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LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE - iccnow.org · I. Exemples de reportages (notamment au tribunal) 50 II. Document de droit humanitaire international 54 Conventions de La Haye 54

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LES TRIBUNAUX DECRIMES DE GUERRE :

GUIDE PRATIQUE À L'INTENTION DESJOURNALISTES

Ce livre est dédicacé aux dizaines de journalistes en zones de guerre qui ont perdu la vie dans desconflits récents alors qu'ils couvraient les conséquences humaines des guerres.

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L'Institute for War & Peace Reporting est une organisation de promotion de lapaix et de la démocratie à l'aide de médias libres et objectifs. Parmi ses activités,on compte des reportages, des formations et le renforcement des capacitésinstitutionnelles des médias locaux dans des zones de conflits et de crises.

L'IWPR est un réseau international d'organisations non lucratives. Ce livre est unprojet de l'IWPR-Afrique.

IWPR Afrique, 1st floor, 5 Wellington Road, Parktown, 2193, Johannesburg, Afriquedu Sud

IWPR Europe, 48 Gray's Inn Road, Londres WC1X 8LT, Royaume-Uni

IWPR U.S.A., 1325 G Street, NW, Suite 500, Washington DC 20005, États-Unis

www.iwpr.net

Rédigé par Janet Anderson & Stacy Sullivan, avec des contributions et des apportsd'Anthony Borden, Vera Frankl et John McLeod.

Traduit de l'anglais au français par Emmanuelle Rivière http://er.rezo.net

Photographies : Marcus Bleasdale et des collaborateurs de l'IWPR

Mise en page : Lylaani Dixon

Couverture : Srdan Pajic

Coordination du projet : Jon Campbell et Duncan Furey

2006 © Institute for War & Peace Reporting

L'IWPR souhaite remercier le Programme pour la sécurité humaine du ministère desAffaires étrangères et du Commerce extérieur canadien, pour son soutien à lapublication de ce guide pratique, créé dans le cadre du projet de l'IWPR nomméGlobal Justice Reporting. Le but de ce projet est de renforcer le journalisme localtraitant des mécanismes judiciaires internationaux dans les pays ayant connu desconflits récents, en organisant des activités de journalisme, des formations, destables rondes et plus généralement en aidant au renforcement des capacités.

Pour de plus amples informations sur l'IWPR, ou pour apporter son soutien àl'organisation, voir www.iwpr.net

978-1-902811-14-7ISBN :

TABLE DES MATIÈRES

Introduction 4

1 Lutte contre l'impunité 6

2 Les tribunaux 10

3 Dans la salle d’audience 16

4 Procédures et fonctionnement 22

5 Être reporter au tribunal 28

6 Être reporter en zone de conflits 32

7 Systèmes judiciaires alternatifs 38

8 Notions de droit 42

Appendices

I. Exemples de reportages (notamment au tribunal) 50

II. Document de droit humanitaire international 54

Conventions de La Haye 54

Conventions de Genève 55

Convention sur le génocide 62

Statut de Rome de la Cour pénale internationale 63

III. Contacts et sources d'informations 67

IV. Corrigé des exercices 68

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INTRODUCTION

Le présent manuel se destine aux journalistes dont la tâche – celle de rapporter des informationssur les procès intentés aux suspects de crimes de guerre ou d’enquêter sur les lieux de cescrimes – se trouve parmi les plus difficiles, tout en étant aussi indispensable que potentiellementgratifiante.

Comme pour toute spécialisation journalistique, il faut connaître les exigences et règles propres auxenquêtes sur des crimes de guerres. Il faut avoir compris le contexte historique, les procédures et lesquestions de droit.

Pourquoi écrire sur les mécanismes de justice ? De nombreuses raisons existent ; et parmi elles lesjournalistes citent : avoir été témoin de crimes ; savoir que son pays/sa communauté a subi des crimesde guerres ; penser que son pays/sa communauté a commis des crimes de guerre et ne pourra seconstruire un avenir vivable qu’en mettant au grand jour les erreurs du passé et en s’y confrontant.

Mais quelles que soient les raisons d’enquêter sur la justice, il faudra avoir en main les outils pour le faire– le présent guide pratique se propose de les fournir.

Le Guide pratique à l’intention des journalistes enquêtant sur les tribunaux de crimes de guerres introduitles différents types de tribunaux dans lesquels on juge les crimes de guerres ; il présente une courtehistoire des tribunaux, explique le droit international qu’utilisent ces tribunaux, donne des détails sur ledéroulement des procès pour crimes de guerres, et explore le travail de reportage aux tribunaux et sur leterrain.

Deux raisons principales ont motivé la naissance du Guide pratique : le fait que des experts en droithumanitaire et des formateurs de journalistes expérimentés pourraient s’en servir pour illustrer leursformations, et la possibilité de l’étudier chez soi de manière indépendante.

Les chapitres sont agrémentés d’encadrés qui facilitent la compréhension des informations données, quipeuvent parfois être ardues. Les appendices contiennent des documents fondamentaux de droithumanitaire ainsi qu’une liste de ressources internet permettant d’effectuer plus de recherches.

L’objectif du Guide pratique est de soutenir les pays sortant de périodes de guerre en permettant augrand public de mieux comprendre les processus juridiques les concernant, qu’ils soient internationauxou non. Grâce au renforcement des capacités des journalistes et des directeurs de rédaction, desreportages fiables et responsables pourront être diffusés, permettant de contribuer considérablement auxprocessus judiciaires.

Si le succès du Guide pratique se trouve dans les mains des journalistes qui le lisent, il se verra surtoutdans le travail indispensable qu’ils feront dans leurs pays au cours des mois et des années à venir.

Anthony BordenDirecteur exécutif

4 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

Des habitants de Fataki, un village de l'Est du Congo, fuient les milices lenduPhoto : Marcus Bleasdale

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Qu'est-ce qu'un crime de guerre ?

Si l’on utilise souvent le terme « crime deguerre » pour décrire toute atrocitécommise en temps de guerre, sadéfinition juridique est beaucoup plus

précise : un crime de guerre est une violationgrave du droit humanitaire international, le codejuridique définissant les règles des conflits armés.

Le droit humanitaire international ne repose nisur un document unique, ni sur une définitionacceptée par tous. Il représente, au contraire, unesérie de traités internationaux, de résolutionsadoptées par le Conseil de sécurité des NationsUnies, de normes comportementales acceptéespar les États (droit coutumier) et de précédentsdéterminés par divers tribunaux internationaux.

Il ne s’agit pas de réguler le fait qu’un Étatpuisse ou non utiliser la force. Au contraire, cedroit s’applique aux individus après qu’un conflitarmé a été déclaré. Son objectif est de limiter lenombre de pertes civiles et de minimiser lessouffrances.

Des tribunaux chargés de juger les crimes deguerre ont été créés pour faire respecter ce droit.Ils cherchent à remplir les cinq objectifs suivants :

n Juger les personnes accusées d’avoir commisde graves crimes, et punir celles qui sontjugées responsables ;

n Rendre justice aux victimes de ces crimes ;

n Empêcher que d’autres crimes ne soientcommis à l’avenir ;

n Établir les faits en vue d’une réconciliation ;

n Renforcer l’État de droit.

Rôle du reporter

Pour bien remplir leur rôle, les tribunaux chargésdes crimes de guerre ont besoin de relayer leurtravail à la population. Aussi, les journalistesdoivent informer le public avec fiabilité etresponsabilité – c’est-à-dire en travaillant sansentretenir les préjugés des gagnants ou desperdants du conflit. En effet, les victimes peuventavoir tendance à penser que tous les suspectssont coupables. Quant aux suspects, ils peuventaffirmer que le tribunal en soi est invalide, ouincompétent.

Les journalistes doivent se placer au-delàde ces a priori incompatibles et évoquer lesfaits présentés lors des procès de manièreéquitable et équilibrée. Ils doivent égalementfaire très attention au fonctionnement destribunaux et mettre l’accent sur leursinsuffisances, tout en soulignant leurs réussites.Critiquer ouvertement les tribunaux peut lesforcer à adopter un fonctionnement plus ouvertet plus efficace ; toutefois des reprochesincessants pourraient n’entraîner que cynismeet soupçons injustifiés pour ces tribunaux de lapart du grand public.

Pour les journalistes couvrant les tribunauxinternationaux et d’autres mécanismesjuridiques, l’une des grandes difficultés résidedans le fait que les institutions, le domainecouvert et le droit humanitaire lui-même sont desactivités nouvelles, et qui se développentaujourd’hui encore rapidement. Le sujet n’en estque plus vivant et extrêmement intéressant àdévelopper. Les décisions prises aujourd’hui parles tribunaux peuvent avoir des conséquencesimportantes non seulement pour lesresponsables de crimes et les victimesconcernés par un procès, mais aussi pour lespays impliqués, et bien sûr pour le domaine plusvaste du droit humanitaire international et destentatives mondiales de traduction des criminelsde guerre en justice.

La nouveauté du domaine peut doncentraîner une certaine confusion. Parce qu’ilsfaisaient face à des circonstances variées, lesdifférents tribunaux fonctionnant aujourd’hui onttous été montés de manière individuelle. Quantau droit international lui-même, son histoire estplus longue, remontant aux conventionsadoptées dans les années 1940, voireantérieurement. Pourtant la mise en œuvre de cedroit date de la naissance des tribunaux, qui letestent. L’expertise reste limitée – quoiquegrandissante – ; et les ressources (comme leprésent manuel) commencent tout juste à voir lejour.

En bref, le droit humanitaire international et lesinstitutions qui l’appuient viennent d’atteindre la « masse critique ». Et face aux pressionsconsidérables qui les assaillent de tous côtés, lesjournalistes doivent présenter une vision fiable etéquitable de procédures complexes et parfoisapparemment incompréhensibles – ce qui n’estpas évident.

6 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

CHAPITRE 1 - LUTTE CONTRE L'IMPUNITE

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Pour comprendre la jeunesse et le dynamismedu domaine, il faut connaître l’histoire de la longuelutte ayant engendré l’adoption du droitinternational et la construction des tribunauxnécessaires pour traduire les responsables despires crimes du monde entier.

Origines des droits de l’homme

Le concept des droits de l’homme a connu unelongue évolution dans de nombreuses cultures.Aux XVIIIe et XIXe siècles, plusieurs philosopheseuropéens proposent le concept de « droitsnaturels » – c’est-à-dire les droits qu’un peuple apar nature, au regard de son humanité, et non pasde sa citoyenneté d’un pays particulier, ou de sonappartenance à un groupe ethnique ou religieuxspécifique. Au même moment, Henri Dunant, lefondateur de la Croix-Rouge, commence àexprimer ouvertement sa préoccupationconcernant les souffrances subies par lesmalades et les blessés en temps de guerre. HenriDunant travaille alors à l’établissement de lapremière Convention de Genève, qui est signéeen 1864. À la fin du XIXe et au début du XXe

siècle, la progression de ces droits continue grâceaux efforts menés par divers groupes politiques etreligieux, qui cherchent à mettre un terme àl’esclavage, au servage et à l’exploitation par letravail.

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 7

Les crimes jugés à Nuremberg

Crimes contre la paix (agression)Projeter, préparer, déclencher ou poursuivreune guerre d’agression ou une guerre faite enviolation de traités, accords et engagementsinternationaux ; participer à un plan concertéou à un complot pour l’accomplissement del’un des actes mentionnés ci-après :

Crimes de guerreLes violations des lois et coutumes de laguerre qui comprennent, sans y être limitées,les assassinats, les mauvais traitements ou ladéportation des populations civiles dans lesterritoires occupés, l’assassinat ou les mauvaistraitements des prisonniers de guerre ou despersonnes en mer, l’exécution des otages, lepillage des biens publics ou privés, ladestruction perverse des villes ou villages oula dévastation que ne justifient pas lesexigences militaires.

Crimes contre l’humanitéL’assassinat, l’extermination, la réduction enesclavage, la déportation ou tout autre acteinhumain commis contre toutes populationsciviles, ou bien les persécutions pour desmotifs politiques, raciaux ou religieux,lorsque ces actes ou persécutions sontcommis à la suite d’un crime contre la paixou d’un crime de guerre, ou en liaison avecces crimes.

Le terme « crime contre l’humanité » estutilisé pour la première fois par GeorgeWashington Williams, universitaire afro-américain, dans une lettre ouverte adressée auRoi Léopold II de Belgique en 1890, où ilévoque la lamentable situation des droits del’homme observée au Congo, à l’époque quasi-colonie privée du Roi.

GénocideSi la première utilisation du terme « génocide »se réfère à l’Holocauste, le concept ne faitnéanmoins pas partie de la liste des crimesdressés par la charte du tribunal deNuremberg. Toutefois, sous l’insistance deRaphaël Lemkine, universitaire à l’originedu terme « génocide », les procureursdécident de l’inclure dans les accusationsformulées à l’encontre des Nazis les pluspuissants jugés au tribunal, et dans leursremarques finales.

Bagdad, février 2003

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Finalement, ces valeurs – que l’on nommeaujourd’hui droits de l’homme – sont inscrites dansla Charte des Nations Unies au sortir de laseconde guerre mondiale. Le préambule de laCharte indique ainsi comme objectif pour l’Onu : « proclamer à nouveau notre foi dans les droitsfondamentaux de l’homme, dans la dignité et lavaleur de la personne humaine, dans l’égalité dedroits des hommes et des femmes, ainsi que desnations, grandes et petites. » La Charte estadoptée en octobre 1945. La Déclarationuniverselle des droits de l’homme (10 décembre1948) poursuit le travail ébauché par cesdispositions et produit un catalogue complet desdroits de l’homme.

Nuremberg

Le mouvement international des droits de l’hommegrandit beaucoup au cours de la deuxième moitiédu XXe siècle. En 1946, militaires et leaderspolitiques nazis sont jugés à Nuremberg pour lescrimes qu’ils ont commis contre les civils. Unnouveau concept juridique voit le jour : les crimescontre l’humanité. Le procès de Nurembergreprésente un tremblement de terre en matière dedroit humanitaire international. Pour la premièrefois, des dirigeants d’un État majeur sont jugéspar la communauté internationale pour crimes deguerre, crimes contre la paix et crimes contrel’humanité.

Pour les Alliés, juger les responsables del’Holocauste (l’extermination de six millions deJuifs en Europe) était un moyen de révéler enplein jour les événements qui avaient déchirél’Europe – et par là même d’en invalider tout déni.Si le procès permettait de punir les responsablesde ces crimes, il permettrait également que justicesoit rendue à tous les survivants de l’Holocauste,en reconnaissant leurs souffrances. En outre, leprocès permettait de renforcer l’État de droit auniveau international, en établissant l’existencemême des crimes contre l’humanité.

Au cours de ces années, les médias jouerontun rôle extrêmement important. Sans lesjournalistes, personne n’aurait su ce qu’il sepassait réellement dans les salles d’audience deNuremberg. Les horribles images des camps dela mort nazis, les témoignages poignants dessurvivants des camps et les centaines de milliersde documents détaillant les crimes nazisn’auraient jamais été rendus publics et un objectiffondamental de la mission du tribunal deNuremberg n’aurait jamais été rempli.

Parallèlement, d’autres procès sont organisésau même moment à Tokyo, où l’on juge les

dirigeants japonais pour leur implication dans lesatrocités commises pendant la guerre.

Dès lors, les militants des droits de l’homme sesentent encouragés par ces évolutions etcherchent à mettre fin à l’impunité : en d’autrestermes, ils veulent empêcher que de gravescrimes commis restent impunis. En 1948, ilscréent la Convention contre le génocide, offrantaux pires crimes connus de l’homme une basejuridique ; en 1949, ils rédigent une premièreversion des Conventions de Genève, codifiant le

CHAPITRE 1 n LUTTE CONTRE L'IMPUNITE

8 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

Nuremberg

Le plus célèbre procès pour crimes de guerrede l’ère moderne est de loin le procès deNuremberg, qui juste après la seconde guerremondiale juge les Nazis impliqués dans celle-ci et l’Holocauste.

Initié par les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l’Union soviétique –soit, les gagnants de la guerre –, le procès alieu au Palais de Justice de Nuremberg enAllemagne de 1945 à 1949.

Le premier de ces procès – et le plusconnu – débute en novembre 1945 au Tribunalmilitaire international. Vingt-quatre desleaders nazis capturés y sont jugés, et douzed’entre eux sont condamnés à mort. Desdizaines de suspects de crimes de guerre derang moins élevé sont jugés au Tribunalmilitaire américain de Nuremberg. Lefonctionnement interne de la machine deguerre nazie est révélé en plein jour. Lorsqueles quatre superpuissances avaient signél’accord créant le Tribunal militaireinternational en août 1945, elles avaient dûdécider du type de système juridique àadopter : système de droit commun, utilisépar les Britanniques et les Américains, ousystème de droit civil, utilisé dans le reste del’Europe et en Union soviétique. Elles sedécident pour un mélange des deux : d’autrestribunaux basés sur ces principes suivront.

Toutefois le procès de Nuremberg n’étaitpas parfait : la justice des vainqueurs n’allaitse préoccuper que des crimes commis par lesAllemands. Aucune considération ne seraitdonnée aux attaques des Alliés contre lespopulations civiles allemandes ou japonaises.Néanmoins, Nuremberg allait tout de mêmefournir un travail de fond essentiel pour lestribunaux chargés de crimes de guerre àl’avenir.

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droit de la guerre et rendant illégale tout attaquemenée contre des civils ou des biens publics ouprivés. Dès lors, l’étape suivante est de monter untribunal international chargé de faire respecter letout jeune code juridique du droit humanitaireinternational.

La guerre froide et les années suivantes

Ces efforts ne sont pas récompensés. Au coursdes années suivant la seconde guerre mondiale,les États-Unis et l’Union soviétique se lancentdans une grande course destinée à imposer leursidéologies opposées. Les deux superpuissancesdéveloppent leur arsenal militaire, et étouffent leConseil de sécurité des Nations Unies en yutilisant leur droit de véto : toute coopérationinternationale en vue de créer un tribunalinternational devient impossible.

Pendant près d’un demi-siècle, le codelégislatif créé suite à la seconde guerremondiale semble être oublié. À tel point qu’en1992, l’Europe « civilisée » est à nouveau lethéâtre de camps de concentration, dedéportations massives et de destructionssystématiques.

Dans un pays alors nommé Yougoslavie, lesforces serbes se mettent à expulser de manièresystématique les membres d’autres communautésdes territoires qu’ils contrôlent, au vu et au su dumonde entier, en dédaignant complètement toutesles coutumes de guerre, sûres de ne jamais avoirà répondre des crimes commis. D’autres partiesprenantes au conflit font de même.

La guerre froide prend fin, l’Union soviétiques’effondre et les Nations Unies ne sont plusbloquées. En Yougoslavie, la sauvagerie continueet l’indignation publique force finalement lespuissances du monde à agir. En 1993, le Conseilde sécurité des Nations Unies établit le Tribunalpénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)dans le but de juger les responsables desatrocités.

Basé à La Haye aux Pays-Bas, le TPIY est lepremier tribunal de crimes de guerre depuisNuremberg. Sa mise en place représente un « passage de l’impunité à la prise deresponsabilités », selon les militants des droits del’homme. L’année suivante, le Conseil de sécuritécrée un tribunal pour le Rwanda chargé de jugerles responsables du meurtre de quelque 800 000

Tutsis et Hutus modérés en 1994. Suivent unTribunal spécial pour la Sierra Leone, et destentatives de procès contre des suspects decrimes de guerre au Kosovo, Cambodge et Timororiental, entre autres.

Un tribunal permanent

Au bout du compte, en juillet 2002 la Cour pénaleinternationale, premier organe internationalpermanent au monde à pouvoir juger desindividus accusés des plus graves violations dudroit humanitaire international, voit le jour.

Créé via un traité signé entre plusieurs nations– on compte actuellement cent signataires –, laCPI est un organe indépendant, chargé de jugerles suspects de crimes de guerre lorsque lesÉtats eux-mêmes ne peuvent ou ne veulent lefaire.

Ce tribunal était le chaînon manquant pour lerespect du droit humanitaire international.Aujourd’hui, son rôle est multiple et difficile : undomaine juridique vaste, la nature complexe desaffaires traitées, et surtout une farouche oppositionde la part des États-Unis. La plupart des paysacceptent depuis longtemps la Déclarationuniverselle des droits de l’homme. Ils ont ratifié lesConventions de Genève, la Convention sur lesgénocides et d’autres traités. Mais jusqu’à présentaucun mécanisme officiel chargé du respect deces lois n’avait compétence sur les individuscoupables de ce type de crimes.

Aujourd’hui, ce tribunal existe.

EXERCICES

Le présent chapitre a observé les objectifs destribunaux de crimes de guerre et leur histoire.Répondre aux questions suivantes :

1) Le procès de Nuremberg remplit trois objectifs.Lesquels ?

2) Quels crimes sont jugés à Nuremberg ?

3) Pourquoi le rôle des journalistes à Nurembergest-il si important ?

4) Quel est le premier tribunal de crimes deguerre monté après Nuremberg ?

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 9

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Le droit humanitaire international ne prendpas sa source dans un document unique.Il se base sur une série de documents,traités, réglementations et pratiques

coutumières. En conséquence, il n’existe aucuneinstitution unique chargée de faire respecter cedroit. Et parce que les circonstances historiquessont variées, les tribunaux créés pour traduireen justice les personnes accusées de crimes deguerre le sont aussi. Parmi ceux-ci, on compte :

n La Cour pénale internationale (CPI);

n Les tribunaux ad hoc créés pour laYougoslavie et le Rwanda (TPIY et TPIR);

n Des tribunaux hybrides;

n Des tribunaux nationaux.

Le présent chapitre se charge d’introduire lesprincipaux tribunaux actuellement établis ; il contel’histoire de leur création, évoque les différencesclés les caractérisant, et parle de leurfonctionnement et des crimes qu’ils jugent.

La Cour pénale internationale

Ce tribunal est le plus récent et le plus completde tous. Il a été créé pour juger les personnessoupçonnées de crimes de guerre. Nommé Courpénale internationale (CPI), il est basé à LaHaye.

La CPI était attendue depuis longtemps. Dès1945, un tribunal de ce type est envisagé, aumoment où les Alliés, qui avaient gagné laseconde guerre mondiale, établissent le tribunalde Nuremberg pour juger les criminels de guerrenazis.

L’objectif de la CPI est de juger les personnessoupçonnées des pires crimes connus del’homme. La CPI est le premier tribunal permanentcréé pour enquêter sur ce type de crime et lesjuger. Avant sa création en 2002, les procès pourcrimes de guerre étaient menés par des tribunauxnationaux ou temporaires créés à cette fin.

En juillet 1998, le traité de Rome, qui crée laCPI, est adopté par les États membres desNations Unies à une écrasante majorité. Mais letribunal ne commence à travailler que quatreannées plus tard, après ratification par soixantepays, conformément aux conditions stipulées parle traité.

La CPI est chargée de juger les crimes de

guerre, les crimes contre l’humanité et legénocide.

Sa définition des crimes contre l’humanitéinclut le viol, la torture, la disparition forcée etl’apartheid. Les crimes d’agression sontégalement du ressort de la CPI – même si lesÉtats qui ont signé le traité de création de la Courdoivent encore se mettre d’accord sur la définitionde ce crime.

Contrairement aux idées reçues, La CPI nepeut juger quiconque se trouvant dans n’importequelle partie du monde. Son ressort ne couvreque les crimes liés à des violations supposées dudroit humanitaire international commises après le1er juillet 2002, c’est-à-dire après la constitutionformelle de la Cour. Sa compétence ne porte quesur les crimes commis dans les territoires desÉtats ayant ratifié le traité de Rome ou étantattribués à des citoyens de ces États.

La CPI est indépendante ; ce n’est pas uneinstitution de l’Onu. Le Conseil de sécurité del’Onu peut cependant y référer toute affaire ayanteu lieu sur tout territoire du monde, outrepassantles prescriptions nationales et territoriales relativesaux compétences du tribunal. Toutefois, cettemesure ne peut être prise qu’en conformité avecle Chapitre VII de la Charte de l’Onu, qui décidedes interventions de l’organisation. Et ce chapitreprécise que l’agrément de la majorité desmembres du Conseil de Sécurité est nécessaire,et que tous les membres permanents doivent êtred’accord – sachant qu’ils possèdent un droit deveto.

Pour aider les victimes de crimes de guerre, laCPI s’est dotée d’un Fonds au profit des victimes,qui est géré par un comité indépendant dans lebut d’octroyer des compensations. Le Fonds estalimenté par les gouvernements, des fondations etdes donateurs privés. En outre, le tribunal peutexiger que des criminels qu’il inculpe payent desréparations à leurs victimes.

Début 2006, cent pays avaient ratifié le traité ;l’objectif ultime restant la ratification universelle. Àcette aune, l'opposition des États-Unis au tribunalpèse beaucoup sur le processus de ratification.Les États-Unis craignent en effet qu’un procureurde la CPI à tendance anti-américaine n’utilise letribunal de manière injuste envers les Américains.En conséquence, Washington non seulement

10 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

Un enfant et sa mère attendent à Disa, Nord du Darfour.Photo : Marcus Bleasdale.

CHAPITRE 2 : LES TRIBUNAUX

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refuse de ratifier les statuts de Rome, mais faitpression au niveau politique pour miner le travailde la Cour, exigeant que les États signant desaccords bilatéraux s’engagent à ne pas soumettrede citoyens américains au tribunal - et ceux quirefusent pourraient se voir dénier toute aideaméricaine, militaire ou autre, à l’avenir.

Les procès jugés à la CPI peuvent êtreinstigués par le procureur du tribunal (qui estindépendant), par un pays ou par le Conseil desécurité de l’Onu. Le tribunal ne peut lancer laprocédure que s’il est prouvé que le paysconcerné ne peut pas mener l’enquête etéventuellement un procès pour crimes de guerre,ou ne le souhaite pas. En effet, les États « enéchec » ou « en effondrement », ou les pays enguerre, peuvent se trouver dans l’incapacité demettre en place des tribunaux complexes decrimes de guerre ; d’autres pays, impliqués dansdes crimes de guerre, peuvent tout simplement s’yrefuser.

En février 2006, Luis Moreno-Ocampo,procureur général de la CPI, a décidé de lancerplusieurs procédures d’enquêtes sur trois paysd’Afrique, dans le but éventuel de mener desprocès pour crimes de guerre. Les paysconcernés sont :

n République démocratique du Congo ;

n Ouganda ;

n Darfour (Soudan).

Des tribunaux Onu ad-hoc : Rwanda et ex-Yougoslavie

Plusieurs tentatives de traduction des criminels deguerre en justice avaient été faites avant lanaissance de la CPI.

Par exemple, dans les années 1990 une sériede guerres éclate dans un pays européen alorsnommé Yougoslavie. Plusieurs groupes ethniquesy sont systématiquement et brutalement expulsésdes territoires qu’ils occupent. De nombreusesattaques menées par les forces serbes, croatesou musulmanes bosniaques dédaignenttotalement le droit de la guerre, et les individusresponsables sont persuadés de ne jamais avoir àrépondre de leurs crimes.

Pourtant, l’indignation publique force lesgrandes puissances du monde à agir et en 1993,le Conseil de sécurité des Nations Unies établit leTribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Basé à La Haye aux Pays-Bas, leTPIY est le premier tribunal de crimes de guerre

depuis Nuremberg.L’année suivante, 800 000 Tutsis et Hutus

modérés sont sauvagement assassinés lors dugénocide rwandais. En réaction, le Conseil deSécurité décide en novembre 1994 de créer leTribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)

Les deux tribunaux sont créés par desrésolutions du Conseil de sécurité des NationsUnies et sont des institutions de l’Onu. Leurmandat couvre des enquêtes concernant descrimes de guerre commis par toute personne surles territoires des pays concernés, et provenantde tout groupe ethnique ou national, et originairede tout pays.

Tout comme à la CPI, les crimes couverts parla juridiction des tribunaux ad-hoc de l’Onuincluent les crimes de guerre, les crimes contrel’humanité et le génocide.

Le TPIY et le TPIR – comme le tribunal deNuremberg avant eux – utilisent un mélange dedroit commun et de droit civil. Les procureursmènent l’enquête puis émettent des actesd’inculpation qui doivent ensuite être confirméspar les juges avant d’être officialisés. Les procèssont menés d’une manière nommée « adverse »,les avocats de la défense et de l’accusationprésentant leurs arguments aux juges qui jouent lerôle d’arbitre. Il n’y a pas de jury. C’est le collègedes juges qui prend la décision finale.

Les affaires sont présentées dans la salled’audience, où des centaines de témoins peuventêtre questionnés. Pour les témoins, il est possiblede ne pas paraître, et de soumettre à la place untémoignage écrit. Autre procédure possible, le « plaidoyer de marchandage », proposé par lesprocureurs du TPIY et du TPIR, et permettant auxaccusés de réduire leurs chefs d’inculpation enéchange d’une reconnaissance de leur culpabilitéet, en général, de leurs témoignages dans d’autresaffaires. Si cette procédure existe, les jugespeuvent toutefois choisir de l’ignorer. Les accusésont le droit de faire appel via une Chambred’appels commune créée à cette fin, et qui couvreà la fois les tribunaux rwandais et ex-yougoslave.

Basé à La Haye aux Pays-Bas, le TPIY ainculpé cent soixante et une personnes dedifférents groupes ethniques et de toutes lesparties impliquées dans les guerres d’ex-Yougoslavie, dont l’ancien Président yougoslave,Slobodan Milosevic. En février 2006, plus de centtrente accusés avaient comparu au tribunal.Quarante ont été reconnus coupables, six ont étéacquittés, les autres étant morts entre temps ouayant vu leur accusation retirée ; six restaientencore introuvables.

Le siège du TPIR se trouve à Arusha en

CHAPITRE 2 n LES TRIBUNAUX

12 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 13

À l’instar du système utilisé à Nuremberg, lestribunaux internationaux chargés des crimes deguerre ont principalement adopté des structureshybrides inspirées à la fois du droit commun etdu droit civil. Quelles sont les différences entreles deux, et que signifie l’adoption d’un systèmemixte ?

Le système de droit commun – souventconsidéré comme « anglo-saxon » ou « anglais »en raison de son utilisation en Grande-Bretagneet dans ses anciennes colonies, y compris lesÉtats-Unis – se base sur les décisions du tribunalet sur les principes qui y sont édictés, via lacréation de « précédents ». Néanmoins, il n’estpas interdit à ce système de prendre égalementsource dans les coutumes et l’usage, et la loiécrite.

Conformément au droit commun, lesprocureurs doivent assurer que l’affaire traitéerépond aux principes « prima facie » ; c’est-à-dire qu’en toute probabilité, elle doit mener àune condamnation au tribunal. Lors du procès,avocats de la défense et de l’accusationprésentent leurs arguments juridiques opposés,dans la salle d’audience, alors que le juge restepassif, préside la procédure et joue le rôled’arbitre entre les avocats s’opposant. Un jurytiré d’un échantillon de population aléatoire estchargé de rendre un verdict.

Puisque le jury est tiré au sort de manièrealéatoire, il n’a normalement pas d’expériencejuridique, et peut avoir tendance à croiren’importe quelle argumentation convaincante –pour parer à cette éventualité, le système dedroit commun a développé des règles strictesconcernant les preuves, afin d’en exclure leséléments peu fiables. Les éléments de preuveincapables d’atteindre ce niveau d’exigence nepourront être présentés au jury et donc jouer unrôle dans la procédure judiciaire. A contrario, sila preuve proposée remplit les conditionsexigées, les parties peuvent présenter toutélément supplémentaire lié corroborant aumieux leur version des faits. En outre, les partiesimpliquées peuvent choisir en toute liberté leurstémoins, et sont libres de questionner lestémoins appelés par l’autre partie, dans unprocessus souvent agressif d’interrogatoireserré.

Quant au droit civil, ses procédures sebasent sur des codes juridiques écrits, et le

rôle des « précédents » est moindre. Lesprocès ne se déroulent pas de manière « adverse » : il s’agit plutôt d’une « enquête »,qui donne au juge un rôle beaucoup plusimportant, car celui-ci mène l’enquête et posedes questions au cours du procès, en vue dedévoiler le plus possible la vérité. Qui plusest, les juges prennent les décisions (soit, leverdict), et en général il n’y a pas de jury, saufdans certains pays de droit civil, comme laRussie, où la pratique de la convocation dejurés est en train d’être introduite. Si lesconditions imposées aux preuves sont moinsstrictes qu’en droit commun, les éléments depreuve prévus par chaque partie doiventobligatoirement être présentés avant l’acted’inculpation lui-même. Bref, en droitcommun les éléments de preuve sont plusimportants que les témoignages.

De nombreux tribunaux internationauxde crimes de guerre, dont celui deNuremberg, le TPIY, le TPIR et la CPI, ontadopté un système mixte droit commun/droitcivil. En termes concrets dans la salled’audience, le déroulement des procès setraduit ainsi :

n Certaines preuves sont présentées aumoment où l’accusation est lancée, alors qued’autres sont introduites plus tard, au coursdu procès ;

n Comme en droit civil, c’est un collège dejuges, et non pas un jury, qui émet leverdict ;

n Comme en droit commun, un système « adverse » est utilisé ;

n Les avocats de la défense ont le droit deprésenter des preuves pour se défendre eux-mêmes, et de questionner les témoinsappelés par l’accusation.

Ce fonctionnement hybride a beaucoup faitparler dans le monde juridique – notammentparmi les juges – ; deux traditions juridiquestravaillent ainsi ensemble pour trouver desaccords sur des procédures de travail claires. À cette aune, les tribunaux internationaux decrimes de guerre servent parfois autant à testerun nouveau système judiciaire qu’à légiférer surdes affaires criminelles précises.

Droit commun ou droit civil ?

