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Les tourbières, un milieu à préserver... Du constat à l’action en Franche-Comté Le programme régional d’action en faveur des tourbières de Franche-Comté

Les tourbières, un milieu à préserver · Pourquoi protéger les tourbières ?..... p.6/7 Quels moyens techniques pour protéger les tourbières ?

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Les tourbières, un milieu à préserver...Du constat à l’action en Franche-Comté

Le programme régional d’action

en faveur des tourbières de Franche-Comté

EditoDe la Kikise, une aïeule d’origine stéphanoise et donc parlant gaga, je me souviens d’une expression qu’elle employait à tout bout de champs : «Beauseigne, mais qu’est-ce qu’il nous a encore fait ce grand fl andrin !!!!»L’étymologie m’apprend que cela n’a rien à voir avec les seignes de cette brochure, mais que c’était plus un apitoiement qui faisait référence à quelqu’un connu pour sa prouesse d’avoir marché sur l’eau !!

Figurez-vous que des hommes et des femmes qui marchent sur l’eau, j’en ai croisé depuis, en Franche-Comté et j’ai expérimenté en leur compagnie ce mode de déplacement original !!! La seule diffi culté pour moi, plus adapté aux milieux secs, c’est d’avoir comme elles et eux en permanence des bottes à portée de pieds… Plus fort encore, cette prouesse physique s’accompagne d’une remontée dans le temps puisqu’en étant un objet géologique à part entière, chaque tourbière est une archive du Qua-ternaire et des paysages postglaciaires que l’on peut appréhender de tous ses sens.On marche donc non seulement sur l’eau, mais aussi sur le passé !!!Tant d’incongruités spatio-temporelles me rendent gaga… et j’en reviens à mes origines !!!Alors comme moi, laissez-vous dérouter par les tourbières.

Dominique MalécotPrésident d’Espace naturel comtois, Conservatoire des espaces naturels de Franche-Comté

SommaireLes tourbières franc-comtoises : de l’inventaire à la gestion....................................................p.3

Qu’est-ce qu’une tourbière ? ..........................................p.4/5

Pourquoi protéger les tourbières ? ............................p.6/7

Quels moyens techniques pour protéger les tourbières ? ............................................p.8

Les résultats du programme régional d’action en faveur des tourbières ....................................p.9

Les principaux acteurs de la protection des tourbières ..............................................p.10

Les tourbières du bassin du Drugeon (25) ...... p.12/13

La tourbière «Sur les Seignes» (25) .............................p.14

L’étang Colin (90) .........................................................................p.15

La tourbière des Entre Côtes (39)...................................p.16

Les tourbières des 4 lacs (39) ...........................................p.17

La tourbière des Viaux (70) .................................................p.18

La Grande Pile (70) ....................................................................p.19

Comment les communes et collectivités territoriales peuvent-elles contribuer davantage à préserver les tourbières et zones humides ? ........................ p.20/21

L’histoire de la protection des tourbières en Franche-Comté ........................ p.22/23

La protection des tourbières par la législation ........................................................................p.24

Glossaire ...........................................................................................p.26

Pour en savoir plus ...................................................................p.27

Retrouvez la défi nition des termes suivis

d’un astérisque dans le glossaire page 26.

P.2

Grassette commune (Pinguicula vulgaris)

Les tourbières franc-comtoises : de l’inventaire à la gestion

P.3

Les naturalistes et les scientifi ques de l’Univer-sité de Franche-Comté ont depuis longtemps découvert et fait connaître l’importance écolo-gique des tourbières : ils furent notamment à l’origine de la station biologique de Bonnevaux. Peu après, ce fut l’instauration de la réserve naturelle de Frasne, puis de celle du lac de Remoray. Depuis, la reconnaissance de ce patri-moine régional n’a cessé de croître. Aujourd’hui personne n’en conteste l’importance : les Comtois expriment de plus en plus ouvertement leur nouvel attachement à ce patrimoine.

Il faut voir là autant l’existence que le succès de plusieurs programmes d’importance dans les années 1990. Le programme européen Life* «Sauvegarde de la richesse biologique du bassin du Drugeon» fut réalisé à l’époque par le Syndicat intercommunal du Plateau de Frasne. Le programme «Tourbières de France» fut quant à lui conduit en région par le Conser-vatoire des espaces naturels de Franche-Comté. Enfi n, une reconnaissance offi cielle est venue avec le choix de la Franche-Comté, par le ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, pour l’implantation du Pôle-relais national «tourbières» dans le cadre de sa politique en faveur des zones humides en 2002.

Il y a ainsi une responsabilité forte à assurer la conservation durable des tourbières de Fran-che-Comté et les Francs-comtois y tiennent un rôle majeur.Le Life* «Tourbières de France» est sans aucun doute le prodrome du programme d’action en faveur des tourbières de Franche-Comté. Son bilan fournit un inventaire quasi-exhaustif et une typologie de ces écosystèmes*, ainsi que plusieurs expériences gestionnaires pluriannuelles. A partir de là, la Franche-

Comté disposait des outils nécessaires pour cet objectif : une gestion globale et cohérente des tourbières de Franche-Comté.

L’objectif du Programme d’Action en faveur des Tourbières (ou PRAT) de Franche-Comté consiste à mettre en œuvre un programme plu-riannuel d’interventions gestionnaires des tour-bières régionales afi n d’assurer la conservation durable de leur valeur patrimoniale. La réussite d’un tel programme ne peut être assurée qu’à travers une parfaite maîtrise, à long terme, de l’usage des milieux concernés. Les outils actuel-lement disponibles consistent en différentes formes de maîtrise foncière, de collaborations, de partenariats et enfi n d’éventuelles mesures réglementaires.

Ce programme est en place depuis 2002. Il est aujourd’hui pleinement opérationnel puisqu’il est constitué d’un réseau régional de 22 tour-bières, sur les 30 sites initialement identifi és comme prioritaires. Ce programme, outre le fait essentiel d’assurer la conservation durable de ces tourbières, doit aussi permettre : - d’aider les collectivités et les propriétaires

privés dans l’expertise et la gestion de leur tourbière ;

- de comparer et de mettre les actions en perspective à une échelle régionale et supra-régionale ;

- de mener des opérations tests en matière de gestion sur un certain nombre de sites ;

- d’accueillir des activités de recherche fonda-mentales et appliquées ;

- d’engager une réfl exion sur la valorisation touristique et pédagogique des sites francs-comtois.

Ces actions ne seraient pas possibles sans le soutien des partenaires de ce programme,

c’est-à-dire les Départements, la Région, l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse et la Direction régionale de l’environnement de Franche-Comté. D’autres structures sont également impliquées sur le plan technique et scientifi que ; elles constituent aujourd’hui autour du Conservatoire des espaces naturels de Franche-Comté un réseau riche par sa diversité et par ses compétences. Il s’agit du Pôle-relais tourbières, des deux parcs naturels régionaux de Franche-Comté (Haut-Jura et Ballons Comtois), du réseau des réserves naturelles et des structures, souvent associati-ves, œuvrant pour une meilleure connaissance de ces milieux et des espèces qui les peuplent (Conservatoire botanique national de Franche-Comté, Ligue de protection des oiseaux de Franche-Comté, Offi ce pour les insectes et leur environnement, etc.).Enfi n, sans le soutien, l’aide et la compré-hension des communes et des associations de protection de l’environnement, ce programme n’aurait sans doute pas la même légitimité ni la même force.

Les tourbières franc-comtoisesLa Franche-Comté est incontestablement l’une des

régions françaises les plus riches en tourbières, d’où

sa forte responsabilité dans ce domaine. Près de 361

sites d’une superfi cie totale d’environ 2 800 ha ont été

recensés, soit 0,17 % de la superfi cie de la région. Ils

se répartissent en deux ensembles principaux, à l’étage

montagnard du Jura (253 tourbières, 2 560 ha) et à celui

des Vosges (108 tourbières, 245 ha).

Défi nition Une tourbière est un type particulier de zone humide où se forme et s’accumule de la tourbe, une sorte de fossile constitué de débris végétaux mal décomposés du fait de l’absence d’oxygène (car présence continue d’eau) et de l’acidité (liée à l’absence de calcium et de magnésium). C’est donc un écosystème* saturé en eau et généralement pauvre en éléments nutritifs, contenant une faune et une fl ore caractéristiques et bien adaptées.

Comment se forme une tourbière ?L’existence d’une tourbière est liée à de mul-tiples facteurs. Son développement nécessite en particulier un bilan hydrique positif ou équilibré ; c’est-à-dire qu’il doit y avoir plus ou autant d’arrivées d’eau que de pertes. Des températures fraîches sont également favora-bles. Ces deux éléments expliquent en partie la présence des tourbières dans nos régions. Des conditions locales topographiques et de roches sont également à prendre en compte.

