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1 Les tendances démographiques et migratoires dans les régions ultrapériphériques : quel impact sur leur cohésion économique, sociale et territoriale ? RAPPORT DE SYNTHESE Résumé exécutif Claude-Valentin MARIE et Jean-Louis RALLU Ce document a été commandé par la Commission Européenne, Direction Générale des Politiques Régionales Publication : Unité de la Coordination des Régions Ultrapériphériques (FR) Réserves : « Les opinions exprimées dans ce document sont la seule responsabilité des auteurs et ne représentent pas les positions officielles de la Commission Européenne (CE). La reproduction et la traduction à but non commercial sont autorisées, sous la condition que la source soit mentionné et que l’éditeur (CE OIB) en ait été averti et en ait reçu un exemplaire à l’avance.

Les tendances démographiques et migratoires dans les ...de ces régions et des tendances prévisibles à court et moyen terme; * Une analyse des enjeux qui en découlent - en prenant

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    Les tendances démographiques et migratoires dans les régions ultrapériphériques : quel impact sur leur cohésion économique, sociale et territoriale ?

    RAPPORT DE SYNTHESE Résumé exécutif

    Claude-Valentin MARIE et Jean-Louis RALLU

    Ce document a été commandé par la Commission Européenne, Direction Générale des Politiques

    Régionales

    Publication : Unité de la Coordination des Régions Ultrapériphériques (FR)

    Réserves : « Les opinions exprimées dans ce document sont la seule responsabilité des auteurs et ne

    représentent pas les positions officielles de la Commission Européenne (CE).

    La reproduction et la traduction à but non commercial sont autorisées, sous la condition que la source soit mentionné et que l’éditeur (CE OIB) en ait été averti et en ait reçu un exemplaire à l’avance.

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    Objectifs de la présente étude

    Suite à sa communication "Les Régions Ultrapériphériques, un atout pour l’Europe », adoptée le 17 Octobre 2008, la Commission a pour but, par cette étude, d’améliorer les connaissances des impacts démographiques et de la migration dans les RUP, par :

    * Une description et une analyse des dynamiques démographiques et des migrations propres à chacune de ces régions et des tendances prévisibles à court et moyen terme; * Une analyse des enjeux qui en découlent - en prenant en compte les handicaps auxquelles elles font face, tels qu'énumérés à l'article 349, 107(3)(a) du TFEU - pour la cohésion économique et sociale de ces territoires et de l’Union.

    Comme l’avait montré la communication mentionnée, cette étude prend en compte le contexte particulier des RUP, marqué par la rapidité avec laquelle s'y opèrent les changements démographiques et migratoires, et espère répondre à « la nécessité de disposer d'informations et de projections fiables sur ces changements en vue de les intégrer dans les politiques de gestion des territoires ».

    « Les Régions UltraPériphériques de l’Union Européenne sont des îles ou des archipels situés dans la Caraïbe (Guadeloupe, Martinique, St Martin), dans l’Atlantique (les Canaries, Madère et les Açores) et dans l’Océan Indien (La Réunion), sauf pour la Guyane, qui est une petite enclave dans la région amazonienne.

    En 1997, le Traité d’Amsterdam a introduit les bases légales du concept de Régions UltraPériphériques.

    Celui-ci a été consolidé et renforcé par le Traité de Lisbonne (art 349, 107(3)(a) TFEU.) qui reconnaît le caractère spécial des RUPs et le besoin d’actions spécifiques pour favoriser leur développement. »

    Ont participé à cette étude : Claude Valentin Marie (INED) (Responsable de projet) Jean Louis Rallu (INED) (Coordinateur) Didier Breton (Univ. de Strasbourg) Stéphanie Condon (INED) Dirk Godenau (Univ. La Laguna, Tenerife, Canaries) Gilberta Pavão Nunes Rocha (Univ. des Açores) Franck Temporal (INED) Licinio Tomas (Univ. des Açores)

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    PRINCIPAUX INDICATEURS SOCIODÉMOGRAPHIQUES

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    1. ANALYSE DE LA SITUATION

    DÉMOGRAPHIE

    Dispersées de l’est à l’ouest de l’Atlantique jusqu’en Amérique du Sud, et dans l’Océan Indien, les Régions ultrapériphériques (Rup) sont loin de former un ensemble homogène. Leurs caractéristiques démographiques sont paradoxalement souvent proches de celles de leur pays de rattachement, notamment pour la fécondité et la croissance naturelle.

    Ainsi, la croissance naturelle, plus élevée en France que dans l’UE, l’est plus encore dans les DOM, du fait d’une fécondité également supérieure. Ces dynamiques sont particulièrement vives à La Réunion et plus encore à St Martin et en Guyane, où elles constituent un des défis des prochaines décennies1. A l’inverse, le Portugal et Madère affichent une croissance naturelle inférieure à la moyenne communautaire, tandis que les Açores, les Canaries et l’Espagne ne dépassent cette moyenne qu’en raison d’une structure par âge plus favorable de leur population. Il en va de même des migrations. Après avoir été des bassins d’émigration, les RUP espagnole et portugaises sont, comme leur pays respectif, devenues des régions d’immigration. Ce renversement plus net aux Canaries qu’en Espagne2, l’est toutefois moins aux Açores et à Madère qu’au Portugal3. Pour leur part, les Antilles et La Réunion n’attirent qu’une migration internationale modérée, contrairement à la Guyane et St Martin. Si la crise a profondément affecté les courants migratoires vers l’Espagne, le Portugal et leurs RUP, elle n’a eu que peu d’impact en Guyane et à St Martin où la migration irrégulière, moins dépendante de la conjoncture économique, se poursuit à des niveaux soutenus4. S’agissant maintenant des migrations entre les RUP et l’espace de l’UE, les DOM apparaissent plus concernés que les RUP espagnole et portugaises par une forme de migration « pendulaire » avec « leur métropole »5. En revanche, les échanges avec l’espace communautaire sont plus importants aux Canaries et à Madère en raison notamment de la migration vers ces RUP de retraités des pays du Nord de l’UE. Les soldes migratoires sont, dans l’ensemble, faibles aux Açores et à Madère, et ils ont fortement baissé aux Canaries. Pratiquement nuls à La Réunion, ils sont légèrement négatifs aux Antilles, du fait des départs en grand nombre des natifs vers la France métropolitaine. A l’inverse, ils sont fortement positifs à St Martin et en Guyane, du fait de l’immigration étrangère. Aux Antilles et secondairement à La Réunion, les migrations pendulaires (départs de jeunes natifs et les arrivées de métropolitains d’âge moyen – 30-55 ans) modèlent profondément les pyramides des âges, en réduisant la part des jeunes adultes et accroissant celles des actifs d’âge moyen. En Guyane et à St Martin (et antérieurement aux Canaries), la migration étrangère augmente elle le poids des adultes de 20 à 60 ans. Associées à une croissance naturelle plus élevée, ces migrations expliquent la structure d’âge plus jeune des RUP comparée au celle du continent.