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Tanzanie, et le bureau de son procureur est àKigali, au Rwanda. Pour l’instant, cinquante-neufpersonnes ont été inculpées, y compris desresponsables importants du gouvernement, desmilitaires de haut rang, des politiciens, desjournalistes et des hommes d’affaire notables aumoment du génocide en 1994. En février 2006, leTPIR avait mené vingt-six procès et accuséplusieurs personnes d’être responsables degénocide. Le TPIR est le premier tribunal à avoirémis des verdicts relatifs au crime de génocide,tel que défini dans la Convention sur le génocidede 1948. En 2006, vingt-huit suspects étaient surles bancs de l’accusation, et neuf demeuraientintrouvables.

Certes, ces deux tribunaux ont réussi à fairerépondre de leurs actes certains desresponsables des pires crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Mais ils ont aussicontribué à un objectif plus vaste : lerassemblement de documentation sur lesditscrimes, grâce auquel les sociétés concernéespourront peut-être confronter leur histoire.

Bien sûr, il ne s’agit pas d’un succès sansfaille. D’une part, ces deux tribunaux se trouvent àdes centaines de kilomètres des lieux où lescrimes se sont déroulés : leurs procéduresparaissent bien lointaines aux personnes censéesen bénéficier. D’autre part, certains accusésimportants n’ont jamais été capturés, ou ne sesont pas volontairement rendus. Sans compterque les procès sont aussi complexes qu’onéreux ;et que les tribunaux souffrent de la pression de lacommunauté internationale qui souhaite les voirmettre fin à leurs travaux, et fermer dans lesannées à venir.

Un tribunal hybride : La Sierra Leone

L’atroce guerre qui a ravagé la Sierra Leonejusqu’en 2002 a été le théâtre de massacres, demutilations et de crimes sexuels. La communautéinternationale s’est alors engagée à soutenir lacréation d’un tribunal chargé de punir lesresponsables des pires crimes.

Pour éviter les coûts d’établissement d’untribunal estampillé Onu, et s’assurer que lesdécisions prises par la justice aient un écho réeldans la population, l’Onu et le gouvernement de laSierra Leone ont décidé d’établir un tribunal « hybride » dont le personnel (y compris lesjuges, les avocats de la défense et del’accusation) serait originaire du pays, mais ausside l’étranger. Le Tribunal spécial pour la SierraLeone, basé à Freetown, capitale du pays, s’estdoté d’un mandat de trois ans et d’un budget total

de 57 millions de dollars américains. Les procèsont commencé en juin 2004.

Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone sebase sur certains éléments des Conventions deGenève de 1949 (lire le chapitre 6) et d’autreslégislations internationales, ainsi que sur le droitnational de la Sierra Leone. Il est chargé de jugerles crimes contre l’humanité, y compris leshomicides, l’extermination, l’asservissement, ladéportation, l’emprisonnement, la torture, le viol etautres formes de violence sexuelle, la persécutionet autres actions inhumaines menées lors d’ « attaques généralisées ou systématiquescontre toute population civile ».

Selon les Conventions de Genève (Protocole IIadditionnel de 1997 et Article 3 commun àtoutes), le tribunal peut juger les personnesaccusées de violence, y compris meurtre ettorture, punition collective, traitements humiliantsou dégradants, pillages et exécutionsextrajudiciaires. D’autres violations du droitinternational comprennent les attaques délibéréessur des civils, des humanitaires ou des troupes demaintien de la paix, et l’engagement forcéd’enfants de moins de 15 ans dans des forcesarmées. En outre, le tribunal peut juger lespersonnes accusées d’avoir enfreint la loi sierraléonaise, par exemple lors de violences sexuellescommises envers des jeunes filles de moins de14 ans, ou de destruction injustifiée de biens.

Le génocide ne fait pas partie des crimesjugés par le tribunal parce qu’on a estimé qu’il nes’appliquait pas au cas de la Sierra Leone.

Le tribunal de la Sierra Leone est doté d’ungreffe, de chambres et d’un procureur. La défensefait partie intégrante du tribunal.

Aujourd’hui, onze personnes ayant appartenuaux différentes factions en guerre dans le pays ontété inculpées, y compris l’ancien président duLibéria, Charles Taylor.

CHAPITRE 2 n LES TRIBUNAUX

14 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

Fosse commune près de Bagdad, février 2003.

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Autres tribunaux hybrides & nationaux

Plusieurs autres tribunaux ont été établis pourjuger des crimes commis dans des pays entransition. Si la présence d’un tribunal hybridepeut permettre d’accélérer le processus detransition d’un pays, elle offre également un échoau niveau local. Parfois, pourtant, ce type detribunal souffre de problèmes politiques nationaux,ce qui engendre des retards, voire des blocagesdus à des controverses relatives à leurs structuresou concernant leur professionnalisme, leurscapacités et leur neutralité.

Un tribunal hybride a été créé au Cambodge,où les procès des leaders khmer rouge encorevivants à ce jour doivent avoir lieu en 2007.Pendant quatre années de terreur, de 1975 à1979, les Khmer Rouges sont responsables de lamort d’au moins 1,7 millions de personnes.

Le Kosovo, région située sur le territoire del’ex-Yougoslavie, est administré par les NationsUnies. La mission de l’Onu a aidé à reconstruire lesystème judiciaire et juridique de la province, laconseillant également dans de nombreux procèsimpliquant des violations du droit humanitaireinternational.

Au Timor oriental, l’administration transitoiregérée par les Nations Unies a établi des collègesspéciaux à l’intérieur du système judiciaire localdestinés à juger les personnes soupçonnéesd’avoir commis des crimes de guerre.

En Bosnie-Herzégovine (ex-Yougoslavie), unechambre destinée aux crimes de guerre a étémise en place en collaboration avec le TPIY, pourtenter de juger les personnes responsables desévénements des guerres des Balkans, y comprisles personnes n’étant pas du ressort du Tribunalde La Haye, leur rang dans le pays étant trop peuélevé.

En Croatie et en Serbie, pays voisins, lessystèmes judiciaires ont également reçu unsoutien international destiné à la réforme destribunaux en vue de leur conformité aux normeseuropéennes ; aujourd’hui les procès pour crimesde guerre sont menés sans aucune aideextérieure.

En Irak, l’ancien président Saddam Hussein etd’autres dirigeants d’importance sont jugés auTribunal spécial créé par le Conseil degouvernement irakien et l’Autorité provisoiremenée par la coalition dirigée par les Américains.Le personnel du tribunal se compose d’Irakiens(notamment des juges), les militaires américainsfournissant les prisons et leur soutien. Il est

chargé de mener des procès intentés à desressortissants irakiens ou des habitants de l’Irakau moment où Saddam Hussein était au pouvoir,et accusés de crimes de guerre, de crimes contrel’humanité, de génocide et de violations decertaines lois irakiennes liées à l’abus de pouvoirou de ressources nationales.

Les tribunaux nationaux existant ont parfois lacompétence sur des procès pour crimes deguerre. Certains tribunaux européens ont cherchéà établir le droit à une compétence universelle, etont essayé de juger des dirigeants politiques oumilitaires d’autres pays, entraînant de multiplescontroverses.

EXERCICES :

Le présent chapitre a dressé la liste des différentstypes de cours et tribunaux. Répondre auxquestions suivantes, puis vérifier les réponses enfin de manuel.

1. Comment les tribunaux pour l’ex-Yougoslavieet le Rwanda ont-ils été créés ?

2. Pourquoi le TPIR a-t-il été créé ?

3. Pourquoi chacun des membres de l’Onu est-ilobligé de coopérer avec le TPIR ?

4. Comment la CPI a-t-elle été créée ?

5. Pourquoi n’a-t-il pas été possible de parler dugénocide au Rwanda ou des crimes commisdurant la guerre civile sierra léonaise à la CPI ?

6. De quel type de tribunal s’est dotée la SierraLeone ?

7. Quels sont certains des avantages destribunaux hybrides ?

THE INSTITUTE FOR WAR AND PEACE REPORTING

GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 15

Un homme creuse des tombes dans un cimetièred'Harare.

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Au tribunal, les journalistes travaillentséparément, et doivent en permanencegarder leur indépendance face auxinstitutions et aux responsables de la

justice. Néanmoins leur rôle reste essentiel pourque les tribunaux de crimes de guerre puissentatteindre leurs objectifs principaux .

Pour que la société comprenne et accepte lesdécisions prises par la justice, l’objectivité et latransparence sont absolument essentielles. Or lesdécisions de justice et les tribunaux eux-mêmessont souvent très critiqués, notamment dans lescommunautés d’où provient le criminel de guerrejugé. Les journalistes doivent donc veiller àprésenter les faits apportés par l’affaire jugée et letravail des tribunaux de manière juste et exacte.

Pour ce faire, les journalistes couvrant la Courpénale internationale ou tout autre tribunal chargéde crimes de guerres doivent en premier lieufournir une présentation responsable et équilibréedes délibérations, des faits présentés, desquestions juridiques et des décisions prises.

Ils doivent également porter attention auxévénements à l’extérieur de la salle d’audience,car les délibérations au tribunal auront desimpacts sur le terrain. Ainsi, les journalistesdoivent faire des reportages sur le tribunal lui-même, ses stratégies et son travail (parexemple, les tribunaux de l’Onu distribuentrégulièrement des rapports sur l’avancée deleurs travaux au Conseil de sécurité), mais aussisur les problèmes rencontrés et les questionssoulevées.

Toutefois, c’est dans la salle d’audience qu’ilfaudra commencer. Ce sont les délibérationsquotidiennes qui permettent au journaliste deprendre connaissance des informations qu’ilpourra retransmettre : les conflits et les crimes,plus les différentes personnalités impliquées, y

16 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

Les décisions prises aux tribunaux peuvent avoirdes conséquences durables sur les conflits encours mais aussi sur le droit humanitaireinternational en général.

Lorsque la CPI a lancé des mandatsd’arrestation contre les leaders de l’Armée derésistance du Seigneur (LRA) d’Ouganda, enoctobre 2005, les médiateurs étaient encore assisaux tables de négociation dans le but de trouverun accord de paix entre les rebelles et legouvernement. Pour ces médiateurs, l’enquêtede la CPI mettait des bâtons dans les roues deleur travail, en éloignant les négociateurs de laLRA.

Si les enquêteurs de la CPI sont restésdiscrets, la Cour a toutefois fini par lancer desmandats d’arrestation, et les efforts pour obtenirla paix ont été suspendus. Sur le terrain enOuganda, les journalistes ont peu à peu puévoquer certaines questions importantesrelatives à la CPI et à son fonctionnement,remplissant ainsi l’un des rôles cruciaux desjournalistes couvrant la Cour.

Lorsque le TPIY, tribunal pour l’ex-Yougoslavie, est établi au milieu des années

1990, les médiateurs internationaux négociant lapaix en Bosnie excluent les personnes accuséespar le tribunal. Dans ce cas précis, la décision dutribunal peut avoir été bénéfique auxnégociations de paix, car elle a permis d’exclureles personnes qui faisaient obstruction auxnégociations depuis des années.

En septembre 1998, les juges du TPIRdécident que Jean-Paul Akayesu, ancien maired’une ville rwandaise, est coupable de génocide.Cette décision est considérée comme historique :Jean-Paul Akayesu est la première personne àêtre jugée coupable de génocide depuisl’adoption de la Convention sur le génocide en1948. Autres décisions d’importance, lesjugements prononcés par rapport à des affairesde viols : a été reconnu le fait que des actes deviolence sexuelle puissent former partieintégrante du processus de destruction d’ungroupe, c’est-à-dire d’un génocide.

Les reporters travaillant dans les tribunauxdoivent enquêter sur les impacts politiques desdécisions juridiques et expliquer les précédentsjuridiques d’importance au moment où ils sontprononcés.

CHAPITRE 3 – DANS LA SALLE D’AUDIENCE

Des combattants de l’Armée de résistance du Seigneur(LRA), capturés lors d’une embuscade, sont présentés àtoute la ville de Soroti, Ouganda centre.Photo : Marcus Bleasdale

DES CONSÉQUENCES PLUS GÉNÉRALES

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CHAPITRE 3 n DANS LA SALLE D'AUDIENCE

18 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

Pour couvrir une affaire au tribunal, lesjournalistes doivent tout d’abord obtenir uneaccréditation délivrée à la presse, en faisant lademande auprès du bureau de presse. Engénéral, il y a un responsable de la presse augreffe – le bureau administratif du tribunal –,ainsi qu’au bureau du procureur. Pour obtenirune autorisation, il faut contacter le bureau depresse du greffe.

En ce qui concerne la CPI, le greffe fournitdes accréditations sur le long terme ou desautorisations à la journée pour couvrir la Courde manière plus ponctuelle. Pour obtenir uneaccréditation sur le long terme, les journalistesdoivent remplir le formulaire de demanded’accréditation de la CPI, téléchargeable sur lesite web de la Cour ou par courrier postal.

Les documents suivants sont nécessaires :

n une lettre de l’organe médiatique représenté,spécifiant combien de temps le journalistecompte travailler à la Cour ;

n la photocopie du passeport en cours devalidité ;

n la photocopie de la carte de presse en coursde validité ;

n une photographie type passeport.

Ces éléments d’information doivent être envoyés à :Cour pénale internationale/Renseignements aupublic Accréditation médias BP 19519 2500 CM La Haye Pays-Bas

On peut également les faire parvenir par fax au+31 (0) 70 515 8408 ou par courrier électroniqueà l’adresse [email protected].

Les accréditations à la journée peuvent êtreobtenues à la Cour même, en présentant unecarte de presse et un passeport en cours devalidité.

En outre, même si l’espace réservé auxjournalistes dans la salle d’audience est vaste,certaines affaires peuvent attirer un si grandnombre de journalistes qu’il peut être nécessaired’obtenir une accréditation spéciale. Le bureaude presse postera alors les formulaires dedemandes d’accréditation spéciale à l’avance,sur le site de la CPI.

Une fois l’accréditation obtenue, lesjournalistes peuvent entrer dans la salled’audience et accéder au bureau de presse. Ilsn’ont toutefois pas accès à d’autres pièces, saufs’ils sont accompagnés d’un membre du bureaude renseignements au public.

Coordonnées de la CPI :

Site web CPI : www.icc-cpi.intPorte parole du greffe : Ernest Sagaga +31 (0) 70 515 8762 Porte parole du procureur : Yves Sokorobi +31 (0) 70 515 8560

Le greffe a également préparé un manuel àl’intention des journalistes, qui peut êtredemandé en envoyant un courrier électronique àl’adresse [email protected] ou [email protected]

Contact de l’Association des journalistes pour laCour pénale internationale

Thomas Verfuss, président Prins Mauritsplein, 21 2582 ND La Haye, Pays-BasTéléphone + 31 (0) 65 338 1687 Fax : + 31 (0) 70 350 5151 E-mail : [email protected]

Damba et Bintu dans un camp de réfugiés. Photo : Marcus Bleasdale

Comment être journaliste à la CPI

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compris l’accusé et les victimes, les avocats del’accusation et de la défense, d’autres témoins,des responsables officiels et bien sûr lesmagistrats.

Voir et écouter

Une fois obtenue l’accréditation autorisant l’entréeau tribunal (voir encadré ci-dessus), lesjournalistes peuvent assister aux procès et utiliserles services du tribunal disponibles aux reporters.Tous les tribunaux ont des règlements sur lesobjets autorisés à l’intérieur de leurs murs.

Par exemple, il est d’ordinaire interdit d’utilisertout matériel électronique, comme desenregistreurs audio ou vidéo, ou des téléphonesportables.

En revanche toutes les délibérations de laCPI, par exemple, sont enregistrées par la Cour etle bureau de presse peut proposer auxjournalistes des enregistrements audio ou vidéo àrediffuser. En outre, la salle de presse permet auxjournalistes d’enregistrer les délibérations. Danscertains tribunaux, la salle de presse est équipéede caméras qui diffusent les débats en direct, etpermettent aux journalistes de travaillerconfortablement tout en suivant les activités de lasalle d’audience.

Les journalistes couvrant régulièrement la CPIont monté une association nommée Associationdes journalistes pour la Cour pénaleinternationale. Cette association peut s’avérerextrêmement utile aux journalistes qui ne trouvent

pas les informations qu’ils cherchent auprès desresponsables du tribunal, ou plus simplement quisouhaitent obtenir les conseils d’autresjournalistes.

À la CPI, le box des journalistes se trouvederrière une paroi de verre. Au centre de la salled’audience se trouve le banc des trois magistrats,qui forment la chambre du procès.

D’un côté de la salle d’audience se trouve lebanc de l’accusation, et de l’autre, la défense.

Les accusés sont assis sur le côté, derrière ladéfense. Le témoin questionné s’assoit au centrede la salle d’audience.

Les langues de travail de la CPI sont lefrançais et l’anglais, et un service d’interprétationsimultanée (traduction) est fourni dans ces deuxlangues, à travers des casques audio.

L’accusation comme la défense appellenttoutes deux des témoins et présentent deséléments de preuves. Chaque partie questionneintensément les témoins de l’autre, et met endoute les preuves présentées.

Les journalistes sont autorisés à rapportertout ce qu’ils entendent dans la salle d’audience,et ont en général l’occasion de voir destémoignages. Cependant, si les preuves sont denature délicate, l’identité du témoin pourra êtreprotégée, auquel cas son visage sera caché, ousa voix déformée électroniquement. Danscertains cas, le tribunal peut décider d’un huis-clos et toutes les personnes présentes, ycompris les journalistes, doivent quitter la salled’audience.

CHAPITRE 3 n DANS LA SALLE D'AUDIENCE

20 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

Le tribunal pour le Rwanda, basé à Arusha, secompose de trois éléments : le greffe, les chambreset le bureau du procureur. Le greffe est chargé detoutes les tâches administratives. Il contrôle lasécurité, organise le calendrier des procès et laprotection des témoins, et gère les relations avec lapresse. Il est également chargé des salaires desavocats de la défense. Les chambres désignent lesmagistrats, qui contrôlent les procédures juridiqueset émettent des décisions.

Le bureau du procureur, dirigé par leprocureur général, mène les enquêtes, rédige lesdossiers des affaires et présente les preuves autribunal. Divers enquêteurs – policiers oumédecins légistes – peuvent être impliqués dansla recherche de preuves contre un accusé.Parfois, on effectue des excavations sur des lieuxde crimes, ou on interviewe des témoins setrouvant à des milliers de kilomètres.

Si le tribunal trouve des preuves contre unepersonne, celle-ci peut être arrêtée et transférée àArusha. Le bureau du procureur peuts’impliquer dans les enquêtes concernant lasituation géographique d’une personne, mais letribunal n’a pas sa propre police et compte surles autorités locales pour que celles-ci fassentrespecter la loi et arrêtent les suspects. Letribunal a été monté avec l’aval du Conseil desécurité de l’Onu : tous les membres de l’Onudoivent donc lui apporter leur coopérationavec. En dépit de cela, l’extradition de certainespersonnes a connu des retards notoires.

À Arusha, les avocats de la défenses’inscrivent individuellement auprès dutribunal. Si les accusés n’ont pas les moyens dese payer leur propre défense, le tribunal fournitune courte liste d’avocats et paye les frais dedéfense.

Fonctionnement du tribunal pour le Rwanda

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Ressources et entretiens

Il est normalement interdit d’interviewer lestémoins avant ou après leur témoignage. Si lestribunaux ne peuvent empêcher les journalistes departir à la recherche des témoins, les avocats dela défense et de l’accusation précisent cependantbien aux témoins qu’ils ne doivent pas parler auxjournalistes. Et ce, pour empêcher que desreportages allant à l’encontre de leurstémoignages ne paraissent dans la presse.

En revanche, on peut examiner les documentset photographies présentés au tribunal. Il suffit dedemander au bureau de presse pour en obtenirdes copies. Sont inclus les chefs d’accusation, lesdécisions des juges, et les transcriptions dessessions. Il est également possible d’interviewerl’accusation, la défense ou les magistrats. Chaqueorgane a son propre représentant chargé de lapresse. Si, par exemple, un journaliste souhaiteinterviewer un représentant de l’accusation pourlui poser des questions sur le concept deresponsabilité disciplinaire, il devra appeler lebureau de presse du procureur. À noter que si lesmagistrats parlent volontiers à la presse, ilsn’évoquent pas les détails des affaires en cours,mais mentionnent les progrès généraux effectuéspar le tribunal, les résultats obtenus, les défis àrelever et les objectifs pour l’avenir.

Au bout de quelque temps, les journalistesdéveloppent leurs propres sources et contactentdirectement les membres de l’accusation, de ladéfense et de la magistrature. Souvent, lesresponsables du bureau de presse n’apprécientpas qu’on n’utilise pas leur service ; néanmoins cesont les sources elles-mêmes qui décident, aubout du compte, à qui elles veulent parler.

De fil en aiguille, les journalistes se créent aussiune liste d’experts extérieurs – des représentantsd’organismes d’observation ou d’analyseindépendants, des organisations des droits del’homme, d’autres avocats, des magistrats oud’autres experts en droit –, qui leur permettent demieux comprendre l’évolution des affaires en cours,

et fournissent analyses et commentaires. Une listed’organisations internationales travaillant sur lesquestions juridiques est incluse dans l’appendicedu présent manuel.

Avant de rencontrer les personnes àinterviewer, il est primordial que les journalistesaient fait des recherches conséquentes. En effet,rien n’énervera plus une personne importante etoccupée qu’un coup de téléphone lui demandantdes informations de base qui devraient être sues,et qui peuvent être obtenues facilement .

En ce qui concerne la CPI, le plus facile (pourles journalistes ayant accès à internet) est decommencer par consulter son site web à l’adressewww.icc-cpi.int. Le site présente les textesjuridiques sur lesquels se base la Cour, lecalendrier de la Cour, les décisions juridiques, unCV des juges et d’autres membres du personnel,et parfois des vidéos des délibérations en direct,via internet. Si possible, les journalistes peuvents’inscrire aux listes de diffusion de la CPIdestinées à la presse et aux médias, à l’adressewww.icc-cpi.int/press/Media_Contact.html. Existeaussi un formulaire en ligne à renvoyer au bureaude presse à l’adresse [email protected].

Des conférences de presse ont lieurégulièrement dans la salle de presse de la Cour.Des écrans de télévision sont égalementdisponibles pour que les journalistes puissentobserver les délibérations de la Cour, même si à laCPI les délibérations sont retransmises avec unedemi-heure de retard. Le bureau de presse estéquipé de téléphones et d’une connexion à internet.Quelques ordinateurs sont également disponibles.

EXERCICES :

1) Comment accéder aux délibérations de laCour ?

2) Comment la Cour peut-elle choisir de protégerl’identité d’un témoin ?

3) Peut-on interviewer des témoins ?

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 21

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Le présent chapitre est une introduction auxprocédures juridiques. Il proposeégalement des pistes de reportagespossibles aux journalistes travaillant sur

des procès. Si tous les tribunaux sont différents –en fonction de la juridiction à laquelle ils sontsoumis – les thèmes à traiter sont similaires. Lefonctionnement de nombreux tribunaux nationauxse ressemble sur de nombreux aspects.

L’acte d’accusation

Un acte d’accusation est une liste détaillée descrimes dont est soupçonnée une personne. Il sebase sur des recherches minutieuses et uneenquête menées par le procureur. Si le procureurcontinue à chercher des informations jusqu’à ladate du procès, l’acte d’accusation ne peuttoutefois être prononcé avant l’obtention d’unnombre de preuves suffisant à le justifier, et auraété révisé par un magistrat.

Une fois l’acte d’accusation prononcé, il entredans le domaine du public et les journalistespeuvent donc le citer. Bien sûr, il est à lire avecbeaucoup d’attention : il sera au cœur des futursreportages effectués par tous les journalistes. Àcette étape, on pourra commencer à qualifierl’accusé de personne « soupçonnée de crimes de

guerre » – attention, ne jamais oublier que lesaccusations portées alors sont uniquement desallégations et que tout accusé est innocent jusqu’àpreuve de sa culpabilité.

L’acte d’accusation contient des informationsutiles sur le contexte des crimes qu’il décrit, etdresse la liste des accusations portées contre lapersonne sous la forme de chefs d’accusation.En général, une description de l’incident (ou desincidents) est présentée, et la liste des chefsd’accusation correspondant aux incidents estdressée. Par exemple, certains accusés autribunal pour l’ex-Yougoslavie étaient accusés dedouzaines de chefs d’accusation. Quant autribunal pour le Rwanda, si en général lesaccusations sont moins nombreuses, la plupartdes personnes accusées ont dû répondre du plusgrave crime : le génocide.

À la CPI, la liste des accusations est dresséesous la forme d’un mandat d’arrestation, plutôtque d’un acte d’accusation. En février 2006,seules cinq personnes avaient fait l’objet demandats d’arrestation par la CPI : les leaders d’ungroupe rebelle d’Ouganda, l’Armée de résistancedu Seigneur (LRA).

Première comparution

Plusieurs mois, voire même plusieurs annéesavant le procès, les suspects se rendent autribunal pour une première comparution. Ils ontalors la possibilité de plaider coupables ou noncoupables des accusations qu’on leur porte. Ilsauront déjà choisi un avocat pour leur défense.L’acte d’accusation représente la sourceprincipale pour les journalistes travaillant sur leprocès. Cette étape peut également représenterl’opportunité d’obtenir des réactions surl’arrestation et l’ouverture de l’affaire ; souvent desrenseignements sur le suspect sont déjà connusde tous, et les journalistes écrivent des articles surle contexte du crime commis.

22 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

Actes d’ accusation sous scellé

Les actes d’accusation sont nommés « sousscellé » lorsque les noms des personnes et desaccusations portées contre elles ne sont pasrendus publics, afin de donner à l’accusationplus de chance de les arrêter. Le tribunalyougoslave a lancé plusieurs actesd’accusation sous scellé.

Ces actes d’accusation avaient été décidéspar Louise Arbour, ancien procureur généraldu TPIY/TPIR, à une époque où les autoritésne coopéraient pas avec les tribunaux enmatière d’extradition de suspects. Celle-civoulait améliorer les chances de trouver lessuspects. Sa décision a été plutôt efficace.

La prononciation d’un acte d’accusationsous scellé permet au tribunal de ne pasdivulguer certaines informations aux médias,dans des circonstances spécifiques, et jusqu’àce que le suspect soit arrêté.

CHAPITRE 4 – PROCÉDURES ETFONCTIONNEMENT

Des enfants dorment dans l’« Arche » à Gulu, Ougandadu nord. Il n’existe aucune aide à grande échelle pourles enfants qui dorment dans les rues ; les ONG localestravaillent de manière bénévole pour que les enfantsaient un toit sous lequel dormir. Ils fuient les villages enfin d’après-midi pour éviter les enlèvements et la mortaux mains de l’Armée de résistance du Seigneur deJoseph Kony. Chaque soir, jusqu’à 25 000 enfantsdorment à l’extérieur de la ville de Gulu. Photo : Marcus Bleasdale

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Ouverture du procès

Lorsque l’accusation et la défense ont fini depréparer le procès, que les questions juridiques etprocédurales ont été réglées, que le nom destémoins a été confirmé, l’affaire peut être portéeau tribunal. Ce processus peut durer plusieursmois, voire plusieurs années.

Le procès est ouvert par l’accusation quidresse la liste des chefs d’accusation et présentel’affaire. Les accusations sont énumérées, lespreuves et les témoins à venir sont introduits ; laresponsabilité individuelle de l’accusé est mise enavant.

Ensuite, c’est au tour de la défense, quirépond en général en expliquant que la personnen’est pas responsable personnellement descrimes commis, ou que les événements enquestion ne constituent pas un crime de guerre.Souvent, aux tribunaux de crimes de guerre, ladéfense défie la légitimité elle-même du tribunal,ou cherche à accuser d’autres personnes,expliquant qu’elles ont pris part au conflit etauraient pu être responsables de crimes, parfoismême plus graves – selon le point de vue de ladéfense.

Ces arguments contradictoires sont parfoisnommés dossiers ou déclarations d’ouverture.C’est le moment où les parties introduisent leurdossier de preuves. Ces déclarations contiennenténormément d’informations utiles. Elles sont unavant-goût des preuves que présenteral’accusation et des stratégies que prévoitd’adopter la défense.

Parfois, des réunions ont eu lieu avant leprocès pour régler des questions techniques. Cesquestions peuvent d’ailleurs s’avérer fortintéressantes : un suspect peut, par exemple, sepréparer à modifier son plaidoyer pour plaidercoupable. Souvent, des débats ont lieu sur lapossibilité d’accepter ou non une preuve, ou surdes questions relatives à divers témoins quipeuvent être disponibles ou non au tribunal, et lesimpacts de leur présence ou absence sur lesplaidoiries de chaque partie.

Le déroulement technique du procès estmené conformément aux statuts et procédures dutribunal, qui sont disponibles dans son enceinte.Des représentants de l’accusation et de ladéfense ou des experts externes peuventégalement aider les journalistes à les comprendre.En outre, ces règlements peuvent être amenés àchanger. Aux tribunaux rwandais et ex-yougoslave, les magistrats se réunissent tous lessix mois pour essayer de simplifier les procédures.Il est important d’être au fait de tous lesamendements.

Témoins et contre-interrogatoire

Pour convaincre, les avocats des deux partiestravaillent principalement à l’aide de preuves,c’est-à-dire en faisant appel à des témoins ou enprésentant des documents. Les témoins peuventcomparaître en personne, ou soumettre desdéclarations écrites. Les avocats peuvent utiliserdes preuves écrites, comme par exemple desordres militaires. En outre, certains témoins sontnommés témoins « experts » car ils sontcapables de fournir au tribunal un aperçu interned’une question spécifique ou du contexte duconflit.

Les témoins peuvent témoigner de manièrevolontaire, mais peuvent aussi avoir été appelés autribunal par une citation à comparaître – end’autres termes, un document juridique exigeantleur présence au tribunal. Une citation àcomparaître peut également être émise vis-à-visd’un gouvernement pour que celui-ci fournisse desdocuments spécifiques pouvant servir de preuve.

L’accusation amorce le procès en présentantses preuves et ses témoins. La défense estautorisée à poser les questions qu’elle souhaite,en vue de contredire les éléments présentés parl’accusation. Lorsque la présentation del’accusation tire à sa fin, c’est au tour de ladéfense, et les rôles sont inversés.

CHAPITRE 4 n PROCEDURES ET FONCTIONNEMENT

24 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

À l’écoute des témoignages

Les témoignages présentés au tribunal peuventêtre très durs à entendre. Ainsi, un observateurdu tribunal rwandais décrivait la scène suivante :

« Une expérience que je n’oublierai jamais,c’était l’avocat de la défense, qui essayait de laquestionner [la témoin].

« Vous avez bien dit que vous aviez unbébé attaché dans le dos lors de votre fuite ? ».Un silence, puis : « Que s’est-il passé ? Qu’est-iladvenu du bébé ? » La témoin a dit : « J’airencontré quelqu’un, un Hutu, qui m’a dit qu’ilavait une voiture, du lait, qu’il allait s’occuperde mon bébé comme si c’était le sien, alors je luiai laissé mon bébé… »

Comme elle était fatiguée, qu’elle avait couru,elle ne pouvait plus courir avec le bébé, il était lourd.Donc elle a laissé le bébé à cet homme. Lorsquel’avocat de la défense lui a demandé ce qu’il étaitfinalement advenu du bébé, elle a dit : « D’après ceque je sais on l’a donné aux chiens. »

Le tribunal s’est tu, je crois, pendant troisminutes. Personne n’a réussi à poser d’autresquestions. Mais elle était là, prête à apporter sontémoignage. »

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Les témoignages se font sous forme deréponses à des questions. Lorsque paraît untémoin de l’accusation, il répond tout d’abord auxquestions de l’accusation. S’il s’agit d’un témoinde la défense, c’est la défense qui commence.Les avocats ont déjà rencontré les témoins qu’ilsappellent pour leur présenter leurs questions etpréparer les réponses. Ils essayent égalementd’anticiper les questions que posera l’autre partie.

Ce processus de questionnement des témoinspar chaque partie se nomme interrogatoire etcontre-interrogatoire. Parfois, le contre-interrogatoirepeut être long, et s’il y a plusieurs accusés – c’est-à-dire plusieurs avocats – les témoins peuvent resterau banc pendant plusieurs heures, voire plusieursjours. Le but est de donner aux magistrats le tempsde décider de la fiabilité ou non d’un témoin.

Les témoignages sont la clef de voûte duprocès, et représentent souvent le cœur du travaild’investigation des journalistes. Ainsi, ceux-cidoivent veiller à savoir transmettre avec exactitudeles propos entendus dans la salle d’audience,choisir les citations les plus cruciales, et présenterle contexte adapté au public spécifique du médiapour lequel ils travaillent.

Qui plus est, il restera impossible de savoirquels témoins et quelles preuves seront essentielsaux magistrats au moment de rendre leur verdict,surtout lorsque les procès sont longs. La questionest donc de savoir présenter autant d’informationsque possible, de manière aussi claire que possible,pour que le public ait l’impression la plus justepossible de la complexité de l’affaire en cours.

Lorsque les deux parties ont présenté leurspreuves et leurs témoignages, le procès touche àsa fin.

Protection des témoins

Les témoins ont souvent peur d’une possiblevengeance, et certains refusent de divulguer leuridentité. Le tribunal s’est doté d’une série demesures destinées à protéger les témoins, ycompris en leur octroyant un pseudonyme, endissimulant leur visage ou leur voix, ou en leurpermettant de témoigner depuis une autre pièce.Certains journalistes ont été accusés d’outrage àl’autorité de la justice (voir ci-dessous) aprèsavoir révélé l’identité de témoins.

Les déclarations de conclusion

Une fois que toutes les preuves ont étéprésentées et que l’accusation et la défense ontexposé leurs argumentaires, les deux partiesexpliquent encore aux magistrats les raisons pour

lesquelles le suspect est coupable – ou innocent –des accusations portées contre lui. C’est là unautre moment crucial du procès. Chaque avocatrésume les points les plus convaincants de sonargumentaire, et essaye de démonter les preuvesprésentées par son opposant. Une écouteattentive de cette étape du procès permetd’entendre un résumé des plus grands argumentsexposés lors du procès.

