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  1 LES ROMS ET LEUR HISTOIRE Définition Le terme « Rom » signifie « homme accompli et marié au sein de la communauté ». Cette expression a été adoptée par l'Union romani internationale (IRU) lors du premier Congrès international des Roms (Londres, 1971) qui a revendiqué le droit légitime de ce peuple à être reconnu en tant que tel, et officialisa la dénomination « Roms ». Il désigne un ensemble de populations, ayant en commun une origine indienne, dont les langues initiales sont originaires du nord-ouest du sous-continent indien et constituant des minorités vivant entre l'Inde et l'Atlantique ainsi que sur l e continent américain. Présentes en Europe dès le XIe siècle, elles y forment au XXIe siècle la minorité « la plus importante en termes numériques ». En français, on peut désigner les Roms par d'autres mots, comme ceux de Gitans, de Tsiganes (ou Tziganes), de Manouches , de Romanichels, de Bohémiens, de Sintis. Beaucoup de Roms se désignent par les noms rom (masculin), romni (féminin), roma (masculin pluriel), romnia (féminin pluriel) qui signifient « hommes et femmes mariés et parents faisant partie d'un groupe de voyageurs, Gitans ou Tsiganes », par opposition à gadjo (masculin), gadji (féminin) et gadjé  (masculin pluriel), qui désignent tous les individus étrangers à la population rom. Les Gitans de la péninsule ibérique disent  payo (masculin),  paya (féminin),  payos (masculin pluriel) à la place de gadjo, gadgi  et gadjé , que les Gitans français désignent aussi avec les mots  paysan et paysanne Population Il est difficile de définir avec précision des critères d'appartenance et le nombre exact des  Roms car comme pour la plupart des minorités, les nombreuses unions mixtes avec des non-  Rom, la sédentarisation (seulement 2 % d’entre eux sont du voyage en Europe) et l'acculturation (ou intégration, selon les points de vue) progressent à grande vitesse. Des estimations laissent à penser qu'il y a approximativemen t 8 à 10 millions de Roms dans le monde. Entre 7 et 10 millions vivent en Europe. Les plus grandes concentrations de Roms se trouvent dans les Balkans, en Europe centrale et de l'Est, aux États-Unis, et en Amérique du Sud. De plus petits groupes vivent dans l'Ouest et le Nord de l'Europe, au Moyen-Orient, et en Afrique du Nord. Les pays où les populations roms dépassent le demi-million sont la Roumanie, la Bulgarie (un point qui a agité certains esprits avant l'intégration de ces pays dans la Communauté européenne), les pays de l'ex-Yougoslavie, l'Espagne, les États-Unis, la Hongrie, la Turquie, le Brésil et l'Argentine. Les Roms sont nombreux aussi en République tchèque et en Slovaquie. Il y aurait actuellement en France entre 350 000 à 500 000 Roms, dont la quasi totalité est de nationalité française.

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    LES ROMS ET LEUR HISTOIRE Dfinition Le terme Rom signifie homme accompli et mari au sein de la communaut . Cette expression a t adopte par l'Union romani internationale (IRU) lors du premier Congrs international des Roms (Londres, 1971) qui a revendiqu le droit lgitime de ce peuple tre reconnu en tant que tel, et officialisa la dnomination Roms . Il dsigne un ensemble de populations, ayant en commun une origine indienne, dont les langues initiales sont originaires du nord-ouest du sous-continent indien et constituant des minorits vivant entre l'Inde et l'Atlantique ainsi que sur le continent amricain. Prsentes en Europe ds le XIe sicle, elles y forment au XXIe sicle la minorit la plus importante en termes numriques . En franais, on peut dsigner les Roms par d'autres mots, comme ceux de Gitans, de Tsiganes (ou Tziganes), de Manouches, de Romanichels, de Bohmiens, de Sintis. Beaucoup de Roms se dsignent par les noms rom (masculin), romni (fminin), roma (masculin pluriel), romnia (fminin pluriel) qui signifient hommes et femmes maris et parents faisant partie d'un groupe de voyageurs, Gitans ou Tsiganes , par opposition gadjo (masculin), gadji (fminin) et gadj (masculin pluriel), qui dsignent