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Rapport de recherche
Les services d’eau potable et d’assainissement, face aux
exigences du développement durable: traduire les
concepts en outil pratique
(Version 2.02)
Laboratoire GEA, AgroParisTech-Engref, UMR G-Eau
Julien Souriau ([email protected])
Sous la direction de Guillem Canneva ([email protected])
Résumé
Le concept de développement durable, désormais largement popularisé, fait l’objet d’une élasticité
conceptuelle qui rend difficile sa traduction en un outil d’analyse pratique.
La traduction du concept de développement durable (théorique) en un outil d’analyse (pratique) réduit
souvent le concept étudié, en se focalisant sur seulement quelques uns de ses aspects : les mieux
définis, les mieux documentés, ceux déjà analysés, etc.
L’objet de ce rapport est de proposer des pistes de réflexion et des propositions pratiques pour
étudier le développement durable des services d’eau et d’assainissement.
Les méthodes d’analyse du développement durable des services d’eau existantes sont déjà
nombreuses. Cependant, elles s’intéressent généralement à certains aspects particuliers du
développement durable (par exemple l’impact sur l’environnement, la performance économique du
service, etc.), ou agrègent ces divers aspects par des méthodes de synthèse qui ont également de
nombreuses limites.
Face à ces difficultés, nous proposons dans ce rapport de recherche méthode structurée qui
permette d’appréhender les différents aspects essentiels du développement durable des
services urbains d’eau. Afin de contribuer à l’analyse du développement durable des services
urbains d’eau, cette méthode structurée consistera
(i) à dé-construire la notion de « développement durable » afin de proposer une définition
standard du concept, applicable aux services urbains d’eau,
(ii) à traduire ces concepts et principes essentiels en un outil d’analyse pratique,
permettant d’identifier quels sont les aspects du développement durable des services
urbains d’eau qui sont peu ou pas pris en compte par les diverses méthodes d’analyse
existantes.
Ces travaux de recherche s’appuient principalement sur des articles, rapports, thèses et ouvrages
d’analyse de définition théorique, de méthode d’analyse et d’études de cas appliquées, ainsi que sur
plusieurs échanges avec plusieurs chercheurs travaillant sur la durabilité des services urbains d’eau.
Les propositions développées dans ce rapport ont fait l’objet d’une présentation lors du Colloque
« Eau, Déchets et Développement Durable (E3D) » organisé en mars 2010 à Alexandrie (Egypte).
Mots clefs : durabilité, méthodologie, principes essentiels, services urbains d’eau, cadre conceptuel
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1. Introduction
Le concept de développement durable a été popularisé par le rapport « Our Common Future », remis
en 1987 par la Commission présidée par Mme Harlem Gro Brundtland, dans le cadre de la
Conférence Mondiale des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement (WCED 1987).
Ce concept est progressivement devenu un « point de passage obligé » et il fait désormais l’objet d’un
apparent consensus (Boutaud 2004), comme l’illustre son utilisation récurrente par de nombreux
acteurs publics ou privés. Si les origines du concept de « développement durable » restent peu
disputées, l’élasticité conceptuelle de ce concept génère en revanche une multiplicité d’interprétations
parfois divergentes (Boutaud 2004; Palme and Tillman 2009; Remillard and Wolff 2009).
Le concept de « développement durable » pose également une autre difficulté majeure : celle de sa
traduction en des principes et en des outils d’analyses qui soient opérationnalisables.
Ce rapport propose d’aborder la question de la traduction du concept de développement durable en
un outil d’analyse, appliqué aux services d’eau et d’assainissement. Si de nombreux articles ont
abordé cette question de façon générale, elle constitue un thème de recherche relativement récent et
peu traité par la littérature académique. Nous souhaitons en particulier aborder les questions
méthodologiques suivantes :
• Comment traduire le concept de développement durable (théorique) en outil d’analyse
(pratique), sans réduire le périmètre conceptuel étudié ?
• Comment améliorer la prise en compte des aspects essentiels au développement
durable dans l’analyse proposée ?
• Comment intégrer les différentes approches des principaux acteurs (autorités
organisatrices, opérateurs, usagers, etc.) dans la définition et dans l’analyse du
développement durable des services urbains d’eau ?
A la suite de cette introduction (1), nous présenterons un travail de réflexion mené sur les différents
éléments essentiels à la définition du concept de développement durable (2). Nous proposerons
ensuite une méthode de traduction permettant de passer de la définition conceptuelle à un cadre
structuré d’analyse de la durabilité, appliqué aux services urbains d’eau (3). Afin d’étudier sa validité,
nous appliquerons cette méthode à diverses méthodes d’analyse du développement durable des
services d’eau existante, et nous en illustrerons ainsi les principaux apports pratiques (4). Enfin, nous
cernerons les principales limites de la nouvelle méthode de définition et d’analyse proposée (5).
Les lecteurs intéressés par les applications pratiques de cette méthode peuvent se référer
directement au chapitre 4 de ce rapport (relatif aux applications concrètes de la méthode proposée),
les chapitres 1 à 3 s’attachant principalement à présenter un contenu plus conceptuel et la définition
des concepts utilisés.
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2. Définir le développement durable
Le concept de développement durable repose essentiellement sur la définition de différentes
dimensions, de leurs interactions, et de principes essentiels de durabilité, sur la base desquels nous
proposons une définition standard du développement durable.
2.1 Dimensions et interactions
Le concept de « développement durable » est principalement défini en rapport à des dimensions qui
caractérisent le système étudié et son environnement et leurs interactions.
1. Les dimensions du développement durable
Dans son rapport « Our Common Future » (1987), la Commission Brundtland définit le concept de
développement durable comme le dépassement des antagonismes entre l’Environnement (la
géosphère et la biosphère) et le Développement (de l’Humanité) : « L'environnement est le lieu où chacun de nous vit et le développement est ce que nous essayons de faire pour améliorer notre sort à l'intérieur de ce même lieu. Les deux sont inséparables » (WCED 1987).
Le développement durable est la conjonction entre les enjeux potentiellement antagonistes du
développement d’un système et du développement de son environnement.
Le « Sommet de la Terre » organisé lors de la Conférence de Rio de Janeiro (1992) marque un
premier approfondissement de la définition du développement durable, en définissant un autre
antagonisme majeur : celui qui oppose au sein du « Développement » les priorités des enjeux sociaux
et économiques. Depuis 1992, le concept de développement durable est ainsi généralement défini
comme la conjonction du développement de trois dimensions du développement durable :
environnement, économie et social.
Le choix de ces trois dimensions n’est cependant pas complètement figé : d’autres dimensions sont
parfois proposées pour compléter la définition du concept de développement durable : par exemple, le
principe n°25 de la Déclaration de Rio cite les dimensions « Paix, Développement et
Environnement » ; la dimension « institutions » ou « gouvernance » est parfois ajoutée aux trois
dimensions initiales, de même que la dimension « Culture » (SACHS 1994) ou « Sociétale » (BIPE
2006), etc.
Les trois dimensions du développement durable définies depuis Rio font elles-même l’objet de re-
définitions ou de précisions, qui permettent de mieux appréhender ce qu’elles recouvrent :
o La dimension Environnement est parfois étudiée comme un ensemble de plusieurs
dimensions distinctes, afin d’appréhender les antagonismes qui peuvent opposer
l’Environnement (la biosphère, un ensemble vaste et complexe d’espèces vivantes) à la
Ressource (dont la définition varie selon les besoins du système étudié). Cette distinction est retenue par le Gouvernement Britannique et d’autres institutions qui distinguent
« préservation de l’environnement » et « utilisation raisonnée de la ressource », deux
problèmes liés mais de natures différentes (The_Royal_Academy_of_Engineering 2005;
Makropoulos 2008). Une distinction relativement similaire sépare « écosystèmes » et
« système et unités de ressources » (OSTROM 2009).
o De même, la dimension Social est parfois étudiée comme relevant de deux types d’enjeux
potentiellement antagonistes : des enjeux sociaux collectifs (à l’échelle sociétale : normes, institutions, culture, etc.) et des enjeux sociaux individuels (à l’échelle de la personne : développement humain, capabilités, acceptabilité, etc.). Cette distinction permet par exemple
d’appréhender les antagonismes possibles entre le bien-être individuel et le bien-être
collectif, etc.
o Enfin, la dimension Economie peut également être étudiée comme recouvrant divers
antagonismes majeurs, entre d’une part des enjeux « matériels » (dimension Technique, « infrastructure » (Bossel 1999), etc.), et d’autre part des enjeux économiques à proprement
parler (dimension Economie). Cette distinction permet d’appréhender certains antagonismes majeurs entre les priorités économiques et techniques, illustrés par exemple par le conflit
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possible entre l’augmentation immédiate des bénéfices et l’amélioration de la maintenance
d’équipements techniques, etc.
Les principaux enjeux antagonistes qui caractérisent un système et son environnement définissent
aussi quelles sont les dimensions à retenir pour étudier son "développement durable".
2. Conjonctions entre les dimensions du développement durable
Quelques soient les dimensions retenues, c’est la conjonction des enjeux antagonistes des
différentes dimensions du système et de son environnement qui permet de définir le développement
durable, et non à une simple juxtaposition de leurs enjeux pris séparément (Ness 2007).
La conjonction entre les différents enjeux des dimensions étudiées forme des « synergies »,
communément représentées sous la forme d’un diagramme de Venn comme l’équité (recoupement
entre les enjeux des dimensions Economie et Social), la viabilité (recoupement entre Economie et Environnement) et la vivabilité (recoupement entre Social et Environnement). cette représentation graphique du concept de développement durable, désormais largement popularisée, constitue
cependant une acceptation parmi d’autres.
D’autres représentations graphiques existent. Elles correspondent à d’autres acceptations
possibles de ce même concept de développement durable. Ces même trois dimensions Economie, Environnement et Social peuvent tout autant être représentées, non plus avec un poids égal mais sous la forme de trois sphères imbriquées l’une dans l’autre. Cette autre acceptation du concept de
développement durable implique non plus une « égalité » mais une « hiérarchie » des trois
dimensions et de leurs enjeux respectifs (PASSET 1979).
Figure 1 : Représentations graphiques possibles du développement durable (parmi d'autres)
Bien d’autres acceptations encore sont possibles et correspondent à d’autres appréhensions de la
définition du concept de développement durable.
Un second constat nous apparaît alors : pour ces trois dimensions identiques les modalités de
recoupement considérées mènent à différentes acceptations possibles du concept de
développement durable. En conséquence, la définition des dimensions étudiées et des recoupements
entre leurs enjeux potentiellement antagonistes est trop « statique » : elle ne permet pas à elle seule
d’appréhender quelles sont la nature, les dynamiques, les interdépendances des diverses dimensions
et enjeux.
Si la définition des dimensions et des recoupements de leurs enjeux potentiellement antagonistes est
nécessaire, elle n’est pas suffisante pour définir le concept de développement durable.
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3. Interactions entre les dimensions du développement durable
Les recoupements entre les enjeux des différentes dimensions d’un système et de son environnement
correspondent à des interactions dynamiques entre ces dimensions. Le développement durable est
donc une forme parmi d’autres d’interaction des dimensions d’un système et de son environnement et
de leurs enjeux antagonistes (Todorov 2009).
Dans le rapport Brundtland, le concept de « développement durable » est défini comme une forme
d’interaction possible et souhaitable entre le Développement (des populations et des sociétés
humaines) et l’Environnement (la planète Terre).
Cette approche systémique peut être approfondie, afin de détailler quelles sont ces interactions
entre les enjeux des dimensions Social, Economie et Environnement. La figure ci-dessous propose une représentation graphique des interactions entre les dimensions et leurs enjeux : un ensemble de
composantes d’un système et de son environnement et leurs interactions (Bossel 1999).
Figure 2 : Représentation systémique des dimensions du développement durable (Bossel 1999)
Les dimensions étudiées ont des fonctions et des interactions particulières, synthétisées sous la forme
d’un « triangle de Daly » qui hiérarchise les dimensions du développement durable et leurs enjeux en
trois catégories (Palme and Tillman 2009) ayant chacune un rôle spécifique :
� les « moyens ultimes » constituent la condition fondamentale nécessaire au développement durable du système étudié (la dimension Environnement) ;
� les « moyens ou objectifs intermédiaires » sont à la fois un objectif et un moyen du développement durable du système : moyens et objectifs techniques, politiques,
économiques et éthiques ;
� l’ « objectif ultime » constitue l’objectif du développement durable du système étudié : le développement humain et le développement de la société (dimension Social).
Figure 3 : Représentation du « triangle de Daly »
Cette représentation synthétique permet de définir les dynamiques du développement durable, avec
pour objectif le « Développement », en relation avec un moyen fondamentale (Environnement), et au
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travers d’un interface -ou buffer- formée par divers moyens (Todorov 2009) qui permettent de gérer ces interactions.
Cette approche systémique et dynamique du développement durable permet de mieux définir les
conjonctions entre les enjeux potentiellement antagonistes des diverses dimensions du système
étudié et de son environnement, et définir leur dynamiques.
Les dimensions du développement durable sont nécessaires mais insuffisantes pour définir ce qu'est le "développement durable" : elles constituent des objectifs potentiellement antagonistes d’un système
et de son environnement. Ce sont les interactions d’un système dans son environnement qui
définissent le développement durable du système étudié.
2.2 Echelles de temps et d’espace
Le rapport Brundtland définit le développement durable comme la conjonction des enjeux de
dimensions antagonistes, à la fois dans le temps et dans l’espace. Le concept de développement
durable est défini à la fois comme un objectif et comme le processus de changement nécessaire pour
atteindre cet objectif.
1. Développement durable : un objectif sur plusieurs échelles
Le développement durable est tout d’abord défini comme un objectif global : « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs »1 (WCED 1987).
Premièrement, le développement durable est défini comme un objectif dans le temps et dans
l’espace. Sur la base du « principe de responsabilité » (Jonas 1998), les générations actuelles ont la
responsabilité d’assurer une répartition équitable du bien-être, à la fois dans le temps (solidarité
inter-générationnelle) et dans l’espace (solidarité intra-générationnelle) : « Même au sens le plus étroit du terme, le développement durable présuppose un souci d’équité sociale entre les générations, souci qui doit s’étendre, en toute logique, à l’intérieur d’une même génération » (WCED 1987).
En raison du statut unique de l’être humain comme seule espèce vivante capable de transformer de
manière consciente son environnement de manière globale, ce principe de responsabilité inclut
également la préservation de la diversité des possibilités de co-évolution entre l’Humanité et la
Nature (Blandin 2005).
