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Cours du Souverain du Dharma Nikken Shônin Les trois trésors Les trois trésors Le 6 juin 2004 Dans le Kyakuden du Taisekiji Le trésor du Bouddha et le trésor du Moine (3) ’aimerais à présent commenter les idées principales concernant particulièrement le trésor du Bouddha et le trésor du Moine depuis l’enseignement développé par Shakyamuni tout au long de sa vie, jus- qu’au profond des phrases du chapitre « Durée de la vie ». J Dans cette perspective, je vais commencer par citer le Traité qui ouvre les yeux , puis- qu’il évoque les Honzon vénérés par les di- verses écoles. Ainsi, hormis celle du Tendai, toutes les écoles se trompent quant au Honzon. L’école du Tendai, fondée sur le Sutra du Lotus , consacre en principe le Bouddha du Sutra du Lotus. Toutefois, du point de vue de la comparaison entre l’originel et l’éphé- mère 1 et entre l’ensemencement et la ré- colte 2 , son enseignement s’avère imparfait. Cependant, puisqu’elle est fondée sur le Su - tra du Lotus , Nichiren Daishônin la met à 1 Comparaison entre l’originel et l’éphémère (j. hon- jaku sôtai 本迹相対) : 4 e des cinq comparaisons dé- veloppées dans le Traité qui ouvre les yeux : compa- raison entre la première partie (doctrine éphémère) et la seconde (doctrine originelle) du Sutra du Lotus . 2 Comparaison entre l’ensemencement et la récolte (j. shudatsu sôtai - 種脱相対 ) : dernière des cinq comparaisons développées dans le Traité qui ouvre les yeux : comparaison entre les phrases de la doc- trine originelle et le profond des phrases. part des autres écoles « se trompant sur le Honzon ». Façade du Kyakuden Les écoles du Trésor de la scolastique, de l’accomplissement de la vérité et des commandements prennent pour Honzon le vénéré Shakya ayant réalisé la voie en supprimant les nœuds (des égarements) à l’aide de trente-quatre pensées 3 . C’est comme un prince impérial, vénéré des cieux qui, suivant son illusion, penserait être fils du peuple. 3 Trente-quatre pensées (j. sanjûshi shin 三十四 ) : trente-quatre opérations de pensée par les- quelles les bodhisattvas du petit véhicule rompent le lien avec les derniers égarements des vues et des pensées. Selon le Grand arrêt et examen , il s’agit des huit patiences et des huit sagesses interrompant les égarements des vues et des neuf sans obstacles et des neuf délivrances interrompant les égarements des pensées. LE BOUDDHISME DE L’ECOLE FUJI – N° 113 1

Les trois trésors - ecolefuji.free.frecolefuji.free.fr/Trois trésors (3).pdf · principal est le Tôshôdaiji et l’école Shingon – Rit-su, syncrétisme des commandements et

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Cours du Souverain du DharmaNikken Shônin

Les trois trésorsLes trois trésorsLe 6 juin 2004

Dans le Kyakuden du Taisekiji

Le trésor du Bouddha et le trésor du Moine (3)

’aimerais à présent commenter les idées principales concernant particulièrement le trésor du Bouddha et le trésor du Moine depuis l’enseignement développé

par Shakyamuni tout au long de sa vie, jus-qu’au profond des phrases du chapitre « Durée de la vie ».

JDans cette perspective, je vais commencer par citer le Traité qui ouvre les yeux, puis-qu’il évoque les Honzon vénérés par les di-verses écoles.

Ainsi, hormis celle du Tendai, toutes les écoles se trompent quant au Honzon.

L’école du Tendai, fondée sur le Sutra du Lotus, consacre en principe le Bouddha du Sutra du Lotus. Toutefois, du point de vue de la comparaison entre l’originel et l’éphé-mère1 et entre l’ensemencement et la ré-colte2, son enseignement s’avère imparfait. Cependant, puisqu’elle est fondée sur le Su-tra du Lotus, Nichiren Daishônin la met à

1 Comparaison entre l’originel et l’éphémère (j. hon-jaku sôtai – 本迹相対) : 4e des cinq comparaisons dé-veloppées dans le Traité qui ouvre les yeux : compa-raison entre la première partie (doctrine éphémère) et la seconde (doctrine originelle) du Sutra du Lotus. 2 Comparaison entre l’ensemencement et la récolte (j. shudatsu sôtai - 種脱相対 ) : dernière des cinq comparaisons développées dans le Traité qui ouvre les yeux : comparaison entre les phrases de la doc-trine originelle et le profond des phrases.

part des autres écoles « se trompant sur le Honzon ».

Façade du Kyakuden

Les écoles du Trésor de la scolastique, de l’accomplissement de la vérité et des commandements prennent pour Honzon le vénéré Shakya ayant réalisé la voie en supprimant les nœuds (des égarements) à l’aide de trente-quatre pensées3. C’est comme un prince impérial, vénéré des cieux qui, suivant son illusion, penserait être fils du peuple.

3 Trente-quatre pensées (j. sanjûshi shin – 三十四

心 ) : trente-quatre opérations de pensée par les-quelles les bodhisattvas du petit véhicule rompent le lien avec les derniers égarements des vues et des pensées. Selon le Grand arrêt et examen, il s’agit des huit patiences et des huit sagesses interrompant les égarements des vues et des neuf sans obstacles et des neuf délivrances interrompant les égarements des pensées.

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Les trois Trésors

Les écoles du Trésor de la scolastique4, de l’accomplissement de la vérité5 et des com-mandements6 relèvent du Petit véhicule. En 4 Ecole du Trésor de la scolastique (j.Kusha shû – 倶舎宗) : école fondée sur l’Abidharma kośa (j. Kusha Ron) de Vasubandhu, traduit en chinois par Para-martha, puis par Xuanzang. Sa doctrine fut transmise au Japon et très étudiée pendant la période Nara (710-794). Elle fait partie des six écoles de Nara et des huit écoles de la période Heian, bien que jamais totalement indépendante. Elle enseigne que le soi est sans substance mais que les dharmas, eux, sont réels. Elle enseigne également que le passé, le présent et le futur existent en réalité.5 Ecole de l’Accomplissement de la vérité (j. jôjitsu shû – 成実宗) : cette Ecole, qui fit partie des treize Ecoles chinoises et des six Ecoles japonaises, est fondée sur le Discours de l’accomplissement de la vérité (s. satyasiddhi sastra, j. jôjitsu ron - 成実論) écrit par Harivarman (250-350) et traduit par Kuma-rajiva. Ce traité expose la non substantialité (vacui-té) à la fois des personnes et des choses. Cette théo-rie est plus avancée que celle des autres écoles du Petit véhicule. C’est pourquoi, lors de sa fondation, elle fut considérée comme faisant partie du Mahaya-na. Ses doctrines furent étudiées en association avec celles de l’Ecole des trois traités, mais cette école ne fut jamais reconnue véritablement comme Ecole re-ligieuse indépendante.6 Ecole des commandements (ou discipline monas-tique) (j. risshû – 律宗 ) : une des six écoles qui émergèrent à l’époque de Nara et l’une des treize écoles du Japon. Fondée sur les préceptes, cette école prêche les trois préceptes des bodhisattvas comme cause de la boddhéité. La tradition Ritsu, fut d’abord transmise de Chine au Japon en 754 par Jian Zhen (j. Ganjin), qui vécut au temple Tôdaiji, où il érigea une estrade des préceptes (j. kaidan). Jian Zhen fondit ensuite le temple Tôshôdaiji, où il créa

bouddhisme, il existe le Grand et le Petit véhicules. Les enseignements de ces trois écoles sont fondés sur le Petit véhicule.

