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présente une histoire des par Thomas Bonnecarrere Episode 5 : L'artisan des rêves A partir de 8 ans

Les Trois Brouches - Episode 05 - L'Artisan Des Rêves

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Les aventures humoristiques de trois sœurs brouches (sorcières) vivant dans la région Bigorre (Hautes-Pyrénées, France).

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présente une histoire des

par Thomas Bonnecarrere

Episode 5 : L'artisan des rêves

A partir de 8 ans

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L'artisan des rêves

— L'onisme­quoi ? demanda Camilla interloquée.

— L'onirismerie ! répondit Marbilla excitée. Il paraît que ce monsieur en est un maître ! Lesvillageois l'appellent l'artisan des rêves !

— L'artisan des rêves ?! s'exclama Camilla ahurie. Jamais entendu parler de cette personneni de son art dans toute ma carrière de brouche ! Et toi, Parni ?

— Moi non plus ! répliqua sèchement leur sœur aînée qui était en train de lire un ouvragede   maléfices   pour   les   débutants.   Encore   un   de   ces   charlatans   mystificateur   qui   fontmiroiter du vent et le font payer à prix d’or à des pigeons incrédules !

— Mais puisque je vous dis que c'est quelqu'un d'incroyable ! rétorqua Marbilla vexée partant d'incompréhension. On m'a dit qu'il s'inspire des rêves que font les villageois pourcréer des œuvres oniriques magiques ! D'ailleurs, sa maison en serait remplie ! Vous savez,ce grand bâtiment sur la place de l'église ?

— Et ce monsieur vit tout seul  dans une grande bâtisse comme ça ? demanda Parnillasuspicieuse.

— Il paraît qu'il l'a hérité de nobles magiciens, qui ont tellement apprécié son art qu'ils luiont fait cadeau de cette magnifique demeure pour y conserver ses innombrables œuvres !

— Mouais… répondit Parnilla suspicieuse. En tout cas,  il  ne vaut mieux pas que je luiconfie mes rêves, ça le ferait cauchemarder ! Ah, ah ! se gaussa­t­elle avant de replongerdans son ouvrage.

— Bon,   restes   là   si   tu   le   souhaites  mais  moi   je  vais   lui   rendre  visite !   s'écria   sa   sœurfroissée.   Que   fais   tu,   Cami,   tu   me   suis   ou   tu   préfères   rester   avec   cette   mijoréedésenchantée ?

— J'avoue que ça m'intrigue… répondit sa sœur cadette. Allez va,  je t'accompagne ! Enespérant que tu ne me vendes pas du rêve pour rien, ah, ah !

— Faites de beaux rêves éveillés ! gouailla Parnilla avec un sourire moqueur sans lever lesyeux de son livre. Et prenez­garde à ne pas les confondre avec la réalité ! Ah, ah !

— Nous n'y manquerons pas ! répliqua sèchement Marbilla, lassée du dédain de sa sœur.Quant à toi bonne nuit ! Reste enfermée dans ton obscurantisme tandis que Cami et moinous ouvrons à la lumière de la culture !

Les deux sœurs se rendirent à la place de l'église et frappèrent à la porte de la maison del'artisan. Personne ne répondit.

— Peut­être ne nous entend­il pas ? demanda Marbilla. Nous dev...oh ! fit­elle surprise. La

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porte s'ouvrit toute seule, permettant aux brouches de s'engouffrer dans cette mystérieusedemeure. Elles se retrouvèrent dans un hall dont les murs étaient recouverts d’étrangestableaux dont les personnages prenaient vie et s’agitaient dans leurs cadres.

— Tu as  vu ça,  Marbi ?  demanda  Camilla  à   sa   sœur en  pointant  du  doigt  un  de  cestableaux. On dirait que celui­ci représente la légende du serpent­dragon d'Isaby !1

— C'est vrai ! chuchota Marbilla qui n'osait pas parler trop fort dans cette maison au seinde laquelle régnait un profond silence. Quelle œuvre étonnante ! 

— On dirait qu'il n y a personne au rez­de­chaussée... fit remarquer Camilla. Allons voir àl'étage !

— Tu as raison ! murmura fébrilement Marbilla. Allons voir !

Elles montèrent un escalier monumental qui grinça à   leur passage. Les deux sœurs,  sesentant   gagnées   par   l'inquiétude   à   la   vue   de   certains   tableaux   dont   les   personnagessemblaient les fixer, accélérèrent le pas et montèrent les marche quatre à quatre. Soudain,elles furent stoppées net dans leur élan : deux pelotes de laine bondirent vers elles sanscrier gare.