tous les individus trangers la population rom. Les Gitans de la pninsule ibrique disent payo (masculin), paya (fminin), payos (masculin pluriel) la place de gadjo, gadgi et gadj, que les Gitans franais dsignent aussi avec les mots paysan et paysanne Population Il est difficile de dfinir avec prcision des critres d'appartenance et le nombre exact des Roms car comme pour la plupart des minorits, les nombreuses unions mixtes avec des non-Rom, la sdentarisation (seulement 2 % dentre eux sont du voyage en Europe) et l'acculturation (ou intgration, selon les points de vue) progressent grande vitesse. Des estimations laissent penser qu'il y a approximativement 8 10 millions de Roms dans le monde. Entre 7 et 10 millions vivent en Europe. Les plus grandes concentrations de Roms se trouvent dans les Balkans, en Europe centrale et de l'Est, aux tats-Unis, et en Amrique du Sud. De plus petits groupes vivent dans l'Ouest et le Nord de l'Europe, au Moyen-Orient, et en Afrique du Nord. Les pays o les populations roms dpassent le demi-million sont la Roumanie, la Bulgarie (un point qui a agit certains esprits avant l'intgration de ces pays dans la Communaut europenne), les pays de l'ex-Yougoslavie, l'Espagne, les tats-Unis, la Hongrie, la Turquie, le Brsil et l'Argentine. Les Roms sont nombreux aussi en Rpublique tchque et en Slovaquie. Il y aurait actuellement en France entre 350 000 500 000 Roms, dont la quasi totalit est de nationalit franaise.

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    Emploi D'aprs une enqute publie en 2007 par l'European Roma Right Center sur l'exclusion des Roms du march de l'emploi en Bulgarie, Rpublique Tchque, Hongrie, Roumanie, et Slovaquie, 35 % d'entre eux se dfinissent comme des ouvriers non-qualifis, 27 % comme des ouvriers qualifis, 18 % dclarent travailler dans le nettoyage. Seuls 2 % des Roms ont une profession librale ou sont cadres. 61 % des Roms interrogs lors de l'enqute taient sans emploi Religions On a suggr que, lorqu'ils taient encore en Inde, les Roms taient hindouistes ; le mot romani pour croix , trushul, est le mme mot que le sanskrit triula qui dsigne le trident de Shiva. Mais vu le statut que l'hindouisme leur rservait, leurs pratiques, l'arrive en Europe, s'apparentaient davantage au chamanisme initial de leurs protecteurs Tatars et la divination. Les Roms ont souvent adopt la religion dominante du pays o ils se trouvaient, en gardant toutefois leur systme spcial de croyances. La plupart des Roms sont catholiques, protestants, orthodoxes ou musulmans. Ceux qui se trouvent en Europe de l'Ouest ou aux tats-Unis sont soit catholiques, soit protestants. En Amrique latine, beaucoup ont gard leur religion europenne : la plupart sont orthodoxes. En Turquie, en gypte et dans le sud des Balkans, ils sont souvent musulmans. La religion rom a dvelopp un sens aigu de la moralit, des interdits, et du surnaturel, bien que ce dernier soit souvent dnigr par les religions organises. Dans les Balkans, saint Georges de Lydda est commmor le 6 mai lors de la fte que les Roms appellent Ederlezi qui marque le printemps. La culture artistique Les Roms sont connus pour tre d'excellents musiciens et danseurs. En Espagne, ils ont influenc le flamenco et ils sont devenus les protagonistes de ce genre. Dans la plupart des pays d'Europe centrale et orientale (Hongrie, Bulgarie, Serbie, Macdoine, Roumanie, Rpublique tchque, Slovaquie), les musiciens tziganes ont t trs recherchs pour les mariages, funrailles, etc. En Roumanie on les appelle lutari, en Rpublique tchque et Slovaquie lavutari. En France, leurs talents d'amuseurs publics et de dresseurs de chevaux ont gnr les familles du cirque clbres comme les Bouglione ou les Zavatta. Le pianiste Georges Cziffra a marqu l'histoire du piano par sa grande virtuosit, son rpertoire extrmement vari et ses dons d'improvisateur. Le guitariste Django Reinhardt, quant lui, influencera durablement le jazz en y mlant la musique tzigane. Gus Viseur et Tony Murena, compositeurs de clbres valses-musette, ont jou et ont t influencs par des musiciens manouches.

