur public, dont la partest passée de 19% en 1999 à un peu moinsde 13% en 2003. Au Maroc, l’emploi dans lesecteur public représentait moins de 10%de l’emploi total en 2003.

Le tableau 3.3 indique aussi que la partdu secteur privé dans l’emploi total estplus importante en Tunisie et au Marocqu’en Égypte. Dans ce dernier pays, eneffet, la part de l’emploi relevant dusecteur privé est passée de 68,1% en1990 à 66,5% en 2002. Si l’on examinecette tendance plus en détail, il apparaîtque, en correspondance avec leralentissement de la croissance del’emploi dans les secteursgouvernementaux, la part du secteurprivé dans l’emploi total a atteint unniveau plancher de 63,9% en 1997 pourremonter à 66,5% en 2002. Le déclingénéral de la part du secteur privé dansl’emploi révèle toutefois des disparités enfonction du sexe des personnesemployées. Alors que l’emploi dans lesecteur privé s’est accru pour leshommes (de 66,8% en 1990 à 69,3% en2002), il a décru considérablement pourles femmes (de 71,8% à 54,2% dans lamême période). Le secteur del’administration publique continue doncd’être une source majeure d’emploi pourles femmes.

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3. MOBILITÉ ET SEGMENTATION DE LA MAIN-D’ŒUVRE

Tableau 3.3 : Part de l’emploi (% du total) en fonction de l’appartenance au secteurpublic ou privé des activités économiques (1999 et 2002 ou 2003)

Secteurd’appartenance

Égypte Maroc Tunisie

1999 2002 1999 2003 1997 2003

Administrations 26,62 28,21 8,80 8,30 – –

Entreprises publiques (EP) 6,52 5,32 1,50 1,20 – –

Secteur public(administrations + EP)

33,14 33,53 10,30 9,50 19,29 12,86

Secteur privé 66,86 66,47 88,20 89,10 80,71 87,14

Autres – – 1,50 1,40 – –

Total 100 100 100 100 100 100

Sources : Égypte : Sondages CAPMAS sur la force de travail 1999 à 2002 ; Maroc : Direction de la statistique,« Activité, emploi et chômage » 1999 et 2003 ; Tunisie : Institut national de la statistique, Enquêtes sur l ’emploi1997, 1999, 2000 et 2001.

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Le tableau 3.4 présente la croissanceannuelle moyenne de l’emploi en fonctionde l’appartenance au secteur public ouprivé des activités économiques. L’Égyptemontre le plus haut taux de croissance del’emploi dans le secteur public ; en effet,les emplois dans la fonction publique ontcrû plus rapidement que l’emploi dans sonensemble, malgré la baisse de l’emploidans les entreprises publiques générée parles privatisations. Le Maroc a connu undéclin général de l’emploi dans le secteurpublic. Alors que l’emploi dans la fonctionpublique et dans les collectivités locales aessentiellement stagné entre 1999 et 2003,l’emploi dans les entreprises publiques(industries nationalisées et semi-nationalisées) s’est considérablementréduit. Au Maroc, le secteur privé a généréle plus grand nombre d’emplois dans cettepériode, bien qu’avec un taux deprogression très faible. Le secteur publicen Tunisie s’est lui aussi contracté,contrairement au secteur privé qui affichaitune saine croissance.

En conclusion, la plupart des pays MENAont vu leur niveau d’emploi baisser dansles entreprises publiques. Cependant, faceà la nécessité pressante de répondre à lademande des nouveaux entrants sur lemarché du travail, les pays ne sont pastous parvenus à alléger l’appareilgouvernemental. Qui plus est, le secteurprivé n’a pas réussi à créer un nombresuffisant d’emplois pour répondre à lademande d’une force de travail en pleinessor.

3.2 LE SECTEUR INFORMEL

Au cours des dernières décennies, lesecteur informel a joué un rôle majeur surles marchés du travail des pays MENA,contribuant à la création d’un nombreconsidérable d’emplois. L’emploi informel aainsi fortement progressé dans la plupartdes pays de la région.

Définition et mesure

L’économie informelle consiste en un vasteéventail d’entreprises informelles etd’emplois informels. En dépit de sonhétérogénéité, elle se distingue, en règlegénérale, par deux aspects principaux, àsavoir : le type d’unités économiques qui lacomposent et le statut qui est réservé àl’emploi. L’unité économique dans lesecteur informel est une entreprise noninscrite au registre du commerce ou nondéclarée, de taille invariablement réduite(employant au maximum cinq personnes) ;elle peut prendre la forme d’unemicro-entreprise (employant une ouplusieurs personnes sur une basecontinue) ou d’une entrepriseunipersonnelle (employantoccasionnellement des membres d’unemême famille ou des personnesextérieures). Il est à souligner que lesecteur informel n’englobe pas les activitésagricoles.

Dans l’économie informelle, l’emploi a pourstatut d’être invisible, non contrôlé et nonprotégé par les cadres législatifs ou

34

LES RÉFORMES DES POLITIQUES DE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENT ET ENAFRIQUE DU NORD

Tableau 3.4 : Croissance annuelle moyenne de l’emploi (%) en fonction del’appartenance au secteur public ou privé des activités économiques (1999 à 2002ou 2003)

Secteurd’appartenance

Égypte Maroc Tunisie

1999-2002 1999-2003 1999-2003

Administrations 4,14 0,05 –

Entreprises publiques (EP) -4,52 -3,75 –

Secteur public(administrations + EP)

2,55 -0,50 -1,28

Secteur privé 1,96 1,83 6,78

Autres – -0,21 –

Total 2,16 1,56 5,23

Sources : Égypte : Sondages CAPMAS sur la force de travail 1999 à 2002 ; Maroc : Direction de la statistique,« Activité, emploi et chômage » 1999 et 2003 ; Tunisie : Institut national de la statistique, Enquêtes sur l ’emploi1997, 1999, 2000 et 2001.

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réglementaires existants ; le termed’économie informelle se réfèrecouramment aux travailleurs desentreprises informelles ou encore auxpersonnes travaillant informellement dansdes entreprises formelles ou pour desménages (travailleurs domestiques,travailleurs occasionnels ou à la journée,travailleurs temporaires ou à temps partiel,travailleurs à domicile, travailleurs nonimmatriculés ou non déclarés, etc.). Entermes plus généraux, l’emploi informelinclut aussi bien le travail rémunéré (travailindépendant et emploi salarié) que letravail non rémunéré dans une entreprise àbut lucratif.

Bien que les unités économiques et lestatut de l’emploi dans le secteur informelpuissent prendre des formes très variées,les activités informelles ont toutes un pointcommun : la vulnérabilité. Celle-ci provientde ce qu’elles ne peuvent compter suraucun soutien autre que leurs propresressources ou des accords institutionnelsinformels et qu’elles s’exercent séparémentet indépendamment des institutions del’économie moderne. Le travail informelest, en outre, précaire et les conditions detravail s’avèrent en général éprouvantes.

Tendances

Le manque de statistiques disponibles surle secteur informel rend l’étude desdimensions et de la dynamique du secteur

extrêmement malaisée. Selon desestimations récentes, basées sur lesdonnées disponibles pour un petit nombrede pays de la région, la part de l’emploiinformel dans les secteurs non agricolesinformels des pays d’Afrique du Nords’élèverait à environ 48%, l’Égypte et laTunisie enregistrant les plus hauts tauxd’emploi informel : respectivement 55% et50% (Figure 3.1).

Le travail indépendant représente prèsd’un tiers de l’emploi non agricole totaldans le monde. Le taux du travailindépendant dans les pays de la régionMENA, exprimé en pourcentage del’emploi non agricole total, n’est pasparticulièrement élevé, malgrél’augmentation enregistrée dans lesannées 90 par rapport aux années 80. Lesdonnées relatives aux autres régionsindiquent des taux de 53% pour l’Afriquesub-saharienne, de 44% pour l’Amériquelatine, de 32% pour l’Asie et de 31% pourl’Afrique du Nord. Il est à souligner que letravail indépendant comprend une plusgrande part d’emploi informel que l’emploisalarié, dans la plupart des pays endéveloppement, règle qui vaut aussi pourles pays MENA. En effet, le travailindépendant représente au moins 50% del’emploi informel en Égypte et en Tunisie et81% de l’emploi informel au Maroc(Figure 3.2). La proportion de travailleursindépendants par rapport aux employéssalariés du secteur informel est

35

3. MOBILITÉ ET SEGMENTATION DE LA MAIN-D’ŒUVRE

0

20

40

60

AlgérieSyrie TunisieÉgypte Maroc

Figure 3.1 : Part de l’emploi dans les secteurs non agricoles informels (% du total)

Source : OIT (2002), Femmes et hommes dans l’économie informelle : image statistique.

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tendanciellement plus élevée en Algérie,au Maroc et en Syrie, mais pas en Égypteou en Tunisie, où les pourcentages sontplus ou moins comparables.

Dans l’ensemble, le secteur informelfonctionne de façon anticyclique : l’emploitend à croître dans les moments de criseéconomique et à décroître ou à stagnerquand la conjoncture économique remonte.Il n’y a rien de surprenant à ce que l’emploidans le secteur informel ait connu uneenvolée depuis que les pays MENA ontentamé leurs programmes de réformeséconomiques. En effet, dans la plupart despays en développement, l’emploi dansl’économie informelle tend à croîtrependant les périodes d’ajustement ou detransition économique. Dans le cas despays MENA, les processus de réformecomportaient une contraction du secteurpublic et une limitation du nombred’emplois offerts par celui-ci. En outre, laprivatisation des entreprises publiques aabouti à des licenciements, et le secteurprivé formel s’est révélé incapabled’absorber les excédents de main-d’œuvre.Tous ces facteurs ont ainsi concouru àdonner une impulsion à l’emploi informel.Qui plus est, en réponse à l’inflation et auxcoupes pratiquées dans les servicespublics, les ménages se sont souvent vuscontraints de compléter leurs revenus du

secteur formel par des rétributionsinformelles. À cela il faut encore ajouterque les économies de la région MENA ontété affectées par la mondialisation, qui,pour eux, s’est traduite par une compétitionaccrue venue de l’étranger. Dans cesconditions, on a pu assister à une érosiondes relations avec la force de travail,marquée par la propension des entreprisesformelles à recruter une main-d’œuvre malrémunérée et gratifiée de peu d’avantages,et à sous-traiter (ou délocaliser) laproduction des biens et des services. Il fautencore souligner qu’un grand nombred’entreprises informelles ou de fabricantsindépendants ont vu leur compétitivités’effriter face à l’afflux des importations etdevant la concurrence d’entreprisesformelles de plus grande taille, mieuxpositionnées sur les marchés d’exportation.

Le cas de l’Égypte témoigne bien de cettecroissance anticyclique du secteurinformel. Celui-ci a connu une impulsion aucours des dernières années et s’adjuge,aujourd’hui, une place importante dansl’économie égyptienne. Prenant pourréférence la définition générale forgée parl’Organisation internationale du travail(OIT) en 1993, El Mahdi (2002) a procédéà une estimation de l’économie informelleet de l’emploi informel sur la based’enquêtes spécifiques sur les forces de

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LES RÉFORMES DES POLITIQUES DE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENT ET ENAFRIQUE DU NORD

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Algérie SyrieTunisie ÉgypteMaroc

Travail indépendant Emploi salarié

Figure 3.2 : Travail indépendant et emploi salarié dans les secteurs informels nonagricoles (1994-2000)

Source : OIT (2002), Femmes et hommes dans l’économie informelle : image statistique.

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travail relatives à 1988 et 1998. Le nombrede travailleurs salariés informels8, qui a crûde 2,3 millions en 1988 (avant la réformeéconomique) à 3,3 millions en 1998(3,7 millions si l’on inclut les travailleursfamiliaux non rémunérés), représentait82% de l’ensemble des travailleurs salariésdes secteurs privés non agricoles. Lenombre d’unités économiques informelles9,qui est passé de 2,4 millions à 2,8 millionsdans le courant de la même décennie,représentait 84% de l’ensemble des unitéséconomiques. Le nombre total destravailleurs (y compris les travailleursfamiliaux non rémunérés) a atteint6,5 millions en 1998 alors qu’il s’élevait à4,7 millions en 1988. Moktar et Wahba(2002) ont procédé à une estimation de lacroissance de l’emploi informel en Égyptede 1990 à 1998, sur la base des résultatsdu volet « Historique de l’emploi » del’enquête sur le marché du travail effectuéeen 1998 dans ce pays10. Appliquantdifférentes définitions de l’emploi informel(absence de contrat, absence decouverture sociale, absence de l’un et del’autre), ils sont parvenus à la conclusionque la part des travailleurs informels avaitaugmenté d’environ 5% à 6% entre 1990 et1998. McCormick et Wahba (2004),s’attachant à vérifier des paramètresindividuels tels que le sexe, l’âge, le niveaud’instruction et le lieu de résidence, ontabouti aux mêmes résultats11.

Indépendamment de la définition del’emploi informel, la probabilité d’êtreemployé informellement a augmenté enÉgypte d’environ 5 points de pourcentage,entre 1990 et 1998. Par exemple, laprobabilité d’être employé sans contrat estpassée de 39% en 1990 à 44% en 1998.Cette probabilité était toutefois plus élevéepour certains groupes socioéconomiquesspécifiques tels que les femmes et lesjeunes (âgés de moins de 40 ans et, plusparticulièrement, âgés de 20 à 29 ans). Lapart des nouveaux entrants sur le marché

du travail susceptibles d’être employésinformellement a augmenté de 20% en1969 à 69% en 1998 ; pour les femmesnouvellement arrivées sur le marché dutravail, la probabilité de trouver un emploisans contrat a augmenté de 12 points depourcentage entre 1990 et 1998. Parconséquent, les jeunes demandeusesd’emploi, qui se voient barrer l’accès ausecteur privé formel, ont été les plusdéfavorisées par les réformeséconomiques (McCormick et Wahba,2004). Il est hors de doute que lacroissance du secteur informel du marchéde l’emploi égyptien – intervenue enréponse au lancement des programmes deréformes économiques et d’ajustementsstructurels au début des années 90 –affecte tout particulièrement les groupesles plus vulnérables de la population, àsavoir les femmes et les jeunes.

La Tunisie présente, elle aussi, les signesd’une croissance du secteur informelimpulsée dans le courant des dernièresdécennies en conséquence de l’adoptionde réformes et restrictions freinant lacroissance du secteur public ainsi que depolitiques gouvernementales favorisant ledéveloppement des petites entreprises etdes micro-entreprises. La stagnation dansla proportion des employés salariés,parallèlement à la progression de lamain-d’œuvre familiale non rémunérée(surtout dans le secteur agricole), sembleindiquer que le secteur formel, qui reposesur le travail salarié, ne s’est pasdéveloppé assez rapidement et n’est pasen mesure de créer le volume d’emploisnécessaire.

Le rôle du secteur informel

Le secteur informel a joué un rôleimportant dans le processus de créationd’emplois dans les pays MENA. En Égypte,par exemple, à la fin des années 90, 69%des nouveaux entrants sur le marché du

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3. MOBILITÉ ET SEGMENTATION DE LA MAIN-D’ŒUVRE

8 Le terme « emploi informel » se réfère aux travailleurs salariés (à l’exclusion du secteur agricole) n’ayant pasde contrat écrit leur assurant la sécurité sociale, employés dans des unités économiques aussi bien formellesqu’informelles (El Mahdi, 2002).

9 Une unité économique informelle n’a pas de licence et/ou n’est pas immatriculée, et elle ne tient pas decomptabilité régulière. La taille de l’unité n’est pas prise en considération; néanmoins, plus de 95% desunités économiques informelles emploient moins de cinq travailleurs (El Mahdi, 2002).

10 Moktar et Wahba (2002) se réfèrent aux travailleurs non agricoles âgés de 18 à 64 ans, en 1990 et en 1998.

11 Trois définitions de l’emploi informel ont été utilisées pour les travailleurs non agricoles âgés de 15 à 64 ans,en 1990 et en 1998 (McCormick et Wahba, 2004).

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travail n’ont pu trouver qu’un emploiinformel. Le marché informel couvre unegrande variété de domaines d’activités :industrie, commerce, réparations, bâtiment,transports, menus services, etc. Les biensont en général une faible valeurmarchande et l’éventail des emplois estlarge, allant des moins qualifiés comme lavente ambulante aux plus pointus tels quele travail innovant du métal, sous-traité parle secteur formel. En Jordanie, plus de70% des travailleurs affectés aux serviceset à la vente sont employés sur une baseinformelle (en général, dans desentreprises de moins de cinq personnes).En Égypte, les travailleurs informels sontconcentrés dans l’industrie manufacturière,le bâtiment, le commerce et les transports.Les femmes travaillant dans le secteurinformel sont cantonnées dans un champrestreint d’activités, notamment lecommerce (37%), l’industrie (31%) et lestransports (25%) (El Mahdi, 2002). AuMaroc, les activités les plus courantes desentreprises du secteur informel sont lecommerce et les réparations, quireprésentent 48,2% de l’ensemble desactivités d’entreprise. En Tunisie, l’emploiinformel est essentiellement concentrédans l’industrie (alimentaire, du bois et desmétaux), le bâtiment, le commerce, laréparation automobile et les transports ; deplus, l’emploi est en étroite corrélation avecla production et la valeur ajoutée. Au Liban,selon le recensement des immeubles etdes établissements de 1997 réalisé parl’Administration centrale de la statistique,76% des sociétés de construction et 94%des sociétés de services sont des petitesentreprises.

Le secteur informel est des plushétérogènes. Il comprend, d’une part, desactivités de production à petite échelle, àhaut potentiel de croissance et de progrèstechnologique, et d’autre part, des activitésde survie sans grandes perspectives, quiabsorbent une main-d’œuvre peu qualifiée.Les expériences réalisées au niveauinternational montrent que les petitesentreprises et les micro-entreprisespeuvent jouer un rôle fondamental dans lacréation d’emplois et la réduction desécarts entre l’offre et la demande demain-d’œuvre. Dans les pays développéscomme dans les pays en développement,

les petites entreprises représentent unepart importante de l’activitéentrepreneuriale et constituent une sourced’emploi importante. En Égypte, parexemple, au milieu des années 90, le vastesecteur, quasiment informel, desmicro-entreprises mobilisait plus de2,5 millions de personnes dans 1,5 milliond’établissements de moins de cinqemployés et une force additionnelle dequelque 500 000 travailleurs dans desétablissements employant entre cinq etneuf personnes (recensement desimmeubles et des établissements de1996). Au Maroc, l’enquête nationale surles entreprises non structurées indiquequ’à elles seules, les entreprisesinformelles représentent respectivement37%, 19% et 26% de l’emploi dans lessecteurs du commerce, des services et del’industrie. En Jordanie, d’après la Directionde la statistique, les petites et moyennesentreprises (PME) informelles représentent33% de l’emploi total (Abdel-Fadil, 2002).

Les données disponibles sur les petitesentreprises et les micro-entreprises mettenten évidence la structure hautementsegmentée du secteur privé des paysarabes qui présente, d’une part, un grandnombre de petites entreprises etmicro-entreprises informelles, et d’autrepart, un petit groupe d’entreprisesformelles modernes et de grandesdimensions. Ces données indiquentclairement l’absence d’éléments dedimensions intermédiaires dans lastructure du secteur entrepreneurial privé,dans la plupart des pays de la région. AuMaroc, une enquête nationale sur lesecteur informel non agricole, réaliséeentre avril 1999 et avril 2000, a estimé à1 233 240 le nombre des unités deproduction informelles. La majorité d’entreelles étaient des structures de petitesdimensions, constituées à 87,2% par desentreprises individuelles, gérées par uneseule personne ou employant unemain-d’œuvre non rémunérée (en d’autrestermes seules 12,8% d’entre ellesrecouraient à une main-d’œuvrerémunérée). Les unités informellescontribuaient, selon les estimations, à 39%de l’emploi non agricole total et à 20,3% detous les emplois. L’emploi informel auMaroc équivaut principalement à du travail

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LES RÉFORMES DES POLITIQUES DE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENT ET ENAFRIQUE DU NORD

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indépendant (69%). En Tunisie égalementla petite taille domine dans les entreprisesprivées : 99% d’entre elles sont desmicro-entreprises employant moins de sixpersonnes. Une enquête de 1997 sur lesmicrosociétés, effectuée par l’Institutnational de la statistique, a révéléqu’environ 18% de l’emploi total nonagricole relevait du secteur informel. LaBanque mondiale estime qu’en Tunisie, lesecteur informel représente 38% du PIB.La petite entreprise occupe également uneplace dominante dans l’économie du Liban.Le recensement sur les immeubles etétablissements de 1997 réalisé parl’Administration centrale de la statistiqueestimait à 198 000 le nombre desentreprises existantes et à 88% de ce totalla part des entreprises employant moins decinq personnes. Dans l’ensemble, lesecteur informel génère près de 19% desemplois dans l’économie libanaise.