Le verdict

Normalement, le temps de délibération octroyéaux magistrats avant le verdict est fixé d’avance ;il est donc facile de savoir quand attendre lejugement. C’est l’événement le plus important duprocès : il faut y être bien préparé. Le verdict estcomposé de trois décisions, à savoir :

n la personne est-elle coupable ou non coupablede tous les chefs d’accusation prononcéscontre elle, ou de certains d’entre eux ?

n quelle peine est requise pour la personnecondamnée ?

n quelles sont les raisons ayant motivé ladécision des magistrats pour le verdict et toutepeine requise ?

Procédure d’appel

Aux tribunaux internationaux – et normalementaussi dans les systèmes nationaux –, une foiscondamné le prisonnier a le droit de faire appelauprès d’une cour plus élevée dans la hiérarchie.Au tribunal rwandais existe une Chambre d’appel(que partage le tribunal yougoslave) dotée decinq juges, et basée à La Haye. Ces jugesécoutent les argumentaires et décident deconfirmer ou d’infirmer les verdicts ou les peines.

Outrage à l’autorité de la justice

Les tribunaux de crimes de guerre de l’Onu et laCPI peuvent intenter des procès pour outrage àl’autorité de la justice, s’ils considèrent qu’on s’estimmiscé dans le travail du tribunal ou qu’on nes’est pas conformé aux ordres donnés par lesmagistrats. Sont compris les actes d’intimidationde témoins, la révélation de l’identité de témoinsprotégés, ou le refus de comparaître en tant quetémoin ou de produire des documents exigés.

Les accusations d’outrage à l’autorité de lajustice prennent leur source dans l’idée que letribunal doit maintenir l’intégrité du processus

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 25

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juridique. L’Etat de droit dépend d’une justice quifonctionne ; en conséquence les tribunaux ont ledroit de punir les personnes qui défientsciemment ou volontairement leur autorité.

Pour un journaliste, il est crucial de connaîtreet de comprendre les règlements gouvernant lanotion d’outrage à l’autorité de la justice, car leserreurs sont faciles. Par exemple, un journalistepeut avoir vent du nom d’un témoin dont l’identitéa été cachée lors du témoignage. S’il publiait cenom, il serait coupable d’outrage à l’autorité de lajustice. Autre exemple : si un journaliste a couvertla guerre et est le seul témoin d’un crime, il sera

amené à témoigner. S’il refuse – de nombreuxjournalistes ne le souhaitent pas –, il pourra êtreaccusé d’outrage à l’autorité de la justice.

Être accusé d’outrage à l’autorité de la justiceest passible de lourdes amendes ou de peines deprison, voire des deux. Les différents tribunaux sesont dotés de peines différentes pour punir lescoupables d’outrage à l’autorité de la justice.

Le TPIY a accusé plusieurs journalistesd’outrage à l’autorité de la justice. La premièreaffaire d’outrage à l’autorité de la justice s’estdéroulée en janvier 2002, lorsque les procureursdu TPIY ont demandé au journaliste du

CHAPITRE 4 n PROCEDURES ET FONCTIONNEMENT

26 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

Voici l’extrait du verdict prononcé contre JeanPaul Akayesu, maire de Taba au Rwanda, accuséde crimes de guerre, de crimes contre l’humanitéet de génocide. Les parenthèses indiquent lessections omises.

ICTR-96-4-T prononcé le 2 septembre 1998 1. La Chambre de première instance 1 siège

aujourd’hui, vendredi le 2 septembre 1998, pourle prononcé de la décision relative à lacondamnation de Jean-Paul Akayesu dansl’affaire : Le Procureur contre Jean-Paul Akayesu,affaire numéro ICTR-96-4-T.

(…) 41. Au sujet du crime de génocide, la

Chambre rappelle que la définition donnée àl’article 2 des Statuts est reproduite exactementpar la Convention pour la prévention et larépression du crime de génocide. À cet égard, leTribunal rappelle que le Rwanda a agréé, par undécret-loi, à la Convention sur le génocide, le 10février 1975. Aussi, la répression du crime degénocide existait au Rwanda en 1994 à l’époquedes faits reprochés à Akayesu et leur auteurpouvait être passible d’être traduit pour cecrime devant les tribunaux rwandaiscompétents.

42. Contrairement à la croyance populaire, lecrime de génocide n’implique pas l’exterminationréelle d’un groupe dans sa totalité, mais estcompris comme tel une fois qu’une des actionsmentionnées dans l’article 2 des statuts estcommise avec l’intention spécifique de détruire,en tout ou en partie, un groupe national,ethnique, racial ou religieux. Le crime degénocide se singularise par son dol spécial quirequiert que le crime ait été commis dans uneintention particulière. L’intention particulièred’un crime est l’intention spécifique, requisecomme élément constitutif de ce crime, selon

laquelle l’auteur du crime a clairement cherché àproduire les actions pour lesquelles il est accusé.L’intention spéciale d’un crime de génocide sebase sur « l’intention de détruire, en tout ou enpartie, un groupe national, ethnique, racial oureligieux comme tel ».

43. Plus précisément, pour qu’une des actionsformant le cœur de l’accusation selon l’article 2(2) des statuts soit un élément constitutif degénocide, l’action doit avoir été commise contreun ou plusieurs individus, parce que cet individuou ces individus étai(en)t membres d’un groupespécifique, et spécifiquement parce qu’il(s)appartenai(en)t à ce groupe. En conséquence, lavictime est choisie non pas à cause de son identitéparticulière, mais en raison de son appartenance àun groupe national, ethnique, racial ou religieux.La victime de l’acte est donc un membre d’ungroupe, visé comme tel ; en conséquence lavictime d’un crime de génocide est le groupe lui-même et non pas l’individu seul.

(…) 55. En conclusion, concernant le chef

d’accusation 1 relatif au génocide, la Chambres’est déclarée convaincue au-delà de tout douteraisonnable que ces divers actes avaient étécommis par Akayesu avec l’intention spéciale dedétruire le groupe tutsi, en tant que tel. Enconséquence, la Chambre estime que les actesallégués dans les paragraphes 12, 12A, 12B, 16,18, 19, 20, 22 et 23 de l’acte d’accusationconstituent des crimes d’assassinat de membresdu groupe tutsi et d’atteinte grave à l’intégritéphysique ou mentale de membres du groupetutsi. En outre, la Chambre s’est déclaréeconvaincue au-delà de tout doute raisonnableque ces divers actes avaient été commis parAkayesu avec l’intention spéciale de détruire legroupe tutsi, en tant que tel.

Exemple de verdict

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Washington Post Jonathan Randal de témoignerdans l’affaire concernant un politicien serbebosniaque, Radoslav Brdjanin. Celui-ci étaitaccusé de persécution et d’avoir expulsé plus de100 000 personnes non serbes pendant la guerrede Bosnie de 1992-1995.

L’accusation a évoqué un article écrit parRandal en 1993. Celui-ci citait Brdjanin commedisant qu’il voulait réduire sérieusement le nombrede Musulmans vivant dans sa province. Brdjanin anié avoir prononcé ces paroles, et l’accusation ademandé à Randal de comparaître afin de vérifierses dires. Mais Randal et ses employeurs ontrefusé, expliquant que témoigner au tribunalmettait en danger sa neutralité en tant quejournaliste, et que plus aucune source ne voudraitparler à la presse par crainte de voir lesjournalistes témoigner plus tard contre elles. LaChambre d’instance a donc exigé la comparutionde Randal, qui s’est vu accusé d’outrage àl’autorité de la justice.

Le Washington Post a fait appel. Pour lequotidien, les reporters ne devraient être appelésà comparaître que lorsque leurs preuves sontessentielles à l’affaire, et ne peuvent pas êtreobtenues par d’autres moyens. La Chambred’appel a pris une décision en faveur de Randal.Deux ans plus tard, pourtant, le tribunal accusaitd’autres journalistes d’outrage à l’autorité de la

justice. Tout d’abord, Dusko Jovanovic,rédacteur-en-chef de Dan, quotidienmonténégrin. En août 2002, son journal avaitrévélé l’identité d’un témoin protégé qui avaittémoigné contre l’ancien président yougoslaveSlobodan Milosevic. Le TPIY a accusé Jovanovicd’outrage à l’autorité de la justice, mais a retirél’accusation après la publication d’une lettred’excuse publique.

Plus tard, le TPIY a accusé cinq journalistescroates d’outrage à l’autorité de la justice pouravoir révélé l’identité de personnes ayanttémoigné contre un général croate. L’un d’entreeux, Ivica Marijacic, rédacteur-en-chef du journalHrvatski List, a été jugé coupable en mars 2006 etcondamné à une amende de 15 000 euros. Demême pour l’ancien chef du service de sécuritécroate, Markica Rebic. Les procès des quatreautres journalistes ne sont pas encore terminés.

EXERCICES :

Le présent chapitre a présenté les procéduresjuridiques. À cette aune, les scénarios suivantssont intéressants :

1. Le tribunal a lancé un acte d’accusation contrel’un des responsables militaires de haut rangd’un pays. L’acte d’accusation contient unautre nom, mais celui-ci est sous scellé, etnoirci. Un journaliste réussit à déchiffrer le nomà partir de la version électronique dudocument et découvre que la deuxièmepersonne accusée est le vice-président de sonpays. Doit-il publier l’information ?

2. Un témoin important témoigne sous protectioncontre l’ancien chef des services secrets d’unpays. Une personne apparemment employéedes services secrets approche un journalisteavec des informations sur l’identité de cetémoin et lui demande de les publier. Quefaire ?

3. Le cousin éloigné d’un journaliste est accusépar la CPI de crimes contre l’humanité et esten fuite. Il contacte son cousin à travers unepersonne inconnue et lui propose un entretienexclusif. Il souhaite convaincre de soninnocence. Que faire ?

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 27

Peines maximales pour outrage àl’autorité de la justice

Tribunal yougoslave, jusqu’à 100 000 euros etjusqu’à 7 ans de prison (voir www.un.org/icty/legaldoc-e/index.htm)

Tribunal rwandais, jusqu’à 10 000 USD ou 6mois de prison (voir http://65.18.216.88/ENGLISH/rules/260600/6.htm)

Tribunal pour la Sierra Leone, jusqu’à 2million de léones, 7 ans de prison, ou les deux (voir www.un.org/icty/legaldoc-e/index.htm)

Cour pénale internationale, amende jusqu’à100 000 euros, mais pas de peine de prison

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Une fois qu’ils ont lu tous les documentsde l’affaire, étudié les textes luicorrespondant en matière de droithumanitaire international et obtenu une

accréditation, les journalistes sont parés pour letribunal. Mais quels articles pourront-ils écrire ?

Pour commencer, il faut savoir qu’assister àun procès – qu’il s’agisse d’un litige domestiqueou d’un crime de guerre majeur – est uneexpérience qui peut être difficile. Le temps passelentement, de multiples questions procéduraless’immiscent, l’interrogatoire des témoins estparfois répétitif, voire hors sujet, et les magistratssuspendent souvent les audiences.

Les moments d’intensité semblent rares, etlorsqu’ils surgissent, le jargon qui les entoure estsi juridique, si procédural, qu’on peut aisément leslaisser s’échapper. Il s’agit souvent d’uneavalanche de détails disparates telles les piècesd’un puzzle impossible à assembler. En outre, ladistance physique séparant les journalistes dansla salle d’audience, marquée par une paroi deverre pare-balles, peut éloigner les délibérationsqui pourtant sont à deux pas. Ce n’est pastoujours facile à gérer. Mais les journalistes quisavent précisément ce qu’ils cherchent pour leurarticle et l’angle qu’ils vont utiliser allègentlargement leur tâche.

Objectivité – impartialité

Au tribunal, les journalistes doivent enpermanence garder en tête les conceptsfondamentaux d’objectivité et d’impartialité.Préparer et rédiger un article sur le déroulementd’un procès pour crimes de guerres signifie seconformer aux mêmes normes de responsabilitéet de fiabilité que lors de n’importe quel travailjournalistique.

Toutefois, dans le cas d’un tribunal de crimesde guerre, les journalistes doivent respecter cesprincipes avec une attention particulière. Et ce enraison des conditions imposées par la loi au travailen salle d’audience, mais aussi du risqueinévitable de faire peser opinions et préjugés surdes sujets extrêmement sensibles. Par exemple,tout en présentant bien sûr le témoignage apportépar un témoin – c’est-à-dire une facette desévénements –, le reportage devra veiller à resterobjectif, à prendre du recul et à couvrir un laps detemps – quelques jours ou quelques semaines –assez équilibré.

Le manuel de l’IWPR intitulé Reporting forChange: A Handbook for Local Journalists inCrisis Areas, disponible sur internet à l’adressewww.iwpr.net, donne des conseils plus détaillés enla matière (en anglais).

Quel article ?

Dans l’idéal, les journalistes savent à l’avancequel type d’article ils cherchent à écrire, et ontpréparé leur reportage avant d’entrer dans la salled’audience.

Parmi les exemples d’angles possibles, on a :

n « en salle d’audience » – c’est le reportage «classique », centré sur les procédures d’unejournée et les événements ayant animé la salled’audience ;

n « brève » informative – billet, notammentdestiné à une agence de presse, fournissantrapidement les informations essentielles vis-à-vis d’une évolution importante ;

n analyse – article plus poussé, présentant lesavis et les commentaires d’experts etpermettant d’évoquer les conséquences d’unverdict, par exemple, ou d’une décision, del’apport d’une nouvelle preuve, ou de touteautre évolution prise par le procès ;

n article « d’ambiance » – moins fréquent, il estsouvent rédigé dans le but de faire sentirl’ambiance de la salle d’audience, lespersonnalités et les états d’esprit des individusprésents ;

n portrait – portrait d’une personne, ou dutribunal lui-même, voire des lois ou des lieux,du travail au tribunal ; ou alors, regard plusapprofondi sur un aspect précis du tribunal ;

n évaluation – présentation bien étayée desprogrès faits par une affaire, ou du tribunal ensoi, avec analyse des résultats obtenus etrassemblement d’une quantité substantielled’opinions et de commentaires d’expertspermettant de proposer un article clair etobjectif.

28 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

CHAPITRE 5 – ÊTRE REPORTER AU TRIBUNAL

En Ouganda du Nord, des parents donnent à leursenfants des rosaires dans l’espoir de les protéger desl’Armée de résistance du Seigneur. Photo : Marcus Bleasdale

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Il est important de connaître les normes relativesaux journalistes pour chaque tribunal. Diverssystèmes appliquent différentes règles au regarddes journalistes. Par exemple, les tribunauxnationaux britanniques sont très stricts, etn’autorisent pas qu’on rédige des articles portantdirectement sur les délibérations : les analyses nesont autorisées qu’une fois le procès terminé. Letribunal de La Haye pour l’ex-Yougoslavie estbeaucoup moins strict ; on peut donc inclure plusd’analyse ou de contexte dans les articles. Bref, ilest essentiel de connaître les restrictionsappliquées par les tribunaux aux journalistes, pouréviter tout risque d’outrage à l’autorité de la justice.

Les journalistes travaillant au tribunal doiventavoir bien préparé leur sujet, car celui-ci leurindiquera en partie les activités qu’ils doiventmener dans la salle d’audience. La meilleurechose est de connaître le plus possible le contextede l’affaire en cours, et ce même si l’on ne prévoitqu’un bref entrefilet, pour lequel on tirera laplupart de ses informations du déroulement mêmedu procès au tribunal. Pour une analyse, il faudrabien sûr connaître tous les documents relatifs àl’affaire et son contexte ; et avoir développé uneliste de contacts à l’intérieur comme à l’extérieurdu tribunal afin de pouvoir proposer un point devue aussi objectif qu’informatif.

Pour d’autres types d’articles longs, lesrecherches et la préparation seront encore plusimportantes. Il est primordial de bien préparer sesreportages, d’anticiper les documents nécessaires– et surtout les contacts dont on pourra avoirbesoin – mais aussi de faire très attention à bienparler à des personnes de tous bords (parexemple, des personnes qui penchent pour ladéfense, ou pour l’accusation).

Un conseil : Il peut s’avérer extrêmement utilede connaître la sténographie lorsqu’on enquêtesur un procès. Quelques heures d’entraînementpermettent facilement d’en connaître les bases, etsuffisent à écrire plus vite et plus lisiblement, maisaussi à faire mieux attention au déroulement deschoses. De nombreux livres, cours et ressourcesen ligne sont disponibles pour apprendre ; laméthode Teeline est considérée comme standard.

En salle d’audience

Si les articles ou reportages traitant dudéroulement d’une journée – ou de plusieursjournées – dans la salle d’audience sont les pluscommuns, ils n’en sont pas moins difficiles.

L’objectif principal est de présenter un récitjuste et objectif des événements se déroulantdans la salle d’audience.

Or le reporter se voit confronté à des massesd’informations très détaillées et souvent difficiles àcomprendre, une longue liste de témoins et uncode juridique complexe ; ses objectifs luisemblent alors contradictoires :

1. Il souhaite mettre l’accent sur un point précistiré de la partie du procès qu’il couvre – parexemple, l’expérience vécue par une victime,les éléments apportés par un témoin, lescontestations d’un accusé – en une narrationdirecte (voir l’exemple 1 de l’appendice 1) ;mais :

2. Il veut être sûr de donner une image aussicomplète que juste des événements de la salled’audience, – c’est-à-dire ne pas omettre dedéclaration importante simplement parcequ’elle rentre mal dans le récit qu’il a choisi deconter.

Pour faire un reportage aussi informatifqu’intéressant, il est indispensable d’avoir choisi àl’avance un angle précis. Toutefois, attention à ceque les choix effectués ne fassent pas naîtred’accusations de manque d’objectivité, parexemple lorsque seules les preuves démontrant laculpabilité possible de l’accusé sont utilisées dansl’article.

Il s’agit peut-être d’une contradiction ;pourtant elle n’est pas impossible à surmonter.

Tout d’abord, on fait son reportage au coursd’un procès ; il est donc par nature impossible deconnaître l’importance d’un fait avant la fin del’affaire et la prononciation du verdict.

On peut par exemple commencer un articleen identifiant son sujet principal en premierparagraphe. En deuxième ou troisièmeparagraphe, un résumé des questionssecondaires peut être donné.

Et aux paragraphes suivants, le thèmeprincipal est abordé ; c’est la narration en soi : lespropos d’un témoin, les réactions lors de sontémoignage, etc. Vers la fin de l’article, on peutrevenir, si nécessaire, sur les autres questionsd’importance (présentées dans les deuxième ettroisième paragraphes) pour les compléter, dansun but d’exhaustivité.

À noter que dans l’exemple 2 de l’appendice,le reporter commence par résumer les pointsprincipaux, développés plus loin, et attend lecinquième paragraphe pour résumer les autresfaits importants.

Autre règle d’or, faire attention à rester assezlongtemps au tribunal pour être capable deprésenter le sujet de manière complète. Ainsi,lorsqu’un témoin de la défense s’exprime le matin,

CHAPITRE 5 n ÊTRE REPORTER AU TRIBUNAL

30 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

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assister à la séance de l’après-midi, pour ne pasmanquer le contre-interrogatoire de l’accusation.Si l’interrogatoire et le contre-interrogatoire sontprévus pendant le temps que couvrel’accréditation du journaliste, celui-ci devras’assurer de pouvoir y assister, le contre-interrogatoire permettant de voir si de nouveauxfaits ou des divergences surgissent.

Autre possibilité, le témoin est interrogé par ladéfense et au bout d’une semaine la date limite derendu de l’article approche. Le journaliste peutalors expliquer dans son article que « l’accusationeffectuera le contre-interrogatoire du témoin lasemaine prochaine », et assister au contre-interrogatoire au moment où il a lieu. Souvent, onutilise une phrase toute faite pour terminer lesarticles, qui rappelle aux lecteurs que le procèsn’est pas terminé : « Affaire à suivre ».

Mais la règle principale est surtout qu’il fauten permanence coller aux faits. Éviter d’ajoutertrop d’éléments contextuels et historiques, et nejamais inclure de commentaires personnels. Il estsouvent plus judicieux de restreindre lesinformations contextuelles sur un accusé à unsimple résumé des chefs d’accusation tels queprésentés par l’acte d’accusation, plutôt qued’ajouter des informations glanées ailleurs sur lanature de la guerre, les responsablesd’événements divers ayant affecté certainespersonnes, etc.

En outre, il est tout à fait légitime de décrirel’ambiance de la salle d’audience, et pour ce faireil faut employer ses yeux et ses oreilles. Leslecteurs ne sont pas dans la salle d’audience :l’article doit leur en donner une idée. Toutefois,attention à éviter d’utiliser des adjectifs lourdementconnotés (par exemple, des accusés « à l’airdouteux » ou une accusation « dédaigneuse »).L’article devra se baser sur les activités elles-mêmes de la salle d’audience, sans les décriretrop avant. À cette aune, les réprimandes desjuges et la vivacité des échanges entre équipesd’avocats sont particulièrement notables pour lesarticles.

Autre option pour les reportages en salled’audience, des reportages factuels sur desquestions procédurales. La modification desprocédures peut avoir une influence capitale surle procès ; il peut donc être central d’en parler(voir l’exemple 3 de l’appendice).

À force de travailler au tribunal, lesjournalistes finiront par entendre courir desrumeurs – concernant par exemple le nom desuspects probables, ou la probabilité de leurarrestation. Il faut donc faire doublement attentionà l’exactitude des informations glanées,

notamment de peur de faire savoir à une personnequ’elle est soupçonnée, l’aidant par là même àprendre la fuite.

Analyses et portraits

Des articles analytiques plus poussés permettentde mettre les évolutions d’un procès dans leurcontexte en aidant les lecteurs à comprendre sondéroulement même. Ces articles sont absolumentnécessaires, de temps en temps, car ilspermettent de faire ressortir les progrès effectuéspar un procès de l’avalanche de détails et decontre-accusations qui remplit la majeure partiedes journées au tribunal.

Pour ce type d’article, un événement autribunal (un verdict, une décision ou une nouvellepreuve) est mis en exergue, et illustré decommentaires d’experts, d’avocats, de victimes,d’ONG, etc. (voir appendice 1, exemple 4.) Cetype d’article peut aussi être utile pour marquer unévénement crucial, comme le début d’un procès,la fin de l’argumentaire de l’accusation, de ladéfense, ou bien sûr le verdict.

Il peut aussi parfois venir en complément desreportages effectués en salle d’audience, voiremême les remplacer totalement, en tant que « réaction à chaud ». Par exemple, il peut arriverqu’une nouvelle preuve présentée pendant lajournée ne permette de remplir qu’un paragrapheou deux ; mais son importance mérite une enquêteplus poussée, ou les commentaires d’experts.

Autre solution possible, un entretien avec lesavocats de la défense ou de l’accusation –lorsque c’est autorisé – pour obtenir leur avis surl’affaire. Et comme pour tout entretien avec desresponsables importants, il faudra faire attention àêtre d’accord sur ce qui est dit de manièreofficielle et ce qui ne l’est pas : mieux vautconfirmer à l’avance, de manière très précise, lesrègles selon lesquelles le nom – ou lescommentaires – de la personne interviewéepourront être cités ou non : en effet, sous peine deperdre tous ses contacts, mieux vaut éviter de malles utiliser dans un lieu clos comme un tribunal.Les questions devront être prêtes, mais si ellesmènent vers des angles également intéressants, ilfaudra bien sûr laisser les contacts développerleurs idées.

Les journalistes expérimentés peuvent aussirédiger des analyses plus poussées concernantles tribunaux ou les procès, sans lien à un faitadvenu dans la salle d’audience mais pluslargement sur des questions de droit ou deprincipes juridiques, tirées de l’affaire qu’ilscouvrent (voir exemple 6, appendice 1).

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Dans tous les cas, le plus important sera defaire attention à respecter les règlements dutribunal relatifs aux sujets autorisés auxjournalistes, et surtout à l’outrage à l’autorité de lajustice.

Le grand jour

En général, les journalistes doivent faire desefforts pour tirer des échanges qu’ils entendentdans la salle d’audience des éléments plus « vivants ». Pourtant parfois, des événementsviennent pimenter les journées, et les journalistessavent déjà qu’ils vont pouvoir écrire des articlesplus conséquents.

L’ouverture d’un grand procès, la prise deposition de l’ancien président d’un gouvernement,un verdict majeur concernant une affaire degénocide – pour tous ces événements il faudrarapporter l’information mais aussi fournir une « analyse instantanée » des conséquences et del’ambiance de la journée.

Une fois de plus, c’est la préparation qui faitla différence. Si l’avenir est impossible à prédire,certains développements peuvent toutefois êtreattendus. Il faut relire et évaluer à l’avance lesdocuments relatifs à l’enquête, voire même rédigerune partie du reportage sur la journée avant ladate : par exemple les paragraphes traitant desprincipaux chefs d’accusation d’un procès devants’ouvrir, qui sont connus à l’avance.

En tous cas, une chose est sûre, c’est qu’ilfaut dresser la liste des contacts que l’on aimeraitciter – en gardant toujours en tête l’objectivité del’article – et les interviewer à l’avance, si possible.Ainsi, on obtient une description utile du contexte.On peut également prévenir les contacts dupossible besoin de les rappeler rapidement le jourJ, pour obtenir une dernière citation pour l’article.

Ce travail de préparation permet d’insérer lesnouveaux éléments au moment où ils tombent(déclarations, preuves, ambiance de la journée),

mais il faudra bien sûr revoir tout élément déjàpréparé afin de s’assurer de sa concordance avecles événements réels de la journée.

Tant qu’un journaliste est organisé etresponsable, ce type de procédé pourra luipermettre de produire des récits bien écrits,presque « en direct », fidèles aux événements telsqu’ils se déroulent.

Dernier rappel : ne jamais écrire d’article basésur des éléments pré-préparés sans se rendre autribunal pour vérifier les faits réels. Se lancer dansla fiction et les mensonges ne mènera qu’à laperte de crédibilité – et ce, rapidement – etpourrait endommager gravement, voir mettre fin, àla carrière d’un journaliste.

EXERCICES :

La seule manière de se préparer à rédiger desreportages en salles d’audience est de s’entraîner.Enquêter sur ce qui se passe dans les tribunauxlocaux de son pays, se choisir un procès ou desdélibérations, et apprendre à couvrir ce typed’événements.

Écrire une liste des questions exigeantréponses. Qui est accusé, quelle loi est-t-il(elle)accusé d’avoir enfreint, à quelle étape se trouve leprocès, que s’est-il passé jusque là, que va-t-il sepasser, à quelle date doit-il finir, quelles sont lespossibles décisions pouvant être prises ? Identifiertoutes les personnes clés. Se faire connaître desresponsables du tribunal et voir qui pourrait aiderà fournir documents ou informations.

Puis, une fois assez d’informationsrassemblées, essayer d’écrire un article basé surune ou deux journées au tribunal. Vérifier ànouveau tous les détails, pour être sûr de ne pasavoir fait d’erreurs, et voir s’il est possible d’écrireun article, avec une amorce et un sujetintéressants. S’il manque des éléments, essayerde comprendre pourquoi, comment y remédier, etcontinuer à s’améliorer.

CHAPITRE 5 n ÊTRE REPORTER AU TRIBUNAL

32 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

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Si être journaliste au sein d’un tribunal decrimes de guerre signifie avoir desconnaissances spécialisées et uneexpérience solide, le plus important est

tout de même de faire particulièrement attention àbien respecter les normes internationales dumétier, car il s’agit d’un domaine par nature aussicompliqué que risqué.

Avant de travailler dans les tribunaux decrimes de guerres, de nombreux journalistes onteffectué des reportages au sein des conflits surlesquels enquêtent les tribunaux et où se seraientdéroulés les crimes jugés. Aussi, ces journalistesse voient parfois retourner dans la zone du conflitpour y mener à nouveau des enquêtes, desentretiens avec les habitants ou avec desvictimes, ou pour chercher de nouvelles pistes.

Le présent chapitre représente un aperçu desfondements du journalisme professionnel. Certes,le journalisme de par le monde fait preuve dedifférences considérables relatives au style ou auxangles préférés ; toutefois l’IWPR considère qu’il ya des « normes internationales de journalisme » àrespecter, des principes généraux qui forment labase du journalisme professionnel et sontcommunément acceptés – sur le terrain commeen rédaction.

Le présent chapitre se propose également defournir des pistes de techniques et de trucs àsavoir lorsqu’on enquête en zone de conflit :comment interviewer les victimes et les coupableséventuels, comment prévenir les risques dedanger, comment éviter les situations pouvantaggraver le conflit.

Normes internationales

Les normes journalistiques varient de par lemonde, mais toutes – ou presque – sontconformes à trois règles fondamentales quicomposent la base du journalisme professionnel :impartialité, exactitude et objectivité. En outre, leplus important pour les journalistes professionnelsest d’obtenir une crédibilité durable pour leurtravail.

Impartialité (ou indépendance) : lesjournalistes ne doivent avoir aucune préférencepolitique, religieuse ou ethnique. Cette position deprincipe leur permet d’effectuer des reportagessur les décisions prises ou les propos tenus partous les participants au conflit, et d’inclure lescommentaires des groupes opposés. Dans une

salle d’audience, les journalistes donneront ainsiune image équitable des preuves présentées dechaque côté, et un récit équilibré de leursargumentaires contradictoires.

En d’autres termes, les journalistes ne doiventjamais exprimer directement leurs pensées, leursopinions ou leurs préférences politiques. Pour lesarticles d’opinion – qu’elles soient présentéesdans le corps de l’article, dans un encadré ousous forme d’éditorial –, les journalistes prendrontsoin de bien séparer les faits des points de vue.

Exactitude : principe fondamental dujournalisme professionnel, l’exactitude est unemanière d’observer, d’écouter et de préparer sonsujet avec attention. En outre, il s’agit surtout debien savoir à qui parler pour obtenir desinformations fiables.

Être journaliste signifie prendre énormémentde notes et enregistrer ses interviews autant quepossible, afin de pouvoir citer ses sources demanière la plus fidèle qui soit. Qui plus est, il fautvérifier plusieurs fois les faits qu’on estime acquis :car rumeurs et vérités « tombant sous le senscommun » ne peuvent en aucun cas êtreconsidérées comme des sources fiables. Denombreuses organisations de journalisme insistentainsi sur « la règle des deux sources », selonlaquelle toute information doit avoir été confirméepar deux sources indépendantes avant de pouvoirêtre considérée comme telle et donc fiable.

La correction de l’information devra toujoursprimer sur la rapidité du travail : on n’a jamais vupersonne recevoir un prix pour un travail rapide –mais inexact. À cette aune, fournir une informationexacte ne signifie pas seulement avoir bien vérifiéses sources : il faut aussi s’être intéressé aucontexte. Car si l’on peut écrire un article critiquesur quelqu’un, le contexte ne doit jamais êtreoublié. Par exemple, il faudra préciser la sourcede propos critiques : viennent-ils de représentantsdu parti politique d’opposition, ou d’un contactindépendant ?

Objectivité : les journalistes doivent fairepreuve d’objectivité à la fois lors durassemblement des informations et lors de leurprésentation. Les personnes interviewées ont ledroit de savoir qui sont les journalistes qui lesinterrogent, ce qu’ils cherchent à faire avec lesinformations glanées, et de quelle manière ilscomptent esquisser leur portrait. Il est toujourspréférable de travailler dans des conditionsouvertes, et d’identifier ses sources d’informations

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CHAPITRE 6 – ÊTRE REPORTER EN ZONE DECONFLITS

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dans les articles publiés ; néanmoins il faudral’accord des personnes interrogées.

La protection des sources journalistiques estd’ailleurs un sujet très débattu: car s’il n’est pascouvert par la loi, le droit des journalistes àprotéger leurs sources, qui sont au cœur de leurtravail, est une de leurs principales batailles. C’estpourquoi il est capital d’avoir des relationsouvertes et honnêtes avec ses contacts.

En matière de présentation, être objectifsignifie présenter tous les facettes d’uneinformation. En d’autres termes, il s’agit d’accepterle fait que personne ne détient le monopole de lavérité.

En pratique, il s’agira par exemple de donnerà la personne critiquée dans un article unechance de réagir, dans le même article, auxopinions émises sur elle. On peut être mécontentd’un article écrit par un journaliste ; mais en êtresurpris, parce que le journaliste n’a pas évoquéles points critiques qu’il comptait faire avant depublier l’article, sera considéré comme une erreurde la part du journaliste.

Il est essentiel de savoir anticiper le tempsnécessaire à l’obtention de citations de tousbords, et de bien préciser à ses contacts l’anglechoisi pour l’article. C’est un effort à faire ; mais ilpermet d’éviter les retards – ou en tous cas lapanique des derniers moments, quand les

journalistes remuent ciel et terre pour trouver unesource qu’ils ont oublié de contacter plus tôt.

L’honnêteté, la correction et la transparencesont également des valeurs fondamentales grâceauxquelles les journalistes pourront gagner laconfiance du public. Souvent, les journalistes fontface à des dilemmes moraux et ethniques : àchacun d’y trouver sa solution. Néanmoins cesdécisions se prennent fréquemment toutes seules :car face aux valeurs fondamentales dujournalisme, l’obtention d’information à tout prix nepèse pas lourd.

En tout état de cause, les journalistes nedoivent jamais harceler ou intimider leurs sources ;ils doivent obtenir leurs informations ouvertement,légitimement et légalement. En règle générale, ilfaut éviter d’utiliser des enregistreurs audio ouvidéo cachés, ou de payer ses sources pourobtenir des informations. Car si les reporters ont ledroit à l’information, ils n’en ont pas plus le droitque tout autre membre de la communauté.