Je l’ai déjà dit, l’ensemble du Dharma du Bouddha se situe dans le Sutra du Lotus. Or, quel peut bien être le principe, autre-ment dit la vérité, élucidé dans le Sutra du Lotus ? Il est nécessaire que vous le sa-chiez. En fait, les gens de ce monde l’ignorent. Si aujourd’hui, vous retournez chez vous en l’ayant au moins appréhendé, alors, vous posséderez désormais une connaissance infiniment supérieure à celle des autres personnes de ce monde.

Au sein de la vérité absolue, présente dans notre vie même, il y a d’abord « la vérité de la vacuité ». Ainsi, tout ce qui vit doit mou-rir. Tout ce qui possède une forme est ame-né à disparaître. Rien n’est permanent, tout se ramène donc à la vacuité. La vérité de la vacuité est incontestable.

Ensuite, en fonction de causes et de condi-tions, certains sont pauvres et d’autres riches. Il existe, par ailleurs, une infinité de formes de manifestations des causes et des conditions : naître en tant qu’homme ou en tant que femme, ainsi que les différents états de vie, font partie de ces manifesta-tions causales. Les causes et conditions du passé amènent les effets et les rétributions du présent.

Le bouddhisme appelle ce phénomène « la vérité de la conditionnalité ».

un centre d’étude des préceptes. Avec la création de deux autres temples au Japon, l’école connut pour un temps la prospérité. Toutefois, en raison de la déca-dence des normes standard des moines et des nonnes, l’école périclita au cours de la période de Heian (794 – 1192). Elle connut une nouvelle pros-périté à Kyoto et à Nara au cours de la période de Kamakura. Aujourd’hui, elle se divise en deux écoles : l’école Ritsu proprement dite, dont le temple principal est le Tôshôdaiji et l’école Shingon – Rit-su, syncrétisme des commandements et des formules incantatoires, dont le temple principal est le Saidaiji.

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Grand Patriarche retiré Nikken Shônin

Les trois Trésors

Entre ces deux vérités faisant partie du prin-cipe absolu, il y a en outre « la vérité du mi-lieu », vérité elle-même absolue.

La vacuité est la négation de la conditionna-lité. Cette dernière est également la néga-tion de la vacuité. Toutefois, si l’on consi-dère que la vacuité et la conditionnalité existent cependant toutes deux, il est dès lors nécessaire qu’une médianité existe entre elles.

Si l’on considère les choses de la sorte, ni la vacuité, ni la conditionnalité et ni la média-nité ne sont la vérité absolue, mais des véri-tés relatives. Cette manière de considérer les trois vérités n’est donc pas correcte.

Si l’on s’y éveille véritablement, on com-prend que la vacuité est telle quelle la conditionnalité et que la conditionnalité est telle quelle la médianité. Il s’agit, autrement dit, de la fusion parfaite des trois vérités. La vacuité, la conditionnalité et la médianité fusionnent et sont présentes mutuellement l’une dans l’autre pour former la vérité ab-solue.

Avec les enseignements du Petit véhicule, le vénéré Shakya enseigna d’abord et uni-quement le principe de la vacuité. A cette époque, les philosophes des voies exté-rieures, fondés sur la notion de l’existence du moi, déversaient des enseignements er-ronés sur le monde. Afin de réfuter ces en-seignements délétères, le vénéré Shakya prêcha en premier lieu le principe de la va-cuité.

Au fondement de la pensée des philosophes des voies extérieures, il y avait l’existence du « moi ». Le moi, autrement dit « soi-même », est le fait de croire, à tort, que nous vivons en tant qu’existences fixes. Peut-être que même parmi vous, certains le croient également. Dans le monde, de nom-breuses personnes se glorifient en disant « que pourrait-on faire sans moi » ? Or, l’attachement au moi est la cause du cycle dans les mauvaises voies. Afin de réfuter ces pensées fondées sur la vision du moi, le

vénéré Shakya choisit d’enseigner alors le principe de la vacuité.

Si l’on réfléchit à présent sur l’existence du point de vue du principe de la vacuité, toute chose présente réellement n’est qu’une vie existant en fonction de causes et de condi-tions. Si ces causes et conditions dispa-raissent, alors, la vie disparaît également. Vous, comme moi, existons en fonction de causes et conditions. Il est clair que lorsque nous mourrons, ces causes et conditions disparaissant, nos existences également dis-paraîtront.

En conséquence, tout étant appelé à dispa-raître, le moi n’existe pas. C’est ce que dé-montre le principe de la vacuité.

Au moment de la mort, un homme peut pré-senter l’aspect du Bouddha. Il peut aussi présenter l’aspect de bodhisattva ou des deux véhicules, ou même encore celui des cieux ou des hommes. Il arrive également de mourir en présentant l’aspect des ashu-ras, de l’enfer, des esprits affamés ou des animaux.

Au sein des deux lois de la forme et de l’es-prit, il peut arriver que la forme, autrement dit le corps physique au moment de l’ins-tant suprême, appelle le karma de la vie sui-vante. A l’inverse, il arrive également que, même si son aspect au moment de l’instant suprême est serein, le défunt soit mort en colère, en raison de causes et conditions du passé. Son esprit provoque alors l’enfer dans sa vie suivante, malgré son aspect phy-sique serein.

Ainsi, à l’origine du bien et du mal dans la vie suivante, il y a soit la loi de la forme, soit la loi de l’esprit. La vie suivante s’éta-blit de cette manière, par l’addition mu-tuelle de ces deux éléments.

Nous voyons donc qu’il y a continuité des causes et conditions. Aussi, il ne faut pas croire que tout s’arrête avec la mort sans fu-tur. Il faut toutefois savoir que, même si le futur existe, il existe sans la pérennité du

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Les trois Trésors

moi. Le principe de la vacuité a élucidé par-faitement cette notion.

A l’inverse, le bouddhisme a dénommé « conditionnalité » l’aspect apparaissant et disparaissant par l’union harmonieuse des causes et des conditions se transformant éternellement. En outre, la médianité a un lien aussi bien avec la vacuité que la condi-tionnalité.

Le bienfait de la doctrine de la vacuité, en la pénétrant réellement, est la disparition des attachements particuliers nous liant à l’intégralité des choses et des phénomènes. L’attachement aux choses ayant disparu, apparaît alors l’éveil à « l’égalité » de toutes les choses.

Quant au bienfait de la conditionnalité, c’est « la liberté ». En effet, ce principe fai-sant apparaître que toutes choses existent dans les dix mondes, nous avons dès lors tous les choix possibles : devenir Bouddha, devenir bodhisattva, devenir heureux, ou même devenir malheureux. Nous pouvons nous déplacer là où nous voulons dans les dix mondes. Nous sommes parfaitement libres de choisir. La notion de conditionna-lité nous prouve clairement la plage de li-berté de notre vie.

Enfin, la véritable voie de notre vie est l’égalité du monde du Bouddha et des neuf mondes et l’égalité des neuf mondes et du monde du Bouddha, fondées sur le principe de l’égalité du monde du Bouddha et de notre cœur, révélé dans le Sutra Myôhôren-gekyô. En particulier, obtenir l’état de vie du Bouddha permet d’utiliser à loisir les dix mondes. Ainsi, si apparaît le bienfait du principe de la médianité, autrement dit la voie du milieu, il se manifeste par le bien-fait de « la dignité ».

Aujourd’hui, dans les pays démocratiques, on évoque beaucoup le concept de liberté, d’égalité et de dignité. Toutefois, sans avoir pleinement appréhendé les trois vérités du bouddhisme : vacuité, conditionnalité et médianité et sans avoir éclairé la réalité à

partir de ces principes, tout en pratiquant docilement leur substance qu’est le Dharma merveilleux, la véritable signification de la liberté de la l’égalité et de la dignité n’appa-raîtra pas. Aussi, quelle que soit notre vi-sion de la démocratie, je suis fermement convaincu que, pour la vivre véritablement, il faut passer par le véritable enseignement du Bouddha.