Le développement durable est donc un objectif pour le présent comme pour l’avenir, pour
l’ensemble des générations (actuelles et futures).
Deuxièmement, le développement durable est défini comme un objectif à la fois au niveau local et
au niveau global. La question de l’articulation entre le développement durable global et local est
donc fondamentale pour la définition de ce concept.
Si le concept de développement durable est initialement défini à l’échelle globale (à l’échelle de la
planète Terre, du développement de l’Humanité), sa mise en pratique semble relever de l’échelle
locale, que ce soit à l’échelle d’un pays, d’une région, d’une ville, d’une entreprise, d’un service d’eau
potable, etc. (WCED 1987; Lundin 1999; Camdessus 2003; Jacques Theys 2009).
Une approche systémique du développement durable permet de poser comme hypothèse que chaque
système interagit avec d’autres systèmes, à des échelles supérieures et inférieures : c’est la notion de
panarchie (Walker 2004). Ces interactions inter-systémiques sur plusieurs échelles de temps et
d’espace expliquent la relative interdépendance entre les divers systèmes, et entre le développement
durable des différentes systèmes, à différentes échelles.
Le développement durable d’un système local signifie que le niveau de développement atteint par ce
système est soutenable par les capacités du système et de son environnement (cf. infra, notion de
« capacité de portée »).
1 « Sustainable development is development that meets the needs of the present without compromising the ability
of future generations to meet their own needs » (Introduction, chapter 2, “Our Common Future”, 1987, WCED).
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Cependant cette définition du développement durable n’est valable qu’au niveau du système local
étudié, et ne nous informe pas sur le développement durable d’autres systèmes avec lesquels il est en
interaction, et des interactions sur leurs développements durables respectifs.
En effet, la « durabilité » d’un système à l’échelle locale se traduit parfois par l’exportation de la
« non durabilité » de ce système local vers d’autres systèmes (Mayer 2008), par exemple sous la
forme d’externalités négatives (pollution, nuisances, dommages, surcoûts, etc.). Le développement de
ce système local est alors faussement « durable », puisqu’il se réalise au détriment du développement
durable d’autres systèmes. Par exemple, une entreprise qui délocalise ses activités polluantes à
l’étranger transfère ainsi sa « non durabilité » locale vers d’autres systèmes sur l’échelle spatiale
(dans l’espace). De même, une entreprise qui se sur-endette transfère également sa « non
durabilité » locale vers d’autres systèmes, mais sur l’échelle temporelle (dans le temps), puisque ses
externalités auront des effets sur les générations futures.
La prise en compte des externalisations de la « non durabilité » locale et des interactions entre les
différentes échelles systémiques permet d’approfondir la définition du concept de développement
durable, et d’aborder la problématique de la responsabilité et capacité d’un système à influer sur
le développement durable d’autres systèmes. Pour cela, il est nécessaire de définir
l’environnement spatio-temporel dans lequel ont lieux ces interactions entre les divers systèmes,
quelle que soit leur taille. Un système interagit avec les autres systèmes, sur divers « horizons »
d’espace et de temps (Bossel 1999) :
� « horizon d’influence » : l’aire spatio-temporelle totale sur laquelle un système local
impacte ;
� « horizon d’attention » : l’aire spatio-temporelle appréhendée par le système local, mais sur
lequel il ne peut pas contrôler ses interactions ;
� « horizon de responsabilité » : l’aire spatio-temporelle appréhendée et contrôlée par le
système local, sur lequel le système peut avoir un certain contrôle de son impact. C’est par
définition le plus réduit de ces trois horizons spatio-temporel.
Figure 4 : Horizons spatio-temporels et développement durable (Bossel 1999)
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La contribution d’un système local au développement durable global est maximisée lorsque son
« horizon de responsabilité » recouvre complètement son « horizon d’influence » (Bossel 1999), soit
lorsque ce système local contrôle l’ensemble de ses externalités sur les autres systèmes. Cependant,
les capacités d’un système local étant limitées (Lundin 1999) en terme de perception, de rationalité,
de moyens, etc., la maximisation de sa contribution au développement durable global reste un cas
essentiellement théorique.
La contribution d’un système local au développement durable global peut cependant être optimisée
lorsque le système local assure à la fois son développement durable propre (interne) et une
contribution non négative (neutre ou positive) au développement durable des autres systèmes, soit
lorsqu’il n’externalise pas sa « non-durabilité » vers d’autres systèmes.
Le développement durable est défini comme un objectif au niveau local comme au niveau global.
En raison des interdépendances entre les diverses échelles de temps et d’espaces entre les différents
systèmes, le développement durable (global) nécessite que les systèmes locaux contribuent au
développement durable global (Bossel 1999; Blandin 2005).
2. Développement durable : un processus dynamique
Le rapport Brundtland complète cette définition en définissant le développement durable comme un
« processus de changement [déterminé] en fonction des besoins autant actuels qu’à venir ». La problématique de la transition vers un développement qui est durable est donc également incluse
dans la définition du concept.
Le concept de développement durable est donc de double nature : à la fois un objectif et un processus
dynamique. Cette dualité se retrouve dans la traduction en français de sustainable development, par les expressions « développement durable » (traduction désormais dominante) et « développement
soutenable » (traduction recommandée par la Commission Brundtland pour la traduction en français
mais relativement marginale). Ces deux traductions du concept de développement durable révèlent
des acceptations quelques peu différentes :
� « durable » fait référence à « ce qui dure », donc essentiellement à un objectif sur de long
terme ;
� « soutenable » fait référence à la « capacité porteuse » ou carrying capacity2, soit la capacité d’un système et de son environnement à « porter » (atteindre et maintenir) un niveau
de développement donné.
Cette capacité à « porter » un niveau de développement donné dépend à la fois des capacités du
système et de son environnement naturel et social : un système et un environnement étant par
définition variables, leur capacité est également variable et incertaine (Bossel 1999).
Le développement durable n’est donc pas un « état stationnaire » figé, mais un processus de
changement par ajustements successifs (i) en raison des capacités variables du système et de son
environnement à supporter cet objectif, et (ii) en raison de la nature évolutive de cet objectif, qui peut
être amené à évoluer.
L’approche systémique permet d’approfondir la nature dynamique du concept de développement
durable et la problématique de la transition d’un régime « non durable » vers un régime « durable »,
à l’aide de divers concepts.
La résilience (Walker 2004) est la capacité d’un système à retrouver son état initial à la suite d’un
choc ou d’une pression continue : un système est résilient s’il conserve son état malgré la variabilité
de l’état moyen interne (variabilité du système) et/ou externe (variabilité de l’environnement). Cette
variabilité se traduit par des chocs ou distorsions, soit des variations ponctuelles de l’état moyen.
La transformabilité est la capacité d’un système à changer de régime (Walker 2004), soit de passer
d’un régime « durable » à un régime « non durable », et inversement. Afin de permettre cette
transition, un système doit tout d’abord atteindre une transformabilité supérieure à sa résilience. Par
exemple, un système initialement « non durable » pourra ainsi changer de régime et devenir
2 Terme issu des sciences de l’environnement. Désigne la taille maximale de la population d’un organisme qu’un
milieu donné peut supporter. Par extension, ce terme est utilisé pour désigner le niveau de développement d’un
système pouvant être supporté par les capacités d’un système dans son environnement.
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« durable ». Une fois ce changement de régime réalisé, le système devra à nouveau accroître sa
résilience afin d’éviter de pouvoir à nouveau changer de régime et de redevenir « non durable ».
Figure 5 : Concepts de résilience et de transformabilité (Walker 2004)
Le fait qu’un système soit résilient ne signifie donc pas qu’il est durable : cela signifie
simplement que ce système a la capacité de conserver son état, que ce dernier soit « durable » ou
pas. Il en est de même pour la transformabilité.
La résilience et la transformabilité du régime d’un système sont fonction de divers facteurs. Elles
dépendent en particulier du « soutien » que le système apporte à son propre régime, notamment
abordé par les concepts de désirabilité (Mayer 2008), de gouvernance (Breuil 2004) et par les
théories des parties prenantes.
Le concept de développement durable recouvre donc plusieurs aspects : la prise en compte du
système et de son environnement, la définition des dimensions à étudier, la synergie des différents
enjeux potentiellement antagonistes, dans le temps et dans l’espace, et le développement durable de
fond (un objectif) et de forme (un processus dynamique).
2.3 Proposition d'une définition standard du développement durable
Ces divers éléments conceptuels constituent une base théorique sur laquelle nous proposons une
définition standard du développement durable, et en particulier du concept de durabilité.
Afin de proposer une définition structurée du concept de développement durable, nous distinguerons
le « développement » de la « durabilité », et l’indispensable articulation de ces deux concepts dans la
définition du « développement durable ».
1. Définir le développement et la durabilité
Nous définissons le développement d’un système comme le niveau de développement (ou « état »)
atteint par un système dans son environnement, à un instant donné.
Nous définissons la durabilité comme la capacité à garder ce niveau de développement dans un environnement systémique et dynamique (organisation sociale, ressources économiques, niveau technologique, capacité des ressources environnementales, etc.).
2. Quel développement ?
Le concept de « développement durable » a été défini sur la base du concept de « développement ».
Afin de définir le développement durable, il apparaît nécessaire de préciser quel est le contenu
normatif que nous souhaitons donner au concept de « développement ».
Le développement peut être défini comme un niveau de développement atteint par un système à un
instant donné. Il est analysé par son écart à un référentiel normatif défini sur la base de seuils
moraux ou pragmatiques (ex : un volume minimum d’eau accessible par personne par jour) ou sur la
base d’observations (ex : l’Indice de Développement Humain –IDH- est calculé sur la base des
niveaux de développement observés dans le monde).
Dans le cadre de ce rapport, nous reprenons la définition du « développement » proposée dans le
rapport Brundtland et l’étendons à la notion de développement humain tel que défini par le PNUD,
soit l’amélioration de la qualité de vie des êtres humains, en moyenne comme pour les plus démunis,
dans ses aspects subjectifs (bien-être) et objectifs (« capabilités »)(Jacques Theys 2009).
Contrairement à certaines acceptations, le concept de développement durable est initialement centré
sur l’Humain et non sur la Nature, bien que les deux soient « inséparables ».
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3. Articuler développement et durabilité
La distinction entre les concepts de « développement » et de « durabilité » permet d’éviter les
confusions et de préciser l’articulation entre ces deux concepts, afin d’équilibrer la définition du
concept de développement durable.
Un niveau de développement d’un système est à distinguer de la durabilité de ce niveau de
développement. Un niveau de développement donné peut ainsi être « durable » pour un système
dans un environnement donné, mais ne le sera pas obligatoirement pour ce même système dans un
autre environnement, ou pour un autre système dans ce même environnement.
Une confusion entre « développement » et « durabilité » fait courir le risque de considérer que la
durabilité est liée à un niveau de développement en particulier, ou de retenir la durabilité comme
« l’objectif ultime » du concept de développement durable qui serait alors réduit à la recherche de la
durabilité sans obligation de développement, ce qui constituerait une complète opposition à
l’inspiration humaniste à l’origine de ce concept et à la définition proposée par le rapport Brundtland.
Dans le cadre de ce rapport, nous considérerons qu’il n’y a pas de durabilité souhaitable sans
développement, et qu’il n’y a pas de développement possible à terme sans durabilité. Il est donc
nécessaire de considérer conjointement les deux composantes conceptuelles du développement
durable, tout en identifiant leurs différences.
4. Quelle durabilité ?
La distinction entre développement et durabilité permet également de proposer d’approfondir le
concept de durabilité. Comment définir la durabilité ? La capacité à atteindre et à garder un certain
niveau de développement se définit-elle uniquement sur le long terme ? Il semble opportun de
proposer une définition structurée et standard du concept de durabilité.
Notre définition repose principalement sur un approfondissement des principes essentiels de
durabilité systémique, ou « basic orientors » (Bossel 1999). Ces principes essentiels proposent de définir les différents éléments essentiels à la définition de la durabilité de l’état d’un système dans un
environnement donné.
Figure 6 : Eléments de définition de la durabilité
Eléments « internes » de durabilité
La durabilité du niveau de développement se définit tout d’abord par la capacité en moyenne d’un
système dans son environnement à atteindre et garder ce niveau de développement. Afin de
raisonner en moyenne, nous considérons ici un contexte moyen et un environnement stable, hors
interactions avec d’autres systèmes extérieurs et hors variation de l’état moyen des diverses
dimensions. Cette première étape permet ainsi de définir si le niveau de développement (état) du
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système étudié est « viable » (au sens large) en temps normal. Une première série de principes
essentiels de durabilité systémique permet de définir ces aspects de la durabilité :
o Principe essentiel d’existence : la durabilité se définit tout d’abord par la compatibilité
entre les capacités du système et de son environnement à assurer en moyenne un niveau de
développement donné (Bossel 1999). Cette compatibilité entre le niveau de développement et
les capacités est également étudiée en fonction de la pertinence des capacités mises en
œuvre et de leur éventuelle sur-capacité ou sous-capacité.
o Principe essentiel d’efficience : la durabilité se définit ensuite par la capacité du système à
assurer ce niveau de développement, en gérant efficacement et avec efficience la
compatibilité entre les capacités du système dans son environnement et le niveau de
développement donné (Bossel 1999), par exemple en gérant efficacement la rareté moyenne
des ressources ou le fonctionnement moyen du système étudié.
o Principes essentiels de besoins psychologiques et de responsabilité : la durabilité se
définit également par la « désirabilité » du niveau de développement du système (Mayer
2008), soit par la capacité d’un système à répondre aux attentes sociales au sens large
(Bossel 1999), autant au niveau des individus (développement humain, capabilités,
préférences), qu’au niveau collectif (respect des normes et institutions).
o Principe essentiel de sécurité : Enfin, la durabilité se définit par la capacité d’un système à
conserver (résistance) ou à récupérer (résilience) son niveau de développement (état)
moyen, malgré la variabilité du système et de son environnement. Cette variabilité se traduit
par des « chocs » ponctuels par rapport à l’état normal, par des distorsions internes
(variabilité des dimensions du système) ou externes (variabilité des dimensions correspondant
à l’environnement naturel et sociétal du système), qui peuvent remettre en cause l’état du
système (Bossel 1999).
Ces cinq éléments « internes » de durabilité constituent la base de notre définition : si ce premier
groupe de principes essentiels n’est pas satisfait, alors un système ne saurait être durable.
