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© L’Encéphale, Paris, 2009. Tous droits réservés. L’Encéphale (2009) Supplément 7, S325–S329 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep Les techniques par électrostimulation dans le traitement des dépressions sévères Electrostimulation techniques in treatment for severe depression B. Millet Université Rennes 1, Chu de Rennes, Hôpital Guillaume Régnier, 108 Avenue du Général Leclerc, 35000 Rennes Résumé Les épisodes dépressifs majeurs (EDM) avec caractéristiques mélancoliques constituent une indication de choix de l’électroconvulsivothérapie. La nécessité d’une hospitalisation, d’une anesthésie générale obligatoire et le déclenchement d’une crise comitiale en limitent son utilisation. La stimulation magnétique transcrânienne ou TMS a reçu l’accord de la Food and Drug Administration dans le traitement de l’EDM en 2008. Cependant, une meilleure connaissance des paramètres de stimulation (nombre de séances, fréquence, intensité, cible de stimulation) permettant d’obtenir des résultats cliniques plus homogènes semble nécessaire pour utiliser cette technique en pratique courante. Les thérapeutiques par matériel implanté chirurgicalement constituent des enjeux thérapeutiques pour les dépressions sévères chroniques et résistantes. La stimulation cérébrale profonde à haute fréquence fait l’objet de plusieurs essais thérapeutiques dans cette indication. * Auteur correspondant. E-mail : [email protected] L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts. MOTS CLÉS Dépressions mélancoliques ; ECT ; EDM ; électrostimulation ; TMS ; Stimulation cérébrale profonde KEYWORDS Melancholic depression ; Electroconvulsive therapy (ECT) ; Trans cranial Magnetic Stimulation (TMS) ; Deep Brain Stimulation (DBS) ; Brain stimulation therapeutics Abstract Electroconvulsivotherapy represents a key indication for severe Major Depressive Episode (MDE). However, an hospitalization with a general anaesthesia allowing a seizure induction followed by an almost systematic post-epileptic delirium justifies the development of other brain electrostimulation techniques. Trans-cranial Magnetic Stimulation (TMS) is a technique which offers to transform an electromagnetic field within the brain in an electric one. This therapeutic has been approved in 2008 in the MDE indication by the Food and Drug Administration. However a better knowledge of brain stimulation parameters such as the number of sequences, intensity, frequency, and the brain target, is necessary. Indeed it could enable to get some more homogeneous clinical results which will drive to the use of this technique in daily practice. Neurosurgical procedures represent also a stake for a better treatment of severe chronic and resistant depression. Whereas Vagus Nerve Stimulation (DBS) failed to be developed in France, Deep Brain Stimulation (DBS) is currently under development in this indication with some promising preliminary results.

Les techniques par électrostimulation dans le traitement des dépressions sévères

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© L’Encéphale, Paris, 2009. Tous droits réservés.

L’Encéphale (2009) Supplément 7, S325–S329

Dispon ib le en l igne sur www.sc ienced i rect .com

journa l homepage: www.el sev ier .com/locate/encep

Les techniques par électrostimulation dans le traitement des dépressions sévèresElectrostimulation techniques in treatment for severe depression

B. Millet

Université Rennes 1, Chu de Rennes, Hôpital Guillaume Régnier, 108 Avenue du Général Leclerc, 35000 Rennes

Résumé Les épisodes dépressifs majeurs (EDM) avec caractéristiques mélancoliques constituent une indication de choix de l’électroconvulsivothérapie. La nécessité d’une hospitalisation, d’une anesthésie générale obligatoire et le déclenchement d’une crise comitiale en limitent son utilisation. La stimulation magnétique transcrânienne ou TMS a reçu l’accord de la Food and Drug Administration dans le traitement de l’EDM en 2008. Cependant, une meilleure connaissance des paramètres de stimulation (nombre de séances, fréquence, intensité, cible de stimulation) permettant d’obtenir des résultats cliniques plus homogènes semble nécessaire pour utiliser cette technique en pratique courante. Les thérapeutiques par matériel implanté chirurgicalement constituent des enjeux thérapeutiques pour les dépressions sévères chroniques et résistantes. La stimulation cérébrale profonde à haute fréquence fait l’objet de plusieurs essais thérapeutiques dans cette indication.