— Hiiiii ! s'écrièrent effrayées les deux brouches manquant de tomber à la renverse.

Les   pelotes,   qui   semblaient   ensorcelées,   se   battaient   en   duel.   L'une   maniait   une   fineaiguille à tricoter qu'elle utilisait comme épée tandis que l'autre n'utilisait que ses fils pourrépliquer, effectuant de petits bonds latéraux en guise de feinte.

— Fil  en  aiguille !  Fil  à   retordre !   lança  une voix   tapie  dans   l'ombre.  Arrêtez  de  vousquereller ! Nous avons de la visite !

Un homme sortit  de la pénombre et apparût  en haut de l'escalier,  adressant aux deuxbrouches un sourire chaleureux.

— Soyez les bienvenues dans mon humble demeure, chères dames ! dit­il aux deux sœurs.Allez, vous deux ! apostropha­t­il fermement aux deux pelotes ensorcelées en fronçant lessourcils. Filez dans votre chambre et laissez­moi accueillir ces deux personnes comme il sedoit ! Les deux belligérantes stoppèrent net leur rixe et s'en allèrent en bondissant dans lecouloir de l'étage.

— Veuillez   excuser   ces   deux   fripons,   mes   chères !   dit­il   en   ébauchant   à   nouveau   unsourire. Ce ne sont que des enfants !

— Oh ! s'exclamèrent les deux brouches abasourdies par ce spectacle inattendu. Ce n'estrien, ce n'est rien, ah, ah !

1 Légende pyrénéenne dans laquelle un groupe de jeunes bergers affronte un gigantesque serpent avalant les troupeaux et les villageois de leur vallée. Celle­ci illustre la naissance du lac d’Isaby auxeaux bleues et poissonneuses.

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— A qui ai­je l'honneur ? demanda l'homme.

— Je  m'appelle  Camilla  et  voici  ma sœur,  Marbilla !   répondit   la   sorcière.  Nous  avonsemménagé récemment dans cette charmante bourgade !

— Oh, je vois ! s'écria l'homme. Vous devez être les fameuses brouches fort appréciées parles villageois ! Une amie m'a parlé de vous la semaine dernière !

— Figurez­vous   que   vous   n'êtes   pas   le   premier   à   nous   faire   la   remarque !   s'exclamaMarbilla ravie.

— Je… balbutia Camilla nerveuse. Oui, c'est bien ça !

— Enchanté de faire votre connaissance, mes chères ! dit l'homme. Moi c'est Edgar ! Queme vaut l'honneur de votre visite ?

— En fait,  dit  Camilla,  nous avons entendu parler de vous et  de votre travail  et  noussouhaitions vous rencontrer pour pouvoir échanger et découvrir vos chefs­d’œuvre de nospropres yeux ! C'est que les villageois ne tarissent pas d'éloges à votre égard !

— Eh   bien,   vous   me   voyez   gêné   par   tant   de   compliments !   répondit   Edgar   d'un   airembarrassé   en   se   frottant   l'arrière   de   la   tête   avec   la   main.   Les   gens   ont   tendance   àsurestimer mes créations, eh, eh !   Mais si ce n'est que ça, veuillez m'accompagner dansmon bureau, nous y serons tout à notre aise pour discuter !

— Volontiers, cher monsieur ! répondit Marbilla d'un air enthousiaste mêlé d'excitation.

L'artisan précéda les brouches le long d'un interminable couloir et les fit rentrer dans unepetite pièce parsemée de multiples tubes et bocaux posés sur des étagères en bois sculpté.Certains  contenaient  des   liquides  de  couleurs  variées,  d'autres  des  vapeurs  dégageantd'étranges odeurs. Il les fit alors s'asseoir sur de petites bergères2 en cuir et alla chercherson fauteuil pour s'installer à côté d'elles.

— Je vous écoute, mes chères ! s'exclama­t­il. N'hésitez pas à me poser toutes les questionsque vous souhaitez !

— Grand   merci,   cher   monsieur !   répondit   Camilla   touchée   par   tant   d'attention.   Pourcommencer,   j'aimerais   savoir   ce  qui  vous a  poussé  à  vous spécialiser  dans  l'onisme…l'onirisma...

