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LES TRANSPORTS , EN POLYNESIE FRANÇAISE 1- PAPEETE, ' UN PORT A DOUBLE VOCATION "Dans le Pacifique Sud, l'obstacle du vide océanique a longtemps arrêté les échanges. Les distances sont trop grandes pour des populations peu nombreuses et des produits d'un tonnage total faible." (F. Doumenge - 1966). Au XIXe siècle, les grandes compagnies maritimes sillonnent le "Grand Océan" et ouvrer:t de nouvelles routes: les sociétés insulaires se trouvent alors connectées pour la première fois au réseau maritime international. La rupture de leur isolement se traduit par une domination politique croissante, culturelle et économique, d'États extérieurs à la région. Au xx• siècle, dans les années 60 et 70, les Territoires se libèrent de leurs puissances tutélaires (décolonisation, indépendance-association, statuts d'autonomie, etc.). Parallèlement, les améliorations apportées dans les transports maritimes et surtout aériens leur permettent de poursuivre leur désenclavement, souvent aux dépens de leur indépendance économique: les importations supplantent de plus en plus les productions locales peu diversifiées. LES ÉCHANGES DÉSÉQUILIBRÉS DES TERRITOIRES INSULAIRES DU PACIFIQUE Les richesses du sol et du sous-sol, le poids démographique, le niveau de vie de la population, le qynamisme des activités économiques conditionnent les échanges extérieurs d'un Etat. Dans l'ensemble, les Territoires du Pacifique Sud se caractérisent par un fort déséquilibre de ces échanges (Fig. 1 ). À l'exception de Nauru, de la Papouasie - Nouvelle-Guinée et des îles Salomon, les balances commerciales présentent des comptes déficitaires. Ils sont particulièrement accusés à Guam, en Polynésie française et aux Samoa américaines, malgré l'existence dans ces dernières d'une ressource très rémunératrice (le thon): le taux de couverture des importations par les exportations atteint 6 % à Guam et en Polynésie française, et le déficit par habitant, 850 000 F CFP à Guam, 60 000 en Polynésie française et 300 000 aux Samoa américaines (1 F CFP = 0,055 FF). Les exportations se répartissent en trois types et couvrent une gamme restreinte de produits; une ou deux denrées composent en général l'essentiel des ventes (au moins 75 %). a. Une ou deux productions du secteur primaire: le coprah pour les Samoa occidentales, les îles Tonga, le Vanuatu; le coprah et les perles pour la Polynésie française; le coprah et le bois pour les îles Salomon; le poisson en conserve pour les Samoa américaines. b. Un minerai: le nickel pour la Nouvelle-Calédonie, le phosphate pour Nauru. c. Des exportations diversifiées - les deux États les plus peuplés de la région sont les seuls à présenter une véritable diversification de leurs exportations-: - les îles Fidji vendent de la canne à sucre, du coprah, du bois, des produits manufacturés. - la Papouasie - Nouvelle-Guinée, grâce à ses richesses naturelles, exporte du thé, du café, du cacao, du coprah, de l'or, du cuivre, etc. Les importations révèlent de profonds écarts en quantité (par habitant), mais de profondes similitudes dans leur composition qualitative: la part des produits manufacturés l'emporte (50 % minimum); les produits alimentaires suivent, avec 20 % environ. TAUX DE COUVERTURE DES EXPORTATIONS PAR LES IMPORTATIONS % ÉTATS ET TERRITOIRES :1 500 ]-+----------j- n PG : Papouasie - Nouvelle-Guinée GM : Guam (données 1984) SL : Salomon NR : Nauru ,.- - ,.- ,.- / 100 - - - - 50 - - " nn " PG GM SL NR NC VN FJ TG sa SA PF Pl SOLDE COMMERCIAL PAR HABITANT milliers de F CFP 1 000 800 600 400 NC : Nouvelle-Calédonie VN : Vanuatu FJ : Fidji TG : Tonga SO : Samoa occidentales SA : Samoa américaines 100 PF : Polynésie française Pl : Pacifique insulaire (ensemble des pays ci-dessus et Cook, Kirabi, Mariannes du Nord, Niue, Tuvalu) 200 ----- e solde nul -200 -400 -600 PG GM SL NR NC VN FJ TG sa SA PF Pl NATURE DES ÉCHANGES IMPORTATIONS 80 60 40 EXPORTATIONS produits du secteur primaire 20 PG GM SL NR NC VN FJ TG sa SA PF Pl Source: Commission du Pacifique Sud, Guam Annual Economie Review 1987 Fig. 1: Commerce extérieur des États du Pacifique Sud (1985) Importations déficit croissant (en$ australien, par habitant) 20 ooo T--l!!TTTTT!-T--TJ::+=t=R=="f"=f=f=i::::::=m 1 i llllili --1-- 1 11 ilS·A•1 1 Taux de couverture 100% ÉCHANGES TRÈS , =--]: 1 , Z"j:+j excédent -:!· · .T · fi c;,"< j: ;->ff •Djcroissant 1 i ---- ---1--- :/ GROS EXCÉDENT l 000 1 7 COMMERCIAL-== 10 000 i TG VN .J· - ' ÉCHANGES -- ____ DÉSÉQU 1 LI BRÈS 100 10 FJ : Fidji GM: Guam NR : Nauru ! ! 1 1 NC : Nouvelle-Calédonie 100 1 000 10 000 Exportations (en$ australien, par habitant) PG : Papouasie - Nouvelle-Guinée PF : Polynésie française SL : Salomon SA : Samoa américaines SO : Samoa occidentales TG : Tonga VN : Vanuatu Sources: CPS Commerce extérieur des États du Pacifique Sud, 1985 Fig. 2: Échanges de quelques États du Pacifique Sud (1985) Le déséquilibre des échanges est à la fois d'ordre quantitatif et d'ordre structurel: il révèle l'absence de diversification dans les domaines agricole et industriel. La diffusion des modes de vie occidentaux entraîne le recours à des importations de biens manufacturés, alimentaires et d'équipement non fabriqués sur place. Les échanges inégaux affectent plus particulièrement les Territoires sous tutelle comme Guam, les Samoa américaines, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française où les besoins des bases militaires et les injections monétaires des pays tutélaires accroissent sensiblement les importations: le modèle de consommation se calque directement sur celui des lointaines métropoles par le biais de l'intégration politique (Fig. 2). LA DESSERTE MARITIME DU PACIFIQUE Jusqu'en 1850, les mouvements de navires étaient occasionnels, réduits à quelques missions exploratoires ou de pêche. Dans la seconde moitié du XIX 8 siècle, le développement des migrations de peuplement des Européens en Océanie accélère la création de nouvelles lignes et provoque l'émergence de trois ports qui, outre leur vocation propre, ont une vocation de port transitaire en bordure du Pacifique: Sydney en Australie, la colonie britannique la plus peuplée et la plus dynamique; Valparaiso au Chili, relais entre l'Europe et l'Océanie par le détroit de Magellan; San Francisco, point de rupture de ch,arge entre le train (transportant les marchandises en provenance d'Europe et des Etats du Nord-Est américain) et le bateau à destination de l'Océanie. Les principales liaisons maritimes s'établissent entre ces trois pôles et ignorent, à de rares exceptions près, la majorité des archipels traversés. L'ouverture du canal de Panama entraîne la suppression de l'escale de Valparaiso et une forte croissance du trafic de l'Océanie avec l'Europe, la puissance tutélaire, et les États-Unis. La deuxième guerre mondiale révèle l'importance stratégique du Pacifique occidental et septentrional. Dans les années 60, d'importants travaux d'équipement sont réalisés dans les principaux ports océaniens afin de les adapter aux nouvelles conditions du transport maritime (port en eau profonde accessible aux bâtiments à fort tirant d'eau, entrepôts, cuves à pétrole, longueur de quais, etc.). Presque tous les territoires de plus de 100 000 habitants sont alors équipés d'un port accessible aux cargos internationaux (Apia, Pago-Pago, Port-Moresby). L'organisation du réseau s'appuie sur une hiérarchisation des lignes. Le tracé des grandes routes internationales répond à deux conditions essentielles: la complémentarité des marchés, aussi bien riverains (États-Unis, Japon, Océanie, Amérique du Sud) que lointains (Moyen-Orient, Europe), et la répartition des lieux de passage entre les océans Pacifique, Atlantique et Indien, points de concentration du trafic entre ces différents marchés. Les principales routes maritimes du Pacifique, comme celles de l'océan Atlantique d'ailleurs, le traversent d'est ou nord-est en ouest ou sud-ouest (Amérique du Nord - Asie, Amérique du Nord- Australie; Europe - Australie, etc.) ou longent les côtes (Amérique du Nord - Amérique du Sud; Océanie - Asie du Sud-Est). Quelques grandes compagnies maritimes mondiales sillonnent cet océan, mais n'effectuent pas d'escales systématiques dans tous les ports à vocation internationale. En effet, l'accroissement de l'autonomie et du rayon d'action des navires marchands a entraîné la suppression de certaines escales, peu attrayantes au regard du volume débarqué, malgré les améliorations apportées aux infrastructures. La configuration du réseau régional souligne la dépendance des échanges vis-à-vis des métropoles océaniennes: il existe ainsi quelques liaisons directes entre l'Australie et Nauru, Tuvalu, les îles Salomon et le Vanuatu, entre la Nouvelle- Zélande, Cook et Niue, les îles Tonga et les îles Samoa. En 1977, afin de renforcer la coopération économique et de maîtriser leur desserte, quelques Territoires du Pacifique, nouvellement émancipés, se sont associés à l'Australie et à la Nouvelle- Zélande, qui assurent la majorité du financement, pour créer un service à vocation régionale, la PACIFIC FORUM LINE. La ligne part d'Australie et dessert les ports de Papouasie - Nouvelle-Guinée, des îles Salomon, de Nouvelle-Calédonie, des îles Fidji et des îles Samoa. Très rapidement, ce service a connu de grosses difficultés financières: il a fallu faire appel à la générosité du principal actionnaire, l'Australie, qui a comblé d'année en année, par des subventions, un déficit croissant. Les raisons de cet échec résident dans l'irrégularité du service, la faiblesse des flux, l'absence de complémentarité économique entre les États traversés, la concurrence d'autres compagnies internationales qui utilisent des routes similaires, et le manque de capitaux de r,éserve. En 1986, la compagnie a bénéficié de subventions de la Communauté Economique Européenne (CEE) qui lui ont permis d'investir, de rationnaliser son fonctionnement (amélioration des coefficients de remplissage, économies d'échelle) et d'accroître sa compétitivité. slle a réussi en 1988 à dégager quelques profits et compte desservir de nouveaux Etats (Kiribati, îles Marshall). Le réseau de cabotage (réseau interinsulaire) est en général bien développé dans les limites de chaque territoire. Les lignes convergent toutes vers un, et parfois deux, ports qui assurent le relais entre les îles et le monde extérieur (Rarotonga aux îles Cook, Nuku'alofa aux îles Tonga). L'absence d'un véritable réseau régional explique le rôle d'escale internationale, le seul qui puisse être valorisé par les ports du Pacifique, et leur faible degré de hiérarchisation. L'émergence de ports comme Honolulu (Hawaï), Agana (Guam) et Suva (îles Fidji) tient à leur situation avantageuse à l'intersection de plusieurs routes, à leurs équipements, à la population desservie et à l'existence de bases militaires. Nouméa et Papeete sont deux ports attractifs de la région, grâce à leurs excellents équipements: plusieurs lignes y convergent en provenance d'Amérique, d'Asie, d'Europe et d'Océanie. Le port de Nouméa, dont les échanges sont composés à 80 % par le minerai de nickel, ses dérivés ou les produits servant à sa transformation, atteint un trafic de 3,2 millions de tonnes en 1986. Papeete, capitale d'un territoire pourtant plus peuplé (190 000 hab. contre 155 000), n'atteint pas 1 million de tonnes, composées surtout d'importations. ATLAS DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE- Planches 96-97

Les transports en Polynésie Française : planches 96-97horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers16-08/38912.pdf · accusés à Guam, en Polynésie française et aux

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LES TRANSPORTS ,

EN POLYNESIE FRANÇAISE

1 - PAPEETE, ' UN PORT A DOUBLE VOCATION

"Dans le Pacifique Sud, l'obstacle du vide océanique a longtemps arrêté les échanges. Les distances sont trop grandes pour des populations peu nombreuses et des produits d'un tonnage total faible." (F. Doumenge - 1966).

Au XIXe siècle, les grandes compagnies maritimes sillonnent le "Grand Océan" et ouvrer:t de nouvelles routes: les sociétés insulaires se trouvent alors connectées pour la première fois au réseau maritime international. La rupture de leur isolement se traduit par une domination politique croissante, culturelle et économique, d'États extérieurs à la région. Au xx• siècle, dans les années 60 et 70, les Territoires se libèrent de leurs puissances tutélaires (décolonisation, indépendance-association, statuts d'autonomie, etc.). Parallèlement, les améliorations apportées dans les transports maritimes et surtout aériens leur permettent de poursuivre leur désenclavement, souvent aux dépens de leur indépendance économique: les importations supplantent de plus en plus les productions locales peu diversifiées.