* Auteur correspondant.E-mail : [email protected] L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts.

MOTS CLÉSDépressions mélancoliques ; ECT ; EDM ; électrostimulation ; TMS ; Stimulation cérébrale profonde

KEYWORDSMelancholic depression ; Electroconvulsive therapy (ECT) ; Trans cranial Magnetic Stimulation (TMS) ; Deep Brain Stimulation (DBS) ; Brain stimulation therapeutics

Abstract Electroconvulsivotherapy represents a key indication for severe Major Depressive Episode (MDE). However, an hospitalization with a general anaesthesia allowing a seizure induction followed by an almost systematic post-epileptic delirium justifies the development of other brain electrostimulation techniques. Trans-cranial Magnetic Stimulation (TMS) is a technique which offers to transform an electromagnetic field within the brain in an electric one. This therapeutic has been approved in 2008 in the MDE indication by the Food and Drug Administration. However a better knowledge of brain stimulation parameters such as the number of sequences, intensity, frequency, and the brain target, is necessary. Indeed it could enable to get some more homogeneous clinical results which will drive to the use of this technique in daily practice. Neurosurgical procedures represent also a stake for a better treatment of severe chronic and resistant depression. Whereas Vagus Nerve Stimulation (DBS) failed to be developed in France, Deep Brain Stimulation (DBS) is currently under development in this indication with some promising preliminary results.

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Les techniques par électrostimulation cérébrale représen-tent depuis longtemps un traitement de référence dans la dépression mélancolique, avec les électroconvulsivothéra-pies (ECT). D’autres techniques alternatives sont actuelle-ment en développement dans l’indication du traitement de la dépression : la Stimulation Magnétique Transcrânienne (TMS), la Stimulation Cérébrale Profonde (SCP), la Stimulation du Nerf Vague (SNV). Des techniques innovantes encore plus récentes sont également évaluées, comme la « Magnetic Seizure Therapy » (MST) ou la « Transcranial Direct Current Stimulation » (tDCS) ; elles ne seront pas abordées dans cet article. Les repères théoriques et les outils pratiques d’iden-tification des dépressions graves ou dépressions sévères res-tent peu consensuels. La notion de sévérité peut toutefois être prise en compte sous un angle classificatoire, comme dans le DSM IV-TR avec l’Épisode Dépressif Majeur (ou carac-térisé) (EDM) sévère sans ou avec caractéristiques psychoti-ques, ou sous un angle dimensionnel, à l’aide de scores suffisamment élevés aux échelles de quantification de l’in-tensité dépressive (HDRS-17 items > 21 ; BDI-21 > 23 ; MADRS > 30). La chronicité représente également une variable à prendre en compte, car elle contribue à alourdir le pronos-tic défavorable de la maladie dépressive. Dans l’objectif de définir la place des techniques d’électrostimulation au sein de l’arsenal thérapeutique disponible pour cette maladie complexe [11], il nous semble essentiel de rappeler les prin-cipes des différentes techniques précédemment citées ainsi que leur état d’avancée actuelle.

Les différentes techniques d’électrostimulation

Les thérapeutiques non chirurgicales

● Les ECT : Les épisodes dépressifs sévères, accompa-gnés de symptômes endogènes tels le ralentissement psy-chomoteur, l’agitation, l’insomnie de fin de nuit, la culpabilité, les variations circadiennes des symptômes avec aggravation le matin, la perte de l’appétit et de poids, en constituent l’indication classique. En l’absence de risque suicidaire, il apparaît licite de réserver cette technique à des patients n’ayant pas répondu à au moins deux antidé-presseurs utilisés à doses efficaces sur une période de temps suffisante après échecs de stratégies de potentialisation [1]. Plusieurs auteurs ont souligné à juste titre la valeur théra-peutique des ECT dans les dépressions délirantes. L’efficacité des ECT dans les dépressions survenant sur un terrain psy-cho-organique a été également observée [2].