Dans les pays arabes, le secteur informels’est révélé dynamique et élastique. Il aouvert la voie en matière de créationd’emplois et a connu un essor considérabledans certains domaines d’activités commeles transports, la fabrication de mobilier, lamaroquinerie, la production de chaussures,le travail des métaux et le développementd’ateliers de réparation. Dans la plupartdes pays arabes, le nombre desétablissements et des employés a crû à unrythme beaucoup plus soutenu que la forcede travail (Abdel-Fadil, 2002). Bien que cesentreprises informelles constituent unesource d’emplois peu coûteuse et efficacedans des économies caractérisées par unepénurie de capital et de technologie, ellessont loin de réaliser pleinement leurspotentialités en raison des inadéquationsdu marché qui font que l’accès leur estbarré au crédit, à une main-d’œuvrequalifiée, à des technologies plusperfectionnées et à de plus vastesmarchés domestiques ou d’exportation. EnTunisie, par exemple, les investissementsdans le secteur informel ont été modestesen 1997 (environ 150 dollars américainspar travailleur), comparés auxinvestissements bruts par habitant(approximativement 2 000 dollarsaméricains par travailleur). Cesinvestissements ont été essentiellementautofinancés (75%) par les sociétés

informelles, ce qui confirme leur accès trèslimité aux banques et aux autresinstitutions financières formelles. Il n’existemalheureusement pas de donnéesdisponibles sur la dynamique des petitesentreprises et des micro-entreprises ; desdonnées permettant, par exemple, desavoir si les entrepreneurs de ces sociétéssaisissent les nouvelles opportunités etprocèdent rapidement à des ajustementspour s’adapter au changement ou encoresi leurs entreprises deviennent formellesou s’agrandissent au fil du temps.

Caractéristiques du travailleur dusecteur informel

Bien qu’en règle générale, les emploisinformels représentent une sourced’occupation plus importante pour lesfemmes que pour les hommes dans lespays en développement, tel n’est pas lecas dans les pays MENA pour lesquels desdonnées sont disponibles (Algérie, Tunisie,Maroc, Égypte et Syrie). Dans ces pays, eneffet, on relève une présencedisproportionnée de main-d’œuvremasculine dans le secteur informel. Deplus, bien que le travail indépendant desfemmes – en tant que part de l’emploiféminin non agricole total – ait augmentédans la plupart des pays endéveloppement, rien n’indique que la règlesoit applicable à la région MENA, où, defait, la part de l’emploi féminin indépendanta bel et bien chuté. L’une des raisonssusceptibles d’expliquer cette tendance estqu’il y a de moins en moins de femmesentrepreneurs ; en d’autres termes, dans larégion MENA, les femmes accèdentnormalement au marché du travail en tantque salariées. Si l’on peut y voir un facteurpotentiellement encourageant, il n’endemeure pas moins vrai qu’il existe entoute probabilité de sérieux obstacles à cequ’une femme devienne entrepreneur. EnTunisie, par exemple, où l’emploi informelconnaît un essor, la part des femmesemployées dans l’économie informelle achuté, surtout pour ce qui a trait au travailindépendant (Charmes, 2003). En Égypte,la main-d’œuvre informelle est enprédominance masculine ; en 1998, parexemple, seulement 13% environ del’ensemble des travailleurs salariés nonagricoles sans contrat étaient des femmes

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3. MOBILITÉ ET SEGMENTATION DE LA MAIN-D’ŒUVRE

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(McCormick et Wahba, 2004). La présencemasculine est également dominante dansles unités économiques informelles. Laforte chute du nombre d’unitéséconomiques formelles gérées par desfemmes et l’augmentation prononcée desunités économiques informelles gérées pardes femmes, entre 1988 et 1998,soulignent, une fois de plus, la présence dehautes barrières à l’accès des femmes ausecteur privé formel (El Mahdi, 2002). AuMaroc aussi, les femmes sont minoritairesdans le secteur informel, ne s’assurant que12,7% des emplois informels. Destendances similaires sont évidentes enJordanie où les emplois féminins sont plusprésents dans l’économie formellequ’informelle.

Un autre trait caractéristique du secteurinformel est le faible niveau d’instruction desa main-d’œuvre. La corrélation entre lefaible niveau d’instruction et la probabilitéd’être employé de façon informelle a étédémontrée par McCormick et Wahba(2004). En Égypte, par exemple, bien quele niveau d’instruction des travailleurs sesoit, en général, amélioré aussi bien dansle secteur formel qu’informel, l’écartéducatif entre les deux secteurs demeureprofond ; les travailleurs salariés informelsont en général un niveau d’instructionmoyen. Au Maroc également, le niveaud’instruction des travailleurs du secteurinformel est faible ; plus de 46% d’entreeux n’ont jamais été à l’école et 70,3%n’ont aucun diplôme. En Tunisie, uneenquête de l’Institut national de lastatistique est encore plus éclairante sur leniveau d’instruction et de compétence destravailleurs employés dans le secteurinformel (tout comme sur lesinvestissements dans le secteur informel etsur l’accès au financement) ; celle-ci révèleque la part des travailleurs de l’économieinformelle munis d’un titre d’étudessecondaires ou supérieures est nettementinférieure à celle de l’économie formelle.Ce nonobstant, 12% justifient d’un niveaud’études secondaire et 1% d’un niveaud’études supérieur – même si l’on peutprésumer que ces derniers occupent lafonction d’employeur dans le secteurinformel.

Dans l’ensemble, les données relatives auxcinq pays étudiés semblent indiquer que lesecteur informel est important dans larégion MENA, que la présence masculine yest prépondérante, et que ce sont destravailleurs dotés d’un faible niveaud’instruction qui y sont essentiellementemployés.

3.3 MOBILITÉ SECTORIELLE :LE CAS DE L’ÉGYPTE

Il existe très peu d’informations sur lamobilité de la main-d’œuvre dans la régionMENA ; l’Égypte étant le seul pays pourlequel on dispose de données sur lamobilité sectorielle, la présente étude seconcentrera sur ce pays.

Entre les années 80 et 90, la mobilité del’emploi en Égypte a décliné, passant de27,7% à 22,6%12. Dans les années 90, lamobilité était pour une bonne part liée auxconditions de l’emploi (30%), à l’occupation(18%), à l’activité économique (13%), austatut formel/informel (9%) et, pour finir, ausecteur économique (7%). Il est frappantde constater que la mobilité sectorielle étaitplus basse avant l’ère des réformes,encore que le phénomène puisses’expliquer par le fait que le marché del’emploi et les travailleurs procédaient auxajustements en recourant à desmécanismes autres que le changement desecteur. Un grand nombre de travailleursont été éliminés du tout au tout du marchéde l’emploi, surtout les plus âgés (dans latranche de 50 à 59 ans), par le recours à laretraite anticipée. Les nouveaux entrantssur le marché du travail ont été, plus quejamais auparavant, détournés vers lesecteur privé et vers l’économie informelle(Wahba, 2002).

La mobilité entre les secteurs public etprivé

Dans les années 90, comme dans lesannées 80, en dépit des efforts entreprispour réduire les dimensions du secteurpublic, la mobilité des fonctionnaires étaitfaible, les administrations publiquesaffichant le plus haut taux de persistance

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LES RÉFORMES DES POLITIQUES DE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENT ET ENAFRIQUE DU NORD

12 La mobilité se réfère à tout changement dans le statut de l’emploi, le secteur économique, l’occupation,l’activité économique ou l’implantation géographique (voir Wahba, 2002).

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(86%). Malgré la hausse du taux detransition des travailleurs du secteur public,provoquée par la réduction des entreprisesd’État et par la mise en œuvre, à la mêmeépoque, d’un programme de privatisations,on ne relève aucun signe d’accroissementde mobilité de la main-d’œuvre desemplois publics aux emplois privés. Aucontraire, le taux de transition des emploispublics (postes dans la fonction publique etdans les entreprises publiques) vers lesemplois privés était plus bas dans lesannées 90 (8,1%) qu’au cours de ladécennie précédente (4,8%). Lephénomène est observable aussi bien pourles hommes que pour les femmes et aussibien pour les jeunes que pour lespersonnes âgées. La probabilité d’undéplacement du secteur public au secteurprivé a considérablement chuté pour lesfemmes, fait que l’on peut imputer à unedétermination accrue des femmes des’accrocher à leurs emplois publics dans lamesure où de tels postes deviennent deplus en plus rares ; ce phénomène estaussi le résultat des barrières dressées àl’entrée des femmes dans le secteur privéformel.

Une analyse des taux de sortie desemplois publics vers la non-occupationdonne des résultats intéressants : les tauxde sortie ont considérablement augmentépour les hommes mais ont légèrementdiminué pour les femmes. La probabilitéd’un abandon d’un emploi public au profitdu chômage ou de l’inactivité a presquedoublé entre les années 80 et lesannées 90 pour les personnes âgées de 35à 60 ans, en conséquence de la mise enœuvre du programme d’anticipation desretraites dans le secteur public (McCormicket Wahba, 2004).

La mobilité entre les secteurs formel etinformel

Les données montrent qu’il n’existe pas enÉgypte de passage significatif de l’emploipublic à l’emploi informel. Les travailleursqui quittent le secteur public tombenthabituellement dans l’inactivité. Il existe parcontre un passage significatif de l’emploiinformel à l’emploi formel ; cette tendanceest particulièrement nette pour les jeunes,

ce qui donne à penser que l’emploiinformel représente l’antichambre del’emploi public. Au cours des années 90, lamobilité du secteur privé formel au secteurprivé informel est restée négligeable. Bienque les taux de persistance les plus basaient été relevés pour les titulaires d’emploirelevant du secteur privé formel, la grandemajorité des personnes ayant quitté leuremploi se sont retrouvées inactives ou ontobtenu un travail dans le secteur public(McCormick et Wahba, 2004). Dansl’ensemble, les résultats mettent enévidence l’attractivité de l’emploi dans lesecteur public en Égypte et le rôle limitéjoué par le secteur privé formel.

3.4 MIGRATIONSINTERNATIONALES

Si la mobilité d’un secteur à l’autre restelimitée dans les pays MENA, la mobilité surle plan régional y est très développée et lesmigrations de main-d’œuvre sont une descaractéristiques structurelles deséconomies MENA. Le tableau 3.5 montreles migrations nettes dans les pays MENAsélectionnés. L’Égypte, la Jordanie, leMaroc, la Tunisie et le Liban sont tous despays exportateurs de main-d’œuvre ; laJordanie et le Liban sont également deséconomies importatrices de main-d’œuvre(essentiellement de travailleurs deremplacement).

Au cours des années 70 et des années 80,les pays exportateurs de pétrole(notamment les pays du Golfe et la Libye)ont vu leurs plans de développementcontrariés par une pénurie demain-d’œuvre et ont ainsi commencé à enimporter en grandes quantités des paysvoisins. Les principaux pays exportateursde la région MENA étaient les pays nonproducteurs de pétrole, en particulierl’Égypte et le Yémen, mais aussi laJordanie et la Syrie. De plus, certains payscomme la Jordanie et le Liban exportaientde la main-d’œuvre vers les pays du Golfemais en importaient aussi des pays voisinscomme l’Égypte. Les pays d’Afrique duNord, eux, dirigent traditionnellement leursflux de travailleurs migrants vers l’Europeoccidentale.

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3. MOBILITÉ ET SEGMENTATION DE LA MAIN-D’ŒUVRE

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L’Égypte a été l’un des plus importantspays exportateurs de la région ; lademande de main-d’œuvre égyptienne adécollé dans les années 70, après lepremier boom pétrolier, qui a généréd’immenses mouvements migratoires detravailleurs égyptiens vers les pays duGolfe, tout particulièrement vers l’Arabiesaoudite, le Koweït, l’Iraq et la Libye. Selonles estimations de l’Agence centrale pourla mobilisation publique et les statistiques,1 million d’Égyptiens travaillaient àl’étranger en 1980, ce chiffre ayant plusque doublé pour atteindre 2,25 millions en1986. Au début des années 90, le nombred’Égyptiens travaillant à l’étranger étaitofficiellement estimé à 2,2 millions, encoreque le chiffre non officiel soit plus prochede 4 millions. Au sommet de la vaguemigratoire, près de 10% de lamain-d’œuvre égyptienne était expatriée.Les migrations externes ont joué un rôleimportant dans l’économie égyptienne aucours des trois dernières décennies,contribuant à réduire la pression exercéepar l’offre de main-d’œuvre sur le marchéinterne de l’emploi et concourant à l’affluxde devises étrangères dans le pays.Aujourd’hui, toutefois, la demande detravailleurs égyptiens connaît unralentissement, dû au fait que les pays duGolfe privilégient leur force de travailnationale ou la main-d’œuvre asiatique.Par conséquent, les migrations neconstituent plus une alternative possiblepour l’absorption des excédents demain-d’œuvre domestique. Vu la pressiondémographique exercée sur le marché dutravail, on ne peut que s’attendre à unepoursuite de la croissance de lamain-d’œuvre dans les prochaines années.

La Jordanie est à la fois exportatrice etimportatrice de main-d’œuvre. À la faveurdu boom pétrolier des années 70, plusieurscentaines de milliers de Jordaniens ayantun niveau élevé d’instruction et dequalifications ont temporairement émigrédans les pays du Golfe en quête d’emplois.Jusqu’à un tiers de la force de travail estemployée hors du pays, pour une bonnepart dans des activités demandant descompétences spécialisées. La Jordanie adû importer des travailleurs pour remplacerses émigrants ; on estime que rien moinsqu’un quart de la force de travail y estconstituée d’étrangers. Ces travailleursétrangers occupent en général des emploisà bas salaires dont les Jordaniens neveulent pas – ce qui met en lumière unedimension additionnelle de la segmentationdu marché interne de l’emploi en Jordanie.

Tout comme la Jordanie, le Liban exporteet importe de la main-d’œuvre. Les fluxd’émigration libanaise sont en partieimputables à la guerre civile mais il est àsouligner que le taux d’émigration n’a pasaccusé de chute sensible après le conflit etqu’il est demeuré stable jusqu’en 2001. Onestime que quelque 600 000 Libanais ontémigré depuis 1975, 45% d’entre euxayant quitté le pays après la fin de laguerre. Leur destination principale était lespays du Golfe dans les années 70, puisl’Europe et l’Amérique du Nord. À l’instarde la Jordanie, le Liban a fait appel à unemain-d’œuvre à bon marché, recrutée dansles pays arabes voisins. Les donnéessemblent également indiquer que lemarché est segmenté par nationalité : lestravailleurs étrangers se voient confier lesemplois mal payés que les Libanais se

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LES RÉFORMES DES POLITIQUES DE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENT ET ENAFRIQUE DU NORD

Tableau 3.5 : Migrations nettes dans les pays MENA (milliers)

Pays 1970 1980 1990 2000

Algérie -200,06 6,22 -70,00 -184,88

Égypte -150,17 -750,00 -550,00 -500,00

Jordanie 287,83 -79,79 75,22 35,00

Liban -60,00 -285,00 -320,00 -30,00

Maroc -217,74 -208,98 -175,00 -300,00

Syrie -15,00 -125,00 -45,00 -30,00

Tunisie -144,52 -16,72 -23,00 -20,00

Yémen -275,00 -75,00 -50,00 -50,00

Source : Banque mondiale, Indicateurs du développement mondial et Financement du développement global(avril 2005).

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refusent à occuper pour ne pas contreveniraux normes sociales réprouvant cesemplois.

Les modèles de migration sont légèrementdifférents en Afrique du Nord, dans lamesure où la plupart des émigrants ontpour destination l’Europe occidentale.Parmi les émigrés d’Afrique du Nord quigagnent l’Europe (surtout la France), lesMarocains sont les plus nombreux. Onestime à près de 3 millions le nombre deMarocains qui vivent et travaillent enEurope, soit environ 10% de la populationtotale. L’émigration en provenance duMaroc a commencé au début desannées 60 et a connu plusieurs phases.Dans les années 60, l’émigration étaitessentiellement le fait d’ouvriers sansqualifications qui répondaient à lademande des économies européennes enrapide expansion (France, Pays-Bas,Allemagne et Belgique). Les flux furentinitialement réglementés par des accordsbilatéraux signés entre le Maroc et le paysd’accueil (surtout la France). Cependant, larécession économique qui a affectél’Europe dans les années 70 a entraînéune chute de la demande de main-d’œuvreétrangère et, de ce fait, l’introduction derestrictions sur l’immigration (par exemple,la concession d’autorisations uniquementpour les réunifications familiales). Au débutdes années 90, l’Italie et l’Espagne sontdevenues des destinations très prisées del’émigration nord-africaine.

Le nombre total d’expatriés tunisiens dansle monde s’élève à environ 600 000, ce quireprésente près de 15% de la force detravail de la Tunisie. Quelque 70% de cesémigrés vivent en France mais la Tunisie aégalement fourni de la main-d’œuvre àl’Italie et à l’Allemagne. Les plus grossesvagues migratoires ont été enregistréesdans les années 70 et, dans une moindremesure, au cours des deux décenniessuivantes. Aujourd’hui, le flux sortant net asubi une contraction car les possibilitésd’émigration légale ont été drastiquementréduites, exception faite pour lestravailleurs hautement qualifiés. Lespremiers résultats du recensement de lapopulation entrepris en 2004 en Tunisieindiquent que, dans la périodequinquennale allant de 1999 à 2004,

76 000 personnes ont quitté le pays et28 000 y sont retournées. Avec un fluxsortant net de moins de 10 000 personnespar an, l’émigration n’absorbe qu’une faibleproportion des chômeurs et de lamain-d’œuvre.

3.5 EN CONCLUSION

De cet aperçu général de la mobilité de lamain-d’œuvre dans les cinq pays MENAconsidérés – Égypte, Jordanie, Liban,Maroc et Tunisie – il ressort que, sur leplan interne, cette mobilité reste faible. Onpeut y voir la conséquence de troisdistorsions majeures des politiques suiviesconcernant le marché de l’emploi.Premièrement, le secteur public continuede jouer un rôle de premier plan dans lacréation d’emplois et dans l’offre de postesde travail attractifs, ce qui a pour effet derendre la mobilité en dehors de ce secteurtrès coûteuse (voir notamment le cas del’Égypte). Deuxièmement, le secteur privéformel est trop restreint pour créer desemplois en quantité suffisante pour lacroissante force de travail (par exemple, enÉgypte et au Maroc). Enfin, laréglementation du marché du travail enmatière de recrutement et de licenciementa rendu ce marché rigide (voir l’exemple duMaroc).

Deux recommandations peuvent êtreformulées en vue de la mise en place demarchés flexibles, en mesure d’assurerune affectation de la main-d’œuvre et uneutilisation des ressources humainesefficaces. Tout d’abord il convient demaintenir le cap en priorité sur larationalisation du secteur public, dans lamesure où un gouvernement soucieux dejouer un rôle efficace dans l’économie, seconcentre sur la fourniture de servicespublics plutôt que sur la production debiens et services. En second lieu, il estnécessaire de créer un environnemententrepreneurial favorable dans le secteurprivé, de façon à encourager celui-ci àprendre une part plus active à la créationd’emplois.

Cependant, vu la carence de donnéessur la mobilité de la main-d’œuvre dansla région, un investissement est

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3. MOBILITÉ ET SEGMENTATION DE LA MAIN-D’ŒUVRE

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nécessaire pour la mise en place desources statistiques appropriées tellesque des panels et des enquêtes sur lamobilité de la main-d’œuvre, quipermettraient de mieux comprendre lefonctionnement des marchés de l’emploidans ces pays. Il existe diverses lacunesen matière d’information – en ce quiconcerne premièrement le secteurinformel, deuxièmement les travailleurs –que les futures recherches devraients’efforcer de combler. Quel est le rôlejoué par le secteur informel et dansquelle mesure les travailleursémergent-ils du secteur informel? Leschefs des petites entreprises et

micro-entreprises saisissent-ils lesnouvelles opportunités et s’adaptent-ilsaux changements économiques? Lesmicro-entreprises informellesdeviennent-elles formelles oucroissent-elles en dimension avec letemps? Qu’advient-il aux travailleurssuite aux mesures de restructuration etde privatisation du secteur public? Lestravailleurs demeurent-ils sans emploipendant une longue période? Lestravailleurs licenciés rejoignent-ils lesecteur privé? Les travailleurs ayant unniveau élevé d’éducation sont-ils plusmobiles? Le capital humain facilite-t-il laréaffectation des travailleurs?