LES ÉCHANGES DÉSÉQUILIBRÉS DES TERRITOIRES INSULAIRES DU PACIFIQUE

Les richesses du sol et du sous-sol, le poids démographique, le niveau de vie de la population, le qynamisme des activités économiques conditionnent les échanges extérieurs d'un Etat. Dans l'ensemble, les Territoires du Pacifique Sud se caractérisent par un fort déséquilibre de ces échanges (Fig. 1 ).

À l'exception de Nauru, de la Papouasie - Nouvelle-Guinée et des îles Salomon, les balances commerciales présentent des comptes déficitaires. Ils sont particulièrement accusés à Guam, en Polynésie française et aux Samoa américaines, malgré l'existence dans ces dernières d'une ressource très rémunératrice (le thon): le taux de couverture des importations par les exportations atteint 6 % à Guam et en Polynésie française, et le déficit par habitant, 850 000 F CFP à Guam, 60 000 en Polynésie française et 300 000 aux Samoa américaines (1 F CFP = 0,055 FF).

Les exportations se répartissent en trois types et couvrent une gamme restreinte de produits; une ou deux denrées composent en général l'essentiel des ventes (au moins 75 %).

a. Une ou deux productions du secteur primaire: le coprah pour les Samoa occidentales, les îles Tonga, le Vanuatu; le coprah et les perles pour la Polynésie française; le coprah et le bois pour les îles Salomon; le poisson en conserve pour les Samoa américaines.

b. Un minerai: le nickel pour la Nouvelle-Calédonie, le phosphate pour Nauru.

c. Des exportations diversifiées - les deux États les plus peuplés de la région sont les seuls à présenter une véritable diversification de leurs exportations-:

- les îles Fidji vendent de la canne à sucre, du coprah, du bois, des produits manufacturés.

- la Papouasie - Nouvelle-Guinée, grâce à ses richesses naturelles, exporte du thé, du café, du cacao, du coprah, de l'or, du cuivre, etc.

Les importations révèlent de profonds écarts en quantité (par habitant), mais de profondes similitudes dans leur composition qualitative: la part des produits manufacturés l'emporte (50 % minimum); les produits alimentaires suivent, avec 20 % environ.

TAUX DE COUVERTURE DES EXPORTATIONS PAR LES IMPORTATIONS

% ÉTATS ET TERRITOIRES

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GM : Guam (données 1984)

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(ensemble des pays ci-dessus et Cook, Kirabi, Mariannes du Nord, Niue, Tuvalu)

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NATURE DES ÉCHANGES

IMPORTATIONS

80

60

40

EXPORTATIONS

produits du secteur primaire 20

PG GM SL NR NC VN FJ TG sa SA PF Pl

Source: Commission du Pacifique Sud, Guam Annual Economie Review 1987

Fig. 1: Commerce extérieur des États du Pacifique Sud (1985)

Importations déficit croissant (en$ australien, par habitant)

20 ooo T--l!!TTTTT!-T--TJ::+=t=R=="f"=f=f=i::::::=m 1 i llllili --1-- 111 ilS·A•11

Taux de couverture 100%

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PG : Papouasie - Nouvelle-Guinée PF : Polynésie française SL : Salomon SA : Samoa américaines

SO : Samoa occidentales TG : Tonga VN : Vanuatu

Sources: CPS Commerce extérieur des États du Pacifique Sud, 1985

Fig. 2: Échanges de quelques États du Pacifique Sud (1985)

Le déséquilibre des échanges est à la fois d'ordre quantitatif et d'ordre structurel: il révèle l'absence de diversification dans les domaines agricole et industriel. La diffusion des modes de vie occidentaux entraîne le recours à des importations de biens manufacturés, alimentaires et d'équipement non fabriqués sur place. Les échanges inégaux affectent plus particulièrement les Territoires sous tutelle comme Guam, les Samoa américaines, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française où les besoins des bases militaires et les injections monétaires des pays tutélaires accroissent sensiblement les importations: le modèle de consommation se calque directement sur celui des lointaines métropoles par le biais de l'intégration politique (Fig. 2).

LA DESSERTE MARITIME DU PACIFIQUE

Jusqu'en 1850, les mouvements de navires étaient occasionnels, réduits à quelques missions exploratoires ou de pêche. Dans la seconde moitié du XIX 8 siècle, le développement des migrations de peuplement des Européens en Océanie accélère la création de nouvelles lignes et provoque l'émergence de trois ports qui, outre leur vocation propre, ont une vocation de port transitaire en bordure du Pacifique: Sydney en Australie, la colonie britannique la plus peuplée et la plus dynamique; Valparaiso au Chili, relais entre l'Europe et l'Océanie par le détroit de Magellan; San Francisco, point de rupture de ch,arge entre le train (transportant les marchandises en provenance d'Europe et des Etats du Nord-Est américain) et le bateau à destination de l'Océanie. Les principales liaisons maritimes s'établissent entre ces trois pôles et ignorent, à de rares exceptions près, la majorité des archipels traversés. L'ouverture du canal de Panama entraîne la suppression de l'escale de Valparaiso et une forte croissance du trafic de l'Océanie avec l'Europe, la puissance tutélaire, et les États-Unis.

La deuxième guerre mondiale révèle l'importance stratégique du Pacifique occidental et septentrional. Dans les années 60, d'importants travaux d'équipement sont réalisés dans les principaux ports océaniens afin de les adapter aux nouvelles conditions du transport maritime (port en eau profonde accessible aux bâtiments à fort tirant d'eau, entrepôts, cuves à pétrole, longueur de quais, etc.). Presque tous les territoires de plus de 100 000 habitants sont alors équipés d'un port accessible aux cargos internationaux (Apia, Pago-Pago, Port-Moresby).

L'organisation du réseau s'appuie sur une hiérarchisation des lignes. Le tracé des grandes routes internationales répond à deux conditions essentielles: la complémentarité des marchés, aussi bien riverains (États-Unis, Japon, Océanie, Amérique du Sud) que lointains (Moyen-Orient, Europe), et la répartition des lieux de passage entre les océans Pacifique, Atlantique et Indien, points de concentration du trafic entre ces différents marchés.

Les principales routes maritimes du Pacifique, comme celles de l'océan Atlantique d'ailleurs, le traversent d'est ou nord-est en ouest ou sud-ouest (Amérique du Nord - Asie, Amérique du Nord- Australie; Europe - Australie, etc.) ou longent les côtes (Amérique du Nord - Amérique du Sud; Océanie - Asie du Sud-Est). Quelques grandes compagnies maritimes mondiales sillonnent cet océan, mais n'effectuent pas d'escales systématiques dans tous les ports à vocation internationale. En effet, l'accroissement de l'autonomie et du rayon d'action des navires marchands a entraîné la suppression de certaines escales, peu attrayantes au regard du volume débarqué, malgré les améliorations apportées aux infrastructures.

La configuration du réseau régional souligne la dépendance des échanges vis-à-vis des métropoles océaniennes: il existe ainsi quelques liaisons directes entre l'Australie et Nauru, Tuvalu, les îles Salomon et le Vanuatu, entre la Nouvelle­Zélande, Cook et Niue, les îles Tonga et les îles Samoa. En 1977, afin de renforcer la coopération économique et de maîtriser leur desserte, quelques Territoires du Pacifique, nouvellement émancipés, se sont associés à l'Australie et à la Nouvelle­Zélande, qui assurent la majorité du financement, pour créer un service à vocation régionale, la PACIFIC FORUM LINE. La ligne part d'Australie et dessert les ports de Papouasie - Nouvelle-Guinée, des îles Salomon, de Nouvelle-Calédonie, des îles Fidji et des îles Samoa. Très rapidement, ce service a connu de grosses difficultés financières: il a fallu faire appel à la générosité du principal actionnaire, l'Australie, qui a comblé d'année en année, par des subventions, un déficit croissant. Les raisons de cet échec résident dans l'irrégularité du service, la faiblesse des flux, l'absence de complémentarité économique entre les États traversés, la concurrence d'autres compagnies internationales qui utilisent des routes similaires, et le manque de capitaux de r,éserve. En 1986, la compagnie a bénéficié de subventions de la Communauté Economique Européenne (CEE) qui lui ont permis d'investir, de rationnaliser son fonctionnement (amélioration des coefficients de remplissage, économies d'échelle) et d'accroître sa compétitivité. slle a réussi en 1988 à dégager quelques profits et compte desservir de nouveaux Etats (Kiribati, îles Marshall).

Le réseau de cabotage (réseau interinsulaire) est en général bien développé dans les limites de chaque territoire. Les lignes convergent toutes vers un, et parfois deux, ports qui assurent le relais entre les îles et le monde extérieur (Rarotonga aux îles Cook, Nuku'alofa aux îles Tonga).

L'absence d'un véritable réseau régional explique le rôle d'escale internationale, le seul qui puisse être valorisé par les ports du Pacifique, et leur faible degré de hiérarchisation. L'émergence de ports comme Honolulu (Hawaï), Agana (Guam) et Suva (îles Fidji) tient à leur situation avantageuse à l'intersection de plusieurs routes, à leurs équipements, à la population desservie et à l'existence de bases militaires.

Nouméa et Papeete sont deux ports attractifs de la région, grâce à leurs excellents équipements: plusieurs lignes y convergent en provenance d'Amérique, d'Asie, d'Europe et d'Océanie. Le port de Nouméa, dont les échanges sont composés à 80 % par le minerai de nickel, ses dérivés ou les produits servant à sa transformation, atteint un trafic de 3,2 millions de tonnes en 1986. Papeete, capitale d'un territoire pourtant plus peuplé (190 000 hab. contre 155 000), n'atteint pas 1 million de tonnes, composées surtout d'importations.

ATLAS DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE- Planches 96-97

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Atlas de la Polynésie française

FLUX DES MARCHANDISES DU TRAFIC INTERNATIONAL DE PAPEETE (POIDS)

-- - ----------.---~=== moins de 0.5 0,5 6 15 40

100 En milliers de tonnes par an

250

TYPE D'l':VOLUTION DU TRAFIC ENTRE 1983ET1987

indice - Croissance forte et continue

Croissarce heurtée

Stagnation relative

100

- Baisse heurtée

- Baisse constante

1983 1984 1985 1986 1987 année 30'

Sources : Port Autonome de Papeete

0 20km

Maupiti L___J 120" 180" Longitude Ouest de Greenwich

t

FRET IDENTIFIÉ DE PAPEETE VERS LES ÎLES EN 1987 0 100 km 147°

17° 17'

152° 151°

Maiao b}-

111·

'--------------~ 149'

19°

0 100 km L---1

Sources : Services des Douanes Services des Transports Maritimes lnterinsulaires

152' 151° 150'0

UNITI': DE CARTOGRAPHIE DE L'ORSTOM <e ORSTOM 1993

Tetiaroa (/ ..... . "'

1

0 20km L----1

TRAFIC ENTRE PAPEETE ET LES ARCHIPELS

40

En milliers de tonnes par an

Produits vendus à l'aventure

L___J

17'

Anaai: .. , ..

0 100 km l__J

TRAFIC Rt:PARTI PAR ÎLE

En tonnes par an 4 ooo 1000

100~ -moins-de100 ·

@ Site militaire

Produits de destination connue.

149' 148°

0

15'

143'

2000 Km

LES TRANSPORTS MARITIMES

P.G. ; Papouasie-Nouvelle Guinée S.O. : Samoa Occidental VN · Vanuatu FJ : Fidji

N.C. Nouvelle-Calédonie TG Tonga CK fies Cook

120' 90' 30' O' Méridien International

0 100 km 140" L___J

CARTE DE SITUATION

20"

Fatu H1v.a

Îles Sous­le-Vent

-~---- '-PukaPuka

147°

1 ~, Fakahina

/

/ /

/

1

Hereheretue'it.1.. - - - - - -.i._

' ' Anuanuraro ~ _ _::. ~ N ukut~pipi ._ _ ',__

/

, Rekareka /"

/ /

Teuate )~

/

0 100 km l__J

146'

Tuamotu-Tahiti " et, Centre ---~--~

139°

---- Tatakoto

145'

Tuamotu-Est Gambier

Planche établie par B. REITEL - ORSTOM 96

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LES ÉCHANGES INTERNATIONAUX DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

En 1987, la Polynésie a importé pour 500 000 F CFP de marchandises par habitant et en a exporté pour 45 000 F CFP seulement, y compris les exportations du Centre d'Expérimentations du Pacifique (CEP). Une balance commerciale chroniquement déficitaire, un taux de couverture des importations par les exportations oscillant selon les années entre 5 et 8 % illustrent la dépendance dans laquelle se trouve le Territoire par rapport à l'extérieur.

LA DUALITÉ DES ÉCHANGES L'importance du secteur militaire et stratégique conduit à distinguer deux catégories de marchandises:

- le matériel importé sur le Territoire pour le CEP, transporté directement ou indirectement (via Papeete) entre la France et les sites d'expérimentation nucléaire (Moruroa, Hao) par des compagnies françaises (COTAM ou UTA par voie aérienne et CGM par voie maritime). Il est en partie réexporté, après utilisation, vers la France. Ce matériel, comptabilisé dans les échanges commerciaux, n'est pas enregistré sous une rubrique précise dans la nomenclature des produits: il représente, en 1987, environ 5 milliards de F CFP, soit 80 % de la valeur des exportations vers la France et 55 % de la valeur des exportations totales. De même, on peut estimer la part du CEP dans les importations à 12 % du total, soit environ 10 milliards de F CFP.