En aucun cas un journaliste ne doit accepterde paiements ou de pots-de-vin pour l’écritured’un article spécifique, ou la publication d’uneinformation donnée. De même, voler le travaild’autres journalistes sans en préciser l’emprunt –

34 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

Des rebelles de l’Armée de libération du Soudanscrutent les ruines du village d’Hangala, bombardé puisbrûlé par les forces gouvernementales et la milicelocale. Photo : Marcus Bleasdale

Ne jamais représenter un risque pour lavie d’autrui

Dans les années 1990, au Burundi, la guerreentre les rebelles hutus et l’arméemajoritairement tutsie cause de nombreuxmorts parmi la population civile. AlexisSinduhije, journaliste de radio, entend direque l’armée a massacré plus de deux centspersonnes dans un village – il part enquêter.Mais il décide de laisser certains aspects decôté, pour protéger la vie d’autrui :

« Nous voulions interroger des survivants. Ily avait des soldats partout. Alors nous avonsquitté les lieux après le déjeuner. Nous ne sommespas allés au petit hôpital où nous voulions àl’origine parler aux blessés, parce que nous nevoulions pas soumettre le prêtre avec qui nousétions ou les blessés à d’autres dangers, puisque lesmilitaires étaient là. »

Indispensables prises de notes

Pour un journaliste, il est essentiel de biennoter tous ses faits et gestes, sur le terrain ouau téléphone, avec la date et l’heure, et debien conserver ses blocs-notes, et ses cassettesaudio ou vidéo. Il faut en outre faire attentionà ce que ces documents ne tombent pas dansde mauvaises mains.

Si ces prises de notes peuvent semblerimmodérées, elles ne le sont pas : lesjournalistes s’y prêtent pour leur propreprotection. Car si l’on demande au journalistede justifier ses dires, ou si un article le mèneau tribunal, il faudra qu’il puisse présenter sesnotes pour prouver sa bonne foi. Il peutégalement arriver qu’un journaliste ait un rôleà jouer lors d’un procès pour crimes de guerre :et même s’il s’agit d’un sujet à controversespour les journalistes, ceux qui décident detémoigner – ou qui y sont assignés – doiventpouvoir évoquer précisément les événementsqu’ils ont observés, les personnes qu’ils ontrencontrées, et les propos qu’ils ont entendus.

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en d’autres termes, plagier – est la meilleure façonde mettre fin à sa carrière de journaliste, toutcomme mentir ou inventer, par exemple lorsqu’onprétend avoir enquêté dans un lieu où on n’est enréalité jamais allé.

Interviews des victimes et des coupableséventuels

Les victimes : interviewer des victimes de crimesnécessite une certaine délicatesse. Il faudra à toutmoment rester détaché, professionnel, etquestionner faits et affirmations comme lors detoute interview. Cela dit, il ne faudra jamais oublierque les victimes de crimes peuvent avoir ététraumatisées par leur expérience : il faudra doncleur parler avec beaucoup de tact. Ainsi, il faudraobtenir la confiance des gens, les laisser parler àleur propre rythme et ne jamais les forcer. Lejournaliste devra être honnête sur son travail, sesintentions, et les possibilités qu’il aura (ou non) deles aider.

Le mieux sera de choisir un lieu privé quipermette d’une part à la personne interviewéed’être à l’aise, et d’autre part d’empêcher quequiconque puisse écouter la conversation. Si lejournaliste travaille avec un interprète, il devra luiexpliquer l’importance de l’exactitude de latraduction, et souligner qu’il a besoin des motsexacts de la personne interviewée, sansinformation supplémentaire.

Les questions fermées seront à éviter. Parexemple, il faudra demander : « Qu’avez-vous vuà ce moment-là ? » plutôt que : « Et à ce moment-là vous avez vu le soldat tirer, non ? » Par ailleurs,mieux vaut interviewer les gens séparément, carles propos en public sont parfois exagérés oudéformés.

Le mieux est de confirmer auprès de lapersonne interviewée les points principaux d’uneinformation, d’en passer en revue tous les détails– description des lieux, nom des personnesprésentes, position ou rang dans la hiérarchie,insignes reconnaissables ou uniformes descoupables présumés. Il faut se faire préciserplusieurs fois l’heure et le déroulement exacts desévénements, et comparer avec d’autrestémoignages.

Mais avant toute chose, l’une des règlesfondamentales du journalisme est de toujours êtresûr que l’entretien qu’on obtient ne fait couriraucun risque à la personne qu’on interviewe.Malheureusement, des personnes qui avaientparlé à des journalistes ont été tuées après qu’onles a vues donner des entretiens, ou passer à la

télévision. Dans d’autres cas, ce sont les carnetsde notes – saisis ou perdus et retrouvés par unepersonne mal intentionnée – des reporters qui ontvendu la mèche.

Les coupables présumés : pour écrire unarticle sur des violations des droits de l’homme –ou des crimes de guerre –, il faut chercher àinterviewer les personnes qui en sont présuméescoupables. Tout dépend bien sûr des risques,mais avec les réactions des personnes impliquéesde tous bords, l’article sera plus solide.

Il faut être honnête et ouvert avec lesaccusés. Être direct, s’identifier clairement, et nejamais faire semblant d’être quelqu’un d’autre oud’enquêter sur autre chose — ce serait contraireaux principes journalistiques, et pourrait mêmeêtre dangereux. Il faut expliquer sa présencecomme une tentative de recherche de la vérité.

Il faut avoir bien enquêté sur l’affaire avant lerendez-vous pour poser des questions pertinenteset utiles. Des accusations féroces et sans preuvene feront que produire des disputes (voire, ellespourraient mettre le journaliste en danger) ; desurcroît elles ne permettront pas de faire avancerl’enquête.

Ne jamais oublier le principe juridique – surlequel se basent les tribunaux – selon lequel unepersonne est « innocente jusqu’à preuve du contraire». Rester, donc, diplomatique et ouvert. Éviter de tropse lancer dans la confrontation, et toujours chercherde nouvelles informations. Se rappeler que lereportage doit être mené avec autant d’attention quede précision, et un esprit sceptique à la fois quantaux justifications présentées par l’accusé et quantaux propos des accusateurs.

Reportages de paix, reportages de guerre

On dit souvent que la vérité disparaît avec lepremier coup de feu. Gouvernements et hiérarchiemilitaire font de la propagande et mentent ; ledésordre règne ; et les reporters sont aussi sujetsà émotions que quiconque : bref, lacompréhension des événements est plus difficile,et la vérité devient un produit de luxe. Être reporter de guerre signifie suivre les normesinternationales habituelles en matière dejournalisme, mais dans des circonstancesparticulières qui entravent l’éthique journalistique,et en font un défi personnel de reporter.

Enquêter dans sa propre région peutnotamment s’avérer particulièrement dur. ThomasKamilindi, par exemple, est un journalisterwandais qui travaillait pour la BBC avant legénocide de 1994. Il explique ses difficultés àrester objectif dans la situation de l’époque :

CHAPITRE 6 n ÊTRE REPORTER EN ZONE DE CONFLITS

36 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

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« Les reporters pensent parfois qu’ils sontsurhumains, mais c’est une erreur. Nous avonsdes sentiments comme tout le monde, nousvivons dans la même société que tout lemonde. Il peut arriver que nous soyons prisdans un cercle de violence, comme tout lemonde. Et il peut arriver que nous nousidentifiions avec le groupe responsable de laviolence. C’est pourquoi, en tant que reporters,nous avoir le devoir d’être plus objectifs. »

En 2003, lors de la guerre civile en Côte d’Ivoire,Kamilindi observait à nouveau la carence denormes journalistiques :

J’ai précisé aux journalistes : « Attention à ceque vous écrivez. Écoutez-vous bien vous-mêmes et analysez-vous. Diaboliser certainespersonnes, stigmatiser certaines tribus,certains clans, signifie être impliqué dans laviolence. Comment en êtes-vous arrivés là ? »Ils ne savaient pas. Je leur ai dit : « Vousn’êtes plus journalistes… Je voudrais féliciterles partis politiques qui ont réussi à vouscoopter, sans même que vous le sachiez...Mais stop, levez-vous et soyez journalistes,faites passer l’information de manièreobjective. »

Mark Doyle, correspondant de la BBC au Rwandaen 1994, est l’un des quelques journalistesétrangers à avoir pu aller à Kigali dans lespremiers jours du massacre. À ce moment-làpersonne, dans la communauté journalistique, nesavait comment décrire les événements qui sedéroulaient :

« Les premiers jours, j’ai mal interprété lasituation. J’ai parlé de désordre et de tueriesaveugles. Puis peu à peu j’ai vu de mespropres yeux qu’il ne s’agissait pas dedésordre, au contraire, et que les tueriesn’étaient clairement pas aveugles. J’ai vu demes propres yeux que les milicesgouvernementales tuaient les gens parpaquets. À partir de ce moment-là, je me suismis à employer le mot « génocide ». »

Ces réflexions personnelles permettent d’illustrerla difficulté de rester objectif en zone de guerre.Les émotions et les réactions personnelles sontfortes, et peuvent mener à trop – ou trop peu –enquêter sur une tragédie qui se déroule entemps réel.

(Ces remarques de Thomas Kamilindi et deMark Doyle sont tirées d’un symposium sur les

médias et le génocide au Rwanda, tenu àCarleton University (Canada) en 2004. Voirhttp://www.carleton.ca/jmc/mediagenocide/aboutsymp/index.html.)

Être reporter de paix signifie connaître lesstratégies d’écriture qui permettent d’éviter demettre de l’huile sur le feu des conflits, et aucontraire soutenir la réconciliation.

Intégration du mécanisme des conflits – lesjournalistes travaillant sur la guerre comme la paixdoivent comprendre les conflits dans le sens oùils savent que ceux-ci font partie de la viecourante, mais qu’ils n’entraînent pas forcémentla violence. La guerre n’est pas une fatalité : elleéclate pour des raisons précises (le pouvoir, lesressources, etc.) et elle existe parce que desgens la font. Les objectifs de la résolution desconflits ne sont pas de départager les gagnantsdes perdants : au contraire, il s’agit de poser lescauses d’un conflit et d’identifier des manières desatisfaire les besoins fondamentaux tout enévitant la violence. Un bon journaliste s’éloignerades concepts de conflits inévitables entrecommunautés, et cherchera à identifier lesraisons sous-jacentes et des possibles solutionsde compromis.

Cadrage des conflits – le journalisme dépendde références raccourcies qui permettentd’identifier les gens et aident à transmettre desinformations. Mais l’utilisation simplisted’identifications ethniques ou religieuses, ou plusdirectement de concepts basés sur la division (« nous », « eux ») peut être considérée commeextrêmement provocatrice. En effet, cesraccourcis utilisés sans réflexion préalablepeuvent contribuer à la polarisation des conflits,et suggérer le fait que les conflits sont inévitables.A contrario, plus le reportage est fin, plus ilprésente la complexité de la situation. Toutjournaliste attentif en zone de conflit cadrera lesévénements qu’il relate dans leur contexte, nonseulement par rapport aux leaders et auxgroupes dans la société, mais aussi auxindividus, à leurs expériences et opinionsdiverses.

Vocabulaire connoté – en temps de guerre,les émotions sont fortes, et les journalistes sonttout aussi sujets aux émois que quiconque dans lamême situation. Pour respecter les principes d’unjournalisme responsable, il faudra donc à tout prixéviter :

n le vocabulaire haineux ;

n les propos déshumanisants ;

n l’incitation à la violence.

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 37

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À cette aune, certains mots d’usage communpeuvent parfois être considérés commeincendiaires. Des termes usuels comme « terroriste » ou « résistant » sont très connotés :on utilisera plutôt des expressions telles « combattant armé » ou « guérilla », qui sont plusdescriptives et moins porteuses d’émotion. Autantque faire se peut, les journalistes en zones deconflits doivent conserver un ton aussi calme quemodéré, surtout lorsqu’ils se réfèrent aux diversesparties belligérantes.

Réactions en temps de crise – c’estlorsqu’une catastrophe arrive que montel’adrénaline du journaliste : celui-ci doit donctravailler avec encore plus d’attention.Lorsqu’une bombe explose, lorsque desvictimes souffrent, lorsque les hommespolitiques lancent des accusations sur tous lesmédias, les risques sont importants pour lesjournalistes. Sur le terrain, rien n’est prouvé, et ilest impossible de comprendre ce que signifientvraiment les événements dans descirconstances de chaos total. Tirer desconclusions hâtives – c’est-à-dire écrire, parexemple, qu’un groupe ethnique a lancé uneattaque délibérée contre un autre – pourra nonseulement s’avérer inexact, mais aussi aggraverle conflit car les sources auront sans doute étépeu claires et incomplètes. Tout bon journalistepubliera les faits dans l’état de sesconnaissances, mais en précisant clairementque rien n’est encore sûr.

Reportages de paix – même en temps deguerre la société civile fonctionne, se développe,espère. Certaines communautés refusent departiciper au conflit, et d’aucuns s’aident et sesoutiennent même s’ils font partie des deuxcommunautés belligérantes. Alors que lesextrémistes font la une des journaux, et que lespourparlers de paix ne mènent à rien, nombreuxsont ceux qui s’opposent au conflit et quicontinuent à collaborer pour redonner uneimpulsion à leur communauté et se mettred’accord, localement. Un reportage de guerreéquilibré constatera que la violence et la guerrene sont pas les seules informations à donner.

Reportages intercommunautaires – la guerreest synonyme de divisions. Pour diffuser desinformations sur la paix, une technique imparableest de rassembler des partenariats de journalistesou des équipes de reporters originaires dedifférentes communautés, voire de différents côtésde la ligne de front. Par exemple, un articlesoulignant les violations des droits de l’hommepeut permettre de présenter les souffrances et lesremords de chaque côté. Si l’article est rédigé par

des journalistes des deux communautés, il seraporteur de confiance pour celles-ci. Les projets dedialogue intercommunautaire peuvent aussipermettre de rapprocher les gens autour dedébats, d’évoquer les différences et de chercherdes solutions

Sûreté et sécurité

Être journaliste peut être dangereux. Au coursdes dix dernières années, quelque trois centcinquante journalistes ont été tués dansl’exercice de leur fonction. Si l’élément de risquene pourra jamais être supprimé, il est possible desuivre quelques principes de base quipermettront de réduire les dangers dans leszones en conflit. Les mesures de sécurité lesplus importantes sont d’avoir de bonnesinformations et des contacts locaux fiables. Il fautsavoir où l’on va, connaître la situation dumoment sur le terrain, et être en contactpermanent avec des personnes du terrain quipourront indiquer le chemin, voire guider lesjournalistes en toute sécurité.

La règle d’or est de rester calme et de s’êtrebien préparé, pour être capable d’affrontermentalement et physiquement toute situation. Toutjournaliste doit savoir que sa sécurité ne dépendque de lui, et ne laisser personne prendre desdécisions pour lui. Si possible, il faudra suivre uneformation sur les environnements hostiles avant departir, et emporter une trousse de soinsappropriée.

Bref, il faut en permanence donner priorité àsa vie : en d’autres termes, ne jamais penserqu’un article vaut plus que sa vie. Toujours sedemander s’il est absolument nécessaire deprendre tel ou tel risque. Par ailleurs, cesprincipes de base peuvent être accompagnés dequelques conseils utiles :

n ne jamais voyager seul, et s’assurer quequelqu’un sait où l’on va, le chemin que l’onva prendre, et si possible les gens que l’onva rencontrer, et l’heure ou le jour de sonretour ;

n donner rendez-vous à tout nouveau contactdans un lieu public ;

n ne jamais voyager à bord d’un véhiculemilitaire ou porter d’uniforme militaire ou devêtement qui pourrait être confondu avec ununiforme. Ne jamais porter d’arme sur soi ;

n toujours avoir sur soi un moyen de s’identifier,et ne jamais faire semblant de ne pas êtrejournaliste. Dans la plupart des cas, il faut

CHAPITRE 6 n ÊTRE REPORTER EN ZONE DE CONFLITS

38 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

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s’identifier soi-même et son véhicule commemédia, et vérifier les conditions locales afin dene pas trop attirer l’attention ;

n prévoir une sortie possible rapide et sûre detoute zone de danger, et porter des vêtementset des chaussures confortables permettant debouger en toute facilité ;

n être conscient des coutumes locales avant deprendre des photos. Dans certaines cultures,les gens n’aiment pas être photographiés. Enoutre, prendre des photos autourd’installations militaires sans permissionexpose généralement le photographe à uneéventuelle arrestation, ou en tous cas à lasaisie de son matériel ;

n lorsqu’on travaille des deux côtés de la lignede front, ne jamais donner d’informations auxparties belligérantes ;

n emporter des cigarettes et tout autre objet àdistribuer en cas de besoin. Prendre un peud’argent pour les cas d’urgence et garder unecopie de son passeport dans un lieu caché.Toujours avoir des numéros de téléphoned’urgence à portée de main ;

n si des troupes ou des civils semblentmenaçants, rester calme et essayer de nepas montrer sa peur. Rester aimable etsourire. Toujours se rappeler que certainssoldats ont souvent à peine été formés à latâche, qu’ils ont très peu d’expérience, qu’ilspeuvent être effrayés et parfois se demanderpourquoi des journalistes se trouvent en zonede conflit.

Plusieurs organisations travaillent dans le domainede la sûreté et de la sécurité pour les journalisteset autres professionnels en zones de conflit.Certaines d’entre elles proposent des formationsutiles, quoique chères. L’International News SafetyInstitute a développé un code déontologique àl’intention des médias, à l’adresse :www.newssafety.com/safety/index.htm

EXERCICES :

1. Quels sont les trois principes de base dujournalisme international ?

2. Quelle est la première victime de la guerre etcomment les journalistes peuvent-ils seretrouver au cœur du problème ?

3. Quels sont les trois principes clés de sûreté etde sécurité personnelle en zone de conflit ?

4. Le présent chapitre a évoqué certainsproblèmes relatifs aux reportages de guerre.Lire les scénarios suivants, en discuter autouravec des collègues, le cas échéant, etrépondre.

a) Un reporter de radio visite un camp dedéplacés internes, en Ouganda du Nord, oùl’Armée de résistance du Seigneur (LRA)règne depuis dix ans. Il demande auxhabitants du camp s’ils souhaitent voir la LRAjugée pour crimes de guerre et obtientplusieurs entretiens frappants. Le reportagesera diffusé à la radio locale. Le journaliste saitque les rebelles écoutent cette radio, et qu’ilsont déjà attaqué le camp. Doit-il doter lestémoins de faux noms ? Doit-il même modifierle nom du camp ?

b) Un jeune homme arrive au bureau d’un média etdemande à parler à un journaliste particulier. Ildit qu’il a des informations importantes sur unmassacre et qu’il souhaite emmener lejournaliste sur place pour lui montrer ce qui s’estpassé. Que doit-on faire pour vérifier ses dires ?Quelles informations pourra-t-on publier ?

c) Une organisation rebelle appelle un journal ens’accusant d’un massacre. Elle menaced’assassiner un autre groupe de civils si lejournal ne publie pas sa déclarationd’intentions. Selon les lois locales sur lapresse, la publication d’une déclaration d’ungroupe rebelle est punissable d’une importanteamende ou d’une peine de prison. Que faire ?

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 39

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Face aux plus graves violations des droitsde l’homme commises pendant desconflits, les cours pénales et tribunauxinternationaux ne sont pas la seule

alternative. Certains pays ont choisi de revenir surleur passé en instaurant des « commissions véritéet réconciliation », dont l’objectif est decomprendre les événements tels qu’ils se sontpassés, plutôt que de punir les coupables.D’autres ont mis en place des commissions véritéet réconciliation en plus de tribunaux de crimesde guerre. D’autres encore se sont dotés demoyens plus traditionnels pour rendre justice. Leprésent chapitre expose certaines de ces options.

Tribunaux de droit coutumier

Le terme « droit coutumier » est ici employé pourse référer aux audiences, aux enquêtes ou auxtribunaux locaux gérés de manière traditionnelle etselon des règlements différents des tribunaux pluscomplets.

L’exemple le plus intéressant d’utilisation dudroit coutumier pour juger des violations des droitsde l’homme est à trouver au Rwanda. En 2005,des « gacacas », tribunaux locaux situés au seinde villages, ont commencé à se réunir toutes lessemaines pour discuter des événements ayantentraîné le génocide de 1994.

Depuis 1994, des milliers de personnesétaient en prison, dans l’attente d’un verdict lesconcernant aux tribunaux ordinaires. Et on avaitcalculé que cette attente pourrait durer cent ans,en raison de la pénurie de juges et d’avocats,sans parler des finances.

C’est en réaction à cette crise que lesautorités rwandaises ont décidé de monter lesgacacas. Le terme « gacaca » provient dukinyarwanda et signifie traditionnellement « justicedans la communauté », et plus littéralement « surl’herbe » : les audiences ont lieu en plein air. Desmembres respectés de la communauté locale sontélus au rôle de juges et suivent une formation encompétences juridiques de base. Tous leshabitants du village ont le devoir d’assister auxgacacas.

Ces tribunaux traditionnels sont chargés deprendre des décisions sur des crimes relativementpeu graves : tous les accusés de meurtre ou de violsont jugés dans des tribunaux de niveau plus élevé.Toutefois, la décision de transférer ou non uneaffaire à un niveau plus élevé est prise au gacaca.

Principale critique à l’encontre de ce type detribunaux : leur manque potentiel d’objectivité.Certains pensent que les participants auxgacacas peuvent changer d’avis en fonction desautres – ou avoir peur de parler – ; d’autresestiment que le système pourrait être utilisé pourse venger de vieilles affaires. Ainsi, en 2005, desgroupes de Hutus fuient vers le Burundi, estimantque les gacacas ne sont destinés qu’à lesexterminer.

Pour un journaliste, les difficultés dereportages sur les gacacas sont doubles : nonseulement ceux-ci sont très controversés, mais ilssont situés dans des villages plutôt reculés.

Commissions vérité et réconciliation

Les commissions vérité ne sont pas des tribunaux.Au contraire, leur fonction principale est d’établirles faits. Toutefois, leurs statuts leur permettentsouvent d’amnistier ou de gracier toute personneayant admis être coupable de violations des droitsde l’homme ou de crimes de guerre. Autrepossibilité, la réduction de peine – procédureproche du plaidoyer de marchandage dans lestribunaux ordinaires –, qui permet au procureur deplaider pour une réduction de peine pour uncoupable ayant accepté de coopérer.

Cette procédure est bien sûr très critiquée,notamment par les victimes ou les familles desvictimes. Pourtant certains pays ayant vécu desmoments extrêmement pénibles décident d’opterpour cette solution, dans un souci de vérité, deréconciliation et de paix.

S’il est donné à un journaliste de couvrir unetelle institution, il lui faudra expliquer au publicpourquoi elle a été préférée, ce que l’on espèreen tirer et si le processus fonctionne réellement.Le plus important, dans ces cas-là, est le point devue des victimes et de leurs familles. Le travaileffectué par les commissions vérité se souciedirectement des victimes : ne pas récolter leurstémoignages donnerait des reportagescomplètement hors-sujet.

Afrique du Sud Parmi ce type d’initiatives, la plus connue est laCommission vérité & réconciliation d’Afrique duSud, également nommée TRC (Truth &Reconciliation Commission). Cette commission aété mise en place en 1995, par suite au régimed’apartheid dans le pays.

40 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

CHAPITRE 7 – SYSTÈMES JUDICIAIRESALTERNATIFS

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La TRC a enquêté sur les violations des droitsde l’homme, octroyé un soutien financier auxvictimes et amnistié des coupables : elle a été unealternative aux poursuites judiciaires.

Pour être amnistié, un suspect devaitprouver à la TRC que l’acte dont il était accuséavait un « motif politique » et qu’il ne cachaitrien d’autre. Si des doutes persistaient sur sontémoignage, l’amnistie n’était pas attribuée.Plus de sept mille suspects ont demandél’amnistie, et seuls huit cent quarante-neuf l’ontobtenue : preuve de la rigueur du processusjudiciaire.

Mais si la question des amnisties a entraînéde vives protestations, c’est au sujet desréparations qu’on a vu le plus d’objections. Lessommes octroyées ont été considérées commebien trop peu élevées. En tant que journaliste, ilfaudra donc savoir évaluer les vrais pouvoirsd’une commission vérité et chercher à savoir si lafaçon dont elle utilise ses pouvoirs est respectéepar la communauté en général.

L’expérience sud-africaine a impulsél’adoption de commissions par d’autres pays,attirés par l’idée de faire la lumière sur le passé et

de donner aux victimes le plus d’importancepossible. Toutefois ceci ne signifie pas que la TRCait atteint ses objectifs, notamment en matière de« réconciliation » : les débats continuent enAfrique du Sud.

La Sierra Leone En Sierra Leone, une Commission vérité etréconciliation a été mise en place en plus d’untribunal pénal international nommé Tribunalspécial pour la Sierra Leone. L’intention était departiciper au processus de récupération quisuivait une guerre civile dévastatrice en créantune mémoire impartiale sur le passé, permettantd’en expliquer les raisons.

Puisqu’elle travaillait en parallèle avec leTribunal spécial, la TRC de Sierra Leone a permisde mettre l’accent sur les différents rôles destribunaux et des commissions vérité et lesproblèmes potentiels de leur coexistence. Parexemple, certaines personnes ont préféré éviterd’aller aux réunions de la Commission vérité, carelles craignaient de voir les informations qu’ellesfourniraient aller directement dans les oreilles desjuges du Tribunal spécial.

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Des enfants-soldats attendent l’ordre de bouger à Bule, au sud de Fataki au Congo Est.

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D’ailleurs, la commission elle-même a suggéréque les tribunaux « étaient limités quant à leurscapacités à faire toute la vérité » :

« Les commissions vérité et réconciliationreprésentent l’un des moyens les plus efficacesd’instaurer une paix durable. En effet, ellespermettent de renforcer la paix en créant unemémoire historique impartiale du conflit et enpermettant au public de comprendre le passégrâce à une vaste participation... La société nepourra s’examiner elle-même honnêtement et sansconcession que lorsque toute la vérité brute (ou leplus de vérité possible) sera présentée au publicpour examen. C’est cet exercice cathartique,

effectué par la nation, qui lui permettra de prendrede réelles mesures pour permettre que de telleshorreurs passées ne se reproduisent jamais. »

Ces sentiments s’appliquent aux tribunauxautant qu’aux commissions vérité et réconciliation.Ils soulignent l’importance de la publicationd’articles fiables et responsables sur les crimes deguerre et la justice, dans le processus deréconciliation.

Le BurundiEn juin 2005 naît, toujours en Afrique, un nouveautype de procédure judiciaire. L’Onu adopte unerésolution créant une commission vérité et un

CHAPITRE 7 n SYSTEMES JUDICIAIRES ALTERNATIFS

42 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

Mugusa, 8 juillet 2005 (FH) – À 59 ans, BonifaceSeruntaga devrait être considéré comme unhéros par certains Rwandais, mais la plupart deshabitants de son village l’estiment traître. Ilmène une campagne contre le silence sur lescrimes commis dans sa région lors du génocidede 1994.

« Hommes de Dieu, parlez. Dites la vérité. Vousne pourrez pas vous cacher pour toujours », lancel’ex-prisonnier, petit homme apostrophant plusde cent habitants de sa communauté assis sousles arbres d’une forêt clairsemée à l’orée de leurvillage. . . Le village se réunit pour la sessionhebdomadaire des tribunaux semi-traditionnelsrwandais chargés de juger le génocide, connussous le nom de gacacas. Des membres élus de lacommunauté sont appelés à présider lestribunaux et toute la communauté est encouragéeà témoigner, accuser, défendre ou questionner lesaccusés…

Le Rwanda compte sur son peuple, évoquantl’esprit historique d’honnêteté des membres de lacommunauté choisis pour présider les sessionsface à leurs concitoyens. À leur origine, lestribunaux traditionnels gacacas reposaient déjàsur cette idée.

Silver, un survivant du génocide à laquarantaine bien tassée, ne comprend pas : «Pourquoi personne ne dit rien ? ». Le gacacaenquête sur le meurtre de son frère au cours dugénocide. « Je suis aussi surpris que triste de voirqu’aucun d’entre vous ne sait rien ou n’a rien vu, surun meurtre commis parmi vous… Vous savez très

bien ce qui s’est passé », plaide Silver, une larmecoulant sur la joue. Pourtant, silence.

Soudain, Seruntaga se lève ; il crie : « On neva pas pouvoir continuer comme ça ! J’espérais que leshommes concernés se lèveraient et diraient la vérité.Silver a raison : ils sont parmi nous ! »

Seruntaga a lui-même confessé avoir tuédeux de ses voisins pendant le génocide. Ilappelle les hommes qui auraient été vus chezSilver le jour où son frère a été tué.

Mais à peine son appel lancé qu’unedouzaine d’hommes énervés se lèvent. Certainsse mettent devant le groupe rassemblé, d’autresrestent à leur place, et tous nient les allégationsde Seruntaga.

« Ce n’est pas encore le moment du procès ! »,rappelle le magistrat qui préside le gacaca. « Vousaurez tout le loisir de parler de cette affaire lorsque leprocès commencera. Nous n’en sommes qu’à laprocédure d’enquête ! »

Toutes les communautés rwandaises ne sontpas comme celle de Mugusa. Certaines ont vu denombreux hommes plaider coupables, et unnombre impressionnant de témoins. MaisMugusa n’est pas non plus le seul lieu où leschoses se déroulent ainsi. Des responsables dugouvernement ou de gacacas et des observateursindépendants ont évoqué les graves difficultésrencontrées par les tribunaux pour obtenir despreuves. Dans certains endroits, c’est l’âmemême des gacacas qui est mise à l’épreuve.

© Hirondelle News Agency

Extrait d’un article écrit par un journaliste rwandais pour l’agence de presse Hirondelle, basée à Arusha,Tanzanie.

Première épreuve pour l’âme des gacacas des villages rwandais

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tribunal spécial chargé d’enquêter et de juger lescrimes de guerre et les violations des droits del’homme pendant la guerre civile au Burundi. Lacommission, dotée de deux commissairesburundais et de trois étrangers, est chargéed’enquêter sur les massacres commis à partir del’indépendance, en 1962, et jusqu’à la signaturedes Accords de paix d’Arusha en 2000. Lesenquêtes doivent aider le tribunal spécial à jugerles responsables du cycle de massacres de Hutuset de Tutsis.

Une liste des commissions vérité se trouve surle site web de l’United States Institute of Peace :www.usip.org/library/truth.html

Rituels traditionnels

Mais il existe encore d’autres façons de gérer lesconséquences des conflits en se concentrant surla réconciliation plutôt que sur les jugements.Parmi celles-ci, l’une est née en 2005, lorsque laCPI lance des mandats d’arrestation contreplusieurs leaders de l’Armée de résistance duseigneur (LRA), groupe rebelle opérant enOuganda du Nord, pour crimes contre l’humanité.

Mais pendant ce temps là, un processus depaix est lancé en Ouganda du Nord, et les leaderslocaux acholis expliquent à la CPI que certainesformes de justice traditionnelles fonctionneraientmieux qu’un tribunal. Selon eux, d’anciensmembres de la LRA ont déjà été jugés de cettemanière, ont promis de changer à l’avenir et sesont réintégrés dans la société.

Principal argument en faveur de cetteméthode, le fait que vingt mille soldats de la LRAayant pris part à des atrocités aient été desenfants kidnappés de villages et forcés à travaillercomme portiers, prostitués ou soldats. Pourcertains, les punir n’aurait aucun sens.

Dans un reportage récent en Ouganda duNord, l’IWPR soulignait les différents points de vuedes habitants locaux sur les avantages des

tribunaux face aux commissions vérité etréconciliation qui ne punissent pas.

Une femme d’un camp de réfugiés estimaitque le leader du LRA, Joseph Kony, avait sa placeà la CPI. « Pourquoi n’a-t-on pas encore attrapéKony ? », demandait-elle. « Il faut l’arrêter et lepunir pour les souffrances qu’il nous a fait subir. Ildoit payer, et non pas revenir et travailler commesi de rien n’était, alors qu’il a détruit toutes nosvies. »

En revanche, un jeune homme du camps’inquiétait des complications que l’implication dela CPI apporterait, estimant qu’elle pourrait mêmemettre en danger les délicates tentatives demédiation en cours. Il précisait que le pland’amnistie – élément de la médiation – en coursavait « au moins permis aux rebelles de laissercertains enfants rentrer chez eux. Alors qu’avec laCPI, ils vont s’enfuir encore plus loin, de peur dela prison, et kidnapper encore plus de nos frèreset sœurs. »

EXERCICES :

Le présent chapitre a évoqué des systèmes autresque les cours et tribunaux pour confronter lesconflits du passé. Répondre aux questionssuivantes :

1) Est-il important d’avoir une mémoire desévénements du passé ?

2) Est-il toujours essentiel de punir les criminelsde guerre ?

3) Quelles sont les différentes manières pour desdirigeants locaux de répondre aux questionsde justice dans une communauté ? Cesoptions suffisent-elles à juger les personnescoupables de viol ou de meurtre ? Lesvictimes ou leurs familles acceptent-elles leretour des coupables de ces actes en leursein ?

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Le présent chapitre expose rapidement lesprincipales notions de droit utilisées à la Courpénale internationale et autres tribunaux pourjuger les suspects de crimes de guerre et

autres graves violations des droits de l’homme. Lestribunaux internationaux ont compétence sur les troiscatégories de crimes suivantes :

n Les crimes de guerre – ou en termestechniques, violations des lois et des coutumesde la guerre ;

n Les crimes contre l’humanité ;

n Le génocide.

Ces catégories se départagent entre les notionscouvertes par le droit des traités, et cellescouvertes par le droit coutumier – terme donné àtout code juridique non écrit et constamment enévolution, et qui s’applique à des pratiquesétatiques tellement « communes, représentativeset quasi-uniformes » qu’elles sont acceptéesmondialement comme règles générales àrespecter par les États.

Crimes de guerre

Un crime de guerre est une violation grave du droithumanitaire international – mélange de traitésmultilatéraux, de résolutions du Conseil de sécuritéde l’Onu, du droit coutumier et de précédentscréés par divers tribunaux internationaux –commise au cours d’un conflit armé.

Crimes contre l’humanité

Au tribunal militaire international de Nuremberg,les crimes contre l’humanité étaient définis ainsi :

Assassinat, extermination, réduction enesclavage, déportation et tout autre acteinhumain commis contre toute populationcivile, avant ou pendant la guerre, oupersécutions pour des motifs politiques,raciaux ou religieux en exécution de tout crimecouvert par la compétence du tribunal, ou liéavec celui-ci, qu’il soit ou non en violation dudroit national du pays où il a été commis.