Revenant à « la réalisation de la voie en supprimant les nœuds (des égarements) à l’aide de trente-quatre pensées » pour ex-pliquer le principe de la vacuité, je mettrai en valeur deux significations.

La première est « la vacuité analytique » (j. shakkû – 析空 ). Entendant parler de la va-cuité, les personnes aux capacités obtuses insisteront, disant que devant leurs yeux, elles voient toutes sortes de choses et que, par conséquent, la vérité ne peut être la va-cuité, mais l’existence (j. u – 有). Or, cette conscience est fondée sur la notion du moi.

Dès lors, afin de réfuter le moi, la méthode consiste à analyser toutes les opinions sur l’existence et démontrer alors sa vacuité.

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Les trois Trésors

C’est ce que l’on nomme la vacuité analy-tique. Cette démarche consiste à analyser toutes les choses en millionième de parts et à démontrer que chacune est dénuée de moi. Lorsque tout a disparu, on parvient alors à la conclusion que le moi n’existe pas. Ainsi, la « vision de la vacuité analytique » dé-montre la vacuité par analyse des exis-tences. Concrètement, la contemplation de la souffrance (j. ku – 苦), de la vacuité (j. kû – 空), de l’impermanence (j. mujô – 無常) et de l’absence de moi (j. muga – 無我 ), ré-duisent à néant les égarements des vues et des pensées, ainsi que le moi, origine de ces illusions. Tel est le contenu de l’ascèse dans les enseignements des corbeilles (Petit véhi-cule).

Contrairement aux personnes dotées de ca-pacités obtuses, les personnes dotées, elles, de capacités aigues, voyant la substance des choses, s’éveillent au fait que la forme et l’esprit, autrement dit la vie de telle ou telle personne, sont telles quelles vides. On ap-pelle ce principe : « vacuité substantifique » (j. taikû – 体空 ). Ainsi, comprendre la va-cuité du moi après analyse s’appelle la va-cuité analytique, alors que comprendre que la substance du moi est, telle quelle, la va-cuité, s’appelle vacuité substantifique, va-cuité développée dans les enseignements communs.

Ces deux vacuités ainsi établies, les bodhi-sattvas pratiquant la voie en supprimant les nœuds à l’aide de trente-quatre pensées, sont tout de même ceux du Petit véhicule. En fait, les pratiquants du Petit véhicule sont les auditeurs, les Bouddhas pour soi et les bodhisattvas. Or, seuls ces derniers de-viennent Bouddha. En effet, les mauvaises passions, enfermées dans les souffrances des illusions des trois mondes et des six voies, visions empêchant l’éveil, se répar-tissent en quatre-vingt-huit sbires des égare-ments des vues et quatre-vingt-un sbires des égarements des pensées. Les enseignements du Petit véhicule, autrement dit des trois corbeilles, bien qu’étant des expédients sal-vifiques, permettent, par le biais de l’ascèse

supprimant les nœuds à l’aide de trente-quatre pensées, d’annihiler ces mauvaises passions et d’ouvrir l’éveil du Bouddha.

L’explication détaillée de ces principes se-rait longue et pénible. Aussi vais-je me contenter de les citer. Les égarements des vues dans les trois voies sont les égare-ments des quatre vérités : souffrance, cause de la souffrance, extinction de la souffrance et la voie. Seize pensées, composées de huit sagesses et de huit patiences (ou cognitions) permettent d’annihiler les égarements des vues. Les huit sagesses sont : la sagesse de la vérité de la souffrance, la sagesse succé-dant à la réalisation de la vérité de la souf-france, la sagesse de la vérité de la cause de la souffrance, la sagesse succédant à la réa-lisation de la vérité de la cause de la souf-france, la sagesse de la vérité de l’extinction de la souffrance, la sagesse succédant à la réalisation de la vérité de l’extinction de la souffrance, la sagesse de la vérité de la voie et la sagesse succédant à la réalisation de la vérité de la voie.

Les huit cognitions sont : la cognition de la vérité de la souffrance, la cognition succé-dant à la réalisation de la vérité de la souf-france, la cognition de la vérité de la cause de la souffrance, la cognition succédant à la réalisation de la vérité de la cause de la souffrance, la cognition de la vérité de l’ex-tinction de la souffrance, la cognition suc-cédant à la réalisation de la vérité de l’ex-tinction de la souffrance, la cognition de la vérité de la voie et la cognition succédant à la réalisation de la vérité de la voie.

Ensuite, dix-huit pensées permettent d’anni-hiler les égarements des pensées dans les trois mondes. Ces dix-huit pensées s’opèrent par le passage par la voie sans en-trave et la voie de la libération, chacune à travers neuf terres : la terre du monde des désirs, divisée elle-même en neuf catégo-ries, les quatre terres des quatre méditations du monde de la forme, divisées elles-mêmes en neuf catégories et les quatre terres de la concentration, divisées elles

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-mêmes en neuf catégories7, soit, au total, neuf terres.

Le Bouddha qui, à l’aide des huit sagesses et huit cognitions (seize pensées) et des neuf terres de la voie sans entrave et les neuf terres de la voie de la libération (dix-huit pensées) soit trente-quatre pensées, an-nihile l’ensemble des mauvaises passions des vues et des pensées, causes de renais-sance dans les trois mondes, est le Bouddha ayant réalisé la voie en supprimant les nœuds (des égarements).

Aussi, la phrase « les écoles du Trésor de la scolastique, de l’accomplissement de la vé-rité et des commandements prennent pour Honzon le vénéré Shakya ayant réalisé la voie en supprimant les nœuds (des égare-ments) à l’aide de trente-quatre pensées », indique que ces trois écoles prennent pour Honzon le Bouddha du Petit véhicule, et non pas le véritable Bouddha du Grand vé-hicule.

Pour cette raison, poursuivre cette dé-marche à l’époque dite de « la Fin du Dhar-ma », au cours de laquelle la doctrine origi-nelle du Sutra du Lotus est propagée, est semblable à celle d’un « prince impérial, vénéré des cieux qui, dans son illusion, penserait être fils du peuple ». L’expression « vénéré des cieux » désigne parfois le Bouddha. Cependant, ici, celle-ci désigne l’empereur vertueux, le souverain du pays.

Un prince, fils de l’empereur et héritier de sang et de droit, se croyant fils d’un homme du peuple, va à l’encontre de la logique. Dans le même ordre d’idée, prendre pour Honzon le Bouddha ayant réalisé la voie en supprimant les nœuds (des égarements) à l’aide de trente-quatre pensées constitue une erreur.

Ensuite, le Traité qui ouvre les yeux pour-suit :

7 Les neuf catégories (j. kuhon – 九品 ) sont : infé-rieure, moyenne et supérieure, contenant chacune trois niveaux (inférieur, moyen et supérieur).

L’école de l’Ornementation fleurie, celle des Formules incantatoires, des Trois traités et de la Nature des dharmas, sont des écoles du Grand véhicule. Les écoles de la Nature des dharmas et des trois traités prennent pour Honzon le Boud-dha ressemblant au corps de communica-tion supérieur.

Nichiren Daishônin cite à présent les Hon-zon des écoles du Grand véhicule pour dé-montrer l’erreur attachée à leur choix.