- les marchandises civiles, en majorité composées d'importations qui transitent toutes par le port de Papeete ou l'aéroport de Faaa et sont destinées au marché intérieur.

Cette dualité des échanges aboutit à une surestimation du taux de couverture, qui varie en réalité entre 3 et 5 % : "Aucune balance commerciale exacte ne peut être établie car il y a des mouvements d'importation et d'exportation réalisées par le CEP et le Commissariat à !'Énergie Atomique qui sont comptés dans les exportations sans l'être dans les importations. Cette situation, volontairement opaque, est liée aux secrets de défense nationale" (Mathieu - 1988).

La population bénéficie d'un niveau de vie et dispose d'un pouvoir d'achat élevés, mais la faiblesse et le manque de diversification de la production locale l'obligent à recourir à des importations massives. De plus, le budget territorial est alimenté principalement par un système fiscal indirect: taxes d'entrée et droits de douane perçus sur les importations. Une baisse de ces dernières se traduirait par une réduction des recettes budgétaires si bien que, paradoxalement, le Territoire a intérêt à les maintenir à un haut niveau.

LES PARTENAIRES COMMERCIAUX ET LA NATURE DES ÉCHANGES En 1987, la Polynésie française a exporté 18 000 tonnes de marchandises pour une valeur de 9 milliards de F CFP (y compris les exportations réalisées par le CEP). Les exportations civiles sont estimées à 4 milliards de F CFP pour un poids d'environ 13 000 tonnes: depuis 1966, date de la fermeture de la mine de phosphate de Makatea, les produits agricoles en composent la majorité. Les produits dérivés de la noix de coco (coprah, huile de coprah, parfumerie) représentent 60 % du volume des exportations et ont rapporté 400 millions de F CFP en 1987. Depuis 1985, les ventes de perles constituent la première recette (2 251 millions de F CFP en 1987). Le Territoire vend aussi des droits de pêche à des chalutiers d'origine asiatique, pour 400 millions de F CFP. Les autres produits n'ont qu'une importance limitée, malgré la volonté politique de diversifier les productions primaires pour l'exportation (plan de développement de la vanille, installation d'usines de jus de fruits, etc.). Quatre pays absorbent à eux seuls 95 % (en valeur) des exportations dominées dans chaque cas par un ou deux produits (cf. Fig. 5): le c:oprah et des produits divers (matériel militaire) vers la France, les perles vers les Etats-Unis, les perles et le poisson vers le Japon, des produits divers (matériel d'équipement, armement militaire, mobilier des fonctionnaires, etc.) vers la Nouvelle-Calédonie.

Chaque partenaire commercial a développé sur le marché un ou plusieurs créneaux, en fonction des besoins du Territoire et de la nature de ses propres productions. Les produits alimentaires proviennent essentiellement de Nouvelle-Zélande et des États­Unis (viande, laitages, fruits et légumes frais), des Pays-Bas (farine) et de France (vins, eaux minérales, jus de fruits, sucre, farine, laitages, conserves). Les matériaux de construction sont importés principalement du Chili, de Corée du Sud et des Pays-Bas (ciment), de Nouvelle-Zélande et de Belgique (ciment, acier), de France (acier, tôle), d'Italie (brique) et des États-Unis (bois). Singapour et l'Australie fournissent la quasi­totalité du pétrole consommé sur place. Quant aux produits divers, ils arrivent de France (véhicules, produits pharmaceutiques, matériel d'équipement, mobilier, etc.), de la CEE (automobiles, matériel d'équipement) et du Japon (véhicules, appareils électriques).

LES ÉCHANGES ET LES MODES DE TRANSPORT L'acheminement des marchandises dans cet espace insulaire repose sur la complémentarité entre la voie maritime et la voie aérienne. Le prix d'un article sur le ·marché polynésien intègre son prix de revient, le prix du fret, les marges bénéficiaires de l'importateur et du vendeur, les droits de douane et taxes d'entrée. Le coût du fret conditionne le choix du mode de transport: si par avion il dépasse un certain rapport entre le poids et la valeur, il risque de rendre la marchandise non compétitive par rapport à la même marchandise transportée par bateau. Le recours à l'avion est encore exceptionnel : 1,5 % du volume de fret échangé. Mais cette part, supérieure à 9 % pour tous les pays du Pacifique, Nouvelle-Zélande et Australie en tête, diminue au fur et à mesure que s'accroît la distance vis-à-vis de Tahiti, et devient même négligeable pour l'Asie du Sud-Est avec laquelle il n'y a pour le moment aucune relation aérienne régulière (Fig. 3). Le bateau reste donc le mode de transport préférentiel pour tous les produits pondéreux (minerais, énergie), de consommation usuelle (véhicule, électroménager, outillage, etc.) ou alimentaires courants.

Part du fret aérien dans les échanges de marchandises

Fret aérien (en tonne) • entre9 % et 10 %

4 000

3 000

2 000

1 000

0

Nouvelle-Zélande

entre 3 % et 4 %

D moins de 1 %

Australie Amérique du Nord

Europe (France)

Pacifique insulaire 1

(Fidji)

il Amérique du Sud Asie du Sud-Est 1 i

. ~ ~ ~~~~~-,----,--,Lli Distance à Tahiti

(en km) 3500 4100 6200 6600 8000 11 000 16 000

Sources: Direction Générale de !'Aviation Civile - Port Autonome

Fig. 3: Fret aérien et maritime et distance des marchés (1987)

LA DESSERTE DE TAHITI ET DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

Sur les trois ports du Territoire qui sont reliés directement avec l'extérieur, un seul, Papeete, peut réellement être qualifié de port à vocation internationale. En tant que ports militaires, pour des raisons stratégiques, Hao et Moruroa sont desservis mensuellement par les services réguliers de la seule compagnie française présente dans le Pacifique, la COMPAGNIE GÉNÉRALE MARITIME (CGM): les relations s'effectuent uniquement avec la France ou Papeete. Leur existence, même s'ils sont en partie desservis par les lignes civiles, repose sur des flux bien particuliers.

PAPEETE, UN PORT À VOCATION INTERNATIONALE Papeete, en revanche, présente les caractéristiques des ports du Pacifique soulignées plus haut: les compagnies exploitent cette escale sur les lignes partant d'Amérique du Nord ou d'Europe en direction de l'Australie ou de la Nouvelle-Zélande, essentiellement pour s'y ravitailler. Grâce aux réductions du temps de manutention, un bateau s'arrêtant à Tahiti ne perd que 3 jours par rapport à une liaison directe. Il compense en général largement cette perte de temps par le déchargement d'un volume de fret important. D'ailleurs, pour toutes les compagnies, le port de Papeete est uniquement un port de débarquement. L'étude des liaisons porte donc, tout naturellement, plus sur les provenances que sur les destinations des bateaux. La forte concurrence dans le transport maritime mondial affecte l'activité du port et explique les changements intervenus récemment dans sa desserte. Actuellement, la ligne qui le relie à l'Europe présente, malgré la distance, la plus forte fréquentation (huit services différents en 1988).

Il n'en a pas toujours été ainsi puisque, avant l'ouverture du canal de Panama en 1914, les navires américains ou néo-zélandais étaient si nombreux dans le port que les autorités des Établissements Français d'Océanie déploraient l'absence de relations maritimes suivies avec la France. Les MESSAGERIES MARITIMES ouvrent une liaison régulière avec la métropole dans les années 20: "le rôle commercial de

Tableau 1: Compagnies internationales présentes à Tahiti en 1988

r Liaison Compagnie Nationalité Fréquence

Provenance 1

annuelle r

1

CGM France 12 Europe

COLUMBUS RFA 6 Europe

BANK Royaume-Uni 12 Europe

EUROPE - NEDLLOYD Pays-Bas 12 Europe

PACIFIQUE SUD POLISH OCEAN Pologne 12 Europe

HYUNDAI Corée du Sud 16 Europe

OCEAN STAR CONTAINER Royaume-Uni 16 Europe

EUROPACIFIC Joint Venture 14 Europe

AMÉRIQUE DU NORD -POLYNESIA Etats-Unis 12 Californie

BLUE STAR Royaume-Uni 12 Canada - Californie PACIFIQUE SUD

NEDLLOYD Pays-Bas 12 Canada - Californie NEDLLOYD Pays-Bas 6 Pérou - Chili

AMÉRIQUE DU SUD - COMPANIA SUD AME RICANA Chili 12 Chili DE VAPORES PACIFIQUE SUD

COMPANIA CH ILE NA Chili 6 Chili NAVIGACION INTEROCANIA

BALI HAI Japon, Hong-Kong 12 Corée - Japon ASIE DU SUD-EST -

KYOWA SHIPPING Japon 9 Japon - Asie Sud-Est PACIFIQUE SUD

Asie du Sud-Est BAUDRY Corée 4

OCÉANIE - TAHITI LINE Polynésie Nelle_zélande

PACIFIQUE SUD SHIPPING CORPORATION Nelle_zélande Nelle_zélande

la France est encore médiocre: 37 % des importations; 17 % des exportations (_1927). Elle l'emporte sur la Nouvelle-Zélande, mais elle est très distancée par les Etats-Unis" (VIDAL DE LA BLACHE - GALLOIS). La dépendance politique ne se traduit pas encore dans le domaine économique. Avec l'implantation du CEP, les échanges avec la France se multiplient et le rôle des MESSAGERIES MARITIMES devient prépondérant. Les travaux d'équipement réalisés entre 1964 et 1967 à Tahiti et sur les sites nucléaires nécessitent le transport de gros volumes de matériaux. L'accroissement concomittant de la population métropolitaine disposant d'un fort pouvoir d'achat va entraîner une augmentation de la consommation et donc provoquer le développement du trafic maritime.

UNE CONCURRENCE ACCRUE SUR LES LIGNES EN PROVENANCE D'EUROPE En 1988, sur les huit compagnies qui desservent l'île au départ des principaux ports d'Europe (Hambourg, Rotterdam, Le Havre, Anvers, Marseille), quatre étaient présentes 10 ans auparavant (Tableau 1). Des compagnies "outsiders" se sont implantées progressivement, la POUSH OCEAN UNE en 1978, la HYUNDAI MERCHANT MARINE et la OCEANSTARS CONTAINER UNE en 1986, et l'EUROPACIFIC UNE en 1987. En pratiquant des tarifs de fret plus avantageux que les compagnies régulières, elles ont relancé la concurrence, si bien qu'en deux ans les tarifs ont baissé de 30 à 40 %. Les quatre compagnies régulières, pour lutter contre les nouvelles venues, ont formé une alliance, l"'EUROCEANIA FRET CONFERENCE", qui assurait une coordination des dessertes maritimes (échelonnement des départs d'Europe, couverture de certains ports, répartition des produits) et surtout des tarifs de fret. Cette alliance, qui a été partiellement remise en cause en 1988 (suppression de la coordination de desserte, maintien de l'entente tarifaire), a cependant permis un rééquilibrage des tarifs et des prestations. Pour accroître leurs· parts de marché, les compagnies misent plus, à présent, sur la qualité du service: régularisation des fréquences (rotations à date fixe), rapidité des navires (desserte de quelques ports clés), etc., que sur les bas tarifs. D'autant plus que l'augmentation de la fréquence des navires dans le port a incité les importateurs à diminuer leurs stocks (stocks flottants).

Le nouvel attrait exercé par Papeete sur les compagnies en provenance d'Europe est motivé par des considérations diverses qui sont souvent extérieures aux seuls atouts du Territoire.

a. Depuis le milieu des années 70, le transport maritime international est entré dans une phase de stagnation : la concurrence s'accroît, notamment sur les liaisons et dans les ports les plus fréquentés. Les compagnies cherchent à exploiter de nouveaux marchés en créant de nouvelles lignes, de rentabilité plus aléatoire.

b. En dépit de perspectives de développement limitées, le Pacifique Sud offre aux compagnies une complémentarité de charges. Elles affrètent des navires de petite dimension (entre 10 000 et 50 000 tonnes), souvent vétustes, qui, chargés en Europe, déversent leurs produits au fur et à mesure de leur parcours en commençant par Tahiti, puis sur le chemin du retour, à partir de la Nouvelle-Calédonie, se remplissent à nouveau jusqu'en Europe.

c. La période de colonisation a marqué la mainmise, politique d'abord, puis économique, du vieux continent sur l'Océanie. De grandes maisons de commerce européennes ont pu alors créer des lignes unissant les colonies du Pacifique à leurs métropoles. Actuellement, les liens économiques et commerciaux demeurent étroits, bien que les colonies se soient émancipées.

Les nouvelles compagnies s'installent donc en fonction de motifs purement économiques, au besoin en cassant les prix, quitte à les remonter quelques mois plus tard, une fois qu'elles disposent d'une clientèle établie (HYUNDAI, OCEANSTARS CONTAINER UNE, EURO PACIFIC UNE). L'implantation de la POLISH OCEAN UNE repose sur d'autres intérêts. Cette compagnie d'État pratique des prix très concurrentiels, à la limite de la rentabilité, et désire avant tout, par le biais du commerce maritime, s'approvisionner en devises échangeables (dollars américains ou autres monnaies occidentales).