— L'onirismerie ! répondit Edgar amusé. En fait, j'ai toujours considéré que l'art constitue lemeilleur moyen de créer du lien entre les hommes et que le rêve en constitue le cœurirriguant son développement ! C'est pour cela que celui­ci est placé au centre de la vie denotre village afin de le rendre le plus palpitant possible ! Mes sortilèges qui se tissent aufur et à mesure de mes apprentissages  me permettent de sublimer les rêves des habitants,conférant ainsi cette magie unique à notre village !

2 Fauteuils.

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— Mais je croyais, dit Camilla dubitative, que la magie des villageois n'était pas centréesur l'utilisation de sortilèges mais sur le faire ensemble… C'est ce que nous disait en toutcas un villageois il y a quelques semaines…3

— Oh ! Eh bien, il se trouve que je fais partie du peu de villageois qui intègrent l'utilisationde sortilèges dans son quotidien ! Bien que je comprenne parfaitement le point de vue dela majorité des habitants ! Concernant le travail collectif, ce villageois ne vous a donc pasmenti, et je partage totalement cette vision de notre beau village ! Celle­ci a d'ailleurs, pourvotre   culture,   été   développée   il   y   a   de   nombreuses   années   par   des   ingénieurs   del'imaginaire...

— Des ingénieurs de l'imaginaire ? s'exclamèrent à l'unisson les deux sœurs éberluées.

— Vous avez bien entendu ! répondit réjoui l'artisan. Ces personnes maîtrisent ce qu'ellesappellent l'imaginierie…

— L'imaginierie ? s'exclamèrent les deux sœurs en cœur.

— L'art  de   la   réalisation  des  rêves,   si  vous préférez.  Celui­ci  combine  l'imagination et   lesavoir­faire   technique   pour   réaliser   des   rêves   et   faire   prendre   vie   à   de   magnifiqueshistoires dans lesquelles les villageois peuvent librement s'immerger et participer !

— Mais  quelle   est   la   différence  entre   l'onirismerie   et   l'imaginierie ?   demanda   Camillaperplexe.

— En fait, dit l'artisan, nos approches sont parfaitement complémentaires. L'onirismerieutilise   la   magie   au   travers   de   sortilèges   pour   transformer   des   rêves   existants.L'imaginierie, quant à elle, développe de nouveaux rêves, crée de la magie au travers dufaire­ensemble, puis les réalise à travers de nouvelles créations. Voilà !

— Tout ceci m'a l'air bien compliqué… dit Camilla embarrassée. 

— Pas  du  tout,  ma chère !  Pour  que ce  soit  bien  clair  dans votre  esprit,   je  dirais  quel'imaginierie   crée   de   la   magie   au   travers   du   faire­ensemble   et   des   rêves   à   traversl'innovation, tandis que l'onirismerie utilise cette magie et sublime ces rêves à travers dessortilèges !

— Ohhhh !   s'exclamèrent   captivées   les   deux   brouches.   C'est   vraiment,   vraimentincroyable !

— Mais   alors,   demanda   Camilla,   comment   ces   fameux   ingénieurs   de   l'imaginaire   s'yprennent pour réaliser des rêves sans utiliser de magie ? Quelle est leur recette, si je puisme permettre ?

— C'est amusant que vous me demandiez cela ! répondit l'artisan enthousiasmé par tant

3 Voir l'épisode 3 : Leçon de magie.

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d'intérêt de la part des deux sorcières. Car je me suis posé la même question lors de monarrivée dans ce village, lorsque j'ai commencé  à   fréquenter ces personnes !  Il  se trouvequ'un ami pratiquant l'imaginierie m'avait dit un jour cette phrase dont je me souviendraitoute ma vie. Selon lui, le secret de la fabrication des rêves peut se résumer en quatre C.Ceux­ci sont la curiosité, la confiance, le courage et la constance, et le plus grand de tousest la confiance.

— La confiance ?  s'exclamèrent les deux brouches captivées par les propos de l'artisan.

— Exactement ! répondit Edgar. Cet ami me répétait sans cesse, lorsque je déprimais ouétais  susceptible d'abandonner  l'un de mes projets,  que « lorsque l'on croit  en quelquechose, il  est nécessaire d'y croire tout du long, implicitement et  incontestablement. » Jegarde précieusement en tête cette belle leçon lorsque je crée mes œuvres car je la trouveparticulièrement inspirante !

— Ohhhh ! firent les deux sœurs subjuguées. Que de belles paroles !