Pour commencer, il évoque le Honzon des écoles de la Nature des dharmas8 et des trois traités9, qui « ressemble au corps de communication supérieur ». Je précise que le Bouddha « ayant réalisé la voie en sup-primant les nœuds (des égarements) à l’aide de trente-quatre pensées » est le corps de communication inférieur. Ce der-nier est simplement le corps de communica-tion qui, comparé au corps de communica-tion supérieur, est inférieur. C’est la raison pour laquelle on l’appelle corps de commu-nication inférieur. Son infériorité réside dans le fait que le Bouddha ayant réalisé la voie en supprimant les nœuds (des égare-ments) à l’aide de trente-quatre pensées,

8 Ecole de la Nature des dharmas (j. hossô shû – 法相

宗) : fondée en Chine par Xuanzang (j. Genjô -玄奘), cette école est également appelée“école du Rien que conscience”. Elle fut importée au Japon par Dôshô (道昭) qui étudia auprès de Xuanzang.9 Ecole des trois traités (j. sanron shû – 三論宗 ) : nom donné en Chine à l’école Madyamika (voie du milieu) qui voit en Nāgārjuna son fondateur. Elle fut introduite en Chine par Kumārajīva, traducteur des trois traités de référence de cette école : le Madyami-ka sastra (traité du milieu, j. Chûron – 中論 ) et le Dvadasa mukha sastra (traité des douze portes, j. Jû-nimon ron – 十二問論 ) de Nāgārjuna et le Sataka sastra (cent discours, j. Hyaku ron – 百論) de Arya-deva, disciple de Nāgārjuna. La doctrine de cette école fut transmise au Japon par le moine coréen Ekan (慧灌 ) en 625. Elle interprète le bouddhisme sur la base de la vacuité. Elle préconise « la voie du milieu des huit négations », issue du Traité du Mi-lieu de Nāgārjuna : non naissance, non extinction, non interruption, non continuité, non uniformité, non diversité, non venue et non départ, par le biais de la-quelle elle annihile les visions extrêmes et, ainsi, parvient au principe véritable de la voie du milieu.

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Les trois Trésors

dont le corps mesure une toise et six pieds10, est en fait l’aspect du vénéré Shakya se di-luant finalement dans le principe de la va-cuité.

A l’opposé, le Honzon « ressemblant au corps de communication supérieur » des écoles de la Nature des dharmas et des Trois traités possède les vertus du Bouddha dont à la fois la signification, la profondeur et l’ampleur emplissent le monde des dhar-mas. Il est le corps du Bouddha perçu par les êtres entendant l’enseignement du Grand véhicule.

Ainsi, le corps du Bouddha se manifeste de diverses façons. En fait, les êtres, entendant le Dharma prêché par le Bouddha, res-sentent le corps de ce dernier comme petit ou grand, en fonction des œuvres et vertus issues de l’écoute de l’enseignement. Autre-ment dit, il s’agit du corps du Bouddha, perçu par les êtres en fonction de leurs pré-dispositions.

Le corps de communication supérieur est la vision de l’aspect du monde des dharmas dans son ensemble, perçu à l’intérieur de l’aspect du corps de rétribution inférieur.

Par ailleurs, Nichiren Daishônin utilise l’expression : « ressemble ». L’école de la Nature des Dharma s’appuie sur le Sutra de l’Explication du profond mystère11, sutra de la période développée. L’école des Trois traités, quant à elle, se base sur le Traité du milieu, le Traité des douze portes et les Cent discours, ouvrages se rapportant, du point de vue des sutra, aux Sutras de la sa-gesse. Les sutras de la période développée contiennent les quatre enseignements : cor-beille, communs, particuliers et parfait. Les sutras de la sagesse, eux, comprennent les enseignements communs, particuliers et parfait. En d’autres termes, les enseigne-ments sur lesquels se fondent ces deux

10 Taille à laquelle l’apparence humaine du Bouddha était traditionnellement établie.11 Sutra de l’Explication du profond mystère (s. Samdhinirmocana sūtra, c. jieshenmijiao, j. gejin-mikkyô – 解深密教).

écoles contiennent la sagesse et la compas-sion de la vérité de la conditionnalité, élé-ments nécessaires au principe de la vacuité du grand véhicule et à la conversion des êtres. De plus, ils contiennent également le principe parfait de la voie du milieu. Pour ces raisons, le corps du Bouddha de ces écoles est le corps de communication supé-rieur, possédant la signification d’emplir le monde des dharmas.

C’est comme un prince impérial, prenant son père pour un samurai.

Du point de vue de la signification de la doctrine originelle du Sutra du Lotus, prendre pour Honzon le corps de communi-cation supérieur du Bouddha constitue néanmoins une erreur.

Cette fois, ce n’est plus du prince se prenant pour un « fils du peuple », mais d’un prince prenant son père pour seulement un samu-rai. Autrement dit, prendre le corps de com-munication supérieur pour Honzon consti-tue un illogisme du point de vue boud-dhique.

Les écoles de l’Ornementation fleurie et des Formules incantatoires rabaissent le vénéré Shakya, déterminant leur Honzon respectivement en Vairocana et Maha-vairocana. C’est comme un prince négli-geant son père, l’empereur, pour honorer un homme d’origine obscure, se préten-dant souverain de droit.

Vairocana est simplement le corps de rétri-bution. Comme vous le savez, il existe trois corps du Bouddha : le corps de Dharma, le corps de rétribution et le corps de commu-nication. Si le Bouddha prêche la fusion parfaite des trois vérités, il y a alors conti-nuité des trois corps, devenant trois corps en un corps, un corps en trois corps. Si un Bouddha enseigne uniquement la vacuité, il n’est alors que le corps de communication. Si son prêche de la vacuité communique également à la conditionnalité et à la média-nité, il et alors le corps de communication supérieur. S’il prêche à la fois la médianité

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simple des enseignements particuliers et la médianité non simple de l’enseignement parfait, son corps prend alors la forme du grand Bouddha, créateur du monde récep-tacle du Lotus12, de l’Ornementation fleurie. Ainsi, le grand Bouddha de Nara représente l’aspect du corps de rétribution appelé Ru-shana (Vairocana).

Bien que l’école de l’Ornementation fleurie13 le qualifie de Bouddha au triple corps parfait, du point de vue de la doctrine cor-recte du Sutra du Lotus, il représente le corps d’un Bouddha des moyens, dissimu-lant encore la possibilité d’éveil pour les deux véhicules et l’éveil véritable du vénéré Shakya dans le passé lointain. Il n’est donc pas le Bouddha au triple corps parfait.

Si les êtres de l’époque ressentirent le corps de rétribution en Rushana, c’est que, en bouddhisme, du point de vue du degré, les grands bodhisattvas de la première jusqu’à la dixième terre, entendant et s’éveillant à la médianité simple et à la médianité non simple de l’Ornementation fleurie, le res-sentirent sous cette forme. Pour autant, même en construisant le grand Bouddha de Nara, aspect ressenti par les grands bodhi-sattvas, les êtres de la Fin du Dharma, même écoutant le Sutra de l’Ornementation fleurie, ne peuvent pas, eux, ressentir le corps du Bouddha en cette statue qui n’a, dès lors, plus aucun sens.

Ensuite, l’Ainsi-venant Mahavairocana (j. Dainichi nyorai - 大日如来 ) représente le corps de Dharma du Bouddha. C’est un Bouddha fabriqué par l’école des Formules incantatoires sur la base du Sutra Dainichi. Contrairement au vénéré Shakya, il s’agit d’un Bouddha n’étant pas né sur cette terre. Autrement dit, il s’agit uniquement du

12 Monde réceptacle du Lotus (j. renge zô sekai – 蓮華蔵世界) : terre du bouddha au corps de rétribution.13 Ecole de l’Ornementation fleurie (j. kegon shû - 華厳宗) : fondée en Chine par Dushun [杜順 - Tojun (557 - 640)], elle ne fut véritablement installée en tant qu’école que par Fazang [法蔵 - j. Hôzô (643 - 712)] son troisième Patriarche. Elle fut transmise au Japon par Daoxuan (道宣 - j. Dôsen) en 736.

corps de Dharma. Il ne possède pas l’aspect du corps de rétribution ni, en particulier, le corps de communication. Il ne représente dès lors aucunement les trois corps interdé-pendants.

Ensuite :

L’école de la Terre pure, croyant que le Bouddha Amida, corps fractionné du vé-néré Shakya est l’Eveillé avec lequel nous avons un lien, rejeta le Souverain de l’en-seignement.