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    Lhistoire des Roms travers les sicles Lgendes et controverses des origines

    Bien que la transmission soit non crite, de nombreuses lgendes circulent sur l'origine des Roms. Lies l'imagination, elles font parties de leurs traditions. Les hypothses qui en ont fait les descendants de Can ctoient celles qui les affilient Cham, fils de No. D'autres les font descendre de mages de Chalde, des Atlantes, de Syrie, d'une des tribus perdues d'Isral, des gyptiens de lpoque pharaonique, ou encore danciennes tribus celtes du temps des druides. La fascination exerce par de tels mythes a encourag ces nomades, vivant souvent de leurs talents, se donner eux-mmes les origines les plus mystrieuses. Les Roms descendent ainsi (au choix, ou tout ensemble) de la divinit hindoue Rma, ou encore de Rmachandra, avatar de Vishnou, de Tubalkan le premier forgeron, des enfants de la Marie-Madeleine biblique, des manichens de Phrygie, des Mayas, des Aztques, des Incas, de Tamerlan, du Grand Moghol, des Mamelouks. Lorigine indienne Les tudes linguistiques envisagent, vers la fin du XVIIIe sicle, des origines indiennes aux Roms, hypothse recoupe par un rcit historico-lgendaire datant du milieu du xe sicle, la Chronique persane de Hamza dIspahan, qui fut reproduite et embellie au XIe sicle par le pote Ferdowsi. Selon cette chronique, plusieurs milliers de Zott, Djts, Rom ou Dom (hommes) partirent du Sind actuel, et peut-tre de la rivire Sindhu vers l'an 900 selon les ordres du roi. Ils devaient rejoindre le roi de Perse, soucieux de divertir ses sujets grce leur culture musicale. De l, ils se divisrent et s'parpillrent autour du monde. Longtemps installs en Perse, ces Roms, dj dcrits comme refusant de vivre dagriculture, finissent par se sparer en deux groupes migratoires : les uns vers le sud-ouest et lgypte (Roms orientaux ou Caraques, terme venant soit du grec korakia : les corneilles , soit du turc kara : noir ), les autres vers le nord-ouest et lEurope (Roms occidentaux ou Zingares : mot venant peut-tre d'une dformation du terme Sinti). Ce faisant, les Roms sont marqus, ds l'origine, puisque cette origine les constitue en tant que peuple , par la dportation, l'esclavage, la dispersion : L'Inde du nord est aujourd'hui clairement la zone gographique d'origine des Roms, comme en tmoignent la linguistique et la gntique compares. Selon les recherches en gntique de l'UWA, les caractristiques gntiques de la population rom permettent de dmontrer leur origine indienne qui remonte environ 32 ou 40 gnrations. Dans les recherches linguistiques, la premire hypothse, plutt europenne et anglo-saxonne, les rapproche du Sind et du Pendjab, rgions dont les langues sont les plus proches des langages actuellement parls par les Roms. Dans les recherches sociologiques, la seconde hypothse, plutt indienne, se rfre la socit brahmanique, o les bouchers, les quarrisseurs, les tanneurs, les bcherons, les fossoyeurs, les boueurs, les chiffonniers, les ferronniers et les saltimbanques exeraient des mtiers ncessaires la communaut, mais, considrs comme religieusement impurs , n'avaient pas le droit d'tre sdentaires et taient hors-caste (andales), avec toutefois une grande diversit, depuis les guerriers Rajputs (lis aux castes royales, quivalent hindou des

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    samoura japonais) jusqu' ceux que l'on dsigne aujourd'hui comme intouchables. En Inde, o ils sont connus sous des noms comme Banjara, Doma, Lma, Roma ou Hanabadosh (en hindi/ourdou), ces groupes sociaux/professionnels plutt qu'ethniques, aux origines gographiquement et socialement multiples, sont beaucoup plus mobiles et permables que les castes traditionnelles (un enfant issu d'une union non autorise, un proscrit pour quelque raison que ce soit sont eux aussi impurs et peuvent donc les rejoindre). migration en Europe L'histoire des Roms en Europe commence en 1416-1417, car c'est cette poque que l'on trouve les premiers documents attestant de leur passage dans telle ou telle contre; (nanmoins, il est fort probable que de trs petits contingents roms circulent en Europe ds le XIIe sicle. L'Empire byzantin en accueille un grand nombre ds le dbut du XIVe sicle, sous le nom d'Atsinganos (, qui a donn Tsigane, Zigeuner, Zingari, Ciganos, etc.) ou de Gyphtos (s : ferrailleurs, ferronniers, chaudronniers). L'Empire est travers par les plerins occidentaux se rendant en Terre Sainte. Ces voyageurs les appellent alors gyptiens (Egitanos, Gitanos, Gitans, Egypsies, Gypsies). Depuis l'Empire byzantin (et ensuite Ottoman) les Roms se dispersent sur les routes dEurope, et au xve sicle, la diaspora commence tre visible partout : Hongrie, Allemagne, jusqu' la Baltique et en Suisse. L't 1419, les tribus apparurent sur le territoire de la France actuelle Chtillon-sur-Chalaronne, dans la Bresse, Mcon, Sisteron. En 1423, Sigismond Ier du Saint-Empire accorde un certain Ladislav, chef d'une communaut Tsigane, une lettre de protection qui permet des familles d'migrer depuis la Transylvanie vers la Hongrie. Le 11 juin 1447, un contingent rom arrive en Espagne, en Catalogne, et se dirige vers Barcelone : la mme lgende y est raconte; d'autres clans roms plus nombreux s'parpillrent leur tour sur ce territoire, tous avec un duc ou un comte de Petite gypte leur tte.D'aprs le Journal d'un bourgeois de Paris, le 17 aot 1427, 100 120 hommes, femmes et enfants, qui se prsentent en tant que chrtiens, plerins pnitents recommands par le Pape, originaires d'gypte, sont annoncs par une dlgation cheval qui demande l'hospitalit, et autoriss quelques jours plus tard sjourner La Chapelle Saint-Denis. Intrigus par leur apparence physique et vestimentaire, ou par leurs anneaux ports l'oreille, des curieux accourent de Paris et des environs pour les voir, se prtant parfois la chiromancie qui leur est propose. La rumeur leur prte galement des tours de magie durant lesquels se vide la bourse des passants. L'vque de Paris ragit en se rendant sur place avec un frre mineur qui prche et convainc le groupe de repartir. Praticiens et clients de chiromancie sont excommunis. Le groupe repart en direction de Pontoise dbut septembre. C'est partir du xve sicle que l'tat de grce entre les tribus nomades et les populations se renverse : les villes leur ferment les portes, lasses de les entretenir. Des conflits clatent dans les villages. Leur attitude marginale inquite, et on les accuse de nombreux maux : maraude, vol de poules, de chevaux, et mme denfants. Ils deviennent indsirables et tombent, ds la fin du xve sicle, sous le coup de dcrets qui vont de lexpulsion pure et simple lexigence de sdentarisation : ce ne sont pas les Tsiganes qui sont viss, mais les nomades. Les rcalcitrants sont emprisonns, mutils, envoys aux galres ou dans les colonies, et mme excuts. La rcurrence de ces mesures montre leur manque defficacit, sauf aux Pays-Bas, qui parviennent les expulser tous au milieu du 19e sicle.

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    XVIIIe et XIXe sicles en Europe Les philosophes des Lumires ne se sont pas montrs particulirement tendres avec les bohmiens, l'exception peut-tre de Jean-Jacques Rousseau. L'Abb Prvost ou Voltaire ont eu des mots assez durs, et Mallet, dans l'Encyclopdie, crit comme dfinition pour gyptiens : Espce de vagabonds dguiss, qui, quoiqu'ils portent ce nom, ne viennent cependant ni d'gypte ni de Bohme, qui se dguisent sous des habits grossiers, barbouillent leur visage et leur corps, et se font un certain jargon, qui rdent a et l, et abusent le peuple sous prtexte de dire la bonne aventure et de gurir les maladies, font des dupes, volent et pillent dans les campagnes Abolition de la robie Depuis le XVIIIe sicle, des fils de boyards tudiants Paris, initis l'esprit des Lumires, lancent un mouvement abolitionniste. Le processus se fait en plusieurs tapes. En 1825, en Moldavie, le Hospodar Ioni Sandu Sturza dlie les Roms de leurs liens envers les monastres et les boyards. Cet acte officiel part d'une bonne intention : mettre fin la robie . Mais en pratique, cela laisse les Roms sans protection face aux agriculteurs sdentaires qui rclament des rformes agraires. De nombreux Roms reprennent le nomadisme, alors qu'ils s'taient sdentariss en majorit autour des domaines seigneuriaux (konaks) et abbatiaux. De toute faon, Sturdza est renvers en 1828 et la robie est aussitt rtablie. Plus tard, en 1865, influenc par la Rvolution roumaine de 1848 et par Victor Schoelcher, le prince humaniste Alexandru Ioan Cuza scularise les immenses domaines ecclsiastiques et abolit la robie en Moldavie et Valachie. Toutefois il faut attendre 1923 pour que des lois