Destination Nature du fret Année d'implantation Part du trafic

en 1987

Nouméa - Singapour - Europe divers, conteneurs 1932 19,8%

Pacifique Sud - Australie - Singapour - Europe divers, conteneurs 1977 3,2 %

Pacifique Sud - Australie - Singapour - Europe divers, conteneurs 1952 2,9%

Pacifique Sud et occasionnellement Europe divers, conteneurs 1960 3,5 %

Nouméa - Nelle_zélande - Singapour - Europe divers, conteneurs 1978 11.7 %

Nouméa - Australie - Pacifique Sud - Europe divers, conteneurs 1986 4,4 % 1

Nelle_zétande -Australie - Asie du Sud-Est - Europe divers, conteneurs 1986 0,6 %

Nouméa-W 11 e-Zélande - Australie -- Pacifique Sud - Europe divers, conteneurs 1987 4,1 %

Samoa - Amérique du Nord divers, conteneurs 1966 4,2%

Samoa - Fidji - Nelle_zélande 1 divers, conteneurs, bois 1988 1

Australie - Océan Indien - Afrique du Nord - Brésil - Californie divers, conteneurs 1960 6,60%

Papouasie-Nelle_Guinée-Asie du Sud-Est-Japon -Équateur-Pérou divers, conteneurs 1984 1 0,90 %

Chili ciment, alimentaire 1987

Chili ciment, divers 4%

Pacifique Sud - Corée divers, conteneurs 1977 3,6 %

Pacifique Sud -Asie du Sud-Est divers, contenueurs 1975 (supprimé en 1988) 1%

Asie du Sud-Est ciment

ciment, divers (supprimé en 1988) 7,1 %

Pacifique Sud - Nelle_zélande divers, conteneurs 0,7 %

Planches 96-97

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LA RÉORGANISATION DES AUTRES LIGNES Depuis deux ans, des modifications sont également intervenues sur les autres lignes. Sur la liaison avec l'Asie, le départ de Papeete de la KYOWA SHIPPING COMPANY, en raison des troubles sociaux d'octobre 1987, a été compensé par la création d'une ligne par l'armateur local Baudry, qui affrète des bateaux en provenance du Sud-Est asiatique (Malaisie, Singapour, Indonésie, Corée du Sud, etc.). Sur la liaison avec les États-Unis, une nouvelle ligne, la BLUE STAR LINE, s'est ouverte en avril 1988.

Mais, après 10 ans d'exploitation, la compagnie tahitienne TAHITI LINE en 1987, et la SHIPPING CORPORATION OF NEW-ZEALAND en 1988, cessèrent l'activité de leurs lignes directes entre Tahiti et la Nouvelle-Zélande. L'absence de fret au départ de Papeete alourdissait considérablement le coût du voyage. Cette opération était rentable aussi longtemps que les produits transportés étaient compétitifs. Or, l'arrivée de produits de même nature que ceux qui étaient transportés, mais à des prix plus bas, en provenance du Sud-Est asiatique ou du Chili (notamment du ciment, du bois, des produits alimentaires) a accéléré le retrait de ces compagnies.

L'ouverture d'une ligne régulière entre le Chili et Tahiti, après plusieurs années d'escales occasionnelles, suscite un nouvel intérêt. Elle risque cependant, à court terme, d'être confrontée aux mêmes difficultés que les lignes qui desservaient la Nouvelle-Zélande, si elle n'est pas prolongée vers d'autres destinations afin de créer des courants supplémentaires. La compagnie NEDLLOYD comptait d'ailleurs créer une ligne Chili-Tahiti-Nouvelle-Zélande en janvier 1989.

PAPEETE, UNE ESCALE OBLIGATOIRE DANS LE PACIFIQUE SUD 7 La situation du transport maritime international à Tahiti peut s'analyser de deux manières contradictoires.

a. L'augmentation de la taille des navires, la stagnation du commerce mondial, le ralentissement de l'activité économique du Territoire et les troubles sociaux ont entraîné une marginalisation de l'escale de Tahiti qui s'observe notamment sur les lignes en provenance de Nouvelle-Zélande, d'Asie et d'Amérique du Nord.

b. Malgré l'étroitesse du marché, la desserte s'est sensiblement améliorée sur la ligne Europe-Pacifique Sud et rééquilibrée avec la création d'une ligne desservant le Chili. Cet optimisme doit être tempéré par deux remarques:

- les lignes qui ont les plus longues durées de vie sont celles qui valorisent l'escale de Tahiti et non celles qui la prennent comme tête de ligne ou comme terminus;

- la suppression de cette escale est favorisée par l'absence de réglementation territoriale et l'origine étrangère de la majorité des compagnies. Tahiti ne contrôle absolument pas sa desserte et se trouve à la merci des politiques des compagnies maritimes internationales.

LES ÉCHANGES PAR COMPAGNIE ET PAR SECTEUR GÉOGRAPHIQUE

Le trafic international de marchandises du port de Papeete s'élève à 684 000 tonnes en 1987 dont 24 000 à l'embarquement (exportations). Les 660 000 tonnes de marchandises débarquées (importations), en augmentation constante depuis 1960, se répartissent essentiellement entre hydrocarbures (317 000 tonnes) et marchandises diverses (341 000 tonnes).

DES COMPAGNIES AU TRAFIC RÉDUIT Le transport des hydrocarbures est assuré par des pétroliers affrétés par les compagnies pétrolières (Mobil, Shell et Total) et gazières (Gaz de Tahiti, Polygaz) présentes sur le Territoire. Dans le trafic de marchandises générales, aucune compagnie n'occupe une place prépondérante comme UTA dans le trafic aérien.

La CGM est l'acteur essentiel de la vie du port. Son statut de compagnie nationale française qui l'habilite à desservir les sites de Hao et Moruroa, ses initiatives (conférence Eurofret), son rôle historique et les relations privilégiées qu'elle entretient avec divers organismes locaux de large audience (Port Autonome, Air Tahiti, la société d'acconage Cowan, etc.) lui confèrent une influence inégalée. Mais elle n'assure plus, en 1987, que 20 % du trafic contre 25 % en 1985, et sa part diminue régulièrement depuis plusieurs années. Cette baisse affecte sensiblement surtout le trafic civil (hors sites militaires), car les marchandises débarquées à Moruroa et Hao pour le compte du CEP (48 000 tonnes en 1987) composent 65 % du fret transporté par la CGM vers la Polynésie française. Les raisons de la présence de cette compagnie ne sont pas uniquement commerciales, mais aussi politiques: elle est particulièrement bien implantée dans les DOM-TOM (ligne Antilles françaises-Guyane, ligne Djibouti­Océan Indien, touchant Djibouti, les Comores, Mayotte, la Réunion et Madagascar). La ligne du Pacifique Sud a été créée pour faciliter la desserte de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie au départ de la France. Jusqu'en juin 1988, cette ligne faisait une boucle: Europe-Tahiti-Vanuatu-Nouvelle-Calédonie, puis retour par l'itinéraire inverse. Le bateau rentrait à vide, par manque de fret retour. Depuis cette date, à partir de Nouméa, le bateau continue son tour du monde vers Singapour (troisième port mondial) pour embarquer du fret à destination de l'Europe, via le canal de Suez. L'ouverture de cette ligne s'inscrit dans une logique plus commerciale au moment où le fret transporté vers le Pacifique Sud stagne, voire diminue.

En 1987, les quatre compagnies de "l'alliance" (BANK LINE, CGM, COLUMBUS, NEDLLOYD) ont réalisé 36,8 % du trafic portuaire contre 20,9 % pour les compagnies "outsiders" (HYUNDAI, JEBSEN, OCEANSTARS, POLISH). La POLISH OCEAN LINE, le plus ancien "outsider" présent, est le deuxième transporteur maritime du Territoire (11,7 % en 1987) (cf. Tableau 1).

UNE NOUVELLE GÉOGRAPHIE DES ÉCHANGES MARITIMES L'analyse de l'évolution récente du trafic des marchandises générales permet de dégager trois tendances principales.

a. Le morcellement, résultat direct de la concurrence: une quinzaine de compagnies transportent chacune quelques milliers de tonnes. Les compagnies européennes (CGM, POLISH, BANK UNE, NEDLLOYD, etc.) en réalisent ensemble 53 %. Le reste du trafic se partage entre les compagnies locales (19 %), les asiatiques (9 %), la nord-américaine (7 %), la néo-zélandaise (5 %), les chiliennes (4 %) et les autres (3 %).

b. L'internationalisation, conséquence du déséquilibre des échanges: les compagnies locales dont le poids ne cesse de s'effondrer, abandonnent leurs activités internationales pour se consacrer à d'autres activités. En 1988, une seule compagnie reste en course.

c. La réorientation géographique des échanges, traduction des différences de dynamisme à l'échelle planétaire: en 1983, quatre régions du monde monopolisent les échanges, l'Europe occidentale (43 %), l'Australie et la Nouvelle-Zélande (32,6 %), l'Amérique du Nord (18,7 %) et l'Asie du Sud-Est (4,4 %). En 1987, la répartition a changé et le Chili est venu s'ajouter à ces quatre ensembles. Divers facteurs expliquent l'évolution de la répartition géographique des échanges:

- l'adoption de modes de consommation proches de ceux de la métropole et l'instauration d'un régime douanier spécifique encouragent doublement l'achat de produits "made in France". Ces caractéristiques sont aussi valables pour les autres pays de la CEE, les exemptions de droits de douane et la présence européenne séculaire dans la région favorisant l'écoulement de leurs produits. Néanmoins, entre 1983 et 1987, la part de la France et de l'Europe dans les importations stagne (43 %).

- les relations de proximité entretenues depuis des décennies avec les États développés, riverains du Pacifique, s'affaiblissent. La part de l'Océanie tombe à 14 % et celle de l'Amérique du Nord, à 16,2 %. Ainsi s'explique la progression de l'Asie (17,6 % du marché en 1987) et du Chili (8 %), pays auparavant absents du marché polynésien et qui ont créé des liaisons afin d'écouler certains de leurs produits (ciment, hydrocarbures), ce qui provoque secondairement une diversification et une croissance de ces nouveaux échanges.

Vue de Tahiti, la fragilisation des liaisons maritimes sur l'axe nord-sud (États-Unis -Nouvelle-Zélande) s'explique donc par un plus grand "dynamisme" sur les axes nord-ouest - sud-est (Asie-Amérique du Sud) et est-ouest (Europe-Océanie). Bien que servant surtout d'escale maritime intercontinentale, Papeete est l'un des ports les mieux desservis du Pacifique.

LE PORT DE PAPEETE: DES FONCTIONS MULTIPLES

Seul lieu du Territoire d'où l'on peut joindre par des services réguliers toutes les autres îles habitées, le port de Papeete assure la connexion d'un archipel à l'autre, et entre ces archipels et le monde extérieur.

UN PORT PROTÉGÉ, JUXTAPOSÉ À LA VILLE Ce port de rade se compose d'un plan d'eau lagonaire de 160 hectares, abrité des vents dominants et autour duquel s'agencent les installations. Il est protégé par une barrière récifale sur laquelle est construite une digue, et communique avec l'océan par une passe naturelle aménagée, large de 100 m et profonde de 11 m. Il se subdivise en quatre entités bien distinctes (Fig. 4).

a. Le front de mer de la ville de Papeete est composé de quais juxtaposés destinés à la plaisance, aux paquebots (quai d'honneur) et aux car-ferries, situés en contact direct avec le centre-ville.

b. Une zone plane en partie remblayée sur le lagon (Fare Ute) prolonge le front de mer vers le nord, associant la base militaire, les dépôts d'hydrocarbures et un vaste ensemble de bâtiments commerciaux, industriels et de services (compagnies maritimes, grossistes, importateurs, etc.).

c. Une route relie la zone plane au récif-barrière remblayé sur lequel prennent appui, côté lagon, les divers quais destinés au trafic interinsulaire, aux navires militaires et à la pêche, à l'ouest, et la nouvelle aire de stockage des hydrocarbures à l'est.

d. L'îlot de Motu Uta, relié par la route, constitue le cœur de la circonscription portuaire: il abrite les services administratifs et de gestion (direction du port, affaires maritimes, douanes, etc.), le quai international et la zone douanière ainsi que des entrepôts, des hangars, des agences maritimes, des compagnies d'acconage ou des ateliers de réparation.

Malgré sa petite taille, le port de Papeete cumule plusieurs fonctions: commerciales (relations maritimes internationales et interinsulaires), de pêche (hauturière et de cabotage), militaire (base marine), de plaisance, d'accueil des paquebots.

La zone portuaire est régie par un organisme public territorial doté de l'autonomie financière et de la personnalité civile: le Port Autonome créé en 1962. Les facilités de mouillage qu'offrait la rade de Papeete sont une des raisons de la création de la ville: son évolution est alors indissociable de celle de son port. À la fin du XIX• siècle, les appontements en bois furent remplacés par un quai construit en pleine ville, et capable d'accueillir un seul navire long-courrier. Cet ouvrage fut doublé en 1938, les bâtiments administratifs étant situés dans son prolongement vers Fare Ute.