Pionniers en termes d’électrostimulation, Cerletti et Bini ont été les premiers à utiliser les traitements par ECT en 1938. L’indication principale en était les troubles psy-chotiques, à partir de l’hypothèse selon laquelle l’occur-rence simultanée des psychoses et des crises d’épilepsie était incompatible. Malgré une forte mortalité (0,1 %) et de trop fréquentes fractures des os (40 %) dues à l’absence de curarisation, l’indication dans la dépression sévère s’est toujours maintenue.

Aujourd’hui, grâce aux procédures utilisées (bilan pré-thérapeutique, anesthésie, surveillance en salle de réveil),

la morbi-mortalité des ECT est considérablement réduite ; les ECT constituent le traitement de choix dans les cas de dépression sévère résistante aux traitements pharmacologi-ques. Pendant l’ECT, le tracé électroencéphalographique de la crise est enregistré ; pour être considérée comme effi-cace, elle doit durer au moins 25 secondes. L’anesthésie uti-lisée permet d’endormir la plupart des patients en 15 à 60 secondes. Le métabolisme des molécules utilisées (éto-midate ou propofol) permet l’obtention d’un réveil rapide.

L’hypothèse d’action des ECT est que la réaction de l’organisme à la crise comitiale est spontanément anticon-vulsivante, permettant de réduire l’excitabilité neuronale. Ce processus réactionnel d’inhibition de la crise permet-trait, entre autres conséquences neurobiologiques, de libé-rer du GABA (acide gamma amino butyrique), principal neuromédiateur stabilisateur de l’excitabilité neuronale. D’autres mécanismes comme l’action sur les récepteurs dopaminergiques et bêta-adrénergiques, sur le GABA, ainsi que sur la trophicité cellulaire (par l’intermédiaire du BDNF) ont été également suggérés.

Si l’efficacité de la technique est aujourd’hui reconnue comme indiscutable, ses inconvénients restent non négli-geables : hospitalisation et anesthésie générale nécessai-res, provocation d’une crise comitiale à l’origine d’une désorientation post-ictale quasiment systématique à l’issue de la séance, et troubles de la mémoire épisodique pouvant durer plusieurs semaines voire plusieurs mois. De plus, le taux de rechute après une cure d’ECT (entre cinq et quinze séances) apparaît important [18]. Selon Sackeim [17] 50 % des patients présenteraient une rechute à un an.

Pour ces patients, plusieurs publications ont rapporté l’intérêt de l’ECT de maintenance. Le protocole habituel est d’une séance par semaine pendant 1 mois au cours de la phase de consolidation, puis une séance par mois en phase de maintenance. Les indications des ECT de mainte-nance s’adresseraient ainsi aux EDM récurrents répondeurs aux ECT mais non-répondeurs aux autres thérapeutiques antidépressives, et aux patients présentant une intolérance aux antidépresseurs. La durée de ces cures de maintien reste à définir, certains patients justifiant des séances men-suelles de maintien au-delà de 2 ans.

● La Stimulation Magnétique transcrânienne ou TMS : C’est en appliquant sur sa tête une bobine dans laquelle passait un courant alternatif, de 110 volts et de 30 ampè-res, que d’Arsonval, en 1896, observait des phosphènes. Cent ans plus tard, la TMS est devenu un outil d’exploration fonctionnelle en neurologie (potentiels évoqués moteurs, cartographie cérébrale, études sur la relation topographie-fonction), puis s’est révélée comme une nouvelle méthode non invasive et indolore de stimulation du système nerveux central. Dès 1993, Hoflich décrit deux cas d’amélioration de patients déprimés résistants par TMS répétées. C’est ensuite George et Pascual-Leone qui se sont intéressés à un possible effet thérapeutique des TMS répétées (rTMS) dans la dépression.