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LES RÉFORMES DES POLITIQUES DE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENT ET ENAFRIQUE DU NORD

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4. LES INSTITUTIONS DESMARCHÉS DU TRAVAIL ETLES POLITIQUES DE L’EMPLOI

Dans la région MENA, le chômage massifdes jeunes a commencé à se muer en ungrave problème au début des années 90.La création d’emplois est ainsi devenuel’une des préoccupations majeures desgouvernements. Suite à la mise en œuvre,au début des années 90, de programmesd’ajustement structurel, la tendance s’estorientée vers la privatisation, les réformesadministratives et les mesures derestriction de l’embauche dans le secteurpublic, toutes actions entreprises dans lesouci de réduire les dépenses budgétaires.Dans ce contexte, l’emploi en est venu àoccuper une place de premier plan dansles agendas politiques et s’est imposécomme un thème récurrent desdéclarations et discours officiels despouvoirs publics dans la région. Desmesures fragmentaires ont tenté deremédier aux problèmes les plus urgents,mais le besoin pressant de réforme desmarchés du travail n’a pas encoredébouché sur l’adoption de politiquesd’ensemble à l’échelon national ourégional. Le défi à relever est de mettre au

point des stratégies globalespluridisciplinaires, comportant lacoordination des différents domainesd’intervention (économie, politiquessociales, éducation et formation).

En Tunisie, une phase initiale de réformesa conduit à l’élaboration de documents depolitique (comme les documents destratégie nationale) et à la mise au point demesures actives relatives au marché dutravail. D’une façon générale, la politiquede l’emploi tunisienne est définie dans lecadre de plans quinquennaux dedéveloppement économique et social,établissant les objectifs et les priorités enmatière d’emploi. Les deux derniers plansde développement (qui se réfèrent auxpériodes 1995-2000 et 2000-05)comprenaient des mesures pour la créationd’un nombre accru d’emplois, prévoyantl’investissement dans des secteursproductifs, l’adaptation des politiquesd’éducation et de formation aux besoins del’économie, l’amélioration des qualificationsà tous les niveaux par le biais de

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programmes de formation, ainsi que lapromotion d’initiatives privées et du travailindépendant à l’aide d’une politique activeen faveur des petites et moyennesentreprises. Un observatoire national del’emploi et des qualifications a égalementété mis en place pour collecter et analyserdes données concernant l’emploi et laformation professionnelle. Une autrestratégie prévoyait de nouvelles mesuresvisant à développer le secteur privé, àrenforcer le rôle des régions, à consoliderles programmes pour l’emploi et àencourager l’emploi à l’étranger. Unecroissance économique soutenue (surtoutdans les secteurs des services et del’industrie) et la mise en œuvre desprogrammes pour l’emploi (toutparticulièrement du volet formation) ontcontribué à améliorer les conditions dumarché du travail. Cependant, l’emploireste un défi en Tunisie, où le taux dechômage continue à augmenter sur unmarché de l’emploi déjà précaire (Ayadi etal., 2005).

La question de l’emploi figure en bonneplace sur l’agenda politique dugouvernement marocain ; les problèmesrencontrés sur le marché de l’emploi aucours des dernières décennies et enparticulier le taux alarmant de chômage quifrappe les jeunes diplômés ont en effetsouligné toute l’importance des enjeux liésà cette question. Le chômage des jeunesau Maroc tend à augmenter dans uncontexte caractérisé par un niveaud’instruction et de qualification destravailleurs largement insuffisant, toutcomme par un nombre insuffisant depostes de travail à pourvoir dans le secteurprivé. Il faut par ailleurs souligner que lesjeunes ne sont pas tous nécessairementemployables dans le secteur privé. L’offreabondante de main-d’œuvre à bas niveaud’instruction (beaucoup de jeunes quittentl’école sans qualification et les abandonsscolaires sont fréquents) et laprépondérance des emplois non qualifiéssur le marché du travail favorisent laprolifération des emplois temporaires ; lemarché est ainsi caractérisé par un tauxélevé de rotation des travailleurs, et lessalaires mènent le jeu de l’offre et de lademande. À la fin des années 90, lapauvreté croissante et le changement de

climat politique ont incité à la mise au pointd’une politique sociale plus éclairée en vuede remédier au problème du chômage. Lastratégie mise en place pour améliorer lesperspectives des chômeurs sansqualification prévoyait de nouveauxaménagements sur le plan organisationnel(une nouvelle législation du travail et unebourse publique de l’emploi) et desmesures actives de création d’emplois pourle secteur privé, visant à abaisser les coûtsde l’emploi, à encourager la flexibilité et àpromouvoir le travail indépendant(Bougroum et Ibourk, 2003). Pour lestravailleurs sans qualification, legouvernement a impliqué d’autrespartenaires (agences de développement,organisations non gouvernementales(ONG) ainsi que le Programme desNations Unies pour le développement)dans le cadre d’une stratégie plus amplede lutte contre la pauvreté. Ces mesuresprévoyaient le développement deprogrammes de travaux publics, lecofinancement de projets dedéveloppement local, et l’accès aumicrocrédit pour des activités générant desrevenus. Il reste à voir si ces mesures ainsique la nouvelle législation (une chartenationale de l’éducation et de la formationet une nouvelle loi sur l’emploi)parviendront à créer de meilleuresopportunités pour l’emploi et déboucherontsur la coordination des interventions.

En Égypte, plusieurs trains de mesuresvisant à la création d’emplois ont étélancés en 1997, 1999, 2000 et, plusrécemment, en décembre 2004. Ceux-ciprévoyaient des programmes nationauxpour l’emploi, des investissements dansdes mégaprojets, la modernisation desservices de l’emploi, le réaménagement dusecteur informel et des mesures d’urgenceen faveur de l’emploi. Dans le train demesures de 2004, le tourisme, l’agriculture,la pétrochimie et les technologies del’information et de la communication étaientdésignés comme objectifs prioritaires pourles investissements en tant que secteurs àforte intensité de main-d’œuvre et à hautevaleur ajoutée. L’ensemble de mesuresprévoyait également le développement deprogrammes d’exportation demain-d’œuvre à destination des paysarabes et d’autres pays ainsi que des

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programmes de formation visant àaméliorer les compétences de lamain-d’œuvre dans les domaines dumarketing, des langues et del’informatique. Néanmoins cette séried’objectifs ambitieux s’apparentaitdavantage à un chapelet de vœux pieux etn’a été jusqu’ici mise en œuvre par aucungouvernement. Un certain nombred’initiatives structurelles ont été prises pourcontribuer à la réalisation des objectifs surl’emploi (adoption d’une nouvelle loi surl’emploi, institution d’un fonds national deformation et d’un conseil pour ledéveloppement des ressources humaines),mais dans la mesure où aucune dispositionincitative n’était prise en faveur du secteurprivé pour encourager l’investissementdans des activités à forte intensité demain-d’œuvre, ces actions se sont soldéespar de modestes investissements et par ledéveloppement de modèlesd’investissement allant à l’encontre d’unecroissance à forte intensité demain-d’œuvre (Fawzy, 2002). Plusrécemment, la législation surl’investissement et le marché financier aété revue pour améliorer le climat desinvestissements, et une nouvelle loi fiscalea été introduite visant à normaliser etréduire l’impôt sur les sociétés ainsi qu’àoffrir une exemption d’impôt d’une duréede 10 ans pour les nouvelles zonesindustrielles. Cependant, aucune de cesmesures n’est liée à la création d’emploisou au niveau de l’emploi (El Ehwany, 2004).

En Jordanie, la lutte contre le chômage etla pauvreté est considérée par legouvernement comme un objectifhautement prioritaire. Néanmoins, lespolitiques de l’emploi actuelles sont decourte visée, fragmentaires, de natureessentiellement temporaire et elles ne sontpas suffisamment enracinées dansl’appareil bureaucratique (Mryyan, 2005).Des politiques restrictives à l’encontre destravailleurs étrangers ont été mises enœuvre par le gouvernement, dans latentative d’apporter un remède partiel auchômage local. L’emploi des étrangers estréglementé, sur le plan bureaucratique, aumoyen de l’octroi de permis de travail ;l’objectif actuel est de limiter ou réduire lenombre des travailleurs étrangers dans lepays et de les remplacer par des

demandeurs d’emploi jordaniens peuqualifiés. Les documentsgouvernementaux indiquent l’existenced’une stratégie implicite d’exportation de lamain-d’œuvre, l’émigration étantconsidérée comme une solution possiblepour contenir l’offre surabondante demain-d’œuvre. Cette solution apparaîttoutefois de moins en moins viable du faitde l’orientation des pays d’accueil vers despolitiques toujours plus restrictives. Legouvernement jordanien a récemmentnommé des attachés à l’emploi dans lespays du Golfe et en Libye, dans le but dedévelopper des possibilités de travail àl’étranger pour les Jordaniens peu ouhautement qualifiés – une mesureégalement adoptée par d’autres pays de larégion MENA.

Au Liban, les politiques se sontconcentrées, en général, sur la repriseéconomique et la reconstruction, aulendemain de la guerre civile. L’approcheofficielle à l’emploi reflète une positiontypiquement libérale, à savoir la convictionque le développement du secteur privépermettra de résoudre tous les problèmeséconomiques et sociaux, y compris celuide l’emploi. Des résultats positifs ont été,indéniablement, obtenus pour ce qui a traità la reconstruction ; mais en dépit desdépenses importantes effectuées, lespolitiques n’ont pas réussi à stimuler lemarché du travail, la main-d’œuvrerecrutée pour les chantiers du bâtimentétant, en grande partie, non qualifiée et/ounon libanaise. La croissance du secteur dela production a subi les effets négatifs durelèvement des taux d’intérêt (généré parle processus de reconstruction), de lahausse des impôts indirects, et du coûtélevé des services publics. Cette lentecroissance a été accompagnée par unemontée des taux de chômage etd’immigration. Ce nonobstant, les pouvoirspublics ne sont pas convaincus de lanécessité de prendre des mesures pourpromouvoir la création d’emplois et lestravailleurs migrants ne sont pasconsidérés comme posant un problème oucomme une main-d’œuvre concurrente dela force de travail libanaise, dans la mesureoù les niveaux de qualification de l’une etde l’autre sont jugés complémentaires. Enbref, au Liban, la question de l’emploi

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4. LES INSTITUTIONS DES MARCHÉS DU TRAVAIL ET LES POLITIQUES DE L’EMPLOI

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semble avoir été mise de côté face à lagravité des problèmes politiques que doitaffronter le pays.

Ce chapitre se concentre sur cinq élémentsclés du fonctionnement des marchés del’emploi dans la région MENA : lesinstitutions du marché du travailresponsables de la formulation et de lamise en œuvre des politiques ; lespartenaires sociaux, la législation dutravail, les politiques actives du marché dutravail et les systèmes de formationprofessionnelle.

4.1 LES INSTITUTIONSRESPONSABLES DE LAFORMULATION DESPOLITIQUES

Dans la région MENA, la gestion dumarché du travail mobilise diversesinstitutions publiques et s’exerce parconséquent de manière fragmentée tant auniveau de l’élaboration des politiques qu’auniveau opérationnel. Ces institutions sontde trois ordres : conseils consultatifs à hautniveau pour l’orientation des politiques ;ministères de contrôle à l’échelon national,et agences autonomes œuvrantprincipalement à l’échelon local. Lesconseils consultatifs, généralementprésidés par des fonctionnairesinstitutionnels et ministériels de haut rang,sont responsables de la mise en œuvredes politiques de l’emploi desgouvernements13. Une telle approchesignifie cependant qu’aucun savoirindépendant n’est recherché pour instruireles changements dans les politiquesgouvernementales de l’emploi. Lesministères du travail, essentiellementsoutenus par des organismes publicsaffiliés, sont les principales institutions decontrôle des marchés du travail.

En dépit du rôle central qu’ils jouent dansla régulation des marchés du travail, lesministères du travail n’ont souvent pas de

fonctions clairement définies concernantles politiques de l’emploi et/ou n’ont pas lesmoyens de mettre en œuvre ces politiques.Au Liban, par exemple, le mandat duministère du Travail ne contient aucunedisposition claire lui enjoignant dedévelopper des politiques de l’emploi ou decréation d’emplois, bien qu’il soitresponsable des affaires relatives àl’emploi et de la préparation, coordinationet mise en œuvre des mesures pourl’emploi et des mesures sociales. EnJordanie également, des changementsmajeurs s’imposent au niveau du ministèredu Travail, si l’on attend de lui qu’il prennepart au développement économique dupays. Le ministère, par exemple, n’a pasde responsabilités clairement définies ence qui concerne la productiond’informations relatives au marché del’emploi, le conseil et l’orientation enmatière de carrières, la formation, lesrestructurations de l’emploi dues auxprivatisations ou encore la coordination etla gestion des programmes de retraite.

En Égypte, le ministère de la Main-d’œuvreet de l’Émigration est responsable – enthéorie – de l’élaboration de politiquesvisant à l’utilisation efficace des ressourceshumaines, à l’emploi des personnesdiplômées, au développement d’unepolitique de formation à l’échelon national,à la collecte de données et informationssur le marché du travail. Il semblecependant que son rôle principal soit, enfait, de faire office d’agence pour l’emploipublic, et d’affecter, par l’intermédiaire deson propre service de placement, lescandidats éligibles aux postes à pourvoirdans les administrations et les entreprisesd’État14. En Tunisie, des changementsd’ordre organisationnel ont abouti à uneamélioration de la situation de l’emploi. Undécret législatif, adopté en 2002, à confiéau ministère de l’Emploi et de l’Insertionprofessionnelle des jeunes, la missiongénérale d’élaborer la politiquegouvernementale de l’emploi et d’évaluerles résultats de cette politique. Dans ce

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LES RÉFORMES DES POLITIQUES DE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENT ET ENAFRIQUE DU NORD

13 On peut citer, à titre d’exemple, le Conseil supérieur pour le développement des ressources humaines deTunisie, un conseil consultatif qui formule des avis sur un grand nombre de questions liées aux politiques del’emploi, de l’éducation et de la formation.

14 Le plan de garantie de l’emploi (employment guarantee scheme) a été introduit en 1961/62 pour les diplômésuniversitaires. En 1964, il a été étendu aux diplômés de l’école secondaire, professionnelle commetechnique.

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cadre, le ministère est responsable deprojets à plus long terme, tels que celui defaciliter l’accès des demandeurs d’emploiaux marchés national et international, depromouvoir le travail indépendant etd’améliorer l’employabilité.

Bien que des services publics de l’emploirelevant des ministères du travail existentdans presque tous les pays MENA, ils onttendance à fonctionner comme desbourses du travail obsolètes, et qui plusest, de façon bureaucratique et sans tenircompte des réalités du marché du travail.Étant donné qu’il n’existe pas de régimesd’allocations de chômage obligeant lesdemandeurs d’emploi à s’inscrire, et vuque l’accès à l’emploi est régiprincipalement par des réseaux decontacts sociaux, le seul moyen d’attirerles demandeurs d’emploi est de leur offrirdes services de l’emploi efficaces,répondant réellement à leurs besoins.L’existence de services publics de l’emploiefficaces réduirait le risque d’exclusion desdemandeurs socialement défavorisés, nebénéficiant pas de contacts personnels ;elle contrebalancerait l’influence desréseaux sociaux dans le secteur privé etelle permettrait aux entreprises d’élargirleur base de recrutement (Bougroum etIbourk, 2003). Cependant, la mise en placede telles agences n’entraînera les résultatsescomptés que si des liens effectifs sontinstaurés avec le secteur privé et si lesbesoins de celui-ci trouvent une réponseappropriée.

Bien que la Jordanie dispose d’un réseaudécentralisé très étendu de 22 bourses dutravail, celui-ci ne répond pas de façonadéquate à la demande de services del’emploi qui s’avèrent grandementnécessaires. Les bureaux ne sont paséquipés de façon adéquate, les procéduressont obsolètes, les démarches routinièresignorent les plus rudimentairestechnologies de l’information et de lacommunication, et le personnel est peuqualifié. Près de 90% des demandeursd’emploi n’ont jamais recouru à desagences pour l’emploi ou à des services de

conseil15. L’Égypte dispose de 360 bureauxde placement relevant de l’État, quienregistrent les demandes d’emploi etrecherchent les offres correspondantesdans tout le pays. Ces bureaux manquenttoutefois d’efficacité – pour ce qui est desinfrastructures, des compétences dupersonnel comme des systèmesd’information – et ne sont pas en mesurede répondre activement aux besoins desdemandeurs d’emploi et des employeurs,qui se montrent par conséquent trèsréticents à recourir à leurs services. Deplus, les services de conseil sontpratiquement inexistants.

Au Liban, l’Agence nationale pour l’emploi(dont les bureaux et les archives ont étédétruits pendant la guerre civile) a rouvertses portes en 1995, mais elle tarde àreprendre réellement ses fonctions.Jusqu’à une date récente, elle ne disposaitque d’un seul bureau central, basé àBeyrouth. Dans la période allant de 1998 à2005, l’agence a reçu approximativement1 370 demandes d’emploi par an pour unnombre d’offres annuel se situant autourde 450. Quelque 210 demandeurs d’emploiont accédé chaque année au marché dutravail par son intermédiaire, ce qui signifiequ’elle a contribué au recrutement de 15%seulement des candidats à l’emploi. Faceaux 35 000 nouveaux arrivants qui, selonles estimations, affluent chaque année surle marché de l’emploi et aux quelque150 000 sans-emploi que compte le Liban,ces performances apparaissent commeune goutte d’eau dans l’océan.L’insignifiance du rôle joué par l’Agencenationale pour l’emploi s’explique parl’exiguïté des ressources humaines etfinancières affectées. Alors que le projetinitial de cette institution prévoyait uneffectif de 107 personnes, elle fonctionneactuellement avec 38 personnes.

Au Maroc, le cadre institutionnel desservices publics de l’emploi a récemmentété amélioré. De nouveaux organismesont été créés pour prendre en chargecertaines fonctions spécifiques ; parexemple, une nouvelle unité affiliée –

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4. LES INSTITUTIONS DES MARCHÉS DU TRAVAIL ET LES POLITIQUES DE L’EMPLOI

15 Selon Mryyan (2005), 63% des demandeurs d’emploi en Jordanie effectuent des visites directes auxentreprises, 13% sont attentifs aux annonces publicitaires pour l’emploi dans les médias, 12% recourent àdes contacts personnels ou familiaux, et près de 6% attendent l’annonce d’une vacance de poste dansl’administration publique.

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l’ANAPEC (l’Agence nationale depromotion de l’emploi et descompétences) – est responsable desprogrammes visant à mettre en relationles demandeurs d’emploi et lesemployeurs, et s’attache à favoriserl’intégration et la création d’emplois.Comme le Maroc, la Tunisie a réorganiséet considérablement amélioré sesservices de l’emploi, à telle enseigne qued’aucuns les considèrent comme unmodèle pour la région. L’ANETI (l’Agencenationale pour l’emploi et le travailindépendant)16, qui a pour mission la miseen œuvre des politiquesgouvernementales de l’emploi et lapromotion de l’emploi, dispose d’unréseau de 67 antennes qui, à leur tour,disposent d’implantations locales –constituant ensemble un pool pourl’emploi. Ces antennes et sous-antennesfournissent des programmes de formationet offrent des services aux entreprises,aux demandeurs d’emploi et aux jeunesinvestisseurs, avec l’objectif de donnerune impulsion au marché du travail dansdifférents secteurs de l’économie.