    1 Le taux de croissance totale est de 1,5% à la Réunion, il approche 3% à St Martin et les dépasse ce taux en Guyane, contre

    0,5% ou moins dans les autres RUP. 2 Dans la première moitié des années 2000.

    3 Il convient de souligner la spécificité des Canaries et de Madère qui attirent une importante immigration de retraités

    d’Europe du Nord et d’Amérique 4 Dès avant la crise, les flux d’immigration irrégulière ont beaucoup diminué aux Canaries, et seraient peu importants

    actuellement. 5 Une part des métropolitains arrivent munis de contrat de travail à durée déterminée, ce explique que leurs effectifs se

    renouvellent périodiquement.

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    Le rapport de dépendance demeure aussi plus favorable dans la plupart des RUP que sur le continent. Pour les Canaries, Madère et les Açores l’avantage est de 7, 6 et 5 points de pourcentage, mais il n’est que de 1 à 2 points pour la Martinique, La Réunion et St Martin. A l’inverse, la Guadeloupe affiche un très léger désavantage (0,8 point) lequel atteint les 10 points en Guyane, en raison essentiellement du poids des jeunes générations. Le vieillissement est un des problèmes majeurs auxquels les RUP des Antilles et de l’Atlantique Est vont être confrontées dans les toutes prochaines années. Engagé depuis plusieurs décennies, c’est aux Antilles que le phénomène est le plus rapide. Depuis 1990, l’âge médian s’y est accru de 10 ans, tout comme aux Canaries. Aux Açores, à Madère et à la Réunion, il a augmenté de 6 à 7 ans. A l’opposé, la Guyane6 et St Martin seront principalement confrontés à une croissance rapide de leur population. Soulignons que La Réunion présente la particularité d’avoir à faire face – simultanément, mais à des degrés moindres - aux deux enjeux d’une croissance continue de sa population et de son vieillissement. Ces dynamiques et les changements dans les structures démographiques qui en résultent, auront un impact socio-économique conséquent. Aux Antilles et aux Canaries, cela devrait se traduire par une baisse de la population active et un accroissement des dépenses de santé. A l’inverse, en Guyane, à St Martin et secondairement à La Réunion, cela entrainera une croissance continue des besoins en matière de scolarité et de créations d’emplois. Il en sera de même aux Canaries, en cas de reprise de l’immigration.

    EDUCATION

    Au plan socioéconomique, les Rup de l’Atlantique Est apparaissent plus proches du continent, que les Dom de leur métropole. Toutes ces régions ont, cependant, en commun des niveaux de qualification très inférieurs à ceux de leur pays de rattachement. Si les taux de réussite aux examens se sont beaucoup rapprochés de ceux du continent, une part beaucoup plus élevée de jeunes n’accède pas au secondaire supérieur. En Guyane, aux Canaries et à St Martin, il s’y ajoute la non scolarisation d’une part des enfants d’âge scolaire obligatoire (environ 3% en moyenne). Pour les migrants étrangers, la situation se double de difficultés linguistiques et culturelles. Mais, il ne s’agit là que de la partie émergée de l’iceberg. En effet, l’illettrisme touche de 12% à 17% des jeunes de 15-24 ans des Antilles et de la Réunion. L’échec scolaire est aussi plus important dans les Rup, en particulier dans les Dom où il est souvent plus du double de la moyenne nationale7. L’abandon prématuré des études est plus important aux Canaries, à Madère et aux Açores8, mais relève dans ces cas de facteurs spécifiques : la demande d’emploi élevée (ou qui était telle avant la crise) y pousse les jeunes à travailler dès la fin de la scolarité obligatoire, alors que dans les Dom, les jeunes titulaires du BEPC poursuivent généralement leurs études faute de trouver un emploi à ce niveau de diplôme. Dans les Dom, l’éducation post-obligatoire se déroule souvent sur place aux niveaux CITE 3 et 4, alors qu’elle s’effectue principalement sur le continent pour les études supérieures (CITE 5 et 6). Les Canaries et, à un degré moindre, les Antilles et la Réunion qui disposent des universités les plus

    6 L’âge médian y est resté pratiquement stable (+1 an)

    7 Il atteint environ 15% des jeunes de 18-24 ans aux Canaries et aux Antilles, 23% à la Réunion, 29% à Madère et jusqu’à

    39% aux Açores et en Guyane. 8 Soit respectivement : 37%, 20% et 14% contre moins de 5% en DOM.

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    importantes présentent les plus forts taux (respectivement 45%, 35% et 29%) de jeunes étudiants inscrits sur place aux niveaux CITE 5 et 6 ; en comparaison, ces taux apparaissent particulièrement bas aux Açores et à Madère (moins de 20%) et en Guyane (15%). Illettrisme, échec scolaire et abandon prématuré des études soulignent la déficience relative du système éducatif, à la fois au plan quantitatif et qualitatif, notamment dans les Dom. Mais le contexte socio-culturel lié à la précarité des conditions de vie sur plusieurs générations joue aussi un rôle. L’éducation des jeunes et la qualification de la population active demeurent donc des problèmes aigus dans l’ensemble des Rup. Malgré l’apport de l’immigration qualifiée en provenance du continent et de l’UE, toutes les Rup affichent une proportion de jeunes adultes (30-34 ans) diplômés du supérieur inférieure à celle de leur pays. Ce résultat tient beaucoup à l’importance des départs des natifs les plus qualifiés. A titre d’exemple, dans ce groupe d’âge, plus de la moitié des natifs des Dom diplômés du supérieur travaillent en métropole. Cela posé, c’est aux Canaries, en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion que la part des jeunes diplômés du supérieur (30-34 ans) est la plus élevée, et en Guyane et plus encore aux Açores et à Madère qu’elle est la plus basse. La migration a donc un effet très sélectif sur la population active des Rup : elle enlève la moitié des jeunes les plus qualifiés des Dom et y laisse la majorité des moins qualifiés ou des moins employables. Cette double sélection explique, en partie, le niveau élevé du chômage, la forte précarisation de la jeunesse et les besoins continus de soutien à la formation.