Les différents types de tourbièresL’alimentation en eau de la tourbière permet d’établir une classifi cation traduisant son origine et son fonctionnement :- tourbière topogène : formée dans une cu-

vette, elle est alimentée par accumulation ;

- tourbière soligène : formée sur une pente douce, elle est alimentée par ruissellement ;

- tourbière limnogène : formée à partir d’un plan d’eau qui se comble lentement par le fond ou présente des radeaux de végétation aquatique ;

- tourbière telmatogène : formée en contexte alluvial, elle est alimentée par la nappe ;

- tourbière ombrogène : elle est alimentée uniquement dès son origine par des précipi-tations.

Les tourbières sont des milieux dynamiques où il peut arriver que l’accumulation de tourbe entraîne une élévation de la végétation qui petit à petit n’est plus en contact avec la nappe phréatique. On parle alors de stade ombrotrophe où la végétation ne reçoit plus que les eaux des précipitations.

Les sphaignes, des tapis dans les tourbières

Ces «mousses» un peu à part sont capables de

stocker jusqu’à trente fois leur propre poids en eau,

en même temps qu’elles acidifi ent et appauvrissent

le milieu en éléments minéraux. Elles rendent ainsi

les conditions hostiles pour le développement des

végétaux concurrents.

La croissance des sphaignes se fait verticalement ;

les parties mortes à la base des coussins contri-

buent à la formation de la tourbe.

Il existe plus de 300 espèces dans le monde et

environ 35 en France dont certaines sont très

rares. Si la plupart sont bien caractéristiques des

tourbières, certaines peuvent se développer dans

d’autres milieux.

Qu’est-ce qu’une tourbière ?

P.4

LES BAS-MARAIS sont alimentés par des eaux ayant circulé dans le sol ou la roche, donc chargées en éléments

minéraux. Ils se développent sur tourbe généralement peu épaisse, à proximité de ruisseaux, de lacs ou de sources. Ils

sont dominés par les laîches et la molinie.

LES DIFFÉRENTS HABITATS D’UNE TOURBIÈRE

LES HAUT-MARAIS sont uniquement alimentés par les eaux de pluie, c’est-à-dire par une eau acide et très pauvre en éléments nutritifs. Leur édifi cation est principa-

lement liée à un type particulier de mousses : les sphaignes.

LA PESSIÈRE* SUR TOURBE

s’installe en périphérie du

haut-marais. Elle est dominée

par l’épicéa et le bouleau

pubescent.

LA PINÈDE À CROCHET se

développe directement sur le

haut-marais, surtout lorsque

ce dernier s’assèche. Elle

succède à la lande et peut

parfois s’étendre sur tout le

bombement.

LA LANDE DE HAUT-MARAIS

correspond à un stade vieilli,

plus ou moins asséché,

visuellement dominée par

des sous-abrisseaux comme

la callune ou l’airelle des

marais.

LE HAUT-MARAISEN CROISSANCE est le stade

«turfi gène» par excellence,

stade où la production de

tourbe est maximale. Il se

développe le plus souvent

en bordure des gouilles, dé-

pressions inondées naturelles

ou issues de l’extraction de

tourbe.

P.5

Emergence d’une libellule

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/Les facteurs écologiques souvent très marqués (humidité permanente, températures réguliè-rement basses et pauvreté des eaux) font des tourbières des milieux contraignants et sensibles de grande valeur fonctionnelle, biologique, scien-tifi que, archéologique, culturelle et économique. Il s’agit donc d’un élément important du patrimoine naturel de Franche-Comté.

Il est dès lors essentiel de les protéger car : - elles stockent le carbone et elles participent

de ce fait à la lutte contre le réchauffement climatique ;

- elles concourent à la régulation des risques de crue en stockant de l’eau et en la restituant en période de basses eaux ;

- elles assurent un rôle de fi ltration et d’épura-tion de l’eau ;

- elles hébergent une faune et une fl ore rares, menacées et très spécialisées ;

- elles offrent des paysages remarquables ;- elles représentent de véritables archives

scientifi ques sur l’histoire de l’homme et des climats, en accumulant par exemple les pollens.

Pourquoi protéger les tourbières ?

Des corridors écologiques

Les tourbières, même de petite taille, contribuent à créer un

réseau et constituent des corridors* écologiques indispensables

pour l’échange de populations entre des sites plus riches ou plus

grands à proximité.

Outre la sauvegarde des sites importants, la préservation des

petits systèmes est aussi primordiale pour le maintien de la

biodiversité*.

Les tourbières, des archives naturellesLe haut-marais, milieu acide et gorgé d’eau, rassemble des

conditions très propices à la conservation de restes végétaux

fossiles. Parmi ces restes, on retrouve quantité de pollens et spo-

res qui, année après année, se retrouvent piégés dans la tourbe

accumulée par la tourbière. La palynologie, par l’identifi cation de

ces microfossiles, contribue à la reconstitution des peuplements

végétaux qui se sont succédés dans un environnement plus ou

moins proche. Cette dynamique est étroitement liée à l’histoire

du climat pour les périodes les plus anciennes et aux activités

humaines pour les derniers millénaires.

En Haute-Saône, la tourbière de la Grande Pile, à Saint-Germain,

possède un intérêt géologique et palynologique exceptionnel, qua-

siment unique en Europe : elle présente une accumulation ininter-

rompue de tourbe qui atteint par endroits 19 mètres d’épaisseur.

Elle recèle ainsi près de 140 000 ans d’archives sédimentaires

qui retracent l’évolution de la végétation et du climat depuis la fi n de l’avant-dernière glaciation jusqu’à nos

jours. Cette séquence, reconnue mondialement, sert encore de référence (le stratotype* des géologues) pour

défi nir certains épisodes climatiques majeurs du dernier cycle interglaciaire-glaciaire.

P.6

/ Les atteintesOn considère que la moitié de la surface des tour-bières présentes en France en 1945 a aujourd’hui défi nitivement disparu. Les causes de leur des-truction directe ont été multiples :

- drainage*,- exploitation ancienne de la tourbe pour le

chauffage et actuelle à des fi ns horticoles,- sylviculture et travaux forestiers : plantations,

coupes forestières, - pollution : apport d’effl uents, dépôt de déchets,- remblaiement,- loisirs : creusement de plans d’eau, piétinement

des sites,- autres atteintes : surpâturage, passage de

réseaux électriques…

La plupart des sites tourbeux ayant subit une ou plusieurs de ces atteintes, il est nécessaire de sen-sibiliser les acteurs locaux à la préservation de ces écosystèmes* et parfois d’intervenir afi n de restaurer un fonctionnement écologique favorable sur les tourbières endommagées.

Le Mou de Pleure, un site qui a subi de fortes dégradations

Le site du Mou de Pleure, situé au cœur de

la Bresse jurassienne, possède une grande

valeur du fait de sa position biogéographique :

c’est l’une des très rares tourbières de plaine

encore visibles en Franche-Comté.

Au XIXe siècle, ce marais était probablement

le plus riche fl oristiquement et le plus vaste

de la Bresse. On notait en effet la présence de

plusieurs espèces rares et typiques des tour-

bières, comme par exemple la laîche des bour-

biers et le liparis de Loesel, signalés en 1864

par Michalet. En 1984, le rossolis à feuilles

rondes était encore recensé. Aujourd’hui, plus

aucune de ces espèces n’est visible, seules

subsistent quelques sphaignes.

Cette perte d’espèces patrimoniales est

directement imputable aux fortes dégradations

subies par ce site. La création de la voie ferrée

au XIXe siècle fut l’une des premières attein-

tes. Plus récemment, d’imposants travaux de

drainage* ont été menés, asséchant la quasi-

totalité du marais. Des changements impor-

tants de pratiques agricoles ont également eu

lieu, tant sur le site (abandon de l’exploitation

du marais permettant le maintien de milieux

herbacés) qu’à proximité (augmentation des

apports d’engrais induisant un enrichissement

de la nappe phréatique alimentant le marais).

Une restauration complète du site semble

aujourd’hui totalement impossible. Cependant,

très localement, le marais semble encore

fonctionnel. L’intervention du Conservatoire

des espaces naturels de Franche-Comté va

s’attacher à tenter de conserver ce reliquat en

collaboration avec la commune de la Chaînée-

des-Coupies, propriétaire du site.

Drain

Décharge

P.7

Cuivré écarlate (Lycaena hippothoe)

}La connaissance est un préalable à la pré-servation et à la gestion des milieux naturels remarquables. C’est pourquoi un vaste programme d’inventaire des tourbières de Franche-Comté a eu lieu à la fi n des années 90 (voir page suivante). Cet état des lieux a permis par la suite de mettre en place un programme d’actions concrètes sur les sites désignés comme prioritaires. Les opérations mises en œuvre sont les suivantes :

- la collecte des données foncières (matri-

ces cadastrales, parcellaires) permettant

d’identifi er les propriétaires ;

- l’animation foncière qui permet d’obtenir

la maîtrise d’usage dans le cas de pro-

priétés communales via des conventions

de gestion ou la maîtrise foncière par

acquisition pour les propriétés privées ;

- la réalisation d’un plan de gestion, éta-

blissant un diagnostic environnemental,

permet pour une durée de cinq ans de

déterminer les opérations de restauration

et de gestion à mettre en œuvre pour

garantir la conservation de la tourbière ;

- la mise en œuvre de ce plan de gestion

qui sera périodiquement révisé.