À quelques exceptions près, les ministèreset les agences publiques pour l’emploijouent un rôle marginal sur les marchés dutravail dans la région MENA, dans unelarge mesure parce qu’ils manquent depersonnel, d’infrastructures et de systèmesd’informations adéquats, qu’ils nedisposent que de ressources financièreslimitées à investir dans ces services etdoivent subir des interférences et despressions provenant d’instancessupérieures, et enfin parce qu’ils ont unpersonnel insuffisamment formé (danscertains cas, ce problème est encoreaggravé par la présence d’un excédent demain-d’œuvre)17. Du réservoir deressources humaines disponibles il estsouvent difficile d’extraire des candidatsayant les qualifications appropriées et cedéséquilibre entre quantité et qualité est,dans une certaine mesure, accentué par le

fait que le recrutement est souvent unequestion politique18. Il s’agit là d’unproblème commun à la fonction publiquede bien des pays MENA. Qui plus est,dans les mandats des ministères et desagences pour l’emploi, l’accent n’est passuffisamment mis sur le développement depolitiques de l’emploi, encore que certainschangements d’ordre organisationnel,introduits récemment, aient amélioréquelque peu la situation ; par exemple, uncertain nombre de comités et decommissions mixtes ont été mis en place,dans lesquels toutes les partiesintéressées, y compris les partenairessociaux, sont représentées. L’interactionreste toutefois largement limitée à laparticipation officielle aux réunions et lescomités consultatifs ou de coordination nesont pas toujours opérationnels. Ainsi, cesorganes ne sont pas encore en mesure departiciper à la formulation des politiques oud’assumer la responsabilité de mesuresvisant à remédier aux problèmes del’emploi. Enfin il faut souligner que cescommissions tendent à conduire leurstravaux isolément.

En-dehors des ministères et desorganismes qui s’y rattachent, lefonctionnement du marché du travail estdirectement influencé par les actionsentreprises par d’autres servicesministériels et organismes publics chargésdes politiques macroéconomiques(budgétaires, fiscales et monétaires), despolitiques sectorielles (plans dedéveloppement, plans pour l’industrie,l’agriculture, le commerce, le tourisme,etc.), et des politiques sociales(éducation, aménagement du territoire,assistance sociale et programmes desolidarité). Cependant, les ministères ontpeu de possibilités de contrôler ou decoordonner ces politiques. Reflétant lerôle important joué par le secteur publicdans l’économie, les organismes derecrutement publics exercent, en règlegénérale, une influence plus prononcée

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16 L’ANETI, un organisme public à caractère industriel et commercial, a été créée par la loi n° 11-93 du17 février 1993.

17 Un fonctionnaire marocain, interviewé, a déclaré qu’il était en mesure de faire fonctionner son service avecseulement 25-30% de ses effectifs. Il a également affirmé qu’il passait un temps infini à régler des problèmesorganisationnels causés par la présence d’un personnel trop nombreux.

18 Le recrutement public, qui était considéré comme un moyen de combattre le chômage des diplômésuniversitaires, est traditionnellement effectué sur la base d’un diplôme. Par conséquent, la plupart desemployés n’ont pas les compétences et les qualifications requises pour travailler dans ces institutions.

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que les autres agences pour l’emploi. Lerecrutement public se basetraditionnellement sur les diplômes ; laprocédure de compétition ouverte pourl’obtention d’un emploi public n’est pastoujours transparente, dans la mesure oùle recours aux réseaux de contacts et auclientélisme est fréquent. Bien que lessalaires aient diminué dans le secteurpublic, en termes aussi bien nominauxque réels, les emplois publics continuentd’attirer un grand nombre de jeunes (etsurtout de jeunes femmes), en raison desmeilleures conditions de travail et desgros avantages en matière de sécuritésociale qu’ils offrent.

En Jordanie, un service central derecrutement public, directement rattachéau premier ministre, est chargéd’embaucher le personnel de tous lesoffices et organismes publics. Le systèmede recrutement public est hautementréglementé et son but déclaré estd’améliorer l’efficacité et les performancesdu secteur public, en appliquant lesprincipes de justice, d’égalité et detransparence. Malgré la tendance à labaisse accusée par l’emploi public, cetorganisme de recrutement joue encore unrôle fondamental sur le marché du travail.Au cours des 11 dernières années, il aenregistré une augmentation de plus de100% des demandes d’emploi (qui sontpassées de 77 625 en 1992 à 168 133 en2003), fort probablement en raison de lastabilité, de la sécurité et de l’horaire detravail plus court qu’offre la fonctionpublique. L’Égypte pratique, depuis 1963,une politique visant à garantir un emploidans la fonction publique aux diplômés del’enseignement secondaire et supérieur,par le biais d’un système de placementcentralisé qui affecte directement lescandidats aux postes à pourvoir dans lesentreprises publiques et lesadministrations. L’accumulation d’unemain-d’œuvre excédentaire dans lesecteur public a conduit, à partir du milieudes années 80, à une limitation desrecrutements et, vu que les délaisd’attente pour les postesgouvernementaux ont commencé às’allonger (dans certains cas, ilsatteignent 10 ans), le rôle de l’emploipublic a vu son importance décroître.

4.2 LES PARTENAIRESSOCIAUX

L’implication active et le partage descoûts, par le biais de partenariatstripartites, sont un instrument important demise en œuvre et de financement despolitiques relatives aux marchés dutravail. L’existence d’un dialogue socialeffectif et d’organisations d’employeurs etde travailleurs puissantes, contribue àaméliorer les conditions et lefonctionnement des marchés du travail.Presque tous les pays MENA ont desdispositifs juridiques assurant la protectiondes syndicats et des droits de négociationcollective des partenaires sociaux. Lesemployeurs et les confédérations desyndicats sont représentés dans lescommissions et comités nationaux, maisleurs rapports avec le gouvernementtendent à se limiter purement etsimplement à une participation officielleaux réunions. Cette situation est dueprincipalement à la faiblesse, tant dusecteur privé que des syndicats, et à lanature paternaliste des rapports que l’Étatentretient avec ses partenaires sociaux.Les taux d’adhésion aux syndicats tendentà être faibles en raison de l’étroitesse dela base industrielle, des dimensionslimitées du secteur privé et de laprédominance des secteurs del’agriculture et du petit commerce. Laplupart des syndicats sont implantés dansles entreprises du secteur public où lesréglementations du travail sonttraditionnellement appliquées. Ceci n’arien de surprenant vu que presque toutesles industries ont été, à l’origine, créées etcontrôlées par l’État. Les employeurs sontplus puissants là où existent de grandesentreprises privées (au Liban et enTunisie). Dans d’autres cas, les syndicatssont susceptibles d’avoir des liensorganiques avec les partis politiques oules gouvernements et peuvent ainsiinfluencer leurs politiques (au Maroc).Mais même lorsque la possibilité existe dejouer un rôle plus important sur lesmarchés de l’emploi, les capacitésinstitutionnelles des partenaires sociauxsont souvent trop faibles pour influencerles politiques. L’impact des partenairessociaux sur les politiques relatives aumarché de l’emploi semble donc minime.

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En Égypte, les syndicats sont concentrésdans la fonction publique et lesentreprises d’État, et leur présence estdes plus réduites dans le secteur privé etdans les nouvelles branches del’économie. Bien qu’on ne disposed’aucune information ou statistiqueofficielle sur les adhésions aux syndicats,Amer (2005) estime que le nombre desaffiliés représente 20% de la force detravail formelle (soit environ 4,5 millionsde travailleurs). Ces chiffres ne sont pasreprésentatifs dans la mesure où laplupart des travailleurs employés dans lesecteur public sont automatiquementinscrits aux syndicats. De Gobbi etNesporova (2005) avancent, pour leurpart, le chiffre de 25% pour le tauxd’inscrits dans le secteur privé. Dans cesecteur, les syndicats sont structuréssuivant une hiérarchie centralisée ausommet de laquelle on trouve laFédération générale des syndicats(GTUF), qui regroupe 23 syndicatssectoriels. Chaque secteur de l’économieest, en règle générale, représenté par unseul syndicat, et les 23 syndicats serépartissent entre 1 751 comités. Cessyndicats sont représentés au Conseilnational des salaires et au Conseilsuprême pour le développement desressources humaines. Il existe des liensétroits entre la direction syndicale et legouvernement, mais les rapports tendentà être de type paternaliste. Les syndicatségyptiens ont été très actifs lors de lamise en œuvre des programmes deprivatisation du gouvernement et ont jouéun rôle important dans les négociationsconcernant le personnel en surnombre(trains de mesures pour la mise à laretraite anticipée, indemnités forfaitaires,programmes de reconversion, etc.).Cependant, les syndicats ne peuvent pasparticiper directement aux négociationsavec la direction d’établissements demoins de 50 salariés ; de tellesdispositions représentent une gravelimitation, du fait que la plupart desentreprises sont de petite taille. Les plusgrosses organisations d’employeurs sont :la Fédération des industries égyptiennes,l’Association égyptienne des chefsd’entreprise et l’Association égyptiennedes exportateurs. Les employeurségyptiens sont habiles à former desgroupes de pression politique puissants.

En Jordanie, les partenaires sociaux ontune organisation extrêmement éclatée : lesassociations d’employeurs sontfragmentées aux niveaux sectoriel etrégional, les syndicats sont répartis sur unebase sectorielle et ont pour adhérents dessalariés aussi bien du secteur privé quepublic. Les syndicats ont unereprésentation tripartite à la direction de laSociété de formation professionnelle, duConseil national de la sécurité sociale et dela Commission du droit du travail. Mais leurimpact sur le marché du travail jordanienest considéré comme négligeable (Mryyan,2005). Bien que les dirigeants de cesorganisations soient quelquefois consultéspar le ministère du Travail, ils ne disposentpas, toutefois, des infrastructuresnécessaires sur le plan organisationnel,juridique et informatique pour pouvoircontribuer efficacement aux décisions. Encontraste avec l’inefficacité des syndicats,les associations professionnelles (avocats,ingénieurs, médecins, dentistes,journalistes, commissaires aux comptes,etc.) prennent une part plus active –au-delà de la protection des intérêts deleurs membres – à l’orientation desdécisions politiques ; ce comportements’explique par la plus grande sophisticationdes membres de ces associations et parleur niveau d’éducation plus élevé (AlKhouri, 2005). Cette conscience politiqueplus aiguë a souvent amené cesorganisations à entrer en conflit direct avecle gouvernement.

Selon Issa (2005), au Liban en 1996,seulement 7% des travailleurs éligiblesétaient membres de la CGTL(Confédération générale des travailleurs duLiban). Une étude similaire, entreprise en2000, évalue le taux d’adhésion à 5,7%. En2000, les membres étaient répartis commesuit : 4,6% dans les secteurs del’agriculture et de la pêche, 22,8% dansl’industrie et le bâtiment, et 72,6% dans lesecteur des services. Ces chiffres illustrentbien la répartition réelle de l’emploi entreles différents secteurs économiques. Si ondénombre actuellement au Liban près de500 syndicats, rattachés à42 confédérations, la plupart de cesorganisations n’existent que de nom. Cessyndicats sont pour une bonne partsectoriels ; suivent, par ordre d’importancedécroissante, les syndicats professionnels

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et, pour finir, les syndicats implantés dansdes entreprises. Cette multiplicité reflèteamplement les divisions politiques,idéologiques et sectaires qui règnent auLiban. Un tel foisonnement de petitssyndicats rend plus ténue la possibilité quele mouvement agisse comme un groupe depression en faveur d’une meilleure gestiondu marché de l’emploi. En outre, lastructure interne des syndicats n’est pasfavorable à un processus démocratiquegarantissant une prise en compteappropriée des exigences de leursmembres.

Les employeurs libanais sont organiséssuivant des critères géographiques etsectoriels. La confédération la plusimportante couvre Beyrouth et sesenvirons, où se concentre plus de 70%de l’activité économique du pays. Parmiles confédérations principales figurentcelles des commerçants, des industriels,des banquiers, des propriétaires d’hôtels,de restaurants, de boîtes de nuit etd’écoles privées. Contrairement à lasituation observée pour les syndicats, iln’existe pas de formes multiples dereprésentation dans chaque secteur et letaux d’adhésion est élevé. De meilleuresressources financières et unemain-d’œuvre plus qualifiée ont permis àces confédérations – et surtout à laChambre de commerce, d’industrie etd’agriculture de Beyrouth – de participeraux décisions politiques. Les conventionscollectives en matière d’emploi ne sontpas une forme courante d’organisationdes relations industrielles, en raison de lafaiblesse des syndicats d’une part, et durefus des employeurs d’accepter cetteformule qu’ils perçoivent comme unemenace au pouvoir absolu qu’ilsdétiennent, d’autre part. Néanmoins, lessyndicats et les associationsd’entreprises s’accordent pour déplorerl’absence d’un dialogue social avec legouvernement et pour qualifier le cadrejuridique soit de dysfonctionnel soit denon démocratique, la décision suprêmerevenant invariablement aux pouvoirspublics. Dans les rares cas où unediscussion effective s’avère possible,c’est l’esprit de coopération qui faitdéfaut, en raison des divisions politiqueset religieuses.

La Tunisie est caractérisée par un nombreréduit de partenaires sociaux. Un seulsyndicat – l’Union générale des travailleurstunisiens (UGTT) – représente lestravailleurs et deux associations – l’Uniontunisienne de l’industrie, du commerce etde l’artisanat (UTICA) et l’Union tunisiennede l’agriculture et de la pêche (UTAP) –représentent les employeurs du secteurprivé. L’UGTT se fait l’interprète de tous lestravailleurs tunisiens ; elle rassemble aussibien des ouvriers que des employés debureau ou encore des travailleurs retraités.Le nombre de ses adhérents représenteplus de 30% de la population active et 60%d’entre eux appartiennent au secteurpublic. L’UGTT regroupe 7 000 syndicats,23 unions régionales et 20 fédérations. Lefait de représenter tous les travailleurstunisiens amène l’UGTT à prendre positionsur les questions politiques, sociales etéconomiques, les plans de développement,la législation du travail et les réformes durégime d’assurance santé. L’UGTT conduitégalement des négociations pour lecompte des travailleurs et prend part auxorganes consultatifs du gouvernement(Conseil supérieur du pacte national,Conseil économique et social, et Conseilsupérieur du plan et de la promotionnationale). Cependant, l’UGTT ne joue plusaucun rôle significatif dans les procéduresde révision des salaires et n’a participé quemarginalement aux processus deprivatisation et de libéralisation ducommerce qui ont aggravé la précarité dela situation du marché du travail. Son rôlese résume, dans une large mesure, àorganiser des rencontres et à participer àun petit nombre de commissions et deconseils à l’échelon national, sans avoirréellement son mot à dire dans lesdécisions qui concernent l’emploi.

L’UTICA, qui est organisée sur une basesectorielle et régionale, consiste en16 fédérations professionnelles et24 syndicats régionaux représentantl’industrie, le commerce et l’artisanat. Elledéfend essentiellement les intérêts desgrandes entreprises face à l’État et n’estque de peu d’utilité pour les titulaires despetits métiers et commerces, les artisans etles PME. L’UTAP est une uniond’employeurs qui regroupe995 associations représentant les

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travailleurs des filières de l’agriculture et dela pêche. Bien qu’elle participe à descomités nationaux (représentant, dans uneplus ou moins grande mesure, le secteurde l’agriculture) et qu’elle soit un partenairesignataire du pacte national, son impactsur les politiques sociales est minime.

Au Maroc, une nouvelle législation dutravail a institutionnalisé le dialogue socialen prévoyant la présence obligatoire dedélégués syndicaux dans les entreprisesde 10 salariés et plus. Vu l’ampleur dusecteur informel et l’absence de donnéesfiables, il n’est pas possible d’estimer defaçon précise le taux de syndicalisation dupays. Selon Bougroum, seulement quatresyndicats, principalement implantés dansles entreprises du secteur public, sontofficiellement associés aux négociationscollectives19, à savoir : l’Union marocainedu travail (UMT), l’Union générale destravailleurs au Maroc (UGTM), laConfédération démocratique du travail(CDT) et l’Union des syndicatsdémocratiques (USD). Si l’on exclut lesecteur public, très peu de syndicatspeuvent revendiquer un statut national. Ondénombre au total 21 syndicats, qui ont, enmajorité, une implantation sectorielle ourégionale. De surcroît, du fait de l’existencede liens organiques avec les partispolitiques, les syndicats sont politiquementalignés. Au Maroc, les employeurs sontregroupés en 27 fédérations sectorielles ethuit unions régionales, coiffées par laConfédération générale des entreprises duMaroc (CGEM). Ses 2 000 membres sontles entreprises les plus grandes et lesmieux structurées, mais le nombre totaldes entreprises industrielles au Marocdépasse les 60 000. Le concept dedialogue social est devenu un leitmotivdans les discours officiels mais seul undialogue symbolique a lieu au niveaucentral entre le gouvernement, lesemployeurs et les syndicats les plusimportants. L’implication des partenairessociaux dans l’élaboration et la mise enœuvre de la politique de l’emploi concerneen priorité les employeurs qui participent àl’Agence nationale de promotion del’emploi et des compétences (ANAPEC).

À l’échelon local, les partenaires sont, pourla plupart, en conflit les uns avec lesautres, du fait de l’absence d’une culturede la négociation dans la majorité desentreprises. Le rôle joué par lesinspecteurs du travail dans la résolutiondes conflits est toutefois important ; ilsparviennent à résoudre plus de 70% desconflits collectifs et apportent une solutionà 50% des plaintes liées aux conflitsindividuels.

Il ressort des sources précédemmentcitées que les membres des syndicats neseraient qu’une minorité de personnessoucieuses de sortir du lot et de s’assurerde meilleures conditions par rapport à lagrande masse des travailleurs. La plupartdes membres des syndicats sontconsidérés, dans leur contexte national,comme des travailleurs privilégiés, dans lamesure où ils appartiennent au secteurpublic ou au secteur privé formel. Le risqueque ne soient représentés que les intérêtsdes travailleurs les plus avantagés estconsidérable vu qu’il porte à l’exclusion dequantités de travailleurs dont les conditionsd’emploi plus éprouvantes n’auront pas étéprises en compte. L’existence d’un tauxplus élevé de syndicalisation dans lesecteur public peut également avoir desrépercussions négatives sur les réformesdu secteur public et sur l’emploi public(Agenor et al., 2004). Les mêmesconsidérations peuvent, en général,s’appliquer à la représentation desemployeurs. Les associationsd’employeurs tendent à représenter lesintérêts des plus grandes entreprises et àignorer ceux de la plupart des petitesentreprises et micro-entreprises qui sontnombreuses dans la région. Cette faiblesseinstitutionnelle des partenaires sociauxrend difficile tout dialogue social effectif. Deplus, les relations entre gouvernements etpartenaires sociaux sont, le plus souvent,entachées de paternalisme, et les étudesportant sur la nature du dialogue socialrévèlent une attitude similaire desemployeurs à l’égard des salariés dans lesentreprises (De Gobbi et Nesporova,2005). En ce qui concerne l’Égypte, parexemple, les données recueillies indiquent

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19 Récemment, le gouvernement a engagé des consultations informelles avec un cinquième syndicat – l ’Unionnationale du travail du Maroc (UNTM) – lié au nouveau parti islamiste PJD (Parti de la justice et dudéveloppement).

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que les travailleurs sont traités comme desmembres de la famille (ce qui rend leslicenciements difficiles) et que seulement5% des entreprises interviewées ont dessalariés syndicalisés. Les organisations detravailleurs indépendants sont clairementperçues comme non nécessaires etindésirables, et les dirigeants se targuentd’être capables de régler personnellementles différends. Par conséquent, le climatpaternaliste au travail et le faible taux desyndicalisation constituent de sérieuxobstacles au dialogue social dans lesentreprises.

4.3 LA LÉGISLATION DUTRAVAIL

Selon une définition très large, lalégislation du travail comprend toutes lesdispositions légales réglementant le travailet les droits et responsabilités destravailleurs et des employeurs. Dans cettesection, toutefois, l’accent est mis sur ledroit du travail, la réglementation dessalaires minimaux et le régime de sécuritésociale (l’assurance chômage enparticulier). Bien qu’en phases initiales dedéveloppement, les dispositions juridiquesqui gouvernent le travail dans les paysMENA reflètent, en règle générale, lestendances relevées au niveau mondial. Lespays de cette région ont une législation dutravail qui a été récemment modifiée pourrépondre aux nouvelles nécessités dudéveloppement économique. Dans laplupart des cas, la législation du travailexclut de son champ d’application un bonnombre de catégories de travailleurs(agricoles, domestiques ou familiaux, etc.)et les entreprises employant moins de cinqpersonnes. En outre, l’emploi à tempspartiel et d’autres aménagementsatypiques du travail sont bien moinsfréquents dans la région MENA.L’application de la loi pose par ailleurs unsérieux problème dans ces pays, vul’ampleur de l’économie informelle. Eneffet, la majorité des travailleurs setrouvant hors du champ d’application de laloi, toute évaluation de la structure du droitdu travail ne présente qu’une valeur et uneportée limitées.