Tous les tribunaux pénaux montés aprèsNuremberg ont inclus les crimes contre l’humanitédans leurs statuts.

Les tribunaux de l’Onu pour l’ex-Yougoslavie etle Rwanda ont allongé la liste en y incluant le viol etla torture, et la Cour pénale internationale l’a encoreétendue, ajoutant la disparition forcée et l’apartheid.

Mais tous les tribunaux précisent que la notionde crimes contre l’humanité s’applique que lecoupable soit ou non citoyen du pays où le crimeest commis et que le crime soit commis en tempsde paix ou de guerre. Ils ajoutent par ailleurs queles crimes doivent être liés à la persécution d’ungroupe de personnes identifiables.

Génocide

En décembre 1948, l’Assemblée générale del’Onu adopte la Convention sur la prévention et larépression du crime de génocide, qui entre envigueur en janvier 1951.

44 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

CHAPITRE 8 – NOTIONS DE DROIT

Nettoyage ethnique

On entend souvent parler de « nettoyageethnique » quand on évoque les crimes deguerre : le terme se réfère au déplacement forcéet délibéré de peuples appartenant à un groupeethnique ou religieux spécifique. Les actescouverts par ce terme comprennentl’intimidation, la déportation ou plusclassiquement le meurtre ; mais l’objectif reste lemême : l’élimination du groupe visé de manièretotale et permanente.

Le terme « nettoyage ethnique » peut servir àdécrire une vaste série d’actes interdits par la loi etles conventions actuelles : par exemple, le meurtre,les agressions sexuelles et la destruction demaisons et de sites culturels ou religieuximportants pour la communauté. En soi, ladéportation de populations civiles est interdite parla quatrième Convention de Genève ; le protocoleadditionnel II étend l’interdiction aux « conflitsarmés non internationaux ». Selon la charte deNuremberg, les crimes contre l’humanité incluentles actes de « meurtre, extermination, réduction àl’esclavage, déportation et autres actes inhumainscommis contre toute population civile, avant oupendant la guerre. »

Immaculée, jeune femme de 32 ans, à l’hôpital de DroDro au nord de Bunia, province Ituri du Congo Est,attend de voir un médecin local qui n’a pourtant aucunefourniture médicale. Photo : Marcus Bleasdale

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Le traité interdit le génocide, le définissantcomme couvrant les actes déterminés suivants, « commis dans l’intention de détruire, en tout ouen partie, un groupe national, ethnique, racial oureligieux comme tel » :

n meurtre de membres d’un groupe ;

n atteintes graves à l’intégrité physique oumentale de membres d’un groupe ;

n soumission intentionnelle d’un groupe à desconditions d’existence devant entraîner sadestruction physique totale ou partielle ;

n mesures visant à entraver les naissances ausein d’un groupe ;

n transfert forcé d’enfants d’un groupe à un autregroupe.

Plus de cent trente pays ont ratifié le traité, quistipule que le génocide est un crime, mais requiertégalement des signataires du traité qu’ils prennentdes mesures de prévention et de répression desactes de génocide en temps de guerre et de paix.Pourtant, il a fallu attendre encore cinquante ansavant de voir la loi appliquée.

En septembre 1998, le Tribunal pénalinternational pour le Rwanda a jugé Jean-PaulAkayesu, ancien maire d’une petite villerwandaise, coupable de neuf chefs d’accusationde génocide. Deux jours plus tard, JeanKambanda était le premier chef de gouvernementà être jugé coupable de génocide.

À noter que la définition du crime degénocide implique qu’on ait la preuve del’existence de l’intention de détruire un groupe depersonnes - mais elle précise aussi que l’intentionde détruire peut concerner le groupe « en tout ouen partie ». La première personne jugée coupable

de génocide au tribunal yougoslave a étécondamnée pour le massacre de Musulmansbosniaques dans la ville assiégée de Srebrenica.

Aperçu des conventions

Les Conventions de La Haye En 1899, les Pays-Bas accueillent une conférenceinternationale à La Haye, qui conclut àl’interdiction de toute arme pouvant causer des « souffrances ou maux superflus ou inutiles »,estimant que ce type d’arme va à l’encontre deslois de l’humanité. Parmi les armes interdites àl’utilisation militaire, on trouve la balle dum-dum,qui cause plus de dommages qu’un projectileconventionnel. Cette convention est la premièrecodification d’importance des lois et descoutumes de la guerre.

En 1907, la deuxième convention de La Hayeétend ces dispositions à d’autres armes et limite ladéfinition de la guerre à des attaques contre descibles pertinentes vis-à-vis des objectifs desopérations militaires. Au moment de la déclarationde la deuxième guerre mondiale, un consensusexiste entre les États selon lequel les violationsdes Conventions de La Haye sont des crimes deguerre. Pourtant, au fil du temps, l’invention denouvelles armes cause des souffrances humainessupplémentaires, et de nouvelles lois doivent êtreadoptées.

Les Conventions de Genève de 1949 En 1949, le gouvernement suisse organise uneconférence internationale destinée à mettre enplace des lois qui limiteraient encore plus labarbarie de la guerre. En ressortent les quatreConventions de Genève de 1949, qui forment lapierre angulaire du droit humanitaireinternational.

Contrairement aux Conventions de La Haye,qui limitaient le type d’armes permises en tempsde guerre, les Conventions de Genève sontchargées de protéger les civils et les combattantsayant déposé leurs armes, qu’ils aient étécapturés ou blessés. Les quatre Conventions deGenève se proposent chacune de traiter despoints particuliers :

La première Convention de Genève protègeles soldats blessés au combat.

La deuxième Convention de Genève étendcette protection aux combattants blessés ounaufragés en mer.

La troisième Convention de Genève protègeles prisonniers de guerre.

La quatrième Convention de Genève protègeles personnes civiles en temps de guerre.

CHAPITRE 8 n NOTIONS DE DROIT

46 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

D’où vient le mot « génocide » ?

Le terme « génocide » est utilisé pour lapremière fois en 1944 par un intellectuel juifpolonais nommé Raphaël Lemkine, qui ledéfinissait comme une « tentative volontaire dedétruire un groupe ethnique. »

Lemkine étudiait depuis longtemps lescrimes commis en temps de guerre, et pendantle procès de Nuremberg il avait fait pression surles magistrats jusqu’à ce que ceux-ci, finalement,incluent le génocide dans leurs chefsd’inculpation. Certains actes d’accusation portéscontre des criminels de guerre importants jugésà Nuremberg les accusaient d’être coupables de« génocide délibéré et systématique ».

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Dans leur ensemble, les quatre Conventionsde Genève de 1949 départagent ce qui est légalde ce qui ne l’est pas lors d’un conflit arméinternational. Leur lecture est longue et précise ;toutefois elles reviennent à émettre les règles debase suivantes :

n il est interdit de tuer ou de blesser un ennemiqui se rend ;

n les malades et blessés doivent être recueillis etsoignés par le belligérant qui les a en son sein ;

n aucun dommage ne doit être fait aux hôpitaux,ambulances, personnel médical et toutbâtiment ou véhicule portant l’emblème de laCroix-Rouge ou du Croissant-Rouge ;

n les parties belligérantes doivent éviter d’utiliserdes armes ou des méthodes de guerre quipourraient causer des pertes inutiles ou dessouffrances excessives ;

n les combattants ou civils faits prisonniers parl’autorité ennemie ont droit au respect de leurvie et de leur dignité. Les autoritésresponsables doivent les protéger contre toutacte de violence, et leur permettre decorrespondre avec leurs familles et de recevoirde l’aide humanitaire ;

n les prisonniers de guerre ne peuvent êtrepunis pour des faits de guerre licites. S’ils sontaccusés d’avoir enfreint à la loi, ils auront droitaux garanties judiciaires fondamentales. Ils nepourront être considérés comme responsablesd’un fait qu’ils n’ont pas commis, ni êtresoumis à des actes de torture physique oumentale, des punissions corporelles ou destraitements cruels ou dégradants ;

n les belligérants devront toujours se distinguerde la population civile, et éviter de viser lapopulation civile. Les attaques ne devront êtredirigées directement que sur des objectifsmilitaires.

En outre, les Conventions soulignaient lesviolations graves suivantes, précisant qu’ellesreprésentaient des crimes particulièrementatroces et méritant répression :

L’homicide intentionnel ; la torture ou lestraitements inhumains, y compris lesexpériences biologiques ; le fait de causerintentionnellement de grandes souffrances oude porter des atteintes graves à l’intégritéphysique ou à la santé ; la destruction oul’appropriation de biens non justifiées par desnécessités militaires ; le fait de contraindre un

prisonnier de guerre ou un civil à servir dansles forces armées de la puissance ennemie ;priver un prisonnier de guerre de son droitd’être jugé régulièrement et impartialement ; ladéportation ou le transfert illégaux d’unepersonne protégée ; la détention illégale d’uncivil protégé ; la prise d’otages.

Dans les années suivant les Conventions deGenève de 1949, les guerres changent d’aspect.Si la première et deuxième guerre mondialeavaient été des conflits armés internationaux,l’émergence de nouveaux États-nations allait faireéclater des guerres de libération nationale oud’autodétermination. Certes, les Conventions deGenève étaient claires sur le droit de la guerre lorsd’un conflit armé international, mais elles passaientoutre les guerres civiles impliquant des guérillas oudes forces s’opposant à l’intérieur d’un État.

L’article 3 commun aux quatre conventions –souvent appelé Article 3 commun – demande auxbelligérants d’un conflit interne de respectercertains principes de base de comportement

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 47

Droits et devoirs des forces armées

Pour recevoir la protection des Conventions deGenève, les forces armées doivent suivre lesrecommandations suivantes :

n les combattants sont tenus de se distinguer dela population civile en portant leurs armesouvertement et par un uniforme ou autresigne distinctif montrant qu’ils font partied’une force de combat organisée ;

n les combattants qui remplissent ces critèresseront considérés comme des prisonniers deguerre s’ils sont capturés par les forces opposéeset devront être traités humainement, ne passubir de torture, de violence ou d’intimidation.Lors de l’interrogatoire, le prisonnier ne seraobligé de déclarer que son grade, sa date denaissance et son numéro matricule ;

n les combattants qui refusent délibérément dese distinguer de la population civile commetels, et mettent ainsi les civils en danger encherchant à se mêler à eux discrètement, nepeuvent bénéficier de la protection apportéepar les Conventions de Genève ;

n lorsqu’il n’est pas clair si une personne doitou non bénéficier du statut de prisonnier deguerre, elle doit être traitée comme tellejusqu’à ce qu’un « tribunal compétent »décide de son statut.

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humanitaire, notamment traiter avec humanité lescivils et membres de forces armées qui ontdéposé leurs armes, ou ont été mis hors decombat, et recueillir et soigner les blessés et lesmalades. En revanche, l’Article ne confère pas destatut particulier aux prisonniers de guerre.

Depuis 1945, la plupart des guerres sont desconflits internes : les protections spécifiées àl’Article 3 commun sont donc insuffisantes. Aussi,la Suisse a organisé une conférence qui a permisaux participants de rédiger les Protocolesadditionnels aux Conventions de Genève, en1977, destinés à étendre les protections octroyéesaux combattants et aux civils aux conflits « noninternationaux ».

Le Protocole additionnel I étend les protectionsdonnées aux soldats et aux civils aux guerresd’autodétermination et de libération nationale. Ilengage également les États à ne pas recruterd’enfants-soldats, définis comme des mineurs demoins de 15 ans, et à s’assurer que les enfants neparticipent pas directement aux hostilités.

En outre, il exige aussi que lecommandement militaire s’assure que sessubordonnés soient conscients de leursobligations conformément au droit humanitaireinternational et qu’il empêche ou arrête touteviolation de ce droit. C’est l’important concept deresponsabilité disciplinaire qui est souligné là :comme de nombreuses affaires au TPIY l’ontmontré, il s’agit de cas où un officier peut êtrereconnu responsable d’un crime de guerrecommis par des hommes sous soncommandement, même s’il n’était pas présentlors des actes et ne les avait pas ordonnés.

Le Protocole Additionnel II ajoute à l’article 3commun plusieurs dispositions plus spécifiques. Ilprécise que si une partie au conflit se trouve « sous la conduite d’un commandementresponsable » et exerce sur une partie de sonterritoire un contrôle tel qu’il lui permette de menerdes « opérations militaires continues et concertées »,ses membres devront avoir droit aux protectionsdonnées aux prisonniers de guerre.

CHAPITRE 8 n NOTIONS DE DROIT

48 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

Soldats et guérillas

Le droit humanitaire international et lesConventions de Genève définissent le terme «combattant » comme un soldat ou un irrégulierengagé volontairement, appelé ou réserviste, unmembre d’un groupe paramilitaire, d’une miliceou d’une force rebelle, participant ou ayant ledroit de participer à un conflit armé.

Un combattant peut tuer des soldats ennemissans craindre d’être jugé pour le crime habituelde meurtre ; s’il est capturé, il ou elle doit êtretraité(e) comme un prisonnier de guerre et nonpas envoyé dans une prison ordinaire. Cettedisposition inclut les personnes soupçonnéesd’avoir commis des crimes de guerre ou autresviolations du droit humanitaire international.

Les membres des forces armées et groupesparamilitaires entretenus par des États – comme lesgardes présidentielles, les forces militaires duministère de l’Intérieur ou des services de sécuritéen uniforme, et autres, sont considérés comme descombattants lorsqu’on utilise leurs services aubénéfice de la guerre. Ils doivent donc se trouversous les ordres d’une hiérarchie responsable de laconduite de ses subordonnés au sein de la partie auconflit, être soumis à un système disciplinaireinterne qui exige le respect des lois des conflitsarmés, et porter des uniformes ou des vêtements decombat qui les distinguent de la population civile.

Au Rwanda, l’Interahamwe, branche jeunessedu parti au pouvoir en 1994, s’est rendue

responsable de certaines des pires atrocités dugénocide. Au TPIR, les hommes politiques quiavaient créé l’Interahamwe, les leaders nationauxdu mouvement et plusieurs de ses leadersrégionaux ont été tenus responsables denombreux actes commis par des membres de lamilice. Pour l’accusation, cette milice était le ferde lance du génocide. Georges Rutaganda,deuxième vice-président d’Interahamwe, a étécondamné à la prison à vie au TPIR en 1999.

Quant aux conflits internationaux, les forcesirrégulières sont considérées comme descombattants licites si elles adhèrent à certainesnormes. Parmi celles-ci, on compte : se distinguerde la population civile (c’est-à-dire ressembler àdes combattants, par exemple en portant ununiforme) ; porter ouvertement son arme pendantles actions menées ou les déploiements ; et êtresous les ordres d’un officier en charge desopérations. Généralement, ces forces doiventrespecter les règlements internationaux relatifsaux conflits armés.

Les Protocoles additionnels des Conventions deGenève étendent les protections aux combattants etcivils dans les conflits non internationaux, et leProtocole additionnel II précise que si une partie auconflit se trouve « sous la conduite d’uncommandement responsable » et exerce sur une partiede son territoire un contrôle tel qu’il lui permette demener des « opérations militaires continues et concertées», ses membres devront avoir droit aux protectionsdonnées aux prisonniers de guerre.

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Compétence universelle

Tous les États ayant ratifié les Conventions deGenève sont juridiquement tenus de rechercher etde juger toute personne soupçonnée d’êtreresponsable de graves violations et se trouvant surson territoire – quelle que soit sa nationalité, lavictime ou les lieux du crime qui aurait été commis.

Le terme technique définissant unejuridiction qui ne se limite pas au territoire ou àla nationalité est celui de « compétenceuniverselle ». Les plus graves violations du droithumanitaire international, y compris les violationsdes lois et des normes de la guerre et les crimescontre l’humanité, sont soumises à lacompétence universelle. La Convention sur legénocide ne mentionne pas spécifiquementcette notion : toutefois les spécialistes du droitestiment que les États peuvent en déduire sonapplication.

La Belgique, par exemple, a intenté desprocès relatifs aux événements rwandais qui ontmené à des condamnations pour génocide,conformément à une loi de compétenceuniverselle adoptée par le pays et qui a permisaux victimes de porter plainte en Belgique pourdes atrocités commises dans un autre pays.Toutefois, en 2003 la loi a été abrogée etaujourd’hui seules les affaires directement liées àla Belgique peuvent être jugées dans son cadre.

Droit coutumier international

Aujourd’hui, les principes fondateurs desConventions de Genève ont presque tous étéacceptés universellement comme formant la basedu droit coutumier international.

En résumé, le droit coutumier est l’acceptationde certaines pratiques par les États, qui y sontjuridiquement liés. Même si aucun traitéspécifique n’existe sur le droit coutumier, cettepalette de comportements ou bonnes pratiques –présentées dans les manuels militaires, les loisnationales, le Case Law (en droit commun) et lesdéclarations officielles – peut être considéréecomme formant la base du droit coutumier.

C’est un concept particulièrement importantdu droit humanitaire international, car les États quine sont pas signataires d’un traité particulierpeuvent néanmoins être soumis aux obligations dudroit coutumier. Toutefois, reste encore à tester ceprincipe en pratique : par exemple, un tribunalinternational pourrait-il juger une affaire impliquantdes crimes couverts par un protocole optionnel àune convention, si ce protocole n’a pas été ratifiépar l’État concerné ?

Autres lois couvrant les crimes de guerre

Lorsque des cours comme la Cour pénaleinternationale ou les tribunaux de l’Onu pour l’ex-Yougoslavie ou le Rwanda parlent de crimes deguerre, elles se réfèrent essentiellement à desviolations des Conventions de Genève ou de LaHaye.

Pourtant, certains avocats estiment que la CPIet les tribunaux de l’Onu ne sont capablesd’appliquer que le droit coutumier international,c’est à dire seules les parties des différents traitésqui sont aujourd’hui de l’ordre du droit coutumier.Le débat reste ouvert ; mais de nombreux autrestraités existent, en plus des Conventions deGenève et de La Haye, qui forment le droithumanitaire international. Toute violation de leursdispositions, ou au moins des dispositions qui fontdésormais partie du droit coutumier international,peut être considérée comme un crime de guerre.Parmi ces traités, on compte :

n La Convention pour la protection du patrimoineculturel en cas de conflit armé (1954) ;

n La Convention sur les armes biologiques(1972) ;

n La Convention sur les armes classiques (1980) ;

n La Convention d’Ottawa sur l’interdiction desmines antipersonnel (1997) ;

n Le Protocole facultatif à la Convention relativeaux droits de l’enfant, concernant l’implicationd’enfants dans les conflits armés (2000).

EXERCICES :

La présente section a fourni un aperçu des troiscatégories de crimes sur lesquelles la CPI etd’autres tribunaux ont compétence :

n Les crimes de guerre ;

n Les crimes contre l’humanité ;

n Le génocide.

Les traités et concepts suivants ont aussi étéprésentés :

n Les Conventions de La Haye ;

n Les Conventions de Genève ;

n Les Conventions sur le génocide ;

n Le droit humanitaire coutumier international ;

n La compétence universelle.

Décrire ces concepts et traités en termesfamiliers.

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 49

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« Je n’ai jamais vu Ntahobali au check-point », déclare un témoin.

Arusha, 2 février 2006 (FH) – Untémoin appelé par la défense d’ArsèneShalom Ntahobali, suspecté d’avoirdirigé une milice, a déclaré jeudi autribunal pénal international pour leRwanda (TPIR) que contrairement auxallégations de l’accusation, il n’avait « jamais » vu l’accusé à un check-pointlors du génocide de 1994.

Le témoin – du nom de code « WCNJ »,choisi pour protéger son identité – aconfirmé que des check-points avaientété installés tout autour de Butare(sud du Rwanda) pendant les

massacres de Tutsis, mais qu’à cetteépoque il n’y avait aucunement vu M.Ntahobali.

« Je n’ai jamais vu l’accusé à aucun check-point », a précisé le témoin, ajoutantqu’il circulait souvent dans la villepour aller voir sa sœur.

WCNJ a continué en réfutant lesallégations faites par d’autres témoinsselon lesquelles un check-point avaitété installé près du lieu de résidencedes parents de M. Ntahobali.

En février 2004, un témoin avaitindiqué avoir assisté à l’arrestation deTutsis le 21 avril 1994 à ce check-point,

y compris des femmes qui auraient étéviolées puis tuées sur les ordres de M.Ntahobali.

De nombreux autres témoins appelésont lancé les mêmes accusations.

Arsène Shalom Ntahobali se trouvedans le box des accusés avec sa mère,Pauline Nyiramasuhuko, ancienneministre des questions de genre, etquatre autres anciens notables deButare.

Comme son fils, Mme Nyiramasuhukoest également accusée de viol. Leprocès continue lundi.

© Hirondelle News Agency

50 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

APPENDICE 1 : Exemples de reportages (notamment au tribunal)

Au tribunal avec Milosevic

Un responsable de haut rang del’armée déclare que Milosevic avaitinsisté personnellement sur ladiscipline policière et militaire lors duconflit au Kosovo.

Par Michael Farquhar à Londres

(IWPR, 11 novembre 2005)

Des témoignages ont été recueilliscette semaine, au procès de l’ancienprésident yougoslave SlobodanMilosevic, selon lesquels l’accusé avaitdemandé personnellement auxresponsables de haut rang de l’arméeet de la police d’être sans indulgencepar rapport aux crimes commis parleurs hommes pendant le conflit auKosovo.

Milosevic est accusé d’avoircommandité une campagnesystématique de meurtres, viols etpillages dirigée contre la populationalbanaise du Kosovo en 1998 et 1999,et qui aurait forcé 800 000 civils à fuir.

Mais le dernier témoin en date appelépar la défense, Geza Farkas, ancienchef de la sécurité pour l’arméeyougoslave (VJ) en retraite, a expliquéque par deux fois, en sa présence,l’ancien président avait soulignél’importance d’enquêter sur les crimescommis et de juger tous les membresdes services de sécurité soupçonnésd’en être coupables.

Selon le témoin, Milosevic s’estégalement opposé avec véhémence àla présence des paramilitaires serbesau Kosovo.

Par ailleurs, la dernière audience,prévue pour cette semaine, a dû êtreannulée en raison de l’absence del’accusé, qui était malade. Or lesrapports médicaux de l’accusé étantconfidentiels, impossible de savoir si

les derniers problèmes de santé deMilosevic sont liés ou non à sesdifficultés chroniques de pressionartérielle élevée.

Peu de temps avant ce contretempsprocédural, Farkas avait précisé auxjuges qu’il avait été nommé chef de lasécurité de la VJ le 24 mars 1999, jouroù l’Otan avait commencé àbombarder le pays, dans unecampagne de onze semaines contre laYougoslavie, destinée à mettre unterme aux traitements considéréscomme brutaux imposés à lapopulation albanaise locale.

Mais un mois avant sa prise de posteofficielle – toujours selon Farkas –,Milosevic l’avait convié à une réunionpour l’informer de son nouvel emploi,alors que Farkas était encore viceministre de la défense dugouvernement yougoslave. Leprésident aurait alors profité del’opportunité pour insister surl’importance d’empêcher les soldatsd’entacher l’image de la VJ en secomportant comme des criminels.

Farkas se rappelle également qu’aprèsavoir accepté son nouveau poste, le 24mars, il avait reçu de plus en plus derapports selon lesquels les troupes dela VJ commettaient des crimes auKosovo. Le 1er mai, conformément auxordres de Dragoljub Ojdanic, chefd’état major de la VJ, Farkas avaitquitté Belgrade pour aller enquêter.

Selon Farkas, les coupables de certainscrimes dont est accusée l’armée auKosovo sont en réalité à rechercherparmi les familles albanaises et ontpour cause des vendettas de longuedate. Dans d’autres cas, ce sont lesactivités d’« agents infiltrés » déguisésen soldats de la VJ qui seraient àincriminer. Farkas a néanmoinsreconnu que certains membres de

l’armée avaient pu être incontrôlables.Après son retour du Kosovo, Farkas arédigé un rapport sur son enquête. Le17 mai, il s’est réuni avec Milosevic etd’autres responsables importants del’armée et de la police. Milosevicaurait alors apparemment réitéré sonordre selon lequel tout comportementcriminel dans l’armée ou la policedevait être éliminé, et toute affaireavérée devait être jugéeimmédiatement.

Après la réunion, Farkas aurait montéune équipe menée par son assistant,Aleksander Vasiljevic, pour se rendreau Kosovo. Quelques semaines plustard, Vasiljevic aurait rapporté que desprocès étaient en cours et que « lerythme des enquêtes avait été intensifié ».

Selon Farkas, quelque 382 procèsauraient été intentés pendant le conflitau Kosovo, pour des crimescomprenant le vol, le viol et lemeurtre. « L’armée a fait tout ce qu’ellepouvait faire », a-t-il insisté. Pourl’accusation, les documents officiels dela VJ montrent au contraire quel’armée a condamné seulement unepoignée de soldats pour des meurtrescommis au Kosovo. Mais Farkasprécise que le processus judiciaire aété interrompu par les bombardementsde l’Otan, qui ont forcé les troupes àquitter le territoire en juin.

Farkas explique également qu’à uneréunion le 17 mai 1999, Milosevic seserait montré mécontent d’entendreque la police serbe avait accepté uneoffre de trente hommes proposée parle fameux chef paramilitaire ZeljkoRaznatovic, plus connu sous le nomd’Arkan. Car, toujours selon Farkas,certains de ces individus étaient déjàrecherchés pour crimes. Milosevicaurait alors insisté pour que les trentehommes en question soient expulsés

Exemple 1 : Au tribunal

Exemple 2 : Au tribunal : événement principal + questions secondaires

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du Kosovo, déclarant « en termes trèsclairs » que ces groupes devraient êtreinterdits à l’avenir.

Le témoin a réfuté le témoignagecontradictoire donné sur la mêmeréunion par Vasiljevic, qui était auTribunal en février 2003 et avait alorsexpliqué qu’en entendant que leshommes d’Arkan opéraient auKosovo, Milosevic n’aurait « pas dutout réagi, comme si rien n’avait été dit ».Farkas a admis n’avoir gardé aucunenote écrite de la réunion,contrairement à Vasiljevic.

Pendant le contre-interrogatoire menépar Geoffrey Nice, avocat del’accusation, Farkas a nié avoir éténommé chef de la sécurité de l’armée

principalement parce que le présidentle considérait comme un hommefacilement manipulable, d’accord surtout.

Il a toutefois admis être un vieil amid’enfance d’Ojdanic, chef d’état majorde la VJ. Mais il a expliqué entendrepour la première fois l’argument deNice selon lequel son prédécesseur auposte de chef de la sécurité aurait étéévincé après la publication d’un articleréclamant une approche multilatéraleà la situation au Kosovo.

Farkas nie également les accusationsselon lesquelles il aurait été impliquédans des plans pour armer secrètementla population serbe du Kosovo pendantqu’il était assistant du ministre de la

défense, responsable des plans dedéfense civile de la Yougoslavie, justeavant le conflit au Kosovo.

Pour prouver son assertion, Nice aprésenté un ordre, daté du 21 mai1998, exigeant que les responsableslocaux dressent des listes « dans le butd’armer la population ». En outre, ledocument précisait qu’il fallait surtoutprotéger les lieux « où les Serbes et lesMonténégrins représentent des minoritésde plus en plus visées par les attaquesmenées par des terroristes albanais ».

Farkas explique que la distributiond’armes avait été faite conformément àla loi yougoslave.

Le procès reprend le 15 novembre.

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 51

En direct du tribunal : ouverture desarchives de Belgrade

(IWPR, 27 janvier 2006)

Rasim Ljajic, chef du Conseil decoopération avec le tribunal de LaHaye de Serbie & Monténégro, adéclaré que Belgrade allait ouvrir sesarchives aux magistrats des NationsUnies, pour faire taire les accusationsd’obstruction officielle.

Geoffrey Nice, avocat de l’accusationchargé du dossier pour crimes de guerrescontre l’ancien président yougoslaveSlobodan Milosevic, explique depuislongtemps quels problèmes son équiperencontre lorsqu’elle essaye d’obtenir desdocuments clés auprès des autoritésserbes.

Le mois prochain, Carla del Ponte,procureure générale du TPIY, se rendà Belgrade en partie dans l’intentionde faire pression sur le

gouvernement pour qu’il divulgueses documents, a expliqué FlorenceHartmann, porte-parole de laprocureure.

Selon une importante source auprès del’accusation, « reste encore à voir » lesrésultats des dernières promessesserbes de coopération. En effet, ladécision dépend de l’approbation duConseil des ministres ; et en tout étatde cause, c’est la mise en œuvreconcrète qui tranchera.

Le Kosovo en fête suite auxacquittements de membres de l’UÇK

La population albanaise, majoritaireau Kosovo, accueille avec joie lapremière décision du tribunal de LaHaye concernant d’anciens membresde forces armées.

Par Janet Anderson à La Haye

(IWPR, 2 décembre 2005)

Le 1er décembre dans les rues dePristina, les drapeaux flottent, lesklaxons tintent et les coups de feudétonnent. On y célèbre l’acquittementpar le tribunal de La Haye de deuxdes trois membres de l’Armée delibération du Kosovo (UÇK) inculpéspour crimes de guerre.

Si ces acquittements font la joie de lapopulation, les juges de La Haye ontnéanmoins condamné un ancienfantassin, Haradin Bala, à treize ans deprison pour son rôle dans un camp deprisonniers de l’UÇK, au village deLapusnik, où des Serbes et desAlbanais soupçonnés de collaborationont été torturés et tués en 1998.

Quant à la culpabilité des ancienscommandants Fatmir Limaj et IsakMusliu et leur rôle dans le camp, letribunal n’a pu atteindre de

conclusion. Limaj jouait un rôle crucialdans l’UÇK (l’armée qui a aidé à fairesortir les forces de sécurité serbes duKosovo), et bénéficiait d’un profilpolitique important à la fin du conflit.

Si le verdict a bien sûr été accueilliavec froideur en Serbie, les réactionsde la population albanaise, majoritaireau Kosovo, ont été jubilantes. Pourbeaucoup, cette décision de justicerevient à revendiquer l’existence del’UÇK comme organisation, et cemême si elle confirme par ailleurs quedes crimes horribles ont été commispar certains de ses membres.

Le verdict tombe à un momentparticulièrement opportun pour lesAlbanais du Kosovo, qui s’apprêtent àdébattre du futur statut politique de larégion. Beaucoup espèrent voir leprocessus de discussions mener àl’indépendance face à Belgrade.

De nombreux observateursindépendants à Pristina ont décritl’ambiance au moment où les résultatsdes délibérations du tribunal ont étéannoncés à la télévision, chez les genset dans les bars, comme unsoulagement collectif.

Les célébrations populaires se sontavérées en opposition totale avec les

catastrophes prévues par les journauxlocaux si les trois hommes avaient étéjugés coupables. Deux jours avant leverdict, quelque vingt mille personnesavaient défilé dans les rues de Pristinapour clamer l’innocence des troishommes.

Lorsque Limaj s’était rendu à La Hayeen 2003, Bajram Rexhepi, alors premierministre du Kosovo, avait déclaré quele procès serait pour les accusés « unechance de prouver leur innocence et lapureté de la guerre menée par l’UÇK ».

Certains observateurs estiment que lenon-lieu décidé par les juges sur lesaccusations de crimes contrel’humanité contre les trois suspects estparticulièrement important. Les jugesont pris cette décision car ilsestimaient qu’ils n’avaient pas assezde preuves démontrant que lesatrocités commises au camp deLapusnik faisaient « partie d’une attaquegénéralisée ou systématique dirigée contreune population civile ».

« Ici, nous comprenons cette décisioncomme une manière de blanchir lemouvement de résistance », expliquePetrit Selimi, directeur du DailyExpress, nouveau quotidien dePristina. Selon lui, le verdict est

Exemple 3 : Présentation factuelle de questions procédurales

Exemple 4 : Réactions générales et conséquences d’une décision de justice

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considéré comme « une reconnaissance dufait que s’il y a eu des crimes [individuels], iln’y a pas eu de campagne ».

Enver Hoxhaj, député du Kosovo,estime quant à lui que la décisionreprésente « un message d’espoir aumoment où sont en cours des discussionssur le statut futur du Kosovo » ; il ajouteque le public en général a le sentimentd’être soutenu par la communautéinternationale.

En outre, la maladie du président duKosovo, Ibrahim Rugova, etl’inculpation au tribunal de La Hayede l’ancien premier ministre, RamusHaradinaj, pour crimes de guerre, ontfait craindre une absence de leaderalbanais pour les discussions surl’avenir du Kosovo.

Et des spécialistes au Kosovoprécisent que certains considèrentLimaj comme remplaçant potentiel.Pour Selimi, Limaj est désormaisconsidéré avec « sympathie » : et ce,parce qu’il s’est rendu à La Haye avecdignité.

Quant à Hoxhaj, l’un des principauxreprésentants du Parti démocratiquedu Kosovo (PDK) dont fait égalementpartie Limaj, il estime que celui-ci doitrejoindre les rangs du parti etreprendre le rôle « crucial » qu’il yjouait avant son inculpation. « Il nous amanqué », ajoute-t-il.

Le verdict sert en outre d’argument àl’opinion selon laquelle le premierprocès au tribunal de La Hayeimpliquant d’anciens combattants del’UÇK n’a été mené que pour prouverl’impartialité du tribunal face aux

différentes parties impliquées dans lesconflits des Balkans des années 1990.

Plusieurs généraux et politiciensserbes importants, y compris l’ancienprésident yougoslave SlobodanMilosevic, ont été inculpés pour le rôlequ’ils auraient joué dans le nettoyageethnique du Kosovo en 1999.