Ces principes essentiels restent néanmoins limités dans leur définition de la durabilité : ils
correspondent à une durabilité figée et centrée sur le système étudié et ne permettent d’appréhender
(i) ni les possibles externalisations de la « non durabilité » du système étudié vers d’autres systèmes,
(ii) ni l’impact d’interactions avec d’autres systèmes sur la durabilité du système étudié, (iii) ni les
possibles variations et évolutions des capacités des diverses dimensions et leurs conséquences sur la
durabilité du développement du système étudié.
Eléments « externes » de durabilité
En effet, il est nécessaire de compléter cette première définition de la durabilité afin d’y inclure la
capacité d’un système à soutenir un niveau de développement « viable » (cf. supra) dans un contexte
changeant et incertain, soit dans le cadre d’interactions dans l’espace (avec d’autres systèmes, à
différentes échelles locales et globales, etc.) et dans le cadre d’interactions dans le temps (sur le long
terme, problématique de l’irréversibilité, etc.).
La capacité du système à pérenniser sa « viabilité » dans le cadre de ces interactions systémiques
dynamiques est définie par les éléments « externes » de durabilité, qui correspondent à différents
principes essentiels de durabilité systémique :
o Principe essentiel d’adaptabilité : La durabilité se définit tout d’abord par la capacité d’un
système à faire face aux évolutions structurelles (long terme) du système et de son
environnement naturel et social (Bossel 1999). L’adaptabilité correspond à la fois à la
capacités du système de s’adapter aux changements futurs (adaptation), et à sa capacité à
réduire les changements structurels (mitigation).
o Principe essentiel de liberté d’action : Dans un monde changeant et incertain, la durabilité
se définit également par la capacité d’un système à conserver et à développer une diversité
d’options suffisantes, afin de pouvoir faire face aux enjeux présents et à venir (Bossel 1999).
Cet aspect de la durabilité correspond à la capacité du système à assurer des options de
remplacement (capacité à développer une diversité d’alternatives possibles, de plans « B »),
et sa flexibilité (capacité à développer une réversibilité, afin de pouvoir faire face à des
enjeux imprévus et/ou à des enjeux actuellement imprévisibles).
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o Principe essentiel de coexistence : La durabilité se définit ensuite par la capacité d’un
système à pérenniser son niveau de développement (état) dans le cadre des interactions avec
les autres systèmes locaux (Bossel 1999). En effet, les systèmes d’une même échelles
donnée ou d’échelles directement voisines interagissent entre eux, avec des conséquences
directes sur la durabilité de leurs niveaux de développements respectifs. Ces interactions de
neutralité, de concurrence, ou de coopération, ont des impacts sur la durabilité du système
étudié : (i) interactions locales directes (par exemple lors d’une mutualisation des coûts entre
deux systèmes locaux afin de réaliser des économies d’échelles), (ii) interactions locales
indirectes, sur l’environnement du système étudié (par exemple lors de concurrence pour une
ressource commune à deux systèmes locaux).
o Principe essentiel de contribution : La durabilité se définit enfin par la contribution du
système à la durabilité d’autres systèmes, sur d’autres échelles géographiques et
temporelles3 (Bossel 1999). Cette contribution correspond aux externalités positives et
négatives hors du système étudié (ex : émissions de gaz à effet de serre, solidarité
internationale, etc.). La contribution d’un système local sera optimale s’il contribue au
développement durable global (cf. §2.2).
En conclusion, nous définissons le développement durable comme la satisfaction de l’ensemble
des principes essentiels de durabilité, pour un niveau de développement donné, d’un système
appréhendé dans son environnement naturel et social.
3. Traduire les concepts en un outil d’analyse
La méthode développée dans ce rapport propose de traduire cette définition standard du
développement durable en un outil pratique, appliqué aux services d’eau et d’assainissement.
3.1 Présentation de la méthode
Cette méthode propose des axes de réflexion pour contribuer à l’amélioration de la définition et de
l’analyse du développement durable des services urbains d’eau.
1. Principaux apports de la méthode proposée
Une multitude d’approches et d’outils visent à rendre opérationnel le concept de développement
durable (Lundin 1999; Singh, Murty et al. 2009) et la majorité d’entre elles font face à plusieurs
difficultés théoriques et pratiques. Notamment, peu de méthodes définissent clairement la
« durabilité » qu’elles étudient, au delà de la présence des trois dimensions du développement
durable, de la prise en compte du développement sur le long terme, et de la limitation des externalités
sur l’environnement. Présentons les principaux apports de la nouvelle méthode proposée, par rapport
aux principales méthodes d’analyse du développement durable.
Adapter les trois dimensions du développement durable aux spécificités du système étudié
La plupart des méthodes étudient le développement durable au travers des trois dimensions définies
depuis la Conférence de Rio (1992) : Economie, Environnement, Social.
Ces dimensions ont été définies pour étudier le développement durable d’un système spécifique
(l’Humanité) et à une échelle spécifique (la Planète Terre), mais elles sont généralement appliquées à
l’identique, quel que soit le système étudié et quelque soit l’échelle étudiée. Pourtant, le choix des
dimensions à étudier n’est pas anodin. Entre autres choses, le choix de ces dimensions doit permettre
d’identifier quels sont les principaux antagonismes intrinsèques au système étudié, afin de
déterminer la conjonction de leurs enjeux et de pouvoir ainsi définir le développement durable du
système étudié.
De plus, cette définition du développement durable par trois dimensions est souvent trop « large »
pour étudier le développement durable d’un système local et de ses spécificités. Par exemple, si au
niveau international la dimension « social » du développement durable peut être traduite par
3 Bien que proches en apparences, le principe essentiel de contribution (interactions à l’échelle locale et globale,
et à sens unique depuis le système étudié vers l’extérieur) est distinct du principe de essentiel de coexistence
(interactions à l’échelle locale uniquement et à double sens, entre le système étudié et les autres systèmes
locaux).
13/60
« l’espérance de vie à la naissance » ou par le « taux d’alphabétisation », ces critères font peu sens
pour étudier le développement durable d’un système local, par exemple les services d’eau d’une ville.
L’étude du développement durable d’un système requiert donc comme étape préalable à l’analyse de
prendre en compte ses spécificités. Nous proposons pour cela d’adapter les trois dimensions du
développement durable, afin qu’elles permettent d’appréhender les divers antagonismes
spécifiques au système étudié. Cette adaptation se traduit par une précision des enjeux
potentiellement antagonistes recouverts par les trois dimensions du développement durable, selon les
spécificités du système étudié, afin de pouvoir définir les synergies entre ces enjeux possiblement
antagonistes et de définir ainsi le développement durable du système étudié.
Dépasser les blocages de l’approche comptable de trois « piliers » du développement durable
La plupart des méthodes d’évaluation quantitative du développement durable suivent une approche
comptable, qui consiste à ajouter aux indicateurs de performance économique de nouveaux
indicateurs, afin d’étudier les aspects sociaux et environnementaux (Lundin 1999). Cette approche se
traduit par l’étude de trois « piliers » distincts du développement durable, au travers de divers
indicateurs correspondants à chacune de ses dimensions.
Cependant, les dimensions étudiées correspondent à des priorités et à des enjeux potentiellement
antagonistes et leur simple analyse côte à côte aboutit dans la pratique à la prévalence d’une ou de
plusieurs dimensions sur les autres et à leur hiérarchisation, selon les priorités de l’évaluateur (Pope
2004; Bollecker and Mathieu 2008). Ainsi, l’approche « TBL » (« Tripple Bottom Line » ou « Triple
Résultat ») reste par exemple principalement centrée sur la dimension Economie, les deux autres dimensions Environnement et Social étant généralement reléguées à un rôle descriptif ou secondaire. De même, les approches environnementalistes restent principalement centrées sur la dimension
Environnement, et aboutissent généralement à un arbitrage qui donnent généralement moins d’importance aux deux autres dimensions en cas d’enjeux antagonistes entre les diverses
dimensions.
En étudiant séparément le développement durable de chaque dimension, sans appréhender les
interactions qui les relient, l’approche comptable ne permet donc pas de dépasser les antagonismes
qui peuvent opposer les diverses dimensions étudiées : cette approche ne permet donc pas de définir
et d’analyser le développement durable, tel qu’il est définit par le rapport Brundtland.
La méthode présentée dans ce rapport propose de dépasser ce problème méthodologique en
privilégiant l’étude des interactions entre les dimensions du développement durable, plutôt que
l’analyse individuelle de chaque dimension étudiée séparément. La méthode proposée dans ce
rapport permet ainsi d’appréhender les conjonctions et les interactions entre les différentes
dimensions du système étudié, et d’en définir le développement durable.
Définir un développement durable au delà de la seule limitation des externalités négatives
De nombreuses méthodes (modèle PSR de l’OCDE, modèle DPSIR de l’AEE, analyse du cycle de
vie, etc.) centrent leur analyse du développement durable sur la réduction de la « non durabilité »
d’un système ou d’une activité (Pope 2004).
La méthode proposée dans ce rapport relève également d’une telle approche, mais elle propose de la
compléter en définissant aussi le développement durable comme un « programme global de changement » (WCED 1987). Au delà de la nécessaire réduction de l’impact d’une activité ou d’un système sur les capacités du système et de son environnement, le développement durable consiste
également à optimiser la durabilité du développement du système étudié, en renforçant les
capacités actuelles et futures du système et de son environnement.
La définition et l’analyse de ces aspects de la durabilité correspond notamment aux principes
essentiels de liberté d’action (construire la durabilité comme une liberté de mouvement nécessaire
face à l’irréversibilité), d’adaptabilité (construire la durabilité pour demain), de coexistence (construire
la durabilité en commun au niveau local), par une approche dynamique et pro-active du
développement durable.
Articuler le développement durable d’un système étudié avec le Développement Durable (global)
La plupart des méthodes analysent le développement durable d’un système ou d’une activité en
particulier. Ainsi, de nombreuses méthodes limitent leur analyse au système étudié, sans prendre
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en compte qu’un système peut sembler être « durable » lorsqu’en réalité il exporte sa « non
durabilité » vers d’autres systèmes, opposant alors développement durable local et global (cf. supra).
Les méthodes d’analyse existantes prennent bien en compte certaines externalités, mais
généralement elles ne définissent pas clairement quel est l’articulation entre le « développement
durable » du système étudié et le « développement durable » global. Ainsi, les externalités identifiées
et analysées sont généralement globales (émissions de gaz a effet de serre, solidarité internationale,
etc.), mais ne prennent pas toujours en compte les externalités à une échelle plus proches du
système étudié, dans l’espace (par exemple la répartition des revenus d’une entreprise et son impact
sur le développement des habitants et d’une ville) ou dans le temps (par exemple l’endettement
insoutenable d’une entreprise et le transfert de sa « non durabilité » vers les générations futures qui
devront en payer les coûts économiques, sociaux et environnementaux éventuels).
Afin de mieux articuler les développement durable des divers système et à diverses échelles, la
méthode que nous présentons dans ce rapport propose de définir et d’analyser le développement
durable d’un système dans son environnement systémique et dynamique, en appréhendant les
implications de la durabilité d’un système sur diverses échelles, autant dans l’espace (entre les
systèmes et son environnement, entre le local et le global, entre le sectoriel et le général) que dans le
temps (entre générations présentes et générations futures). Cet aspect est notamment étudié par
l’analyse des interactions entre les différentes dimensions, et par les différents principes essentiels de
durabilité que nous avons proposé (cf. §2.3).
Compléter l’approche empirique des « bonnes pratiques » du développement durable
Afin de dépasser les limites de l’approche comptable (cf. supra), de nombreuses méthodes suivent
une approche empirique fondée sur la recherche et l’analyse des « bonnes pratiques » qui mènent
au développement durable. Ces approches, généralement basées sur des études comparatives
étudiant divers cas, se traduisent principalement par des listes d’indicateurs ou d’indices (Bollecker
and Mathieu 2008).
Cependant, une telle approche peut parfois manquer de structure et de cohérence, en raison de
l’absence d’un cadre théorique clairement défini. Les listes d’indicateurs et de critères proposées
étudient des aspects très hétérogènes du développement durable, souvent peu équilibrées et peu
structurées, parfois sans réelle cohérence. Il est alors difficile de déterminer dans quelle mesure les
indicateurs ou critères proposés par une approche empirique couvrent l’ensemble des aspects
essentiels à la définition et l’analyse du développement durable.
De plus, une « bonne pratique » ne constitue pas toujours un critère de développement durable valide
en dehors du cas étudié, ce qui pose un problème de réplicabilité de la définition et de l’analyse du
développement durable. En effet, les « bonnes pratiques » observées pour un cas d’étude ne sont
pas toujours pertinentes pour analyser le développement durable d’autres systèmes, même
similaires, dans un autre contexte. Par exemple, l’utilisation de technologies de pointe de traitement
des eaux usées pourra dans certains cas être considérée comme une « bonne pratique » menant au
développement durable, mais pourra être incompatible avec les capacités de financement locales
d’autres systèmes pour lesquels cette même « bonne pratique » sera clairement non durable. Les
approches empiriques se traduisent par des cadres d’analyse qui s’avèrent généralement difficiles à
répliquer et peu adaptés à d’autres systèmes que ceux pour lesquels elles ont été observées ou
crées.
Face à ces difficultés, la méthode présentée dans ce rapport propose des pistes de réflexion et des
solutions pratiques pour contribuer à l’amélioration de la définition et de l’analyse du développement
durable des services d’eau et d’assainissement dans les villes.
2. Description de la méthode proposée
Cette méthode propose une traduction du concept de développement durable structurée en
plusieurs étapes, afin de définir et d’analyser de manière plus approfondie les dimensions à
considérer, le niveau de développement étudié, et les différents aspects de la durabilité des services
d’eau et d’assainissement.
Cette méthode standard est applicable quelque soit le « niveau de développement » du système
étudié, son contexte ou son environnement, tout en les prenant en compte.
Les concepts et les définitions présentées dans les chapitres précédents se traduisent en divers
critères de durabilité qui permettent d’analyser de manière systématique les divers aspects
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essentiels à la définition de la durabilité des services urbains d’eau (cf. les 9 principes essentiels de
durabilité systémique). Les grilles de critères de durabilité ainsi obtenues peuvent être appliquées aux
méthodes d’analyse existantes, afin d’identifier de manière précise quels sont les
faiblesses/problèmes de l’analyse de la durabilité des services urbains d’eau étudiés.