Des modifications ont été récemmentintroduites dans la législation du travailen Égypte (2003), en Tunisie (1994 et1996), et en Jordanie (1996) afin d’enassouplir certaines clauses intéressantles employeurs, en particulier en ce quiconcerne le recrutement et lelicenciement. Le résultat est que larestructuration des sociétés figure àprésent comme une cause légitime delicenciement des salariés dans la plupartdes pays MENA. Même dans cesconditions, le licenciement représente uncoût élevé pour les employeurs en raisonde la lenteur des procéduresbureaucratiques, du montant élevé desindemnités et de la partialité desdécisions de la justice du travail. Enparticulier, les indemnités delicenciement sont largement utiliséescomme une assurance contre lechômage, vu qu’il n’existe pas de régimed’assurance sociale. La majorité desexperts de la région s’accordent pourdénoncer la rigidité encoreexcessivement élevée des règlesd’embauche et de licenciement, quin’assurent, au reste, la protection qued’un petit groupe de travailleurs à tempsplein, vu l’ampleur du secteur informel.De plus, la mise en application des loisétant laxiste, la flexibilité du marché dutravail est assurée par le biais dunon-respect de la législation et de lalimitation des droits des travailleurs, et lalégislation du travail, qui est censéeprotéger les travailleurs, a l’effet contrairede les mettre dans une situation précaire.

En Égypte, après 10 ans de duresnégociations, une nouvelle législation dutravail introduisant davantage de flexibilitédans le recrutement et le licenciement, aété adoptée en 200320. Ainsi lerenouvellement d’un contrat à duréedéterminée ne comporte plus satransformation en un contrat à duréeindéterminée ; les licenciements sontfacilités et il est plus aisé de licencier pourcause réelle et sérieuse ; les ruptures decontrat pour restructuration économiquesont autorisées sous réserves, et la ruptured’un contrat par un employeur, sans motifvalable, donne droit à une indemnité au

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20 La nouvelle loi s’applique aux entreprises publiques mais pas aux fonctionnaires, aux travailleursdomestiques ou aux travailleurs familiaux.

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profit du salarié21. Un fonds national deformation (financé par des ressourcesgouvernementales, par 1% des bénéficesnets des entreprises et par d’autresdonations) a été constitué pour financer lacréation, le développement et lamodernisation de centres et deprogrammes de formation répondant auxnécessités du marché du travail. Enfin ledroit de faire grève pacifiquement estreconnu aux travailleurs22.

Étant donné que la nouvelle législation dutravail ne s’applique qu’aux nouveauxcontrats de travail, on peut s’attendre à ceque ses effets sur le marché du travailsoient limités. Qui plus est, les nouvellesdispositions législatives ne mentionnentpas la possibilité d’autres contrats que lescontrats fixes, ignorant par exemple ceuxqui régissent le travail à temps partiel oules emplois pour le compte des agences detravail temporaire. Cependant, cesmesures peuvent avoir des effets positifssur les entreprises étrangères qui ont pu semontrer réticentes à investir en Égypte,dans le passé. Elles devraient égalementprésenter un intérêt pour les entreprisesprivées ayant une part importante de leurseffectifs protégés par des contrats légaux.Malgré l’adoption de ces dispositions, unegrande disparité demeure entre le secteurprivé et le secteur public pour ce qui est del’application des clauses concernant lescontrats, la fixation des salaires, la sécuritésociale, etc. Les employeurs du secteurprivé tendent soit à embaucher lestravailleurs sans contrat soit à obliger lesnouvelles recrues à signer, avant leurengagement, une lettre de démission nondatée – pratiques qui montrent bien que laréglementation des licenciements illégauxest encore perçue comme une réellemenace. Selon De Gobbi et Nesporova(2005), la moitié de l’ensemble destravailleurs n’ont pas de contrat de travailet un nombre encore plus restreint d’entreeux sont couverts par la sécurité sociale.

En outre, pour les salariés munis d’uncontrat, il arrive souvent que lesentreprises déclarent un salaire inférieur àcelui effectivement versé de façon à allégerle poids des cotisations socialescorrespondantes.

Des amendements au code du travailtunisien ont introduit, en 1994 et en 1996,des dispositions spécifiques pour lescontrats à durée aussi bien déterminéequ’indéterminée, ainsi que la notion detravail à temps partiel. L’employeur quisouhaite licencier un salarié doit indiquerles raisons du licenciement dans une lettrede préavis. Les licenciements sans causeréelle ni sérieuse et les renvois qui nerespectent pas les procédures légales sontjugés abusifs. Bien qu’il soit admis, lelicenciement pour motifs économiques outechnologiques est complexe et est assortid’une panoplie de mesures de protectionau niveau salarial, ainsi que de conditionset procédures administratives à respecter.Les licenciements sont par conséquent desdémarches à la fois bureaucratiques etcoûteuses. Le code du travail demeureainsi excessivement protecteur à l’égarddes salariés (Banque mondiale, 2003).

Selon Chemingui (2005), le nouveau codedu travail ne facilite pas l’adaptation et larestructuration des entreprises tunisiennes,qui leur permettraient de relever les défislancés par la libéralisation du commerce. Larigidité du cadre législatif a produit deuxeffets majeurs en Tunisie : en premier lieu,les entreprises sont de plus en plusréticentes à licencier leurs salariés, parsouci d’éviter des complicationsadministratives ; en second lieu, ellespréfèrent négocier directement avec ceux-ciles accords de licenciement, sans impliquerles commissions de contrôle. Ainsi, ungrand nombre d’entreprises privées évitentde signer des contrats avec leurs employéspour éviter d’affronter les coûts delicenciement, et aussi pour échapper à la

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21 Les employeurs peuvent rompre un contrat ou modifier un contrat à durée indéterminée pour des motifséconomiques, sous réserve de l’approbation d’une commission de suspension, d’un préavis donné en bonneet due forme aux travailleurs concernés et du versement d’une indemnité de licenciement équivalant à unmois de salaire par année de service pendant les cinq premières années de service et à un mois et demi desalaire pour chaque année supplémentaire. L’interruption d’un contrat sans motif valable comporte uneindemnisation dont le montant est déterminé par une commission judiciaire et équivaut au minimum à deuxmois de salaire par année de service.

22 Le droit de grève avait été aboli en vertu d’une législation d’urgence adoptée à la suite de l’assassinat duprésident Sadat en 1981.

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contrainte des charges sociales. De leurcôté, les travailleurs acceptent l’emploi sanscontrat qu’on leur propose pour trois raisonsmajeures : tout d’abord, pour éviter deverser les cotisations sociales quireprésentent pour eux une part considérabledu salaire déjà maigre qu’ils perçoivent ;ensuite, parce qu’ils n’ont pas l’impressionqu’ils bénéficieront réellement du régime desanté et de retraite ; et enfin parce qu’ilssont assurés de jouir d’une plus grandemobilité dans leur quête de meilleuresconditions de travail.

En Jordanie, la législation du travail a beauêtre considérée comme très complète etefficacement mise en application dans lesecteur formel, elle n’en est pas moinshautement inflexible. Certaines questionsdemeurent problématiques, commel’embauche et le licenciement, la répartitiondes heures de travail sur la journée ou lasemaine, le harcèlement sexuel et lescongés officiels. Selon Mryyan (2005),l’inflexibilité de la procédure delicenciement restreint le pouvoir desemployeurs de se défaire des travailleursirresponsables. Les juridictions du travailtendent, en effet, à favoriser les travailleurspar rapport aux employeurs, et dans laplupart des cas, elles condamnent cesderniers à verser des indemnitésfinancières aux salariés licenciés.

Au Liban également, les restrictions quipèsent sur la liberté de licenciement ontété critiquées par les employeurs, qui lesjugent trop onéreuses ; leur contestationporte en particulier sur la définition dulicenciement injuste. Une étude relativeau climat d’investissement au Libanclasse le pays en troisième position dansla région pour la rigidité des mesures deprotection de l’emploi (Issa, 2005). Il esttrès courant que les entreprises évitentde déclarer leur personnel libanais ouétranger, tout comme les salaires réels etautres revenus de leurs employés.D’autres pratiques sont égalementmonnaie courante : les heuressupplémentaires et les licenciementsillégaux, les infractions liées àl’environnement et à la sécurité dutravail, l’inégalité de salaires entrehommes et femmes ou encore l’emploide mineurs dans des activitésinappropriées.

Au Maroc, après des années de discussionentre employeurs et syndicats, la premièreloi du travail a été adoptée en 2003 (Loi65-99). Cette loi reconnaît le principe dutravail temporaire au nom de la flexibilitémais les mécanismes d’application prévusn’ont pas encore été mis en place par lespouvoirs publics. Dans des circonstanceséconomiques difficiles, une entreprise peutréduire temporairement ses effectifsjusqu’à 50%, pendant une période de deuxmois et, avec l’accord des représentantsdu personnel, pendant une périodemaximale de quatre mois. Les entreprisesqui rencontrent des difficultés peuventaussi demander l’autorisation de licencierdes salariés pour motif économique (lesdemandes sont examinées par l’inspectiondu travail et discutées par une commissionprovinciale présidée par le gouverneur dela province). Les entreprises peuventrecruter un travailleur sur la base d’uncontrat non renouvelable pour une certainepériode (six mois maximum), mais si ellesdécident de garder le salarié au terme d’uncontrat à durée déterminée, le contrat estautomatiquement transformé en contrat àdurée indéterminée ; une telle mesure peutreprésenter une sérieuse entrave à laflexibilité. Enfin, les entreprises de moinsde cinq salariés sont exclues de la nouvelleloi (dans le souci d’éviter de les voirsombrer dans l’économie souterraine ou,en d’autres termes, dans le secteurinformel). Il faudra bien des années pourévaluer les effets réels de la nouvelle loi etde son application au Maroc.

Les lois du travail ne sont pas les seulsinstruments de régulation des marchés del’emploi. La réglementation des salairesminimaux, des impôts sur le travail et descotisations sociales a elle aussi un impactimportant sur l’emploi. Des mécanismesofficiels de fixation des salaires minimauxdans le secteur privé existent dans les cinqpays considérés dans le cadre de cetteétude. Ce niveau minimum est considérécomme excessivement bas par la majoritédes experts, et cependant il existe destravailleurs qui acceptent un salaire encoreinférieur dans tous les pays MENA. EnÉgypte, une forte compression des salairesa eu lieu dans le courant de la dernièredécennie et le salaire minimum estconsidéré comme extrêmement bas, mêmepour un niveau de vie de subsistance

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(environ 100 livres égyptiennes par mois).Ce nonobstant, la plupart des employeursn’appliquent pas les augmentations desalaire annuelles prescrites par lalégislation du travail. Au Liban, le salairemensuel minimal a été fixé à 300 000 livreslibanaises (l’équivalent de 200 dollarsaméricains) en 1996, mais il ne reflète pasla réalité du coût de la vie de base23.Cependant, un grand nombre detravailleurs étrangers du secteur informelacceptent un salaire inférieur au salaireminimum, ce qui incite les employeurs àembaucher un nombre accru d’étrangersnon déclarés, surtout dans les secteurs oùl’offre de main-d’œuvre non spécialisée estexcédentaire.

Au Maroc, les employeurs estiment quele salaire minimum légal est trop élevé etaccroît le manque de compétitivité desentreprises, mais c’est là un argument depure forme car, pour beaucoup, le vraiproblème est constitué par la faibleproductivité de la main-d’œuvre. SelonBougroum (2005), la compétitivité peutêtre renforcée grâce à une augmentationde la productivité de la main-d’œuvre –par exemple, en améliorant les conditionsde travail ou en formant les travailleurs.En Tunisie, selon certains, le salaireminimum garanti a des répercussionsparticulières sur l’emploi dans lessecteurs exposés à la concurrenceinternationale (surtout les secteursmanufacturiers comme le textile,l’habillement et l’électromécanique).Dans ces secteurs, un relèvement dusalaire minimum à un niveau supérieur àcelui de la productivité affectenégativement la compétitivitéinternationale des produits tunisiens. Lacréation d’emplois est, elle aussi,affectée par d’autres facteurs que ceuxqui sont liés au marché du travail, telsque les coûts élevés de production (tauxd’intérêt, énergie, transports etcommunications), l’impôt élevé sur lessociétés et sur le travail ainsi que lescotisations de la sécurité sociale.

L’absence de sécurité sociale pour unepart considérable de la population estcommune à tous les pays de la région. Lesrégimes de sécurité sociale sont basés surdes mécanismes d’assurance et lacouverture sociale est faible (en moyenne50% de la population est couverte)24. Lafragmentation du système (entre lesfonctionnaires, les travailleurs du secteurprivé, les travailleurs indépendants, lesmilitaires, etc.) pose un grave problème carelle restreint la mobilité au sein d’un mêmesecteur et d’un secteur à l’autre, accroît lescoûts administratifs et génère desinégalités de traitement entre lesdifférentes catégories de travailleurs. Laplupart des bénéficiaires n’ont aucuneprotection contre les risques traditionnels(comme le chômage, la maladie ou lavieillesse). Le Liban offre l’exemple d’unpays doté d’un régime de sécurité socialese situant nettement au-dessous desstandards des systèmes modernes. Lesystème présente une grande variété demodalités d’adhésion, de régimes decotisations et de catégories de membresainsi que de niveaux de couverture, lerésultat étant qu’une bonne partie de laforce de travail, et par conséquent, de lapopulation, demeure sans protectionsociale. Certains risques sociaux ne sontque partiellement, voire pas du tout, pris encharge ; dans le cas de l’assurance santé,par exemple, seulement 47% destravailleurs sont couverts. Les régimesd’assurance pour les travailleurs dusecteur gouvernemental sont nombreux, etles prestations offertes, comme les niveauxde couverture, sont variés. Par contre,seulement 14% des travailleursindépendants bénéficient d’allocations desanté, de famille et de retraite.

Bien que l’assurance chômage ait étérécemment introduite en Égypte par une loi(comme en Algérie), ses bénéfices en sontvirtuellement inexistants. Les seulstravailleurs qui aient droit à des allocationssont ceux qui ont été licenciés au terme dela fermeture définitive d’une entreprise

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23 Par exemple, Issa (2005) rapporte que le salaire minimum atteint actuellement entre un tiers et un quart dumontant équivalant au seuil de la pauvreté absolue (qui, selon les estimations, varie de 600 à 800 dollarsaméricains par mois pour un ménage de cinq personnes).

24 La Banque mondiale (Robalino, 2005) indique que 30% de la force de travail est couverte par l’ensemble desmécanismes. Cependant, malgré ce niveau modeste de couverture, les dépenses en pourcentage du PIB sesituent déjà dans la tranche allant de 1% à 3%, et seulement 5% à 10% des personnes âgées touchent uneretraite.

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approuvée par le tribunal. En Égypte,l’assurance sociale est virtuellementuniverselle, en vertu de diverses loiscouvrant les fonctionnaires, les travailleursdes entreprises publiques et les salariés dusecteur privé. À la différence de la plupartdes travailleurs du secteur privé, lesfonctionnaires bénéficient d’une couverturesociale élevée (retraite, assuranceinvalidité, décès, santé et accident dutravail). Cette situation s’explique par lesprélèvements substantiels effectués sur lessalaires (41% du salaire de base et 15%de ses composantes variables). Un tel étatde choses a incité un grand nombred’employeurs à éluder le paiement descotisations sociales, situation renduepossible par un système de contrôle trèslâche. On estime que 30% des employeursdu secteur privé ne paient aucunecotisation sociale et que 40% d’entre euxdéclarent des salaires inférieurs à ceuxeffectivement versés.

Aucun des cinq pays considérés n’a unrégime d’assurance chômage quifonctionne pleinement. Sans un revenuminimum garanti en cas de chômage, lestravailleurs les plus pauvres (en général,sans qualifications) ne peuvent toutsimplement pas se permettre d’être auchômage. Vu qu’ils ne peuvent ni investirdans une formation ni attendre un meilleuremploi, un cycle vicieux s’est mis en place,qui reproduit la pauvreté d’une générationà la suivante. En réalité, les seulespersonnes qui puissent se permettre d’êtreau chômage sont celles qui bénéficient dusoutien d’une famille d’un milieusocioéconomique aisé. El Hamidi etWahba (2005) affirment qu’en Égypte, lechômage des jeunes dans l’attente d’unemploi dans le secteur public est le plussouvent volontaire, et aussi que le secteurprivé est très lent à absorber les nouveauxarrivants sur le marché du travail. Lesrégimes d’allocation de la fonctionpublique, qui offrent une sécurité del’emploi pratiquement sans limite, sontextrêmement attractifs pour les travailleurs.Ceci a un impact significatif sur la mobilitédu travail et sur l’efficacité desprogrammes de qualificationprofessionnelle, et le faible niveau demobilité du secteur public vers le secteurprivé le confirme. D’autre part, les

travailleurs engagés dans le systèmeinformel sont relégués dans des emploisprécaires, car ils ne peuvent se permettred’être sans emploi ou affronter le coûtd’une formation. Sans un développementdu secteur formel et/ou la sécurité d’unrevenu de base garanti aux groupesvulnérables (octroi d’une assistancesociale en fonction des ressources),l’impact de toute législation du travail estappelé à demeurer limité.

Une étude d’ensemble indique que lemarché du travail dans la région est desplus flexibles. Une telle flexibilité neserait pas, toutefois, imputable àl’existence d’une réglementation flexibledes marchés du travail mais plutôt à uneapplication très lâche des dispositionslégislatives sur l’emploi et à la présenced’un vaste secteur informel. Il existe unprofond clivage entre les acteurs augrand jour de l’économie déclarée et lestravailleurs de l’ombre de l’économieinformelle. En pratique, seules lesentreprises du secteur public et lesgrandes industries privées appliquent laréglementation, et encore, de façonsélective. Il en résulte que seuls lestravailleurs ayant un contrat formel ontaccès aux allocations de la sécuritésociale, jouissent d’une protection enmatière de santé et de sécurité etbénéficient d’une législation équitableconcernant l’embauche et lelicenciement. Les travailleurs du secteurinformel, quant à eux, ne peuventcompter sur aucune protection sociale etne bénéficient d’aucune assistancetechnique dispensée par les servicespour la formation et l’emploi ni d’aucunedes mesures garanties par la législationsur l’emploi. Le secteur informel en pleinessor est, par conséquent, une descauses principales de l’exclusion socialedes jeunes et des femmes (Martin, 2006).Pour les pays MENA ayant un taux élevéde chômage et recourant en abondanceau travail saisonnier et précaire (surtoutrépandu dans les secteurs del’agriculture, du bâtiment et du tourisme),un marché de l’emploi hautement réguléne semble pas être la meilleure solutioncar il pourrait entraver la créationd’entreprises nécessitant unemain-d’œuvre flexible.

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Plusieurs raisons peuvent être avancéespour expliquer pourquoi la réglementationdu travail n’est pas appliquée de façonappropriée dans la région. Selon certains,les employeurs se montrent réticentsparce que les dispositions sont difficiles àmettre en œuvre au stade dedéveloppement actuel du secteur privé.Celles-ci partent du principe que, à l’instardes pays économiquement avancés, lesentreprises sont fortement structurées etque les deux fronts de la production (lesemployeurs et les salariés) peuvent unirleurs efforts suivant une logique decoopération bien huilée. Une telle visionne reflète cependant pas les réalités desmarchés du travail de la région MENA.L’un des traits caractéristiques de ceséconomies est qu’elles mobilisent ungrand nombre de petites entreprises et demicro-entreprises de type familial, quiobéissent à une logique domestiquereposant sur un réseau de relations (enrecrutant des membres de la famille) etqui ont une tendance naturelle à exercerleur activité dans le secteur informel. Faceà l’abondance de main-d’œuvre nonqualifiée, un grand nombre d’entreprisespuisent à ce réservoir pour développerdes activités à faible valeur ajoutée,utilisant les bas salaires qu’ellesappliquent comme seul paramètre decompétitivité. La réglementation del’emploi est essentiellement perçuecomme une menace à cette compétitivité.Les avantages de la non-application de lalégislation du travail sont importants pources entreprises et la faiblesse desmécanismes de contrôle public(principalement à charge des ministèresdu travail) facilite l’évasion. Lesinspections du travail chargées decontrôler et de mettre en œuvre lesréglementations ne disposent toutbonnement pas des ressources humaineset matérielles nécessaires pour remplirleurs fonctions de façon adéquate.