leur donnent des droits gaux aux sdentaires et les protgent contre les discriminations. Mais ces lois sont remises en question entre 1940 et 1944. Le XXe sicle Au xxe sicle, les grandes vagues de migration cessrent au moment de la Premire Guerre mondiale. Cest, paradoxalement, la premire moiti du xxe sicle, poque de libralisation dans toute lEurope, qui fut la plus dure pour les gens du voyage . En France, une loi sur lexercice des professions ambulantes et la circulation des nomades les oblige pour la premire fois, en 1912, se munir dun carnet anthropomtrique didentit qui doit tre tamponn chaque dplacement. Marcel Waline dira en 1950 propos de cette loi, en vigueur jusqu'en 1969, qu'elle constitue un cas probablement unique dans le droit franais (...) de lgislation appliquant une certaine catgorie de gens, les nomades, un rgime d'exception, rejetant cette catgorie hors du droit commun, et adoptant, pour oprer cette discrimination, un critre fond sur un lment racial . Ce contrle administratif et de police existe toujours avec le Livret de circulation. Le Porajmos 1 En Allemagne, le Parti national-socialiste renforce, ds son arrive au pouvoir, une lgislation dj assez dure ; bien quIndo-europens, les Zigeuner ne sont pas considrs comme des Aryens mais, au contraire, comme un mlange de races infrieures ou, au mieux, comme des 1 Le terme Porajmos (ou Porrajmos, littralement dvorer ) dsigne les perscutions envers les tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale, dont les proportions furent telles que la majorit des auteurs les considrent comme constitutives de gnocide.

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    asociaux. Ils sont vite parqus dans des rserves (on envisage den classer une tribu comme chantillon, mais le projet est abandonn), puis envoys en Pologne, et enfin interns dans des camps de concentration sur ordre dHimmler, puis limins dans des camps d'extermination Pendant la Seconde Guerre mondiale, entre 50 000 et 80 000 Tsiganes d'Europe sont morts des suites des perscutions nazies. D'autres massacres ont pris une forme particulirement cruelle dans cette priode de chaos : ainsi, en Roumanie, le rgime d'Antonescu dporte plus de 5000 Roms vers l'Ukraine occupe par les Roumains ( Transnistrie ) : la plupart meurent de froid, de faim et de dysenterie. Quelques habitants courageux parviennent protger certains groupes. Le gouvernement roumain a officiellement reconnu ce gnocide (en mme temps que la Shoah) en 2005. Les camps d'internement de nomades en France Durant la Premire Guerre mondiale, tandis que les tsiganes alsaciens-lorrains de nationalit allemande sont interns en tant que civils ennemis, ceux de nationalit franaise qui circulent dans les zones de combat sont arrts sous divers motifs et interns au camp de Crest, de 1915 1919. Lorsque se dclenche la Seconde Guerre mondiale, la France n'attend pas l'occupation allemande pour prendre des mesures privatives de libert l'encontre des nomades . Le 16 septembre 1939, le prfet d'Indre-et-Loire les dclare indsirables dans le dpartement et ordonne la gendarmerie qu'ils soient refouls de brigade en brigade dans un autre dpartement . Le 22 octobre 1939, le gnral Vary, commandant de la 9e Rgion militaire, ajoute une interdiction de sjour dans le Maine-et-Loire et une interdiction de circuler dans les deux dpartements prcits ainsi que dans la Vienne, les Deux-Svres, la Haute-Vienne, la Charente, la Dordogne et la Corrze, prcisant quelques jours plus tard que la mesure s'applique galement aux forains Un dcret-loi du 6 avril 1940 prohibe la circulation des nomades sur l'ensemble du territoire mtropolitain pour la dure de la guerre et impose l'assignation rsidence. Pour autant, les autorits se montrent rticentes imposer l'internement cause de la menace de reconstitution de bandes l'intrieur des camps et pour ne pas imposer de charges trop lourdes l'tat. Ces rticentes sont toujours de mise sous le rgime de Vichy : seuls deux camps, le camp de Lannemezan et le camp de Saliers sont consacrs exclusivement l'internement de nomades en zone sud. En zone nord les Allemands sont l'origine de l'internement des nomades. Selon la thse de l'historien Denis Peschanski publie en 2002 et qui confirme son estimation de 1994, le nombre des Tsiganes interns une ou plusieurs fois entre 1940 et 1946 s'lve 3000. D'autres