La traduction du concept de développement durable en outil d’analyse pratique des services urbains
d’eau (cf. § 3.2) correspond aux étapes suivantes.
Figure 7 : Etapes de définition du développement durable d’un système
3.2 Développement durable des services d’eau et d’assainissement
Après avoir proposé une définition standard du développement durable, nous proposons d’appliquer
en pratique cette méthode de traduction du concept aux services d’eau et d’assainissement.
1 Définition de l’objet étudié : le système des services urbains d’eau
Les services d’eau et d’assainissement peuvent être définis comme l’activité de fournir de l’eau et
d’évacuer les effluents, pour la satisfaction des besoins des activités humaines.
Ces services essentiels au développement (Camdessus 2003) correspondent à des réalités et des
« niveaux de développement » très différents qui n’ont parfois en commun que leur fonction (Breuil
2004).
La distinction entre « système » et « niveau de développement » proposée dans les chapitres
précédents nous permet de définir plus précisément quel est le « niveau de développement » des
services d’eau et d’assainissement que nous souhaitons étudier.
Un système technique et de gestion
Pour les besoins de notre étude, nous définirons par « services urbains d’eau » le niveau de
développement du système des services d’eau et d’assainissement tendant à être généralisé dans les
villes d’Europe, et plus largement dans les pays occidentaux.
Ces services urbains d’eau reposent principalement sur une infrastructure technique en réseau qui
assure la circulation de l'eau depuis les points de prélèvement, jusqu'aux points de retour dans le
milieu naturel (« dérivation anthropique » du cycle de l’eau). Cette circulation correspond aux aspects
techniques des services urbains d’eau, aux principales étapes suivantes : mobilisation de ressource
en eau, traitement, transport, stockage, distribution, collecte, transport, traitement, rejet (Breuil 2004).
Les services urbains d’eau reposent également sur une gestion des services, qui assure les
fonctions de contrôle de la production et de fonctionnement interne (management, ressources
humaines, stratégies, etc.), de relations et de communication avec l’extérieur (usagers, autorités
organisatrice, société), etc. Ce sont les aspects organisationnels des services urbains d’eau.
Ces composantes technico-économiques permettent une offre de masse standardisée, pour des coûts
marginaux de production et de connexion relativement bas, afin de répondre à une demande captive
(situation de monopole, besoins essentiels) et relativement inélastique (Breuil 2004).
Des services pour le développement des individus et de la société
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Ces services urbains d’eau, faiblement substituables (Ménard 2002), ont également une forte
dimension sociale.
Au niveau des individus, le Sommet Mondial sur le Développement Durable de Johannesburg (2002)
a réaffirmé l’importance de l’eau et de l’assainissement comme services essentiels « indispensables
à une vie digne et décente ». Cette notion transparaît également dans les cadres juridiques nationaux,
par exemple en France dans l’article 1 de la Loi 2006-1772 sur l’Eau et les milieux aquatiques (LEMA)
qui précise : « le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ». L’impact des services urbains d’eau sur le développement individuel (besoins, capabilités, etc.) est particulièrement important (Pezon 2005).
Au niveau socio-institutionnel, les services urbains d’eau revêtent une importance similaire : ils
participent au développement et au fonctionnement général de la société et de l’économie
(Camdessus 2003). C’est pour cette raison que la notion française de « service public » et son
équivalent européen de service d’intérêt économique général (SIEG) confèrent aux services
urbains d’eau un statut spécifique, régis par diverses normes : principes d’égalité des usagers, de
continuité du service, de mutabilité et de neutralité du service, complété par les principes plus récents
de transparence et de participation.
Les services urbains d’eau se caractérisent enfin par leur forte territorialisation, conséquence de
l’emprise physiques des infrastructures au niveau local, du patrimoine technique historiquement
financé et géré à l’échelle locale (Pezon 2006), de l’impact sur les ressources locales en eau et sur
l’environnement, des externalités locales sur la société (Ménard 2002; Breuil 2004), etc.
2. Application du concept de développement durable aux services urbains d’eau
Le concept de développement durable et ses trois dimensions sont initialement définis à l’échelle
globale (§ 2). Afin d’appréhender les antagonismes potentiels des enjeux spécifiques aux services
urbains d’eau, nous proposons d’adapter ces dimensions aux enjeux du système local étudié, de
détailler leur « niveau de développement » et leur durabilité.
Dimensions des services urbains d’eau
Les services urbains d’eau constituent un système à l’échelle locale. Il correspond principalement à un
« sous-système de soutien » (Bossel, 1999) formé par les dimensions technico-économiques :
- Dimension « Technique » : moyens de production matériels des services d’eau et
d’assainissement, soit les moyens techniques (pompes, tuyaux, etc.), humains (ressources
humaines, etc.) et organisationnels (structure interne, management, etc.). Cette dimension inclut
des intrants nécessaires à la production (information, énergie, etc.) ;
- Dimension « Economie » : moyens économiques de production des services d’eau et
d’assainissement (aspects financiers, économiques, commerciaux, monétaires, contractuels, etc.).
Le « sous-système de soutien » technico-économique nécessite des intrants (ressource principale) et
produit des extrants (mission du système) :
- Dimension « Ressource » : l’eau brute est le principal intrant du système étudié, provenant soit
de prélèvements (eaux de surface, eaux souterraines, etc.) soit d’importations (depuis un autre
endroit et par divers moyens : autre réseau d’eau, canaux, etc.) ;
- Dimension « Humain » : le principal extrants du système étudié et la mission du système est la
satisfaction des besoins individuels des usagers en eau potable et en assainissement. Cette
dimension inclut l’ensemble des interactions avec les usagers (satisfaction des besoins en eau et
assainissement, préférences, confiance, acceptation de la gouvernance, des tarifs, etc.).
Enfin, le système étudié évolue dans un cadre plus large qui conditionne sa durabilité :
l’environnement naturel et social des services urbains d’eau :
- Dimension « Milieu Naturel » : l’environnement physique, chimique et l’ensemble des systèmes
biologiques non-humains (faune, flore). Le Milieu Naturel forme la réalité matérielle dans laquelle
existe et interagit le système des services urbains d’eau (ex : milieu aquatique, etc.) ;
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- Dimension « Social » : l’environnement social du système des services urbains d’eau correspond
aux normes et aux institutions4. Cette dimension inclut l’ensemble les règles sociales, la culture, le
cadre légal, la gouvernance, l’arrangement institutionnel, etc.
Le graphique ci-dessous représente ces six dimensions qui définissent le système des services
urbains d’eau et son environnement, ainsi que leurs interactions.
Figure 8 : Dimensions du développement durable du système des services urbains d’eau
Développement des services urbains d’eau
Comme définit précédemment, les services urbains d’eau correspondent à un « niveau de
développement » des services d’eau et d’assainissement spécifique (cf. § 3.1).
De manière générique, nous définissons le développement des services urbains d’eau comme le
niveau de satisfaction des besoins en eau et assainissement des usagers assuré par les capacités du
système des services urbains d’eau, dans son environnement.
Ce niveau de développement peut se décliner pour chaque dimension du système des services
urbains d’eau et de son environnement. Le « niveau de développement » (état) du système et de son
environnement correspond ainsi au « niveau de développement » des principales dimensions qui les
définissent, comme détaillé dans la figure ci-dessous.
Figure 9 : Développement des services urbains d’eau
Dimensions Niveau de développement correspondant
Milieu naturel Préservation de l’environnement : préservation et développement de l’environnement local et global.
Ressource Préservation de la ressource : renouvellement et disponibilité de la ressource en eau (pour satisfaire les besoins des services, de l’environnement et d’autres systèmes qui utilisent également cette ressource).
Technique Performances des moyens de production : pertinence, efficience et efficacité de la production des moyens techniques et organisationnels de production des services d’eau et d’assainissement.
Economie
Performances économiques et financières : pertinence, efficience et efficacité de la gestion économique des services urbains d’eau. En particulier, les coûts d’exploitation (opération et maintenance) et de capital (investissement) sont financés.
4 Institution : « ensemble de règles effectives utilisées pour déterminer qui est éligible pour prendre des
décisions, quelles actions sont autorisées et limitées, quelles systèmes de règles seront utilisés et procédures
suivies, quelles informations, et quels responsabilités seront attribuées aux individus » (Ostrom, 1990).
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Humain Satisfaction des besoins des usagers : les besoins en eau potable et en
assainissement (qualité, quantité, service, etc.) sont satisfaits, et les usagers apportent leur soutien au système (confiance, préférence, etc.).
Social Acceptation sociale : les normes et les institutions assurent le bon
fonctionnement des services urbains d’eau (gouvernance, réglementation, etc.)
Le développement durable des services urbains d’eau correspond à la durabilité de ce niveau de
développement.
Conjonction des antagonismes des dimensions des services urbains d’eau
Comme définit dans les chapitres précédents, le « développement durable » correspond à la
conjonction des divers enjeux, potentiellement antagonistes, des différentes dimensions du système
étudié et de son environnement (cf. §2).
Cette conjonction se traduit par les interactions entre le niveau de développement des différentes
dimensions étudiées. Ces interactions entre les six dimensions forment une grille de 36 interactions
possibles (cf. figure ci-dessous).
Figure 10 : Exemple de grille d’interaction des dimensions des services urbains d’eau (vide)
Chaque interaction entre les niveaux de développement respectifs de chaque dimension permet de
définir quels sont ces possibles antagonismes et d’en définir la synergie correspondante.
Chaque relation entre deux dimensions correspond en réalité à deux interactions distinctes : une
première interaction de la dimension « x » vers la dimension « y », et une seconde interaction de la
dimension « y » vers la dimension « x ». En définissant des interactions à double sens, la méthode
présentée dans ce rapport permet d’élargir l’analyse du développement durable au-delà de la simple
étude d’impact du système sur son environnement (interaction à sens unique). Cette méthode permet
également d’analyser des interactions plus complexes entre le système étudié et son environnement
systémique : rétroactions, dépendances, répercutions sur plusieurs dimensions, etc.
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L’analyse du développement durable réalisée par de nombreuses méthodes se limite à cette étape de
l’analyse. Pourtant, la seule définition de la conjonction entre les niveaux de développement respectifs
des différentes dimensions n’est pas suffisant pour définir le développement durable : comment
analyser les synergies identifiées entre les différentes dimensions étudiée ? Pour être durable, faut-il
que les niveaux de développement respectifs des dimensions soient atteints et maintenus
conjointement, à un instant présent ? Sur le long terme ? Faut il que ces interactions soient assurées
même en cas de variabilité ponctuelle ? D’autres aspects de la durabilité sont-ils à analyser ? En
somme, comment définir et analyser la durabilité de ces synergies, pour le niveau de
développement étudié ?
Durabilité des services urbains d’eau
Comme définit dans les chapitres précédents, la durabilité est la capacité d’un système à atteindre
et à maintenir un niveau de développement donné, dans son environnement (cf. §2.3). De
manière plus précise, la durabilité est la capacité à atteindre et maintenir ce niveau de développement
dans un environnement naturel et social (existence, efficience, besoins psychologiques,
responsabilité), dans le temps (sécurité, liberté d’action, adaptabilité) et dans l’espace (coexistence,
contribution) : nous avons ainsi défini les 9 principes essentiels de durabilité systémique qui
correspondent à ces différents aspects de la durabilité (cf. § 2.3).
Les interactions entre les diverses dimensions des services urbains d’eau correspondent à 36
antagonismes ou synergies possibles, chaque interaction constituant une conjonction entre des
enjeux potentiellement antagonistes de diverses dimensions (cf. supra). Afin de définir et d’analyser si
le niveau de développement des services urbains d’eau est « durable », nous allons étudier la
satisfaction des 9 différents principes essentiels de durabilité, pour chacune de ces 36 interactions
entre les dimensions des services urbains d’eau.
Dans la pratique, la satisfaction de chacun des 9 principes essentiels par les 36 interactions possibles
se traduit par 9 grilles de critères de durabilité qui permettent de définir de manière systématique
les divers aspects du développement durable des services urbains d’eau, correspondant à chaque
principe essentiel de durabilité systémique. A titre d’illustration, voici quelques exemples de critères de
durabilité, pour chacun des 9 principes essentiels de durabilité, pour diverses interactions, ainsi que
des indicateurs qui pourront être utilisés pour les évaluer :
o Le principe essentiel d’existence –compatibilité et pertinence- appliqué à l’interaction entre
les dimensions « Ressource » et « Humain » (case B5 de la grille d’interactions), se traduit par le critère de durabilité suivant : l’état moyen de ressources en eau permet de satisfaire le
niveau moyen des besoins en eau des usagers (exemple d’indicateur : ratio des ressources
en eau disponibles par habitant, en mètres cubes par habitant).
o Le principe essentiel d’efficience –efficience et efficacité- appliqué à l’interaction entre les
dimensions « Ressource » et « Technique » (case B3), se traduit par le critère de durabilité suivant : l'état moyen de la ressource en eau (qualité, quantité, disponibilité) permet la
performance de la production des services d’eau potable (exemple d’indicateur : quantité de
KWh utilisés pour produire un mètre cube d’eau potable).
o Le principe essentiel de besoins psychologiques appliqué à l’interaction entre les
dimensions « Humain » et « Technique » (case E3), se traduit par le critère de durabilité suivant : les usagers sont sensibilisés, acceptent et soutiennent (confiance, préférence, etc.)
les services urbains d'eau (exemple d’indicateurs : part de la consommation domestique d’eau
potable issue d’autres sources d’approvisionnement que les services urbains d’eau étudiés).
o Le principe essentiel de responsabilité –niveau de normes et respect de ces normes-
appliqué à l’interaction entre les dimensions « Social » et « Technique » (case F3), se traduit par le critère de durabilité suivant : le niveau de normes sociales encadrant la production des
services d’eau et d’assainissement (ex : droit du travail, normes techniques, etc.) est respecté
(exemple d’indicateur : indice d’avancement des normes de production d’eau potable, etc.).
o Le principe essentiel de sécurité –vulnérabilité, résistance, résilience- appliqué à
l’interaction entre les dimensions « Technique », et « Ressource » (case C2), se traduit par le critère de durabilité suivant : en cas de fonctionnement ponctuellement anormal des moyens
techniques/organisationnels de production des services urbains d’eau (ex : pollution
accidentelle ou surexploitation ponctuelle de la ressource), l’état de la ressource en eau reste
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préservé –résistance- ou revient facilement à son état moyen –résilience- (exemples
d’indicateurs : part de la ressource en eau protégée par un périmètre de protection ; indice de
prévention contre les pollutions accidentelles ; nombre de jours nécessaires pour retrouver
une ressource de qualité après une pollution accidentelle).