La réduction de ce profond écart entre lesdifférents segments du marché du travailrequiert un arsenal complet de mesures quis’attachent à remédier à la rigidité desmarchés régulés et à promouvoir laformalisation du secteur informel. Étantdonné que c’est habituellement le secteur

privé qui offre des bas salaires, desconditions de travail délétères et desavantages sociaux inadéquats (et qui, desurcroît, élude la législation), une actionsur la faible demande de main-d’œuvre etla très mauvaise qualité des emploiss’avère aussi importante que la législation.Pour cette raison, un soutien conditionnéau secteur privé peut revêtir uneimportance cruciale en vue de la créationd’emplois meilleurs. Ainsi, les marchés dutravail doivent s’efforcer de parvenir à unéquilibre qui réduise au minimum lasegmentation de la main-d’œuvre parcatégorie d’emplois et secteur, et quifacilite l’accès aux institutions et auxprogrammes œuvrant en faveur d’uneamélioration de l’employabilité destravailleurs ou fournissant une aide auréemploi. Si on l’assortit d’une stratégieintégrée de promotion de l’emploi, unemesure de soutien aux chômeurs sousforme de l’octroi d’un revenu de base peutcontribuer à modérer les tensions crééespar la forte diversité des opportunités etdes traitements dans les différentssecteurs économiques, à réduirel’opposition des travailleurs auxchangements d’emploi, à mieux ciblerl’affectation des ressources humaines dansl’économie et, en fin de compte, àaméliorer le fonctionnement du marché dutravail de façon à produire des effetspositifs sur l’économie et l’emploi.

4.4 LES POLITIQUES ACTIVESDU MARCHÉ DU TRAVAIL

La promotion de politiques actives dumarché du travail – par opposition avec lespolitiques passives – épouse une tendancerelativement nouvelle qui s’épanouit dansles pays aussi bien développés qu’endéveloppement. Quand elles sont bienconçues et soigneusement ciblées, lespolitiques actives se révèlent efficacespour améliorer l’employabilité etpromouvoir l’emploi. Il est égalementimportant de bien définir les modalitésd’intégration de ces mesures avec lesautres instruments politiques. L’approcheactive consiste essentiellement enl’adoption de mesures d’interventionpublique à l’intention des chômeurs et des

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jeunes. Suivant en cela les tendances quis’affirment au niveau mondial, les paysMENA procèdent de façon croissante àl’adoption de ces mesures activesintéressant le marché du travail, comme entémoigne l’exemple très significatif de laTunisie. Les mesures les plus courammentadoptées sont la mise en place, pour leschômeurs et pour les jeunes, de cours deformation professionnelle et deprogrammes visant à développer desmécanismes de travail indépendant avecl’aide du microcrédit. La portée de cesinterventions est, en général, très limitée,et certaines mesures sont rarement misesen œuvre (par exemple, celles relativesaux services d’orientation et de conseil).

Un des traits caractéristiques de cesmesures en faveur d’un décollage del’emploi est la prédominance des actionsfinancées par des bailleurs de fonds,imputable en partie à la taille limitée desbudgets gouvernementaux et à la faiblecapacité institutionnelle des acteursnationaux. Les programmes existantsfinancés par des bailleurs de fonds (l’UE, laBanque mondiale, etc.) portent surdifférents types de mécanismes dedéveloppement de l’emploi et de laformation, mais ils comprennent égalementcertaines initiatives ayant pour but laréforme des services publics de l’emploi(Tunisie et Maroc) ou l’établissement decentres pilotes pour l’emploi (Jordanie etÉgypte) visant à la construction decapacités institutionnelles. Une évaluationde l’effet de ces initiatives est nécessaire,tout particulièrement pour mesurer leurimpact sur l’emploi et identifier les groupesde population qui en bénéficient le plus(travailleurs hautement ou peuqualifiés/sans qualification, etc.). Lesrisques de déviation par rapport auxobjectifs initiaux peuvent être élevés, lesacteurs locaux directement impliqués dansla formation (participants, formateurs,entreprises hôtes) pouvant mettre en avantleurs intérêts. De plus, les répercussionsnettes sur l’emploi sont encore difficilement

mesurables, des phénomènes inhérents àla mise en œuvre pouvant intervenir, telsque des effets de poids mort, desubstitution ou de déplacement.

La Tunisie accorde actuellement la plushaute priorité à ces mesures actives,déployant des efforts systématiques pourmettre en œuvre une politique active demarché du travail. D’après la Banquemondiale (2003), la Tunisie a dépensé1,5% de son PIB pour mettre en placedes mesures actives en 2002, avecl’objectif d’offrir un vaste éventail deprogrammes de formation couvrantdifférents niveaux de compétences pourles demandeurs d’emploi. Cependant,malgré le montant élevé des dépensespubliques engagées, seulement 5,3% dela force de travail a bénéficié de cesprogrammes.

Les programmes à l’œuvre en Tunisiepeuvent être classés en quatre groupes :programmes d’insertion, programmes pourl’emploi des diplômés universitaires, Fondsd’insertion et d’adaptation professionnelle(FIAP) et enfin, programmes en faveur desmicro-entreprises et du travailindépendant25. Les programmes d’insertionse proposent de faciliter l’entrée initiale desjeunes sur le marché de l’emploi par lerecours à une formation axée sur le travailet par des mesures incitant les entreprisesà les recruter. Les groupes visés sont lesdiplômés de l’université (Stage d’initiation àla vie professionnelle 1), les titulaires dediplômes d’études postsecondaires (Staged’initiation à la vie professionnelle 2) et lestitulaires de diplômes de l’enseignementsecondaire professionnel (contratemploi-formation). Les programmes pourl’emploi des diplômés universitairess’attachent à encourager les entreprises àrecruter ces demandeurs d’emploi et lesdiplômés à créer leur propre entreprise ; ilsassurent également une formationcomplémentaire aux diplômés pour faciliterleur intégration sur le marché du travail. Leprogramme du FIAP26 et les programmes

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4. LES INSTITUTIONS DES MARCHÉS DU TRAVAIL ET LES POLITIQUES DE L’EMPLOI

25 Toutes les informations sur les programmes de la Tunisie ont été fournies par Mohamed Chemingui et parl’ANETI (l’Agence nationale pour l’emploi et le travail indépendant).

26 Les programmes offerts sont les suivants : (a) Pourvoir un poste vacant; (b) Aide à la création d’entreprises;(c) Développement professionnel; (d) Sous-traiter en nouant des partenariats; (e) Aide à la mobilitégéographique; (f) Requalification ou mise à jour des compétences; et (g) Promouvoir l’offre privée deformation initiale.

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en faveur des micro-entreprises et dutravail indépendant sont gérés par uncertain nombre d’institutions publiques etd’ONG27.

Ces programmes visent différents niveauxde compétences et d’éducation ainsi quedifférents secteurs professionnels enTunisie. Selon une analyse portant sur lenombre des bénéficiaires et l’ampleur del’aide apportée par chaque programme enfonction des niveaux de compétences oud’éducation, les destinataires privilégiéssemblaient être les groupes decompétences moyennes-élevées, mais ilest difficile de formuler un jugement définitifsur l’accessibilité de ces programmes auxcomposantes moins qualifiées de lapopulation. Bien qu’il existe desprogrammes visant les travailleurs sansqualifications, pour des raisons à la foispolitiques et sociales, ils sont souventmoins privilégiés que les programmesvisant les diplômés universitaires. Cesderniers sont plus actifs et plus visibles etleur inscription à divers concours del’administration publique a porté legouvernement à leur accorder la priorité.Les demandeurs d’emploi moins qualifiéstendent à être moins informés despossibilités qui leur sont offertes, du faitd’un manque de compétences clés ou dequalifications préalables nécessaires. LaTunisie est souvent citée comme modèledans la région MENA en raison del’intensité de ses mesures pour l’emploi etdu nombre élevé de personnes qu’ellesimpliquent. Néanmoins une étude d’impactest nécessaire pour mesurer l’efficacité etle degré de couverture de ces programmeset mieux identifier leurs groupes cibles.

Confronté aux taux de chômage alarmantsde ses diplômés, le Maroc a, pour sa part,commencé à mettre en œuvre desmesures actives pour l’emploi au début desannées 90. Les mesures visant leschômeurs diplômés sont de trois types :l’amélioration des services d’informationsur le marché du travail et des servicespublics pour l’emploi (réorganisation de

l’Agence nationale de promotion del’emploi et des compétences), ledéveloppement des compétences pourassurer une meilleure employabilité (coursde formation complémentaire ou deformation en entreprise), et la création demeilleurs emplois (prêts aux jeunesinvestisseurs et programmes pour le travailindépendant). Les mesures visant lestravailleurs non qualifiés relèvent de lapolitique sociale de lutte contre la pauvretéplutôt que de la politique de l’emploi. Unnombre croissant de programmes sont misen œuvre en partenariat avec des ONGnationales et des fonds de coopérationinternationale ; le système du microcréditest également favorisé. Des critèresd’éligibilité sont appliqués aux jeunes : âge,qualifications, durée de la période dechômage, existence d’un projetd’entreprise, etc. Pour les mesures deréduction de la pauvreté, les critères desélection prennent surtout en considérationle contexte social (comme la précarité ou lavulnérabilité). Malheureusement, aucuneétude d’impact n’est effectuée pour cesprogrammes qui visent souvent en prioritéla réalisation d’objectifs quantitatifs (parexemple, la maximisation du nombre desrecrutés). En comparaison avec la Tunisie,la couverture des programmes et lenombre des bénéficiaires sont plus limités,mais comme en Tunisie, les jeunes lesplus instruits semblent bénéficierdavantage de ces programmes que lestravailleurs non qualifiés.

Le Liban, quant à lui, n’a pas de politiquede mise en œuvre de programmes globauxvisant à intégrer les différentes catégoriesde travailleurs dans le marché du travail.Son cadre institutionnel étant peudéveloppé, il se limite à offrir un seul typede formation professionnelle accéléréepour les jeunes. Ces cours, qui dispensentune formation courte dans diversestechniques artisanales, manuelles ouutilisant des machines simples, nedemandent pas plus que des compétenceset connaissances de base. Le programmes’adresse essentiellement à des jeunes en

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LES RÉFORMES DES POLITIQUES DE L’EMPLOI AU MOYEN-ORIENT ET ENAFRIQUE DU NORD

27 BTS : Banque tunisienne de solidarité ; FNE : Fonds national pour l’emploi ; FONAPRA : Fonds national depromotion de l’artisanat et des petits métiers ; FSN : Fonds de solidarité nationale ; UTSS : Union tunisiennede solidarité sociale ; PRD : Programme régional de développement ; PDUI : Programme de développementurbain intégré ; PDRI : Programme de développement rural intégré. Associations de développement : octroide microcrédits.

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difficulté à l’école primaire ou ayant achevéleur scolarité, âgés au maximum de15 ans. Un autre type courantd’intervention est la formation au travailindépendant ou les actions demicro-financement. Le Fonds économiqueet social pour le développement, lancé en2002 et financé par l’UE, vise à réduire lapauvreté par le développement descommunautés locales et la créationd’emplois. Les ONG sont particulièrementactives dans le micro-financement. En1999, on recensait 19 programmes demicro-financement, soutenus par des prêtsd’un montant de l’ordre de 11 millions dedollars américains distribués à quelque11 000 bénéficiaires (Issa, 2005). LesONG, à l’exclusion des associationsreligieuses d’aide sociale, dépensent plusque le gouvernement (environ 28,5 millionsde dollars américains en 1999) pour desprojets de formation professionnelle et desprogrammes de réhabilitation despersonnes handicapées, des délinquants,des toxicomanes et des détenus. Laplupart de ces activités sont financées pardes bailleurs de fonds.

En Jordanie, une panoplie de mesures ontété adoptées dans le cadre des politiquesactives du marché du travail. Un Fondspour le développement et l’emploi a étéinstitué en 1989 pour fournir une aidetechnique et financière aux PME etpromouvoir l’entrepreneuriat et le travailindépendant. Comme la plupart des autresprogrammes de travail indépendant de larégion, celui-ci a souffert de problèmes liésà la viabilité fiscale, à l’emploi inadéquatdes prêts et aux faibles taux desremboursements. La Jordanie est plus quesaturée de main-d’œuvre étrangère sansinstruction ni qualifications et pourtant elleexporte ses propres travailleursprofessionnels qualifiés dans les pays duGolfe. Elle a un taux de chômagedomestique exorbitant, ce que d’aucunsexpliquent par l’attitude de ses jeunes quisont trop fiers pour accepter des emploisnon qualifiés et de statut inférieur. Dans latentative de résoudre ce problème, legouvernement jordanien – en coopérationavec la Société de formationprofessionnelle, l’armée et le secteur privé– mit au point, en 2002, un ambitieux projetproposant un éventail de formations

spécialisées (chacune bénéficiant del’apport d’une composante disciplinaireofferte par l’armée et d’une composanteprofessionnelle). L’objectif de ceprogramme était d’enseigner des attitudespositives et de renforcer l’éthique dutravail. Cependant, dicté davantage par lesnécessités de l’offre que de la demande,ce programme se révéla inefficace et futretiré trois ans plus tard.

En Égypte, un grand nombre de mesuresactives financées par des bailleurs defonds sont à l’œuvre, mais elles ne sontpas assorties d’une stratégie nationaleclaire ou encore d’une coordination. Dansle but d’assurer un service de conseil etune assistance dans la recherche del’emploi, un projet (ELMSR), financé parl’Agence canadienne pour ledéveloppement international, a été mis enplace qui s’attache à développer un servicenational de l’emploi, moderne et efficace. Ilconsiste dans l’établissement de centrespour l’emploi veillant à l’amélioration descompétences professionnelles dupersonnel et perfectionnant le systèmed’information sur l’emploi (il inclutnotamment une bourse du travailélectronique automatisée). En ce quiconcerne la formation relative au marchédu travail, le projet de Développement descompétences, financé par la Banquemondiale, vise à stimuler la demande deformation du secteur privé, en offrant desmodules de formation à court terme (d’unedurée inférieure à six mois) sur lesprocessus de production dans le tourisme,le bâtiment et l’industrie ; ce programmeest mis en œuvre sur une base de coûtspartagés avec les PME. Le Fonds socialpour le développement (qui bénéficie dusoutien de la Banque mondiale et del’Allemagne) met également en œuvre unéventail de programmes de travaux publicsvisant à l’élimination de la pauvreté et àl’amélioration de la qualité de vie despersonnes analphabètes et/ou sansqualifications. Un programme national pourle développement rural intégré –SHOROUK – a été lancé en 1994 tant pourpromouvoir un développement reposantsur une participation de base de lapopulation que pour offrir des opportunitésd’emploi aux chômeurs des zones rurales.Les principaux obstacles qu’il rencontre

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4. LES INSTITUTIONS DES MARCHÉS DU TRAVAIL ET LES POLITIQUES DE L’EMPLOI

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sont une pénurie de personnel administratifformé, un niveau de financementgouvernemental insuffisant pour permettrela réalisation des objectifs, et l’influenceexercée par de puissantes figures localesen vue de modifier les projets en fonctionde leurs propres intérêts.

L’Organisation égyptienne pour ledéveloppement des petites entreprises(SEDO) fournit également une aidefinancière et technique et une formationpour les entreprises débutantes et lesentreprises existantes. Ce programme,dont la nécessité avait été mise enévidence par une étude exploratoire,représente la principale source definancement pour les petites entreprises.La SEDO exerce son action par le biaisd’intermédiaires (des ONG et desinstitutions financières) et a mis en placeun certain nombre de guichetsmultiservices. La plupart des bénéficiairesempruntent directement à la SEDO plutôtqu’aux banques et n’ont aucun problème àrembourser leur emprunt. Micro-finance estun autre programme conçu à l’intention des« pauvres actifs » ; entre 1992 et 2005, il aeu pour bénéficiaires plus de 180 000personnes. Le principal défi à relever en cequi concerne ces programmes est deréussir à obtenir et à préserverl’indépendance et la viabilité financières ;leur viabilité, en attendant, dépend de lavolonté des bailleurs de fonds àsubventionner des prêts à des tauxd’intérêt inférieurs à ceux du marché.

4.5 L’ENSEIGNEMENT ET LAFORMATIONPROFESSIONNELS

L’enseignement et la formationprofessionnels (EFP) constituent unélément indispensable de toute politique del’emploi, dans la mesure où ils ouvrent unevoie préférentielle d’accès au marché dutravail et font intégralement partie desstratégies de mise en œuvre du principe del’apprentissage tout au long de la vie. Lesmarchés du travail favorisent de plus enplus les personnes ayant des qualificationset des compétences pointues et qui sontdisposées à se remettre régulièrement àniveau sur le plan professionnel. Une

amélioration des systèmes d’EFP peut setraduire par une offre accrue demain-d’œuvre dotée des compétencesintermédiaires et techniques nécessairesau développement économique et peutoffrir la possibilité à chacun de mettre àjour et d’enrichir ses connaissances oucompétences. Une remise à niveau destravailleurs peu qualifiés ou sansqualifications est, par exemple, un facteurclé de réduction des inégalités sociales.Dans les différents pays de la régionMENA, les systèmes d’EFP sont tousconfrontés à des défis similaires (CESAO,2003), qui ont été également mis enlumière dans chacun des cinq rapportsnationaux commandés par l’ETF. La listeci-après passe en revue les principauxpoints jugés problématiques :

� l’absence d’une vision d’ensemble dusystème d’éducation dans sonintégralité, le manque de consensusquant au rôle précis que devraient jouerl’enseignement et la formationprofessionnels dans ce système,l’absence, encore, d’une clairedifférenciation entre les objectifssociaux et économiques assignés ausystème d’EFP ;

� l’insuffisance des ressources humaineset financières affectées au systèmed’EFP et les problèmes qui endécoulent sur le plan qualitatif ;

� le manque d’actualité des profilsd’emplois, des cursus d’études, desméthodes d’enseignement, desmanuels et des équipements ; undéséquilibre entre théorie et pratique etun manque d’expérience pratiqueprofessionnelle chez les enseignants etles assistants ;

� une approche fragmentaire et unmanque de coordination entre lesresponsables de la formation,concernant les questions d’accessibilité,de possibilité de transfert et dereconnaissance des crédits ;

� une trop grande rigidité interne etexterne due aux bureaucratiescentralisées et une inaptitude desformateurs à concevoir des cours enrapport avec les besoins d’un marchéde l’emploi moderne ;

� la trop grande concentration del’ensemble du système éducatif sur

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l’enseignement supérieur, associée aubas statut et à la faible importance del’enseignement et de la formationprofessionnels, ce qui aboutit à unesurproduction de diplômés del’enseignement supérieur ;

� l’absence d’implication du secteur privédans la gouvernance, le financement etl’offre d’EFP ;

� le manque de passerelles, horizontaleset verticales, établies entre les différentssystèmes de qualifications ; le manquede mesures incitatives et l’absence detout esprit de compétition ;

� le manque d’intérêt porté à la questionde l’inégalité entre les sexes et lapersistance d’une répartitiontraditionnelle des rôles entre hommes etfemmes au sein du système d’EFP.

En dépit du soutien important apporté parles bailleurs de fonds aux systèmes d’EFPdans la région MENA, la plupart de cespays concentrent leurs réformes sur dessous-secteurs, créant des îlotsd’excellence, mais omettant de déployer uneffort cohérent pour réformer leurspolitiques sectorielles. Le système d’EFPégyptien offre un exemple significatif decette approche fragmentaire, souffrantd’une insuffisante coordination : on ydénombre rien moins que 21 ministères,sans compter les diverses agences etentreprises publiques impliquées, quigèrent des centres d’EFP. Les principauxbailleurs d’EFP sont les ministères del’Industrie et du Développementtechnologique, de la Production militaire,de la Main-d’œuvre et des Migrations, etdu Logement et des Entreprises publiques.Ceux-ci offrent un vaste éventail de coursde formation, d’une durée variant dequelques semaines à quatre ans ; danstous ces cas, il s’agit d’une formationessentiellement professionnelle etsemi-qualifiée. L’efficacité et la qualité deces initiatives sont faibles, du fait de laséparation entre théorie et pratique. Peude formateurs ont reçu une formationappropriée, car il s’agit d’un travail peurémunéré et jouissant d’une faible estimesociale. Dans la plupart des cas, lescentres de formation sont dotésd’équipements vétustes et largementinadaptés aux besoins des apprenants(Amer, 2005). Étant donné que les

pourvoyeurs de formation ne sont pasautorisés à percevoir de frais d’inscription,les cours ne répondent pas à la demandespécifique des entreprises privées. Il n’y aainsi aucune incitation à tenir compte desindications du marché concernant lescompétences ou qualifications requises parl’économie. Les enseignants sontinsuffisamment qualifiés, mal rétribués etpeu motivés. Les méthodes pédagogiquesprivilégient l’apprentissage par cœur et larépétition plutôt qu’une démarcheanalytique. Le système entier est orientévers l’emploi dans les administrationspubliques et non pas vers un travaildemandant une approche critique etcréative. Il en résulte que le type dequalifications et la qualité descompétences fournies par la formation necorrespondent pas aux nécessités desemployeurs.