L’application des plans de gestion est réalisée par les gestionnaires qui possèdent des moyens techniques adaptés. Différentes méthodes peuvent être utilisées en fonction des enjeux et des atteintes observées sur un site allant des opérations simples d’entretien à la restauration complète du fonctionne-ment hydraulique et à la remise en état de la tourbière.

Opérations de restauration du fonctionne-

ment hydraulique :

- colmatage de fossé- fermeture de drain- pose de seuils, etc.

Opérations de création de secteurs favora-

bles à la biodiversité* :

- étrépage : enlèvement de la couche supé-rieure de tourbe pour créer des secteurs pionniers favorables à certaines espèces de faune et de fl ore

- creusement de gouilles, petites mares peu profondes des tourbières

- recréation de milieux naturels : étrépage suivi de végétalisation de la surface

Opérations d’entretien :

- débroussaillage des ligneux envahissants

- fauche- pâturage selon un

cahier des charges précis

- pose d’exclos (secteurs clos empêchant le passage du bétail) pour protéger les secteurs les plus sensibles

Opérations de suivi scientifi que des ac-

tions mises en œuvre :

- suivi d’espèces (comptages, carto-graphies)

- suivi d’habitats* (cartographie)

- suivi de la qualité de l’eau (analyses physico-chimiques)

- suivi du niveau d’eau

Opérations de valorisation :

- sorties de découverte au profi t des habi-tants, des scolaires et du grand public

- réalisation d’aménagements de découverte (panneaux d’information, livres, plaquettes, etc.)

- organisation de journées techniques dédiées à la conservation des tourbières

Dans de rares cas, ne rien faire est aussi un acte de gestion. Si la tourbière est en bon état et si elle n’a subit aucun dommage, il suffi t alors de s’assurer que cette situation se main-tienne. La maîtrise foncière ou d’usage ainsi qu’une surveillance régulière conviennent.

La préservation des tourbières peut aussi passer par la mise en place d’outils règle-mentaires ou contractuels dont disposent les collectivités et l’État (voir page 24).

Quels moyens techniques pour proteger les tourbières ?

Les chantiers nature, une action écocitoyenne

Tout le monde peut parti-

ciper à la préservation des

tourbières. Le Conservatoi-

re des espaces naturels de

Franche-Comté organise ré-

gulièrement des chantiers

nature où l’on débroussaille, fauche, coupe, tronçonne…

Outre le fait de remettre en état la tourbière, ces actions

permettent de sensibiliser le public à ce milieu fragile.

Pour en savoir plus www.mre-fcomte.fr

P.8

La réalisation d’un inventaire dans le cadre du pro-gramme européen LIFE* Nature «Protection des tourbières de France» a permis de recenser, d’éva-luer et de hiérarchiser les tourbières de Franche-Comté et a initié la mise en place du programme régional d’action en faveur des tourbières (PRAT).

361 sites ont été répertoriés et ont fait l’objet d’une hiérarchisation en quatre niveaux basée sur : - le niveau d’intérêt patrimonial de la faune et de

la fl ore,- le degré de menaces et les dégradations auxquel-

les elles sont soumises.

Le niveau de priorité 1 concerne 58 tourbières pour une surface de 1 400 ha (soit 16 % de l’ensemble des sites tourbeux). Les sites de ce niveau nécessitent une intervention à courte échéance. Le premier objectif du PRAT était d’engager des actions

d’urgence sur 30 sites (1 044 ha) au cours des 5 premières années. Avec 22

sites bénéfi ciant aujourd’hui d’une action conservatoire, sans compter les actions des autres gestionnaires (réserves naturelles, communauté de communes de Frasne et

de la vallée du Drugeon, parcs naturels régio-naux des Ballons des Vosges et du Haut-Jura), le programme s’est mis en place en Franche-Comté avec succès.

(Voir aussi «Les tourbières franc-comtoises : de l’inven-

taire à la gestion» page 3)

Les résultats du programme régional d’action en faveur des tourbières

Les tourbières de Franche-Comté

Tourbières de niveau de priorité 1

N

Dépression sous-vosgienne11 tourbières

75 hectares DOMAINE VOSGIEN

Plateau de Boujailles4 tourbières

40 hectares

Plateaux supérieurs64 tourbières

321 hectares

Combe d'Ain13 tourbières

66 hectares

Haute-Chaîne centrale5 tourbières

33 hectares

Val de Mouthe37 tourbières

212 hectares

Bassin du Drugeon37 tourbières

1057 hectares

Haute-Chaîne méridionale45 tourbières

323 hectares

Plateau des Mille Étangs81 tourbières

148 hectares

Bassin de Passonfontaine14 tourbières

84 hectares

Haute-Chaîne septentrionale3 tourbières

7 hectares

Hautes-Vosges12 tourbières

17 hectares

VESOUL

Chaux

Bassin du Russey23 tourbières

367 hectares

Sainte Reine

Cresançey

Marais de Saône

Servin

Landresse

Villeneuved'AmontPleure

Andeloten-Montagne

Onoz

DOMAIN

E JURASSIEN

GRAY

BESANÇON

LONS-LE-SAUNIER

ST-CLAUDE

PONTARLIER

LUXEUIL-LES-BAINS

BELFORT

P.9

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Espace naturel comtoisConservatoire des espaces naturels de Franche-ComtéAssociation de type loi 1901, le Conservatoire des espaces naturels de Franche-Comté a pour objectif d’assurer la préservation des ri-chesses biologiques et des milieux naturels les plus menacés, en intervenant par la maîtrise foncière (achats de terrains) ou la maîtrise d’usage (conventions de gestion avec les propriétaires). Son action permet de mettre en place une protection adaptée et acceptée par les acteurs locaux.

Espace naturel comtoismaison régionale de l’Environnement

15 rue de l’industrie

25000 Besançon

Tél.: 03 81 53 04 20

Fax : 03 81 61 66 21

[email protected]

www.mre-fcomte.fr

Le Pôle-relais tourbièresLa Fédération nationale des conservatoires d’espaces naturels a été retenue pour mettre en place, animer et coordonner un pôle de compétence sur la connaissance, la gestion durable et l’évaluation des tourbières et marais tourbeux sur le territoire français. Ce pôle s’est inscrit dans le cadre du Plan na-tional en faveur des zones humides adopté en 1995 pour lutter contre leur forte régression.

Pôle-relais tourbières32 Grande Rue

25000 Besançon

Tél. : 03 81 81 78 64

Fax : 03 81 81 57 32

[email protected]

www.pole-tourbieres.org

Les réserves naturelles Qu’elles soient nationales ou régionales, leur création tient à la présence d’un patrimoine naturel remarquable ; elles sont régies par une réglementation adaptée tenant aussi compte du contexte local.

Les collectivités territorialesEn fonction des échelles, les collectivités locales et territoriales participent à travers leur politi-que environnementale à une action coordonnée en faveur de la préservation des tourbières de Franche-Comté (voir aussi pages 20 et 21).

Les parcs naturels régionauxInstitués par le décret du 1er mars 1967, les PNR sont fondés sur une responsabilité partagée entre l’État, les collectivités locales et des règles de gestion du territoire du parc. Cela permet d’assurer un équilibre entre les objectifs de protection de l’environnement, de dévelop-pement économique et social durable. Il existe deux PNR sur le territoire franc-comtois : le PNR du Haut-Jura et le PNR des Ballons des Vosges qui représentent à eux deux une surface de 186 185 hectares.

Les associations de protection de l’environnementElles jouent un rôle important dans l’initiation de projets, la gestion courante et la surveillance des sites.

Les principaux acteursde la protection des tourbières

P.10

P.11

Les tourbières franc-comtoises faisant l’objet de mesures de préservationGESTIONNAIRES PRINCIPAUX

Communauté de Communes

Frasne Drugeon

Association gestionnaire

de la Réserve naturelle

du Lac de Remoray

ONF / PNR des Ballons des Vosges

PNR du Haut-Jura

ENC

Association La Seigne

des Barbouillons

ENC, CG Territoire de Belfort

ENC, ONF

ENC, PNR du Haut-Jura

En 2008, au total, 59 sites

représentant 1 230 hectares

bénéfi cient d’une gestion

conservatoire (dont 25 sites

pour 690 hectares en priorité 1)

LEXIQUEBBD : réserve biologique domaniale

RNR : réserve naturelle régionale

RNN : réserve naturelle nationale

APPB : arrêté préfectoral

de protection de biotope

ONF : Offi ce national des forêts

PNR : Parc naturel régional

ENC : Conservatoire des espaces

naturels de Franche-Comté

CG : Conseil général

Grande Pile (Saint-Germain). Natura 2000, maîtrise foncière.