o Le principe essentiel de liberté d’action –options de remplacement, capacité de
réversibilité- appliqué à l’interaction entre les dimensions « Humain » et « Ressource » (case E2) se traduit par le critère de durabilité suivant : il existe une diversité de façons de satisfaire
les besoins des usagers par les ressources en eau, face aux divers enjeux prévisibles et
imprévisibles à venir (exemples d’indicateurs : pourcentage d’usagers ayant accès à une
source alternative d’eau ; marge de diminution possible de la consommation de la ressource
en eau sans trop réduire la satisfaction des usagers, etc.).
o Le principe essentiel d’adaptabilité –adaptation et mitigation des changements structurels-
appliqué à l’interaction entre les dimensions « Milieu Naturel » et « Ressource » (case A2), se traduit par le critère de durabilité suivant : les services urbains d’eau s’adaptent à l’avance ou
minimisent l’impact des changements structurels de l’environnement sur la ressource en eau,
ce qui favorise la pérennité de la fourniture de services urbains d’eau (exemple d’indicateur :
actions de prévention contre l'intrusion saline dans les aquifères en zone côtière, etc.).
o Le principe essentiel de coexistence –impact des interactions avec d’autres systèmes
locaux sur l’état du système étudié et sur d’autres systèmes- appliqué à l’interaction entre les
dimensions « Economie » et « Technique » (case D3), se traduit par le critère de durabilité suivant : les interactions économiques entre les services urbains d’eau et les autres systèmes
locaux (concurrents, agriculteurs, autres collectivités, associations d’usagers, etc.) permettent
l’amélioration des performances de production matérielle des services urbains d’eau (exemple
d’indicateur : partage des coûts et/ou économies d’échelles et conséquences sur le coût du
capital pour les investissements d’infrastructures du réseau d’eau et d’assainissement, etc.).
o Le principe essentiel de contribution aux systèmes extérieurs appliqué à l’interaction
entre les dimensions « Technique » et « Milieu Naturel » (case C1), se traduit le critère de durabilité suivant : les externalités négatives et positives de la production des services urbains
d’eau sur l’environnement sont contrôlées (exemples d’indicateurs : émissions de gaz à effet
de serre, traitement des boues de stations d’épuration, participation à des activités de
préservation de l’environnement, etc.).
L’ensemble des critères de durabilité et l’application pratique de chaque principe essentiel aux
diverses interactions fait l’objet d’une Annexe détaillée en fin de ce rapport.
3. Un outil pratique d’analyse
En théorie, l’application des 9 principes essentiels de durabilité systémique aux 36 interactions
possibles entre les dimensions du système et de son environnement devrait nous amener à étudier un
ensemble de 324 critères de durabilité des services urbains d’eau5.
Il n’est cependant pas nécessaire d’étudier toutes ces combinaisons possibles : en effet, chaque
principe essentiel de durabilité systémique correspond à certaines interactions et à certaines
dimensions en particulier, rarement à toutes à la fois. Les 9 grilles de critères de durabilité peuvent
ainsi être simplifiées, pour plusieurs raisons justifiées.
Premièrement, il arrive que pour une même interaction entre diverses dimensions, plusieurs principes
essentiels de durabilité correspondent à un même critère de durabilité. Par exemple, l’interaction
entre les dimensions Ressource et Humain (case B5 de la grille d’interactions) correspond au même critère de durabilité pour les principes essentiels d’existence et d’efficience. Ces « doublons » peuvent
être simplifiés facilement.
Deuxièmement, certains critères de durabilité sont appréhendés indirectement, au travers
d’autres interactions et/ou évaluées par d’autres principes essentiels. Par exemple le principe
essentiel de « sécurité » pour l’interaction entre les dimensions Milieu Naturel et Humain (case A5) :
5 Avant simplification, les 9 principes essentiels de durabilité, appliqués à 36 interactions possibles entre les
dimensions du système étudié et de son environnement, feraient un total de 9 x 36 = 324 critères de durabilité
définissant le développement durable des services urbains d’eau.
21/60
soit l’impact de la variabilité du Milieu Naturel (par exemple une tempête) sur la satisfaction des besoins en eau et assainissement des usagers. Les conséquences d’une tempête sur la satisfaction
du service d’eau pour les usagers seront principalement indirectes. En effet, une tempête aura de
possibles conséquences sur la satisfaction des besoins en eau et en assainissement des usagers, par
exemple (i) au travers d’une variation de la qualité de la ressource en eau (la qualité des ressources
en eau utilisée par le service d’eau potable pouvant être ponctuellement troublée par le ruissellement
causé par la tempête, etc.), (ii) au travers d’un fonctionnement anormal des équipements techniques
(par exemple si la tempête cause une coupure de courant, où si ponctuellement les systèmes
d’assainissement sont saturés), (iii) au travers de coûts de production des services déséquilibrées
(par exemple la réparation d’infrastructures endommagées par la tempête pourra causer des coûts à
répartir sur les factures des usagers). L’application de ce principe essentiel à cette interaction précise
correspondra ainsi aux interactions de la dimension Milieu Naturel sur les dimensions Ressource, Technique et Economie, et son impact sur la dimension Humain sera ainsi appréhendée de manière indirecte. Ces interactions indirectes peuvent être retirée de l’analyse puisqu’elle sont déjà analysée
par dans d’autres interactions et avec plus de précisions.
Troisièmement, certains critères de durabilité sont peu significatifs pour certains principes
essentiels. Par exemple, pour le principe essentiel de « sécurité », l’impact de la dimension
Technique sur la dimension Social est peu significative : en effet, la variabilité ponctuelle de la dimension Technique (ex : le fonctionnement anormal des moyens de production du service d’eau) sur l’état moyen de la dimension Social (normes et des institutions liées aux services urbains d’eau) aura peu d’effet, puisque les normes et les institutions varient avec une certaine inertie et ont donc
une variabilité qui peut être considérée comme nulle. En revanche, cette même interaction correspond
par exemple au principe essentiel « d’adaptabilité », puisque l’interaction entre ces deux dimensions
sera significative face à un changement structurel, sur le long terme.
Enfin, certains critères de durabilité ne correspondent pas au système étudié. Le
« développement durable » qui est analysé par la méthode proposé dans ce rapport correspond :
(i) au développement durable des services urbains d’eau ;
(ii) à leur contribution au développement durable global.
Ainsi, le développement durable d’autres systèmes (la biosphère, un autre système local, etc.) ne
dépend pas de cette méthode de définition et d’analyse, même si les interactions entre le système
étudié (les services urbains d’eau) et les autres systèmes sont inclues dans l’analyse, notamment au
travers des principes essentiels de Responsabilité, de Sécurité, de Coexistence et de Contribution.
22/60
Figure 11 : Synthèse des interactions appréhendées pour chaque principe essentiel de durabilité
En conclusion, ces 9 grilles simplifiées correspondent à 140 critères de durabilité. Elles forment
un cadre standardisé de définition et d’analyse du développement durable des services urbains d’eau,
qui peut être appliqué aux services urbains d’eau, quel que soit le niveau de développement et le
contexte étudié.
4. Application pratique de cette méthode : exemples
La méthode de définition et d’analyse présentée dans ce rapport a été développée sur la base de
plusieurs travaux de recherche et d’études comparatives6. Son application pratique permet
d’évaluer l’analyse du développement durable des services d’eau réalisée par diverses
méthodes existantes, afin d’en identifier les limites et les carences éventuelles.
En voici quelques applications qui permettent d’illustrer les principaux apports d’une application
pratique de la méthode proposée et ses principales limites.
6 Cette méthode s’inspire de différents apports théoriques et méthodologiques. Elle repose principalement sur la
définition du concept de développement durable proposée par le Rapport Brundtland et sur les définitions
correspondantes du développement humain. Elle repose également sur plusieurs travaux de définition de la
durabilité par des approches systémiques (Mayer 2008, Walker 2004) et des études comparatives des méthodes
d’analyse du développement durable (Pope 2004, Bollecker and Mathieu 2008, Todorov 2009). Afin
d’approfondir la définition de la durabilité, nous avons amplement repris et redéfinis les principes essentiels de
durabilité systémique (Bossel 1999). La méthode présentée dans ce rapport s’inspire ensuite de méthodes
d’analyse du développement durable directement appliquées aux services d’eau et d’assainissement, pour des
études de cas (Plancq-Tournadre 2006, Renaud Hellier 2007, ), pour des études comparatives (BIPE 2006, Pezon
2006, Bithas 2008, Makropoulos 2008). Enfin, nous avons également intégré plusieurs définitions des conditions
de la durabilité des services d’eau et d’assainissement (Lundi 1999, Pezon 2006, Canneva et Lejars 2009).
23/60
4.1 Application aux indicateurs de performance et de description (IP)
1. Les indicateurs de performance et de description de l’ONEMA
Le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT)7 prévoit que chaque collectivité territoriale
française remette un rapport annuel sur le prix et la qualité du service public de l’eau potable et
de l’assainissement fournis sur son territoire administratif.
La Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques (LEMA) de 2006 précise que ce rapport doit présenter un
ensemble de 35 indicateurs de performance et de description, classés par service (eau,
assainissement collectif et assainissement individuel) et classés « selon les trois dimensions du développement durable »8. Les indicateurs de performance et de description correspondent bien au même objet d’étude que la méthode proposée dans ce rapport : le développement durable des
services d’eau et d’assainissement, à un niveau de développement donné comparable à celui des
villes occidentales.
Figure 12 : Indicateurs de performance et de description de l’ONEMA
Eau potable Assainissement
Collectif
Assainissement
individuel
Indicateur de description
du service (ID) 2 indicateurs 3 indicateurs 1 indicateur
Indicateur de
performance (IP) 14 indicateurs 14 indicateurs 1 indicateur
2. Utilisation pratique de la méthode proposée
Dans quelle mesure ces indicateurs de performance et de description (IP) permettent-ils
d’analyser le développement durable des services urbains d’eau ? Afin pour répondre à cette
question, nous proposons d’appliquer les différentes étapes de la méthode développée dans ce
rapport aux indicateurs de performance et de description9. Nous pouvons pour cela comparer les
indicateurs de performance et de description avec les critères de durabilité des services urbains
d’eau que nous avons définis comme étant essentiels à la définition et à l’analyse des services
urbains d’eau. Cette application nous permettra de répondre aux questions suivantes :
(i) A quelles interactions entre les six dimensions des services urbains d’eau font référence
les indicateurs de performance et de description de l’ONEMA ? Quels sont les
antagonismes/synergies qui ne sont pas pris en compte ?
(ii) A quels principes essentiels de durabilité ces indicateurs de performance et de
description correspondent-ils ? Quels sont les aspects de la durabilité qui ne sont pas pris
en compte par ces indicateurs ?
Premièrement, les indicateurs proposés par l’ONEMA correspondent à une approche comptable du
développement durable : Ils sont classés en trois grandes catégories distinctes correspondant aux
trois « piliers » du développement durable (social, économique, environnement). Cependant, ce
classement connaît plusieurs limites :
o A côté des trois « piliers » du développement durable, une catégorie « autre » regroupe des
indicateurs qui ne correspondraient à aucune des 3 dimensions du développement durable.
L’existence d’une telle catégorie interroge sur la précision de la définition du « développement
durable » retenue par l’ONEMA : ces indicateurs appartiennent-ils à plusieurs dimensions à la
fois ? appartiennent-ils à une nouvelle dimension que l’ONEMA n’a pas su préciser ?
N’appartiennent-ils à aucune dimension en particulier ? etc.
o Bien que l’approche comptable semble privilégiée, les indicateurs proposés relèvent rarement
d’une seule dimension à la fois : ils correspondent généralement à des interactions entre
plusieurs dimensions et le classement par « pilier » ne semble donc pas toujours justifié.
Comme principale illustration, les indicateurs « prix moyen pour 120 m3 d’eau potable » et
« prix moyen pour 120 m3 d’assainissement », anciennement rattachés aux indicateurs du
7 Cf. article L 2224-5 du CGCT.
8 http://www.eaudanslaville.fr/spip.php?rubrique152.
9 Cf. Annexes.
24/60
pilier « social », ont été depuis peu transférés par l’ONEMA dans la catégorie des indicateurs
« économie ». L’appartenance de plusieurs indicateurs à différentes dimensions à la fois
montre que c’est bien la conjonction entre les diverses dimensions qui est ciblée par l’analyse
et non une dimension prise individuellement comme présenté dans la nomenclature.
Ces limites des indicateurs de performance et de description de l’ONEMA réduisent l’efficacité de
cette méthode à appréhender les divers aspects essentiels du développement durable des services
urbains d’eau.
Deuxièmement, les indicateurs retenus par l’ONEMA sont reconnus par expérience comme étant
pertinents pour analyser le développement durable des services d’eau, facilement accessibles et
compréhensibles. Les 35 indicateurs de performance et de description ainsi définis correspondent
donc également à une approche empirique.
Cependant, ces indicateurs ne prennent en compte que certaines interactions et que certains
principes essentiels de durabilité, soit qu’une partie limitée de la « durabilité » des services urbains
d’eau. Ils analysent principalement la performance technique (fonctionnement, coût, rendement, etc.),
l’impact technique (sur le milieu naturel, sur la ressource, sur les usagers) des services urbains d’eau,
et le respect des normes (normes environnementales). Ainsi, ces indicateurs couvrent seulement 12
des 36 interactions possibles (33%) que nous avons identifié entre les dimensions des services
urbains d’eau. En d’autres termes, 2/3 des antagonismes potentiels entre les dimensions du
développement durable des services urbains d’eau ne sont pas prises en compte par l’analyse, qui
focalise essentiellement sur la performance technique et peu sur le développement durable des
services d’eau et d’assainissement, malgré les intentions initiales.
Comme représenté dans la figure ci-dessous qui retranscrit les interactions analysées par les 35
indicateurs de performance et de description, la majorité des interactions étudiées correspondent aux
moyens techniques des services urbains d’eau (ligne C et colonne 3).
25/60
Figure 13 : Interactions analysées par la méthode de l’ONEMA (tous principes essentiels confondus)10
Troisièmement, les indicateurs de performance et de description appréhendent principalement la
durabilité en termes d’efficacité technique des moyens de production (principe essentiel d’efficience)
et de respect des normes sanitaires, techniques, environnementales en vigueur (principe essentiel
de responsabilité). En conséquence, ils permettent une analyse limitée des différents aspects de la
durabilité, les autres aspects étant peu ou pas abordés par les 35 indicateurs proposés.