    ACTIVITE – EMPLOI

    Le faible niveau d’éducation d’une partie de la population des RUP a des répercussions sur leur possibilité d’intégration sur le marché de l’emploi, qui, à son tour, affecte le développement économique. Cette situation semble encore plus critique depuis la crise de 2008. Si, comme au Portugal, l’emploi est resté élevé aux Açores et à Madère, il n’en va pas de même aux Canaries et en Espagne. Dès 2008, la crise y a provoqué une chute à tous les âges qui s’est amplifiée en 2009 et n’était pas encore stabilisée en 2010. Dans les DOM, l’emploi déjà faible a été comparativement peu affecté par la crise jusqu’en 2010, même si le chômage y a augmenté depuis 2008. En conséquence, les Canaries se rapprochent des niveaux du chômage des DOM notamment aux âges jeunes, avec des taux d’environ 50%. En revanche, malgré un accroissement récent, le chômage reste peu élevé aux Açores et à Madère. En 2010 - exceptées les Açores et Madère - les taux d’emploi des actifs de 20-64 ans étaient très inférieurs à la moyenne communautaire (69%) : environ 55% aux Canaries et aux Antilles-Guyane et 50% à la Réunion. Les différences entre hommes et femmes soulignent les marges de croissance possible de l’emploi féminin, notamment en Guyane, aux Açores, à la Réunion et aux Canaries, où les écarts sont les plus marqués. Mais c’est du côté des jeunes – souvent au chômage ou inoccupés - que les marges de croissance de l’emploi sont les plus importantes, notamment dans les DOM et aux Canaries. Parmi les 20-24 ans, il est plus de deux fois plus fréquent d’être un « jeune inoccupé » (ni étudiant, ni en emploi) dans les DOM que dans les RUP de l’Atlantique Est, en dépit des actions engagées pour la formation à l’emploi, en partie financées par les FSE. Si les taux de placement sont assez élevés dans certaines formations, les retours au chômage sont rapides et fréquents. De plus, comparé à la métropole, les taux des bénéficiaires de ces actions demeurent inférieurs dans les DOM, alors que le chômage y est plus élevé. Intégrer les jeunes dans l’emploi, c’est non seulement réduire les taux de

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    chômage, mais c’est, surtout, améliorer leur statut professionnel et personnel et éviter de les voir tomber plus nombreux dans la « rupture sociale » et la violence. La structure de l’emploi en RUP, avec une forte prépondérance des services, n’est pas favorable aux populations peu qualifiées. Les services, qui fournissent en moyenne plus de 80% de l’emploi, un peu moins à Madère (70%) et aux Açores (63%), utilisent plutôt une main d’œuvre qualifiée. Les effectifs employés dans l’agriculture atteignent 11% aux Açores et à Madère, mais ils sont inférieurs à 5% dans les autres RUP et l’industrie y est peu importante. En dépit d’une place un peu plus importante que sur le continent, particulièrement en Atlantique Est, la construction ne compense pas le déficit de l’industrie. Dans les DOM, le faible niveau de l’emploi semble lié au faible niveau de qualification d’une grande part des actifs disponibles sur le marché (natifs et immigrants étrangers). Le marché du travail, étroit et isolé, est peu fluide : les moins qualifiés n’ont pas la possibilité de changer de région pour trouver des emplois à leur niveau, sauf départ en métropole où la sélection se fait de plus en plus rude. A l’inverse, les métropolitains ou les natifs de l’UE (principalement les hommes) installés dans les DOM affichent un avantage sur les autres migrants récents (y compris les natifs de retour) : une partie d’entre eux arrivent, en effet, munis d’un contrat de travail. Entre 1999 et 2007, les actifs nés en métropole ont ainsi occupé plus de 20% des emplois créés aux Antilles et à La Réunion. De plus, à diplôme équivalent, ils occupent souvent des postes à qualification et/ou responsabilités plus élevées que les natifs. Cette concurrence pourrait être une des causes de la fuite des cerveaux chez les jeunes natifs. Si ces avantages d’accès à l’emploi observés pour les hommes ne se vérifient pas pour les migrantes métropolitaines, celles-ci ont cependant un avantage dans l’accès aux professions de cadres. Conséquence de cette faiblesse de l’emploi, la « dépendance effective9 » constitue un enjeu majeur pour l’avenir. Dans les DOM, où le chômage et l’inactivité sont élevés, on compte souvent plus de 2 personnes dépendantes pour 1 en emploi contre 1,4 en métropole10. En Atlantique Est, ces rapports sont à peine supérieurs au continent11. Dans un contexte où l’état se désengage progressivement des politiques sociales et les transfère aux régions, ces niveaux de dépendance menacent directement le financement des politiques sociales dans les RUP.

    ECONOMIE

    Jusque vers les années 2000-2001, les RUP ont connu une croissance rapide du PIB SPA par habitant, avec des taux moyens de l’ordre de 6%, voire de 8% aux Açores et 11% à Madère. Après 2002, la croissance a ralenti partout, s’établissant aux environs de 4% par an entre 2002-2007, sauf à Madère (6,6%). La Guyane constitue une exception. Les taux y ont été très inférieurs, non en raison d’une croissance économique moindre, mais du fait d’une augmentation plus rapide de sa population comparée à celle des autres RUP. Cette croissance supérieure à celle du continent a réduit en partie leur retard (sauf pour la Guyane)12. Mais seul Madère a atteint et dépassé la moyenne communautaire à partir de 2006. En

    9 Rapport des personnes sans emploi (enfants, étudiants, retraités, inactifs, chômeurs…aux personnes en emploi de tous

    âges. 10

    Les ratios s’établissent 2 personnes dépendantes pour une en emploi en Martinique, 2,2 en Guadeloupe, 2,5 à la Réunion et 2,8 en Guyane, 11

    On compte 1,6 dépendant pour une personne en emploi aux Canaries, 1,2 à 1,3 à Madère et aux Açores, à comparer à 1,5 en Espagne et 1,2 au Portugal 12

    Il est à noter que le calcul du PIB SPA au niveau national ne tient pas compte du coût de la vie plus élevé dans les RUP que sur le continent, particulièrement en DOM, et les écarts réels sont plus importants que ceux indiqués.