La TMS agit sur l’activité cérébrale selon le principe de l’inductance. Le courant électrique alternatif, de forte intensité, fourni par un générateur et pulsé grâce à un

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condensateur, crée au passage dans une bobine électroma-gnétique, dirigée sur le scalp, un champ magnétique qui traverse la boîte crânienne sans être modifié. Plusieurs paramètres caractérisent la TMS :

la détermination du – seuil moteur : un stimulus simple appliqué par la sonde sur le scalp correspondant au cor-tex moteur primaire, produit un mouvement involontaire du pouce du membre controlatéral à la région stimulée ; l’intensité du champ magnétique nécessaire pour induire cette réponse motrice représente le seuil moteur ;le seuil moteur ainsi déterminé permet d’ajuster la – puis-sance (ou l’intensité) du courant magnétique nécessaire pour induire une dépolarisation neuronale (exprimée en pourcentage du seuil moteur) ;la – fréquence du champ magnétique dépend de la zone à stimuler ;la – forme des bobines de stimulation utilisées peut être de deux types : quand elles sont en huit et en papillon, le champ magnétique est maximal à l’intersection des deux boucles, permettant des stimulations hautement focali-sées du cerveau ; quand elles sont circulaires, il est plus important autour de la bobine qu’en son centre, plus dif-fus et la stimulation moins focalisée.

Technique non invasive, facile d’utilisation et présen-tant une bonne tolérance, la TMS constitue un espoir impor-tant de traitement alternatif de la dépression. Les actions sur les neurotransmetteurs semblent similaires à celles de la sismothérapie et des antidépresseurs : augmentation de la dopamine dans le striatum et l’hippocampe et diminu-tion dans le cortex frontal ; augmentation de la concentra-tion de la sérotonine et de son métabolite (5HIAA) dans l’hippocampe (système limbique) ; élévation du turn-over de la sérotonine et du glutamate, en cas de TMS répétées.

Dans la dépression, les études de l’activité thérapeuti-que de la rTMS ont été conduites essentiellement chez des patients dépressifs résistants aux chimiothérapies. L’ensemble des études publiées utilise la rTMS du cortex dorsolatéral préfrontal gauche, à 80-110 % du seuil moteur et à haute fréquence (10-20 Hz), et montre des effets anti-dépresseurs. Les études initiales ont porté sur des protoco-les « ouverts », sans comparaison à un groupe témoin [3, 15]. Deux études contrôlées menées en double-aveugle contre placebo, selon un protocole de « cross-over » ont ouvert la voie à une exploration plus rigoureuse de la TMS. Elles mettent en évidence le rôle du cortex dorsolatéral préfrontal (CPFDL) gauche dans le traitement de la dépres-sion par rTMS.

L’étude de Pascual-Leone [15] comprenait 17 patients droitiers répondant aux critères DSM III-R d’épisode dépres-sif majeur avec caractéristiques psychotiques et résistants aux médicaments. Chaque sujet était soumis à 5 séries (1/mois) de rTMS appliquées à différents endroits du scalp (vertex, cortex préfrontal dorsolatéral droit ou gauche), chaque série comportant 5 séances consécutives. Les patients recevaient 2 000 stimulations par jour à une fré-quence de 10 Hz. Les résultats montrent un effet significa-tivement supérieur pour la stimulation réelle du CPFDL

gauche par rapport à la condition placebo, persistant 14 jours après la fin du traitement (11 répondeurs sur 17 ayant abaissé leurs scores d’au moins 50 % à l’HDRS).

George et al. [4], en s’appuyant sur des études d’ima-gerie cérébrale fonctionnelle rapportant un hypométabo-lisme préfrontal dans les troubles dépressifs, ont confirmé que la rTMS du cortex préfrontal gauche, appliquée pen-dant 2 semaines, avait une activité antidépressive. Plus récemment, quelques études ont comparé l’efficacité de la rTMS par rapport à l’ECT. Grunhaus et al. [6] ont randomisé 40 patients qui recevaient soit une ECT soit une rTMS appli-quée au cortex dorsolatéral gauche. Chez les sujets dépres-sifs sans caractère psychotique, 4 semaines de TMS quotidiennes étaient équivalentes en efficacité à l’ECT. Neuf méta-analyses ont découlé de ces études, avec des résultats en faveur de la TMS contre placebo pour 8 d’entre elles [9, 7, 16, 13]. Padberg & George [14] ont repris dans un article de synthèse l’intérêt de cette technique dans la dépression résistante. Sur la base de ces résultats, la TMS a reçu l’accord de la FDA dans cette indication en octo-bre 2008.