Le tableau ci-dessous retrace quels sont les divers aspects de la durabilité des services urbains d’eau
(principes essentiels de durabilité systémique) que les indicateurs de l’ONEMA permettent d’étudier.
Figure 14 : Principes essentiels de durabilité systémique, analysés par les IP11
Eau potable Assainissement
Collectif
Assainissement
individuel
Total (principe)
Existence 2 2 4
Efficience 9 4 13
Besoins
psychologiques 1 1
2
Responsabilité 1 5 2 8
Sécurité 2 2
Adaptabilité 1 1 2
Liberté d’action
Co existence
Contribution
extérieure 4
4
Total (service) 16 17 2 35
En conclusion, les indicateurs de performance et de description (IP) ne permettent d’étudier que 15
des 140 critères de durabilité que nous avons définis comme étant essentiels pour la définition et
l’analyse du développement durable des services d’eau et d’assainissement (soit une couverture de
11%). Plus particulièrement, ces indicateurs semblent peu adaptés pour analyser :
10 Exemple de lecture de cette table : l’impact des moyens techniques de production des services urbains d’eau et
d’assainissement sur l’environnement (case C1) est étudié par seulement quatre indicateurs de performance (IP). 11 Exemple de lecture de ce tableau: seulement 1 indicateur de l’ONEMA permet d’étudier la satisfaction des
usagers envers le service d’eau potable (principe essentiel de besoins psychologiques).
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o certains antagonismes majeurs qui peuvent remettre en cause la durabilité des services
d’eau et d’assainissement, notamment les antagonismes entre les dimensions Humain et Economie (capacité et volonté des usagers à payer le service fournis), entre Humain et Technique (préférence et confiance des usagers dans le service fournis), entre les dimensions Technique et Milieu Naturel (concurrence pour la ressource entre les services d’eau et le milieu aquatique), entre les dimensions Technique et Economie (arbitrage entre l’augmentation des bénéfices et le renouvellement des infrastructures), ou encore entre les
dimensions Humain et Ressource (compatibilité entre la consommation moyenne prévue et la ressource en eau disponible), etc.
o la plupart des aspects de la durabilité, notamment pour étudier la compatibilité des
niveaux de développements des différentes dimensions (principe essentiel d’existence), ou
encore l’acceptation par les individus et par les normes sociales du niveau de service d’eau
et d’assainissement (principes essentiels de besoins psychologiques et de responsabilité),
son fonctionnement et son efficacité (principe essentiel d’efficience). Les indicateurs de
performance et de description permettent peu d’étudier la capacité des services urbains
d’eau à s’adapter aux changements ponctuels ou structurels des capacités du système et de
son environnement (principe essentiels de sécurité, d’adaptabilité et de liberté d’action), la
prise en compte des autres systèmes locaux et des interactions entre leurs durabilités
respectives, ainsi que l’impact des services urbains d’eau sur son environnement systémique
au sens large (principes essentiels de coexistence et de contribution).
La méthode des Indicateurs de Performance et de description de l’ONEMA ne semble donc pas
suffisante pour analyser et évaluer le développement durable des services urbains d’eau.
4.2 Application au Rapport BIPE de 2006
1. Rapport BIPE d’analyse du développement durable des services urbains d’eau et d’assainissement
Ce rapport publié en 2006 (BIPE 2006) propose d’analyser le développement durable des services
d’eau et d’assainissement de huit grandes villes d’Europe. Cette méthode se fonde sur une approche
empirique des « bonnes pratiques » qui caractérisent le développement durable des services urbains
d’eau et d’assainissement dans ces villes, pour ensuite évaluer l’écart entre les bonnes pratiques
identifiées et entre les cas d’études retenus.
Le rapport BIPE propose une méthode d’analyse détaillée et structurée en des grilles de critères de
durabilité, correspondants à 4 dimensions du développement durable : Economie, Environnement, Social (gouvernance interne, par exemple la gestion des ressources humaines de l’opérateur fournissant le service d’eau et d’assainissement) et Sociétal (service envers la société, par exemple la relation avec les usagers ou les efforts de solidarité internationale réalisés).
Par ces quatre dimensions, le rapport du BIPE définit 20 enjeux du développement durable des
services urbains d’eau et autant pour l’assainissement, soit un total de 40 enjeux qui correspondent à
un ensemble de 120 indicateurs12 à évaluer (BIPE 2006).
2. Utilisation pratique de la méthode proposée
Dans quelle mesure la méthode du rapport BIPE permet-elle d’analyser le développement
durable des services urbains d’eau ? Afin pour répondre à cette question, nous proposons à
d’appliquer la méthode d’analyse proposée dans ce rapport aux indicateurs du rapport BIPE13, comme
dans l’application précédente (cf. supra).
Premièrement, si les 120 indicateurs de la méthode BIPE proposent une analyse plus extensive de la
durabilité des services urbains d’eau que les 35 Indicateurs de Performance et de Description (IP) (cf.
supra), trois indicateurs sont couverts par les indicateurs IP mais ne le sont plus par la méthode BIPE
12 Les deux premiers indicateurs du rapport BIPE sont des notes sur les contraintes/atouts liés au contexte local.
Nous considérons que ce ne sont pas des indicateurs à proprement parler et nous ne retiendrons ici que 120 des
122 indicateurs proposés dans le rapport BIPE. 13 Cf. Annexes.
27/60
(respectivement : le prix du mètre cube d’eau potable, le prix du mètre cube d’eau d’assainissement
collectée et traitée, le taux de population locale desservie en assainissement collectif).
Les 120 indicateurs de la méthode BIPE permettent d’analyser un ensemble de « bonnes pratiques »
du développement durable des services d’eau et d’assainissement, par une approche comparative de
plusieurs villes. Cette méthode permet notamment d’intégrer à l’analyse des éléments de contexte
(population, etc.), et d’analyser plusieurs aspects du développement durable des services urbains
d’eau généralement peu pris en compte :
o Des relations inter-systémiques. La durabilité n’est donc plus uniquement centrée sur
l’opérateur des services d’eau et d’assainissement, puisqu’elle intègre également les
interactions avec d’autres systèmes : les employés de l’opérateur, la ville et le développement
local, les relations avec les usagers, la solidarité internationale, etc. ;
o La gouvernance interne de l’entreprise. La durabilité ici incluse les autres parties prenantes,
par exemple dans la gestion des ressources humaines, la relation avec les sous-traitants, etc.
o Le long terme. La durabilité ici analysée prend également en compte l’économie des
ressources en eau et les économies d’énergie, la formation des employés, la communication
avec les usagers, des stratégies de gestion patrimoniale, etc.
Deuxièmement, plusieurs interactions entre les dimensions des services urbains d’eau restent hors du
champ d’analyse du rapport BIPE de 2006. En effet, une application des critères de durabilité que
nous avons définis montre que les 120 indicateurs de développement durable du rapport BIPE sont
principalement centrés sur la dimension technico-économique des services urbains d’eau et
assainissement, soit sur les interactions entre les dimensions Technique et Economie, bien que les dimensions social (ex : respect des normes sanitaires et environnementales, responsabilité sociale de
l’entreprise, etc.) et humain (ex : satisfaction des usagers, taux d’impayés, éco-citoyenneté, etc.)
soient également prises en compte par l’analyse. Les indicateurs du rapport BIPE ne permettent ainsi
d’analyser que 19 des 36 interactions possibles (53%) identifiés pour étudier les antagonismes et
les synergies entre les diverses dimensions des services urbains d’eau.
Figure 15 : Interactions analysées par les indicateurs du rapport BIPE (tous principes essentiels
confondus)14
14 NB : certains indicateurs du rapport BIPE permettent d’étudier plusieurs interactions à la fois. Pour cette
raison, le nombre d’interactions étudiées est supérieur au nombre d’indicateurs du rapport BIPE (122).
28/60
Troisièmement, le principal apport du rapport BIPE est l’intégration de différents aspects
généralement peu pris en compte pour l’analyse du développement durable des services urbains
d’eau. Les 120 indicateurs permettent notamment de mieux analyser les principes essentiels de
durabilité systémique suivants :
� Les Besoins Psychologiques : meilleure prise en compte des usagers et de leur satisfaction,
en terme de gestion de la clientèle, de leur capacité à payer, de leurs préférences, de leur
implication dans la préservation de l’environnement et de la ressource, etc.
� La Responsabilité : normes de gestion du service et de mise en œuvre d’une politique de
responsabilité sociale de l’entreprise (avec les sous traitants, au travers de la politique interne
de ressources humaines, etc.)
� La Liberté d’action : une meilleure diversité des capacités de l’opérateur du service permet
d’améliorer la durabilité, en renforçant les capacités du système. Ainsi, un meilleur équilibre
entre les profils des employés (sexe, age, formation), une amélioration du capital humain
(formation, satisfaction des employés, etc.), une meilleure intégration des parties prenantes à
la gouvernance (usagers, employés, etc.) sont des facteurs d’amélioration de la durabilité.
� La contribution extérieure : la meilleure prise en compte des externalités techniques
(pollutions, mais également pression sur les ressources consommées pour produire le
service), économiques (renouvellement du patrimoine), et sociale (sur la société locale et à
l’étranger) permet de mieux appréhender la durabilité des services urbains d’eau.
Le tableau ci-dessous illustre la répartition des aspects de la durabilité des services urbains d’eau que
les indicateurs de développement durable du rapport BIPE permettent d’étudier.
Figure 16 : Principes essentiels de durabilité systémique, analysés par le rapport BIPE
Nombre
d’indicateurs du
rapport BIPE
étudiés, pour
chaque principe
essentiel de
durabilité15
Nombre
d’interactions
entre les
dimensions
étudiées, pour
chaque principe
essentiel de
durabilité
proportion de
critères de
durabilité couverts
par les indicateurs
du rapport BIPE,
pour chaque
principe essentiel
de durabilité
Existence 4 3 3/10 (30%)
Efficience 27 7 7/12 (58%)
Besoins psychologiques 14 3 3/12 (25%)
Responsabilité 36 5 5/19 (26%)
Sécurité 32 5 5/18 (27%)
Adaptabilité 29 8 8/34 (24%)
Liberté d’action 32 10 10/17 (58%)
Co existence 0 0 0/17 (0%)
Contribution extérieure 31 5 5/18 (27%)
Total 205 46 46/140
En conclusion, les 120 indicateurs de développement durable des services d’eau et d’assainissement
du rapport BIPE permettent d’étudier 46 des 140 critères de durabilité des services urbains d’eau
que nous avons définis comme essentiels pour la définition et l’analyse de la durabilité du
développement des services d’eau et d’assainissement (soit une couverture de 32%).
Si le rapport BIPE permet une lecture transversale de la durabilité, il se concentre principalement sur
la durabilité comprise comme l’efficience et l’efficacité des services urbains, et sur le développement
15 NB : certains indicateurs du rapport BIPE permettent d’étudier plusieurs principes essentiels de durabilité à la
fois. Pour cette raison, le nombre de principes essentiels étudiées est supérieur au nombre d’indicateurs du
rapport BIPE (122).
29/60
de capacités qui permettront de soutenir le niveau de développement des services urbains d’eau dans
le futur.
Pour autant, le rapport BIPE privilégie les impacts du système sur son environnement, et prend peu
en compte les implications des éventuelles influences et impacts que l’environnement social et naturel
sur le développement durable des services urbains d’eau (principe essentiel d’existence, de sécurité,
de coexistence, etc.). L’analyse du développement durable des services urbains d’eau ainsi proposée
est donc là aussi limitée à certaines dimensions et à certains aspects de la durabilité.
4.3 Application à la méthode EAU&3E
1. La méthode EAU&3E et l’intégration des indicateurs de performance et de description (IP)
La méthode EAU&3E (« 3E » pour Economie, Environnement et Ethique) a été développée à la suite
du programme Eurowater WATER21, afin d’évaluer les impacts de la Directive Cadre sur l’eau (DCE)
de 2000 sur le développement des services urbains d’eau en Europe.
Cette méthode propose d’évaluer de manière opérationnelle quelle est la durabilité des services
urbains d’eau par une approche intégrée et dynamique, en considérant à la fois les contraintes
posées par des normes environnementales et sanitaires de plus en plus strictes, le nécessaire
financement du renouvellement du patrimoine technique arrivé en fin de vie, et l’impact de ces
changements sur le prix de l’eau et sur l’acceptation du tarif des services d’eau et d’assainissement
par les usagers.
Le laboratoire Gestion de l’Eau et de l’Assainissement (GEA) de l’ENGREF Montpellier a proposé une
méthode d’approfondissement en y intégrant des indicateurs de performance et de description (IP) qui
correspondent à la réglementation française pour le suivi des services urbains d’eau et
d’assainissement par les collectivités locales (Pezon 2006; Canneva and Lejars 2009). Afin de les
distinguer, cet approfondissement de la première méthode est appelé « méthode EAU&3E+IP ».
Figure 17 : logigramme de la méthode Eau&3E+IP (G. Canneva et C. Lejars, 2009)
La méthode EAU&3E+IP définit le développement durable des services d’eau et d’assainissement de
manière générique par la formulation suivante : « un service d’eau potable et d’assainissement peut
30/60
être défini comme durable : (1) s'il remplit ses fonctions sanitaires (distribution d’eau potable et collecte d’effluents) (1bis) tout en préservant les autres usagers de la pollution de l’eau générée et (2) assure le renouvellement des infrastructures sur lesquelles il s’appuie (3) sur la base d’un tarif acceptable par les abonnés » (Canneva and Lejars 2009).
Les divers éléments de définition et la méthode dynamique utilisée peuvent être évalués par la
méthode proposée dans ce rapport, afin de déterminer quels sont les aspects du développement
durable des services urbains d’eau qui sont couverts par la méthode EAU&3E+IP.
2. Utilisation pratique de la méthode proposée
Dans quelle mesure la méthode EAU&3E+IP permet-elle d’analyser le développement durable
des services urbains d’eau ? Afin pour répondre à cette question, nous proposons d’appliquer la
méthode d’analyse proposée dans ce rapport à la méthode EAU&3E+IP16.
