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ÉDITORIAL Médecine palliative 301 N° 6 – Décembre 2006 Med Pal 2006; 5: 301-302 © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Les soins palliatifs ne sont pas une alternative à l’euthanasie : ils sont souci de l’homme Marcel-Louis Viallard, Unité Mobile de Soins Palliatifs, CHBA Vannes. Depuis un peu plus de quatre ans, nous nous retrou- vons six fois par an pour partager nos réflexions et nos expériences dans la pratique des soins palliatifs. Nous partageons ainsi les nouvelles données validées par les travaux des équipes francophones dans les champs de connaissances sollicités par la pratique des soins palliatifs et la prise en considération globale de la personne en fin de vie. Les données médicales, les travaux cliniques, les études psychologiques ou psychanalytiques, la réflexion philosophique et éthique, la mise au point juridique, la pratique du soin et toutes les réflexions qui vont avec la volonté de donner sens au soin et avec la considération de la globalité de la personne malade et en fin de vie sont régulièrement présentés dans la revue. La revue représente un outil de formation et d’informations et se veut égale- ment un lieu de débat. Si nous partageons les mêmes va- leurs, si nous visons les mêmes objectifs, il nous arrive, parfois, de ne pas utiliser ni les mêmes chemins pratiques, ni les mêmes considérations stratégiques ou organisation- nelles. Ces divergences, ces différences ne sont pas pour nous diviser, nous opposer, mais, bien au contraire, pour nous rappeler à l’humilité indispensable d’une pratique qui tente de s’inventer chaque jour, pour s’adapter à cha- que situation singulière rencontrée en disant de l’être ma- lade, de l’être mourant dans une société qui nie la mort et la maladie. Si nous avons, chaque jour, à dire de celui qui nous fait le cadeau de sa confiance au moment où la proximité de la mort le fragilise, nous avons également à dire de l’homme en général comme de la société. Pratiquer les soins palliatifs, c’est militer pour une certaine idée de l’hu- main comme pour une certaine idée des relations sociales. Notre force repose sur les valeurs que nous partageons, sur notre volonté commune de redonner toute sa place à l’humanité de chaque humain (donc pour tout acte et tout événement, dont la mort). Mais notre force repose, aussi, sur notre capacité à débattre des différentes possibilités pour aider à l’émergence de cette conception de la pratique médicale et soignante cohérente avec un accompagne- ment humain. C’est ainsi que nous pouvons rester cohérent avec tout ce qu’ont fait les pionniers des soins palliatifs depuis Cecily Saunders. C’est également ainsi que nous évitons d’enfermer les soins palliatifs dans une vue qui pourrait devenir dogmatique voire archaïque s’ils ne pou- vaient être en permanence évalués, repensés, améliorés, mis en cohérence avec les réalités humaines et sociales que nous connaissons. La philosophie des soins palliatifs n’est ni une théorie ni une dogmatique. La philosophie des soins palliatifs est une pensée vivante qui évolue sans cesse sans jamais renier ni son passé, ni son présent. C’est sûrement pour cela que la philosophie des soins palliatifs s’inscrit dans une pensée vivante et évolutive et non dans une vérité révélée. Penser le soin palliatif comme tout autre soin, comme acte humain, est un excellent moyen d’affirmer que le soin palliatif a à voir avec la solidarité humaine et n’a rien d’une hypothétique réponse à la demande de mort. Accompagner, être témoin d’une vie qui s’achève, tenter de répondre, en ayant conscience des possibles comme des impossibles, aux besoins de chaque personne, traiter tant que de possible chaque symptôme pour supprimer toute souffrance évitable n’est pas une alternative à l’euthanasie. Cela n’a rien à voir avec l’illusion de la bonne mort, de la mort douce. N’en déplaise à quiconque, mourir n’est pas anodin. Mourir ne sera jamais, pour aucun être vivant, une partie de plaisir, ni une douceur. Mourir n’est pas s’endormir ou s’évader, c’est disparaître à tout jamais de l’ici et du maintenant tel que nous le percevons. À la demande d’euthanasie ou à l’aspiration à une fin plus douce, nous ne pouvons que répondre, humainement, par le sens donné à ce qui est vécu, traversé partiellement partagé. Il nous faut donc continuer à penser les soins palliatifs pour ne pas risquer la mortelle confusion au sein de la- quelle certaines pensées voudraient nous enfermer. Pour continuer cette réflexion et cette affirmation de la vivacité et de la modernité des soins palliatifs, nous allons dans ce numéro nous attacher à étudier le vécu de la sé- dation par midazolam en phase palliative terminale dans Viallard ML. Les soins palliatifs ne sont pas une alternative à l’euthanasie : ils sont souci de l’homme. Med Pal 2006; 5: 301-302. Adresse pour la correspondance : Marcel-Louis Viallard, Unité Mobile de Soins Palliatifs, Consultation de la douleur, CH Bretagne Atlantique, BP 70555, 56017 Vannes Cedex. e-mail : [email protected]