N

î

RADE

0 250 m courriers

-- digue

0 motu

passe

route

- services administratifs du Port

direction future d'extension

[2ZZZJ zone d'activités mixtes (commerces, industrie)

[2ZZZJ ville de Papeete

Ouais et zones annexes (entrepôts, dépôts, etc ... )

à fonction commerciale à fonction non commerciale

long-courriers et zone sous douane base marine militaire

interinsulaires (bornage et cabotage) pêche

pétroliers et dépôts d'hydrocarbures autre (croisière, plaisance)

Sources: Port Autonome

Fig. 4: Morphologie du port de Papeete (1988)

En 1963, débutèrent les travaux d'extension consécutifs à l'implantation du CEP (parmi les plus importants jamais réalisés en Polynésie), qui aboutirent à la création des installations portuaires de Motu Uta, la réalisation de la digue récifale et l'agrandissement de la base navale. En 1966, lors de son inauguration, la capacité du port avait triplé: la longueur des quais était passée de 330 à 1 100 m, les terre-pleins de 4 000 à 50 000 m2 et les entrepôts de 10 000 à 22 500 m2 (BLANCHET - 1985). Jusqu'en 1972, la direction du Port Autonome poursuit les travaux annexes: superstructures, hangars, bâtiments, etc. Depuis cette date, elle procède plus à des aménagements ponctuels (rénovation du quai des paquebots et du quai des car-ferries, construction d'un nouveau quai interinsulaire, zone industrielle de la Papeava) qu'à des extensions (nouveaux dépôts d'hydrocarbures de la zone récifale Est).

Cette période de travaux a vu le cœur du port glisser du centre-ville vers l'îlot de Motu Uta, symbolisé par la fondation de l'organisme public du Port Autonome de Papeete, comme si ce dernier voulait s'affranchir de l'emprise de la ville. Cette dissociation spatiale s'accompagne d'une multiplication de fonctions de plus en plus complexes en liaison directe avec les besoins particuliers du CEP (tirant d'eau, largeur des quais, entrepôts, etc.) de sorte que la qualité des équipements portuaires est devenue aujourd'hui un atout majeur pour la Polynésie française.

LES PROBLÈMES D'EXTENSION Cet ensemble souffre cependant de contraintes liées principalement à la configuration du site. Le trafic portuaire a connu une forte croissance malgré une évolution en dents de scie, passant de 610 000 tonnes en 1977 à 1 030 000 tonnes en 1987 (soit + 69 %). Les principales progressions sont enregistrées par les importations d'hydrocarbures (+ 50 %) et les échanges interinsulaires (+ 300 %). Les espaces réservés à l'entrepôt des hydrocabures, aux échanges interinsulaires et à la pêche sont devenus insuffisants. Bloqué par la passe à l'ouest, le port cherche à s'étendre vers l'est en remblayant par tranches successives le récif jusqu'à la passe de Taunoa -qui serait agrandie pour la rendre accessible aux pétroliers- et la zone située à l'embouchure de la Papeava. Pour le moment, la réalisation de ces projets est à peine commencée: la direction du Port Autonome hésite à poursuivre les travaux en raison de leur coût exorbitant, et envisage de créer un nouveau port à Faratea, sur le rivage nord de l'isthme de Taravao.

Le dilemme peut se formuler ainsi: vaut-il mieux investir maintenant dans l'augmentation des capacités du port pour le rendre attractif, notamment aux navires internationaux, ou attendre une nouvelle période de croissance pour procéder à ces agrandissements?

Planches 96-97

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ÉCHANGES INTERNATIONAUX ET SPÉCIFICITÉ, PAR PAYS, DES PRODUITS ÉCHANGÉS

ÉTATS-UNIS JAPON LJ.

CORÉE DU SUD

~~/ NOUVELLE-ZÉLANDE ,' ~-------,

PRODUITS IMPORTÉS

Q:J consommés par Tahiti

ŒJ consommés par les archipels

PRODUITS LOCAUX

CI:] consommés en Polynésie

.. exportés (produits du cru)

.. exportés (origine tierce)

1

RÉPARTITION DES ÉCHANGES COMMERCIAUX DE TAHITI

A

TAHITI

ROYAUME-UNI

QJ BELGIQUE

R.F.A.

[]

FRANCE

VALEUR DE LA TONNE DE FRET PAR PAYS

1111 EXPORTATION

D IMPORTATION n ~n

10 100 400 800

FLUX DES ÉCHANGES (en valeur)

- EXPORTATION

en millier de F CFP

~~M~ moinsde0,4. 0,4à1,5~

en milliard de F CFP ' 23

BALANCE DES ÉCHANGES

~XPORTATION

- - - -~IMPORTATION

ECHANGES MARITIMES INTERINSULAIRES ET SPÉCIFICITÉS DES PRODUITS EXPORTÉS, PAR ARCHIPEL

• ~ BALANCEOESÉCHANGES ~MARQUISES mz MARITIMES INTERINSULAIRES ----- 1 etS

ÎLESSOUS·L:-v_E-NT--5

'-t7 __ --'> ·V <-------lets ___ .TUAMOTUOUEST

ÎLES OU VENT (Moorea-~aiao) '---'--'-~ ~TUAMOTU CENTRE /! -<,'.~;;;-:~ .• AUSTRALES

PRODUITS ÉCHANGÉS

EXPORTATION IMPORTATION

• COPRAH .PERLES ~ALIMENTAIRES DPÉTROLIERS

.POISSONS.DIVERS [2JcoNSTRUCTION ŒJ01vrns

Sources. Service des Douanes - ITSTAT - Service des Transports Maritimes lnterinsulaires

TUAMOTU EST-GAMBIER

La spécificité est prise en compte lorsque X est supérieur à Y

X: part du produit P du pays A dans la totalité des importations (ou exportations) du produit P

Y: part du pays A dans la totalité des importations (ou exportations) en Polynésie

Fig. 5: Échanges commerciaux du Territoire (1987)

CONCLUSION

Les échanges en Polynésie française relèvent du paradoxe. Le niveau des importations en font un territoire extrêmement dépendant de l'extérieur. Cette dépendance est entretenue par le système d'imposition en vigueur: les taxes sur les entrées de marchandises et les droits de douane sont les principales recettes budgétaires en dehors des aides directes de la métropole.

Le manque d'activités économiques productives, excepté la production de coprah, et l'absence de matières premières expliquent la faiblesse des tonnages embarqués à Papeete. Cette carence structurelle est le principal obstacle à la création de lignes internationales assurées par de petits bateaux (moins de 10 000 tonnes) et qui utiliseraient Tahiti comme terminus ou tête de ligne.

Il - LA DESSERTE ET l:ACCESSIBILITÉ DES ÎLES

Grâce à ses multiples fonctions, le port de Papeete est un lieu où se côtoient toutes sortes de bateaux, des cargos internationaux de 50 000 tonnes aux petits caboteurs de la desserte interinsulaire qui ont conservé le nom de goélettes, en passant par les unités de la marine de guerre. La même disproportion qui existe entre les grands ports mondiaux et Papeete, en termes de volume des échanges, de niveau d'équipement, de complexité des fonctions, se retrouve entre Tahiti et les îles dans la logique d'un emboîtement successif d'espaces hiérarchisés.

LES CONDITIONS DE LA DESSERTE MARITIME INTERINSULAIRE

La dispersion des îles sur un espace aussi vaste que la Polynésie française requiert la mise en place d'un système approprié de transport maritime. La desserte des îles dépend de la fréquence, des itinéraires et des types de bateaux. Ces informations, difficiles à synthétiser, permettent de déterminer les temps de parcours entre les îles, données quantitatives, homogènes et cartographiables. Établir des cartes de temps de parcours est une manière de visualiser les principes élémentaires de cette desserte (Fig. 6 et 7).

UN RÉSEAU CENTRÉ SUR TAHITI, DIVISÉ EN SECTEURS DE DESSERTE La carte d'accessibilité potentielle (Figure 6) indique le temps de parcours entre chaque île (aller et retour). Tahiti dispose de la meilleure accessibilité: il faut en moyenne 7 jours pour se rendre dans les autres îles ou en venir. Le réseau est entièrement centré sur Papeete: départ de marchandises pour les îles, et arrivée des produits collectés lors de la tournée.

MARQUISES

•. TUAMOTU CENTRE

. AUSTRALES

500 km

Accessibilité moyenne de chaque île

au départ de Tahiti

- moins de 7 jours

de 7 à 14 jours

de 14 à 21 jours

c:::J de 21 à 28 jours

c:::J de 28 à 40 jours

Fig. 6: Accessibilité potentielle par bateau: temps de parcours moyen entre les îles (1987)

L'espace de desserte montre une grande hétérogénéité. Le Territoire est divisé en deux aires: au nord-ouest de l'isoligne 21 jours, une aire de bonnes fréquences avec Papeete, favorisée par la proximité et le nombre d'habitants; au sud-est, une aire de relations marquées par l'éloignement et la dispersion d'îles faiblement peuplées.

Certaines îles viennent troubler ce schéma, soit parce qu'elles sont très isolées (Rapa, Makatea, Maiao, Hereheretue), soit parce qu'elles bénéficient d'une desserte particulière (desserte militaire de Hao et de Moruroa) .

D'autres caractéristiques apparaissent après examen de la Figure 7 :

- l'espace géographique, que l'on a l'habitude de voir représenté par des cartes, y est défini par les coordonnées géographiques des îles et les distances kilométriques (à vol d'oiseau) qui les séparent: ainsi, Tahiti et Nuku Hiva sont distantes de 1 400 kilomètres.

- les temps de parcours entre les îles, mesurés pour un mode de locomotion, permettent de définir un espace temporel où les positions relatives des îles seront modifiées par rapport à l'espace géographique. Par exemple, il faut cinq jours pour se rendre de Tahiti à Nuku Hiva et huit jours, de Tahiti à Hiva Oa, par bateau, alors que la distance qui sépare Tahiti de ces deux îles est la même (1 400 kilomètres). Le rapport entre les distances à vol d'oiseau et les temps de parcours n'est pas constant. L'analyse multidimensionnelle des proximités mesure la distorsion entre ces deux espaces: chaque vecteur exprime un déplacement entre la position géographique et la position temporelle des îles.

Une bonne desserte entre deux îles dans le réseau général des transports maritimes se caractérise par un rapprochement de leurs localisations temporelles par rapport aux localisations géographiques. Tahiti est placée au centre de la figure et entraîne dans son sillage l'ensemble des îles de la Société (Maiao exceptée).

Les îles se regroupent en chapelets bien distincts, qui correspondent chacun à un secteur de desserte où fonctionnent deux ou trois services maritimes: les îles sont rangées suivant l'itinéraire du bateau. Ces aires se superposent en général aux archipels, excepté celui des Tuamotu divisé en trois groupes: Tuamotu de l'Ouest, Tuamotu du Centre, Tuamotu de l'Est et Gambier (Tableau 2).

~ vecteur de déplacement

localisation géographique

localisation temporelle (île)

localisation temporelle (groupe d'îles)

régression bidimensionnelle

programme DARCY

Fig. 7: Localisations géographiques et temporelles

La multiplicité des îles de l'archipel ·des Tuamotu, leur répartition hétérogène au sein de l'aire de desserte, leur faible poids démographique (250 habitants en moyenne) a conduit à y instaurer des lignes en forme de boucle: le navire part de Papeete, touche les îles les unes après les autres et revient à Tahiti. Dans chaque île, le navire assure les opérations de chargement et de déchargement sans les séparer véritablement dans le temps. En revanche, dans les autres archipels, un volume de fret plus important et des îles plus rapprochées (îles Sous-le-Vent, îles Marquises) ou alignées (îles Australes) ont abouti à la création de lignes à double passage: à partir de la dernière île touchée, la goélette reprend l'itinéraire inverse pour rentrer à Papeete. Cette organisation repose sur la dissociation des opérations: déchargement à l'aller, embarquement au retour.

Le réseau des transports maritimes est centré sur Tahiti. L'association des îles Sous-le­Vent, des îles Marquises et des Tuamotu de l'Ouest s'explique par leurs bonnes dessertes respectives (les nombreuses fréquences avec Papeete garantissent de bonnes correspondances) et par les liaisons directes existant entre les deux derniers secteurs: les bateaux qui desservent les îles Marquises effectuent, à l'aller comme au retour, une ou deux escales dans les Tuamotu de l'Ouest. Il n'existe pas d'autres cas de liaison directe entre archipels, car les autres secteurs de desserte sont trop éloignés les uns des autres. La logique du système établi par le Territoire est de rompre cet isolement par l'amélioration des relations maritimes avec Papeete, seul lieu en communication directe avec l'extérieur. Une délibération de l'Assemblée Territoriale de 1977 précise d'ailleurs que le réseau interinsulaire est un service public qui garantit la desserte régulière des îles les moins peuplées et les plus lointaines, dans les strictes limites du Territoire.