Cependant, il existe plusieurs limites dans cette indica-tion. Bien qu’une meilleure connaissance des paramètres de stimulation (nombre de séances, fréquence, intensité, cible de stimulation) permette de meilleurs résultats cliniques [5], il persiste une hétérogénéité des protocoles d’adminis-tration des séances de TMS, avec en outre une hétérogé-néité de la population stimulée et des échantillons qui restent de taille limitée. Par ailleurs, si l’ensemble des étu-des ont stimulé le CPFDL gauche, celui-ci est déterminé de manière anatomique empirique et imprécise, alors que Fitzgerald et al. [1] ont montré l’intérêt d’ajouter un sys-tème de neuronavigation à la TMS pour cibler de manière précise et reproductible la zone à stimuler. Enfin, si le trai-tement permet une rémission clinique de la dépression, comme pour les ECT, les cliniciens sont confrontés aux rechutes et à la nécessité de mettre en place des protocoles d’entretien dont les modalités restent à définir de manière plus précise. Pour ces patients, des thérapeutiques par matériel implanté représentent de possibles alternatives.

Thérapeutiques par matériel implanté

● Stimulation du nerf vague (SNV) : L’implantation pour la SNV se fait sous anesthésie générale. Le générateur électrique d’impulsions est placé en position sous-clavicu-laire dans une poche sous-cutanée, et connecté à l’élec-trode bipolaire placée au niveau du nerf vague gauche au niveau cervical. Cette mise en place se fait grâce à une autre incision faite au niveau du muscle sterno-cleido-mas-toidien. La durée de l’intervention est d’environ une heure. Seul le nerf vague gauche est stimulé, car le nerf vague droit qui innerve le nœud sinusal situé au niveau de l’oreillette est chargé de la fonction régulatrice du cœur.

Sur le plan physiopathologique, le nerf vague en charge des fonctions neurovégétatives présente 80 % de fibres afférentes (sensorielles) avec des relais cervicaux multiples qui lui offrent de nombreuses projections cérébrales fron-tales et préfrontales, et 20 % de fibres efférentes, donc

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Place des techniques d’électrostimulation dans les stratégies thérapeutiques des dépressions sévères

Parmi les traitements physiques de la dépression sévère et résistante, l’électroconvulsivothérapie (ECT) représente le traitement de référence [20]. Cependant, l’anesthésie générale qu’elle requiert à chaque séance et les problèmes mnésiques secondaires à la cure justifient l’utilisation alter-native de la TMS pour de nombreux patients. La TMS pré-sente un réel intérêt compte tenu de sa bonne tolérance et des rapports récents faisant état de son efficacité (voir références ci-dessus). Le développement de cette nouvelle technique en pratique de routine nécessite de réaliser des études comparatives pour déterminer les paramètres de sti-mulation optimaux dans cette indication. En outre, l’ad-jonction systématique d’un système de neuronavigation pour un ciblage plus précis des zones stimulées doit permet-tre de mener des études reproductibles et fiables, permet-tant de préciser le bénéfice thérapeutique [13].