Premièrement, la méthode EAU&3E aborde le développement durable par les trois dimensions du
développement durable. Comme discuté précédemment, cette approche limite l’analyse de certains
antagonismes et synergies entre les diverses dimensions des services urbains d’eau. Par exemple,
l’évaluation de la dimension Environnement ne permet pas de distinguer clairement les Ressources (l’eau) du Milieu Naturel (la biosphère) et sans cette distinction préalable il est difficile d’évaluer les potentiels antagonismes entre les services urbains d’eau étudiés et d’autres systèmes locaux pour
l’usage de la ressource (entre les usagers, les agriculteurs, le milieu aquatique, etc.). De même,
l’évaluation de la dimension Economie ne permet pas de distinguer les aspects économiques des aspects plus techniques, alors que ces deux composantes de la production des services urbains
d’eau ont des priorités parfois antagonistes (ex : possibles tensions sur la fréquence de la
maintenance, sur l’urgence d’un investissement, entre la réalisation de bénéfices et le remplacement
ou la modernisation du patrimoine, etc.). Enfin, si le respect de la législation environnementale et
l’acceptation du tarif par les usagers sont en partie pris en compte par méthode EAU&3E, d’autres
aspects importants de la dimension Social restent abordées (ex : l’acceptation du niveau de service par les usagers, le niveau de développement –d’avancement- du cadre légal sur l’eau, etc.).
Deuxièmement, la méthode EAU&3E+IP évalue seulement une partie des interactions entre les
différentes dimensions étudiées, principalement l’impact du système des services d’eau sur son
environnement. En reprenant la définition du développement durable des services d’eau proposée par
la méthode EAU&3E+IP précédemment (cf. supra), nous proposons de représenter les interactions
(antagonismes et synergies potentielles) qui sont analysés :
� point 1 : le niveau de normes légales (dimension Social) de préservation de la ressource et de
l’environnement est augmenté par la DCE 2000. Cette hausse a pour but une amélioration du
contrôle de l’impact des moyens techniques de production des services d’eau et
d’assainissement (dimension Technique) sur l’environnement (dimension Milieu Naturel) et
sur la ressource en eau (dimension Ressource).
� Point 2 : cette modification des moyens techniques à un coût économique. Ce coût vient
s’ajouter au nécessaire financement du renouvellement du patrimoine technique et à la
nécessité de performance économique des services d’eau et d’assainissement.
� Point 3 : ces coûts seront considérés comme durables s’ils parvient à maintenir ou améliorer
le niveau de satisfaction des usagers actuel, à un prix qui reste soutenable pour l’usager des
services d’eau et d’assainissement (capacité à payer, et volonté à payer).
L’analyse de la durabilité des services urbains d’eau réalisée par la méthode EAU&3E+IP focalise
principalement sur le système technique de production du service, sous contraintes sociales
collectives (normes et lois) et individuelles (volonté et capacité à payer).
Nous pouvons ainsi estimer que la méthode EAU&3E+IP couvre 11 des 36 interactions possibles
entre les dimensions des services urbains d’eau (couverture de 30%). Néanmoins, cette méthode
permet une approche systémique dynamique et opérationnelle, centrée sur une analyse fonctionnelle
du développement des services urbains d’eau, que nous proposons de retranscrire dans la grille des
interactions possibles (ci-dessous).
16 Cf. Annexes.
31/60
Figure 18 : Interactions analysées par de la méthode Eau&3E+IP (tous principes essentiels confondus)17
Troisièmement, la méthode EAU&3E+IP ne considère que quelques uns des différents aspects de
la durabilité (cf. les 9 principes essentiels de durabilité systémique). Malgré son approche
transversale, cette méthode ne permet qu’une définition limitée de la durabilité du système des
services urbains d’eau, dans le temps comme dans l’espace.
La méthode EAU&3E+IP correspond principalement à une logique de durabilité et à des principes (cf.
formulation dans les paragraphes précédents), bien que les indicateurs de performance et de
description (IP) viennent compléter la méthode et permettent ainsi de la faire correspondre à des
indicateurs précis et évaluables.
En ne distinguant pas explicitement la « durabilité » du « niveau de développement » du système
étudié, la méthode EAU&3E+IP ne permet pas de contextualiser le système des services urbains
d’eau étudié (l’analyse ne tient pas compte des possibles différences de contexte, par exemple la
disponibilité locale en ressource en eau, les capacités locales des usagers à payer le service ou leurs
préférences, etc.). Cette méthode ne permet pas d’appréhender la pertinence de la durabilité du
service souhaitée dans son environnement particulier, au risque de valoriser la durabilité d’un système
de production et/ou d’un niveau de service incompatible avec les capacités locales, ou
surdimensionné pour le cas des services urbains d’eau étudié.
De plus, la méthode EAU&3E+IP ne permet pas d’analyser les éventuels transferts de « non
durabilité » depuis ou vers le système des services urbains d’eau étudié, au risque de définir le
développement durable des services urbains d’eau sans connexion avec le développement durable
d’autres système ou avec le développement durable global.
Les critères de durabilité que nous avons définis peuvent donc être appliqués aux principes de la
méthode EAU&3E+IP, afin d’évaluer quels sont les principes essentiels de durabilité systémique
couverts par cette méthode. Après comparaison, il apparaît que plusieurs des principes essentiels de
durabilité systémiques sont appréhendés, principalement comme suit :
Figure 19 : Principes essentiels de durabilité systémique et méthode EAU&3E+IP
Principe essentiel d’existence compatibilité entre les capacités économiques des usagers et
prix du service (capacité à payer)
Principe essentiel d’efficience capacité des moyens techniques de production des services à
réduire l’impact sur l’environnement et sur la ressource et à
fournir le service d’eau et d’assainissement aux usagers, gestion
efficace des finances pour le renouvellement du patrimoine
17 NB : certains indicateurs du rapport BIPE permettent d’étudier plusieurs interactions à la fois. Pour cette
raison, le nombre d’interactions étudiées est supérieur au nombre d’indicateurs du rapport BIPE (122).
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technique
Principe essentiel de besoins
psychologiques satisfaction des usagers pour le service fournis (niveau de
qualité du service, volonté à payer)
Principe essentiel de
responsabilité normes environnementales (sur le milieu naturel et la ressource)
Principe essentiel de sécurité (Non pris en compte)
Principe essentiel de liberté
d’action (Non pris en compte)
Principe essentiel d’adaptabilité Adaptation technique et économique à une baisse structurelle
de la consommation dans les grandes villes.
Principe essentiel de
coexistence (non pris en compte)
Principe essentiel de
contribution aux système
extérieurs
A terme, réduction des externalités techniques sur
l’environnement et sur la ressource
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5. Principales limites de la méthode proposée
La méthode présentée dans ce rapport constitue un cadre de définition standard du développement
durable des services urbains d’eau, visant à être valable quel que soit le niveau de développement,
l’environnement et le contexte étudié.
Elle trouve une application pratique dans l’étude comparative des diverses méthodes existantes, dont
elle permet de définir les carences et les limites, en identifiant précisément quels sont les aspects
essentiels qui ne sont pas couverts par leur analyse. Cette méthode propose ainsi de contribuer à
l’amélioration de la définition et de l’analyse de la durabilité des services urbains d’eau.
Si cette méthode apporte certains éléments de réponses et permet d’améliorer les méthodes
d’évaluation du développement durable des services urbains d’eau, elle connaît plusieurs limites.
1. Analyser 140 critères de durabilité des services urbains d’eau
De manière générale, la traduction opérationnelle d’un concept tend à limiter sa portée initiale, en
réduisant le concept. L’opportunité d’une définition du développement durable structurée en divers
éléments de durabilité (principes de durabilité systémiques) est de conserver une certaine cohérence
entre les définitions conceptuelles du développement durable et la mise en pratique d’outils d’analyse.
Cette méthode permet ainsi de limiter les « pertes » conceptuelles, et de fournir un cadre d’analyse
standard, applicable pour tout système de services d’eau, quel que soit le niveau de développement
ou le contexte.
Cependant, la phase d’énumération des critères est particulièrement cruciale dans le processus de
traduction du concept en outil opérationnel : « c’est le moment où le concept est vraiment défini »
(Bossel 1999). Bien que nous ayons limité le nombre d’interactions à analyser, le cadre d’analyse
ainsi proposé compte 140 critères. Si ce nombre reste comparable au nombre d’indicateurs d’autres
méthodes (cf. rapport BIPE et 122 indicateurs d’analyse du développement durable des services
d’eau et d’assainissement, IWA et 133 indicateurs de développement durable des services d’eau),
cette méthode reste cependant fortement dépendante d’une somme importante d’information à
collecter et à analyser.
2. Un outil d’analyse transversale du développement durable, moins précis que d’autres
La méthode de définition et d’analyse proposée vise à appréhender le développement durable des
services urbains d’eau dans son ensemble, et non d'approfondir un de ses aspects.
Néanmoins, une telle approche limite la précision de l’analyse : la méthode proposée ne permet
pas d’étudier de manière approfondie un éléments particulier de la durabilité des services urbains
d’eau. Elle permet seulement de définir et d’analyser leur développement durable dans son ensemble.
Ainsi, d’autres méthodes d’analyse spécialisées sur des aspects précis (la performance technique, la
préservation de l’environnement, l’acceptabilité sociale, etc.) permettront une analyse plus
approfondie et plus précise de la durabilité des services urbains d’eau sur une dimension ou sur un
aspect de la durabilité en particulier. Par exemple, les principes et les critères de durabilité
correspondants aux interactions entre les dimensions Economie et Technique pourront être étudiés par une autre méthode plus spécifique, par exemple par la comptabilité analytique des services
urbains d’eau étudiés.
En faisant le choix d’une méthode qui permette d’analyser le développement durable des services
urbains d’eau par une vue d’ensemble, nous avons également choisis comme principale limitation de
réduire la précision et la finesse de l’analyse sur les aspects particuliers du développement des
services urbains d’eau et de leur durabilité.
3. Vers un outil opérationnel : propositions pour approfondir cette méthode
Si l’IISD recense plusieurs milliers d’indicateurs du développement durable (Boutaud 2004), un
nombre restreint d’indicateurs pertinents et fiables permettrait une traduction opérationnelle plus
cohérente du concept de développement durable (Bossel 1999). A terme, la méthode proposée dans
ce rapport pourra être affinée par la définition d’indicateurs et d’autres outils d’évaluation pratique, qui
pourront être mis en œuvre pour évaluer directement la durabilité d’un cas de services urbains d’eau
étudié.
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Annexe 1 : Définition des critères de durabilité
La méthodologie proposée dans ce rapport nous permet de développer un cadre pratique d’analyse
de la durabilité des services urbains d’eau.
Ce cadre d’analyse permet de comparer les diverses méthodes existantes d’analyse et d’évaluation
du développement durable des services urbains d’eau. Afin de comparer ce que couvre l’analyse
réalisée par d’autres méthodes existantes, il est tout d’abord nécessaire de préciser quels sont les
éléments « essentiels » du développement durable des services urbains d’eau que nous étudierons.
Ces éléments essentiels correspondent aux différents critères de durabilité, que nous avons obtenus
en appliquant les 9 principes essentiels de durabilité systémique à la grille de 36 interactions
possibles entre les dimensions des services urbains d’eau.
1. Critères de durabilité et éléments « internes » de durabilité
Comme défini dans les chapitres précédents (cf. §2.3), définissons tout d’abord les critères de
durabilité qui correspondent aux éléments « internes » de durabilité. Ces critères de durabilité nous
permettront de définir et d’analyser la « viabilité » des services urbains d’eau dans leur environnement
moyen.
Principe essentiel d’existence :
Comme définit dans les chapitres précédents, ce principe essentiel de durabilité systémique est défini
dans un contexte moyen, simplifié, hors interactions systémiques (cf. §2.3). En conséquence, les
dimensions Milieu Naturel et Social ne seront pas prises en compte pour ce principe essentiel.
L’application du principe essentiel « d’existence » aux 36 interactions possibles entre les dimensions
du système des services urbains d’eau se traduit par une première grille de critères de durabilité
des services urbains d’eau (cf. ci-dessous). De manière simplifiée, ces critères de durabilité
correspondant au principe essentiel d’existence et permettent de définir et d’analyser deux aspects de
la durabilité des services urbains d’eau : la compatibilité entre les enjeux des différentes dimensions
(soit entre le niveau de développement moyen de chaque dimension), et leur pertinence réciproque.
De manière plus pratique, cette première grille de critères de durabilité permet de répondre aux
questions suivantes :
o Les capacités moyennes de renouvellement de la ressource permettent elles le
fonctionnement normal des moyens de production techniques et économiques des services
urbains d’eau ? Permettent-elles de satisfaire les besoins des usagers ?
o Les capacités moyennes de production du service (technique et économique) sont elles
suffisantes pour assurer un niveau normal de services urbains d’eau, notamment en terme de
satisfaction des usagers ?
o L’état moyen de chaque dimension est-il pertinent par rapport aux autres ? Est-il insuffisant ?
Sur-dimensionné ?
Cette première grille de critères de durabilité permet de répondre à la question suivante : l’état normal de la dimension « x » permet-il l’état normal de la dimension « y » ?
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Figure 20 : Critères de durabilité et principe essentiel d’existence
Principe essentiel d’efficience :
Comme pour le principe essentiel précédent, le principe essentiel « d’efficience » est défini dans un
contexte moyen, simplifié, hors interactions systémiques.
L’efficience des services urbains d’eau correspond à l’impact des ressources en eau (dimension
Ressource) et de l’appareil productif des services urbains d’eau (dimensions Technique et Economie), sur les performances des services urbains d’eau et sur la satisfaction des usagers. Les autres
interactions seront prises en compte par d’autres principes de durabilité (cf. infra).
Cette deuxième grille de critères de durabilité permet de définir et d’évaluer plusieurs aspects
essentiels de la durabilité : l’efficacité et l’efficience :
o le système des services urbains d’eau gère-t-il efficacement l’état normal de production
(matérielle et économique) des services ? (rapport entre moyens et résultats)
o le système des services urbains d’eau gère-t-il avec efficience l’état normal de production
(matérielle et économique) des services ? (rapport entre objectifs et résultats)
De manière simplifiée, cette grille de critères de durabilité permet de répondre à la question suivante :
l’état normal de la dimension « x » permet il de manière efficace et efficiente l’état normal de la dimensions « y » ?
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Figure 21 : Critères de durabilité et principe essentiel d’efficience
NB : les interactions B2 et B5 dans cette grille sont analysées indirectement par d’autres principes
essentiels. En conséquences, elles ne sont donc pas traitées ici, afin d’éviter les doublons.
Principes essentiels de besoins psychologiques et de responsabilité :
Comme pour les principes essentiels précédents, les principes essentiels de besoins psychologiques
et de responsabilité sont définis dans un contexte moyen, simplifié, hors interactions systémiques.