Les soins palliatifs ne sont pas une alternative à l’euthanasie : ils sont souci de l’homme

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É D I T O R I A L

Médecine palliative

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N° 6 – Décembre 2006

Med Pal 2006; 5: 301-302

© 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Les soins palliatifs ne sont pas une alternative à l’euthanasie : ils sont souci de l’homme

Marcel-Louis Viallard, Unité Mobile de Soins Palliatifs, CHBA Vannes.

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epuis un peu plus de quatre ans, nous nous retrou-vons six fois par an pour partager nos réflexions et nosexpériences dans la pratique des soins palliatifs. Nouspartageons ainsi les nouvelles données validées par lestravaux des équipes francophones dans les champs deconnaissances sollicités par la pratique des soins palliatifset la prise en considération globale de la personne en finde vie. Les données médicales, les travaux cliniques, lesétudes psychologiques ou psychanalytiques, la réflexionphilosophique et éthique, la mise au point juridique, lapratique du soin et toutes les réflexions qui vont avec lavolonté de donner sens au soin et avec la considérationde la globalité de la personne malade et en fin de vie sontrégulièrement présentés dans la revue. La revue représenteun outil de formation et d’informations et se veut égale-ment un lieu de débat. Si nous partageons les mêmes va-leurs, si nous visons les mêmes objectifs, il nous arrive,parfois, de ne pas utiliser ni les mêmes chemins pratiques,ni les mêmes considérations stratégiques ou organisation-nelles. Ces divergences, ces différences ne sont pas pournous diviser, nous opposer, mais, bien au contraire, pournous rappeler à l’humilité indispensable d’une pratiquequi tente de s’inventer chaque jour, pour s’adapter à cha-que situation singulière rencontrée en disant de l’être ma-lade, de l’être mourant dans une société qui nie la mortet la maladie.

Si nous avons, chaque jour, à dire de celui qui nousfait le cadeau de sa confiance au moment où la proximitéde la mort le fragilise, nous avons également à dire del’homme en général comme de la société. Pratiquer lessoins palliatifs, c’est militer pour une certaine idée de l’hu-main comme pour une certaine idée des relations sociales.Notre force repose sur les valeurs que nous partageons,sur notre volonté commune de redonner toute sa place àl’humanité de chaque humain (donc pour tout acte et toutévénement, dont la mort). Mais notre force repose, aussi,sur notre capacité à débattre des différentes possibilitéspour aider à l’émergence de cette conception de la pratiquemédicale et soignante cohérente avec un accompagne-ment humain. C’est ainsi que nous pouvons rester cohérentavec tout ce qu’ont fait les pionniers des soins palliatifs

depuis Cecily Saunders. C’est également ainsi que nousévitons d’enfermer les soins palliatifs dans une vue quipourrait devenir dogmatique voire archaïque s’ils ne pou-vaient être en permanence évalués, repensés, améliorés,mis en cohérence avec les réalités humaines et socialesque nous connaissons. La philosophie des soins palliatifsn’est ni une théorie ni une dogmatique. La philosophiedes soins palliatifs est une pensée vivante qui évolue sanscesse sans jamais renier ni son passé, ni son présent. C’estsûrement pour cela que la philosophie des soins palliatifss’inscrit dans une pensée vivante et évolutive et non dansune vérité révélée.