chiffres ont t cits: Marie-Christine Hubert a cit en 1999 un minimum de 4657 en zone occupe et 1404 en zone libre, en prcisant que 90% sont de nationalit franaise, et que 30 40% sont des enfants. Ce chiffre de 6000 a t confirm en 2009 et repris en 2010, par le secrtaire d'tat aux anciens combattants Hubert Falco. L'ordonnance du Militrbefehlshaber in Frankreich du 4 octobre 1940 exige que les Tsiganes se trouvant en zone occupe doivent tre transfrs dans des camps dinternement, surveills par des policiers franais . Les autorits franaises y rpondent dans un premier temps en crant de petits camps plus ou moins organiss ou improviss, o les nomades sont soumis un rgime d'assignation rsidence par la circulaire du 26 avril 1940 aux prfets : autorisation de quitter le camp le jour pour trouver des moyens de subsistance, condition de regagner le camp le soir, l'instar du camp de la rue Le Guen de Krangal Rennes. Le rgime se durcit progressivement. Il n'y a pas de barbels ni de mirador au camp tabli jusqu'en dcembre 1940 par le dpartement des Deux-Svres dans les ruines du chteau

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    de Chtillon Boussais, ce qui n'est plus le cas au camp de Poitiers o les nomades de Boussais sont ensuite transfrs. Le rglement du camp de Coudrecieux rdig en aot 1941 prcise qu'aucune permission n'est accorde aux interns, tout en permettant des sorties encadres par les gendarmes. Dans son tude sur Arc-et-Senans, Alain Gagnieux distingue la priode camp de rassemblement de septembre 1941 mai 1942 et la priode camp d'internement de mai 1942 septembre 1943 lorsque les autorisations de sortie furent exclues. Les conditions de vie au camp de Moisdon-la-Rivire sont dcrites le 8 dcembre 1941 par l'assistante sociale principale : l'exception de quelques familles, toutes les autres sont parques comme des btes dans deux grands baraquements de bois repoussants de salet o jamais ne pntrent ni le soleil ni l'air . En mai 1942, les instituteurs du camp de Mulsanne obtiennent du directeur d'une scierie voisine l'autorisation de collecter les corces et brindilles qui couvrent les sapinires (...) [qui] seraient collectes par les enfants au cours de promenades surveilles et destines la cuisson du lait des bbs du camp, aucun moyen de chauffage n'ayant t prvu jusqu' prsent . Les dportations Il n'y aura que peu de dportations vers l'Allemagne. Il s'agit d'une part, de 66 hommes adultes en provenance du camp de Poitiers qui quittent le camp de Compigne le 23 janvier 1943 pour tre dports Oranienburg-Sachsenhausen et d'un second groupe de 25 hommes adultes du camp de Poitiers dports au cours de la mme anne vers Buchenwald. Emmanuel Filhol cite le cas d'un dport de Sachsenhausen qui rentre de dportation en aot 1945 et se voit nouveau assign rsidence sous le coup du dcret du 6 avril 1940 que les gendarmes continuent d'appliquer jusqu' juin 1946. En 1995, le quotidien Centre-Presse publie le rcit d'un survivant de Buchenwald qui tmoigne du froid et de la faim, des coups, du travail harassant dans les galeries souterraines qui causrent la mort de son pre et 9 membres de sa famille. D'autre part, il s'agit de personnes du Nord-Pas-de-Calais rattach par l'occupant la Belgique qui furent arrtes fin 1943 la suite de l'ordre d'Himmler d'arrter tous les Tsiganes de Belgique et du Nord-Pas-de-Calais, puis internes au camp de Malines et qui sont dportes vers Auschwitz le 15 janvier 1944. Seules 12 personnes belges ou franaises ont survcu sur les 351 convoyes de Malines Auschwitz. Parmi les 351 personnes, au moins 145 taient franaises, au moins 121 taient belges, et 107 taient des enfants de moins de 16 ans. Il existe galement quelques cas connus, non exhaustifs, de gitans franais dports en tant que rsistants. La fin des camps Les derniers interns au camp de Jargeau ne le quitteront quen dcembre 1945, alors que les dports survivants sont rentrs dAllemagne depuis le printemps. Le dernier camp fermer est le camp des Alliers Angoulme, qui fonctionne jusqu'au 1er juin 1946. la sortie, les familles libres ne retrouvent pas les roulottes et chevaux qu'elles possdaient et ne reoivent aucune aide ou indemnisation. Certaines se rfugient dans la grotte des Eaux-Claires Ma Campagne. Toutefois, un petit nombre de personnes ont obtenu le statut d' intern politique longtemps aprs la guerre.