Sennepey (Saint-Barthélemy). Natura 2000, convention.

Les Viaux (Ecromagny). Natura

2000, convention.

Ambyme (Servance). Natura 2000,

maîtrise foncière.

Grands Faings (Beulotte-Saint-Laurent). Natura 2000, maîtrise foncière.

Tourbières de la Réserve Naturelle des Ballons Comtois (Plancher-les-Mines, Miellin, Lepuix-Gy) (7 sites). RNN, Natura

2000, RBD.

Tourbières du Ballon d’Alsace (Lepuix-Gy). Natura 2000.

Etang Colin (Chaux). Natura 2000,

maîtrise foncière.

Tourbières de Frambouhans, Fournet-Blancheroche et Les Ecorces (2 sites). Natura 2000,

maîtrise foncière, convention.

Tourbières de Passonfontaine (2 sites). Convention.

Nord du Drugeon (Granges-Narboz, Sainte-Colombe, Houtaud, Chaffois, Bannans, Rivière-Drugeon) (10 sites). APPB, Natura

2000.

Sud du Drugeon (Frasne, Bouverans, Dompierre-les-Tilleuls, Bonnevaux) (9 sites). RNR

pour partie, APPB, Natura 2000.

Marais et Quartier des Prés (Vaux-et-Chantegrue). APPB,

Natura 2000.

Réserve naturelle du lac de Remoray (Remoray-Boujons, Labergement-Sainte-Marie) (2 sites). RNN, Natura 2000.

Nord du lac de Remoray (Labergement-Sainte-Marie) (2 sites). Natura 2000.

Seigne des Barbouillons (Mignovillard). RNR

Tourbières de Censeau et Esserval-Tartre (2 sites). Convention.

Les Marais (Andelot-en-Montagne). Convention.

Mou de Pleure (Chaînée-des-Coupis). Natura 2000, convention.

Les Entrecôtes (Foncine-le-Haut). Natura 2000, maîtrise foncière,

convention.

Tourbières de Fort-du-Plasne et Lac-des-Rouges-Truites (3 sites). Natura 2000 pour partie, maitrise

foncière, convention.

Tourbières des Quatre Lacs (Chaux-du-Dombief, Le Frasnois). Natura 2000, convention.

Ferme de l’Aurochs (Ménétrux-en-Joux). Maitrise foncière.

Tourbières de Bonlieu. Natura

2000, maîtrise foncière.

Combe du Nanchez (Prenovel, Grande-Rivière). RNR, Natura 2000.

Les Douillons (Chaux-des-Prés). Natura 2000, maîtrise foncière.

Sous les Montées et Prés de Valfi n (La Rixouse, Saint-Claude) (2 sites). Natura 2000, maîtrise

foncière, convention.

Combe du Grand Essart (Cuttura). Natura 2000, maîtrise foncière,

convention.

Grande Pile (Saint-Germain). Natura 2000, maîtrise foncière.

Sennepey (Saint-Barthélemy).

Tourbières du Ballon d’Alsace(Lepuix-Gy). Natura 2000.

Etang Colin (Chaux). Natura 2000,

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Libellule à quatre taches (Libellula quadrimaculata)

Un sentier de découverte sur pilotis

L’aménagement d’un ponton en bois sur pilotis

d’environ 800 mètres permet au public de

découvrir un milieu original, dans un paysage

d’aspect nordique. Equipé de panneaux d’inter-

prétation, ce sentier intégralement restauré en

2007 est maintenant accessible aux personnes

à mobilité réduite.

Les tourbières du bassin du Drugeon

P.12

La vallée du Drugeon est célèbre pour l’étendue et la diversité de ses tourbières qui représentent 1/7 de son territoire. Ce complexe remarquable de tourbières basses alcalines et hautes acides est composé d’une quarantaine de sites.

Une rectifi cation drastique du lit du Drugeon dans les années 70, des travaux de drainage*, une intensifi cation des pratiques agricoles, des plantations de résineux et diverses pollutions ont fortement mis à mal la qualité du site.

Un programme LIFE* de réhabilitation des zones humides a par la suite permis d’initier de nombreuses actions de restauration (reméandre-ment, fermeture de drains, débroussaillage) et d’entretien.

La vallée recèle aujourd’hui une richesse faunis-tique et fl oristique exceptionnelle : 50 espèces végétales protégées, 5 espèces d’invertébrés d’intérêt européen, 114 espèces de vertébrés dont 89 espèces d’oiseaux.

Créée en 1986, la Réserve naturelle régionale des tourbières de Frasne se compose de trois grands ensembles : le complexe tourbeux du Forbonnet, les Levresses et la zone du marais de l’Ecouland. Elle est gérée par la communauté de communes du Plateau de Frasne et du Val du Drugeon.

Œillet superbe (Dianthus superbus)

Regard sur le site Cette tourbière haute active possède une forte va-leur écologique par sa grande diversité d’espèces. Ce site est particulièrement réputé pour la nidifi -cation importante de la bécassine des marais.

Actions engagées Intégralement exploitée au XVIIIe siècle, cette tourbière a donc été rajeunie et offre un magnifi -que complexe tourbeux présentant les différents stades d’évolution. Plusieurs actions ont été réalisées depuis 1997 : travaux de restauration hydraulique, travaux de bûcheronnage réguliers et travaux mécaniques de débroussaillage afi n de réouvrir le milieu. Dès 1999, une gestion par le pâturage extensif a été mise en place dans la cariçaie* périphérique, avec des chevaux de race Hafl inger.

Regard sur le site Réparti en deux zones, le complexe tourbeux du Varot possède une faune très intéressante de par sa zone de nourrissage pour de nombreux rapaces nichant dans le coteau boisé en bordure du lac.

Actions engagéesA la suite de travaux de réouverture menés depuis 1996, un pâturage alterné par des chevaux puis des vaches Highland Cattle a été mis en place sur ces deux zones.

Le complexe tourbeux du Varot

Actions engagéesIntégralement exploitée au XVIIIe siècle, cette tourbière a donc été rajeunie et offre un magnifi -que complexe tourbeux présentant les différentts stades d’évolution. Plusieurs actions ont été réalisées depuis 1997 : travaux de restaurationn hydraulique, travaux de bûcheronnage régulierss et travaux mécaniques de débroussaillage afi n

Actions engagées

Bécassine des marais (Gallinago gallinago)

LOCALISATION Commune : Bonnevaux (25)

Lieu-dit : le Varot

Surface : 60 ha

Altitude : 825 m

STATUT FONCIER Propriétaire de quelques parcelles, la commu-

nauté de communes a signé une convention

sur l’ensemble des terrains appartenant à la

commune de Bonnevaux et à des propriétaires

privés.

D’origine écossaise et peu exigeante, la vache Highland Cattle est une très bonne «débrous-sailleuse». Elle s’avère particulièrement bien adaptée aux milieux humides.

LOCALISATION Commune : Les Granges Narboz, Houtaud (25)

Lieu-dit : La Grande Seigne

Surface : 130 ha

Altitude : 815 m

STATUT FONCIER

Propriétaires sur leurs territoires respectifs, les

deux communes ont signé une convention de

gestion avec la communauté de communes du

Plateau de Frasne et du Val du Drugeon.

Zone humide d’intérêt

international au titre

de la convention de Ramsar

Zone humide d’intérêt

international au titre

de la convention de Ramsar

La tourbière de la Grande Seigne

P.13

Regard sur le siteL’originalité de cette tourbière réside dans l’extraction industrielle de tourbe dont elle a fait l’objet entre 1968 et 1984 par la Société des Engrais Monnot. A la fi n des années 90, la zone exploitée, couvrant une surface d’environ 3 hecta-res, présentait d’importantes cicatrices : zones de tourbe nue et minéralisée, présence d’un fossé de drainage*, colonisation forestière, etc.

Actions engagéesA l’initiative de l’association Doubs nature environnement, un partenariat a été engagé en 1997 entre l’entreprise et le Conservatoire. Il a conduit à une réhabilitation de la zone exploitée. Les travaux, réalisés en 2003, ont, pour l’essen-tiel, consisté à recréer des conditions favorables à la turfi génèse (constitution de tourbe). Ils se sont décomposés en opérations de terrassement (décapage de la tourbe dégradée essentiellement), d’hydraulique (comblement du fossé de drainage, création de merlons de tourbe destinés à retenir l’eau), et enfi n de végétalisation (repiquage de plantes vasculaires*, de sphaignes et paillage

de façon à favoriser la colonisation de la tourbe nue).Un suivi scientifi que a été engagé afi n d’estimer l’effi cacité des travaux. Les premiers résultats sont encourageants et montrent la bonne reprise d’une végétation propre aux milieux tourbeux. Côté faune, on note l’apparition de la leucorrhine à gros thorax, une libellule rare et protégée.

