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Pierre BRUNET Fiche de niveau 4. Droit public de l’économie / Les services publics / Les différentes catégories de services publics / 2007 Les services publics constitutionnels Les pouvoirs publics disposent en matière de création de services publics d'un pouvoir discrétionnaire, qui n'est pas un pouvoir arbitraire. Ils peuvent donc apprécier l'opportunité de la décision mais doivent respecter un certain nombre de règles, qui sont en cette matière des contraintes législatives et réglementaires. La question qui se pose est de savoir s’il existe une obligation de création pour l’État qui l’empêcherait, par exemple, de supprimer certains services publics. La réponse est certainement positive. Une telle obligation existe notamment en vertu de certaines conventions internationales. Ainsi, par exemple, le service public d'admission des demandes d'asile politique (OFPRA) fut imposé à la France par la Convention de Genève de 1951 qui oblige les États membres à créer de tels services. Sa disparition pourrait être sanctionnée par la mise en cause de la responsabilité internationale de l'État. Mais existe-t-il une telle obligation au plan constitutionnel ? C’est ce que l’on a cru pouvoir comprendre de la décision n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 du Conseil constitutionnel sur les privatisations. Le Conseil Constitutionnel énonçait en effet que : « 53. si la nécessité de certains services publics nationaux découle de principes ou de règles de valeur constitutionnelle, la détermination des autres activités qui doivent être érigées en service public national est laissée à l'appréciation du législateur ou de l'autorité réglementaire selon les cas ; qu'il suit de là que le fait qu'une activité ait été érigée en service public par le législateur sans que la Constitution l'ait exigé ne fait pas obstacle à ce que cette activité fasse, comme l'entreprise qui en est chargée, l'objet d'un transfert au secteur privé » et il ajoutait : « 54. qu'aucune des entreprises qui figurent sur la liste mentionnée à l'article 4 de la loi ne peut être regardée comme exploitant un service public dont l'existence et le fonctionnement seraient exigés par la Constitution ». Plus tard, dans sa décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, Liberté de Communication , il indiquait que « pour la réalisation ou la conciliation des objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté d'autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels auxquels ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte, le législateur n'est pas tenu de soumettre l'ensemble de la télévision par voie hertzienne au régime juridique applicable aux services publics ni d'adopter un régime de concession ; qu'en effet, ce mode de communication ne constitue pas une activité de service public ayant son fondement dans des dispositions de nature constitutionnelle ». Ces deux décisions laissent donc présumer de l’existence d’une catégorie de « services publics constitutionnels ».

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Pierre BRUNET Fiche de niveau 4. Droit public de l’économie / Les services publics / Les différentes catégories de services publics / 2007

Les services publics constitutionnels Les pouvoirs publics disposent en matière de création de services publics d'un pouvoir discrétionnaire, qui n'est pas un pouvoir arbitraire. Ils peuvent donc apprécier l'opportunité de la décision mais doivent respecter un certain nombre de règles, qui sont en cette matière des contraintes législatives et réglementaires. La question qui se pose est de savoir s’il existe une obligation de création pour l’État qui l’empêcherait, par exemple, de supprimer certains services publics. La réponse est certainement positive. Une telle obligation existe notamment en vertu de certaines conventions internationales. Ainsi, par exemple, le service public d'admission des demandes d'asile politique (OFPRA) fut imposé à la France par la Convention de Genève de 1951 qui oblige les États membres à créer de tels services. Sa disparition pourrait être sanctionnée par la mise en cause de la responsabilité internationale de l'État. Mais existe-t-il une telle obligation au plan constitutionnel ? C’est ce que l’on a cru pouvoir comprendre de la décision n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 du Conseil constitutionnel sur les privatisations. Le Conseil Constitutionnel énonçait en effet que : « 53. si la nécessité de certains services publics nationaux découle de principes ou de règles de valeur constitutionnelle, la détermination des autres activités qui doivent être érigées en service public national est laissée à l'appréciation du législateur ou de l'autorité réglementaire selon les cas ; qu'il suit de là que le fait qu'une activité ait été érigée en service public par le législateur sans que la Constitution l'ait exigé ne fait pas obstacle à ce que cette activité fasse, comme l'entreprise qui en est chargée, l'objet d'un transfert au secteur privé » et il ajoutait : « 54. qu'aucune des entreprises qui figurent sur la liste mentionnée à l'article 4 de la loi ne peut être regardée comme exploitant un service public dont l'existence et le fonctionnement seraient exigés par la Constitution ». Plus tard, dans sa décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, Liberté de Communication, il indiquait que « pour la réalisation ou la conciliation des objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté d'autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels auxquels ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte, le législateur n'est pas tenu de soumettre l'ensemble de la télévision par voie hertzienne au régime juridique applicable aux services publics ni d'adopter un régime de concession ; qu'en effet, ce mode de communication ne constitue pas une activité de service public ayant son fondement dans des dispositions de nature constitutionnelle ». Ces deux décisions laissent donc présumer de l’existence d’une catégorie de « services publics constitutionnels ».

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Cependant, à ce jour, le Conseil Constitutionnel n’a jamais défini ni identifié les services publics dont la Constitution imposerait à l’État aussi bien l’existence – et donc la création – que le fonctionnement – et donc interdirait leur disparition. En définitive, rien ne permet de conclure que cette catégorie a la moindre portée pratique.

Bibliographie R. de Bellescize, Les services publics constitutionnels, LGDJ, 2005.