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    2007, les Canaries présentaient toujours un PIB 8% inférieur à celui de l’UE; les Açores et la Martinique environ 25% ; la Guadeloupe 30% ; La Réunion 36 % et la Guyane 52%. Depuis, la crise a de nouveau renversé la tendance, sauf aux Açores et à Madère, et les écarts avec l’UE27 ont recommencé à s’accroitre. Comparée à leur pays de rattachement, la productivité reste plus faible dans les RUP (sauf à Madère) et notamment dans les DOM. C’est dire qu’à l’exception de Madère, la convergence économique vers les moyennes communautaires est encore loin d’être obtenue, alors même qu’elle se trouve déjà entravée par la crise économique et financière. Les économies des RUP sont concentrées sur les services qui représentent plus de 80% de la valeur ajoutée, sauf en Guyane et aux Açores (75%). Si l’impact du tourisme est important à Madère et aux Canaries, avec 4 touristes par habitant et par an, celui-ci demeure peu développé dans les autres RUP13. Malgré leur faible poids dans la valeur ajoutée, l’agriculture et les industries agro-alimentaires demeurent le premier secteur d’exportation des RUP, dépassant 50% (70% aux Açores et à La Réunion), mais il n’atteint que 15% aux Canaries. Du fait de leur faible valeur ajoutée, ces exportations ne peuvent couvrir les importations et, dans toutes les RUP, la balance commerciale apparait très déficitaire, avec des taux de couverture entre 40% et 50% à Madère et aux Açores, de 22% aux Canaries, et seulement de l’ordre de 10% ou moins dans les DOM. Les exportations sont principalement dirigées vers le continent (pays ou UE) et la part dirigée vers les pays de la zone reste très minoritaire du fait de l’environnement de pays en développement.

    LOGEMENT ET MENAGES

    Si la croissance économique des deux dernières décennies a favorisé la réduction de l’habitat précaire, le logement « pauvre » (manquant d’une facilité de base : électricité, eau ou évacuation des eaux usées) reste fréquent dans les RUP. La Guyane est particulièrement concernée. On y recense 25% de logements « pauvres » et les logements insalubres sont y estimés à 13%. La part du logement social (HLM, « vivienda protegida ») est beaucoup plus faible aux Canaries qu’en Espagne, mais elle est voisine dans les DOM et en métropole, néanmoins elle ne suffit pas à couvrir la demande des familles éligibles qui y est nettement plus élevée en raison d’une précarité plus importante et plus fréquente, ce qui se traduit par un déficit de l’offre par rapport aux besoins. C’est le cas par exemple des familles monoparentales très fréquentes en Antilles-Guyane (environ 45% des familles avec enfants - contre 22% en métropole)14, dont les conditions de vie sont le plus souvent difficiles. La scolarité des enfants s’en ressent, entrainant souvent à une reproduction de la précarité d’une génération à l’autre. Aux Açores, à Madère, aux Antilles et en Guyane, moins de la moitié des femmes chefs de famille monoparentale ont un emploi. A La Réunion, elles ne sont que 32%. Elles sont donc proportionnellement plus nombreuses à dépendre des politiques sociales d’assistance.

    13

    St Martin constitue un cas particulier avec 20 touristes par habitant, grâce au nombre très importants des croisiéristes 14

    Leur part est de 33 % à la Réunion, 28 % aux Canaries (28%), 19 % à Madère et seulement 14% aux Açores, contre 20% en Espagne et 15% au Portugal.

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    SANTÉ

    Excepté en Martinique, l’espérance de vie à la naissance est moins élevée dans les RUP que dans leur pays d'appartenance. Les écarts sont importants en Guyane, à La Réunion et plus encore aux Açores et à Madère. La mortalité infantile et la mortalité maternelle sont aussi beaucoup plus élevées dans les DOM qu’en France. Certaines causes de décès ont un rôle prépondérant. C’est le cas pour la mortalité par maladies cardio-vasculaires, beaucoup plus élevée aux Açores, à Madère et à la Réunion que sur le continent. Il en va de même de la mortalité par tumeurs et par maladies des appareils respiratoire et digestif qui est aussi nettement supérieure à la moyenne nationale dans les RUP portugais et à La Réunion (sauf pour les tumeurs moins fréquentes dans les DOM qu’en France). La mortalité par maladies endocriniennes et métaboliques (diabète) constitue un problème majeur car elle est deux fois plus élevée dans toutes les RUP que dans leurs différents pays de rattachement. Ces maladies, de même que les maladies cardiovasculaires sont des maladies chroniques liées au mode de vie et d’alimentation, et leur coût est d’autant plus élevé que la prévention est peu développée. Leur fréquence s’ajoute à celle des maladies infectieuses, notamment dans les DOM et principalement en Guyane, en lien avec le climat. Les questions de santé dans les RUP présentent d’autres aspects spécifiques. Si le VIH touche moins fréquemment les RUP de l’Atlantique Est et la Réunion que leur pays, il est plus élevé aux Antilles et, surtout, en Guyane et à St Martin, principalement chez les migrants. Toutefois, ces deux départements se situent très en-deçà des niveaux les plus élevés observés dans la Caraïbe. La mortalité liée à l’alcoolisme est plus importante dans toutes les RUP que sur le continent, notamment dans les DOM et particulièrement à La Réunion ; mais elle reste relativement faible aux Canaries. De même, sauf aux Canaries et à Madère, la mortalité par accidents des transports est y plus élevée, notamment en Guyane et aux Antilles. Une part de la surmortalité peut être rapportée au faible niveau d’éducation et, pour les DOM, au chômage et à la précarité d’une partie de la population native qui ne consulte que lorsque la maladie est déjà avancée. C’est notamment le cas en Guyane des populations isolées et aussi des immigrants étrangers. Un effort d’information spécifique sur les « maladies de mode de vie » et les conduites à risques est nécessaire dans tous les RUP. Le déficit des RUP en personnels et en infrastructures de santé15 en comparaison de leur pays constitue un autre facteur de surmortalité. La situation est très défavorable dans les DOM. Le nombre de médecins, notamment de spécialistes, et de lits d’hôpitaux en chirurgie par habitant y est inférieur à la moyenne métropolitaine. La situation est préoccupante en Guyane qui connaît une réelle pénurie d’équipements et de personnels, avec des taux souvent moitié moins élevés que la moyenne nationale, alors qu’une croissance démographique rapide y rend le rattrapage d’autant plus difficile. L’hospitalisation de moyen et long séjour est aussi peu développée en DOM, nécessitant de fréquents et coûteux transferts vers la métropole. Les Canaries et Madère sont sur ce point nettement mieux équipés.