Tableau 2: Les secteurs géographiques de la desserte interinsulaire

Aire géographique Type de navires

Port en lourd Capacité Fréquence Population desservie (en tonnes) en passagers des escales desservie

MOOREA 2 car-ferries 662 1100 1460 8 800

ÎLES SOUS-LE-VENT 1 car-ferry, 3 goélettes 3 535 850 156 22 200

AUSTRALES 1 goélette 700 140 20 6 500

MAA GUISES 3 goélettes 3 720 146 39 7 400

TUAMOTU DE L'OUEST 3 goélettes, 3 cargos mixtes 1 719 94 143 4100

TUAMOTU DU CENTRE 2 goélettes, 1 cargo mixte 1 506 30 76 2 800

TUAMOTU DE L'EST, GAMBIER 1 goélette 770 40 12 3 500

Sources: Port Autonome de Papeete -Service des Transports Maritimes lnterinsulaires

L'ARMEMENT: DEUX FLOTTES COMPLÉMENTAIRES Le transport des marchandises vers les îles a longtemps été confié à des goélettes, bâtiments à voiles dont les derniers exemplaires ont disparu dans les années 30. Des petits cargos (caboteurs) de faible tonnage, qui ont conservé le nom de goélette, les ont remplacées progressivement. Le secteur privé et le secteur public se partagent la flotte, avec des caractéristiques différentes.

L'ARMEMENT PRIVÉ: UNE FLOTTE PEU CONCENTRÉE

L'armement privé assure la desserte régulière d'après un cahier des charges établi par les services territoriaux. À la fin de 1988, il est constitué d'une vingtaine d'unités toutes stationnées à Papeete, à l'exception d'une goélette, à Raïatea. La moyenne d'âge de la flotte est de vingt ans, mais la mise en service des bateaux sur ces lignes date réellement de six ans, car ils ont tous été achetés d'occasion. Les car-ferries proviennent du Japon, les goélettes, de Scandinavie, et sont appréciés pour leur solidité et leur bon entretien.

L'armement présente une faible concentration: sur les seize sociétés basées à Papeete, treize exploitent un seul bateau, deux disposent chacune de 2 bateaux et une en possède 3. Mais il existe des liens familiaux entre quelques armateurs, tous d'origine locale, qui créent des interdépendances au niveau des compagnies: gérance de plusieurs sociétés, réseau d'entraide, etc. Les groupes industrialo­tertiaires qui sont les principaux actionnaires dans les transports internationaux, n'ont pas investi dans le transport interinsulaire. Une seule compagnie intérieure appartient à une société représentant également des intérêts internationaux. Ces groupes sont plus intéressés par la pénétration du marché de Tahiti -de loin le plus lucratif, puisqu'il absorbe environ 80 % des besoins de la Polynésie- que par un approvisionnement de marchés aussi réduits et éloignés que ceux des îles. Les sociétés de transport interinsulaire conservent donc une large autonomie de gestion.

Planches 96-97

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Atlas de la Polynésie française

fies Sous -le-Venr

150' 0

TRAFIC DES AÉRODROMES INSULAIRES (1987)

Nombre 50 à 999

LE TRANSPORT DES PASSAGERS

LES DISPARITÉS QUANTITATIVES DU TRAFIC AÉRIEN INTERINSULAIRE

0 200km ---'

.,,, Puka Puka / /-.,,. ,,.

~// /

- - r , Fakahina I

140'

FLUX AÉRIENS (1987)