Il s’agit là véritablement d’un acte irration-nel de reconnaissance aveugle, de trahison. En effet, cette école prône l’adoration du Bouddha Amida, corps fractionné14 du vé-néré Shakya. Elle rejette le Souverain de l’enseignement, à l’origine du Bouddha Amida. Ces doctrines étaient proposées par Hônen et Shinran. Nichiren Daishônin les a clairement dénoncées dans le Traité sur la Sérénité du pays par l’établissement de la Rectitude.

Le vénéré Shakya apparut réellement sur cette terre. Aussi, le corps de communica-tion était-il présent. Ensuite, enseignant le Sutra du Lotus, parfait à travers les doc-trines éphémère et originelle, il se montra en tant que Bouddha aux trois corps inter-dépendants : Dharma, rétribution et com-munication.

Par contre, le Bouddha Amida n’étant pas né sur cette terre, pour nous, il n’existe pas d’enseignement de sa part en tant que corps de communication. Dans les enseignements des moyens, il est dit exister sur la terre de l’extrême félicité, située dans la direction de l’ouest. Or, notre terre étant ronde, même en se dirigeant vers l’ouest, on re-vient irrémédiablement au point de départ.

En fin de compte, il faut prendre conscience à quel point, rejeter le vénéré Shakya, lié à cette terre, autrement dit rejeter le Bouddha

14 Corps fractionné (j. bunshin ou funjin - 分身) : ma-nifestation ou incarnation d’un Bouddha ou d’un bodhisattva.

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Les trois Trésors

ayant enseigné le Sutra du Lotus, pour adopter comme Honzon le Bouddha Amida, corps fractionné du vénéré Shakya, et réci-ter son invocation (j. nenbutsu), constitue une erreur.

Les écoles du Zen sont formées d’êtres vulgaires possédant une parcelle de ver-tus, mais rabaissant leurs parents.

Même vulgaires, ces personnes possèdent un peu de moralité. Prenons l’exemple d’un homme de position sociale élevée : pré-sident directeur général ou directeur d’une grande entreprise ou bien détenteur d’une responsabilité publique. Pour autant, il n’a absolument pas le droit de négliger, lui non plus, ses parents. En effet, plus on accumule de mérites et gravit l’échelle sociale, plus il faut respecter ses parents.

Pourtant, dans la société actuelle, sont nom-breux ceux qui, parvenus au sommet de la hiérarchie, méprisent leurs parents.

Ils rabaissent le Bouddha et avilissent le sutra. Tous se trompent sur le Honzon. Ils ressemblent aux hommes qui, avant les trois augustes, ne connaissant pas leur père, se comportaient comme des pois-sons ou des animaux.

Dans ce cas, « rabaisser le Bouddha » dé-signe le fait de rabaisser le Bouddha ensei-gnant le Sutra du Lotus, roi des sutras. Plus précisément, Nichiren Daishônin parle ici du Bouddha enseignant le chapitre « Durée de la vie » de la doctrine originelle du Sutra du Lotus.

Ensuite, ils « avilissent le sutra », parce qu’ils respectent les autres sutras et né-gligent le Dharma fondamental. Ils agissent comme s’ils respectaient plus les ministres que le souverain. Autrement dit, ils com-mettent la grave offense de rabaisser le tré-sor du Bouddha et le trésor du Dharma et, pour cette raison, se trompent sur le Hon-zon.

Les hommes de toutes les écoles, ignorant le chapitre « Durée de la vie » se com-portent comme des animaux. Ce sont des ingrats ignorant la reconnaissance envers la bienfaisance.

Ici, le « chapitre Durée de la vie » désigne le « Bouddha du chapitre Durée de la vie ». Le contenu de ce chapitre évoque à la fois le Dharma présent en permanence et le Bouddha enseignant ce Dharma.

Puisque Nichiren Daishônin a traité jusqu’à présent du Bouddha de manière globale, il parle ici du Bouddha du chapitre « Durée de la vie ». En ce sens, ceux qui ignorent ce Bouddha là et croient en d’autres Eveillés sont comparables à des animaux.

Le chapitre « Durée de la vie » commence par :

« A ce moment, l’Eveillé déclara aux bod-hisattva ainsi qu’à tous les êtres : “Fils de bien…” » (Ni ji butsu gô. Sho bosatsu gyû. Issai daishu. Sho zen nanshi. - 爾時仏告。諸菩薩及。一切

大衆諸善男子).

Ensuite, le vénéré Shakya expose l’obten-tion de l’éveil dans le passé lointain de kuon. Le corps donnant cet enseignement prend la forme du corps de communication, autrement dit, du Bouddha né en Inde, ayant ensuite ouvert l’éveil. Il est paré de violet et d’or et doté des trente-deux signes distinctifs et des quatre-vingts attributs pré-cieux. Ce Bouddha révèle le Bouddha du passé lointain, sur la base de ce corps de communication.

Ce principe est explicité par la phrase :

« Je suis en permanence présent ici, en ce monde de l’endurance, à prêcher le Dhar-ma, enseigner et convertir et aussi en d’autres lieux » (Ga jô zai shi shaba sekai seppô kyôke, Yaku o yo sho - 我常在此娑婆世界説法教化。

亦於余処).

Ainsi, le prêche de l’Eveillé s’opère univer-sellement dans le temps et l’espace. Cela si-

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Les trois Trésors

gnifie que l’intégralité du monde des dhar-mas est utilisée par le Bouddha, du point de vue de son éveil, en tant qu’existence spa-tio-temporelle. C’est ce que l’on nomme le « corps de rétribution qui, librement reçoit et emploie, progressant à partir du Bouddha communicant ».

Cependant, sans cet aspect doré et ces tren-te-deux signes distinctifs, le vénéré Shakya n’aurait pu guider les êtres de son époque, avec lesquels il avait un lien depuis le passé lointain. Aussi, si, à partir de là, il n’avait pas atteint le passé infini de kuon ganjo, les êtres de son époque n’auraient pas compris qu’il s’agissait de leur propre vie traversant l’ensemble du monde des dharmas. Autre-ment dit, ils n’auraient pas ouverts leur corps en tant que Dharma merveilleux. C’est en ce sens que le vénéré Shakya prê-cha le chapitre « Durée de la vie ».

Pour cette raison, Nichikan Shônin égale-ment, définissait le fondement du chapitre « Durée de la vie » du vénéré Shakya comme : « le corps de rétribution qui, li-brement reçoit et emploie, progressant à partir du Bouddha communicant ».

Le Bouddha communicant est l’Eveillé ayant réalisé la voie en supprimant les nœuds (des égarements) à l’aide de trente-quatre pensées, évoqué précédemment. Au-trement dit, le Bouddha du Petit véhicule. Du point de vue du corps du Bouddha, il y eut d’abord le « corps de communication inférieur » enseigné dans les Sutras Agama. Ensuite, le Bouddha du Grand véhicule pro-visoire, dans lesquels sont mêlés les ensei-gnements des corbeilles, communs, particu-liers et parfaits, est en fait le « corps de communication supérieur ». Par ailleurs, j’évoquais le Bouddha Rushana, du Sutra de l’Ornementation fleurie. Il est le corps de rétribution exprimé par la statue du grand Bouddha de Nara. Le corps de rétri-bution se subdivise en « corps qui reçoit et emploie pour lui-même » (j. jijuyûshin - 自受用身) et corps qui reçoit et emploie pour autrui (j. tajuyûshin - 他受用身).

Le corps qui reçoit et emploie pour lui-même est l’état de vie dans lequel le Boud-dha, avec son profond éveil, reçoit de lui-même le Dharma et l’utilise pour lui-même. Autrement dit, c’est le Bouddha obtenant la félicité du Dharma, l’ayant pratiqué et attes-té lui-même. En fait, le Bouddha, éveillé à l’intégralité du monde des dharmas est le corps qui reçoit et emploie pour lui-même. Il a ainsi transcendé le temps et l’espace, in-dividu identique au monde des dharmas.