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    Sauf pour les lits d’hôpitaux en Atlantique Est et les infirmiers aux Açores et à Madère

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    ENVIRONNEMENT – ENERGIE

    Les milieux insulaires sont fragiles et vulnérables. Leur taille limitée a pour conséquence d’augmenter les effets d’une pollution qui peut rapidement affecter une grande partie du territoire et des eaux côtières. La protection du milieu, incluant le milieu marin, est un impératif pour permettre aux RUP d’assurer un cadre de vie sain pour leur population, de conserver la richesse de leur biodiversité et de rester attractives pour le tourisme. Cela impose des efforts importants en matière de pratiques agricoles durables, de traitement des eaux usées et des déchets ménagers et industriels. La consommation d’énergie (carburants et électricité) par habitant s’est accrue rapidement dans les RUP, au cours des années 1990 et 2000, en raison du « rattrapage » en équipements des ménages et du développement économique. Cette croissance s’est progressivement ralentie à partir de 2000, mais elle demeure supérieure à la croissance démographique, avec des taux de l’ordre de 2% à 3% depuis le milieu des années 2000. Les RUP sont très dépendantes pour leur approvisionnement énergétique : elles importent la totalité de leurs carburants, mais une partie de l’électricité, variable selon le cas, est produite à partir de sources renouvelables : hydraulique, géothermique, éolienne ou solaire. Ces régions ont engagé un processus de développement de ces énergies renouvelables et s’ouvrent aux nouvelles technologies (l’énergie des océans), pour accroitre leur indépendance énergétique. En ce qui concerne l’électricité, l’objectif EU2020 de 20% d’énergie renouvelable est déjà dépassé par la Guyane (70%), La Réunion (33%) et les Açores (28%). Mais, il semble difficile de faire de même pour les carburants, car (sauf en Guyane) les surfaces disponibles ne permettent pas la production de biocarburants en quantité suffisante – d’autant qu’il faut réserver les surfaces agricoles pour le développement des productions à plus haute valeur ajoutée. La production de biocarburants à partir des algues est encore à l’échelon expérimental. Le développement des transports hybrides ou électriques serait peut-être une des solutions les plus adaptées pour réduire la dépendance aux hydrocarbures. L’approvisionnement en eau n’est pas un problème majeur et le recours à la désalinisation reste une possibilité, déjà mise en œuvre avec succès aux Canaries. Toutefois, on peut déplorer un usage excessif des eaux souterraines plutôt que des eaux de surface. Les principales difficultés concernent les réseaux de distribution, soit parce qu’ils sont sujets à des pertes importantes ou parce qu’ils risquent d’être contaminés en cas de fortes pluies tropicales. A cela s’ajoutent les problèmes de qualité physico-chimique de l’eau consécutifs à l’utilisation d’engrais et de pesticides par l’agriculture et de détergents par les ménages. Sur ce registre, les insuffisances dans le traitement des eaux usées sont préoccupantes. Même si des progrès ont été enregistrés, les réseaux de collecte sont souvent déficients. Beaucoup d’habitations ne sont pas connectées à l’égout, notamment en Guyane, et utilisent des fosses septiques dont le fonctionnement et l’entretien sont souvent défectueux. La mise en décharge est le principal moyen de disposition des déchets en DOM et aux Açores, mais le recyclage, le compostage et la récupération d’énergie (notamment à Madère et en Martinique) se développent. Enfin, les milieux tropicaux sont aussi très fréquemment affectés par les catastrophes naturelles et le seront par la montée des eaux des océans. Les constructions en zones non autorisées représentent en cela un risque de pertes humaines.

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    2. IMPACT DES TENDANCES DEMOGRAPHIQUES ET MIGRATOIRES

    DÉMOGRAPHIE

    Jusqu’en 2020, les populations des Antilles et des RUP de l’Atlantique Est vont connaître une croissance très modérée (environ 3% par rapport à 2010), qui se ralentira encore les années suivantes, avec même le risque d’un recul aux Canaries et à Madère. A l’opposé, la croissance restera dynamique à La Réunion (11%) et surtout à St Martin (28%) et en Guyane (39%). Dans les RUP à faible croissance démographique, le vieillissement constituera un des enjeux majeurs de l’avenir proche. Il se présentera sous le double aspect d’une baisse du nombre de jeunes et d’une augmentation du nombre de personnes âgées. La part des jeunes de moins de 15 ans va décroître partout, mais à des rythmes variables. En 2030, ils formeront seulement 11% de la population des Canaries, 14% de celles des Açores et de Madère et 17% de celles des Antilles. Ils seront plus nombreux à La Réunion (22 %), à St Martin (26%) et, surtout, en Guyane (34 %). A l’inverse, les plus âgés verront partout leur part croître très rapidement. Les Antilles seront les premières concernées : elles compteront, dès 2020, 20% de personnes de 65 ans ou plus et 28% en 2030. En Atlantique Est, la proportion sera d’environ 15% en 2020 et 20% en 2030. Dès 2020, les seniors seront plus nombreux que les jeunes aux Antilles, aux Canaries et à Madère, ainsi qu’aux Açores à partir de 2025. Les pyramides des âges en Atlantique Est présenteront une base fortement rétrécie, notamment aux Canaries, et un gonflement important de 45 à 65 ans lié à une arrivée massive des générations les plus nombreuses à ces âges. Ces évolutions de structures préfigurent un accroissement continu des dépenses de santé liées au vieillissement. Toutefois, la baisse de la part des jeunes compensera en partie l’augmentation de celles des plus âgés pour maintenir les taux de dépendance à des niveaux inférieurs à ceux du continent ; sauf aux Antilles à partir de 2020. La Guyane et St Martin connaitront une tout autre dynamique. La croissance rapide de la population avec une base de la pyramide des âges encore très évasée en Guyane, se traduira par une croissance durable pour plusieurs décennies, s’accompagnant d’une croissance rapide des besoins de santé périnatale et d’éducation. La Réunion présentera une configuration particulière avec une double polarisation des enjeux, marquée par les débuts du vieillissement et des arrivées encore nombreuses de jeunes dans l’enseignement secondaire et postsecondaire et sur le marché du travail.

    EDUCATION

    Malgré la baisse du nombre de jeunes pour certaines, toutes les Rup connaitront encore des besoins d’éducation importants pour compenser le manque de qualification. La nécessité d’améliorer la qualité de l’éducation dès le primaire, pour réduire l’illettrisme et les retards scolaires, facteurs d’échec et d’abandon des études, devrait accaparer une partie des économies susceptibles d’être réalisées du fait de la baisse du nombre d’enfants à scolariser. Au Portugal, une extension de la scolarisation obligatoire au secondaire s’impose pour accroitre la qualification de la population active et la productivité. En Guyane, à La Réunion et à St Martin, à la

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    croissance des effectifs d’âge primaire et secondaire s’ajoutera la nécessité d’atteindre l’objectif d’une scolarité obligatoire universelle. La réduction de l’échec scolaire et de l’abandon prématuré des études constitue partout un préalable au développement des études postsecondaires et universitaires. Les redoublements et retards scolaires mobilisent de fait des ressources qui pourraient être tout aussi utilement affectées à d’autres niveaux du cursus de formation. Si les études supérieures, notamment à partir du 2ème cycle, ont en partie vocation à se faire sur le continent qui offre un plus grand choix de filières, un effort important doit être engagé pour les études postsecondaires non universitaires qui, pour l’essentiel, peuvent s’effectuer localement. Il conviendrait parallèlement d’accroitre les filières du 1er cycle universitaire.