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Les papillons de jour remarquables des tourbières comtoises

Les papillons liés aux tourbières sont peu

nombreux et la plupart sont rares et menacés.

Une partie d’entre eux sont même qualifi és de

reliques glaciaires en raison de la diminution

de leur aire de répartition liée au retrait des

glaciers depuis les derniers millénaires. Ces

espèces sont toutes dépendantes de certaines

plantes spécifi ques des tourbières. La destruc-

tion des biotopes a entraîné la régression des

populations. C’est pourquoi la préservation des

tourbières est nécessaire au maintien de ces

espèces remarquables.

LOCALISATION Communes : Frambouhans et les Ecorces (25)

Lieu-dit : «Sur les Seignes»

Surface : 27 ha

Altitude : 860 m

Comme ses voisines du bassin du Russey, cette tourbière est boisée sur l’essentiel de sa surface : au centre par le pin à crochet, à sa périphérie par l’épicéa.

STATUT FONCIER Le groupe industriel «Compo Horticulture

et Jardins SAS» est aujourd’hui le principal

propriétaire. Une convention de gestion a

été signée entre ce dernier, le Conservatoire

des espaces naturels de Franche-Comté et

Doubs nature environnement. Plusieurs autres

propriétaires privés se partagent le reste du

parcellaire.

Le fadet des tourbières (Coenonympha tullia)

Le solitaire des tourbières (Colias palaeno)

Le nacré de la canneberge (Bolaria aquilonaris)

La tourbière “Sur les Seignes”Au sein du bassin du Russey, le site de «Sur les Seignes» fait partie d’un réseau de tourbières remarquable par sa densité et sa superfi cie.

Le cuivré de la bistorte (Lycaena helle)

P.14

L’étang ColinLa queue de l’étang Colin est remarquable à plus d’un titre : c’est un milieu tourbeux jeune en pleine croissance et, par ailleurs, l’une des deux seules tourbières recensées dans le Piémont vosgien de la Trouée de Belfort.

LOCALISATION Commune : Chaux (90)

Lieu-dit : L’étang Colin

Surface : 1,2 ha

Altitude : 435 m

Le bas-marais* acide à sphaignes se dé-veloppe en queue d’étang, avec des sta-des pionniers à utriculaires et rossolis. La saulaie* arbustive, qui recouvrait toute la zone avant 1995, se montre encore très dynamique et doit être contrôlée.

STATUT FONCIER

Le Conseil général du Territoire de Belfort est

propriétaire. Une convention de gestion a été

signée entre le Conseil général, le Conserva-

toire des espaces naturels de Franche-Comté

et l’association «Pêche et Nature».

L’utriculaire jaune pâle (Utricularia ochroleuca) Plante carnivore, sans racine, l’utriculaire

jaune pâle fl otte à la surface de l’eau ou

rampe sur le sol mouillé. Grâce à ses feuilles

transformées en petites outres translucides

de quelques millimètres, cette plante piège

les petits invertébrés. Extrêmement rare et

localisée en France où elle est protégée par la

loi, elle fi gure également au livre rouge de la

fl ore menacée de France.

P.15

Espace

naturel

sensible

Regard sur le site Les plantes carnivores, aussi célèbres que dis-crètes, constituent les espèces végétales phares de l’étang Colin. Ainsi, le rossolis intermédiaire prospère au sein de la tourbière pionnière, colo-nisant les zones d’eau très peu profondes. Cette espèce protégée, seulement vosgienne en Franche-Comté, n’est dans ce département connue qu’ici. Ses feuilles sont munies de poils sécrétant une

substance visqueuse capable de piéger les petits insectes. L’utri-culaire jaune pâle est aussi présente sur le site (voir encadré).

Actions engagéesAprès la réouverture initiale du site, des opéra-tions ponctuelles de défrichement ont permis de contenir la saulaie*. Le contrôle du niveau d’eau, grâce à un partenariat actif avec l’association de pêche, a également assuré le maintien de la dynamique de croissance de la tourbière. Le suivi fait état d’un bilan très positif, puisque le nombre de pieds de rossolis a augmenté de manière très signifi cative en l’espace d’une dizaine d’années (voir schéma). La mise en place d’un ponton et d’un panneau explicatif permettent désormais la visite du site en préservant les habitats* tourbeux sensibles au piétinement.

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Regard sur le siteComme la plupart des tourbières de la région, celle des Entre Côtes a fait l’objet d’une extrac-tion de tourbe, dont l’ampleur y fut particulière-ment importante. Chaque foyer disposait d’une petite parcelle lui permettant d’utiliser la tourbe comme combustible. Le statut foncier du site était de ce fait très complexe avec une multitude de propriétaires.Le haut-marais* originel est aujourd’hui largement réduit au profi t d’une mosaïque de bas-marais* liée à la cicatrisation des fosses d’extraction. De nos jours, l’intérêt biologique du site réside essentiellement dans ces formations qui abritent notamment la rarissime laîche étoile des marais. Cet hôte discret des tourbières n’est en effet connu que d’une vingtaine de localités en France, situées pour l’essentiel dans le Doubs et le Jura.

Actions engagées Avec l’appui de la commune, un programme de maîtrise foncière mené sur les 192 parcelles du site a permis au Conservatoire des espaces naturels de Franche-Comté d’acquérir ou de passer des conventions sur plus des deux tiers de la surface et, par la suite, d’engager un défriche-ment raisonné.Dans les années à venir, en concertation avec le Parc naturel régional du Haut-Jura et la com-mune de Foncine-le-Haut, la préservation du site s’attachera à la gestion de l’eau : la tourbière est en effet coupée en deux par une route forestière qui s’enfonce progressivement au fi l des années. De même, une rectifi cation ancienne du ruisseau des Entre Côtes a conduit à un enfoncement de son lit et à un drainage* accru de la zone humide. La mise en place d’un pâturage extensif au sein des bas-marais* est également envisagée.

LOCALISATION Commune : Foncine-le-Haut (39)

Lieu-dit : Entre côtes du milieu et du haut

Surface : 9 ha

Altitude : 1030 m

Au contact du haut-marais* d’origine, se développe aujourd’hui une mosaïque de bas-marais* en cours de boisement par le bouleau pubescent.

STATUT FONCIER Le Conservatoire des espaces naturels a la

maîtrise de 6 hectares (dont 4 en propriété).

Actions engagées

La tourbière des Entre Côtes A plus de 1 000 mètres d’altitude, en plein cœur du massif jurassien, la tourbière des Entre Côtes, placée au fond d’une combe, est dominée par une magnifi que forêt de hêtres et d’épicéas.

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Les pièges des plantes carnivores

Dans le milieu tourbeux, froid, acide et gorgé d’eau,

les espèces animales et végétales doivent s’adapter

pour survivre. Les diffi cultés liées à l’approvi-

sionnement en minéraux que l’on rencontre dans

les tourbières peuvent êtres contournées par la

prédation dans le cas des plantes carnivores. C’est

ainsi qu’on les retrouve dans les tourbières où elles

capturent et digèrent des arthropodes* (souvent des

insectes) grâce à des pièges variés.

P.16

Le piège adhésif Les feuilles en rosettes

des rossolis sont

couvertes de poils

rouges qui secrètent un

liquide attractif, collant

et brillant (d’où le nom scientifi que de la plante,

Drosera de drosos qui signifi e «rosée» en grec). Les

insectes attirés se trouvent englués sur les poils.

Les cils extérieurs se replient alors très lentement

sur l’insecte et, grâce à des sucs digestifs, le

rossolis digère sa proie.

Le piège à succion

Les pièges à succion

sont toujours aquatiques

et principalement utili-

sés par les utriculaires.

Un animal planctonique

(petit crustacé) qui touche un des poils sensibles,

placés à l’entrée d’une outre de la feuille, provoque

une brusque ouverture du piège, qui aspire la proie.

Une fois l’animal digéré, le piège se «réarme» en

créant une dépression permettant l’aspiration de

la proie.

LOCALISATION Communes : Le Frasnois et Chaux-du-Dombief

(39)

Lieu-dit : lacs d’Ilay, de Narlay, du Petit Maclu

et du Grand Maclu.

Surface : environ 40 ha

Altitude : 775 m

Les moliniaies* et les bas-marais* alca-lins dominent, avec des zones plus eutro-phes* (mégaphorbiaies* et roselières) et des secteurs boisés (saulaies* arbustives notamment). Un haut-marais* dégradé est présent localement en bordure du Grand Maclu.

STATUT FONCIER Les communes sont propriétaires pour partie.

Le piège à urne Certaines espèces

comme la sarracénie

possèdent des pièges à

urne. Orientés dans des

directions spécifi ques,

ces pièges utilisent un véritable fl échage révélé par

les ultraviolets ainsi que la production de nectar

pour attirer les insectes. Une fois capturés au

fond de l’urne dont la paroi est recouverte de poils

obliques et de cires glissantes, ils ne peuvent plus

s’échapper.