A l’opposé, seul le Bouddha, ayant reçu le Dharma de l’éveil et l’utilisant pour guider les autres, est le corps qui reçoit et emploie pour autrui.

Ainsi, au début de ses cinquante années de prêche, le vénéré Shakya montra le corps qui reçoit et emploie pour autrui en ensei-gnant le Sutra de l’Ornementation fleurie. Puis, enseignant les Sutras Agama du Petit véhicule, il montra le corps de communica-tion inférieur. Passant aux Sutras Dévelop-pés et de la Sagesse, il montra le corps de communication supérieur. Ensuite, par le biais de la doctrine éphémère du Sutra du Lotus, il montra le corps de communication équivalant au corps de Dharma. Enfin, par le chapitre « Durée de la vie », il montra en-fin le corps qui reçoit et emploie pour lui-même. Ainsi, le Bouddha du chapitre « Du-rée de la vie » révéla sa nature originelle à partir du Bouddha ayant obtenu l’éveil pour la première fois en cette vie.

Or, en fait, il existe deux significations à cette révélation de sa nature originelle : « hors de la substance » et « à l’intérieur de la substance » au sein de la révélation de la nature originelle au niveau des phrases.

La substance dont il est question ici est celle du corps du Bouddha de kuon ganjo, le Bouddha fondamental. Kuon ganjo étant identique (j. soku) au monde des dharmas, cette notion possède des signification illimi-tées, infinies, tant spatiales que temporelles. L’ensemencement du Dharma merveilleux, inhérent à l’état de vie du Bouddha de kuon ganjo, est la substance du Dharma vers le-

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Les trois Trésors

quel le Bouddha guide fondamentalement les êtres et permet à de nombreux d’entre eux, de réaliser la boddhéité dès ce corps. Toutefois, les êtres qui, par manque de foi, se détournent du Bouddha, sont plongés dans le cycle de l’errance et de la souf-france. Le vénéré Shakya manifesta alors le corps du Bouddha des moyens, ornés des trente-deux signes distinctifs, afin de guider ces êtres.

L’expression « hors de la substance » dé-signe le prêche du vénéré Shakya, destiné à convertir ces êtres qui, dans le chapitre « Durée de la vie », ne s’étaient pas encore éveillés au Dharma de kuon ganjo, graine fondamentale de la boddhéité dès ce corps. Grâce à cette révélation de sa nature origi-nelle, les êtres de son époque purent s’ou-vrir à l’éveil égal15. Pourtant, ils ne par-vinrent pas encore à devenir Bouddha dès ce corps. Tel fut le bienfait hors de la sub-stance au niveau des phrases.

En revanche, les contemporains du vénéré Shakya, percevant à travers son corps de Bouddha la vision parfaite, identité de l’homme ordinaire et de l’ultime au triple corps sans artifice au moment de kuon gan-jo, s’éveillèrent à la graine de Myôhôrenge-kyô, Honzon de l’identité de la Personne et du Dharma et devinrent, tels quels, Boud-dha. En fait, ils pénétrèrent dans le Dharma de kuon ganjo et devinrent Bouddha. Tel est le sens de l’intérieur de la substance.

Pour cette raison, nous lisons dans le cha-pitre « Durée de la vie » :

« Cela fait d’innombrables, d’infinis cen-taines de milliers de millions d’éons infinis, depuis que je suis devenu Bouddha » (ga jit-su jôbutsu irai, muryô muhen, hyaku sen man oku nayuta ko - 我実成仏以来。無量無辺。百千万億

那由他劫).

Cette phrase exprime la pratique person-nelle du Bouddha dans sa nature originelle, considérée, selon l’extérieur de la sub-

15 Eveil égal (j. tôkaku – 等覚 ) : degré dans lequel l’éveil du bodhisattva est égal à celui du Bouddha.

stance, comme le centre de toutes les sub-stances des Bouddhas. Par contre, voir dans l’expression : « depuis que je suis devenu Bouddha » l’introduction d’un concept d’origine encore antérieure et le Bouddha présent comme la « trace descendue » (forme éphémère) de cette origine est la ré-vélation de l’originel selon l’intérieur de la substance au profond des phrases. Ces deux notions représentent l’éveil des êtres pré-sents du vivant de Shakyamuni.

Considérer le Bouddha du chapitre « Durée de la vie » comme la « trace descendue » du corps du Bouddha, c’est avoir conscience du Dharma fondamental de kuon ganjo. La signification de l’intérieur de la substance réside dans le fait que ce Dharma fonda-mental est inclus dans la signification du Dharma. En effet, le Bouddha du chapitre « Durée de la vie », lui aussi, est doté des trente-deux signes distinctifs, parce qu’il a progressé à partir du corps de communica-tion. De plus, du point de vue de l’intérieur de la substance, puisque ce même Bouddha contient véritablement le corps de l’Eveillé de kuon ganjo situé au profond des phrases du même chapitre, il est le corps de rétribu-tion qui reçoit et emploie pour lui-même, ayant évolué à partir du corps de communi-cation.

Toutefois, le fait que le chapitre « Durée de la vie » du vénéré Shakya soit devenu le Bouddha doté des trente-deux signes dis-tinctifs constitue la condition fondamentale, à partir de laquelle, tourné vers le passé lointain (kuon), ce Bouddha montre son éveil dans le passé. Aussi, malgré l’aspect incommensurable, illimité de ce passé, dé-voilé au niveau des phrases, celui-ci montre pour autant clairement des délimitations dans le temps et dans l’espace.

Il faut cependant prendre encore en compte un autre élément : la présence permanente des dix mondes à l’origine. Ce principe est enseigné dans chaque écrit. Du point de vue du corps du Bouddha du vénéré Shakya, il y a existence permanente sans commence-ment ni fin de la présence des dix mondes

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Les trois Trésors

en leur état originel. Toutefois, cette notion est le développement visible de l’enseigne-ment du Bouddha à travers les trois phases pour convertir et guider les êtres, sous la forme de l’ensemencement, de la matura-tion et de la récolte. Or, la signification fon-damentale du caractère originel de l’ense-mencement et du caractère éphémère de la récolte réside dans le fait que tout rejoint la Une pensée du corps de rétribution qui re-çoit et emploie pour lui-même au moment de kuon ganjo. Si l’on parle en terme de « ce qui engendre » et de « ce qui est en-gendré16, la Une pensée du Bouddha origi-nel de kuon ganjo est « ce qui engendre » et, du point de vue des dix mondes en leur état originel, le corps du Bouddha et l’infi-nité de ses enseignements pour convertir les êtres sont « ce qui est engendré ». De plus, tous deux sont présents au moment de kuon ganjo.

Ce principe est élucidé dans le passage sui-vant du Traité sur le sens de la substance :

« La vérité ultime ne possède pas de nom. Lorsque, observant ce principe, le Saint donna un nom à toutes choses, il y eut la si-multanéité de la cause et de l’effet, Dharma inconcevable. Lui donnant un nom, il l’ap-pela Myôhôrengekyô. Au sein de ce Dhar-ma unique de Myôhôrengekyô, dix mondes, trois mille dharmas sont présents, sans qu’il en manque un seul. Celui qui le pra-tique obtient simultanément la cause de boddhéité et l’effet de boddheité ».