    ACTIVITÉ – EMPLOI

    Le vieillissement de la population concernera aussi les actifs : ils seront moins nombreux et plus âgés. Aux Canaries et aux Antilles, cela se traduira par une baisse des effectifs16 dès avant 2020 et à compter de cette date, dans les RUP portugaises. L’objectif EU2020 d’un taux d’emploi de 75% à 20-64 ans est conditionné par des créations d’emplois en nombre suffisant. Aux Canaries, la réalisation de cet objectif a pour préalable un retour au niveau antérieur à la crise. Dans les DOM, la faiblesse des taux d’emploi imposerait d’abord de viser la moyenne communautaire actuelle (69%), mais même cet objectif paraît difficilement réalisable. Il supposerait des créations d’emplois plusieurs fois supérieures à la moyenne enregistrée ces dernières années, ce qui paraît peu réaliste en regard du niveau élevé du chômage. En effet, pour atteindre la moyenne européenne actuelle, il faudrait ramener le chômage à un minimum structurel de 3% aux Antilles. Pour obtenir le même résultat à La Réunion et en Guyane il faudrait parvenir à sa résorption complète. Sur le plus long terme, la baisse de la population active aux Antilles (ou le ralentissement de sa croissance à La Réunion) pourrait constituer une opportunité pour atteindre cette moyenne européenne ou même l’objectif EU2020 à l’horizon 2030, en étalant sur 20 ans les créations d’emplois nécessaires. Mais il faudrait que la baisse de la population active n’induise pas un ralentissement de l’économie et de l’emploi17. Seules les Açores et éventuellement Madère semblent en position de réaliser l’objectif EU2020, à la condition que les politiques d’austérité ne dégradent pas l’emploi. Le vieillissement de la population et la faiblesse des taux d’emploi en DOM et aux Canaries se traduiront en suivant les tendances actuelles par une forte aggravation de la dépendance effective. Sans croissance du taux d’emploi, les DOM compteraient en 2030 près de trois personnes dépendantes pour une en emploi. De tels niveaux sont difficilement soutenables par les politiques sociales (jeunes et familles) et de santé (incluant la dépendance). Une croissance de l’emploi apparaît donc vitale dans les DOM, et aux Canaries. Pour réduire significativement la dépendance à l’horizon 2030, les taux d’emploi doivent impérativement atteindre la moyenne communautaire actuelle.

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    La part des plus de 55 ans passera de 12% en 2010, à près de 20% en 2030 17

    Dans ce cas, beaucoup des actifs en contrats à durée déterminée (CDD) perdraient leur emploi.

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    MENAGES – LOGEMENTS

    La croissance des ménages, sous le double effet du vieillissement de la population, des ruptures d’union et de la décohabitation des jeunes, restera plus rapide que celle de la population dans les deux prochaines décennies, avec pour conséquence une baisse de leur taille moyenne. D’ici à 2020, les augmentations du nombre des ménages seront de l’ordre de 9% à 11% aux Antilles et en Atlantique Est, de 17% à la Réunion, 30% à St Martin et de 43% en Guyane, avant de se ralentir ensuite. Comme pour les actifs, les chefs de ménages seront plus âgés : les 65 ans et plus augmenteront partout, et particulièrement aux Antilles (de 25% à 43% entre 2010 et 2030). Leur part atteindra alors environ 30% aux Canaries, aux Açores et à Madère. Cette croissance continue du nombre de ménages pèsera fortement sur la demande de logements. Les estimations des besoins de logements s’établissent à 93 000 aux Canaries, 60 000 à la Réunion et 37 000 en Guyane. Elles sont plus modérées aux Antilles (20 000) et dans les RUP portugaises (15 000). Ces évaluations n’incluent ni la rénovation ni le remplacement des logements vétustes. A l’inverse aux Canaries, le stock important de logements invendus du fait de la crise devrait être pris en compte. Soulignons, enfin, que cet accroissement du nombre de logements devrait s’accompagner d’une augmentation des dépenses d’énergie et des besoins en traitement des déchets. La demande de nouvelles constructions offre donc au développement de l’emploi une double opportunité dans le bâtiment et dans le secteur de l’environnement. Mais elle offre surtout l’occasion, dans ces domaines, d’une réorientation des activités, des métiers et des services vers des productions à plus forte valeur ajoutée en développant des techniques nouvelles répondant aux exigences de l’habitat écologique en milieu tropical. En parallèle, le vieillissement, l’espérance de vie plus favorable et les divorces accéléreront l’augmentation de la part de femmes chefs de ménage, sans doute plus rapidement en Atlantique Est où elle est encore faible. Dans les DOM, où elle est déjà très élevée, cette part pourrait atteindre 43% en 2030. Cette évolution accentuera les besoins en aides sociales et en formation des femmes chefs de familles monoparentales qui ont des difficultés particulières d’accès à l’emploi.

    SANTÉ

    La tendance future de la structure et du volume des coûts de santé sera principalement déterminée par le rythme du vieillissement de la population. La croissance des effectifs de personnes âgées de 85 ans et plus - dont les coûts de santé sont les plus élevés - sera plus rapide que celle de la population des 75 ans et plus. A l’horizon 2030, aux Canaries et aux Antilles, la progression des premières dépassera 120%, celle des secondes s’établira entre 80% et 100%. Les évolutions seront un peu moins rapides dans les RUP portugais avec respectivement 60% et 40% pour ces deux groupes d’âge. Paradoxalement, le rythme de croissance des plus âgés sera plus rapide encore dans les RUP qui connaissent la plus forte croissance de leur population, la Guyane et St Martin. En revanche, l’évolution du coût global de la santé y sera tempérée par leur plus faible poids dans la population totale. La Réunion, comme indiqué précédemment, occupe une position intermédiaire entre ces deux groupes. Que l’on soit dans un contexte de vieillissement aux Antilles et dans l’Atlantique Est ou de croissance de la population dans les autres RUP, dans tous les cas, ces régions souffrent d’un déficit d’encadrement médical. Ce déficit en personnels de santé constitue un défi majeur. Amener le nombre de médecins par habitants en 2020 au niveau des moyennes nationales actuelles suppose

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    des taux de croissance annuels des effectifs de médecins de 3% aux Canaries, aux Antilles et à la Réunion, 4% à Madère, 6% aux Açores. Le taux atteint les 11% en Guyane où le déficit est le plus élevé et où la population croît le plus vite. Le manque de spécialistes est encore plus aigu, en particulier dans les DOM. Certes, les évolutions démographiques devraient permettre certaines économies d’échelle. Cependant, le recours à des aménagements techniques plus modernes nécessitant des investissements importants, comme la télémédecine, semble inéluctable pour réduire les inégalités d’accès aux soins. La télémédecine devrait être particulièrement utile lorsque les effectifs de population sont trop dispersés ou trop peu nombreux pour justifier la présence de spécialistes dans toutes les sous-régions ou les îles extérieures. En ce qui concerne le manque d’équipements (lits d’hôpitaux), problème spécifique aux DOM, des investissements seraient nécessaires pour réduire les transferts vers la métropole.