Les spéculations vont bon train sur lesconséquences du verdict Limaj sur leprocès conjoint d’Haradinaj et de deuxautres hommes qui auraient été sesdélégués à l’UÇK. Ils sont inculpéspour le rôle qu’ils auraient joué dansl’enlèvement et le meurtre de Serbes,de Rroms et d’Albanais soupçonnésd’avoir collaboré. Edgar Chen,observateur de longue date desprocédures au tribunal de La Hayepour la Coalition for InternationalJustice, estime toutefois qu’il ne fautsurtout pas oublier qu’il s’agit de deuxaffaires différentes. « L’accusationd’Haradinaj repose sur des événementstotalement différents », précise-t-il. « Lesjuges vont juger Haradinaj en fonction despreuves amenées par [l’accusation] et ladéfense. »

Par ailleurs, les magistrats chargés dudossier de Limaj, Musliu et Bala à LaHaye ont fait comprendre quel’acquittement de deux des accusés nesignifiait pas qu’aucun crime n’avaitété commis au camp.

Ils ont ainsi spécifié que les civilsétaient maintenus dans le camp deLapusnik dans des conditions atroces,que « la surpopulation était absurde » etque certaines personnes étaientenchaînées aux murs. En outre, des

soldats de l’UÇK frappaient lesprisonniers jusqu’à l’évanouissement,souvent dissimulés par des masques ;certains détenus avaient été tués parballe ; les autres n’avaient droit àaucun traitement médical malgré laprésence d’une clinique dans levillage, où les membres de l’UÇKétaient soignés.

Bala a été reconnu coupable d’avoirassassiné trois prisonniers dansl’enceinte du camp, mais aussi d’avoirpris part au massacre de neufprisonniers dans des montagnesavoisinantes.

En revanche, les juges ont conclu à unnon lieu quant aux postes tenus parLimaj et Musliu au sein de l’UÇK, quiles auraient rendus responsables ducamp.

Si les chances de la présencepersonnelle de Limaj au camp étaient « fortes », selon eux, les preuves restentinsuffisantes pour condamner celui-cipour son implication personnelle dansles crimes qui y furent commis. Quantà Musliu, les juges ont estimé que « lespreuves permettant de l’identifier… commeayant été impliqué de quelque manière quecela soit dans le camp de prisonniers sontinsuffisantes. »

En attendant, les réactionsbelgradoises au verdict ont bien sûrété moroses. Rasim Ljajic, président duConseil national serbe de coopérationavec le tribunal de La Haye, a déclaréà l’agence de presse Beta que le verdictne ferait que permettre à ceux qui sonthostiles au tribunal de l’Onu de seretrancher dans leurs positions.

APPENDICE 1 n EXEMPLES DE REPORTAGES (NOTAMMENT AU TRIBUNAL)

52 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

Les avocats de la défense plaidentpour l’égalité

Les avocats de la défense auxtribunaux de La Haye et d’Arushaprétendent ne pas avoir droit auxmêmes ressources ni au même statutque les avocats de l’accusation.

Par Helen Warrell à La Haye

(IWPR, 23 décembre 2005)

« Manquer de ressources revient àrestreindre le droit à un procès équitablede l’accusé », s’emporte au tribunal lemois passé Colleen Rohan, avocate dela défense d’un des officiers serbesbosniaques accusés d’avoir organisé lemassacre de Srebrenica en 1995.

Sa collègue Natacha Fauveau Ivanovicest encore plus véhémente : « Lesaccusés n’ont pas choisi d’être inculpés, etsi la communauté internationale décide deles juger elle doit remplir ses obligationstelles que définies par les statuts, selonlesquels les accusés doivent disposer desmoyens de leur défense », s’insurge-t-elle.

Les avocats représentant six desaccusés réclament une sommed’argent supplémentaire de la part dugreffe, expliquant sa nécessité pour lapréparation de leurs dossiers.

Selon les règlements internes dutribunal de La Haye, les accusésdoivent être jugés « en toute égalité » -c’est-à-dire bénéficier du matériel et del’aide juridique dont ils ont besoin, « àarmes égales » entre l’accusation et ladéfense.

Le tribunal hollandais et sonéquivalent chargé du génocide auRwanda, tous deux montés par leConseil de sécurité des NationsUnies en 1993 et 1994respectivement, sont accusés depuislongtemps de donner à la défenseune position loin d’être « égale » parrapport à l’accusation.

Ces problèmes ont poussé lagénération suivante de tribunauxinternationaux à prendre une positionradicalement différente sur ce quiconstitue l’« égalité » pour la défense.

John Jones, avocat de Naser Oric autribunal de La Haye, estime que cesont les sommes d’argent – distribuéespar le greffe à la défense – qui sont aucœur du problème.

Pour les avocats de la défense autribunal de La Haye, l’accusationreçoit beaucoup plus de financementsqu’eux : « Lorsque l’accusation soumetson propre budget, elle peut demanderautant qu’elle veut », précise Jones. « Ilme paraît logique que la défense soit dansla même situation. »

En retour, les responsables du greffe àLa Haye et à Arusha expliquent queleurs ressources sont limitées, et qu’ilsdoivent prévenir toute corruption ducôté de la défense.

En effet, une enquête en 2001 et 2002avait poussé les deux tribunaux àessayer de mettre fin à tout « partagedes honoraires », pratique qui yaurait eu lieu et par laquelle unavocat accepte de partager seshonoraires avec son client pourobtenir le contrat.

Exemple 5 : Analyse juridique sans lien précis à un verdict ou autre événement en salled’audience

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Jim Landale, porte-parole du tribunalde La Haye, explique : « [Le tribunal] ala responsabilité, dans tous les domainesde son travail, de démontrer que les fondspublics lui étant octroyés sont dépensés demanière responsable et efficace. »

Pour Gregor Guy-Smith, président del’Association des avocats de la défenseau tribunal de La Haye (ADC), lesproblèmes rencontrés par la défensesont bien plus graves : « Il s’agit d’unproblème systématique parce que la défensene fait pas partie du tribunal », explique-t-il à l’IWPR.

C’est n’est qu’en septembre 2002, prèsde huit ans après la premièreinculpation lancée par le tribunal deLa Haye, que l’ADC a été créée pourdonner une « voix » à la défense.

Mais selon Landale, « le tribunal etsurtout le greffe ont fermement soutenul’établissement d’une association desavocats de la défense, qu’ils ont aussi aidéà monter. »

Pourtant les avocats de la défensen’ont pas de voix au siège de l’Onu àNew York. Les juges de La Haye ontdécidé en juillet dernier que l’ADCn’aurait pas le droit de soumettre unemise à jour séparée au rapport annueldu tribunal.

Néanmoins, c’est lors des procéduresjudiciaires que la question de l’égalitéentre la défense et l’accusation saute leplus aux yeux.

En juillet dernier, au procès d’Oric, laquestion des « armes égales » avaitprovoqué de vifs débats. La chambreavait décidé que la défense ne pourraitappeler que trente témoins, au lieu dessoixante-treize requis à l’origine.

Pour John Jones, deuxième avocat dela défense d’Oric, il s’agit d’une « parodie de justice », car les soixante-treize témoins de la défensenécessiteraient moins de tempsd’audience que la simple présentationdu dossier de l’accusation.

Pour finir, le juge Carmel Agius adéclaré avec fermeté que la questiondes « armes égales » ne pouvait êtretranchée de manière empirique par lesdeux parties.

« [La question] ne peut être tranchée enaccordant le même nombre de témoins …ou en comptabilisant le nombre d’heuresde chaque côté », a-t-il expliqué. « M.Jones, ce ne sont pas les chiffres quidécident, pas le moins du monde. »

Mais les différences entre l’accusationet la défense sont incontestableslorsque les parties essayent d’obtenirdes preuves à l’extérieur du tribunal :par exemple en octobre dernier, lesavocats de la défense de DragoljubOjdanic ont plusieurs fois essayéd’obtenir des messages interceptés etdes informations de sécurité à l’Otan,et auprès des gouvernements duCanada, des Etats-Unis et duRoyaume-Uni.

Peter Robinson, co-avocat d’Ojdanic, adéclaré à l’IWPR que la résistanceapparente à dévoiler ces documentsétait « sans doute aucun » liée au faitque ces messages interceptés étaientrequis par les avocats de la défense.

« Ces gouvernements et pays donnentfréquemment des messages interceptés àl’accusation », précise-t-il.

« À la défense, nous avons très peu de poidsmoral ou politique pour persuader ces paysou gouvernements. Dès le départ, nous nesommes pas sur un pied d’égalité. »

Au tribunal de La Haye, lesobservateurs précisent que c’est à lacharge des juges d’aplanir le terrain.Par exemple pour Oric, la cour d’appela invalidé la décision d’Agius, enexpliquant qu’il serait « juste » dedonner à la défense plus de temps etde témoins.

Et en novembre dernier, les magistratschargés de l’affaire Ojdanic ont décidéque la plupart des plaintes déposéespar la défense étaient recevables. Lachambre a promulgué une ordonnancecontre les États de l’Otan peu amènesà dévoiler leurs sources, les enjoignantde le faire.

Contrairement aux tribunaux de LaHaye et d’Arusha, la Cour spécialepour la Sierra Leone, soutenue parl’Onu et établie dix ans après, en 2002,possède un bureau de la défense, avecun responsable principal nommé « défenseur principal », qui est chargéd’« assurer le respect des droits desaccusés comparaissant à la Cour » et « agit comme voix de la défense à la Courmais aussi à l’extérieur ».

Vincent Nmehielle, défenseurprincipal actuel, a déclaré à l’IWPRque l’une des « principales raisons » dela création d’un bureau de la défenseétait l’échec apparent des tribunaux deLa Haye et du Rwanda à protéger lesintérêts de la défense.

La prédécesseur de Nmehielle, SimoneMonasebian – qui a égalementtravaillé sur les bancs de l’accusation àArusha – est d’accord : elle cite unenote envoyée par Geoffrey Robinson,président de la Cour spéciale, où celui-ci explicitait clairement le fait que leposte de défenseur principalpermettrait de « résoudre les problèmesperçus » des autres tribunaux sur lechamp d’action de la défense.

Solution partielle : la promotion faitepar la Cour spéciale pour la SierraLeone du rôle essentiel joué par ladéfense dans l’établissement de lavérité sur la culpabilité ou l’innocenced’une personne.

Bogdan Ivanisovic, chercheur del’organisation Human Rights Watch,estime que dans les Balkans lespréjugés sont profonds ; et il ajoutequ’à Belgrade le public supposeautomatiquement que les Bosniaqueset les Croates accusés de crimes contredes Serbes sont coupables.

« Souvent, cette conviction ne se base suraucune connaissance particulière des chefsd’inculpation ou du rôle exact que l’accuséaurait joué dans les événements en question ;le public ne suit que très rarement en détailles procès à La Haye. »

Le tribunal de La Haye s’est doté d’unprogramme de lien avec le public quiorganise régulièrement desévénements dans la ville hollandaiseou la région des Balkans. Mais lecoordinateur du programme, LiamMcDowall, a précisé à l’IWPR qu’ilavait souvent invité l’ADC à envoyerdes porte-paroles à ces événements,rencontrant toutefois un succès mitigé.

« [L’ADC] participe rarement à ce typed’activités », a-t-il déclaré.

Joeri Maas, l’un des principauxreprésentants de l’ADC, réfute cetteaccusation, précisant qu’en deux ans,l’ADC a reçu « une seule » invitation àparticiper à l’un de ces événements duprogramme de lien avec l’extérieur.

Dans certains cas, l’incompréhensiondu rôle de la défense rend difficile latâche de trouver des témoins prêts àfaire part de leur expérience.

Selon Aminatta N’Gum, une desprincipales responsables du tribunalpour le Rwanda, ce type de problèmeest bien connu à Arusha : « Plusieurs denos équipes de défense sont allées auRwanda pour rencontrer des témoins, etsont revenus bredouilles. »

À Kigali, capitale du Rwanda, on seméfie largement des motifs desavocats de la défense, et on s’offusqueque tant d’argent aille à la défense de« génocidaires ». Pour AloysMutabingwa, représentant spécial dugouvernement rwandais au tribunald’Arusha, bien que le gouvernementréalise pleinement que la défense « faitpartie intégrante du processus judiciaire »,de nombreuses questions se posent sur« l’extravagance » des dépenses de ladéfense.

Il ajoute : « Si une toute petite partie decet argent était utilisé pour aider lesmalades du Sida ou les pauvres,conséquences du massacre [rwandais], ceserait déjà bien. »

Quant à la Cour spéciale pour la SierraLeone, Nmehielle organise tous lesmois des événements publics, et prendle temps de discuter des questionsrelatives à la défense avec lesorganisations de la société civile, lesparlementaires, les militaires ou lapolice.

« Je leur explique pourquoi il estnécessaire d’avoir une défense, je leurexpose le point de vue de la défense sans ymettre d’opinion nationale ouinternationale », explique-t-il à l’IWPR.

Toutefois, même Nmehielle reconnaitque « [le public] considère les accuséscomme des animaux, des hooligans et descriminels – même les organisations desdroits de l’homme les voient ainsi. »

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 53

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Il existe de nombreuses Conventionsde La Haye traitant principalement del’utilisation d’armes comme les minesexplosives en mer, les armeschimiques et bactériologiques et lesballes dum-dum.

Le document le plus pertinent auxtribunaux de crimes de guerre est sansdoute la quatrième Convention (1907)relative aux lois et aux coutumes de laguerre.

Ses principaux points sont présentésci-dessous :

Convention (IV) concernant les loiset coutumes de la guerre sur terre. LaHaye, 18 octobre 1907.

Des belligérants (aujourd’huinommés « combattants »)

Article Premier.

Les lois, les droits et les devoirs de laguerre ne s’appliquent pas seulementà l’armée, mais encore aux milices etaux corps de volontaires réunissant lesconditions suivantes:

1°. d’avoir à leur tête une personneresponsable pour ses subordonnés ;

2°. d’avoir un signe distinctif fixe etreconnaissable à distance ;

3°. de porter les armes ouvertement et

4°. de se conformer dans leursopérations aux lois et coutumes de laguerre.

Dans les pays où les milices ou descorps de volontaires constituentl’armée ou en font partie, ils sontcompris sous la dénomination d’ « armée ».

Article 2.

La population d’un territoire nonoccupé qui, à l’approche de l’ennemi,prend spontanément les armes pourcombattre les troupes d’invasion sansavoir eu le temps de s’organiserconformément à l’article premier, seraconsidérée comme belligérante si elleporte les armes ouvertement et si ellerespecte les lois et coutumes de laguerre.

Article 3.

Les forces armées des Partiesbelligérantes peuvent se composer decombattants et de non-combattants. Encas de capture par l’ennemi, les uns etles autres ont droit au traitement desprisonniers de guerre.

Des prisonniers de guerre

Article 4.

Les prisonniers de guerre sont aupouvoir du Gouvernement ennemi,mais non des individus ou des corpsqui les ont capturés.

Ils doivent être traités avec humanité.

Tout ce qui leur appartientpersonnellement, excepté les armes,les chevaux et les papiers militaires,reste leur propriété.

Article 5.

Les prisonniers de guerre peuvent êtreassujettis à l’internement dans uneville, forteresse, camp ou localitéquelconque, avec obligation de ne pass’en éloigner au delà de certaineslimites déterminées ; mais ils nepeuvent être enfermés que par mesurede sûreté indispensable, et seulementpendant la durée des circonstances quinécessitent cette mesure.

Article 6.

L’État peut employer, commetravailleurs, les prisonniers de guerre,selon leur grade et leurs aptitudes, àl’exception des officiers. Ces travauxne seront pas excessifs et n’aurontaucun rapport avec les opérations dela guerre.

(…)

Article 8.

Les prisonniers de guerre serontsoumis aux lois, règlements et ordresen vigueur dans l’armée de l’Etat aupouvoir duquel ils se trouvent. Toutacte d’insubordination autorise, à leurégard, les mesures de rigueurnécessaires.

Les prisonniers évadés, qui seraientrepris avant d’avoir pu rejoindre leurarmée ou avant de quitter le territoireoccupé par l’armée qui les auracapturés, sont passibles de peinesdisciplinaires.

Les prisonniers qui, après avoir réussià s’évader, sont de nouveau faitsprisonniers, ne sont passiblesd’aucune peine pour la fuiteantérieure.

Article 9.

Chaque prisonnier de guerre est tenude déclarer, s’il est interrogé à ce sujet,ses véritables noms et grade et, dans lecas où il enfreindrait cette règle, ils’exposerait à une restriction desavantages accordés aux prisonniers deguerre de sa catégorie. (…)

Article 13.

Les individus qui suivent une arméesans en faire directement partie, telsque les correspondants et les reportersde journaux, les vivandiers, lesfournisseurs, qui tombent au pouvoirde l’ennemi et que celui-ci juge utilede détenir, ont droit au traitement desprisonniers de guerre, à conditionqu’ils soient munis d’une légitimationde l’autorité militaire de l’armée qu’ilsaccompagnaient.

(…)

Article 18.

Toute latitude est laissée auxprisonniers de guerre pour l’exercicede leur religion, y compris l’assistanceaux offices de leur culte, à la seulecondition de se conformer auxmesures d’ordre et de police prescritespar l’autorité militaire.

(…)

Article 20.

Après la conclusion de la paix, lerapatriement des prisonniers de guerres’effectuera dans le plus bref délaipossible.

Des hostilités

Article 22.

Les belligérants n’ont pas un droitillimité quant au choix des moyens denuire à l’ennemi.

Article 23.

Outre les prohibitions établies par desconventions spéciales, il estnotamment interdit :

a. d’employer du poison ou des armesempoisonnées ;

b. de tuer ou de blesser par trahisondes individus appartenant à la nationou à l’armée ennemie ;

c. de tuer ou de blesser un ennemi qui,ayant mis bas les armes ou n’ayantplus les moyens de se défendre, s’estrendu à discrétion ;

d. de déclarer qu’il ne sera pas fait dequartier ;

e. d’employer des armes, desprojectiles ou des matières propres àcauser des maux superflus ;

f. d’user indûment du pavillonparlementaire, du pavillon national oudes insignes militaires et de l’uniformede l’ennemi, ainsi que des signesdistinctifs de la Convention de Genève ;

54 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

APPENDICE 2 : DOCUMENTS DE DROIT HUMANITAIRE INTERNATIONAL1. Conventions de La Haye page 542. Conventions de Genève page 553. Convention sur le génocide page 624. Statut de Rome de la Cour pénale internationale page 63

1. Conventions de La Haye

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g. de détruire ou de saisir despropriétés ennemies, sauf les cas oùces destructions ou ces saisies seraientimpérieusement commandées par lesnécessités de la guerre ;

h. de déclarer éteints, suspendus ounon recevables en justice, les droits etactions des nationaux de la Partieadverse.

Il est également interdit à unbelligérant de forcer les nationauxde la Partie adverse à prendre partaux opérations de guerre dirigéescontre leur pays, même dans le casoù ils auraient été à son serviceavant le commencement de laguerre.

Article 24.

Les ruses de guerre et l’emploi desmoyens nécessaires pour se procurerdes renseignements sur l’ennemi et surle terrain sont considérés commelicites.

Article 25.

Il est interdit d’attaquer ou debombarder, par quelque moyen que cesoit, des villes, villages, habitations oubâtiments qui ne sont pas défendus.

Article 26.

Le commandant des troupesassaillantes, avant d’entreprendre lebombardement, et sauf le casd’attaque de vive force, devra fairetout ce qui dépend de lui pour enavertir les autorités.

Article 27.

Dans les sièges et bombardements,toutes les mesures nécessaires doiventêtre prises pour épargner, autant quepossible, les édifices consacrés aux cultes,aux arts, aux sciences et à la bienfaisance,les monuments historiques, les hôpitauxet les lieux de rassemblement demalades et de blessés, à condition qu’ilsne soient pas employés en même tempsà un but militaire.

Le devoir des assiégés est de désignerces édifices ou lieux derassemblement par des signes visiblesspéciaux qui seront notifiés d’avance àl’assiégeant.

Article 28.

Il est interdit de livrer au pillage uneville ou localité même prise d’assaut.

(…)

Article 56.

Les biens des communes, ceux desétablissements consacrés aux cultes, àla charité et à l’instruction, aux arts etaux sciences, même appartenant àl’Etat, seront traités comme lapropriété privée.

Toute saisie, destruction oudégradation intentionnelle desemblables établissements, demonuments historiques, d’œuvresd’art et de science, est interdite et doitêtre poursuivie.

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 55

n Convention (I) de Genève pourl’amélioration du sort des blesséset des malades dans les forcesarmées en campagne, 12 août1949.

n Convention (II) de Genève pourl’amélioration du sort des blessés,des malades et des naufragés desforces armées sur mer, 12 août1949.

n Convention (III) de Genèverelative au traitement desprisonniers de guerre, 12 août1949.

n Convention (IV) de Genèverelative à la protection despersonnes civiles en temps deguerre, 12 août 1949

n Protocole additionnel auxConventions de Genève du 12août 1949 relatif à la protectiondes victimes des conflits armésnon internationaux (Protocole I),8 juin 1977

n Protocole additionnel auxConventions de Genève du 12août 1949 relatif à la protectiondes victimes des conflits armésnon internationaux (Protocole II),8 juin 1977.

Les quatre conventions deGenève

L’article 3 commun aux quatreConventions de Genève est applicableaux conflits armés non internationauxet énonce en quoi consiste unminimum de traitement humain.

Article 3.

En cas de conflit armé ne présentantpas un caractère international etsurgissant sur le territoire de l’une desHautes Parties contractantes, chacunedes Parties au conflit sera tenued’appliquer au moins les dispositionssuivantes :

1. Les personnes qui ne participent pasdirectement aux hostilités, y comprisles membres de forces armées qui ontdéposé les armes et les personnes quiont été mises hors de combat parmaladie, blessure, détention, ou pourtoute autre cause, seront, en toutescirconstances, traitées avec humanité,sans aucune distinction de caractèredéfavorable basée sur la race, lacouleur, la religion ou la croyance, lesexe, la naissance ou la fortune, outout autre critère analogue.

À cet effet, sont et demeurentprohibés, en tout temps et en tout lieu,à l’égard des personnes mentionnéesci-dessus :

a. les atteintes portées à la vie et àl’intégrité corporelle, notamment lemeurtre sous toutes ses formes, lesmutilations, les traitements cruels,tortures et supplices

b. les prises d’otages ;

c. les atteintes à la dignité despersonnes, notamment les traitementshumiliants et dégradants ;

d. les condamnations prononcées et lesexécutions effectuées sans unjugement préalable, rendu par untribunal régulièrement constitué,assorti des garanties judiciairesreconnues comme indispensables parles peuples civilisés.

2. Les blessés et les malades serontrecueillis et soignés.

Un organisme humanitaire impartial,tel que le Comité international de laCroix-Rouge, pourra offrir ses servicesaux Parties au conflit.

Les Parties au conflit s’efforceront,d’autre part, de mettre en vigueur parvoie d’accords spéciaux tout ou partiedes autres dispositions de la présenteConvention.

L’application des dispositions quiprécèdent n’aura pas d’effet sur lestatut juridique des Parties au conflit.

Infractions graves

La Convention III définit lesinfractions graves comme suit :

Article 129 : (…) Les Hautes Partiescontractantes s’engagent à prendretoute mesure législative nécessairepour fixer les sanctions pénalesadéquates à appliquer aux personnesayant commis, ou donné l’ordre decommettre, l’une ou l’autre desinfractions graves à la présenteConvention définies à l’article suivant.

Chaque Partie contractante aural’obligation de rechercher lespersonnes prévenues d’avoir commis,ou d’avoir ordonné de commettre,l’une ou l’autre de ces infractionsgraves, et elle devra les déférer à sespropres tribunaux, quelle que soit leurnationalité. Elle pourra aussi, si elle lepréfère, et selon les conditions prévuespar sa propre législation, les remettrepour jugement à une autre Partiecontractante intéressée à la poursuite,pour autant que cette Partiecontractante ait retenu contre lesditespersonnes des charges suffisantes.

2. Conventions de Genève

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Chaque Partie contractante prendra lesmesures nécessaires pour faire cesserles actes contraires aux dispositions dela présente Convention, autres que lesinfractions graves définies à l’articlesuivant.

En toutes circonstances, les inculpésbénéficieront de garanties deprocédure et de libre défense qui neseront pas inférieures à celles prévuespar les articles 105 et suivants de laprésente Convention.

Article 130. - Les infractions gravesvisées à l’article précédent sont cellesqui comportent l’un ou l’autre desactes suivants, s’ils sont commis contredes personnes ou des biens protégéspar la Convention : l’homicideintentionnel, la torture ou lestraitements inhumains, y compris lesexpériences biologiques, le fait decauser intentionnellement de grandessouffrances ou de porter des atteintesgraves à l’intégrité physique ou à lasanté, le fait de contraindre unprisonnier de guerre à servir dans lesforces armées de la Puissanceennemie, ou celui de le priver de sondroit d’être jugé régulièrement etimpartialement selon les prescriptionsde la présente Convention.

Les Conventions I et II ajoutent :… la destruction et l’appropriation debiens, non justifiées par des nécessitésmilitaires et exécutées sur une grandeéchelle de façon illicite et arbitraire.

La Convention IV ajoute encore :la déportation ou le transfert illégaux,la détention illégale, le fait decontraindre une personne protégée àservir dans les forces armées de laPuissance ennemie, ou celui de lapriver de son droit d’être jugéerégulièrement et impartialement selonles prescriptions de la présenteConvention, la prise d’otages, ladestruction et l’appropriation de biensnon justifiées par des nécessitésmilitaires et exécutées sur une grandeéchelle de façon illicite et arbitraire.

Protection des malades et desblessés (Convention I)

Article 12 : Les membres des forcesarmées et les autres personnesmentionnées à l’article suivant , quiseront blessés ou malades, devrontêtre respectés et protégés en toutescirconstances.

Ils seront traités et soignés avechumanité par la Partie au conflit quiles aura en son pouvoir, sans aucunedistinction de caractère défavorablebasée sur le sexe, la race, la nationalité,la religion, les opinions politiques outout autre critère analogue. Eststrictement interdite toute atteinte àleur vie et à leur personne et, entreautres, le fait de les achever ou de lesexterminer, de les soumettre à latorture, d’effectuer sur eux desexpériences biologiques, de les laisserde façon préméditée sans secours

médical, ou sans soins, ou de lesexposer à des risques de contagion oud’infection créés à cet effet.

Seules des raisons d’urgence médicaleautoriseront une priorité dans l’ordredes soins.

Les femmes seront traitées avec tousles égards particuliers dus à leur sexe.La Partie au conflit, obligéed’abandonner des blessés ou desmalades à son adversaire, laissera aveceux, pour autant que les exigencesmilitaires le permettront, une partie deson personnel et de son matérielsanitaires pour contribuer à les soigner.

Article 14 : Compte tenu des dispositionsde l’article 12 , les blessés et les maladesd’un belligérant, tombés au pouvoir del’adversaire, seront prisonniers de guerreet les règles du droit des gens concernantles prisonniers de guerre leur serontapplicables.

Protection des forces armées surmer

Article 12 : Les membres des forcesarmées et les autres personnesmentionnées à l’article suivant qui setrouveront en mer et qui serontblessés, malades ou naufragés,devront être respectés et protégés entoutes circonstances, étant entenduque le terme de naufrage seraapplicable à tout naufrage, quelles quesoient les circonstances dans lesquellesil s’est produit, y comprisl’amerrissage forcé ou la chute en mer.

Définition des prisonniers deguerre (Convention III)

Article 4. - A. Sont prisonniers deguerre, au sens de la présenteConvention, les personnes qui,appartenant à l’une des catégoriessuivantes, sont tombées au pouvoir del’ennemi :

1) les membres des forces arméesd’une Partie au conflit, de même queles membres des milices et des corpsde volontaires faisant partie de cesforces armées ;

2) les membres des autres milices et lesmembres des autres corps devolontaires, y compris ceux desmouvements de résistance organisés,appartenant à une Partie au conflit etagissant en dehors ou à l’intérieur deleur propre territoire, même si ceterritoire est occupé, pourvu que cesmilices ou corps de volontaires, ycompris ces mouvements de résistanceorganisés, remplissent les conditionssuivantes :

a) d’avoir à leur tête une personneresponsable pour ses subordonnés ;

b) d’avoir un signe distinctif fixe etreconnaissable à distance ;

c) de porter ouvertement les armes ;

d) de se conformer, dans leursopérations, aux lois et coutumes de laguerre .

3) les membres des forces arméesrégulières qui se réclament d’ungouvernement ou d’une autorité nonreconnus par la Puissance détentrice ;

4) les personnes qui suivent les forcesarmées sans en faire directementpartie, telles que les membres civilsd’équipages d’avions militaires,correspondants de guerre,fournisseurs, membres d’unités detravail ou de services chargés du bien-être des forces armées, à conditionqu’elles en aient reçu l’autorisation desforces armées qu’elles accompagnent,celles-ci étant tenues de leur délivrer àcet effet une carte d’identité semblableau modèle annexé ;

5) les membres des équipages, ycompris les commandants, pilotes etapprentis, de la marine marchande etles équipages de l’aviation civile desParties au conflit qui ne bénéficientpas d’un traitement plus favorable envertu d’autres dispositions du droitinternational ;

6) la population d’un territoire nonoccupé qui, à l’approche de l’ennemi,prend spontanément les armes pourcombattre les troupes d’invasion sansavoir eu le temps de se constituer enforces armées régulières, si elle porteouvertement les armes et si elle respecteles lois et coutumes de la guerre.

Traitement des prisonniers deguerre (Convention III)

Article 12. - Les prisonniers de guerresont au pouvoir de la Puissanceennemie, mais non des individus oudes corps de troupe qui les ont faitsprisonniers. Indépendamment desresponsabilités individuelles quipeuvent exister, la Puissancedétentrice est responsable dutraitement qui leur est appliqué. (…)

Article 13. - Les prisonniers de guerredoivent être traités en tout temps avechumanité. Tout acte ou omission illicitede la part de la Puissance détentriceentraînant la mort ou mettantgravement en danger la santé d’unprisonnier de guerre en son pouvoir estinterdit et sera considéré comme unegrave infraction à la présenteConvention. En particulier, aucunprisonnier de guerre ne pourra êtresoumis à une mutilation physique ou àune expérience médicale ou scientifiquede quelque nature qu’elle soit qui neserait pas justifiée par le traitementmédical du prisonnier intéressé et quine serait pas dans son intérêt.

Les prisonniers de guerre doivent demême être protégés en tout temps,notamment contre tout acte deviolence ou d’intimidation, contre lesinsultes et la curiosité publique.

Les mesures de représailles à leurégard sont interdites.

Article 14. - Les prisonniers de guerreont droit en toutes circonstances aurespect de leur personne et de leurhonneur.

APPENDICE 2 n DOCUMENTS DE DROIT HUMANITAIRE INTERNATIONAL

56 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

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Les femmes doivent être traitées avectous les égards dus à leur sexe etbénéficier en tous cas d’un traitementaussi favorable que celui qui estaccordé aux hommes. (…)

Article 16. - Compte tenu desdispositions de la présente Conventionrelatives au grade ainsi qu’au sexe, etsous réserve de tout traitementprivilégié qui serait accordé auxprisonniers de guerre en raison de leurétat de santé, de leur âge ou de leursaptitudes professionnelles, lesprisonniers doivent tous être traités dela même manière par la Puissancedétentrice, sans aucune distinction decaractère défavorable, de race, denationalité, de religion, d’opinionspolitiques ou autre, fondée sur descritères analogues.

Protection des civils(Convention IV)

Article 27. - Les personnes protégéesont droit, en toutes circonstances, aurespect de leur personne, de leurhonneur, de leurs droits familiaux, deleurs convictions et pratiquesreligieuses, de leurs habitudes et deleurs coutumes. Elles seront traitées,en tout temps, avec humanité etprotégées notamment contre tout actede violence ou d’intimidation, contreles insultes et la curiosité publique.

Les femmes seront spécialementprotégées contre toute atteinte à leurhonneur, et notamment contre le viol,la contrainte à la prostitution et toutattentat à leur pudeur.

Compte tenu des dispositions relativesà l’état de santé, à l’âge et au sexe, lespersonnes protégées seront toutestraitées par la Partie au conflit aupouvoir de laquelle elles se trouvent,avec les mêmes égards, sans aucunedistinction défavorable, notamment derace, de religion ou d’opinionspolitiques.

Toutefois, les Parties au conflitpourront prendre, à l’égard despersonnes protégées, les mesures decontrôle ou de sécurité qui serontnécessaires du fait de la guerre.

Article 28. - Aucune personne protégéene pourra être utilisée pour mettre, parsa présence, certains points oucertaines régions à l’abri desopérations militaires.

Article 29. - La Partie au conflit aupouvoir de laquelle se trouvent despersonnes protégées est responsabledu traitement qui leur est appliqué parses agents, sans préjudice desresponsabilités individuelles quipeuvent être encourues.

Article 31. - Aucune contrainte d’ordrephysique ou moral ne peut être exercéeà l’égard des personnes protégées,notamment pour obtenir d’elles, ou detiers, des renseignements.

Article 32. - Les Hautes Partiescontractantes s’interdisent

expressément toute mesure de natureà causer soit des souffrancesphysiques, soit l’extermination despersonnes protégées en leur pouvoir.Cette interdiction vise non seulementle meurtre, la torture, les peinescorporelles, les mutilations et lesexpériences médicales ou scientifiquesnon nécessitées par le traitementmédical d’une personne protégée,mais également toutes autresbrutalités, qu’elles soient le faitd’agents civils ou d’agents militaires.

Article 33. - Aucune personne protégéene peut être punie pour une infractionqu’elle n’a pas commisepersonnellement. Les peinescollectives, de même que toute mesured’intimidation ou de terrorisme, sontinterdites.

Le pillage est interdit.

Les mesures de représailles à l’égarddes personnes protégées et de leursbiens sont interdites.

Article 34. - La prise d’otages estinterdite.

Article 49. - Les transferts forcés, enmasse ou individuels, ainsi que lesdéportations de personnes protégéeshors du territoire occupé dans leterritoire de la Puissance occupante oudans celui de tout autre Etat, occupéou non, sont interdits, quel qu’en soitle motif.