Aussi, la Une pensée de la cause et de l’ef-fet est le nom, la substance, l’intention, l’application et l’enseignement du Dharma de l’ensemencement. Au sein de ces cinq

16 Ce qui engendre et ce qui est engendré : (j. nôshô, shoshô - 能生所生) : le Bouddha, à l’aide du Dhar-ma, engendre l’aspiration à la boddhéité chez les êtres ; l’une des quatre protections (j. shigo - 四護), classant les fonctions merveilleuses exercée sur les êtres par le Bouddha, expliquées dans les Notes sur les mots et Phrases du Lotus de Miaole. Ces quatre protections sont : engendrer (j. nôshô - 能生 ), édu-quer (j. nôyô - 能養), accomplir (j. nôjô -能成) et dé-velopper (nôei -能栄).

mystères17, « l’intention » est l’élément cen-tral, à partir duquel on peut voir l’ensemble. Aussi, si l’on procède à la même observa-tion à partir de « la substance », on peut certes voir également l’ensemble, toutefois, du point de vue de l’expression définie du bouddhisme, c’est-à-dire de l’origine de tout que sont l’ascèse et l’obtention de l’at-testation, « l’intention doit constituer le centre d’intérêt.

Aussi, doit-on voir en kuon ganjo, le fonde-ment de l’enseignement de Nichiren Dai-shônin. C’est également le fondement des enseignements contenus dans les « écrits de transmission vitale ». En fait, la substance du Dharma permanent et présent à l’origine est tel quel dans Myôhôrengekyô, pensée dans laquelle la cause et l’effet sont simul-tanés. Cette boddhéité dès ce corps, dans la-quelle l’homme ordinaire devient l’ultime, cette non dualité de la Personne et du Dhar-ma dénotant le corps de rétribution de kuon ganjo, recevant et employant pour lui-même, apparut tel quel aujourd’hui, dans la Fin du Dharma sous la forme de l’enseigne-ment de Nichiren Daishônin, les trois grands Dharmas ésotériques de la doctrine originelle.

En outre, afin d’assurer la pérennité de la propagation du bon Dharma dans l’infini de Mappô, Nichiren Daishônin effectua la transmission vitale uniquement à Nikkô Shônin, comme on transmet l’eau du Dhar-ma d’un récipient à un autre. L’une des rai-sons de ce choix est d’ordre doctrinal. L’en-seignement de Nichiren Daishônin est fon-dé sur la substance du Dharma de kuon ganjo. La substance des trois grands Dhar-

17 Cinq mystères (j. gojû gen - 五重玄) : doctrine uti-lisée par Zhiyi pour commenter les sutras. Dans le Sens mystérieux du Lotus, il dégage l’explication du nom (j. shakumyô – 釈名), le discernement de la sub-stance (j. bentai – 弁体), l’élucidation de l’intention (j. myôshû – 明宗), la discussion de l’application (j. ronyû – 論用 ) et le jugement de l’enseignement (j. hankyô – 判教). Le nom (j. myô -名), la substance (j. tai - 体), l’intention (j. shû - 宗), l’application (j. yû - 用) et l’enseignement (j. kyô - 教) représentent l’ex-plication sous cinq angles, de Myôhôrengekyô.

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Les trois Trésors

mas ésotériques est si profonde que de nombreux disciples ne parvinrent pas à la comprendre. Pour cette raison, même les cinq moines aînés, Nisshô18, Nichirô19,

18 Nisshô (日昭 -1221-1323) : il serait parent de la nonne Myô ichi. Il devint moine à l’âge de 15 ans dans un temple du Tendai. Par la suite, il se rendit au temple du mont Hiei pour y étudier les doctrines de Zhiyi. Apprenant la fondation de l’école par Nichi-ren Daishônin, il se rendit immédiatement pour le rencontrer à Matsubagayatsu et se convertit dès le mois de novembre 1253. Il travailla alors à la propa-gation à Kamakura. Après l’extinction de Nichiren Daishônin, il écrivit une remontrance à l’empereur en se présentant comme moine du Tendai. Ainsi, bien qu’étant historiquement le premier disciple et moine aîné de Nichiren Daishônin, il se détourna de son enseignement et s’opposa par la suite à Nikkô Shônin.19 Nichirô (日朗 -1245-1320) : l’un des six moines aînés disciples de Nichiren Daishônin. Il se convertit en 1256, avec son père, à l’enseignement de Nichi-ren Daishônin, en devenant moine sous la direction de son oncle, Nisshô, un des moines aînés. Il fut jeté dans les prisons souterraines de Kamakura avec d’autres disciples en septembre 1271, à l’occasion de la persécution de Tatsunokuchi. Toutefois, après l’extinction de Nichiren Daishônin, il s’opposa à Nikkô Shônin. En 1285, il adressa une remontrance à l’empereur en s’intitulant lui-même « moine du Tendai ». Il ne respecta pas non plus son tour de garde de la tombe de Nichiren Daishônin. De plus, lors des cérémonies du centième jour de l’extinction de celui-ci, il emporta avec lui la statue de Bouddha que portait toujours avec lui Nichiren Daishônin, placée à côté de sa tombe. Pourtant, à la fin de sa vie, pris de regrets, il alla rencontrer Nikkô Shônin et pria devant la statue de Nichiren Daishônin. Tou-tefois, des divergences sur la doctrine demeurèrent. Nichirô fondit le temple Honmonji à Ikegami, lieu du décès Nichiren Daishônin, qu’il intitula fondateur et se nomma lui-même deuxième Patriarche.

Nikô20, Nitchô21 et Nichiji22 ne purent com-

20 Nikô (日向 -1253-1314) : à 13 ans, il devint dis-ciple de Nichiren Daishônin. En 1276, il fut chargé de lire le Traité sur la reconnaissance devant la tombe de Dôzenbô, ancien maître de Nichiren Dai-shônin. En 1280, lorsque Nichiren Daishônin don-nait des cours sur le Sutra du Lotus, Nikô prit des notes intitulées Notes prises lors des cours (j. okô ki-kigaki). Il travailla ensuite à la propagation de l’en-seignement dans la région de Kamakura. Il commen-ça à s’opposer à Nikkô Shônin à cette époque et ne prit pas son tour de garde de la tombe de Nichiren Daishônin. Pourtant, il retourna au temple du mont Minobu pour le troisième anniversaire de l’extinc-tion de Nichiren Daishônin. Il fut accueilli par Nikkô Shônin qui le nomma Gakutô. Toutefois, sous l’in-fluence de Nikô, Hagiri Sanenaga, gouverneur de Minobu, commit quatre offenses au Dharma. L’atti-tude des deux hommes fut la cause du départ de Nik-kô Shônin du mont Minobu.21 Nitchô ( 日頂 -1252-1317) : un des six disciples majeurs de Nichiren Daishônin. Natif du pays de Su-ruga (près du mont Fuji), il suivit sa mère allant s’installer à Kamakura à la mort de son père. Il fut adopté par Toki Jônin, célèbre disciple laïque de Ni-chiren Daishônin, avec qui sa mère s’était remariée. En 1267, il prit refuge en Nichiren Daishônin, qu’il servit assidûment, avec Nikô et les autres moines aî-nés. Lors d’un débat religieux au temple Guhôji de l’école du Tendai, situé dans la ville de Mama, Toki Jônin, vainqueur, fit changer la destination du temple en temple affilié à Nichiren Daishônin. Nit-chô fut alors nommé supérieur fondateur du temple. Après l’extinction de Nichiren Daishônin, il ne res-pecta pas son tour de garde de la tombe. Il fut alors expulsé par Toki Jônin. En 1291, il s’opposa nette-ment à l’enseignement de Nichiren Daishônin en se proclamant moine de l’école du Lotus de Tendai. Malgré tout, en 1302, suivant Nichiyô du temple Guhôji, il prit refuge en Nikkô Shônin qui le nomma Gakutô du temple Honmonji à Omosu.22 Nichiji (日持 -1250-1305) était le second fils de Matsunô Rokurô Saemon. Il entra dans les ordres à l’âge de 7 ans au temple Shijûkuin, de l’école du Tendai, où il devint disciple de Nikkô Shônin. Avec ce dernier, il se convertit aux enseignements de Ni-chiren Daishônin en 1270. Il effectua avec sérieux le service du maître. Toutefois, il ne répondit pas à son tour de garde de la tombe de Nichiren Daishônin et se présenta par la suite comme un moine du Tendai, se détournant ainsi de l’esprit de Nichiren Daishô-nin. En janvier 1295, il confia le temple Renneiji, dont il était alors supérieur, à Nikkyô et entreprit de propager l’enseignement à l’étranger. On retrouve sa trace jusqu’en Mongolie. Il ne fonda pas de courant particulier, mais les écoles Nichiren Shû le consi-dèrent comme le saint patron des moines mission-naires.