    ENVIRONNEMENT – ÉNERGIE

    La croissance de la population et des ménages va s’accompagner d’une demande accrue d’énergie. Par le passé, la principale difficulté a été de maintenir la part des énergies renouvelables face à la croissance rapide de la demande. Des investissements périodiques ont été engagés pour y répondre dans les centrales géothermiques ou utilisant la bagasse par exemple. Les projections dans ce domaine ne dépendent pas principalement des évolutions démographiques. Les choix techniques ont aussi un rôle important. Par exemple, la demande d’hydrocarbures pourrait être réduite avec un développement de l’automobile hybride ou électrique, plus facile en RUP où les distances sont moins importantes que sur le continent, mais il accroitrait fortement la demande d’électricité. La part du solaire et de l’éolien restent faibles en proportion, il faudrait donc l’accroitre rapidement pour que ces sources se substituent progressivement aux énergies fossiles. Mais la préservation de l’environnement nécessite aussi de combler les retards dans le traitement des déchets et des eaux usées : cela suppose des investissements pour une amélioration notable des réseaux, que peut faciliter la densification de l’habitat dans le cadre d’une croissance démographique et urbaine modérée.

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    3. RISQUES ET OPPORTUNITES: DES HANDICAPS AUX ATOUTS

    COHÉSION

    L’avantage des structures démographiques jeunes qui caractérisent les RUP, comparativement au continent, ne cesse de se réduire. Sauf à La Réunion, à St Martin et en Guyane, cet avantage devrait disparaître à l’horizon 2025, en raison d’un déséquilibre accru entre les jeunes et les personnes âgées, ce qui conduira à une dépendance démographique plus prononcée. Le contexte démographique sera donc structurellement plus défavorable que sur le continent, à l’opposé de la situation actuelle. Pour ce qui concerne les aspects socioéconomiques, la plupart des RUP affichent un retard parfois important sur la moyenne communautaire pour l’éducation, l’emploi, le PIB SPA par habitant (sauf Madère), la santé et l’environnement (énergie, traitement des déchets et eaux usées). Toutes les RUP nécessitent encore des efforts soutenus dans les domaines sociaux pour assurer l’égalité des chances et le rattrapage économique. Or, ces régions apparaissent parfois plus sensibles à la crise économique que leur pays d'appartenance. C’est le cas, par exemple, pour le PIB des Canaries et des DOM et pour l’emploi aux Canaries. Il apparaît aussi que les objectifs EU2020 sont hors de portée de la plupart des RUP, aussi bien, en termes de niveau de diplôme, d’échec scolaire/abandon prématuré des études, que de taux d’emploi. Cela vaut aussi pour l’énergie sur un plan global (carburants et électricité). Un important effort de cohésion (rattrapage) va donc devoir se poursuivre dans les prochaines décennies, particulièrement dans les domaines de l’éducation et de l’emploi. L’enjeu est d’importance, car l’éducation conditionne l’accès à l’emploi du jeune arrivant sur le marché du travail. Or, l’augmentation de l’emploi est la condition du maintien du taux de dépendance effective à des niveaux gérables de dépenses sociales. L’éducation doit donc être, sans conteste, un des domaines d’intervention prioritaire. Pour ce qui concerne la cohésion sociale interne des RUP, l’analyse montre des écarts importants de qualification et d’accès à l’emploi entre différents segments de la population : natifs et migrants nationaux ou communautaires - notamment dans les DOM ; étrangers peu qualifiés, principalement en Guyane, à St Martin et aux Canaries ; jeunes sans qualification fortement touchés par le chômage. A cela s’ajoute la situation économique souvent précaire des familles monoparentales, beaucoup plus fréquentes dans les RUP (sauf aux Açores), que sur le continent. Une caractérisation des RUP à partir d’une sélection d’indicateurs - représentant les niveaux d’éducation et d’emploi, le PIB, la balance commerciale et les structures démographiques et économiques, la dépendance effective montre que les DOM, notamment la Guyane et, à un degré moindre La Réunion, doivent faire face à des défis plus importants à relever.

    RISQUES ET OPPORTUNITES

    Pour la plupart des RUP, les enjeux majeurs sont liés au vieillissement démographique et ne sont pas différents de ceux de leur pays d'appartenance. Deux RUP font exception : la Guyane et St Martin qui doivent relever le défi inverse d’une croissance rapide de leur population. Cette situation leur est très

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    spécifique. Elles sont les dernières régions de l’UE à connaître une croissance naturelle importante, même si les effets du vieillissement n’y seront pas inconnus. En Guyane, la croissance démographique rapide réduit fortement la croissance du PIB par habitant, entrainant une aggravation de l’écart avec le continent. Faute d’une baisse de la fécondité et d’un ralentissement de la croissance démographique, cette tendance a toutes les chances de se maintenir sur de longues périodes. La Réunion présente la particularité d’être confrontée (certes à un degré moindre) aux deux défis à la fois. Le vieillissement démographique autorise théoriquement une réorientation des dépenses publiques des jeunes vers les personnes âgées. Ce transfert sera plus difficile dans les RUP que sur le continent, en raison des efforts impératifs à fournir pour améliorer le système éducatif, pour réduire l’échec scolaire et l’abandon prématuré des études et accroitre la part des diplômés du supérieur. Un effort soutenu devra être poursuivi pour accroitre l’emploi, en vue notamment de réduire la dépendance effective qui risque de compromettre le financement de la santé et celui des aides affectées à la réduction de la précarité. On peut imaginer contrebalancer la baisse de la population active à l’horizon 2030 en augmentant l’activité féminine ou en activant modérément l’immigration. On ne saurait cependant, méconnaître le caractère très sectoriel des besoins du marché du travail en main d’œuvre à la fois qualifiée et flexible. Soulignons, enfin, que les possibilités de transferts de ressources vers les personnes âgées sont aussi fortement réduites par les retards dans la santé de la reproduction et des adultes. Cependant, les tendances démographiques offrent aussi de vraies opportunités. Les défis évoqués devraient à ce titre être considérés, non comme des risques, mais comme des enjeux ouvrant des possibilités nouvelles à saisir et à développer. Le besoin de formation des jeunes sortis du système scolaire sans diplôme ou avec de faibles diplômes devrait encourager l’élaborer et la mise en œuvre de méthodes de formation et d’insertion plus efficaces, pour une meilleure socialisation des jeunes en « rupture sociale ». Le vieillissement doit être l’occasion de la mise en place de modes de gestion de la dépendance moins coûteux, mobilisant la main d’œuvre disponible dans le cadre d’une professionnalisation « a minima », afin de suppléer le recours aux solidarités familiales. Les « maladies de mode de vie » sont aussi l’occasion de développer des programmes et actions de prévention, mobilisant et valorisant les ressources culturelles et économiques locales, notamment, dans le domaine de l’alimentation en l’associant à un renouveau de la production agricole. La demande de logements devrait soutenir le secteur de la construction en profitant de valeur ajoutée apportée par le développement de techniques et de qualifications nouvelles dans le domaine du logement écologique. Les transports publics urbains (pratiquement inexistants aux Antilles) devraient être développés pour faciliter l’accès des jeunes aux centres de formation et leur recherche d’emploi et pour réduire l’isolement des personnes âgées. De nombreux emplois sont aussi à créer pour assurer un environnement sain et préserver la biodiversité. La demande énergétique devrait elle aussi ouvrir de nouvelles potentialités d’emplois hautement qualifiés avec le développement des énergies nouvelles (utilisation de la houle et de l’énergie thermique des océans) et des biocarburants d’origine marine. Les changements démographiques vont aussi permettre des économies d’échelle. Cependant, la croissance de population pour les unes et le vieillissement pour les autres, imposent d’abord de combler les retards d’équipements et de services, et les économies espérées seront parfois limitées