Les tourbières des 4 lacsLes quatre lacs sont bordés de zones humides plus ou moins tourbeuses, reconnaissables par leurs teintes brunes en automne qui ajoutent encore des couleurs au paysage somptueux de ce haut lieu jurassien.

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Regard sur le site Le patrimoine naturel de ce vaste ensemble de-meure encore remarquable et diversifi é. Parmi les «joyaux» du site, on peut citer le très rare liparis de Lœsel, récemment découvert, et la jolie genti-ane pneumonanthe. Cette dernière est abondante au sein des bas-marais* et des moliniaies* qu’elle fl eurit à la fi n de l’été. Préservée en Franche-Comté, c’est, par ailleurs, la plante-hôte exclusive d’un papillon protégé au niveau national, le rare azuré des mouillères.

Actions engagées Les milieux tourbeux sont menacés par l’enfriche-ment, très actif au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Une volonté réelle de préservation au niveau local, ainsi que l’équilibre trouvé entre les démarches du PRAT et de Natura 2000, laissent augurer de belles possibilités pour la mise en œuvre d’opérations de préservation des habitats* remarquables. Le Conservatoire des espaces na-turels de Franche-Comté rédige actuellement un plan de gestion en concertation avec l’opérateur du site Natura 2000, le Parc naturel régional du Haut-Jura et les communes. Une convention de gestion devrait être signée avec les communes.

Liparis de Lœsel (Liparis Lœselii)

Regard sur le siteLe tremblant et les gouilles, occupant la partie sud du site, abritent encore un très beau cortège de sphaignes et de plantes adaptées aux tourbiè-res acides. Parmi celles-ci, l’écuelle d’eau, proté-gée en Franche-Comté, cache ses fl eurs modestes sous de curieuses feuilles rondes et crénelées. Il s’agit d’une plante de la famille des carottes (apiacées). D’autres feuilles arrondies, celles de la violette des marais, servent ici de support aux pontes d’un papillon original au milieu d’un village, le petit collier argenté.

Actions engagées La situation de la tourbière des Viaux en fait un site très exposé et les atteintes sont assez impor-tantes : aménagements en périphérie immédiate, rejets d’une fosse sceptique dans la zone tour-beuse... Un travail a été entrepris en partenariat avec la commune pour pallier ce problème. Un programme d’assainissement communal va être engagé. L’enfrichement est également problé-matique, le maintien des habitats* ouverts de la ceinture passant par la réalisation de chantiers d’entretien. La restauration hydraulique du site a également été mise en œuvre avec la réparation d’une digue et la mise en place d’un système de contrôle du niveau d’eau.

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ationn e dee

Le sympétrum noir (Sympetrum danae) Cette libellule fréquente les eaux stagnantes

généralement acides, ensoleillées et bien

envahies par la végétation : étangs, gouilles

des tourbières, marais, etc. L’espèce montre

une capacité de déplacement individuel

importante, si bien que des adultes isolés sont

parfois observés dans des milieux inhabituels :

l’observation d’exuvies (enveloppes larvaires

restant après la métamorphose) est donc

préférable pour confi rmer la reproduction sur

un site.

Un circuit découverte Le Parc naturel régional des Ballons des

Vosges et la commune ont inscrit la tourbière

au sein d’un circuit de découverte du village

d’Ecromagny et de ses alentours agrémenté de

panneaux d’interprétation. Le sentier de ran-

donnée contourne la tourbière afi n de rester en

dehors des zones sensibles.

LOCALISATION Commune : Ecromagny (70)

Lieu-dit : Tourbière des Viaux

Surface : 1,31 ha

Altitude : 455 m

Ici, le tremblant à sphaignes et les gouilles à trèfl e d’eau sont ceinturés par un bas-marais* et une moliniaie* acide en phase de colonisation par la saulaie* et l’aulnaie*.

STATUT FONCIER La commune d’Ecromagny est propriétaire.

Une convention de gestion a été signée avec

le Conservatoire des espaces naturels de

Franche-Comté.

a partieu cortège

Actions engagéesLa situation de la tourbière des Viaux en fasite très exposé et les atteintes sont assez im

it un mpoor-

La tourbière des ViauxCette petite tourbière, d’une superfi cie dépassant à peine l’hectare, occupe une petite dépression au cœur même du village d’Ecromagny, entre église, école, mairie et salle des fêtes !

P.18 Ecuelle d’eau (Hydrocotyle vulgaris)

La Grande Pile C’est la plus vaste tourbière du domaine vosgien comtois et son histoire originale lui confère un intérêt tout particulier.

LOCALISATION Commune : Saint-Germain (70)

Lieu-dit : La Grande Pile

Surface : 35,92 ha

Altitude : 320 m

Tourbière haute largement boisée (boulaie*), elle présente encore de beaux secteurs ouverts avec toute la série dyna-mique depuis les gouilles et tremblants jusqu’à la lande de haut-marais*.

STATUT FONCIER Le Conservatoire et la Commune de Saint-Ger-

main possèdent une partie du site (30 ha) ; le

reste appartient à des propriétaires privés dont

la moitié a signé une convention de gestion

avec ENC.

Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis) Cette libellule évolue principalement dans les

zones en eaux stagnantes peu profondes et

ensoleillées qui se réchauffent rapidement

au printemps. Elle se nourrit dès la mi-mai

de petits insectes chassés en vol. Du fait de

sa rareté, l’espèce bénéfi cie de statuts de

protection nationale et européenne. Le site

de la Grande Pile constitue sans doute l’une

des plus belles stations de leucorrhines à gros

thorax de Franche-Comté.

Regard sur le site Non touché par les dernières glaciations, le site de la Grande Pile conserve sans discontinuité au sein de son profi l tourbeux les traces de l’histoire de la végétation depuis 140 000 ans. Cela lui a valu l’objet de recherches internationales.La tourbière présente cependant, aujourd’hui encore, des traces de l’extraction du combustible menée de façon intensive au cours des deux guer-res mondiales. Des linéaires de buttes, conservés pour le passage des wagonnets de tourbe, alter-nent avec les anciennes fosses en cicatrisation ; ces dernières permettent la présence d’habitats* et d’espèces remarquables, telles que l’andromède à feuilles de polium. Elles abritent éga-lement un peuple-ment très riche en libellules.

Actions engagéesGrâce à un programme d’acquisition foncière, le Conservatoire et la commune ont pu devenir pro-priétaire d’une grande partie du site, permettant ainsi d’agir pour la préservation des différents stades d’évolution de la tourbière. Les actions de gestion concernent : - le rétablissement progressif d’un fonctionne-

ment hydraulique satisfaisant (intervention au niveau de certains drains) et le contrôle des ligneux (débroussaillage) ;

- le réaménagement d’un sentier de découverte.

P.19

Andromède à feuilles de Polium (Andromeda polifolia)

Comment les communes et collectivités territoriales peuvent-elles contribuer davantage à préserver les tourbières et zones humides ?En complément des conventions et règlemen-tations nationales et européennes (voir page 24), les communes et collectivités peuvent agir de plusieurs façons :

- Pratiquer une politique de maîtrise

foncière ou de maîtrise d’usage et/ou confi er la gestion de leurs propriétés à des organismes de conservation des milieux naturels.

- Intégrer la conservation des tourbières

dans les documents d’urbanisme, les procédures d’aménagement foncier et les schémas collectifs.

- Conserver et garantir le fonctionne-

ment hydraulique des tourbières et zones humides et y bannir drainage*, remblais, recalibrage, creusement de plan

d’eau. En résumé, l’alimentation en eau de la tourbière ne doit être modifi ée ni en quantité, ni en qualité.

- Eviter, dans la tourbière et à proximité,

toutes sources de pollution de l’eau (dépôt de produits chimiques, d’ordures ou de déchets végétaux, eaux provenant du salage des routes).

- Limiter les usages de terreau à base de

tourbe. La tourbe nécessite des milliers d’années pour s’accumuler. Elle ne peut donc pas être considérée comme une res-source renouvelable.

- Veiller à la cohérence des réseaux d’ac-

cueil du public à l’échelle territoriale (ex : Plan départemental des itinéraires de petites randonnées). Les éventuels

aménagements pour le public ne doivent pas dégrader ces milieux sensibles au piéti-nement.

- Limiter la circulation de véhicules aux seules machines de faible portance néces-saires à l’entretien et à la restauration des tourbières, respectant également ainsi la réglementation sur la circulation des engins à moteur en zones naturelles.

Une évolution des mentalités doit ainsi être favorisée chez les habitants comme au sein des services techniques et des conseils munici-paux. Elle aura des effets positifs, tant grâce aux gestes simples à faire au quotidien que par une prise en compte des zones humides dans les grands projets d’aménagement du territoire !

P.20

Témoignage de

Jean-Louis Gatschiné maire de Saint-Germain (70)

«Après

une courte

période

d’observa-

tion réci-

proque où

il avait été question d’interdire tout

accès à la tourbière pour la protéger,

la collaboration entre Espace naturel

comtois et le la commune, depuis six

ans, a été exemplaire. Il faut dire que

dans le domaine de la préservation

du patrimoine naturel, il y a beaucoup

à faire.