de passagers BOOO à 2 999

3000à19999

. 20000 < 499 500-999 1 000 5000 10000 1 à 99 999

50000

170 000

100000 D 33:000

~~~-~-~~flux militaires Raiatea Aérodrome desservi par une

liaison régulière

VALEUR DE L'INDICE T

0,59

-- 2-3 144

15,75

T; Nombre de passagers aériens ootre Tahiti et chaque archipel Nombre de passagers maritimes entre Tahiti et chaque archipel

TUAMOTU DE. ~'OUEST -.. ·--<:;. {"' (J

ÎLES SOUS,-LE-VEIVT

· i

MOOREA

,;:,

AUSTRALES

Hao Aéroport militaire

LES DISPARITÉS QUALITATIVES DU TRAFIC.AÉRIEN ET MARITIME

JI ,.

• MARQUISES

TUAMOTU DE L'EST

0 200 km '------'

Sources • Direction Générale de I' Aviation Civile

10'

20'

Ill'

150'0 Service des Transports Maritimes lnterinsulaires

ACCESSIBILITÉ AÉRIENNE

fies du Vent

Rimatara Rurutu

lies Australes

o 200 km

150' 0

0 ÎLE

140'

TEMPS DE PARCOURS AU DÉPART DE TAHITI (en heure )

D o-1

1-2

2-3 -3-4 -4-5 -5-24 -plus de 24

Nuku ~.[!] Ua Huka ·

INFRASTRUCTURES AÉRIENNE ET MARITIME UaPou. ll HivaOa Îles Marquises

Îles du Vent

,.,, .. lel_ "1or,,

Anuanuraro~ Nukutepipi

Tahuata IT~ Fatu Hiva

!il Puka Puka

Vairaatea

Vanavana LJ ~Tt1111

Tematangi D ·1Moruroa •

10'

20'

'" (S)

G'.,,,,6· Fangataufa "Br

Rimatara :J "~ngareva llTubuai

fies Australes

0 200km

150' 0 Rapa •

aérienne INFRASTRUCTURE maritime

[:;ii Piste supérieure à 2 000 m • Port en eau profonde

EB Piste entre 1 200 et 2 000 m

[.!.] Piste inférieure à 1 200 m

D Île dépourvue d'aérodrome

• Port à goélette abrité dans le lagon

• 1 nfrastructure légère abritée dans le lagon

D Havre à baleinière sur le récif

140'

INFRASTRUCTURE

maritime !:;ii

• 72

•• 1

0

=i 0

D 0

Total 73

aérienne

EB ~ D Total

0 0 0 72

16 2 3 22

1 1 1 3

1 1 1 3

0 0 0 0

18 4 5 100

Rimatara

0

Rimatara

0

LES TRANSPORTS INTÉRIEURS

ACCESSIBILITÉ MARITIME

--1 1 lies Ausllltles

0-1 200km

1-2 -2-4 -4-7 -7-14

0 ÎLE -14-28

QUALITÉ DE LA DESSERTE

Nuku /i .. u. Huka

UaPou~-~HivaOa Tahuata ll~

fies Marquises 10'

Îles du Vent

Il Rurutu

Tubuai • Îles Australes

200km

•150' 0

Fatu Hiva

Pukarua

- Reao

Hereheret. l;

• l/q"1ol't.r

Pinaki 20'

Anuanuraro • Nukutepipi

Vanavana li llTureia

Marutea (S) • I Moruroa

G'.,,,,6· Fangataufa "e,. Mangarevà'

~- ··

Tematangi

140' Raivavae

ACCESSIBILITÉ

ÉQUIPEMENT Bonne Moyenne Médiocre

Rapa Nul

Partiel • Complet • D

Sources : Service des Ports Service de l'Ëquipement ITSTAT

D Absence d'infrastructure Population totale dans chaque catégorie en% Horairesd'Air Tahiti, d'Air Moorea, des vols militaires

'------------------------------~----------------------'------------------------------------------------------R-eg_i_s_tr_e_d_e_s_a_rm_at_e_u_rs_pr_iv_é_s ____ ____ _________________ 'lJ~ . UNITË DE CARTOGRAPHIE DE L'ORSTOM © ORSTOM 1993 Planche établie par B. REITEL - ORSTOM

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La flotte privée présente des caractéristiques différentes selon les espaces qu'elle dessert. Deux car-ferries transportant essentiellement des véhicules et des passagers, effectuent chaque jour une dirnine de rotations d'une heure chacune entre Tahiti et Moorea. La capacité de chargement s'exprime plus en termes de véhicules acceptés (60) qu'en termes de jauge ou de tonnage. Jusqu'en 1987, trois sociétés desservaient l'île et se livraient une concurrence acharnée. Des difficultés financières croissantes ont contraint deux d'entre elles à se retirer, laissant la troisième en position de monopole.

Les goélettes sont présentes sur toutes les autres destinations insulaires. La qualité des relations avec Tahiti dépend avant tout de la distance, de la répartition et du nombre des îles desservies. Les quatre îles principales (Bora Bora, Huahine, Raiatea, Tahaa) de l'archipel des îles Sous-le-Vent, accessibles en moins de 24 heures, sont desservies par trois sociétés: deux goélettes au tonnage élevé (plus de 1 000 tonnes) se font concurrence pour le transport du fret, à raison de deux ou trois rotations hebdomadaires; un car-ferry est spécialisé dans l'acheminement des voyageurs deux fois par semaine. Le temps de séjour à quai dans le port de Papeete n'excède pas deux jours. C'est le seul archipel où les fréquences sont d'une grande régularité. L'île de Maupiti, en raison de son accès difficile (passe étroite), fait l'objet d'une desserte hebdomadaire au départ de Raïatea par une petite goélette d'une capacité de 135 tonnes, qui dessert aussi, occasionnellement, les atolls occidentaux de l'archipel (Tupai, Motu One, Manuae, Maupihaa). La durée des rotations des goélettes vers les autres secteurs est de deux semaines pour les Tuamotu de l'Ouest et les îles Australes, trois semaines pour les Tuamotu du Centre et les îles Marquises, un mois pour les Tuamotu de l'Est et les Gambier. Des navires rapides, de faible capacité (50 tonnes), à coque d'aluminium, effectuent un voyage hebdomadaire à destination des atolls de Tikehau, Kaukura, Apataki, Arutua et Rangiroa (secteur des Tuamotu de l'Ouest), où ils récoltent les poissons des pêcheries artisanales et renforcent l'accessibilité de ce secteur.

La goélette quitte le port chargée des produits les plus hétéroclites: les sacs de ciment côtoient les sacs de farine, les poutrelles d'acier et les fûts de pétrole. Un vélo d'enfant qu'un habitant des îles lointaines a commandé à Papeete est posé sur des cartons et des paquets. Quelques voitures sont transportées vers les îles Marquises. Une chambre froide conserve les aliments congelés. Au retour de la tournée, il s'échappe de la goélette une odeur rance: elle est chargée de coprah, quelquefois de poissons ou de produits agricoles (ananas, pastèques, pommes de terre, etc.). Le prix du transport de certaines marchandises (pétrole, gaz, ... ) est pris en charge par le Territoire, afin que les habitants des îles ne soient pas pénalisés par la distance qui les sépare de Tahiti.

L'existence d'un fret retour améliore la rentabilité d'une tournée. L'armateur achète le kilogramme de coprah 65 F CFP au producteur insulaire et le vend 75 F CFP à !'Huilerie de Tahiti, ce qui représente un bénéfice de 10 F CFP/kg. Le Territoire verse, de plus, une indemnité de 5 F CFP/kg à l'armateur pour le transport de cette denrée. Le soutien à la production de coprah est l'une des principales mesures prises afin d'enrayer le processus d'émigration des habitants des archipels vers Tahiti.

L'action du Territoire ne se limite pas à subventionner le secteur privé: il dispose de sa propre flotte destinée à compenser les lacunes de la flotte privée.

L'ARMEMENT PUBLIC: UNE FLOTTE DE SUBSTITUT/ON Plusieurs navires administratifs participent à la desserte des îles. Le Service de !'Équipement est doté de cinq navires de forte capacité (1 000 tonnes) et de forme particulière: ce sont des "beachers" à fond plat, équipés d'une porte basculante, qui peuvent accoster directement sur le récif. Ils transportent, vers les îles où se réalisent des travaux d'infrastructure, des engins de travaux publics et du matériel lourd qu'ils ramènent après utilisation. Leurs itinéraires varient en fonction des travaux d'équipement. Il arrive également qu'ils remplacent certains navires privés momentanément hors d'usage. Ils sont alors affrétés par l'armateur, qui les utilise dans les mêmes conditions que son navire régulier (itinéraire, fréquence, etc.).

Le Haut-Commissariat possède un bateau administratif, !"'Astrolabe", qui effectue régulièrement une tournée dans chaque secteur de l'archipel des Tuamotu. Sa mission se veut essentiellement administrative et sociale (paiements divers, visites médicales, etc.). Néanmoins !"'Astrolabe" embarque du fret vers les îles peu fréquentées dépourvues de commerce de détail (Makatea, Nihiru, Takume, etc.).

Le secteur public ne se pose donc pas en concurrent du secteur privé. Il répond simplement à des demandes de transport qui ne pourraient pas être couvertes par les navires réguliers. Les Forces Armées qui desservent les sites avec leur propre flotte contribuent, elles aussi, au désenclavement des îles: évacuations sanitaires, transport d'engins, ravitaillement, ...

La configuration spatiale du Territoire et la concentration des activités maritimes à Tahiti a entraîné la mise en place d'un réseau de transport interinsulaire original. L'armateur, principal acteur avec le Territoire, joue le double rôle de transporteur et de marchand.

LES CARACTÉRISTIQUES DU TRANSPORT: LA DISSOCIATION DES FONCTIONS Le transport des marchandises s'effectue en fonction de la demande émanant des îles à chaque voyage. Les particuliers, les coopératives, les commerces passent des commandes auprès de fournisseurs de Papeete, l'armateur assurant le transport au moyen de sa flotte. Les produits de destination connue sont marqués du nom de l'île qui les commande. Sur le bateau, l'armateur aménage un espace, "le magasin'', dans lequel il accumule des denrées achetées chez les grossistes et les importateurs de Papeete et qu'il vend "à l'aventure", système qui s'apparente au troc. Dans les îles, il collecte le coprah (parfois d'autres produits) et paye le producteur en argent comptant ou en nature. L'usage restreint de la monnaie, parfois l'absence de commerce, mais aussi les passages irréguliers de la goélette -qui demeure très souvent le seul moyen, en dehors de l'avion, d'obtenir des articles de consommation- incite les insulaires à échanger leurs récoltes contre des marchandises du "magasin": boîtes de conserve, produits semi-frais, viande, savon, etc. Cette façon de commercer améliore considérablement les rentrées financières de l'armateur, dont une bonne partie est formée par le coprah qui sera revendu à Tahiti dans les conditions évoquées plus haut. Il présente l'avantage, pour les insulaires, de pouvoir acquérir des articles (dans la limite du choix proposé par le "magasin") sans attendre quinze jours ou un mois s'ils devaient les commander. Ce système informel a toutefois tendance à péricliter avec l'intégration progressive des îles dans le circuit monétaire.

La dissociation des fonctions de marchand et de transporteur se retrouve sur le bateau où coexistent deux autorités. Le capitaine commande le navire et se charge donc essentiellement de la navigation et des mouillages. Son autorité est supplantée dans les faits par le subrécargue, qui veille à la gestion de la cargaison et à l'utilisation rationnelle des équipages lors des opérations de manutention. Les marins forment un équipage polyvalent d'une dizaine à une quinzaine de personnes dont les conditions de travail sont souvent pénibles.

Le chargement du bateau à Papeete est effectué par cet équipage, bien entraîné même s'il n'est pas très qualifié. Les marchandises déposées dans les entrepôts avant l'arrivée du navire sont manutentionnées sur palettes ou en filets et chargées deux jours avant le départ programmé de la goélette. Malgré un travail intensif et continu, le chargement s'effectue avec peine et lenteur: il faut procéder à un rangement rigoureux, qui s'opère en fonction de la quantité de fret destinée à chaque île et de l'itinéraire du voyage. La goélette part donc très souvent avec quelques heures, voire quelques jours de retard, mais jusqu'au dernier moment des marchandises de toutes sortes affluent sans discontinuer et s'accumulent dans les cales déjà bien remplies. La goélette franchit enfin la passe du port de Papeete, lourdement chargée, prête à affronter les flots de l'océan. Le travail de l'équipage, réduit pendant la traversée, reprend dès qu'apparaît la première île. Les conditions de travail dépendent alors de la nature des équipements portuaires.

LES ÉQUIPEMENTS PORTUAIRES: DU MEILLEUR AU PIRE À la hiérarchie des infrastructures, du port multifonctionnel en eau profonde au wharf sur platier, en passant par le quai à baleinières, correspondent des difficultés croissantes de manutention dont l'armateur doit tenir compte.

LA DIVERSITÉ DES ÉQUIPEMENTS Une première différence réside entre les îles ou atolls qui possèdent un lagon communiquant avec la mer par une large passe (10 m) et les îles à lagon fermé. Un mouillage dans le lagon offre une plus grande sécurité qu'un mouillage en océan et permet un gain de temps appréciable.

Les aménagements portuaires constituent un deuxième critère de différence. Les ports les mieux équipés sont presque toujours situés à l'abri dans le lagon ou dans une baie, comme aux îles Marquises où il n'y a pas de récif. Grâce à leur fort tirant d'eau, à l'étendue des quais, à la superficie de leurs entrepôts, les ports en eau profonde sont accessibles aux grands cargos internationaux. Les ports à goélettes permettent généralement l'accès à deux caboteurs.

Deux types d'infrastructure légère abritée sont présents dans les îles:

- des quais courts (10 à 20 m) cimentés, à faible tirant d'eau (2 m), auxquels peuvent s'amarrer les baleinières, grandes barques de bois équipées d'un moteur;

- des wharfs, longs appontements cimentés (100 m environ) s'avançant dans le lagon, dont l'étroitesse se prête mal aux manœuvres des engins de manutention.

Quand l'accès au lagon est impossible, des infrastructures sommaires sont construites sur le platier récifal. Le wharf constitue l'installation la plus rudimentaire, la plus courante, mais aussi la moins pratique: il n'y a jamais suffisamment d'eau sur le récif, et accéder au wharf demande une grande maîtrise de la part du pilote de la baleinière. Pour en faciliter l'accès, le Service de !'Équipement a fait creuser dans certains cas un chenal peu profond, agrémenté quelquefois d'une petite digue de protection. Ce dispositif, appelé havre à baleinière, se révèle aussi incommode que le précédent, le chenal étant souvent parcouru par un très fort courant (Fig. 8).

PORT À GOÉLETTE ABRITÉ DANS LE LAGON {atoll de Makemo, Tuamotu du Centre)

le ]L~

~· 1 >-1r~~1 ~ 11~ i\i i' ~~

O 100 m 1

L__~~~~-~--_ _J__----"~~~·~ --­IN FRASTR UCTU RE LÉGÈRE SUR LE RÉCIF: HAVRE À BALEINIÈRE 1

• (o<o" Oo "'''"'"'· fo•mo•o Oo Coo":' C--if.~-.1

lagon ou océal

récif 1

motu

1

village 1

chenal artificiel

11

1

infrastructure bétonnée

route

citerne

1

hangar à coprah 1

mairie

......, _ _.lei. goélette

baleinière

Fig. 8: Deux infrastructures portuaires dans les îles

LES OPÉRATIONS DE DÉCHARGEMENT

Ces infrastructures sont toujours accompagnées d'un ou deux hangars à coprah.

Les opérations de manutention peuvent se regrouper en trois types en fonction des installations portuaires disponibles.

a. Les ports à goélettes permettent une dissociation des opérations de déchargement et de chargement: les grues des navires soulèvent sans difficulté les marchandises préalablement rassemblées par l'équipage et les déposent sur le quai d'où elles sont évacuées rapidement vers les entrepôts par les chariots­élévateu rs. La totalité du fret étant débarquée, on peut procéder aux opérations de chargement.

b. Dans les îles équipées seulement d'infrastructures légères abritées, la goélette est obligée de trouver un mouillage à proximité dans le lagon. L'utilisation d'allèges devient nécessaire: sur chaque navire sont entreposées deux baleinières qui sont mises à l'eau après ancrage. Elles effectuent un va-et-vient entre la goélette et l'installation, débarquant en premier les passagers, puis les marchandises. Celles-ci sont déchargées au moyen de tracteurs à godet, souvent avec l'aide des habitants. Les sacs de coprah ou de poissons sont pesés par le subrécargue et ses aides, qui donnent au producteur un reçu avec lequel il ira se fournir au "magasin". Dans ce type de manutention, les chargements alternent avec les déchargements afin que la baleinière soit vide le plus rarement possible.

c. Pour les infrastructures établies sur le récif. les opérations sont similaires, mais deviennent plus délicates puisqu'elles s'effectuent en pleine mer. La baleinière doit attendre une vague suffisamment haute et forte qui la porte au niveau du wharf ou dans le chenal: il n'est pas rare de voir une baleinière chavirer et perdre sa cargaison.

DES ÉQUIPEMENTS RÉPARTIS PRESQUE UNIFORMÉMENT

Le déchargement par allèges a longtemps prévalu dans les îles. Plusieurs plans de développement des archipels prévoyaient la réalisation d'équipements maritimes:

- des ports secondaires accessibles aux goélettes dans les îles principales (Raïatea, Bora Bora, Nuku Hiva, Tubuai, etc.), mais aussi dans les plus isolées (Rapa, Mangareva);

- des installations minimales (havres à baleinières sur le récif) dans les plus petites.

Mais le coût élevé et les difficultés de construction empêchent la multiplication des quais à goélettes

En 1988, ces projets sont en grande partie réalisés, après le passage des cyclones de 1983 qui ont obligé à reconstruire nombre d'infrastructures détruites; 94 % de la population de Polynésie française habite maintenant dans une île équipée au moins d'un port à goélette. Mais le niveau d'équipement varie suivant le poids démographique des archipels. Dans les îles Sous-le-Vent, quatre îles disposent d'un port à goélette: chacune compte plus de 4 000 habitants. On dénombre un port pour 1 700 habitants aux îles Marquises (trois ports au total), un pour 500 aux îles Australes (trois ports), un pour 300 aux Tuamotu de l'Ouest (six ports) et un pour 200 aux Tuamotu du Centre et de l'Est (deux ports à goélette et trois ports en eau profonde des sites nucléaires). Certaines installations, cependant, demeurent inaccessibles aux goélettes: à Rurutu, le port présente des défauts de construction (faible tirant d'eau provenant d'un ensablement progressif, courants, etc.) qui ne permettent pas d'accoster.