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    par la dispersion des populations dans le cas particulier de la Guyane et dans les archipels. La télémédecine et les sources d’énergie de proximité (solaire et éolienne) devraient représenter une solution intéressante aux contraintes géographiques. Les RUP doivent, sur nombre de points, profiter de ces défis pour se placer comme « régions d’excellence » et contribuant au développement de technologies nouvelles dans les domaines évoqués en partenariat avec le continent européen et les pays de leur région. Elles pourraient ainsi s’établir comme laboratoires-test de ces techniques et de leur adaptation aux conditions des milieux tropicaux. Cette même logique devrait s’appliquer à la prévention des risques naturels, ainsi qu’à la production de produits à haute valeur ajoutée à partir de l’agriculture et de l’aquaculture. Ces produits et ces savoir-faire devraient être exportables dans les pays en développement et les pays émergents de leur espace géographique. En revanche, les RUP ne semblent pas en situation d’atteindre une réelle autonomie alimentaire, ni énergétique, en raison des limitations de leurs espaces et de leurs ressources. Il est préférable en cette matière de parler de « sécurité » alimentaire et énergétique, à travers un développement le plus poussé possible des ressources propres, complété par une diversification et une sécurisation de leur approvisionnement au niveau régional, au-delà du lien privilégié à leur pays et à l’UE. Pour répondre à cette ambition de « régions d’excellence », les RUP doivent engager une ambitieuse politique de recherche en partenariat avec des institutions extérieures. La taille et les moyens techniques et financiers nécessaires pour constituer des équipes de recherche de niveau international dans les domaines de la valorisation de la biodiversité et des énergies nouvelles paraissent, en effet, au dessus des possibilités d’un développement autonome des RUP, et doivent impérativement se construire dans le cadre de partenariats avec le continent et les centres de recherche internationaux, y compris des pays régionaux. Dans le même esprit d’excellence et de performance, de nouveaux partenariats d’entreprises doivent être développés au niveau de la commercialisation entre les RUP et les pays de la région, comme cela commence d’exister, notamment à La Réunion et aux Canaries. C’est pour répondre à ces défis, qui les RUP doivent être placées au centre des politiques régionales de coopération. Ce impose d’accélérer le développement des transports de personnes et de biens à l’échelon régional en repensant le concept de « continuité territoriale ». Les RUP devront pouvoir améliorer leurs liaisons commerciales avec les pays de leur région, de même qu’elles ont aussi besoin de pouvoir utiliser les fonds européens dans leurs actions de partenariat au niveau régional. Elles ont aussi besoin d’une législation adaptée à leur contexte de petites entreprises, dont la taille est insuffisante dans les domaines de la recherche et des nouvelles technologies. Enfin, il est impératif que soit améliorée la disponibilité des données statistiques pour une meilleure connaissance de leurs réalités et une gestion plus efficace des situations.

    RECOMMANDATIONS

    Pour répondre aux défis démographiques et favoriser le développement des RUP dans les prochaines

    décennies, on peut retenir quatre axes d’action majeurs.

    - La formation des jeunes pour l’accès à l’emploi, qu’il s’agisse des échecs et abandons

    scolaires, dont les racines se trouvent dans l’enseignement primaire (sans négliger le rôle du

    préscolaire) et secondaire, ou des niveaux postsecondaires et universitaires dans les

    domaines vers lesquels s’oriente le développement des RUP, tout en conservant une

    flexibilité nécessaire à l’adaptation aux changements d’orientation, notamment dans le cadre

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    d’économies de niches. L’objectif est d’accroitre l’emploi, pour prévenir une montée des taux

    de dépendance effective à des niveaux mettant en danger les politiques sociales et

    l’accompagnement du vieillissement.

    - L’investissement dans les secteurs d’avenir dans les domaines de la sécurité alimentaire et

    énergétique, des TIC et le développement de produits à haute valeur ajoutée - à partir des

    produits agricoles traditionnels et de l’exploitation durable de la mer- et de sources d’énergie

    renouvelables. Ce développement, en relation à la biodiversité et notamment au milieu

    marin, doit se faire en collaboration avec les instituts de recherche du continent.

    - Le développement des services de santé dans le cadre du vieillissement, accompagné de

    politiques actives de prévention à l’attention des groupes à risques (maladies de mode de

    vie) et de formes nouvelles de prises en charge tant des maladies chroniques que de la

    dépendance, en développant les savoirs et les compétences et en professionnalisant les

    ressources humaines locales.

    - L’intégration des populations nouvelles. A ces trois axes communs à toutes les RUP,

    s’ajoutent des aspects spécifiques à celles qui connaissent une croissance démographique

    rapide liée à l’arrivée et l’installation durable de populations nouvelles : la Guyane, St Martin

    et les Canaries. Ces trois régions ont et auront des besoins croissants en matière d’éducation

    obligatoire et post-obligatoire, de santé, auxquels s’ajoute l’exigence d’une intégration

    linguistique, culturelle et sociale des étrangers non communautaires et de leurs enfants. Ces

    besoins doivent impérativement être pris en compte pour garantir le maintien et le

    développement de leur cohésion sociale interne.