Cette troisième grille de critères de durabilité complète les précédentes en définissant la durabilité
comme l’acceptation du niveau de développement des services urbains d’eau et de leur
environnement, par les normes sociales (lois, institutions, culture, etc.) et par les usagers
(préférences, confiance, acceptation, etc.), soit respectivement l’acceptation sociale individuelle et
collective des services urbains d’eau. Ces critères de durabilité définissent les aspects de la durabilité
des services urbains d’eau suivants :
o Le niveau de service fournis et son fonctionnement est il accepté par les usagers ? Quelle
perception en ont ils ? (préférences, acceptation, etc.)
o Quelles sont les pratiques des usagers sur les diverses dimensions ? Avec quelles
conséquences ?
o Quel est le niveau d’avancement des normes et des pratiques des services urbains d’eau
et de leurs institutions sociales (lois, cadre institutionnel, gouvernance, etc.) ?
o Ces normes et ces institutions sont elles effectives et respectées ?
De manière simplifiée, cette grille de critères de durabilité permet de répondre à la question suivante :
l’état normal de la dimension x et son influence sur la dimension y sont ils acceptés par les usagers et par la société ?
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Figure 22 : Durabilité des services urbains d’eau, principe de responsabilité et de besoins psychologiques
Principe essentiel de sécurité :
Enfin, les éléments « internes » de durabilité se définissent également par le principe essentiel de
« sécurité », également définit en contexte moyen, simplifié, hors interactions systémiques.
L’application du principe essentiel de sécurité aux 36 interactions possibles entre les différentes
dimensions des services urbains d’eau se traduit là encore par des critères de durabilité spécifiques,
qui permettent de définir et d’analyser :
� la vulnérabilité (dommages pouvant être occasionnés) des services urbains d’eau ;
� la capacité de résistance (protection contre les distorsions ponctuelles de l’état des
dimensions) ;
� la capacité de résilience (capacité à récupérer l’état initial des services urbains d’eau).
Cette quatrième grille de critères de durabilité (ci-dessous) permet de définir et d’analyser la
capacité du système des services urbains d’eau à garder son état moyen.
De manière simplifiée, cette grille permet de répondre à la question : La variabilité de la dimension « x » par rapport à son état normal, remet elle en cause l'état normal de la dimension « y » ?
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Figure 23 : Durabilité des services urbains d’eau et principe de sécurité
NB : la dimension Social n’est pas retenue pour cette grille : nous prenons comme hypothèse que les variations ponctuelles de l’état des diverses dimensions ont un effet négligeable sur les normes
sociales et les institutions liées au service urbains d’eau, en raison de leur inertie intrinsèque (cf.
§2.3).
De plus, afin de simplifier l’analyse, plusieurs interactions sont appréhendés indirectement et ne sont
donc pas traités. Par exemple, pour les interactions des cases A5 et B5 de la grille ci-dessus, l’impact
de la variabilité de la Ressource en eau et du Milieu Naturel sur l’appareil de production des services impacte indirectement la dimension Humain (la satisfaction des besoins en eau et assainissement des usagers) et cette interaction est donc analysée au travers des interactions intermédiaires.
De même, pour l’interaction entre les dimensions Humain et Ressource (case E2), la variabilité de la consommation et de la satisfaction des usagers aura un effet indirect sur la Ressource en eau, au travers des conséquences matérielles (dimension Technique) et économiques (dimension Economie) pour lesquelles elles sera analysée.
Le lecteur pourra se reporter au chapitre 3 pour plus de précisions sur ces simplifications de l’analyse.
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2. Grilles d’interactions des éléments externes de durabilité
Afin de compléter les critères de durabilité définis par les éléments « internes » de durabilité, il reste à
définir les critères de durabilité qui correspondent aux éléments « externes » de durabilité des
services urbains d’eau (cf. §2.3).
Principe essentiel de liberté d’action :
Une cinquième grille de critères de durabilité permet d’appliquer le principe essentiel de liberté
d’action aux 36 interactions possibles entre les diverses dimensions du système étudié et de son
environnement.
Ce principe essentiel de durabilité systémique évalue la diversité d’options disponibles pour assurer la
durabilité du système des services urbains d’eau, face aux divers enjeux présents et à venir. Ce
principe essentiel correspond principalement à deux aspects de la durabilité :
� la capacité à garder des options de remplacement (ou « plans B »)
� la capacité à limiter l’irréversibilité des décisions et des actions relatives aux services
urbains d’eau (flexibilité).
Cette grille de critères de durabilité permet de répondre à la question suivante : Quelle est la diversité des possibilités de la dimension x, par rapport à la variété des enjeux de la dimension y ?
Figure 24 : Durabilité des services urbains d’eau et principe de liberté d’action
NB : les impacts sur l’environnement (dimension Milieu Naturel) et sur les normes sociales (dimension Social) ne sont pas pris en compte dans cette grille, puisque ces deux systèmes sont extérieurs aux services urbains d’eau. La liberté d’action ne concerne que la capacité du système des services d’eau
à faire face aux enjeux à venir.
De même, les enjeux du Milieu Naturel sur les services urbains d’eau ne sont pas pris compte dans
cette grille, puisqu’ils se traduisent par des impacts sur les dimensions Ressource, Technique ou Economique des services urbains d’eau, qui sont en inclus dans l’analyse.
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Principe essentiel d’adaptabilité :
La durabilité se définit ensuite par la capacité des services urbains d’eau à faire face aux
changements structurels d’une ou de plusieurs dimensions, soit de conserver leur état sur le long
terme lors de changements systémique, soit le principe essentiel d’adaptabilité.
Ce principe correspond à la fois :
� la capacité d’adaptation des services urbains d’eau face à des changements de long terme
prévus ;
� la capacité du système à assurer la mitigation de ces changements.
Nous posons comme hypothèse que sur le long terme toutes les dimensions peuvent être amenées à
varier et qu’en conséquence toutes pourront influer sur le développement des services urbains d’eau
et sur sa durabilité : le système technico-économique, son environnement naturel, l’arrangement
institutionnel de la société, etc. connaissent des changements structurels face auxquels les services
urbains d’eau devront s’adapter afin d’assurer leur développement.
Cette grille de critères de durabilité permet de répondre à la question suivante : Quelles sont les adaptations de la dimension y nécessaires, face aux variations structurelles de la dimension x ?
Figure 25 : Durabilité des services urbains d’eau et principe d’adaptabilité
NB : en dehors d’une interaction analysée indirectement (A5), « l’adaptation du milieu naturel face aux
changements structurels du milieu naturel » (case A1) n’est pas étudiée dans cette grille, puisqu’elle
ne correspond pas au développement durable du système des services urbains d’eau en particulier,
mais au développement durable de l’environnement (Milieu Naturel) en général et dépend donc
d’analyses correspondantes qui ne sont pas traitées ici.
Principe essentiel de coexistence :
Cet aspect de la durabilité est rarement pris en compte par les analyses du développement durable
des services urbains, probablement en raison de la difficulté de circonscrire un périmètre clairement
défini au développement durable du système qui est étudié : il est en effet peu aisé de distinguer le
développement durable d’un service d’eau étudié, du développement durable de la ville dans laquelle
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il est implanté, et du développement durable global (cf. §2). La méthode présentée dans ce rapport
propose cependant de distinguer ces différents aspects du développement durable.
Le principe essentiel de « coexistence » permet de définir et d’analyser quelle est la capacité du
système des services urbains d’eau à conserver son niveau de développement lors d’interactions
avec d’autres systèmes locaux (cf §2.3). Les systèmes locaux considérés seront en particulier les
systèmes relatifs aux « services d’eau » au sens large : autres usages de ressources (ex :
agriculteurs, milieu aquatique, etc.), autres systèmes dont la mission est la satisfaction des besoins en
eau et assainissement (ex : concurrents commercialisant de l’eau potable en bouteille, autres
opérateurs de réseaux d’eau non potable sur le même territoire, etc.), autres acteurs de ce secteur
(lobbies privés, ONG, etc.). Ces systèmes ont une influence prépondérante sur le développement des
services urbains d’eau étudiés.
Le principe essentiel de coexistence permet de définir et d’analyser plusieurs aspects de la durabilité,
en particulier :
� l’impact des autres systèmes locaux sur le système des services urbains d’eau (ex :
concurrence sur les prix, pour un service de substitution comme l’eau en bouteille, ou un puit
individuel, etc.) ;
� l’impact des services urbains d’eau sur les autres systèmes locaux (ex : concurrence sur la
ressource disponible et sur leur capacité à fonctionner normalement, par exemple avec les
agriculteurs, etc.)
� l’impact conjoint des systèmes locaux et des services urbains d’eau sur une dimension
particulière (ex : sur l’exploitation de la ressource ou sur la protection du milieu naturel, etc.).
Cette grille d’interaction permet de répondre à la question suivante : Quelle est la conséquence des relations entre les systèmes locaux et le système des services urbains d’eau pour la dimension x, sur la dimension y du système et/ou des systèmes locaux ?
Figure 26 : Durabilité des services urbains d’eau et principe de coexistence
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Principe essentiel de contribution aux systèmes extérieurs :
Enfin, afin de compléter la définition et l’analyse de l’intégration du développement durable des
services urbains d’eau au développement durable à d’autres échelles, il nous reste à appliquer le
principe essentiel de « contribution » à la grille des 36 interactions possibles entre les diverses
dimensions.
Cette application se traduit par une huitième et dernière grille de critères de durabilité, qui définit
et analyse les externalités positives et négatives du système des services urbains d’eau transférées
vers d’autres systèmes et vers d’autres échelles de temps et d’espace : c’est le principe essentiel de
contribution aux systèmes extérieurs.
Ce principe essentiel de durabilité systémique définit divers aspects de la durabilité :
� les externalités positives (solidarité internationale, etc.) ;
� les externalités négatives (pollution, etc.).
Les externalités considérées sont donc logiquement celles du système étudié (les services urbains
d’eau) sur son environnement systémique, soit l’ensemble des externalités des dimensions de
production des services urbains d’eau (dimensions technique et économie) et de la consommation des services (dimension humain), sur les autres systèmes.
Cette grille de critères de durabilité permet de répondre à la question suivante : Quelles sont les externalités de la dimension x du système des services urbains d’eau, sur la dimension y des autres systèmes (à l'échelle globale) ?
Figure 27 : Durabilité des services urbains d’eau et principe de contribution aux systèmes extérieurs
Ces différentes grilles de critères de durabilité permettent d’étudier la durabilité des 36 interactions
possibles entre les diverses dimensions, au travers de 9 principes essentiels de durabilités. Elles
permettent ainsi de définir et d’analyser de manière systématique 140 critères qui correspondent
aux divers aspects essentiels de la durabilité des services urbains d’eau.
Afin d’être opérationnel, ces critères pourront être traduits en indicateurs ou en d’autres outils
d’évaluation (cf. annexes).
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Annexe 2 : Indicateurs de Performance et de Description (IP), et développement durable
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Annexe 3 : Indicateurs de développement durable des services d’eau et d’assainissement du
rapport BIPE
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Annexe 4 : propositions de 140 indicateurs pour une évaluation opérationnelle du
développement durable d'un service d'eau et d'assainissement
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Table des matières
1. INTRODUCTION 2
2. DEFINIR LE DEVELOPPEMENT DURABLE 3
2.1 DIMENSIONS ET INTERACTIONS 3 1. Les dimensions du développement durable 3 2. Conjonctions entre les dimensions du développement durable 4 3. Interactions entre les dimensions du développement durable 5
2.2 ECHELLES DE TEMPS ET D’ESPACE 6 1. Développement durable : un objectif sur plusieurs échelles 6 2. Développement durable : un processus dynamique 8
2.3 PROPOSITION D'UNE DEFINITION STANDARD DU DEVELOPPEMENT DURABLE 9 1. Définir le développement et la durabilité 9 2. Quel développement ? 9 3. Articuler développement et durabilité 10 4. Quelle durabilité ? 10
3. TRADUIRE LES CONCEPTS EN UN OUTIL D’ANALYSE 12
3.1 PRESENTATION DE LA METHODE 12 1. Principaux apports de la méthode proposée 12 2. Description de la méthode proposée 14
3.2 DEVELOPPEMENT DURABLE DES SERVICES D’EAU ET D’ASSAINISSEMENT 15 1 Définition de l’objet étudié : le système des services urbains d’eau 15 2. Application du concept de développement durable aux services urbains d’eau 16 3. Un outil pratique d’analyse 20
4. APPLICATION PRATIQUE DE CETTE METHODE : EXEMPLES 22
4.1 APPLICATION AUX INDICATEURS DE PERFORMANCE ET DE DESCRIPTION (IP) 23 1. Les indicateurs de performance et de description de l’ONEMA 23 2. Utilisation pratique de la méthode proposée 23
4.2 APPLICATION AU RAPPORT BIPE DE 2006 26 1. Rapport BIPE d’analyse du développement durable des services urbains d’eau et d’assainissement 26 2. Utilisation pratique de la méthode proposée 26
4.3 APPLICATION A LA METHODE EAU&3E 29 1. La méthode EAU&3E et l’intégration des indicateurs de performance et de description (IP) 29 2. Utilisation pratique de la méthode proposée 30
5. PRINCIPALES LIMITES DE LA METHODE PROPOSEE 33 1. Analyser 140 critères de durabilité des services urbains d’eau 33 2. Un outil d’analyse transversale du développement durable, moins précis que d’autres 33 3. Vers un outil opérationnel : propositions pour approfondir cette méthode 33
ANNEXE 1 : DEFINITION DES CRITERES DE DURABILITE 34 1. Critères de durabilité et éléments « internes » de durabilité 34 2. Grilles d’interactions des éléments externes de durabilité 39
ANNEXE 2 : INDICATEURS DE PERFORMANCE ET DE DESCRIPTION (IP), ET DEVELOPPEMENT DURABLE 43
ANNEXE 3 : INDICATEURS DE DEVELOPPEMENT DURABLE DES SERVICES D’EAU ET D’ASSAINISSEMENT DU
RAPPORT BIPE 44
ANNEXE 4 : PROPOSITIONS DE 140 INDICATEURS POUR UNE EVALUATION OPERATIONNELLE DU DEVELOPPEMENT
DURABLE D'UN SERVICE D'EAU ET D'ASSAINISSEMENT 46
TABLE DES MATIERES 59
REFERENCES 60
60/60
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