Toutefois, la Puissance occupantepourra procéder à l’évacuation totale oupartielle d’une région occupéedéterminée, si la sécurité de lapopulation ou d’impérieuses raisonsmilitaires l’exigent. Les évacuations nepourront entraîner le déplacement depersonnes protégées qu’à l’intérieur duterritoire occupé, sauf en casd’impossibilité matérielle. Lapopulation ainsi évacuée sera ramenéedans ses foyers aussitôt que leshostilités dans ce secteur auront pris fin.

La Puissance occupante, en procédantà ces transferts ou à ces évacuations,devra faire en sorte, dans toute lamesure du possible, que les personnesprotégées soient accueillies dans desinstallations convenables, que lesdéplacements soient effectués dans desconditions satisfaisantes de salubrité,d’hygiène, de sécurité etd’alimentation et que les membresd’une même famille ne soient passéparés les uns des autres.

La Puissance protectrice sera informéedes transferts et évacuations dès qu’ilsauront eu lieu.

La Puissance occupante ne pourraretenir les personnes protégées dansune région particulièrement exposéeaux dangers de la guerre, sauf si lasécurité de la population oud’impérieuses raisons militairesl’exigent.

Article 68 (…) La Puissance occupantene pourra procéder à la déportation ou

au transfert d’une partie de sa proprepopulation civile dans le territoireoccupé par elle.

La peine de mort ne pourra êtreprononcée contre une personneprotégée que si l’attention du tribunala été particulièrement attirée sur le faitque l’accusé, n’étant pas unressortissant de la Puissanceoccupante, n’est lié à celle-ci par aucundevoir de fidélité.

En aucun cas la peine de mort nepourra être prononcée contre unepersonne protégée âgée de moins dedix-huit ans au moment del’infraction.

Article 71. - Les tribunaux compétentsde la Puissance occupante ne pourrontprononcer aucune condamnation quin’ait été précédée d’un procès régulier.

LES DEUX PROTOCOLESADDITIONNELS

Protocole I : Protection desvictimes des conflits armésinternationaux

Garanties fondamentales

Article 75 (…) Sont et demeurerontprohibés en tout temps et en tout lieules actes suivants, qu’ils soient commispar des agents civils ou militaires :

a) les atteintes portées à la vie, à lasanté et au bien-être physique oumental des personnes, notamment :

i) le meurtre ;

ii) la torture sous toutes ses formes,qu’elle soit physique ou mentale ;

iii) les peines corporelles ; et

iv) les mutilations

b) les atteintes à la dignité de lapersonne, notamment les traitementshumiliants et dégradants, laprostitution forcée et toute formed’attentat à la pudeur ;

c) la prise d’otages ;

d) les peines collectives ; et

e) la menace de commettre l’unquelconque des actes précités.

Infractions graves au Protocole I

Article 85 (…) les actes suivants,lorsqu’ils sont commisintentionnellement, en violation desdispositions pertinentes du présentProtocole, et qu’ils entraînent la mortou causent des atteintes graves àl’intégrité physique ou à la santé, sontconsidérés comme des infractionsgraves au présent Protocole :

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 57

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a) soumettre la population civile oudes personnes civiles à une attaque ;

b) lancer une attaque sansdiscrimination atteignant lapopulation civile ou des biens decaractère civil, en sachant que cetteattaque causera des pertes en vieshumaines, des blessures auxpersonnes civiles ou des dommagesaux biens de caractère civil, qui sontexcessifs au sens de l’article 57,paragraphe 2 a iii ;

c) lancer une attaque contre desouvrages ou installations contenantdes forces dangereuses, en sachant quecette attaque causera des pertes envies humaines, des blessures auxpersonnes civiles ou des dommagesaux biens de caractère civil, qui sontexcessifs au sens de l’article 57,paragraphe 2 a iii ;

d) soumettre à une attaque deslocalités non défendues et des zonesdémilitarisées ;

e) soumettre une personne à uneattaque en la sachant hors de combat ;

f) utiliser perfidement, en violation del’article 37, le signe distinctif de lacroix rouge, du croissant rouge ou dulion-et-soleil rouge ou d’autres signesprotecteurs reconnus par lesConventions ou par le présentProtocole.

4. Outre les infractions graves définiesaux paragraphes précédents et dansles Conventions, les actes suivantssont considérés comme des infractionsgraves au Protocole lorsqu’ils sontcommis intentionnellement et enviolation des Conventions ou duprésent Protocole :

a) le transfert par la Puissanceoccupante d’une partie de sapopulation civile dans le territoirequ’elle occupe, ou la déportation ou letransfert à l’intérieur ou hors duterritoire occupé de la totalité ou d’unepartie de la population de ce territoire,en violation de l’article 49 de la IVeConvention ;

b) tout retard injustifié dans lerapatriement des prisonniers de guerreou des civils ;

c) les pratiques de l’apartheid et lesautres pratiques inhumaines etdégradantes, fondées sur ladiscrimination raciale, qui donnentlieu à des outrages à la dignitépersonnelle ;

d) le fait de diriger des attaques contreles monuments historiques, les œuvresd’art ou les lieux de culte clairementreconnus qui constituent le patrimoineculturel ou spirituel des peuples etauxquels une protection spéciale a étéaccordée en vertu d’un arrangementparticulier, par exemple dans le cadred’une organisation internationalecompétente, provoquant ainsi leurdestruction sur une grande échelle,alors qu’il n’existe aucune preuve de

violation par la Partie adverse del’article 53, alinéa b, et que lesmonuments historiques, œuvres d’artet lieux de culte en question ne sontpas situés à proximité immédiated’objectifs militaires ;

e) le fait de priver une personneprotégée par les Conventions ou viséeau paragraphe 2 du présent article deson droit d’être jugée régulièrement etimpartialement.

5. Sous réserve de l’application desConventions et du présent Protocole,les infractions graves à ces instrumentssont considérées comme des crimes deguerre.

Ennemis hors de combat

Article 41 - Sauvegarde de l’ennemihors de combat

1. Aucune personne reconnue, oudevant être reconnue, eu égard auxcirconstances, comme étant hors decombat, ne doit être l’objet d’uneattaque.

2. Est hors de combat toute personne :

a) qui est au pouvoir d’une Partieadverse,

b) qui exprime clairement sonintention de se rendre, ou

c) qui a perdu connaissance ou estautrement en état d’incapacité du faitde blessures ou de maladie et enconséquence incapable de se défendre,

à condition que, dans tous les cas, elles’abstienne de tout acte d’hostilité etne tente pas de s’évader.

3. Lorsque des personnes ayant droit àla protection des prisonniers de guerresont tombées au pouvoir d’une Partieadverse dans des conditionsinhabituelles de combat quiempêchent de les évacuer comme il estprévu au Titre III, Section I, de la IIIeConvention, elles doivent être libéréeset toutes les précautions utiles doiventêtre prises pour assurer leur sécurité.

Article 42 - Occupants d’aéronefs

1. Aucune personne sautant enparachute d’un aéronef en perditionne doit faire l’objet d’une attaquependant la descente.

2. En touchant le sol d’un territoirecontrôlé par une Partie adverse, lapersonne qui a sauté en parachuted’un aéronef en perdition doit se voiraccorder la possibilité de se rendreavant de faire l’objet d’une attaque,sauf s’il est manifeste qu’elle se livre àun acte d’hostilité.

Autres définitions des combattants etdes prisonniers de guerre :

Article 43 - Forces armées

1. Les forces armées d’une Partie à unconflit se composent de toutes lesforces, tous les groupes et toutes lesunités armés et organisés qui sontplacés sous un commandement

responsable de la conduite de sessubordonnés devant cette Partie,même si celle-ci est représentée par ungouvernement ou une autorité nonreconnus par une Partie adverse. Cesforces armées doivent être soumises àun régime de discipline interne quiassure, notamment, le respect desrègles du droit international applicabledans les conflits armés.

2. Les membres des forces arméesd’une Partie à un conflit (autres que lepersonnel sanitaire et religieux visé àl’article 33 de la IIIe Convention) sontdes combattants, c’est-à-dire ont ledroit de participer directement auxhostilités.

3. La Partie à un conflit qui incorpore,dans ses forces armées, uneorganisation paramilitaire ou unservice armé chargé de faire respecterl’ordre, doit le notifier aux autresParties au conflit.

Article 44 - Combattants et prisonniersde guerre

Tout combattant, au sens de l’article43, qui tombe au pouvoir d’une partieadverse est prisonnier de guerre.

Protection des civils

Article 51 : La population civile et lespersonnes civiles jouissent d’uneprotection générale contre les dangersrésultant d’opérations militaires. Envue de rendre cette protectioneffective, les règles suivantes, quis’ajoutent aux autres règles du droitinternational applicable, doivent êtreobservées en toutes circonstances.

2. Ni la population civile en tant quetelle ni les personnes civiles ne doiventêtre l’objet d’attaques. Sont interditsles actes ou menaces de violence dontle but principal est de répandre laterreur parmi la population civile.

3. Les personnes civiles jouissent de laprotection accordée par la présenteSection, sauf si elles participentdirectement aux hostilités et pendantla durée de cette participation.

4. Les attaques sans discriminationsont interdites. L’expression «attaquessans discrimination» s’entend :

a) des attaques qui ne sont pasdirigées contre un objectif militairedéterminé ;

b) des attaques dans lesquelles on utilisedes méthodes ou moyens de combat quine peuvent pas être dirigés contre unobjectif militaire déterminé ; ou

c) des attaques dans lesquelles onutilise des méthodes ou moyens decombat dont les effets ne peuvent pasêtre limités comme le prescrit leprésent Protocole ;

et qui sont, en conséquence, danschacun de ces cas, propres à frapperindistinctement des objectifs militaireset des personnes civiles ou des biensde caractère civil.

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58 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

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5. Seront, entre autres, considéréscomme effectués sans discriminationles types d’attaques suivants :

a) les attaques par bombardement,quels que soient les méthodes oumoyens utilisés, qui traitent comme unobjectif militaire unique un certainnombre d’objectifs militairesnettement espacés et distincts situésdans une ville, un village ou touteautre zone contenant uneconcentration analogue de personnesciviles ou de biens de caractère civil ;

b) les attaques dont on peut attendrequ’elles causent incidemment despertes en vies humaines dans lapopulation civile, des blessures auxpersonnes civiles, des dommages auxbiens de caractère civil, ou unecombinaison de ces pertes etdommages, qui seraient excessifs parrapport à l’avantage militaire concretet direct attendu.

6. Sont interdites les attaques dirigéesà titre de représailles contre lapopulation civile ou des personnesciviles.

7. La présence ou les mouvements dela population civile ou de personnesciviles ne doivent pas être utilisés pourmettre certains points ou certaineszones à l’abri d’opérations militaires,notamment pour tenter de mettre desobjectifs militaires à l’abri d’attaquesou de couvrir, favoriser ou gêner desopérations militaires. Les Parties auconflit ne doivent pas diriger lesmouvements de la population civileou des personnes civiles pour tenterde mettre des objectifs militaires àl’abri des attaques ou de couvrir desopérations militaires.

8. Aucune violation de cesinterdictions ne dispense les Parties auconflit de leurs obligations juridiquesà l’égard de la population civile et despersonnes civiles, y comprisl’obligation de prendre les mesures deprécaution prévues par l’article 57.

Protection des maisons, écoles etlieux de culte

Article 52 - Protection générale desbiens de caractère civil

1. Les biens de caractère civil nedoivent être l’objet ni d’attaques ni dereprésailles. Sont biens de caractèrecivil tous les biens qui ne sont pas desobjectifs militaires au sens duparagraphe 2.

2. Les attaques doivent êtrestrictement limitées aux objectifsmilitaires. En ce qui concerne les biens,les objectifs militaires sont limités auxbiens qui, par leur nature, leuremplacement, leur destination ou leurutilisation apportent une contributioneffective à l’action militaire et dont ladestruction totale ou partielle, lacapture ou la neutralisation offre enl’occurrence un avantage militaireprécis.

3. En cas de doute, un bien qui estnormalement affecté à un usage civil,tel qu’un lieu de culte, une maison, unautre type d’habitation ou une école,est présumé ne pas être utilisé en vued’apporter une contribution effective àl’action militaire.

Article 53 - Protection des biensculturels et des lieux de culte

Sans préjudice des dispositions de laConvention de La Haye du 14 mai1954 pour la protection des biensculturels en cas de conflit armé etd’autres instruments internationauxpertinents, il est interdit :

a) de commettre tout acte d’hostilitédirigé contre les monumentshistoriques, les oeuvres d’art ou leslieux de culte qui constituent lepatrimoine culturel ou spirituel despeuples ;

b) d’utiliser ces biens à l’appui del’effort militaire ;

c) de faire de ces biens l’objet dereprésailles.

Privation des moyens de surviedes civils

Article 54 - Protection des biensindispensables à la survie de lapopulation civile

1. Il est interdit d’utiliser contre lescivils la famine comme méthode deguerre.

2. Il est interdit d’attaquer, de détruire,d’enlever ou de mettre hors d’usagedes biens indispensables à la survie dela population civile, tels que desdenrées alimentaires et les zonesagricoles qui les produisent, lesrécoltes, le bétail, les installations etréserves d’eau potable et les ouvragesd’irrigation, en vue d’en priver, àraison de leur valeur de subsistance, lapopulation civile ou la Partie adverse,quel que soit le motif dont on s’inspire,que ce soit pour affamer des personnesciviles, provoquer leur déplacement oupour toute autre raison.

3. Les interdictions prévues auparagraphe 2 ne s’appliquent pas si lesbiens énumérés sont utilisés par unePartie adverse :

a) pour la subsistance des seulsmembres de ses forces armées ;

b) à d’autres fins que cetapprovisionnement, mais comme appuidirect d’une action militaire, à conditiontoutefois de n’engager en aucun cas,contre ces biens, des actions dont onpourrait attendre qu’elles laissent à lapopulation civile si peu de nourritureou d’eau qu’elle serait réduite à lafamine ou forcée de se déplacer.

4. Ces biens ne devront pas être l’objetde représailles.

5. Compte tenu des exigences vitalesde toute Partie au conflit pour ladéfense de son territoire nationalcontre l’invasion, des dérogations aux

interdictions prévues au paragraphe 2sont permises à une Partie au conflitsur un tel territoire se trouvant sousson contrôle si des nécessités militairesimpérieuses l’exigent.

Réfugiés en période de conflitArticle 73 - Réfugiés et apatrides

Les personnes qui, avant le début deshostilités, sont considérées commeapatrides ou réfugiés au sens desinstruments internationaux pertinentsacceptés par les Parties intéressées oude la législation nationale de l’Etatd’accueil ou de résidence, seront, entoutes circonstances et sans aucunedistinction de caractère défavorable,des personnes protégées au sens desTitres I et III de la IVe Convention.

Femmes et enfantsArticle 76 - Protection des femmes

1. Les femmes doivent faire l’objetd’un respect particulier et serontprotégées, notamment contre le viol, lacontrainte à la prostitution et touteautre forme d’attentat à la pudeur.

2. Les cas des femmes enceintes et desmères d’enfants en bas âge dépendantd’elles qui sont arrêtées, détenues ouinternées pour des raisons liées auconflit armé seront examinés enpriorité absolue.

3. Dans toute la mesure du possible,les Parties au conflit s’efforcerontd’éviter que la peine de mort soitprononcée contre les femmes enceintesou les mères d’enfants en bas âgedépendant d’elles pour une infractioncommise en relation avec le conflitarmé. Une condamnation à mortcontre ces femmes pour une telleinfraction ne sera pas exécutée.

Article 77 - Protection des enfants

1. Les enfants doivent faire l’objet d’unrespect particulier et doivent êtreprotégés contre toute forme d’attentatà la pudeur. Les Parties au conflit leurapporteront les soins et l’aide dont ilsont besoin du fait de leur âge ou pourtoute autre raison.

2. Les Parties au conflit prendronttoutes les mesures possibles dans lapratique pour que les enfants demoins de quinze ans ne participentpas directement aux hostilités,notamment en s’abstenant de lesrecruter dans leurs forces armées.Lorsqu’elles incorporent despersonnes de plus de quinze ans maisde moins de dix-huit ans, les Partiesau conflit s’efforceront de donner lapriorité aux plus âgées.

3. Si, dans des cas exceptionnels etmalgré les dispositions du paragraphe2, des enfants qui n’ont pas quinze ansrévolus participent directement auxhostilités et tombent au pouvoir d’unePartie adverse, ils continueront àbénéficier de la protection spécialeaccordée par le présent article, qu’ilsoient ou non prisonniers de guerre.

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4. S’ils sont arrêtés, détenus ouinternés pour des raisons liées auconflit armé, les enfants seront gardésdans des locaux séparés de ceux desadultes, sauf dans le cas de familleslogées en tant qu’unités familialescomme le prévoit le paragraphe 5 del’article 75.

5. Une condamnation à mort pour uneinfraction liée au conflit armé ne serapas exécutée contre les personnes quin’avaient pas dix-huit ans au momentde l’infraction.

Responsabilité de la hiérarchiemilitaire

Article 86 - Omissions

1. Les Hautes Parties contractantes etles Parties au conflit doivent réprimerles infractions graves et prendre lesmesures nécessaires pour faire cessertoutes les autres infractions auxConventions ou au présent Protocolequi résultent d’une omission contraireà un devoir d’agir.

2. Le fait qu’une infraction auxConventions ou au présent Protocole aété commise par un subordonnén’exonère pas ses supérieurs de leurresponsabilité pénale ou disciplinaire,selon le cas, s’ils savaient oupossédaient des informations leurpermettant de conclure, dans lescirconstances du moment, que cesubordonné commettait ou allaitcommettre une telle infraction, et s’ilsn’ont pas pris toutes les mesurespratiquement possibles en leurpouvoir pour empêcher ou réprimercette infraction.

Article 87 - Devoirs des commandants

1. Les Hautes Parties contractantes etles Parties au conflit doivent chargerles commandants militaires, en ce quiconcerne les membres des forcesarmées placés sous leurcommandement et les autrespersonnes sous leur autorité,d’empêcher que soient commises desinfractions aux Conventions et auprésent Protocole et, au besoin, de lesréprimer et de les dénoncer auxautorités compétentes.

2. En vue d’empêcher que desinfractions soient commises et de lesréprimer, les Hautes Partiescontractantes et les Parties au conflitdoivent exiger que les commandants,selon leur niveau de responsabilité,s’assurent que les membres des forcesarmées placés sous leurcommandement connaissent leursobligations aux termes desConventions et du présent Protocole.

3. Les Hautes Parties contractantes etles Parties au conflit doivent exiger detout commandant qui a appris que dessubordonnés ou d’autres personnessous son autorité vont commettre ouont commis une infraction auxConventions ou au présent Protocolequ’il mette en oeuvre les mesures qui

sont nécessaires pour empêcher detelles violations des Conventions oudu présent Protocole et, lorsqu’ilconviendra, prenne l’initiative d’uneaction disciplinaire ou pénale àl’encontre des auteurs des violations.

Protocole II : Protection desvictimes de conflits armésnon internationaux

Portée

Article premier - Champ d’applicationmatériel

1. Le présent Protocole, qui développeet complète l’article 3 commun auxConventions de Genève du 12 août1949 sans modifier ses conditionsd’application actuelles, s’applique àtous les conflits armés qui ne sont pascouverts par l’article premier duProtocole additionnel auxConventions de Genève du 12 août1949 relatif à la protection desvictimes des conflits armésinternationaux (Protocole I), et qui sedéroulent sur le territoire d’une HautePartie contractante entre ses forcesarmées et des forces arméesdissidentes ou des groupes armésorganisés qui, sous la conduite d’uncommandement responsable, exercentsur une partie de son territoire uncontrôle tel qu’il leur permette demener des opérations militairescontinues et concertées et d’appliquerle présent Protocole.

2. Le présent Protocole ne s’appliquepas aux situations de tensionsinternes, de troubles intérieurs, commeLes émeutes, les actes isolés etsporadiques de violence et autres actesanalogues, qui ne sont pas considéréscomme des conflits armés.

Garanties de traitement humain

Article 4 - Garanties fondamentales

1. Toutes les personnes qui neparticipent pas directement ou neparticipent plus aux hostilités, qu’ellessoient ou non privées de liberté, ontdroit au respect de leur personne, deleur honneur, de leurs convictions etde leurs pratiques religieuses. Ellesseront en toutes circonstances traitéesavec humanité, sans aucunedistinction de caractère défavorable. Ilest interdit d’ordonner qu’il n’y ait pasde survivants.

2. Sans préjudice du caractère généraldes dispositions qui précèdent, sont etdemeurent prohibés en tout temps eten tout lieu à l’égard des personnesvisées au paragraphe 1 :

a) les atteintes portées à la vie, à lasanté et au bien-être physique oumental des personnes, en particulier lemeurtre, de même que les traitementscruels tels que la torture, lesmutilations ou toutes formes de peinescorporelles ;

b) les punitions collectives ;

c) la prise d’otages ;

d) les actes de terrorisme ;

e) les atteintes à la dignité de lapersonne, notamment les traitementshumiliants et dégradants, le viol, lacontrainte à la prostitution et toutattentat à la pudeur ;

f) l’esclavage et la traite des esclavessous toutes leurs formes ;

g) le pillage ;

h) la menace de commettre les actesprécités.

3. Les enfants recevront les soins etl’aide dont ils ont besoin et,notamment :

a) ils devront recevoir une éducation,y compris une éducation religieuse etmorale, telle que la désirent leursparents ou, en l’absence de parents, lespersonnes qui en ont la garde ;

b) toutes les mesures appropriéesseront prises pour faciliter leregroupement des famillesmomentanément séparées ;

c) les enfants de moins de quinze ansne devront pas être recrutés dans lesforces ou groupes armés, ni autorisés àprendre part aux hostilités ;

d) la protection spéciale prévue par leprésent article pour les enfants demoins de quinze ans leur resteraapplicable s’ils prennent directementpart aux hostilités en dépit desdispositions de l’alinéa c et sontcapturés ;

e) des mesures seront prises, sinécessaire et, chaque fois que ce serapossible, avec le consentement desparents ou des personnes qui en ont lagarde à titre principal en vertu de laloi ou de la coutume, pour évacuertemporairement les enfants du secteuroù des hostilités ont lieu vers unsecteur plus sûr du pays, et pour lesfaire accompagner par des personnesresponsables de leur sécurité et de leurbien-être.

Article 5 - Personnes privées de liberté

1. Outre les dispositions de l’article 4,les dispositions suivantes seront auminimum respectées à l’égard despersonnes privées de liberté pour desmotifs en relation avec le conflitarmé, qu’elles soient internées oudétenues :

a) les blessés et les malades seronttraités conformément à l’article 7 ;

b) les personnes visées au présentparagraphe recevront dans la mêmemesure que la population civile localedes vivres et de l’eau potable etbénéficieront de garanties de salubritéet d’hygiène et d’une protection contreles rigueurs du climat et les dangersdu conflit armé ;

c) elles seront autorisées à recevoir dessecours individuels ou collectifs ;

APPENDICE 2 n DOCUMENTS DE DROIT HUMANITAIRE INTERNATIONAL

60 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 61

d) elles pourront pratiquer leurreligion et recevoir à leur demande, sicela est approprié, une assistancespirituelle de personnes exerçant desfonctions religieuses, telles que lesaumôniers ;

e) elles devront bénéficier, si ellesdoivent travailler, de conditions detravail et de garanties semblables àcelles dont jouit la population civilelocale.

2. Ceux qui sont responsables del’internement ou de la détention despersonnes visées au paragraphe 1respecteront dans toute la mesure deleurs moyens les dispositionssuivantes à l’égard de ces personnes :

a) sauf lorsque les hommes et lesfemmes d’une même famille sontlogés ensemble, les femmes serontgardées dans des locaux séparés deceux des hommes et seront placéessous la surveillance immédiate defemmes ;

b) les personnes visées au paragraphe1 seront autorisées à expédier et àrecevoir des lettres et des cartes dontle nombre pourra être limité parl’autorité compétente si elle l’estimenécessaire ;

c) les lieux d’internement et dedétention ne seront pas situés àproximité de la zone de combat. Lespersonnes visées au paragraphe 1seront évacuées lorsque les lieux oùelles sont internées ou détenuesdeviennent particulièrement exposésaux dangers résultant du conflit armé,si leur évacuation peut s’effectuerdans des conditions suffisantes desécurité ;

d) elles devront bénéficier d’examensmédicaux ;

e) leur santé et leur intégritéphysiques ou mentales ne serontcompromises par aucun acte ni paraucune omission injustifiés. Enconséquence, il est interdit desoumettre les personnes visées auprésent article à un acte médical quine serait pas motivé par leur état desanté et ne serait pas conforme auxnormes médicales généralementreconnues et appliquées dans descirconstances médicales analoguesaux personnes jouissant de leurliberté.

3. Les personnes qui ne sont pascouvertes par le paragraphe 1 maisdont la liberté est limitée de quelquefaçon que ce soit, pour des motifs enrelation avec le conflit armé, seronttraitées avec humanitéconformément à l’article 4 et auxparagraphes 1 a, c, d et 2 b duprésent article.

4. S’il est décidé de libérer despersonnes privées de liberté, lesmesures nécessaires pour assurer lasécurité de ces personnes serontprises par ceux qui décideront de leslibérer.

Poursuites judiciaires découlantd’un conflit

Article 6 - Poursuites pénales

1. Le présent article s’applique à lapoursuite et à la répressiond’infractions pénales en relation avecle conflit armé.

2. Aucune condamnation ne seraprononcée ni aucune peine exécutée àl’encontre d’une personne reconnuecoupable d’une infraction sans unjugement préalable rendu par untribunal offrant les garantiesessentielles d’indépendance etd’impartialité. En particulier :

a) la procédure disposera que leprévenu doit être informé sans délaides détails de l’infraction qui lui estimputée et assurera au prévenuavant et pendant son procès tous lesdroits et moyens nécessaires à sadéfense ;

b) nul ne peut être condamné pourune infraction si ce n’est sur la based’une responsabilité pénaleindividuelle ;

c) nul ne peut être condamné pour desactions ou omissions qui neconstituaient pas un acte délictueuxd’après le droit national ouinternational au moment où elles ontété commises. De même, il ne peutêtre infligé aucune peine plus forteque celle qui était applicable aumoment où l’infraction a été commise.Si postérieurement à cette infraction laloi prévoit l’application d’une peineplus légère, le délinquant doit enbénéficier ;

d) toute personne accusée d’uneinfraction est présumée innocentejusqu’à ce que sa culpabilité ait étélégalement établie ;

e) toute personne accusée d’uneinfraction a le droit d’être jugée en saprésence ;

f) nul ne peut être forcé de témoignercontre lui-même ou de s’avouercoupable.

3. Toute personne condamnée serainformée, au moment de sacondamnation, de ses droits derecours judiciaires et autres, ainsi quedes délais dans lesquels ils doiventêtre exercés.

4. La peine de mort ne sera pasprononcée contre les personnes âgéesde moins de dix-huit ans au momentde l’infraction et elle ne sera pasexécutée contre les femmes enceinteset les mères d’enfants en bas âge.

5. A la cessation des hostilités, lesautorités au pouvoir s’efforcerontd’accorder la plus large amnistiepossible aux personnes qui aurontpris part au conflit armé ou quiauront été privées de liberté pour desmotifs en relation avec le conflitarmé, qu’elles soient internées oudétenues.

Blessés et malades

Article 7 - Protection et soins

1. Tous les blessés, les malades et lesnaufragés, qu’ils aient ou non pris partau conflit armé, seront respectés etprotégés.

Protection du personnelsanitaire

Article 9 - Protection du personnelsanitaire et religieux

1. Le personnel sanitaire et religieuxsera respecté et protégé. Il recevratoute l’aide disponible dansl’exercice de ses fonctions et ne serapas astreint à des tâchesincompatibles avec sa missionhumanitaire. (…)

Article 11 - Protection des unités etmoyens de transport sanitaires

1. Les unités et moyens de transportsanitaires seront en tout tempsrespectés et protégés et ne seront pasl’objet d’attaques.

2. La protection due aux unités etmoyens de transport sanitaires nepourra cesser que s’ils sont utiliséspour commettre, en dehors de leurfonction humanitaire, des acteshostiles. Toutefois, la protectioncessera seulement après qu’unesommation fixant, chaque fois qu’il yaura lieu, un délai raisonnable, serademeurée sans effet.

Article 12 - Signe distinctif

Sous le contrôle de l’autoritécompétente concernée, le signedistinctif de la croix rouge, ducroissant rouge ou du lion-et-soleilrouge, sur fond blanc, sera arborépar le personnel sanitaire etreligieux, les unités et moyens detransport sanitaires. Il doit êtrerespecté en toutes circonstances. Ilne doit pas être employéabusivement.

Population civile

Article 13 - Protection de la populationcivile

1. La population civile et lespersonnes civiles jouissent d’uneprotection générale contre lesdangers résultant d’opérationsmilitaires. En vue de rendre cetteprotection effective, les règlessuivantes seront observées en toutescirconstances.

2. Ni la population civile en tant quetelle ni les personnes civiles nedevront être l’objet d’attaques. Sontinterdits les actes ou menaces deviolence dont le but principal est derépandre la terreur parmi lapopulation civile.

3. Les personnes civiles jouissent de laprotection accordée par le présentTitre, sauf si elles participentdirectement aux hostilités et pendantla durée de cette participation.

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Protection des bâtiments etautres sites

Article 14 - Protection des biensindispensables à la survie de lapopulation civile

Il est interdit d’utiliser contre lespersonnes civiles la famine commeméthode de combat. Il est parconséquent interdit d’attaquer, dedétruire, d’enlever ou de mettre horsd’usage à cette fin des biensindispensables à la survie de lapopulation civile, tels que les denréesalimentaires et les zones agricoles quiles produisent, les récoltes, le bétail,les installations et réserves d’eaupotable et les ouvrages d’irrigation.

Article 15 - Protection des ouvrages etinstallations contenant des forcesdangereuses

Les ouvrages d’art ou les installationscontenant des forces dangereuses, àsavoir les barrages, les digues et lescentrales nucléaires de productiond’énergie électrique, ne seront pas l’objetd’attaques, même s’ils constituent desobjectifs militaires, lorsque ces attaquespeuvent entraîner la libération de cesforces et causer, en conséquence, despertes sévères dans la population civile.

Article 16 - Protection des biensculturels et des lieux de culte

Sous réserve des dispositions de laConvention de La Haye du 14 mai 1954pour la protection des biens culturelsen cas de conflit armé, il est interdit decommettre tout acte d’hostilité dirigécontre les monuments historiques, lesœuvres d’art ou les lieux de culte quiconstituent le patrimoine culturel ouspirituel des peuples et de les utiliser àl’appui de l’effort militaire.

Déplacements forcés

Article 17 - Interdiction desdéplacements forcés

1. Le déplacement de la populationcivile ne pourra pas être ordonné pourdes raisons ayant trait au conflit saufdans les cas où la sécurité despersonnes civiles ou des raisonsmilitaires impératives l’exigent. Si untel déplacement doit être effectué,toutes les mesures possibles serontprises pour que la population civilesoit accueillie dans des conditionssatisfaisantes de logement, desalubrité, d’hygiène, de sécurité etd’alimentation.

2. Les personnes civiles ne pourrontpas être forcées de quitter leur propreterritoire pour des raisons ayant traitau conflit.

APPENDICE 2 n DOCUMENTS DE DROIT HUMANITAIRE INTERNATIONAL

62 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

Convention pour laprévention et la répressiondu crime de génocide, 9décembre 1948

Texte intégral

Les Parties contractantes,

Considérant que l’Assemblée généralede l’Organisation des Nations Uniespar sa résolution 96 (I) en date du 11décembre 1946, a déclaré que legénocide est un crime du droit desgens, en contradiction avec l’esprit etles fins des Nations Unies et que lemonde civilisé condamne.

Reconnaissant qu’à toutes les périodesde l’histoire le génocide a infligé degrandes pertes à l’humanité,

Convaincues que pour libérerl’humanité d’un fléau aussi odieux lacoopération internationale estnécessaire,

Conviennent de ce qui suit :

Article premier

Les Parties contractantes confirmentque le génocide, qu’il soit commis entemps de paix ou en temps de guerre,est un crime du droit des gens,qu’elles s’engagent à prévenir et àpunir.

Article II

Dans la présente Convention, legénocide s’entend de l’un quelconquedes actes ci-après, commis dansl’intention de détruire ou tout ou enpartie, un groupe national, ethnique,racial ou religieux, comme tel :

a) Meurtre de membres du groupe ;

b) Atteinte grave à l’intégrité physiqueou mentale de membres du groupe ;

c) Soumission intentionnelle dugroupe à des conditions d’existencedevant entraîner sa destructionphysique totale ou partielle ;

d) Mesures visant à entraver lesnaissances au sein du groupe ;

e) Transfert forcé d’enfants du groupeà un autre groupe.

Article III

Seront punis les actes suivants :

a) Le génocide ;

b) L’entente en vue de commettre legénocide ;

c) L’incitation directe et publique àcommettre le génocide ;

d) La tentative de génocide ;

e) La complicité dans le génocide.

Article IV

Les personnes ayant commis legénocide ou l’un quelconque desautres actes énumérés à l’article IIIseront punies, qu’elles soient desgouvernants, des fonctionnaires oudes particuliers.

Article V

Les Parties contractantes s’engagent àprendre, conformément à leursconstitutions respectives, les mesureslégislatives nécessaires pour assurerl’application des dispositions de laprésente Convention, et notamment àprévoir des sanctions pénales efficacesfrappant les personnes coupables degénocide ou de l’un quelconque desautres actes énumérés à l’article III.

Article VI

Les personnes accusées de génocideou de l’un quelconque des autres actesénumérés à l’article III seront traduitesdevant les tribunaux compétents de

l’Etat sur le territoire duquel l’acte aété commis, ou devant la courcriminelle internationale qui seracompétente à l’égard de celles desParties contractantes qui en aurontreconnu la juridiction.

Article VII

Le génocide et les autres actesénumérés à l’article III ne seront pasconsidérés comme des crimespolitiques pour ce qui est del’extradition.

Les Parties contractantes s’engagent enpareil cas à accorder l’extraditionconformément à leur législation et auxtraités en vigueur.