— N'est­ce pas ? répondit l'artisan. Je ne le remercierai jamais assez pour l'inspiration quej'ai trouvé en lui. Sans lui, j'aurais peut­être abandonné mes rêves il y a bien longtemps...

Marbilla   sentit   une   vague   de   mélancolie   envahir   son   cœur.   Elle   réalisa   qu'elle   avaitabandonné   il   y   a   longtemps   ses   véritables   rêves.   Elle   regarda   sa   sœur,   qui   semblaitégalement perdue dans ses pensées.

— Quoi qu'il en soit, poursuivit l'artisan, nous sommes liés par notre passion commune del'imagination et de la créativité pour embellir la vie des gens ! L'onirismerie et l'imaginierienécessitent des artistes qui soient à  la fois rêveurs et acteurs ! C'est pour cela que noustravaillons ensemble pour organiser les événements festifs de notre village ! Quoi de plusidyllique que de voir des magiciens et des ingénieurs œuvrer ensemble à   insuffler desrêves aux gens afin qu'ils puissent créer de nouveaux rêves et les réaliser ? 

Les  deux sorcières demeurèrent  silencieuses,  ne sachant quoi  répondre devant  tant depropos si lumineux.

— Si   seulement   notre   caste   passait   plus   de   temps   à   faire   rêver   et   moins   à   fairecauchemarder   ceux   qui   ne   sont   pas   comme   elle,   peut­être   que   notre   vie   serait   plusattrayante  et   stimulante…,  soupira   finalement  Marbilla  en   regardant   sa   sœur d'un  airtaciturne.

Camilla ne répondit pas et baissa le regard, semblant fortement préoccupée.

— Entre nous, confia Marbilla,   j'ai  l'impression d'avoir appris énormément plus depuisnotre arrivée dans ce village qu'en une vie à étudier les manuels de sorcellerie brouche !

— Ah, ah ! pouffa Edgar. Mais vous avez sûrement d'excellentes raisons personnelles defaire partie de cette caste ! Je ne veux surtout pas vous juger, chères dames !

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— C'est­à­dire que moi j'aurais préféré être une magicienne ! révéla Marbilla. Mais mamanm'a toujours p...Ouille !

Elle regarda sa sœur qui   l'avait  pincée au bras et   la  regardait  d'un air   féroce.  Elle  luiadressa en retour un regard courroucé.

— Ne médis pas sur maman, tout de même ! fulmina Camilla. Elle qui a tant fait pournous !

— Bin quoi ? répondit Marbilla. Ce n'est pas de la médisance mais la vérité ! Maman nem'a jamais permis de poursuivre mes rêves ! Elle ne jurait que par l'ascension sociale et lareconnaissance parmi notre caste pour ne pas que nous déshonorions notre famille ! Ellene s'est jamais préoccupée de mes aspirations profondes !

— Allons, allons ! coupa Edgar tout en retenue en regardant les deux sorcières avec unsourire amusé. Ne vous chamaillez pas comme mes chenapans laineux !

— Vous avez raison ! répondit Camilla en retrouvant son calme. Au fait Edgar, dit­elleembarrassée, pardonnez mon insolence mais m'autoriseriez­vous à visiter les autres piècesde cet  étage ?  Vos propos attisent  furieusement  ma curiosité !  Vous savez,   je  suis  unegrande amatrice d'art et…

— N'en dites pas plus, ah,  ah ! répondit l'artisan sur un ton guilleret. Bien sûr ma chère,faites comme chez vous ! Je vous demanderai juste de faire attention à ne pas toucher lesœuvres que vous verrez car certaines sont purement expérimentales ! Elles sont donc trèsinstables et peuvent provoquer des réactions...inattendues !

— Promis ! déclara la brouche à la fois ravie et intriguée. A tout­à­l'heure !

— A tout­à­l'heure ! répondirent Edgar et Marbilla.

Camilla se promena dans les différentes salles de l'étage, et fut surprise de constater autantd’œuvres   plus   surprenantes   les   unes   que   les   autres.   Certaines   reflétaient   des   rêves,d'autres  des  cauchemars   tandis  que certaines  mélangeaient harmonieusement   les  deuxpour   dégager   une   étrange   atmosphère   à   la   fois   horrifique   et   mirifique.   Elle   croisaégalement  Fil  de  l'histoire,  qui  semblait  se  disputer  avec  Fil  du  temps dans une salleremplie de  livres anciens.  « Voilà  d'autres  membres  de  la famille ! »  s'exclama Camillaenjouée à la vue de ses deux pelotes de laine ensorcelées qui ne tenaient pas en place.