L'ABSENCE DE CENTRES-RELAIS ENTRE PAPEETE ET LES ÎLES Les mauvaises conditions de la desserte interinsulaire ne favorisent pas l'émergence de centres secondaires: les liaisons à l'intérieur des archipels sont assurées presque uniquement par les goélettes venant de Papeete. Une seule exception, Raiatea d'où partent deux lignes: l'une vers Tahaa, l'île sœur, - des services irréguliers transportent des groupes scolaires au lycée d'Uturoa -; l'autre vers Maupiti, dont la passe n'est accessible qu'à de petites goélettes de 150 tonnes maximum, ce qui implique une rupture de charge à Uturoa. Aux îles Marquises, un petit navire appartenant au Territoire assure quelques liaisons entre Nuku Hiva et les autres îles de l'archipel, notamment au moment des rentrées et au début des vacances scolaires.

Les îles (hormis les sites du CEP) ne servent pas d'escales internationales, même occasionnellement. Pourtant, jusqu'en 1969, les paquebots mixtes des MESSAGERIES MARITIMES, transportant à la fois des passagers et du fret en provenance d'Europe, s'arrêtaient à Nuku Hiva. C'est le seul exemple connu d'une île de Polynésie française qui ait joué un rôle international et qui explique peut-être la bonne desserte actuelle des îles Marquises. Jusqu'au début du XXe siècle pourtant, certains navires faisaient des escales dans plusieurs îles de Polynésie (îles Sous-le-Vent, îles Marquises) sur les liaisons transpacifiques. Ces escales ont été supprimées au profit de Tahiti et sont à l'origine du réseau interinsulaire centré sur cette dernière. Il s'agissait, pour les sociétés commerciales locales de l'époque, d'accroître l'attraction d'un petit territoire insulaire situé entre l'Europe ou l'Amérique du Nord d'une part, et l'Océanie d'autre part, en opérant un regroupement des produits collectés dans les îles sur le principal marché, Tahiti.

Les petits centres secondaires qui auraient pu émerger (Raïatea, Nuku Hiva) n'ont pas trouvé dans l'organisation de la desserte interinsulaire un nouveau moyen de conforter leurs positions. Curieusement, aujourd'hui, les archipels sont les principaux fournisseurs de produits d'exportation (coprah, perles, poissons), mais demeurent des marchés d'importation négligeables à l'échelle internationale. Le rôle d'intermédiaire exercé par Tahiti entre les archipels et l'extérieur continue de s'accroître dans le contexte actuel du transport maritime mondial, car les besoins d'une économie d'importation reposent surtout sur la présence de consommateurs au pouvoir d'achat élevé.

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UN TRAFIC INTERINSULAIRE TRÈS CONCENTRÉ DANS L'ESPACE

L'armateur établit pour chaque voyage de son bateau un manifeste qui détaille l'ensemble des marchandises présentes à bord (nature des produits, poids, valeur, fournisseur, destinataire, etc.) au départ et à l'arrivée au port de Papeete. Ce document, qui est diffusé dans divers organismes territoriaux (le Service des Douanes, le Port Autonome, les Affaires Économiques, le Service des Transports Maritimes lnterinsulaires), offre une fiabilité limitée: le trafic entre les îles est ignoré, il est sous-estimé entre Papeete et les îles (fermeture du manifeste 24 heures avant le départ annoncé de la goélette, transcription de certains volumes en poids et minoration volontaire si le navire est trop chargé). Les services territoriaux concernés évaluent la sous-estimation à environ 30 %. Pourtant, le manifeste est le seul document exhaustif qui fournisse des informations géographiques détaillées et les statistiques de trafic éditées par les différents services en sont toutes tirées.

LE DÉSÉQUILIBRE DES ÉCHANGES La balance des échanges maritimes des archipels est constamment déficitaire avec Tahiti. En 1987, le volume du commerce interinsulaire s'est élevé à 347 000 tonnes: 205 000 tonnes ont pris la destination des îles et 142 000 tonnes en sont arrivées. Le déséquilibre se révèle plus éloquent quand il est exprimé en valeur: le solde est largement négatif ( 8,7 milliards de F CFP). La balance des échanges interinsulaires (entre Papeete et les archipels) est plus proche de l'équilibre que la balance commerciale du Territoire: le déficit par habitant atteint seulement 150 000 F CFP contre 440 000 F CFP; le taux de couverture, 47 % contre 6 % (cf. Fig. 5). La structure des importations des archipels reflète celle de l'ensemble de la Polynésie française: les produits alimentaires en représentent 19 %, les matériaux de construction 10 %, les hydrocarbures 6 % et les divers 65 %.

En revanche, les exportations présentent une anomalie: les perles, produites uniquement dans l'archipel des Tuamotu, apparaissent dans les comptes extérieurs, mais non intérieurs. Elles sont transportées par voie aérienne, plus rapide et plus sûre que le bateau. L'avion transporte une quantité de fret négligeable (585 t) par rapport au bateau (347 000 t), en majorité de Tahiti vers les îles (405 t), mais joue un rôle actif dans le désenclavement de certaines îles isolées.

Le commerce interinsulaire s'est fortement accru en volume et en valeur depuis une dizaine d'années. Ce qui montre à quel point les îles dépendent de plus en plus de Tahiti et, a fortiori, du monde extérieur. Cette évolution est illustrée par les modifications des habitudes alimentaires des sociétés insulaires: le fruit de l'arbre à pain, le poisson et l'eau de coco sont de plus en plus remplacés par le riz, la viande et le coca-cola.

LA RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES FLUX Hormis les relations réciproques entre Tahiti et les îles, il n'existe pas de flux de marchandises entre les archipels. Il faut descendre à l'échelle de l'archipel pour découvrir quelques échanges interîles qui sont impossibles à quantifier. La répartition géographique des flux traitée ici concerne uniquement le trafic au départ et à l'arrivée de Tahiti. Sa nature varie selon que l'on évoque le transport de bornage (avec Moorea) ou de cabotage (avec toutes les autres îles) (Fig. 9).

tonnes 350 000

300 000

250 000

200 000

150 000 +----

50 000 o··-

trafic de bornage (avec Moorea)

trafic de cabotage en provenance des îles

trafic de cabotage à destination des îles

1980: année de mise en service des premiers car-ferries

1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 Sou,ce Port Autonome

Fig. 9: Évolution du trafic interinsulaire (1977-1987)

DES ÉCHANGES ARTIFICIELLEMENT ÉQUILIBRÉS AVEC MOOREA Depuis 1980, le trafic entre Tahiti et Moorea a fortement progressé, partant de 78 000 tonnes pour atteindre 249 000 tonnes en 1987. Sa part dans le commerce interinsulaire n'a, elle aussi, cessé de croître, passant de 26 % en 1977 à 35 % en 1982 et 71 % en 1987. En revanche, la valeur de la tonne de fret s'est continuellement dépréciée depuis 10 ans. La mise en service progressive de car-ferries sur la ligne s'est traduite par une modification des composantes du trafic. Les problèmes de manutention ont été éliminés, puisque le fret est transporté sur les véhicules, aussi bien de tourisme qu'utilitaires, qui montent à bord (respectivement au nombre de 77 000 et de 7 200 en 1987). Il n'y a plus de cargaison à proprement parler: les sociétés industrielles et commerciales de Tahiti envoient quotidiennement des véhicules utilitaires (camions­citernes, poids-lourds, camionnettes) qui fournissent les sociétés de distribution de Moorea dans la journée. Les particuliers eux-mêmes s'approvisionnent directement à Papeete pour revenir à Moorea la voiture lourdement chargée.

Le volume transporté est largement surestimé, puisque le poids des véhicules est pris en compte. Les flux de bornage sont très intenses, de loin supérieurs à n'importe quel flux de cabotage, mais les échanges conservent une structure très déséquilibrée en faveur de Tahiti. La production agricole de Moorea a considérablement chuté, parallèlement à l'intégration progressive de l'île au système économique de la capitale, si bien que les retours des véhicules vers Papeete se font souvent à vide.

LES AUTRES ARCHIPELS

Sans être aussi spectaculaire que pour Moorea, la progression du trafic avec les autres archipels a été rapide mais discontinue: de 62 000 tonnes en 1977, elle s'est élevée à 98 000 tonnes en 1987 (74 000 tonnes à l'aller et 24 000 tonnes au retour). Pendant la même période 404 tonnes ont pris la direction des îles par voie aérienne et 181 tonnes en sont venues.

Quel que soit le mode de transport, chaque archipel présente des échanges déséquilibrés (en poids et en valeur) avec Tahiti (Tableau 3). La répartition du fret (en tonnage) montre la prépondérance des îles Soûs-le-Vent dans le fret aller, i:nême si sa part relative ne cesse de reculer: de 55 % en 1980 à 39 % aujourd'hui. A partir de 1983, une forte demande de marchandises a été enregistrée dans les îles Tuamotu touchées par les cyclones, surtout en matériaux de construction dont le volume a doublé entre 1982 et 1984. De nouveaux équipements ont été créés (abris anti-cyclones, écoles, infrastructures portuaires, infirmeries, hangars à coprah, etc.). Les importations des archipels présentent une structure très diversifiée, à l'image de celles du Territoire, mais similaire d'un archipel à l'autre, soulignant l'uniformisation des besoins et des comportements de consommation. Les îles Tuamotu, grâce au coprah, ont envoyé 42 % du fret retour en 1987, suivies des îles Sous-le-Vent avec 34 %. Les exportations sont composées essentiellement de produits du secteur primaire (agriculture, pêche), chaque archipel s'étant spécialisé dans une ou deux productions qui composent la quasi-totalité du fret embarqué: coprah et poisson aux Tuamotu de l'Ouest et aux ïles Marquises; coprah et nacre aux Tuamotu de l'Est et aux Gambier; coprah et productions végétales (ananas, melons, pastèques, bananes, fe'i, etc.) aux îles Sous-le-Vent; produits maraîchers qui ont remplacé le café aux îles Australes (Fig. 10).

Tableau 3: Échanges maritimes et aériens dans les archipels en 1987

Distance Échanges Maritimes Échanges Aériens Rapport

Archipel moyenne Couverture Déficit par Exportations Importations Exportations fret aérien àTahiti des échanges habitant par habitant par habitant par habitant fret maritime (en km) (en %1 (en F CFP) (en F CFP) (en kgl (en kg) (en%}

ÎLES SOUS-LE-VENT 225 66 -133 000 256 000 10,90 2,00 7,30 TUAMOTU-GAMBIER 700 33 -187 000 95000 10,00 10,20 4,30 AUSTRALES 700 29 -196 000 81 000 1,70 0,80 4,10 MAROUISES 1400 16 -324 000 64 000 1,00 2,70 1,00 Sources: Service des Transports Maritimes lnterinsulalres-Service des Douanes- Port Autonome de Papeete

L'OUVERTURE DES ARCHIPELS La dépendance des îles s'exprime au travers de différents indicateurs économiques rapportés au nombre d'habitants afin de les rendre comparables (Tableau 3). Elle croît avec la distance: plus un archipel est éloigné, plus il dépend de Tahiti pour la consommation de biens manufacturés, alimentaires, etc. La qualité des liaisons peut entraîner deux types de comportement: les îles Marquises ont développé les importations sans augmenter les exportations (le déficit atteint 324 000 F CFP par habitant) comme le permettraient les capacités des navires qui les desservent et qui reviennent presque à vide à Papeete. Les îles Sous-le-Vent, en revanche, présentent un déficit 2,5 fois moins élevé que les îles Marquises, grâce à des productions plus variées. Dans le domaine aérien, le coût du fret est fonction de la distance et entrave le développement du trafic avec les îles éloignées.

Les archipels présentent une hiérarchie dans le degré de dépendance vis-à-vis de Tahiti.

a. Compte tenu de la distance, les relations avec les ïles Marquises et Tuamotu sont étroites: la collecte du coprah joue un rôle majeur dans la desserte de ces îles.

b. Malgré la proximité relative de Papeete, les îles Australes se distinguent par un certain isolement. Les habitants de l'archipel qui souhaitaient maîtriser leur desserte sont devenus actionnaires de la goélette qui les dessert et qui se trouve ainsi en situation de monopole. Le nombre de petits actionnaires tiraillés par des intérêts contradictoires et la dispersion des îles s'opposent à une gestion flexible et rationnelle, si bien que le navire se consacre plus spécialement à la desserte des deux principales îles, Rurutu et Tubuaï, qui concentrent la quasi-totalité de la production agricole.

c. Les échanges des îles Sous-le-Vent présentent la structure la plus équilibrée grâce aux exportations de produits agricoles variés.

À L'INTÉRIEUR DES ARCHIPELS: DES FLUX CONCENTRÉS VERS QUELQUES ÎLES Dans les relations entre Tahiti et les archipels, quelques îles peuplées captent la majorité des flux, ne laissant aux autres que des trafics modestes: en 1987, sur quatre­vingts îles répertoriées, vingt-cinq importent moins de 100 tonnes de marchandises, quinze, entre 100 et 300 tonnes.

Les efforts de rentabilité des armateurs portent sur la desserte de quelques îles clés. Raïatea, Bora Bora et Huahine absorbent 87 % du trafic à destination des îles Sous-le-Vent; Nuku Hiva, 32 % de celui à destination des îles Marquises; Rurutu et Tubuaï, 67 % de celui des îles Australes; Rangiroa et Manihi, 48 % de celui des Tuamotu de l'Ouest; Hao et Mangareva, 66 % de celui des Tuamotu de l'Est; Anaa, Makemo et Napuka, 41 % de celui des Tuamotu du Centre.

Quatre facteurs expliquent la concentration des flux sur ces quelques localités:

le poids démographique: ces îles sont en général les plus peuplées dans les secteurs géographiques considérés;

- la présence d'une agglomération à caractère urbain qui réunit des équipements, établissements ou organismes aux fonctions centrales (collège ou lycée, commerces, chef-lieu administratif, évêché, etc.): Taiohae à Nuku Hiva, Uturoa à Raïatea, Vaitape à Bora Bora, Mataura à Tubuaï, etc.;

la présence d'activités primaires, secondaires ou touristiques: parcs à poissons, nacriculture, perliculture, hôtels, etc. (Manihi, Gambier, Bora Bora, ... );

la réalisation d'un programme d'équipement: création d'une piste d'aérodrome, d'une mairie, d'un hangar à coprah, d'une route, d'un réseau d'électricité solaire (Anaa, Napuka).

L'armateur tient compte de ces particularités pour établir son itinéraire; les autres îles sont visitées dans un deuxième temps. Malgré les efforts du Territoire, la desserte des îles souffre encore d'une grande disparité.

À DESTINATION DES ÎLES EN PROVENANCE DES ÎLES PAR SECTEUR DE DESSERTE PAR SECTEUR DE DESSERTE

ÏLES SOUS- ÎLES SOUS· LE -VENT LE ·VENT

AUSTRALES TUAMOTU EST et GAMBIER

TUAMOTU OUEST TUAMOTU OUEST

PRODUITS À DESTINATION DES ÎLES PRODUITS EN PROVENANCE DES ÎLES

Nacre -, Divers

Poissons

Coprah

Sources: Service des Trarisports Maritimes lnterinsulalres Service des Douanes~ Port Autonome

Fig. 10: Répartition du fret par secteur géographique et par produit (en% du tonnage total) (1987)

CONCLUSION

Face à l'émigration massive des habitants des îles, dans les années 60, le Territoire a pris des mesures destinées à maintenir sur place la population. Les aides accordées à la création de fermes perlières, les aides à la production (notamment pour le coprah, mais aussi pour le poisson et la vanille) ont nécessité la mise en place d'un réseau de transport interinsulaire chargé de la collecte des produits. Cette politique de désenclavement qui s'appuie sur l'amélioration des moyens de communication (transports, téléphone, télévision, ... ) a, semble-t-il, porté ses fruits. Depuis 1977, le courant d'émigration vers Tahiti s'est amenuisé (îles Australes, Marquises, Tuamotu), voire inversé au profit des ïles Sous-le-Vent. Malgré la précarité des relations interinsulaires, les îles se sont intégrées, progressivement mais inégalement, au système économique marchand (apparition du salariat, consommation de produits de masse, etc.). L'injection de revenus extérieurs permet aux habitants de recourir à des importations de marchandises chères et variées sans pour autant développer les exportations: ces dernières ne compensent pas, et de loin, les importations de biens de consommation et d'équipement ou d'énergie.

Cette politique tend à renforcer indirectement l'importance du port de Papeete qui diffuse la modernité du monde extérieur vers les îles.

B. REITEL

Orientation bibliographique BLANCHARD (P.) -1981- Adapter les méthodes et moyens de gestion de la desserte

maritime interinsulaire. Papeete, 136 p.

BLANCHET (G.) -1985- L'économie de la Polynésie française de 1960 à 1980. Notes et Doc. Sei. Hum., ORSTOM Tahiti, 166 p.

DELEPLANCQUE (H.) -1982- Desserte maritime interinsulaire. Service de !'Équipement, Papeete, 39 p.

DOUMENGE (F.) -1966- L'homme dans le Pacifique Sud. Société des Océanistes, Paris, 633 p.

LEONTIEFF (A.) -1978- Les liaisons interinsulaires en Polynésie française. Thèse de doctorat, Paris 1, 602 p.

MATHIEU (J.L) -1988- Les DOM-TOM. Presses Universitaires de France, Paris, 269 p.

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D DELA

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POLYNESIE FRANÇAISE

ÉDITIONS DE L'ORSTOM Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération

Cet ouvrage a bénéficié du soutien du ministère des Départements et Territoires d'Outre-Mer et du Gouvernement de la Polynésie française

Paris 1993

~ Éditions

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ORSTOM 1993 ISBN 2-7099-1147-7

Editions de l'ORSTOM 213 rue La Fayette

75480 Paris cedex 10

Nous adressons nos remerciements à l'Institut Géographique National et au Service Hydrographique et Océanographique de la Marine pour leur collaboration et leur aide précieuses.