En effet, dans le village, l’attitude des

habitants est partagée entre igno-

rance et défi ance. Ignorance du plus

grand nombre qui n’a jamais entendu

parler de ce site exceptionnel pour-

tant connu de nombreux chercheurs :

une tourbière de 37 hectares, à une

altitude de 340 mètres seulement et

dont l’épaisseur atteindrait 20 mè-

tres. La première mission était donc

de faire connaître l’existence et faire

reconnaître la valeur de ce site à la

population. Quelques articles dans la

presse locale, suite aux interventions

d’Espace naturel comtois, ont eu un

rôle bénéfi que mais il reste à convain-

cre quelques sceptiques, réticents,

qui craignent d’être dérangés dans

leurs activités agricoles, forestières

ou cynégétiques. L’enjeu est donc

de valoriser, aux yeux des habitants,

cette richesse environnementale.

La médiatisation, l’accès facilité

mais limité au site et le travail avec

l’école sont des pistes importantes.

Un travail qui serait impossible sans

l’expertise scientifi que d’Espace na-

turel comtois qui a permis de défi nir

plus précisément les caractéristiques,

l’importance fl oristique et faunistique

du lieu. De plus, l’association a

travaillé activement à l’amélioration

du sentier de découverte.

L’autre rôle déterminant d’Espace na-

turel comtois est la préservation de la

tourbière menacée par la végétation

ligneuse et les drainages* établis

autrefois lors de l’exploitation de la

tourbe. Une étude a débouché sur des

propositions de travaux permettant

de maintenir le niveau de l’eau. Le

montage des dossiers technique et

fi nancier n’aurait pas été possible du

seul fait de la commune.

Aujourd’hui certaines parcelles de

la tourbière relèvent encore de la

gestion privée. Il s’agit de convaincre

les propriétaires du bien fondé de

notre action. A terme, la collectivité

devra faire l’acquisition de l’ensem-

ble. Parmi les orientations futures

possibles, il y a celle de faire de la

Grande Pile une Réserve naturelle

régionale, ce qui donnerait à la fois

davantage de légitimité et davantage

de moyens à l’action concertée de

Saint-Germain et d’Espace naturel

comtois. J’ajouterai que cette action

est aussi, sur le terrain, et malgré les

piqûres de moustiques, une passion

et un plaisir partagés entre les élus et

l’équipe scientifi que.»

Témoignage de

Joseph Jantet, maire d’Esserval-Tartre (39)

«Je n’étais

pas une

personne

particulière-

ment portée

sur les

problèmes d’environnement. Ma pro-

fession d’agriculteur, je l’assumais au

mieux dans mon travail et je portais

plus mon regard vers la productivité

et le revenu.

Elu maire de la commune, j’ai été

proposé (faute de candidat) par le

syndicat intercommunal des cantons

de Nozeroy et des Planches en

Montagne comme délégué au CPIE du

Haut-Doubs. J’ai découvert et porté

progressivement une attention plus

particulière sur les milieux naturels

que comportait le territoire commu-

nal. Les échanges et la formation

reçus au CPIE, l’arrivée de nouveaux

résidents ont fait que j’ai petit à

petit éliminé de mon esprit l’idée

qu’environnement, préservation

des tourbières et milieux naturels

comportaient une connotation

«écolo», de contraintes et tout ce

qui en découle.

J’ai découvert notre tourbière

par l’autre bout de la lorgnette :

présence de papillons, de

grenouilles et de plantes dont

je n’avais pas connaissance ;

j’avais besoin d’être conforté

dans ces découvertes et j’ai

recherché qui pourrait en

être le support. Avec l’aide du CPIE

et quelques connaissances j’ai été

aiguillé auprès d’Espace naturel

comtois.

Par petits pas, sans brusquer les

événements, le conseil municipal, la

population et surtout les enfants sont

devenus de plus en plus curieux et

attentifs à ce milieu.

Je suis très heureux de ce choix

(ENC) car nous avons déjà fait une

approche très enrichissante et je suis

persuadé qu’un long et fructueux

travail nous attend.»

P.21

Utriculaire négligée (Utricularia australis)

L’histoire de la protection des tourbières en Franche-ComtéLes tourbières, comme la plupart des zones marécageuses, étaient autrefois perçues comme insalubres. L’aversion de l’homme pour ce type de milieu l’a conduit à les assé-cher, les assainir jusqu’à les faire disparaître. Ce n’est que très récemment, depuis une qua-rantaine d’années, que l’on a pu mieux cerner, comprendre le rôle majeur qu’assurent ces milieux et admettre l’intérêt et la nécessité de leur conservation.

En Franche-Comté, les tourbières font l’objet de prospections naturalistes et de premières cartographies dès la fi n du 18e siècle. La car-te phytosociologique des tourbières de Frasne, réalisée par Guinochet après la guerre, fera l’effet d’un document d’appel. L’ornithologie se pratique alors avec une canne-fusil et les croquis naturalistes sont réalisés d’après nature. Des expériences seront menées par des botanistes qui iront jusqu’à introduire des espèces exogènes pour étudier leur évolution dans les tourbières – espèces qui aujourd’hui envahissent le milieu. C’est le cas de la sarra-cénie à Frasne.

La prise de conscience de la fragilité de ces milieux oriente ce naturalisme consommateur vers un naturalisme conservateur. La recher-che de la connaissance s’associe alors à la vo-lonté de préserver. La montée du mouvement associatif de protection de la nature dans les années 70 sera une réponse aux différentes atteintes portées aux tourbières, notamment lors du projet d’extraction industrielle de tourbe à Frambouhans (1975).L’Etat prend le relais en créant le ministère de l’Écologie et un cadre législatif à travers la Loi du 10 juillet 1976 relative à la protec-tion de la nature (voir page 24).

Pour amplifi er les actions locales de conser-vation des tourbières, un programme national de conservation «Tourbières de France» est entrepris depuis 1996. En Franche-Comté, le programme régional d’actions en faveur des tourbières vise une mise en valeur respec-tueuse de celles-ci.

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Orchis incarnat (Dactylorhiza incarnata)

Naturalistes de l’Université dans les tourbières du Drugeon en 1974.

P.23

Une fi erté nouvelle

Aujourd’hui, les tourbières sont reconnues

comme étant l’un des éléments les plus

emblématiques du patrimoine naturel franc-

comtois. Elles trouvent maintenant une place

de choix dans le village, comme par exemple

à Frasne. Plusieurs commerces ont intégré les

mots «seigne», «tourbière», «droséra» dans

leurs enseignes. C’est le cas par exemple du

«Restaurant de la Grande Seigne» et de la

«Pharmacie des Droséras».

La fête de la tourbe de Frasne est organi-

sée chaque été pour permettre aux habitants

de redécouvrir leur patrimoine. Durant cette

fête, les anciens relatent l’exploitation passée.

Le public participe à des visites guidées sur

le thème de la faune et de

la fl ore le matin, et après

un grand repas collectif re-

prenant la tradition passée,

des démonstrations sur les

anciennes pratiques sont

organisées.

,La préservation des zones humides passe par le respect des réglementations françaises et européennes sur les eaux, les milieux naturels, les espèces animales et végétales ; voici les principales :

- Natura 2000, aboutissement des directives Habitats* et Oiseaux, a pour objectif d’assurer la restauration et le maintien dans un état de conservation favorable les habitats* naturels et les espèces d’intérêt européen à travers un réseau de sites.

- La convention de Berne (1979) a pour objectif la conservation de la faune et de la fl ore sauvages dans leurs habitats* naturels.

- La convention de Bonn (1979) a pour but d’assurer la protection des espèces migratrices sur l’ensemble de leur aire de répartition à l’échelle mondiale.

- La loi sur la protection de la nature (1976) pose le principe de la protection des milieux naturels, de la fl ore, de la faune et de la diversité. Trois régimes juridiques sont appliqués en France : interdiction des activités, autorisation d’activité et régle-mentation préfectorale.

- Les Réserves naturelles régionales et

nationales forment un réseau représentatif du patrimoine naturel régional ou français. La Franche-Comté compte à ce jour 11 Réserves naturelles régionales (compétence du Conseil régional) et 7 Réserves naturel-les nationales (compétence de l’Etat).

- L’arrêté préfectoral de protection de

biotope permet la protection locale des milieux qui abritent des espèces végétales ou animales protégées. Il existe 153 sites en Franche-Comté, pour une surface de 13 791 hectares.

- L’inventaire ZNIEFF (Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique Floristique et Faunis-tique) constitue un outil de connaissance du patrimoine national mais n’est en aucun cas une mesure de protection juridique directe.

- La convention de Ramsar (1971) : ce traité intergouvernemental du nom d’une ville d’Iran sert de cadre à l’action natio-nale et à la coopération internationale pour la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources.