Marbilla,   quant   à   elle,   profita   de   l'absence   de   sa   sœur   pour   poser   une   multitude   dequestions à l'artisan des rêves concernant son travail. La brouche buvait littéralement lesparoles de l'artisan et avait quitté depuis longtemps sa réalité ordinaire pour s'immergerdans un monde onirique plein de poésie et de magnifiques images reflétant la magie de cesurprenant village.

— Monsieur Edgar,   finit­elle  par  murmurer d'un air  gêné.  Ce que vous  faites  est   toutbonnement   incroyable !  Aussi   j'aimerais,   si  vous   le  voulez  bien,  vous   confier  quelque

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chose de...euh… de personnel. Un secret, pour tout vous dire...

— Un secret ? répondit l'artisan intrigué. Bien entendu, ma chère ! Je vous écoute ! dit­il entendant l'oreille à la sorcière.

— Que veux­tu lui dire ? demanda Camilla intriguée en faisant irruption dans la piècesans prévenir.

— Je viens de dire que c'est personnel ! s'écria Marbilla furieuse à la vue de sa sœur. Alorsbouche­toi les oreilles, non mais ! Et puis tu ne peux pas frapper avant d'entrer non ? Sont­ce là les manières que t'ont enseignées notre mère et Tata Miria ?

— Oh, ça va, ça va ! répondit sa sœur gênée. Pas la peine de t'emporter ! Si c'est comme çaje vais vous laisser tous  les deux pour que tu puisses partager tes  confidences !  Allez,bonne soirée Edgar ! Et un grand merci pour cet échange fort enrichissant !

— Tout   le   plaisir   est   pour   moi,   chère   Camilla !   En   espérant   vous   revoir   durant   uneprochaine présentation de mes nouvelles œuvres dans le village !

— Je n'y manquerai pas ! répondit la brouche alléchée.

Camilla s'en alla en refermant la porte derrière elle, et quitta la maison de l'artisan desrêves pour rejoindre son logis. La pleine lune brillait haut dans le ciel et éclairait le village,lui conférant une aura onirique singulière.  Elle retrouva Parnilla allongée dans son lit,plongée   dans   un   profond   sommeil.   Celle­ci   gigotait   dans   tous   les   sens,   semblant   sedébattre   avec   elle­même,   son   visage   ruisselant   de   sueur.   « En   voilà   une   qui   luttefiévreusement pour ne pas embrasser  ses rêves ! »  murmura Camilla amusée.  Marbillarentra quelques instants plus tard, rayonnante, un large sourire apaisé sur son visage. Ellealla se coucher en souhaitant une bonne nuit à sa sœur et s'abandonna en hâte dans lesbras de Morphée.4

Camilla ne tarda pas à l'imiter, un sourire troublé aux lèvres. Depuis sa rencontre avecl'artisan ce jour là, elle prit l'habitude de se coucher plus tôt le soir. Ses rêves devenaientplus vifs,  colorés et obsédants une fois réveillée le matin. Cependant,   la sorcière ne sesentait   plus   très   bien,   ne   pouvant   s'empêcher   de   ressentir   tous   les   jours   un   profondmalaise. Une sensation étrange, mêlant peur et exaltation, était née en elle et ne semblaitplus vouloir la quitter.  Une sensation ainsi qu'un désir profond de rêver.  D'oser  rêver.« Une   brouche   digne   de   ce   nom   ne   perd   pas   son   temps   à   rêvasser ! »   répétaitinlassablement sa mère lorsqu'elle n'était  qu'une enfant.  « Elle garde toujours les piedsbien sur terre ! ». Bien qu'ayant toujours fait partie de cette caste, elle se rendit compte queson arrivée dans ce village et les relations qu'elle tissait peu à peu avec les « barnas » latransformaient  indubitablement.  Peut­être,  après  tout,  y avait­il  quelque chose de bienplus merveilleux et admirable qu'une simple brouche qui sommeillait en elle...

On raconte également que l'artisan des rêves présenta aux villageois une œuvre originalele mois suivant, créée à partir du rêve d'une personne souhaitant garder l'anonymat. Une

4 Divinité des rêves prophétiques dans la mythologie grecque.

Page 9: Les Trois Brouches - Episode 05 - L'Artisan Des Rêves

œuvre surréaliste et hors du commun que les villageois qualifièrent d'« incroyablementradieuse et inspirante »…

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