Au Liban, le système d’EFP actuellement àl’œuvre est, là encore, marqué parl’absence de mécanismes de financementet d’incitation permettant d’orienter l’offre deformation vers les professions quidemandent un équipement coûteux et desformateurs compétents. Le système selimite à offrir une formation professionnelleaccélérée aux jeunes ayant achevé uncursus scolaire de base. Les cours sontessentiellement théoriques, laissant peu deplace aux applications pratiques, et ils nemettent guère l’accent sur les principes debase de l’apprentissage ou sur lescompétences linguistiques. Affligés denombreuses carences, la plupart desinstituts de formation n’ont aucun lien avecles entreprises. En ce qui concerne laformation professionnelle dans le secteurprivé, Issa (2005) confirme que la majoritédes centres de formation sont contrôlés pardes associations et organismes d’aidesociale et que 80% d’entre eux secontentent d’offrir à des fins humanitairesune formation accélérée pour les adultessans qualifications ; en d’autres termes, laformation n’est pas nécessairement liée auxbesoins spécifiques du marché du travail.Près de 6% de ces centres de formationpréparent les apprentis de l’industrie, et 3%d’entre eux préparent à des métiers divers.Ceux-ci visent surtout les femmes (couture,tricot, broderie, art floral, cosmétologie,coiffure et travaux ménagers).

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4. LES INSTITUTIONS DES MARCHÉS DU TRAVAIL ET LES POLITIQUES DE L’EMPLOI

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Des efforts ont été entrepris dans certainspays de la région pour modifier lestendances à l’œuvre. Au Maroc,l’enseignement professionnel a connu unessor considérable au cours des deuxdernières décennies, après avoirlongtemps été à la traîne del’enseignement général et avoir étéconsidéré comme une solution de replisans gloire dans les familles et chez lesjeunes. Ce processus a démarré avec laréforme de l’EFP, considérée comme uncorollaire indispensable du processus derestructuration économique. L’approcheprivilégiant l’EFP est l’un des principauxfacteurs d’amélioration de l’interactionentre la formation et l’emploi et deréduction du chômage des jeunes28.Cependant, la formation professionnelle auMaroc souffre de trois faiblesses, qui enralentissent le développement : le faibleniveau de connaissance du français desapprenants29, l’insuffisante connaissancequ’ont les formateurs des réalitésprofessionnelles, l’implication inadéquatedes employeurs. Le secteur privé marocainest, de surcroît, dominé par de petitesentreprises informelles, ce qui ne contribuepas à la création de l’environnementprofessionnel nécessaire à une formationefficace.

La Tunisie a, depuis le début desannées 90, fait de la question de laformation professionnelle un volet crucialde sa politique de réforme de l’économie etde privatisation des entreprises publiques.Dans ce contexte, la formationprofessionnelle a figuré en bonne placedans le programme de modernisation lancéen 1996 pour améliorer la compétitivité desentreprises (avant son rattachement, en2002, au ministère correspondant).L’objectif est de remplacer et/oud’améliorer le niveau des établissementsd’enseignement et des centres des affaires

sociales associés. Les programmes deformation sont mis en œuvre par desacteurs publics et privés30. La capacité dusystème public d’éducation a été amélioréeau moyen de la création de centres exnovo ou de la restructurationd’établissements déjà en place, ainsi quepar la valorisation des ressourcesexistantes et, surtout, par une extension dela formation, en coopération avec lesentreprises. Ces mesures ont permis demultiplier par quatre le nombre des effectifsinscrits à une formation dans la périodeallant de 1995 à 2003.

La Jordanie est un autre pays qui aentrepris de réformer son système d’EFP.Son ministère de l’Éducation offre unegrande variété de programmes dans200 écoles secondaires. La Société deformation professionnelle propose desprogrammes d’apprentissage dans50 centres de formation professionnelle etl’université Al Balqa (Al Balqa AppliedUniversity) offre un enseignement et uneformation pratiques dans 28 centresuniversitaires publics et 25 collèges privés.Conçue à l’origine pour piloter la réformedes programmes nationaux de formationprofessionnelle, l’université Al Balqa estaujourd’hui absorbée par des problèmesde gestion universitaire et s’attache àsupplanter ses rivales en offrant deslicences courtes plutôt qu’une expertiseindustrielle. Chaque système pourvoyeuropère indépendamment, si bien qu’iln’existe pas de coordination efficace entreles programmes ou les qualifications offertsdans les différentes filières de formation.Par conséquent, le système d’EFPcontinue à être perçu comme une solutionéducative de seconde zone. Les troispourvoyeurs mentionnés plus haut ont encommun bien des défauts : par exemple,ils entretiennent un lien trop lâche avec lessecteurs professionnels ; ils sont dotés de

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28 Cette stratégie est définie dans la Charte nationale d’éducation et de formation, adoptée en 1999 et mise enœuvre à partir de 2000 (Bougroum, 2005).

29 Cette difficulté est due à la fracture linguistique qui sépare, au Maroc, le système d’enseignement général dusystème de formation professionnelle. L’enseignement dans ce dernier est essentiellement dispensé enfrançais alors que l’arabe est la langue utilisée dans le système d’enseignement général public. Des barrièreslinguistiques existent également dans certains domaines de l’enseignement supérieur (notamment pour lesdisciplines scientifiques et techniques).

30 L’Agence tunisienne de la formation professionnelle est le principal pourvoyeur de formation professionnelledans le secteur public et, pratiquement, le seul actif dans le secteur industriel. L’Agence de vulgarisation etde formation agricole, l’Office national du tourisme tunisien et les ministères de la Défense et de la Santépublique offrent également des programmes de formation professionnelle (Chemingui, 2005).

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systèmes de gestion rigides et par tropbureaucratiques ; et encore, leursprogrammes manquent de pertinence etd’adaptabilité.

À la lumière des considérations quiprécèdent et vu les défis à relever, toutprojet de réforme intéressant la régionMENA doit affronter deux questionsfondamentales et systémiques. En premierlieu, aucune vision d’ensemble susceptiblede guider et de coordonner les initiativesde réforme ne préside, au niveaugouvernemental, à l’organisation dessystèmes d’EFP. En second lieu, il existeun grand nombre de barrières systémiquespersistantes qui s’opposent à la créationd’un système d’EFP en prise sur lessecteurs d’activité économique, reposantsur la compétence, et à la fois réceptif etflexible. Au nombre de ces barrièresfigurent l’aspect diffus du modèleuniversitaire, les procéduresbureaucratiques de la fonction publique, lafaiblesse des structures des secteurséconomiques, le nombre croissant demicro-entreprises informelles, lacentralisation poussée des procéduresfinancières et l’absence de systèmes degestion des performances. Si cesproblèmes ne sont pas affrontés au niveausystémique, le succès des initiativesentreprises ne pourra qu’être limité et leschangements introduits auront une portéebien moindre.

Qui plus est, il serait opportun que desservices d’orientation professionnelle,composante essentielle de toute réforme,soient mis à la disposition de tous lesapprenants avant et après leur sortie dusystème d’éducation. En général, les choixde filières en matière d’éducation et deformation sont faits sur la base du prestige,des traditions familiales et de la proximitéde l’établissement scolaire. Si le parcoursd’études suivi ne les mènent pas à unemploi, la plupart des jeunes finissent partravailler dans des domaines qui n’ont rienà voir avec leur formation initiale (De Gobbiet Nesporova, 2005). Selon un rapport del’Agence des États-Unis pour ledéveloppement international (USAID,2003) portant sur les jeunes ayant reçuune bonne instruction aux Maroc, rienmoins que deux tiers des titulaires d’un

baccalauréat classique sont au chômage,et près d’un tiers des diplômésuniversitaires entreprennent une formationprofessionnelle pour acquérir descompétences pratiques, après avoir réaliséque leur diplôme ne leur ouvre pas lesportes du marché de l’emploi. Il est doncfondamental d’avoir une vision globale dusystème éducatif et de bien cerner le rôlequ’y jouent l’enseignement et la formationprofessionnels.

4.6 EN CONCLUSION

Le terme flexisécurité a tout d’abord étéemployé pour désigner une combinaisonréussie de flexibilité et de sécurité sur lemarché du travail, applicable surtout àcertains pays européens comme leDanemark ou les Pays-Bas. Le terme aensuite pris un sens plus large pourdésigner un certain type de marché dutravail en Europe (Commissioneuropéenne, 2006b). Aujourd’hui à la foisconcept et approche, la flexisécurité estconsidérée par un grand nombre d’expertscomme une réponse possible auxnouveaux défis auxquels sont confrontéesles sociétés contemporaines en matièred’emploi et sur le terrain social. Laflexisécurité repose sur un accord négociéentre le gouvernement et les partenairessociaux, visant à abaisser le niveau deprotection de l’emploi et à augmenterl’employabilité et la sécurité du travailleur,l’objectif ultime étant de favoriser lestransitions sur le marché du travail etd’encourager la mobilité des travailleurs.Bien qu’il se soit développé dans lecontexte historique et social spécifique del’Europe occidentale, le concept peutaisément être étendu à tous les pays entant qu’objectif politique à poursuivre. Lesdifférents niveaux d’équilibre entre laflexibilité et la sécurité peuvent êtreatteints, dans n’importe quel contexte local,par l’interaction entre les quatre élémentsclés de la flexisécurité : (a) des dispositionscontractuelles suffisamment flexibles ; (b)des politiques actives du marché dutravail ; (c) des systèmes crédiblesd’apprentissage tout au long de la vie ; et(d) des régimes modernes de sécuritésociale. Selon cette approche, chaquepays peut combiner ces quatre éléments,

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suivant ses propres nécessités, de façon àobtenir des politiques de types différents, àmettre en œuvre pour atteindre sesobjectifs.

Dans le cas des pays MENA, on relèvedes carences au niveau des quatrecomposantes considérées comme deséléments clés pour l’obtention d’unfonctionnement satisfaisant des marchésdu travail. Les dispositions contractuellesflexibles y sont en effet très répandues dufait de l’existence d’un vaste secteurinformel, mais celles-ci ne sont obtenuesqu’au prix du non respect de la loi et d’unamenuisement des droits des travailleurs,et en échange d’une haute protectionassurée uniquement à un petit groupe depersonnes. L’emploi informel peutaméliorer la situation du marché du travailen termes quantitatifs et fournir un revenuaux ménages démunis, mais dans laplupart des cas, il ne contribue à aucuneamélioration substantielle pour ce qui atrait à la productivité de l’emploi ou auxperspectives d’avenir. La majorité destravailleurs sont, ou continuent à être,hors de la portée des interventionspubliques. Ce qui nous amène à un autreélément crucial qui affecte négativementtoute la région MENA : l’absence d’unrevenu de soutien adéquat pour leschômeurs pauvres. Les régimes desécurité sociale tendent à subventionnerdes segments plus aisés de la populationmais ils nient tout avantage social auxmembres les plus défavorisés de la

société et ne sont pas en mesured’assurer de meilleures transitions sur lemarché du travail ou de meilleuresaffectations de la main-d’œuvre.

Un changement doit être impulsé dans lespolitiques afin que les besoins des membresles plus démunis de la société soient pris enconsidération ; ce changement devrait setraduire par une amélioration de l’aide auréemploi fournie par les services publics del’emploi, par un élargissement de l’accèsaux programmes actifs du marché du travailet aux systèmes de formationprofessionnelle tout au long du cycle de viedes groupes cibles. Des politiques activesdu marché du travail et des programmes deformation destinés aux plus démunispeuvent permettre à ces personnes de sortirde leur pauvreté et contribuer ainsi à laréduction de l’emploi informel. Le rôle queles institutions et tous les autres acteurs dumarché du travail sont appelés à jouer dansla mise au point comme dans la mise enœuvre de toute nouvelle politique estimportant (sont en particulier nécessairesdes agences de mise en œuvre efficaces,un dialogue social approfondi, tout commedes instituts de recherche indépendantspour assurer le suivi des résultats). De tellesmesures demanderont toutefois, aupréalable, un renforcement notable descapacités des institutions et des acteursimpliqués. L’ensemble du processus devra,de surcroît, être soutenu par uneamélioration des conditionsmacroéconomiques dans la région.

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5. LES PERSPECTIVES DERÉFORME DES MARCHÉS DUTRAVAIL

Le présent rapport s’est concentré surcertaines questions ayant trait aufonctionnement des marchés du travaildans la région MENA. Procédant à unrapide examen des indicateurs clés desmarchés du travail, il a identifié un certainnombre de problèmes tels que la faiblessedu taux de participation de la force detravail et du taux d’emploi (en particulierpour les femmes et pour les jeunes),l’étroitesse de l’accès aux « bons » emploiset la forte expansion de l’emploi informelqui en résulte, ainsi que la mobilitérestreinte entre les différents segments dumarché du travail. La conviction acquiseest que, dans l’ensemble, les marchés dutravail dans la région MENA ne procèdentpas à une affectation optimale desressources humaines – condition pourtantfondamentale pour le succès de toutepolitique visant à développer l’emploi et àpromouvoir la croissance économique. Laconclusion qui découle des considérationsqui précèdent est que, au-delà des défisqui restent à relever pour améliorer laqualité des systèmes d’éducation et de

formation, des réformes structurelles,globales et intégrées, s’imposent sur lesmarchés du travail de la région MENA.

Devant la nécessité urgente de trouver unremède au problème croissant duchômage, les appels au changement sesont multipliés dans la région pour faireplace, à partir du début des années 90, àl’affirmation d’une volonté politiqueclairement exprimée de réformer lesmarchés du travail. Le chômage desjeunes, en particulier, a poussé lesgouvernements à prendre des mesuresd’urgence. Au début des années 2000,certains pays de la région ont explicitemententrepris de mettre en place des stratégiesde réforme plus spécifiques, par exemple,pour affronter le problème du tauxcroissant de chômage (en particulier chezles jeunes) ou encore, dans uneperspective à moyen ou long terme, en vuede restructurer leur marché du travail defaçon à permettre l’émergence d’unsecteur privé productif, en mesure de jouerun rôle central dans la création d’emplois.

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La mise en œuvre de réformes ayant pourobjectif la réduction du secteur public et ledéveloppement du secteur privé formelcomporte l’adoption de mesures touchant àplusieurs aspects du systèmemacroéconomique, telles que le recours àune politique de déréglementation(privatisation) pour promouvoir l’expansiondu secteur privé, la modernisation desentreprises et de l’administration publiqueou encore la révision des cadres juridiqueset réglementaires (régimes fiscaux etlégaux, code de la famille, régime dutravail, etc.). Lors des processus derestructuration économique, les réformesdoivent être conduites simultanément surplusieurs fronts. La coordination avec lesautres politiques économiques et sociales(en ce qui concerne, notamment, lecontrôle des flux de capitaux, lesdispositions législatives relatives auxentreprises et aux investissements, lesinfrastructures pour l’énergie et letransport, le régime de sécurité sociale)revêt une importance cruciale pour lesuccès de la réforme des marchés dutravail. Les programmes d’ajustementstructurel, par exemple, doivent êtreconçus de façon à avoir un impact sur lechômage, et les mesures incitatives àl’investissement et les exemptions d’impôtdevront avoir un lien avec l’emploi. Uneaction publique d’une telle nature aura desimplications considérables à long termepour les structures sociales et pour l’emploides pays en question.

Plusieurs initiatives de réforme sont déjà àl’œuvre dans la région ; elles visent àaméliorer les cadres juridiques,administratifs et institutionnels quirégissent les marchés du travail, et àfavoriser les partenariats entre les partiesprenantes les plus importantes. Desinitiatives ont été prises, par exemple, dansdivers pays, pour réformer la législation dumarché du travail et moderniser lesservices publics de l’emploi. Pour ce quiest de l’offre, dans le cadre des processusde réforme, les secteurs de l’enseignementet de la formation ont lancé un certainnombre de programmes – pour la plupartfinancés par des bailleurs de fondsinternationaux – concernant les domainesde l’enseignement primaire, secondaire,professionnel et supérieur, visant à

répondre à la nécessité de relever leniveau des performances éducatives etd’accroître l’utilité et la qualité del’enseignement. Ces programmess’attachent en priorité à mettre en œuvredes stratégies privilégiant un enseignementet une formation axés sur l’emploi,attentives aux nécessités du marché dutravail, soucieuses d’impliquer les partiesprenantes, d’instituer un dialogue social,d’améliorer la gouvernance et dedévelopper des capacités institutionnellespour l’élaboration des politiques etl’adoption des décisions, et enfind’accroître et de diversifier les sources definancement.

Dans le cadre de son programme globalMANFORME, lancé en 1995, la Tunisie amis au point un ambitieux projet, encoopération avec les partenaires sociaux,pour relever le niveau des services deformation et accroître l’employabilité destravailleurs. La formation professionnelleaxée sur la valorisation des ressourceshumaines est considérée par la Tunisiecomme un facteur clé d’intégration dansl’économie mondiale. Au cours de lapremière décennie, le processus deréforme s’est concentré sur la mise enplace d’infrastructures et, en particulier, surla création ou restructuration de centres deformation, la mise en œuvre de principesde partenariats, le développement deprogrammes de formation et l’adoption deprincipes de qualité. Cette phased’investissements a été largementconsolidée, quoique certains financementsstructurels restent encore à effectuer. Lesprincipaux bailleurs de fonds internationauxsont : la Banque mondiale (avec un prêt de60 millions de dollars américains), l’Agencefrançaise de développement (72 millionsd’euros), l’UE (45 millions d’euros), et leFonds arabe pour le développementéconomique et social (11 millions de dinarskoweïtiens). L’UE a alloué 6 millionsd’euros supplémentaires pour la créationd’emplois et 30 millions d’euros pour unsoutien sectoriel à l’enseignement et à laformation pour la période allant de 2005 à2008 (Commission européenne, 2005).Dans le cadre du programmeMANFORME, la communautéinternationale des bailleurs de fonds afinancé divers projets liés aux politiques de

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l’emploi, la restructuration des services del’emploi offerte par l’Agence nationale del’emploi et du travail indépendant, desmesures en faveur du travail indépendantet des programmes de formationprofessionnelle ciblant différents groupes.

D’après une évaluation d’un projet surl’emploi effectuée en Tunisie par l’Agencesuédoise de coopération audéveloppement international (Oxenstierna,2001), un service d’emploi basé sur lestechnologies de l’information et de lacommunication et sur des modules deformation pour le personnel comme pourles demandeurs d’emploi, s’est révélé plusfacile à adapter aux conditions locales. Ungrand nombre de bureaux pour l’emploi ontété modernisés au cours des dernièresannées et ont, par conséquent, gagné enefficacité, inscrivant à leur actif un nombreaccru d’offres traitées et de demandeursd’emploi assistés ou formés. Cependant, lemodèle de direction des agences d’État,reposant sur une culture et un niveau dedéveloppement économique différents,s’est révélé quelque peu centralisé ethiérarchisé, ce qui présente l’avantaged’en faciliter la mise en place mais a poureffet de rendre difficiles la délégation deresponsabilités et le travail en équipe. Lesbureaux locaux ont peu d’indépendancepar rapport à l’office central (y compris ence qui concerne le recrutement dupersonnel local) et les tâchesadministratives absorbent une quantité detemps considérable.