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    En mmoire de tous les interns des camps de nombreuses stles furent riges. Parmi elles citons celle du camp d'internement de la Route de Limoges Poitiers en 1984. Elle mentionne la prsence des Tsiganes dans ce camp, avec des Juifs et des rsistants En1988 une autre fut dispose sur le site d'internement de Montreuil-Bellay. Les vestiges de ce camp ont fait l'objet d'une inscription aux Monuments historiques le 8 juillet 2010. Des stles furent galement places au Camp de Jargeau en 1991, Laval en 1993, Arc-et-Senans en 1999, au camp de Linas-Montlhry en 2004, Angoulme (camp des Alliers), Lannemezan en 2006, Avrill-les-Ponceaux (camp de La Morellerie) et Barenton en 2008. Un monument, oeuvre du sculpteur Jean-Claude Guerri, a t inaugur l'emplacement du camp de Saliers le 2 fvrier 2006 L'aprs-guerre Le gnocide a violemment marqu les consciences et, sil faut attendre 1969 pour quune loi plus librale remplace en France la loi de 1912, cela se fait sans opposition, ceux qui sont peu favorables aux Tsiganes craignant d'tre assimils aux promoteurs du racisme sous l'occupation allemande. Le Comit international tsigane cr en 1967, runit Londres en 1971 le premier Congrs mondial tsigane , durant lequel des dlgus de 14 pays dcident de recommander l'utilisation du terme Rom . Le Congrs mondial rom runi Genve en 1978 cre l'Union romani internationale qui a un statut consultatif l'ONU. Les Roms sont mentionns pour la premire fois dans un texte officiel de l'ONU travers la rsolution 6 du 31 aot 1977 de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme exhortant les pays qui ont des Tziganes (Romanis) l'intrieur de leurs frontires accorder ces personnes, s'ils ne l'ont pas fait jusqu'ici, la totalit des droits dont jouit le reste de la population . Les dernires dcennies sont marques par une conversion massive de la communaut au protestantisme vanglique. En France, 100 000 adultes au moins rejoignent l'association cultuelle Vie et Lumire fonde en 1953 et membre de la Fdration protestante de France.

    Situation des Roms en Europe depuis 1990

    Beaucoup de Roms continuent vivre selon leur mode de vie nomade, en voyageant en roulottes ou en caravanes, mais souvent en Europe orientale, ils vivent en communauts marginales au taux de chmage lev. Quelquefois ils ont prospr, par exemple chez les Cldrai (Caldraches) de Roumanie, qui travaillent traditionnellement le cuivre. Le niveau d'intgration des Roms dans la socit est variable, et certainement plus important que les statistiques ne peuvent l'exprimer, les statistiques roumaines ne reconnaissent qu'un demi-million de Rom, alors qu'eux-mmes estiment leur nombre entre 0,5 et 2,5 millions. Dans certains pays comme la Slovaquie ou la Roumanie, o il est possible de constituer des partis ethniques, les Roms ont des reprsentants au Parlement.Toutefois leur entre en politique n'est pas sans risques. Dans ces deux pays, les partis conservateurs (ex-communistes) cherchant retarder l'intgration en Union europenne, leur ont distribu dans les anciens kolkhozes des terres qui taient revendiques par leurs anciens propritaires, les

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    agriculteurs locaux spolis par la collectivisation. Les partis rnovateurs pro-europens, favorables la restitution, soutenaient ces agriculteurs contre les Rom, ce qui a conduit des dsordres civils dans quelques villages. Suite ces manipulations, la plupart des leaders politiques roms se sont dtachs des conservateurs (communistes) et rapprochs des rnovateurs (libraux). Ainsi, en juin 2004, Lvia Jrka devint le premier membre rom hongrois du parlement europen (elle avait t prcde d'un seul auparavant : Juan de Dios Ramirez-Heredia, d'Espagne). Depuis lors, deux autres Roms y ont t lus. Sept tats de l'ancien bloc communiste ont lanc l'initiative Dcennie de l'intgration des Roms en 2005, pour amliorer les conditions socio-conomiques et le statut de la minorit rom. En septembre 2008, les deux dputes au Parlement europen dorigine rom, MMme Lvia