Le taux d’efficacité de l’électroconvulsivothérapie dans le traitement d’attaque de la dépression est de l’ordre de 80 à 90 % selon les études [8]. Ainsi, 5 à 10 % des patients dépri-més seraient estimés présenter une dépression sévère et réfractaire à toute thérapeutique. Ces patients présentent une grande souffrance psychique et se trouvent dans l’inca-pacité d’assurer toute activité professionnelle sur le long terme. Leur parcours de soins est constitué d’hospitalisa-tions itératives dans de nombreux services de psychiatrie ou cliniques privées avec essai de multiples traitements médi-camenteux ou physiques (ex. électroconvulsivothérapie) le plus souvent inefficaces et source de découragement et d’épuisement moral. Devant une telle impasse thérapeuti-que médicamenteuse et psychothérapique, ces patients représentent des candidats potentiels aux interventions neurochirurgicales. Ces techniques, en France essentielle-ment la stimulation cérébrale profonde, ne peuvent se déve-lopper que dans conditions expérimentales strictement définies : elles nécessitent un consentement éclairé du patient, recueilli après une information détaillée sur la tech-nique chirurgicale, la constitution de comités de surveillance en matière d’éthique et de rationnel physiopathologique des expérimentations menées, et enfin un suivi clinique, réalisé par des équipes psychiatriques sensibilisées à la technique et spécialement formées à l’évaluation des effets secondaires de type psychiatrique qu’elle peut provoquer.

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motrices. Sa stimulation permet de modifier les structures cérébrales impliquées dans les pathologies neuropsychia-triques. Utilisée dans l’indication des épilepsies pharmaco-résistantes, (son efficacité et sa bonne tolérance ont été démontrées sur plusieurs études contrôlées et une expé-rience de plus de 25 000 patients implantés dans plusieurs pays) [3, 11], cette technique n’est à notre connaissance pas expérimentée en France. Plusieurs études ont pourtant montré son efficacité dans la dépression résistante.

● La Stimulation Cérébrale Profonde (SCP) : La SCP à haute fréquence est rendue possible grâce à l’implantation neurochirurgicale stéréotaxique d’électrodes dans des structures cérébrales profondes. Les stimulations sont effectuées par des électrodes, connectées par un câble sous-cutané à un générateur électrique délivrant en continu un courant à haute fréquence (80 à 150 Hertz).

Les avantages de cette technique sont la réversibilité de l’effet, ainsi que la possibilité d’ajuster les différents paramètres (fréquence, voltage, durée d’impulsion). Les inconvénients concernent la nécessité de l’intervention neurochirugicale proprement dite sous anesthésie locale, permettant la mise en place des électrodes, et celle d’une nouvelle intervention quelques jours plus tard, permettant la pose des batteries d’alimentation. Ces stimulateurs sont alors reliés aux électrodes intra-cérébrales par un dispositif de tunnellisation sous-cutanée.

Pour la préparation de l’intervention neurochirurgicale, l’imagerie pré-opératoire est indispensable : elle permet d’éliminer une pathologie intercurrente ou une atrophie cortico-sous corticale, et conditionne également la locali-sation exacte de la cible. Les électrodes définitives implan-tées comprennent 4 plots de 2 à 4 mm séparés entre eux d’une distance variant entre 2 et 4 mm. En post-opéra-toire, le clinicien peut régler les paramètres de stimulation au moyen d’un boîtier fourni par la firme commercialisant le matériel (actuellement essentiellement Medtronic). Le réglage des paramètres peut porter sur le choix du ou des plots à stimuler, sur la polarité, sur la fréquence de stimu-lation, sur l’intensité. Il est habituel d’utiliser une haute fréquence, des intensités autour de 2 Volts et des trains d’impulsion de l’ordre de 90 microsecondes.

Dans la dépression, l’utilisation de la SCP est actuelle-ment expérimentale et concerne des patients souffrant de troubles dépressifs résistants et chroniques (TDRC) [10]. Des études en ouvert menées chez des patients souffrant de TDRC semblent suggérer l’intérêt de la SCP de la cible caudé ventral/striatum ventral (VC-VS). Le réseau français STHYM évalue actuellement la stimulation à haute fré-quence du nucleus accumbens.

Particulièrement attractive en termes de développement des connaissances sur le plan physiologique et thérapeuti-que, la SCP est susceptible de provoquer des modifications des réseaux cortico-sous corticaux, sans provoquer de lésions. Elle offre en outre la possibilité, en cas d’effet indé-sirable ou en l’absence de bénéfice thérapeutique, de stop-per la stimulation, ce qui permet une réversibilité qui n’était pas autorisée dans l’approche psychochirurgicale tradition-nelle.

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