En Jordanie des programmes de réformessimilaires ont été mis en œuvre – encorequ’avec une approche moins globale et plusmodeste – avec le soutien de bailleurs defonds internationaux. Par exemple, le projetAl-Manar, financé par l’Agence canadiennepour le développement international, a pourobjectifs prioritaires la création de bases dedonnées collectant des informations sur lemarché du travail, d’une bourse du travailélectronique ainsi que l’institution deservices d’orientation professionnelle. Encoopération avec la Zone économiqued’Aqaba, Al-Manar a mis en place le Centrede promotion de l’emploi, conçu comme uneplaque tournante modèle entre lesdemandeurs d’emploi et les employeursdans la région. Un autre projet intitulé

Réforme de l’éducation pour une économiede la connaissance (ERfKE-1) se proposede transformer le système éducatif de laJordanie aux niveaux de la maternelle, duprimaire et du secondaire, de façon à ceque les élèves soient dotés, à la fin de leurscolarité, des qualifications indispensables àleur intégration dans l’économie de laconnaissance. Cet ambitieux projet,mobilisant 380 millions de dollarsaméricains, est financé par neuf partenairesinternationaux, et en premier lieu, par laBanque mondiale (dont la contributions’élève à 120 millions de dollarsaméricains) ; les autres bailleurs de fondssont : le Fonds arabe pour ledéveloppement économique et social,l’Agence canadienne pour ledéveloppement international, leDépartement britannique pour ledéveloppement international, KreditanstaltfUir Wiederaufbau, la Banque européenned’investissement, la Banque dedéveloppement islamique, l’Agence decoopération internationale du Japon etl’Agence des États-Unis pour ledéveloppement international. La Banquemondiale finance également un projet deréforme de l’éducation qui se focalise surl’enseignement supérieur, tandis que l’OITaccorde son soutien à des projets axés surle dialogue social et sur la prévention dutravail des enfants.

En Égypte, un certain nombre deprogrammes de réforme ayant trait aumarché du travail et à la formation sontégalement en cours de réalisation. Lesprincipaux bailleurs de fonds sont l’UE et laBanque mondiale. Tous les programmescomportent une intervention directe sur lemarché du travail, dans la mesure où ilssont axés sur la formation professionnelle,l’information relative au marché du travail,le soutien aux PME, etc. L’UE finance unvaste projet d’EFP, comportant uneallocation de 33 millions d’euros, unprogramme de développement du secteurprivé d’une valeur de 45 millions d’euros, etun programme de modernisationindustrielle mobilisant 250 millions d’euros.Un programme de soutien au secteur de lafilature et du tissage, d’une valeur de80 millions d’euros, vise à restructurer lesecteur public et affronte la question des30 000 travailleurs excédentaires. La

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5. LES PERSPECTIVES DE RÉFORME DES MARCHÉS DU TRAVAIL

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Banque mondiale finance, pour sa part,des projets de développement desqualifications, avec un prêt de 5,5 millionsde dollars américains, et l’Agencecanadienne pour le développementinternational apporte son soutien à unprogramme de réforme des systèmesd’information sur le marché du travail etdes services de l’emploi en déboursant unesomme de 5 millions de dollars canadiens.L’initiative Mubarak-Kohl est un autre projetfinancé par des bailleurs de fonds, qui meten œuvre une double approche alliantenseignement et pratique professionnellepour assurer un apprentissage à desélèves du secondaire. Bien que la mise enœuvre du projet ait permis d’enregistrerune des expériences jugées les plusréussies dans le domaine, la portée del’initiative reste limitée, celle-ci ayantsurtout abouti à la création d’un îlotd’excellence.

Au Maroc, des projets en faveur de lacréation d’emplois et des programmesdéveloppant une formation sur le lieu detravail ont été financés par la Banquemondiale (prêt de 51 millions de dollarsaméricains). D’autres projets de créationd’emplois et de formation professionnellefocalisée sur les nécessités du marché dutravail ont reçu le soutien de l’Agence desÉtats-Unis pour le développementinternational (allocation de 9 millions dedollars américains). L’UE a, pour sa part,appuyé des initiatives de formationtechnique et professionnelle (subventionde 38 millions d’euros) et des projets decréation d’emplois (3,3 millions d’euros).Des fonds français et belges ont permis lamise en œuvre de projets de formationprofessionnelle (respectivement 15 et30 millions d’euros), de même qu’unesubvention japonaise a permis de mettreen place un institut de formationprofessionnelle. Pour l’avenir, lesprincipaux programmes de coopérationinternationale qui devraient être mis enœuvre sont le programme MEDA II EFPciblant le textile, le tourisme, et lesnouvelles technologies de l’information etde la communication (comportant uneallocation de 50 millions d’euros), le projetallemand d’assistance technique pour laformation professionnelle (5 millionsd’euros), ainsi que des initiatives de suivi

financées par les fonds français et belges(aide de 5 millions d’euros au total), et lesactions d’aide à la valorisation descompétences de l’Agence canadienne pourle développement international (subventionde 10 millions de dollars canadiens).

Au Liban, le souci primordial des bailleursde fonds (UE comprise), au lendemain dela guerre civile, a été d’entreprendre lareconstruction des infrastructureséducatives. L’UE soutient ledéveloppement des PME par le biais deses programmes MEDA I et MEDA II. Dansle cadre de MEDA I, le gouvernementlibanais a reçu des subventions pour unmontant total de 166 millions d’euros dansla période comprise entre 1996 et 2001.Seulement deux initiatives étaient liées àl’emploi : un programme de modernisationde l’industrie (allocation de 11 millionsd’euros) et un programme de soutien à lacréation des petites entreprises et desmicro-entreprises (12 millions d’euros). Lesprojets de développement rural (10 millionsd’euros) conçus dans le cadre de MEDA II,ont un impact direct sur l’emploi, de mêmeque les actions envisagées dans le cadredu programme Tempus visantl’enseignement supérieur (3 millionsd’euros) et les actions intégrées de soutienaux PME (17 millions d’euros).L’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et laFrance sont les États membres de l’UE lesplus activement engagés au Liban dans lesdifférents programmes liés à la formationprofessionnelle, ciblant des groupesspéciaux par l’intermédiaire des ONG.

Cette revue des initiatives de réformes àl’œuvre dans les pays MENA nous permetde conclure à l’existence d’au moins deuxfacteurs positifs dans la perspective d’unegénéralisation des réformes des marchésdu travail dans la région. Le premier est laconscience, largement répandue dans cespays, de la nécessité urgente de trouver unremède au problème du chômage (toutparticulièrement celui qui frappe lesjeunes), qui s’accompagne d’une fortepression exercée sur les pouvoirs publicsafin qu’ils prennent des mesures pourenrayer les conséquences sociales etpolitiques de ce chômage. Ce premierfacteur a conduit à l’adoption d’initiativescomme l’élaboration d’une stratégie

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nationale de l’emploi, la réorganisation desservices publics de l’emploi,l’assouplissement de la réglementation dutravail, la mise en œuvre de mesuresactives des marchés du travail, lerenforcement de l’adéquation dessystèmes d’enseignement et de formationet l’amélioration de leur qualité. La prioritédonnée à chaque facteur (y compris lasécurité sociale) par ces processus deréforme varie grandement d’un pays àl’autre, en fonction des conditions locales.Néanmoins, cet environnement politiquefavorable aide les groupes d’intérêt et leslobbies partisans d’une réduction dusecteur public et d’une extension dusecteur privé (hommes politiques libérauxet associations d’employeurs) à faire valoirleur cause en faveur d’un calendrier deréformes plus vaste.

Le deuxième facteur favorable est ladisponibilité de bailleurs de fondsinternationaux désireux de fournir uneassistance financière et technique ; ceux-cicontribuent de façon notable à impulser lechangement et à renforcer l’action desacteurs locaux adeptes du changement. Vules maigres budgets des États de la régionMENA, l’apport des bailleurs de fonds serévèle une contribution fondamentale à larénovation des institutions du marché dutravail, des services de l’emploi et dessystèmes d’EFP. Dans la plupart des cas,les réformes ont été promues etencouragées par des bailleurs de fondstels que la Banque mondiale, l’UE, l’OIT, leProgramme des Nations Unies pour ledéveloppement et par les organismesnationaux d’aide au développement31. Lebref aperçu des initiatives à l’œuvreprésenté plus haut montre bien que lesbailleurs de fonds jouent un rôlefondamental dans l’introduction deprogrammes de réformes dans la régionMENA. Les bailleurs de fonds ont mobiliséune grande quantité de fonds et d’expertiseen faveur des réformes des marchés dutravail et de la formation, en accord avec ledegré de coopération politique existantdans chaque pays. Si toutefois lacommunauté des bailleurs de fonds s’estmontrée généreuse sur le plan financier,elle s’est aussi montrée ambitieuse dansl’établissement de ses objectifs, s’attaquant

à des réformes systémiques (Tunisie,Maroc, Jordanie) ou complétant desstratégies nationales (Tunisie).

Selon les premières évaluations, lesrésultats sont modestes pour ce qui est dela traduction des initiatives pilotes entransformations systémiques. Bien que laplupart des projets soient considéréscomme des réussites, leurs effets à longterme sur l’ensemble du système restent àdéterminer. Un grand nombre de cesprojets ont créé des îlots d’excellence sansavoir encore abouti à des changementssystémiques. Plusieurs raisons peuventexpliquer ces résultats. Dans bien des cas,les ressources financières ne sont passuffisantes pour impulser unerestructuration en profondeur del’économie et les projets financés par lesbailleurs de fonds ne sont pasfinancièrement soutenables. Lesgouvernements en question ne disposentpas encore des ressources financières – etpas plus des ressources humainesqualifiées – nécessaires à la mise enœuvre d’un programme de réformes, et ilsne sont pas prêts à mettre à risque leurpopularité en introduisant les mesures« difficiles » nécessaires à la réalisation deréformes en profondeur, dont les résultatsne peuvent être vus qu’à long terme. Deplus, les programmes financés par lesbailleurs de fonds ne parviennent pastoujours à assurer une ample diffusion desrésultats des projets à l’ensemble dessystèmes. Enfin, les performanceséconomiques des pays MENA n’ont pasété très prometteuses au cours desdernières décennies.

La faiblesse des capacités institutionnellesdans la région limite sérieusement le tauxd’absorption par les organismes publicsdes aides financières et techniques misesà disposition par les bailleurs de fonds. Lapolitique publique a été définie et mise enœuvre sans coordination pendant silongtemps que certains acteurs locaux nesont pas en mesure de s’acquitter de leursnouvelles fonctions. L’implication effectived’un grand nombre d’acteurs (ministères,entreprises, ensemble des citoyens) auxniveaux national et local, revêt uneimportance fondamentale pour le succès

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5. LES PERSPECTIVES DE RÉFORME DES MARCHÉS DU TRAVAIL

31 En particulier: l’USAID, l’ACDI, l’AFD, l’ASDI, le FSP, la BEI, la GTZ, le DFID, l’AJCI, la KfW, etc.

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des initiatives. Les institutions ne sont pasencore équipées des ressources humaineset matérielles nécessaires pour pouvoirs’acquitter des tâches requises (c’est lecas, par exemple, de la plupart desservices publics pour l’emploi et desinspections du travail). Les différentesinitiatives prévues dans le cadre desprogrammes financés par les bailleurs defonds sont parfois mises en œuvre sansaucun dialogue ni aucune coordination ousynergie avec les institutions, ne serait-ceque dans un seul domaine, si bien que lesapproches interdisciplinaires sontextrêmement rares ; l’Égypte et le Libanoffrent des exemples significatifsd’initiatives qui se chevauchent ou dechangements introduits suivant uneapproche fragmentaire. Le manque decoordination entre les agences financéespar des bailleurs de fonds poursuivant desprogrammes différents a également affecténégativement le processus de réforme.Enfin, dernière ombre au tableau mais paspour autant négligeable, la majorité despays n’ont pas une connaissance objectivede la situation qu’ils traversent et/ou unestratégie globale de réforme à l’échelonnational favorisant l’élaboration et la miseen œuvre d’une politique éclairée. Il enrésulte que les projets financés par lesbailleurs de fonds tendent à rester isolésdes politiques nationales et de la pratiquequotidienne des institutions locales.

Les options politiques importées d’autrespays jouent un rôle également important.Une phase de changement systémiqueexpérimentale (impliquant des programmeset des projets innovants) est d’une utilitécruciale vu que la plupart des mesuresadoptées ont été inspirées par desexpériences menées dans le mondedéveloppé. Par définition, celles-ci partentdu principe que l’on a affaire à un secteurprivé bien développé, à des partenairessociaux solides, à des administrationspubliques efficaces et à un système deprotection sociale accessible à tous –toutes conditions qui sont bien éloignéesde la réalité des pays de la région MENA.Les effets de certaines mesures adoptéesdans un contexte précis peuvent être biendifférents quand on les applique à d’autrescontextes, de sorte qu’il est nécessaired’adapter les mesures aux conditions

locales, tout particulièrement dans lescontextes où les acteurs locaux sontorganisés en réseaux. En effet, les acteurslocaux appartiennent souvent à un mêmeréseau régi par des relationsinterpersonnelles et peuvent agir commeune coalition afin de protéger leurs intérêts.L’importance accordée par les pouvoirspublics à la réalisation d’objectifsquantitatifs, lors de la mise en œuvre desprojets, peut également amener les acteurslocaux à se plier à la logique du nombre audétriment de la qualité ; une telle dérivepeut, en fin de compte, avoir pour effet desaper la crédibilité de toute interventionpublique.

Tout changement imprimé au marché dutravail, tout processus de réforme entrepristend à susciter une résistance ou uneopposition de la part de ceux qui sesentent menacés par les transformationsannoncées. Par définition, les réformesportent atteinte à des intérêts personnelsau sein des structures du pouvoir etentraînent inévitablement des pertes oudes profits, d’une nature ou d’une autre. Laquestion est de déterminer jusqu’où cesréformes peuvent aller sans provoquer deréactions extrêmes qui pourraient êtrefatales à leur poursuite même. Pourcertains auteurs, l’insuffisance desressources financières et des difficultés denature socioculturelle ou institutionnellesont les principaux obstacles quis’opposent à la modernisation dessystèmes. Contrairement à l’adaptation auprogrès technique et aux innovationstechnologiques, qui se fait rapidement, leschangements d’attitude et de mentalitétendent à être extrêmement lents. La miseen œuvre et le suivi d’un processus dechangement dans certains contextessocioculturels et politiques sont des tâchescomplexes et ne peuvent être assorties derésultats positifs que s’il y a une cohérenceentre le soutien politique, les ressourcesfinancières et humaines et les valeurssociales.

Dans la région MENA, des phénomènesculturels et des attitudes au travailspécifiques compliquent la mise en œuvredes réformes. Selon De Gobbi etNesporova (2005), en Égypte par exemple,les pratiques de favoritisme dans le

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recrutement sont très répandues et lamobilité géographique et sociale est trèsréduite. Du fait de l’importance que revêttraditionnellement le réseau étendu desparents et des amis, les postes vacants,dans l’économie formelle (secteurs publicet privé) aussi bien qu’informelle, sontpourvus par des membres de la famille oudes amis des salariés en place. Si une tellepratique peut générer un sentiment deloyauté envers l’employeur, elle conduit,cependant, bien évidemment, à desdiscordances entre l’offre et la demande dequalifications et entrave sérieusement lerecrutement au mérite. Dans cesconditions, trouver un premier emploi sansavoir de relations devient particulièrementdifficile. De plus, le statut est un élémentqui influence l’entrée sur le marché dutravail, celle surtout des jeunes dotés d’unbon niveau d’instruction et ayant degrandes aspirations professionnelles. Lestatut personnel et familial est étroitementassocié au statut de l’emploi, à telleenseigne qu’il est parfois préférable d’êtresans emploi plutôt que d’avoir un emploipeu prestigieux. Ainsi, un emploi urbainjouit d’une plus haute considération qu’unemploi rural, et un poste d’employé debureau est préférable à un travail d’ouvrier.

La restructuration des appareils deproduction du secteur privé peutindubitablement contribuer à surmontercertains de ces problèmes. La créationpour les entreprises d’un environnementrégi par une concurrence loyale et par larègle de droit (mettant l’accent sur uneproductivité et une rentabilité plus élevées)et la réforme des systèmes monétaires etfinanciers sont des étapes importantesvers la mise en place d’une économie demarché efficace. Le secteur public ne peutpas continuer à être la seule sourced’emplois décents ; le secteur privé doit, luiaussi, assumer ses responsabilités. Lesentrepreneurs privés tendent largement àasseoir leur compétitivité sur la faiblessedes coûts de la main-d’œuvre plutôt quesur la qualité élevée de leurs produits et nepeuvent ainsi offrir que des emploisinformels et/ou des conditions de travaildélétères, qui ne sont pas conformes auxnormes juridiques minimales (salaireminimum garanti, sécurité sociale, horairede travail raisonnable, etc.). Cette attitude

constitue un obstacle à la transition versune économie de marché. Par conséquent,les réformes concernant les marchés dutravail doivent être le volet d’un programmeglobal de réformes structurelles quisoutiennent la croissance économique,promeuvent la création d’emplois décentset étendent à tous les groupes sociaux lespossibilités d’accès à l’emploi etd’acquisition de qualifications.

Pour finir, la rationalisation de l’emploidans le secteur public (par une réductionen volume et par une restructuration)s’annonce un problème des plus épineux.Exception faite pour le Liban, dont lesecteur public a toujours été de taillenégligeable, les pays MENA ont, de parleur tradition, un secteur public important,situation qui a grandement affecté leuréconomie et leur marché du travail.L’existence d’administrations publiques derelativement grandes dimensions, régiespar de plus avantageux statuts defonctionnaires (ou de personnel assimilé)produit des distorsions sur le marché dutravail. Les postes de travail du secteurpublic sont attractifs non seulement pour lasécurité de l’emploi, les bonnes conditionsde travail, les généreuses retraites et lesdivers autres avantages qu’ils offrent maiségalement parce qu’ils jouissent d’unebonne image (emploi de col blanc, enmilieu urbain, non pénible et plusprestigieux). Bien que les salaires dusecteur public et les avantages qui s’yrattachent décroissent, en valeur nominaleet réelle, ils continuent à exercer leurattrait, surtout auprès des travailleurs lesmoins ambitieux. En dehors de l’effetd’érosion exercé par ces emploisprivilégiés sur l’éthique du travail, l’absencede comptes à rendre ou d’évaluations liéesaux performances dans le secteur publicplace la barre artificiellement haut en cequi concerne les attentes des demandeursd’emploi. Si bien que les groupes qui tirentdirectement avantage du secteur public (àsavoir, le gouvernement et la bureaucratiedu parti dominant) peuvent être considéréscomme un obstacle majeur aux réformes.

La résistance opposée aux réformes parles travailleurs du secteur public et par lesdemandeurs d’emploi diplômés, rendpratiquement impossible la mise en place

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5. LES PERSPECTIVES DE RÉFORME DES MARCHÉS DU TRAVAIL

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d’un processus de réformes. Le chômagedes diplômés signifie la perte d’uninvestissement économique dansl’éducation et encourage un exode descerveaux par la migration. Cependant,l’attitude sceptique adoptée par un grandnombre de diplômés sans emploi qui,renonçant à toute perspective de carrièredans le secteur privé, s’obstinent à fairevaloir leur droit d’accès à un emploi public,comme au Maroc, crée des doutes sur laviabilité de l’action publique. Il est aussisignificatif de la profonde méfiance àl’égard des régimes politiques. Les

difficultés dans la mise en œuvre deréformes structurelles de grande envergurepourraient être partiellement liées à unmanque de consensus social et à laprofonde crise que traversent les systèmespolitiques de la région. Comme proposépar certains auteurs (Yousef, 2004 ;Banque mondiale, 2004), un nouveaucontrat social, basé sur une révision desdroits et des responsabilités des individuset de l’État pourrait être la conditionpréalable indispensable à toute réformeglobale.

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ACRONYMES

EFP Enseignement et formation professionnels

ETF Fondation européenne pour la formation (European Training Foundation)

FIAP Fonds d'insertion et d'adaptation professionnelle

MANFORME Mise à niveau de la formation professionnelle et de l’emploi

MENA Moyen-Orient et Afrique du Nord (Middle East and North Africa)

OIT Organisation internationale du travail

ONG Organisation non gouvernementale

PIB Produit intérieur brut

PME Petites et moyennes entreprises

SEDO Organisation pour le développement des petites entreprises(Small Enterprise Development Organisation)

UE Union européenne

UGTT Union générale des travailleurs tunisiens

UTAP Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche

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FONDATION EUROPÉENNE POUR LAFORMATION

LES RÉFORMES DES POLITIQUES DEL’EMPLOI AU MOYEN-ORIENT ET ENAFRIQUE DU NORD

Luxembourg : Office des publications officiellesdes Communautés européennes

2007 – 84 pp. – 21.0 x 29.7 cm

ISBN : 978-92-9157-543-5

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