Jrka et Viktria Mohcsi, ont russi faire voter cette initiative au niveau de toute l'Union europenne. France 2007-2010 L'entre de la Roumanie dans l'Union europenne, le 1er janvier 2007, a facilit la circulation des Roms roumains, ceux-ci n'ayant plus besoin de visa pour entrer en France. Les expulsions de Roms sont passes de 2 000 en 2003 environ 8 000 en 2008. Cependant, jusqu'en 2014, les ressortissants de la Bulgarie et de la Roumanie ne sont pas totalement bnficiaires du principe de libre circulation europen et, pour travailler officiellement, ont besoin d'un titre de sjour et d'une autorisation de travail. De plus, la directive communautaire de 2004 sur la libre circulation des ressortissants de l'UE n'a pas t totalement transpose en droit franais, notamment ses dispositions relatives aux garanties accordes aux personnes expulses. Depuis 2007, le nombre de reconduites a la frontire de Roms roumains en France se situe entre 8 000 et 9 000 par an, reprsentant environ 30 % des objectifs chiffrs de reconduite la frontire. Ces retours sont en grande partie volontaires car ils sont assortis de primes de 300 par adulte et 100 par enfant et de la prise en charge du billet d'avion. 8 030 Roumains et Bulgares en situation irrgulire ont ainsi t reconduits par la France dans leur pays d'origine entre le 1er janvier et le 25 aot 2010. Selon le ministre ric Besson, 1291 l'ont t de manire contrainte, et 6739 de manire volontaire, au moyen de 27 vols spcialement affrts . Expulsions massives de l't 2010 Fin juillet 2010, le prsident Nicolas Sarkozy dcide, la suite de deux faits divers impliquant des membres franais de la communaut des gens du voyage, de l'organisation de retours massifs de Roms en Roumanie, dclenchant une vaste polmique. Une circulaire du ministre de l'Intrieur diffuse le 5 aot 2010 demande aux prfets de faire vacuer 300 campements ou implantations illicites d'ici trois mois, en priorit ceux des Roms , et d'engager une dmarche systmatique de dmantlement des camps illicites, en priorit ceux de Roms . D'aprs certains experts en droit constitutionnel, l'expression en priorit ceux des Roms contrevient aux principes de non-discrimination, tandis que l'ensemble de la circulaire contrevient ceux de libre circulation des personnes et de leur droit de sjour garantis par les traits europens et dtaills par la directive de 2004 (38/2004). Elle

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    serait aussi potentiellement contraire la Convention europenne des droits de l'homme qui interdit les discriminations fondes sur la nationalit, la race ou l'appartenance ethnique. Le 22 aot 2010, le Pape Benot XVI exhorte les plerins savoir accueillir les lgitimes diversits humaines , ce qui a t interprt par certaines personnes comme une critique de l'action mene par les autorits franaises spcifiquement contre les Roms, interprtation conteste par d'autres personnes. Le 27 aot 2010, le Comit pour l'limination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD) de l'ONU demande la France de garantir l'accs des Roms l'ducation, la sant, au logement et autres infrastructures temporaires dans le respect du principe d'galit et se demande pourquoi elle n'a toujours pas mis la disposition des gens du voyage le nombre ncessaire d'aires d'accueil conformment la loi du 5 juillet 2000 dite loi Besson . Le cot annuel de la reconduite des Roms pour le budget de la France est estim entre 200 et 250 millions d'euros (selon les chiffres du Snat franais). Le 9 septembre 2010, le Parlement europen adopte une rsolution dans laquelle il presse la France de suspendre sur le champ les expulsions de Roms . Les dputs prtendent galement que le relev des empreintes digitales des Roms expulss est illgal et contraire la Charte des droits fondamentaux de l'Union europenne. Le 14 septembre 2010, Viviane Reding, commissaire europenne la Justice, aux Droits fondamentaux et la Citoyennet, fait part de son intention de lancer deux procdures d'infraction contre la politique de la France l'gard des Roms. La rplique de la France est en cours.