Penser le soin palliatif comme tout autre soin, commeacte humain, est un excellent moyen d’affirmer que lesoin palliatif a à voir avec la solidarité humaine et n’arien d’une hypothétique réponse à la demande de mort.Accompagner, être témoin d’une vie qui s’achève, tenterde répondre, en ayant conscience des possibles commedes impossibles, aux besoins de chaque personne, traitertant que de possible chaque symptôme pour supprimertoute souffrance évitable n’est pas une alternative àl’euthanasie. Cela n’a rien à voir avec l’illusion de labonne mort, de la mort douce. N’en déplaise à quiconque,mourir n’est pas anodin. Mourir ne sera jamais, pouraucun être vivant, une partie de plaisir, ni une douceur.Mourir n’est pas s’endormir ou s’évader, c’est disparaîtreà tout jamais de l’ici et du maintenant tel que nous lepercevons.

À la demande d’euthanasie ou à l’aspiration à une finplus douce, nous ne pouvons que répondre, humainement,par le sens donné à ce qui est vécu, traversé partiellementpartagé.

Il nous faut donc continuer à penser les soins palliatifspour ne pas risquer la mortelle confusion au sein de la-quelle certaines pensées voudraient nous enfermer.

Pour continuer cette réflexion et cette affirmation de lavivacité et de la modernité des soins palliatifs, nous allonsdans ce numéro nous attacher à étudier le vécu de la sé-dation par midazolam en phase palliative terminale dans

Viallard ML. Les soins palliatifs ne sont pas une alternative à l’euthanasie : ils

sont souci de l’homme. Med Pal 2006; 5: 301-302.

Adresse pour la correspondance :

Marcel-Louis Viallard, Unité Mobile de Soins Palliatifs, Consultation de la douleur,

CH Bretagne Atlantique, BP 70555, 56017 Vannes Cedex.

e-mail : [email protected]

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Médecine palliative

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N° 6 – Décembre 2006

Les soins palliatifs ne sont pas une alternative à l’euthanasie : ils sont souci de l’homme

É D I T O R I A L

un service de pneumologie sous la houlette de M.-J. Ma-sanès, S. Rostaing-Rigattieri, V. Blanchet, C. Chouaïd, B. Le-beau. Ce travail s’inscrit dans la suite des recommandationsde la SFAP sur la pratique de la sédation en phase termi-nale. Ainsi aurons-nous quelques éléments pour penser,moins subjectivement, ce qu’implique une sédation.B. Bouchaud nous expliquera comment le bain à balnéo-thérapie participe à une approche globale du soin pour lemalade en soins palliatifs.

H. Brocq et A. Bioy nous proposent une réflexion surla prise en charge des patients atteints de ScléroseLatérale Amyotrophique. B. Lethellier et H. Pruvost-Vesselier nous invitent à réfléchir sur la signification dela souffrance.

N. Lelièvre nous livre une mise au point sur la loi re-lative au droit des malades en fin de vie. Modificationsdu code de déontologie et décrets d’application. Bien en-tendu, nous aurons la chance de lire la rubrique éthiquedont la qualité n’est plus à démontrer et ce grâce au tra-vail fourni par Bernard Marie Dupont qui l’anime. Nousen profitons pour saluer la validation de l’habilitation àdiriger les recherches par notre ami Bernard Marie. Sou-haitons que d’autres membres de notre communauté sedirigent dans cette voie pour participer au développementdes savoirs dans les champs qui nous préoccupent.

L’ensemble de l’équipe de rédaction tient à remercierles fidèles lecteurs comme l’ensemble des auteurs quidonnent vie à la revue.