Article VIII

Toute Partie contractante peut saisirles organes compétents del’Organisation des Nations Unies afinque ceux-ci prennent, conformément àla Charte des Nations Unies, lesmesures qu’ils jugent appropriéespour la prévention et la répression desactes de génocide ou de l’unquelconque des autres actes énumérésà l’article III.

Article IX

Les différends entre les Partiescontractantes relatifs à l ‘interprétation,l’application ou l’exécution de laprésente Convention y compris ceuxrelatifs à la responsabilité d’un Etat enmatière de génocide ou de l’unquelconque des autres actes énumérésà l’article III, seront soumis à la Courinternationale de Justice, à la requêted’une partie au différend.

Article X

La présente Convention, dont lestextes anglais, chinois, espagnolfrançais et russe feront également foi,portera la date du 9 décembre 1948.

3. CONVENTION SUR LE GÉNOCIDE

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Article XI

La présente Convention sera ouvertejusqu’au 31 décembre 1949 à lasignature au nom de tout Membre del’Organisation des Nations Unies et detout Etat non membre à quil’Assemblée générale aura adressé uneinvitation à cet effet.

La présente Convention sera ratifiée etles instruments de ratification serontdéposés auprès du Secrétaire généralde l’Organisation des Nations Unies.

A partir du 1er janvier 1950, il pourraêtre adhéré à la présente Conventionau nom de tout Membre del’Organisation des Nations Unies et detout Etat non membre qui aura reçul’invitation susmentionnée

Les instruments d’adhésion serontdéposés auprès du Secrétaire généralde l’Organisation des Nations Unies.

Article XII

Toute Partie contractante pourra, àtout moment, par notification adresséeau Secrétaire général de l’Organisationdes Nations Unies étendrel’application de la présenteConvention à tous les territoires ou àl’un quelconque des territoires dontelle dirige les relations extérieures.

Article XIII

Dès le jour où les vingt premiersinstruments de ratification oud’adhésion auront été déposés, leSecrétaire général en dressera procès-verbal. Il transmettra copie de ceprocès-verbal à tous les Etats Membresde l’Organisation des Nations Unies etaux Etats non membres visés parl’article XI.

La présente Convention entrera envigueur le quatre-vingt-dixième jourqui suivra la date du dépôt duvingtième instrument de ratificationou d’adhésion.

Toute ratification ou adhésioneffectuée ultérieurement à la dernièredate prendra effet le quatre-vingt-dixième jour qui suivra le dépôt del’instrument de ratification oud’adhésion.

Article XIV

La présente Convention aura unedurée de dix ans à partir de la date deson entrée en vigueur.

Elle restera par la suite en vigueurpour une période de cinq ans, et ainside suite, vis-à-vis des Partiescontractantes qui ne l’auront pasdénoncée six mois au moins avantl’expiration du terme .

La dénonciation se fera parnotification écrite adressée auSecrétaire général de l’Organisationdes Nations Unies.

Article XV

Si, par suite de dénonciations, lenombre des parties à la présenteConvention se trouve ramené à moinsde seize, la Convention cessera d’êtreen vigueur à partir de la date àlaquelle la dernière de cesdénonciations prendra effet.

Article XVI

Une demande de révision de laprésente Convention pourra êtreformulée en tout temps par toutePartie contractante, par voie denotification écrite adressée auSecrétaire général.

L’Assemblée générale statuera sur lesmesures à prendre, s’il y a lieu au sujetde cette demande.

Article XVII

Le Secrétaire général de l’Organisationdes Nations Unies notifiera ce qui suità tous les Etats Membres del’Organisation et aux Etats nonmembres visés par l’article XI :

a) Les signatures, ratifications etadhésions reçues en application del’article XI ;

b) Les notifications reçues enapplication de l’article XII ;

c) La date à laquelle la présenteConvention entrera en vigueur, enapplication de l’article XIII ;

d) Les dénonciations reçues enapplication de l’article XIV ;

e) L’abrogation de la Convention enapplication de l’article XV ;

f) Les notifications reçues enapplication de l’article XVI.

Article XVIII

L’original de la présente Conventionsera déposé aux archives del’Organisation des Nations Unies.

Une copie certifiée conforme seraadressée à tous les Etats Membres del’Organisation des Nations Unies etaux Etats non membres visés parl’article XI.

Article XIX

La présente Convention seraenregistrée par le Secrétaire général del’Organisation des Nations Unies à ladate de son entrée en vigueur.

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4. Statut de Rome de la Cour pénale internationale

(signé le 17 juillet 1998)

La Cour

Il est créé une Cour pénaleinternationale (« la Cour ») en tantqu’institution permanente, qui peutexercer sa compétence à l’égard despersonnes pour les crimes les plusgraves ayant une portéeinternationale, au sens du présentStatut. Elle est complémentaire desjuridictions pénales nationales. Sacompétence et son fonctionnementsont régis par les dispositions duprésent Statut.

Article 5 Crimes Relevant de laCompétence de la Cour

1. La compétence de la Cour estlimitée aux crimes les plus graves quitouchent l’ensemble de lacommunauté internationale. En vertudu présent Statut, la Cour acompétence à l’égard des crimessuivants :

a) Le crime de génocide ;

b) Les crimes contre l’humanité ;

c) Les crimes de guerre ;

d) Le crime d’agression.

2. La Cour exercera sa compétence àl’égard du crime d’agression quandune disposition aura été adoptéeconformément aux articles 121 et 123,qui définira ce crime et fixera lesconditions de l’exercice de lacompétence de la Cour à son égard.Cette disposition devra être compatibleavec les dispositions pertinentes de laCharte des Nations Unies.

Article 6 Crime de Génocide

Aux fins du présent Statut, on entendpar crime de génocide l’un quelconquedes actes ci-après commis dansl’intention de détruire, en tout ou enpartie, un groupe national, ethnique,racial ou religieux, comme tel :

a) Meurtre de membres du groupe ;

b) Atteinte grave à l’intégrité physiqueou mentale de membres du groupe ;

c) Soumission intentionnelle dugroupe à des conditions d’existencedevant entraîner sa destructionphysique totale ou partielle ;

d) Mesures visant à entraver lesnaissances au sein du groupe ;

e) Transfert forcé d’enfants du groupeà un autre groupe.

Article 7 Crimes Contre L'humanité

1. Aux fins du présent Statut, onentend par crime contre l’humanitél’un quelconque des actes ci-aprèslorsqu’il est commis dans le cadred’une attaque généralisée ousystématique lancée contre toutepopulation civile et en connaissancede cette attaque :

a) Meurtre ;

b) Extermination ;

c) Réduction en esclavage ;

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d) Déportation ou transfert forcé depopulation ;

e) Emprisonnement ou autre forme deprivation grave de liberté physique enviolation des dispositionsfondamentales du droit international ;

f) Torture ;

g) Viol, esclavage sexuel, prostitutionforcée, grossesse forcée, stérilisationforcée ou toute autre forme deviolence sexuelle de gravitécomparable ;

h) Persécution de tout groupe ou detoute collectivité identifiable pour desmotifs d’ordre politique, racial,national, ethnique, culturel, religieuxou sexiste au sens du paragraphe 3, ouen fonction d’autres critèresuniversellement reconnus commeinadmissibles en droit international, encorrélation avec tout acte visé dans leprésent paragraphe ou tout crimerelevant de la compétence de la Cour ;

i) Disparitions forcées de personnes ;

j) Crime d’apartheid ;

k) Autres actes inhumains de caractèreanalogue causant intentionnellementde grandes souffrances ou desatteintes graves à l’intégrité physiqueou à la santé physique ou mentale.

2. Aux fins du paragraphe 1 :

a) Par « attaque lancée contre unepopulation civile », on entend lecomportement qui consiste en lacommission multiple d’actes visés auparagraphe 1 à l’encontre d’unepopulation civile quelconque, enapplication ou dans la poursuite de lapolitique d’un État ou d’uneorganisation ayant pour but une telleattaque ;

b) Par « extermination », on entendnotamment le fait d’imposerintentionnellement des conditions devie, telles que la privation d’accès à lanourriture et aux médicaments,calculées pour entraîner la destructiond’une partie de la population ;

c) Par « réduction en esclavage », onentend le fait d’exercer sur unepersonne l’un quelconque oul’ensemble des pouvoirs liés au droitde propriété, y compris dans le cadrede la traite des être humains, enparticulier des femmes et des enfants;

d) Par « déportation ou transfert forcéde population », on entend le fait dedéplacer de force des personnes, en lesexpulsant ou par d’autres moyenscoercitifs, de la région où elles setrouvent légalement, sans motifsadmis en droit international ;

e) Par « torture », on entend le faitd’infliger intentionnellement unedouleur ou des souffrances aiguës,physiques ou mentales, à unepersonne se trouvant sous sa garde ousous son contrôle ; l’acception de ceterme ne s’étend pas à la douleur ou

aux souffrances résultant uniquementde sanctions légales, inhérentes à cessanctions ou occasionnées par elles ;

f) Par « grossesse forcée », on entendla détention illégale d’une femme miseenceinte de force, dans l’intention demodifier la composition ethniqued’une population ou de commettred’autres violations graves du droitinternational. Cette définition ne peuten aucune manière s’interprétercomme ayant une incidence sur leslois nationales relatives à la grossesse ;

g) Par « persécution », on entend ledéni intentionnel et grave de droitsfondamentaux en violation du droitinternational, pour des motifs liés àl’identité du groupe ou de lacollectivité qui en fait l’objet ;

h) Par « crime d’apartheid », onentend des actes inhumains analoguesà ceux que vise le paragraphe 1,commis dans le cadre d’un régimeinstitutionnalisé d’oppressionsystématique et de domination d’ungroupe racial sur tout autre grouperacial ou tous autres groupes raciauxet dans l’intention de maintenir cerégime ;

i) Par « disparitions forcées depersonnes », on entend les cas où despersonnes sont arrêtées, détenues ouenlevées par un État ou uneorganisation politique ou avecl’autorisation, l’appui ou l’assentimentde cet État ou de cette organisation,qui refuse ensuite d’admettre que cespersonnes sont privées de liberté oude révéler le sort qui leur est réservéou l’endroit où elles se trouvent, dansl’intention de les soustraire à laprotection de la loi pendant unepériode prolongée.

3. Aux fins du présent Statut, le terme« sexe » s’entend de l’un et l’autresexes, masculin et féminin, suivant lecontexte de la société. Il n’impliqueaucun autre sens.

Article 8 Crimes de Guerre

1. La Cour a compétence à l’égard descrimes de guerre, en particulierlorsque ces crimes s’inscrivent dans lecadre d’un plan ou d’une politique oulorsqu’ils font partie d’une série decrimes analogues commis sur unegrande échelle.

2. Aux fins du Statut, on entend par « crimes de guerre » :

a) Les infractions graves auxConventions de Genève du 12 août 1949,à savoir l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’ils visent des personnes oudes biens protégés par les dispositionsdes Conventions de Genève :

i) L’homicide intentionnel ;

ii) La torture ou les traitementsinhumains, y compris les expériencesbiologiques ;

iii) Le fait de causerintentionnellement de grandes

souffrances ou de porter gravementatteinte à l’intégrité physique ou à lasanté ;

iv) La destruction et l’appropriation debiens, non justifiées par des nécessitésmilitaires et exécutées sur une grandeéchelle de façon illicite et arbitraire ;

v) Le fait de contraindre un prisonnierde guerre ou une personne protégée àservir dans les forces d’une puissanceennemie ;

vi) Le fait de priver intentionnellementun prisonnier de guerre ou toute autrepersonne protégée de son droit d’êtrejugé régulièrement et impartialement ;

vii) La déportation ou le transfertillégal ou la détention illégale ;

viii) La prise d’otages ;

b) Les autres violations graves des loiset coutumes applicables aux conflitsarmés internationaux dans le cadreétabli du droit international, à savoir,l’un quelconque des actes ci-après :

i) Le fait de diriger intentionnellementdes attaques contre la populationcivile en tant que telle ou contre descivils qui ne participent pasdirectement part aux hostilités ;

ii) Le fait de diriger intentionnellementdes attaques contre des biens decaractère civil, c’est-à-dire des biensqui ne sont pas des objectifs militaires ;

iii) Le fait de dirigerintentionnellement des attaques contrele personnel, les installations, lematériel, les unités ou les véhiculesemployés dans le cadre d’une missiond’aide humanitaire ou de maintien dela paix conformément à la Charte desNations Unies, pour autant qu’ils aientdroit à la protection que le droitinternational des conflits armésgarantit aux civils et aux biens decaractère civil ;

iv) Le fait de dirigerintentionnellement une attaque ensachant qu’elle causera incidemmentdes pertes en vies humaines dans lapopulation civile, des blessures auxpersonnes civiles, des dommages auxbiens de caractère civil ou desdommages étendus, durables et gravesà l’environnement naturel qui seraientmanifestement excessifs par rapport àl’ensemble de l’avantage militaireconcret et direct attendu ;

v) Le fait d’attaquer ou debombarder, par quelque moyen quece soit, des villes, villages,habitations ou bâtiments qui ne sontpas défendus et qui ne sont pas desobjectifs militaires ;

vi) Le fait de tuer ou de blesser uncombattant qui, ayant déposé lesarmes ou n’ayant plus de moyens dese défendre, s’est rendu à discrétion ;

vii) Le fait d’utiliser indûment lepavillon parlementaire, le drapeau oules insignes militaires et l’uniforme del’ennemi ou de l’Organisation des

APPENDICE 2 n DOCUMENTS DE DROIT HUMANITAIRE INTERNATIONAL

64 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

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Nations Unies, ainsi que les signesdistinctifs prévus par les Conventionsde Genève, et, ce faisant, de causer laperte de vies humaines ou desblessures graves ;

viii) Le transfert, direct ou indirect,par une puissance occupante d’unepartie de sa population civile, dans leterritoire qu’elle occupe, ou ladéportation ou le transfert àl’intérieur ou hors du territoire occupéde la totalité ou d’une partie de lapopulation de ce territoire ;

ix) Le fait de dirigerintentionnellement des attaquescontre des bâtiments consacrés à lareligion, à l’enseignement, à l’art, à lascience ou à l’action caritative, desmonuments historiques, des hôpitauxet des lieux où des malades ou desblessés sont rassemblés, à conditionqu’ils ne soient pas des objectifsmilitaires ;

x) Le fait de soumettre des personnesd’une partie adverse tombées en sonpouvoir à des mutilations ou à desexpériences médicales ou scientifiquesquelles qu’elles soient qui ne sont nimotivées par un traitement médical,dentaire ou hospitalier, ni effectuées dansl’intérêt de ces personnes, et quientraînent la mort de celles-ci ou mettentsérieusement en danger leur santé ;

xi) Le fait de tuer ou de blesser partraîtrise des individus appartenant à lanation ou à l’armée ennemie ;

xii) Le fait de déclarer qu’il ne sera pasfait de quartier ;

xiii) Le fait de détruire ou de saisir lesbiens de l’ennemi, sauf dans les cas oùces destructions ou saisies seraientimpérieusement commandées par lesnécessités de la guerre ;

xiv) Le fait de déclarer éteints,suspendus ou non recevables enjustice les droits et actions desnationaux de la partie adverse ;

xv) Le fait pour un belligérant decontraindre les nationaux de la partieadverse à prendre part aux opérationsde guerre dirigées contre leur pays,même s’ils étaient au service de cebelligérant avant le commencement dela guerre ;

xvi) Le pillage d’une ville ou d’unelocalité, même prise d’assaut ;

xvii) Le fait d’employer du poison oudes armes empoisonnées ;

xviii) Le fait d’employer des gazasphyxiants, toxiques ou similaires,ainsi que tous liquides, matières ouprocédés analogues ;

xix) Le fait d’utiliser des balles quis’épanouissent ou s’aplatissentfacilement dans le corps humain, tellesque des balles dont l’enveloppe durene recouvre pas entièrement le centreou est percée d’entailles ;

xx) Le fait d’employer les armes,projectiles, matières et méthodes de

guerre de nature à causer des mauxsuperflus ou des souffrances inutilesou à frapper sans discrimination enviolation du droit international desconflits armés, à condition que cesarmes, projectiles, matières etméthodes de guerre fassent l’objetd’une interdiction générale et qu’ilssoient inscrits dans une annexe auprésent Statut, par voie d’amendementadopté selon les dispositions desarticles 121 et 123 ;

xxi) Les atteintes à la dignité de lapersonne, notamment les traitementshumiliants et dégradants ;

xxii) Le viol, l’esclavage sexuel, laprostitution forcée, la grossesse forcée,telle que définie à l’article 7,paragraphe 2, alinéa f), la stérilisationforcée ou toute autre forme de violencesexuelle constituant une infractiongrave aux Conventions de Genève ;

xxiii) Le fait d’utiliser la présence d’uncivil ou d’une autre personne protégéepour éviter que certains points, zonesou forces militaires ne soient la cibled’opérations militaires ;

xxiv) Le fait de dirigerintentionnellement des attaques contreles bâtiments, le matériel, les unités etles moyens de transport sanitaires, etle personnel utilisant, conformémentau droit international, les signesdistinctifs prévus par les Conventionsde Genève ;

xxv) Le fait d’affamer délibérémentdes civils comme méthode de guerre,en les privant de biens indispensablesà leur survie, y compris en empêchantintentionnellement l’envoi des secoursprévus par les Conventions de Genève ;

xxvi) Le fait de procéder à laconscription ou à l’enrôlementd’enfants de moins de 15 ans dans lesforces armées nationales ou de lesfaire participer activement à deshostilités ;

c) En cas de conflit armé ne présentantpas un caractère international, lesviolations graves de l’article 3commun aux quatre Conventions deGenève du 12 août 1949, à savoir l’un quelconque des actes ci-aprèscommis à l’encontre de personnes quine participent pas directement auxhostilités, y compris les membres deforces armées qui ont déposé les armeset les personnes qui ont été mises horsde combat par maladie, blessure,détention ou par toute autre cause :

i) Les atteintes à la vie et à l’intégritécorporelle, notamment le meurtre soustoutes ses formes, les mutilations, lestraitements cruels et la torture ;

ii) Les atteintes à la dignité de lapersonne, notamment les traitementshumiliants et dégradants ;

iii) Les prises d’otages ;

iv) Les condamnations prononcées etles exécutions effectuées sans un

jugement préalable, rendu par untribunal régulièrement constitué,assorti des garanties judiciairesgénéralement reconnues commeindispensables ;

d) L’alinéa c) du paragraphe 2s’applique aux conflits armés neprésentant pas un caractèreinternational et ne s’applique donc pasaux situations de troubles et tensionsinternes telles que les émeutes, lesactes isolés et sporadiques de violenceou les actes de nature similaire ;

e) Les autres violations graves des loiset coutumes applicables aux conflitsarmés ne présentant pas un caractèreinternational, dans le cadre établi dudroit international, à savoir l’unquelconque des actes ci-après :

i) Le fait de diriger intentionnellementdes attaques contre la populationcivile en tant que telle ou contre despersonnes civiles qui ne participentpas directement aux hostilités ;

ii) Le fait de diriger intentionnellementdes attaques contre les bâtiments, lematériel, les unités et les moyens detransport sanitaires, et le personnelutilisant, conformément au droitinternational, les signes distinctifs desConventions de Genève ;

iii) Le fait de dirigerintentionnellement des attaques contrele personnel, les installations, lematériel, les unités ou les véhiculesemployés dans le cadre d’une missiond’aide humanitaire ou de maintien dela paix conformément à la Charte desNations Unies, pour autant qu’ils aientdroit à la protection que le droitinternational des conflits armésgarantit aux civils et aux biens decaractère civil ;

iv) Le fait de dirigerintentionnellement des attaques contredes bâtiments consacrés à la religion, àl’enseignement, à l’art, à la science ouà l’action caritative, des monumentshistoriques, des hôpitaux et des lieuxoù des malades et des blessés sontrassemblés, pour autant que cesbâtiments ne soient pas des objectifsmilitaires ;

v) Le pillage d’une ville ou d’unelocalité, même prise d’assaut ;

vi) Le viol, l’esclavage sexuel, laprostitution forcée, la grossesse forcée,telle que définie à l’article 7,paragraphe 2, alinéa f), la stérilisationforcée, ou toute autre forme deviolence sexuelle constituant uneviolation grave de l’article 3 communaux quatre Conventions de Genève ;

vii) Le fait de procéder à laconscription ou à l’enrôlementd’enfants de moins de 15 ans dans lesforces armées ou dans des groupesarmés ou de les faire participeractivement à des hostilités ;

viii) Le fait d’ordonner le déplacementde la population civile pour des

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GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 65

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raisons ayant trait au conflit, sauf dansles cas où la sécurité des civils ou desimpératifs militaires l’exigent ;

ix) Le fait de tuer ou de blesser partraîtrise un adversaire combattant ;

x) Le fait de déclarer qu’il ne sera pasfait de quartier ;

xi) Le fait de soumettre des personnesd’une autre partie au conflit tombées enson pouvoir à des mutilations ou à desexpériences médicales ou scientifiquesquelles qu’elles soient qui ne sont nimotivées par un traitement médical,dentaire ou hospitalier, ni effectuées dansl’intérêt de ces personnes, et quientraînent la mort de celles-ci ou mettentsérieusement en danger leur santé ;

xii) Le fait de détruire ou de saisir lesbiens d’un adversaire, sauf si cesdestructions ou saisies sontimpérieusement commandées par lesnécessités du conflit ;

f) L’alinéa e) du paragraphe 2s’applique aux conflits armés neprésentant pas un caractèreinternational et ne s’applique donc pasaux situations de troubles et tensionsinternes telles que les émeutes, lesactes isolés et sporadiques de violenceou les actes de nature similaire. Ils’applique aux conflits armés quiopposent de manière prolongée sur leterritoire d’un État les autorités dugouvernement de cet État et desgroupes armés organisés ou desgroupes armés organisés entre eux.

3. Rien dans le paragraphe 2, alinéas c)et e), n’affecte la responsabilité d’ungouvernement de maintenir ou rétablirl’ordre public dans l’État ou dedéfendre l’unité et l’intégrité territorialede l’État par tous les moyens légitimes.

Article 21 Droit Applicable

1. La Cour applique :

a) En premier lieu, le présent Statut,les éléments des crimes et leRèglement de procédure et de preuve ;

b) En second lieu, selon qu’il convient,les traités applicables et les principeset règles du droit international, ycompris les principes établis du droitinternational des conflits armés ;

c) À défaut, les principes généraux dudroit dégagés par la Cour à partir deslois nationales représentant lesdifférents systèmes juridiques dumonde, y compris, selon qu’ilconvient, les lois nationales des Étatssous la juridiction desquels tomberaitnormalement le crime, si ces principesne sont pas incompatibles avec leprésent Statut ni avec le droitinternational et les règles et normesinternationales reconnues.

2. La Cour peut appliquer lesprincipes et règles de droit tels qu’elleles a interprétés dans ses décisionsantérieures.

3. L’application et l’interprétation dudroit prévues au présent article doivent

être compatibles avec les droits del’homme internationalement reconnuset exemptes de toute discriminationfondée sur des considérations telles quel’appartenance à l’un ou l’autre sexe telque défini à l’article 7, paragraphe 3,l’âge, la race, la couleur, la langue, lareligion ou la conviction, les opinionspolitiques ou autres, l’origine nationale,ethnique ou sociale, la fortune, lanaissance ou toute autre qualité.

Article 25 Responsabilité PénaleIndividuelle

1. La Cour est compétente à l’égarddes personnes physiques en vertu duprésent Statut.

2. Quiconque commet un crimerelevant de la compétence de la Courest individuellement responsable etpeut être puni conformément auprésent Statut.

3. Aux termes du présent Statut, unepersonne est pénalement responsableet peut être punie pour un crimerelevant de la compétence de la Coursi :

a) Elle commet un tel crime, que cesoit individuellement, conjointementavec une autre personne ou parl’intermédiaire d’une autre personne,que cette autre personne soit ou nonpénalement responsable ;

b) Elle ordonne, sollicite ou encouragela commission d’un tel crime, dès lorsqu’il y a commission ou tentative decommission de ce crime ;

c) En vue de faciliter la commissiond’un tel crime, elle apporte son aide,son concours ou toute autre formed’assistance à la commission ou à latentative de commission de ce crime, ycompris en fournissant les moyens decette commission ;

d) Elle contribue de toute autremanière à la commission ou à latentative de commission d’un tel crimepar un groupe de personnes agissantde concert. Cette contribution doit êtreintentionnelle et, selon le cas :

i) Viser à faciliter l’activité criminelleou le dessein criminel du groupe, sicette activité ou ce dessein comportel’exécution d’un crime relevant de lacompétence de la Cour ; ou

ii) tre faite en pleine connaissance del’intention du groupe de commettre cecrime ;

e) S’agissant du crime de génocide,elle incite directement etpubliquement autrui à le commettre ;

f) Elle tente de commettre un tel crimepar des actes qui, par leur caractèresubstantiel, constituent uncommencement d’exécution mais sansque le crime soit accompli en raison decirconstances indépendantes de savolonté. Toutefois, la personne quiabandonne l’effort tendant àcommettre le crime ou en empêche dequelque autre façon l’achèvement ne

peut être punie en vertu du présentStatut pour sa tentative si elle acomplètement et volontairementrenoncé au dessein criminel.

4. Aucune disposition du présentStatut relative à la responsabilitépénale des individus n’affecte laresponsabilité des États en droitinternational.

Article 27 Défaut de Pertinence de laQualité Officielle

1. Le présent Statut s’applique à tousde manière égale, sans aucunedistinction fondée sur la qualitéofficielle. En particulier, la qualitéofficielle de chef d’État ou degouvernement, de membre d’ungouvernement ou d’un parlement, dereprésentant élu ou d’agent d’un État,n’exonère en aucun cas de laresponsabilité pénale au regard duprésent Statut, pas plus qu’elle neconstitue en tant que telle un motif deréduction de la peine.

2. Les immunités ou règles deprocédure spéciales qui peuvents’attacher à la qualité officielle d’unepersonne, en vertu du droit interne oudu droit international, n’empêchentpas la Cour d’exercer sa compétence àl’égard de cette personne.

Article 28 Responsabilité des ChefsMilitaires et autres SupérieursHiérarchiques

Outre les autres motifs deresponsabilité pénale au regard duprésent Statut pour des crimesrelevant de la compétence de la Cour :

a) Un chef militaire ou une personnefaisant effectivement fonction de chefmilitaire est pénalement responsabledes crimes relevant de la compétencede la Cour commis par des forcesplacées sous son commandement etson contrôle effectifs, ou sous sonautorité et son contrôle effectifs, selonle cas, lorsqu’il ou elle n’a pas exercéle contrôle qui convenait sur ces forcesdans les cas où :

i) Ce chef militaire ou cette personnesavait, ou, en raison des circonstances,aurait dû savoir, que ces forcescommettaient ou allaient commettreces crimes ; et

ii) Ce chef militaire ou cette personnen’a pas pris toutes les mesuresnécessaires et raisonnables qui étaienten son pouvoir pour en empêcher ouen réprimer l’exécution ou pour enréférer aux autorités compétentes auxfins d’enquête et de poursuites ;

b) En ce qui concerne les relationsentre supérieur hiérarchique etsubordonnés non décrites auparagraphe a), le supérieurhiérarchique est pénalementresponsable des crimes relevant de lacompétence de la Cour commis pardes subordonnés placés sous sonautorité et son contrôle effectifs,lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le

APPENDICE 2 n DOCUMENTS DE DROIT HUMANITAIRE INTERNATIONAL

66 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

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contrôle qui convenait sur cessubordonnés dans les cas où :

i) Le supérieur hiérarchique savait queces subordonnés commettaient ouallaient commettre ces crimes ou adélibérément négligé de tenir compted’informations qui l’indiquaientclairement ;

ii) Ces crimes étaient liés à desactivités relevant de sa responsabilitéet de son contrôle effectifs ; et

iii) Le supérieur hiérarchique n’a paspris toutes les mesures nécessaires et

raisonnables qui étaient en sonpouvoir pour en empêcher ou enréprimer l’exécution ou pour enréférer aux autorités compétentes auxfins d’enquête et de poursuites.

Article 33 Ordre Hiérarchique et Ordrede la Loi

1. Le fait qu’un crime relevant de lacompétence de la Cour a été commissur ordre d’un gouvernement ou d’unsupérieur, militaire ou civil, n’exonèrepas la personne qui l’a commis de saresponsabilité pénale, à moins que :

a) Cette personne n’ait eu l’obligationlégale d’obéir aux ordres dugouvernement ou du supérieur enquestion ;

b) Cette personne n’ait pas su quel’ordre était illégal ; et

c) L’ordre n’ait pas été manifestementillégal.

2. Aux fins du présent article, l’ordrede commettre un génocide ou uncrime contre l’humanité estmanifestement illégal.

THE INSTITUTE FOR WAR AND PEACE REPORTING

GUIDE PRATIQUE A L'INTENTION DES JOURNALISTES n 67

APPENDICE 3 : CONTACTS ET SOURCES D’INFORMATIONS (en anglais)

Crimes de guerre et droits de l’homme :

n Amnesty International,organisation de défense desdroits de l’homme basée àLondres : www.amnesty.org

n Coalition for an InternationalCourt, coalition regroupant plus de deuxmille organisations nongouvernementales faisantcampagne depuis longtempspour une cour internationaleindépendante, permanente etefficace : www.iccnow.org

n Crimes of War, projet regroupant desjournalistes, des avocats et desspécialistes destiné à faireconnaître plus largement les loisde la guerre et leur applicationdans des situations de conflits. Lelivre Crimes of War, disponible surle site web du réseau, présente unabécédaire utile des notionsjuridiques relatives aux crimes deguerre : www.crimesofwar.org

n Human Rights Watch,enquête sur les violations desdroits de l’homme de par lemonde : www.hrw.org

n International Center forTransitional Justice, organisationdont le but est d’aider les paysqui cherchent à juger lesresponsables de violations desdroits de l’homme sur leurterritoire : www.ictj.org

n Human Rights First, basée à New York et Washington,cette organisation accueille denombreux experts en droithumanitaire international :www.humanrightsfirst.org

n La Fondation Hirondellea une agence de presse à Arusha,en Tanzanie, qui a couvert letravail du Tribunal pénalinternational pour le Rwanda(TPIR) ainsi que de nombreuxprocès au Rwanda et lestribunaux gacacas :www.hirondelle.org/arusha.nsf

n Internewsest une organisation à but nonlucratif qui travaille àl’amélioration de l’accès àl’information en parrainant desmédias indépendants et en faisantla promotion de politiques decommunication transparentes.Son programme « Justice post-génocide » fournit desinformations sur les progrès de lajustice au Rwanda :www.internews.org/regions/africa/justice_rwanda_overview.htmet www.internews.org.rw

n IWPR Tribunal Updatepropose des rapportshebdomadaires sur lesprocédures relatives aux crimesde guerre du TPIY. Publié parl’Institute for War and PeaceReporting, www.iwpr.net

n The War Crimes Studies Center, à l’université de Berkeley enCalifornie, octroie une boursedestinée à mieux comprendre lescrimes de guerre, et publie unrapport mensuel sur lesprocédures de la Cour spécialepour la Sierra Leone : http://ist-socrates.berkeley.edu/~warcrime/

Journalisme

n Reporting for Change: AHandbook for Local Journalistsin Crisis Areas est un guidepratique publié par l’IWPR àl’intention des journalistes locauxtravaillant dans des zones encrise, et est disponible en anglaissur papier ou en fichier .pdf àl’adresse :http://www.iwpr.net/index.php?apc_state=henh&s=o&o=special_index1.html

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68 n LES TRIBUNAUX DE CRIMES DE GUERRE

Chapitre 1 :

1) le procès de Nuremberg a permis de montrer lesévénements de la guerre au monde entier ; il aempêché toute négation subséquente de ces faits ; il areconnu les souffrances de ceux qui avaient survécu àl'holocauste ; il a permis de renforcer l'État de droitdans le monde entier en reconnaissant l'existence decrimes contre l'humanité.

2) crimes contre la paix, crimes de guerre et crimescontre l'humanité.

3) les journalistes à Nuremberg sont importants car ilsfont savoir au grand public ce qu'il se passe en salled'audience, et lui apportent des preuves majeures :photographies des camps de la mort nazis,témoignages de survivants et des milliers dedocuments précis sur les crimes commis.

Chapitre 2 :

1) par un mandat du Conseil de sécurité de l'Onu.

2) pour juger les responsables du massacre de 800 000Tutsis et Hutus modérés en 1994.

3) parce qu'il a été monté avec l'aval du Conseil desécurité de l'Onu.

4) par un traité international, d'où l'obligation pour lesÉtats signataires d'en être partie.

5) parce que la CPI n'a compétence que sur les crimescommis après le 1er juillet 2002, lors de son entrée envigueur.

6) un tribunal hybride, employant du personnel, desjuges, des avocats de la défense et de l'accusationsierra léonais et étrangers.

7) Les tribunaux hybrides sont généralement mis enplace dans les pays où les crimes ont eu lieu, etbénéficient donc de plus d'écho sur le terrain. Enoutre, ils emploient à la fois des magistrats, avocats dela défense et de l'accusation et personnel administratiflocaux et étrangers, et contribuent donc fortement à lareconstruction du système judiciaire local et aurétablissement de l'état de droit.

Chapitre 3 :

1) en obtenant une accréditation « journaliste » auprèsdu bureau de relations avec la presse.

2) la Cour peut décider de dissimuler le témoin, dedéformer sa voix et/ou de demander à l'audience dequitter la salle pendant la durée de son témoignage.

3) en général, non. Les avocats enjoignent leurs témoinsde ne pas parler à la presse.

Chapitre 6 :

1) impartialité, exactitude et objectivité.

2) la vérité. Les journalistes peuvent aggraver lasituation en laissant leurs émotions transparaître dansleurs reportages.

3) s'assurer d'avoir des informations locales fiables ; êtrecalme et préparé ; ne jamais donner la priorité à unarticle par rapport à sa propre sécurité.

APPENDICE 4 : CORRIGÉ DES EXERCICES

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