Ramsar en Franche-Comté

En Franche-Comté, la vallée du Drugeon, dans le Haut-Doubs, fait aujourd’hui partie des sites Ramsar avec une surface de 5 989 hectares.

- Les politiques «espaces naturels

sensibles» des départements (loi du 18 juillet 1985) visent notamment à fi xer les conditions d’utilisation de la taxe dépar-tementale des espaces naturels sensibles (TDENS) pour fi nancer une politique de protection et de maintien des espaces na-turels, de gestion et d’aménagement en vue d’une ouverture de ces espaces au public.

Tous ces dispositifs se complètent et peuvent s’imbriquer les uns aux autres sur un même territoire pour être plus effi caces.

La protection des tourbières par la législation

P.24

Gentiane pneumonanthe (Gentiana pneumonanthe)

P.25Tourbière de la Grande Seigne à Passonfontaine (25)

ARTHROPODES : du grec arthron «articulation» et podos «pied», ils forment un embranche-ment d’animaux invertébrés. Le corps est segmenté, articulé, recouvert d’une carapace (squelette externe). C’est le groupe qui pos-sède le plus d’espèces et le plus d’individus de tout le règne animal. Il s’agit des myriapodes (mille-pattes), des chélicérates (araignées), des crustacés et des insectes.

BIODIVERSITÉ : ce concept a été popularisé à la suite de la conférence de Rio en 1992. La biodiversité peut se concevoir au travers de trois approches, la première est relative à la variété de la vie, c’est une approche globale, la seconde est centrée sur les populations, les espèces, leurs interactions entre elles et avec le milieu naturel, enfi n, la troisième approche envisage les relations sociales, économiques, juridiques et politiques de la nature avec les sociétés humaines.

CORRIDORS : les milieux naturels accueillent diverses activités des espèces sauvages telles que la reproduction, le nourrissage, le repos, le séjour saisonnier et la migration. Souvent, ces milieux ne se recouvrent pas et il faut alors des corridors permettant de les relier fonctionnellement entre eux. Une haie ou une rivière constituent des corridors. Le fonction-nement des milieux naturels dépend en grande partie du bon état des corridors qui doivent constituer des réseaux. L’absence de corridor condamne les espèces à l’isolement et les risques de disparition s’en trouvent accrus.

CARIÇAIE : groupement végétal de milieux hu-mides dominé par des espèces du genre Carex, également appelé laîche en français.

DRAINAGE : action de diminuer le niveau de l’eau (plus précisément celui de la nappe) pour assécher le terrain pour des buts agro-nomiques ou d’urbanisation.

ECOSYSTÈME : désigne l’ensemble formé par un peuplement d’êtres vivants (ou biocénose) et son environnement géologique, pédologique et atmosphérique (le biotope).

EUTROPHE : du grec eu, bien et trophos, nu-trition, riche en éléments nutritifs. Il faudra préférer dystrophe, pour désigner les excès de nutriments (rivière dystrophe dans le cas d’une pollution par les nitrates par exemple).

HABITATS : milieux de vie habituels des orga-nismes, la forêt est un habitat par exemple.

LIFE : l’Instrument Financier pour l’Environ-nement, cofi nance des actions en faveur de l’environnement dans l’Union européenne (UE) et dans certains pays tiers. Les projets fi nancés peuvent émaner d’acteurs, d’organis-mes ou d’institutions publics ou privés.

BAS-MARAIS : type d’habitat caractéristique des zones humides alimentées par des eaux qui ont circulé au contact du sol et qui sont, de ce fait, plus ou moins chargées en minéraux.

HAUT-MARAIS : type d’habitat caractéristique des zones humides alimentées exclusivement par les eaux de pluie et qui sont, de ce fait, très pauvres en minéraux.

MÉGAPHORBIAIE : végétation constituée de grandes plantes, souvent à larges feuilles, se développant sur des sols humides et riches.

MOLINIAIE : groupement végétal dominé par une graminée du genre Molinia, également appelée molinie en français. Les habitats relevant des moliniaies sont généralement humides et acides mais il existe des écotypes pouvant se développer dans des milieux secs et/ou peu acides.

pH : de potentiel d’Hydrogène. Indice permet-tant de mesurer l’activité de l’ion hydrogène dans une solution. C’est un indicateur de l’acidité (pH inférieur à 7) ou de l’alcalinité (pH supérieur à 7) d’une solution et par extension du milieu aquatique.

PLANTES VASCULAIRES : se dit des végétaux qui possèdent des tissus conducteurs de sève (vaisseaux chez les plantes à fl eurs).

SAULAIE, AULNAIE, PESSIÈRE, BOULAIE... : forêts ou boisements de saules, d’aulnes, d’épicéas, de bouleaux…

STRATOTYPE : sites géologiques constituant une référence internationale pour une période géologique donnée.

Glossaire

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Pour en savoir plusOuvragesManneville Olivier (dir.), 2006, 2e éd. Le monde des

tourbières et des marais : France, Suisse, Belgique

et Luxembourg. Paris, Delachaux & Niestlé. 317 p.

Lacroix Pascal, 1997. Plan d’action régional en

faveur des tourbières de Franche-Comté. Volume

1 : Haute-Saône et Territoire de Belfort (domaine

vosgien). Conservatoire des Espaces Naturels de

Franche-Comté. 77 p.

Lacroix Pascal 1998. Plan d’action régional en

faveur des tourbières de Franche-Comté, volume 2

– Domaine jurassien (Doubs et Jura). Conservatoire

des Espaces Naturels de Franche-Comté, 77 p.

Dupieux Nicolas, 1998. La gestion conservatoire des

tourbières de France : premiers éléments scienti-

fi ques et techniques. Espaces Naturels de France,

Programme Life Tourbières de France. 244 p.

Mentions légales Coordination : Conservatoire des espaces naturels de Franche-Comté

Rédaction : Pascal Collin, Céline Peillon, Sylvain Moncorgé, Elvina

Bunod, Agathe Notteghem, Luc Bettinelli

Contributions : Geneviève Magnon, Francis Muller, Jean-Claude Ro-

bert, Jean-Yves Cretin, Michel Cottet, Carole Bégeot,

Bruno Tissot, Caroline Druesne, Anne-Sophie Vincent,

Jean-Louis Gatschiné, Joseph Jantet.

Conception graphique : www.tuttiquanti.net

Illustrations : Desmond Bovey (pages 4 et 5)

Impression : Imprimerie Simon

Crédits photographiques : Sylvain Moncorgé (p.1, p.7, p.13, p.14, p.25, p.28)

Claire Moreau (p.1, p.16) Sylvie Raboin (p.1, p.17)

Guillaume Doucet (p.1, p.4, p.5, p.15, p.18, p.27) Ma-

galie Mazuy (p.2, p.7, p.8, p.9, p.11, p.14, p.18, p.22)

Institut méditerranéen d’écologie et de paléoécologie

(p.6) Espace naturel comtois (p.7) Benoît Fraud – ONF

(p.8) Céline Peillon (p.10,p.14, p.19, p.23) Pascal Collin

(p.8, p.12, p.14, p.17, p.18, p.21) Luc Bettinelli (p.8,

p.14 ) Pôle-relais tourbières (p.10) Communauté de

communes du

plateau de

Frasne et

du val du

Drugeon (p.12,

p.13) Bernard Du-

pont (p.13) Laurent Delafollye (p.15, p.16, p.17, p.21,

p.24) Nicolas Dupieux (p.16) Jérôme Dumont (p.19)

Jean-Claude Robert (p.22) Agathe Notteghem (p.23).

Edité en 2008

Le PRAT est réalisé sous la maîtrise d’ouvrage d’Espace naturel comtois avec le soutien fi nancier de :

et le soutien technique de :

P.27

Agrions délicats (Ceriagrion tenellum)

Sites Internet Site du Pôle-relais tourbières :

www.pole-tourbieres.org

Site de la maison régionale de l’Environnement :

www.mre-fcomte.fr

Site de la Diren Franche-Comté :

www.franche-comte.ecologie.gouv.fr

Site du Parc naturel régional du Haut-Jura :

www.parc-haut-jura.fr

Site du Parc naturel régional

des Ballons des Vosges :

www.parc-ballons-vosges.fr

Site sur les tourbières de Frasne et le val du Drugeon :

www.frasne.net/tourbieres.htmwww.val-drugeon.org

Ce document a été réalisé par le Conservatoire des espaces naturels de Franche-Comté.

Dans le cadre du programme régional d’action en faveur des tourbières de Franche-Comté.

Grâce au soutien fi nancier de :

Conservatoire des espaces naturels de Franche-Comtémaison régionale de l’Environnement

15 rue de l’industrie

25000 Besançon

Tél.: 03 81 53 04 20

[email protected]

www.mre-fcomte.fr

Conseil régionalde Franche-Comté4 square Castan

25031 Besançon cedex

Tél.: 03 81 61 61 61

[email protected]

www.cr-franche-comte.fr