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Les trois Trésors

prendre la substance du Dharma fondamen-tal, la nature intrinsèque du Gohonzon.

Pour cette raison, ils ne comprirent pas des points de doctrine, telles que les cinq sortes de comparaisons, notamment la dernière, comparaison entre l’ensemencement et la récolte, troisième des trois transmissions se-crètes23. Ils ne comprirent pas non plus le Honzon de la doctrine originelle, expression de la substance du Dharma de la Une pen-sée trois mille de kuon ganjo. Pour cette rai-son, ils pensaient que le Gohonzon de Ni-chiren Daishônin était la retranscription de l’aspect de la doctrine originelle enseignée en Inde par le Bouddha Shakyamuni.

Pour cette raison également, les cinq moines aînés écrivaient leur propre nom sous Nam Myôhôrengekyô. Cette attitude ne diffère en rien de l’observation faite dans le Tendai de Une pensée trois mille en son propre cœur. Autrement dit, pour eux, l’en-seignement de Nichiren Daishônin apparte-nait au Tendai. Or, si l’on n’inscrit pas « Nichiren » directement sous « Nam Myô-hôrengekyô », le mandala ainsi conçu ne re-présente absolument pas le Gohonzon de l’ensemencement dans la Fin du Dharma, substance de l’identité de la Personne et du Dharma au moment de kuon ganjo. Seul, Nikkô Shônin, parmi les disciples, perçut correctement ce principe fondamental.

Il existe un principe nommé transmission de l’héritage du maître (j. shishi sôden). Le véritable disciple reçoit correctement le fondement de l’enseignement du maître. Là, réside l’origine du concept de l’eau transva-sée d’un récipient dans un autre. Ainsi, la transmission de Nichiren Daishônin à Nik-kô Shônin fut réalisée avec rectitude et Nik-

23 Trois transmissions secrètes (j. sanjû hiden – 三重

秘伝 ) : les trois dernières des cinq comparaisons : comparaison entre les sutras provisoires et le sutra véritable, comparaison entre la doctrine originelle et la doctrine éphémère du Sutra du Lotus et, au sein du chapitre « Durée de la vie » du Sutra du Lotus, comparaison entre le niveau des phrases et le pro-fond des phrases.

kô Shônin la reçut, lui aussi, dans le même esprit.

Un autre point concerne la diffusion. Tout au long de sa vie, Nichiren Daishônin écri-vit des lettres de remontrances aux diri-geants du pays afin qu’ils administrent la Nation avec le bon Dharma. Or, les cinq autres moines aînés, lorsqu’ils écrivirent des remontrances, le firent sous l’intitulé « moine du Tendai ». Cette attitude est la preuve que ces hommes n’avaient absolu-ment pas conscience d’être des disciples de Nichiren Daishônin. Seul Nikkô Shônin écrivait ce genre de lettres en signant claire-ment : « Nikkô, disciple du Saint Nichi-ren ».

Sous l’angle de l’enseignement comme sous celui de la diffusion, seul, Nikkô Shô-nin comprit parfaitement le Dharma de Ni-chiren Daishônin. Il était donc naturel qu’il hérite du Dharma pour lequel Nichiren Dai-shônin avait fait son apparition en ce monde. Là réside la raison pour laquelle Nikkô Shônin possédait les attributs du Tré-sor du Moine.

Comme vous le savez, au moment de son extinction, Nichiren Daishônin écrivit un écrit de transmission à l’attention de Nikkô Shônin, intitulé Transmission d’Ikegami, dans lequel Nichiren Daishônin effectue la transmission du temple du mont Minobu à Nikkô Shônin.

« Je transmets à Byakuren Ajari Nikkô les cinquante années de prêche du vénéré Sha-kya. Il sera l’intendant du temple Kuonji du mont Minobu ».

Par cet écrit, Nichiren Daishônin effectue le transfert du temple Kuonji à Nikkô Shônin. Toutefois, avant cela, il lui transmet « les cinquante années de prêche du vénéré Sha-kya ».

Cependant, les autres écoles Nichiren ne comprennent pas cette phrase. Elles disent qu’il est impossible que Nichiren Daishônin ait proféré de tels propos inconsidérés. La

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Les trois Trésors

négligeant, voire la méprisant, elles n’ont pas saisi le sens fondamental de la transmis-sion de l’essentiel24.

Comme je l’ai déjà dit, le fondement du bouddhisme réside dans le fait que les cin-quante années d’enseignements du vénéré Shakya existent en tant que prêche du Boud-dha provisoire « descendu » de la substance du Dharma de kuon ganjo, se manifestant sous les traits du corps de communication aux trente-deux signes distinctifs. Ces cin-quante années de prêche se retrouvent dans les sutras Ornementation fleurie, Agama, aux Doctrines développées, de la Sagesse et, pour finir, du Lotus. La signification de la transmission du Bouddha fondamental de kuon ganjo se situe dans la transmission de l’essentiel du chapitre « Pouvoirs transcen-dantaux » du Sutra du Lotus.

Aussi, appartenait-il au bodhisattva Pratique supérieure, apparu dans la Fin du Dharma, de révéler le Dharma merveilleux de l’ense-mencement dans sa légitimité. Ce postulat n’émerge cependant pas du Sutra du Lotus enseigné par le vénéré Shakya. Toutefois, l’intégralité du prêche de ce dernier, déve-loppé pendant cinquante années revenant au Dharma merveilleux, Nichiren Daishônin détenait évidemment l’ensemble de ces cin-quante ans d’enseignements en lui. Dès lors, il n’y a rien d’anormal à ce que Nichiren Daishônin les ait transmis à son tour à Nikkô Shônin. Là encore, les autres écoles Nichiren ne comprennent pas ce point.

Telle est la raison pour laquelle ces écrits de transmissions sont fondamentaux. Ils signi-fient en effet que Nikkô Shônin a reçu la transmissions des cinquante années d’ensei-gnements du vénéré Shakya.

Un autre point important de ces écrits de transmissions montre concrètement la signi-fication des trois grands Dharmas ésoté-riques, par le biais de l’Ecrit de transmis-

24 La transmission de l’essentiel (j. ketchô fuzoku -結要付嘱) : transmission effectuée dans le 21e chapitre du Sutra du Lotus par Shakyamuni au bodhisattva Pra-tique supérieure (j. jôgyô -上行), de la mission de pro-pager Myôhôrengekyô dans la Fin du Dharma.

sion de l’enseignement prodigué par Nichi-ren au long de sa vie, rédigé en septembre de la cinquième année de Kôan (1282) :

« Nichiren transmet le Dharma qu’il a pro-pagé toute se vie à Byakuren Ajari Nikkô. Il sera le grand guide de la propagation de la doctrine originelle. Lorsque le souverain établira ce Dharma, il faudra construire le Kaidan du temple de la doctrine originelle au mont Fuji. Il suffit d’attendre le temps. Telle est la Loi du précepte en sa réalité. Mes disciples doivent respecter cet écrit en particulier ».Dès lors, du point de vue des trois Trésors en un corps, le Dharma de Nichiren Daishô-nin fut transmis à Nikkô Shônin, sous la forme du Dai Gohonzon du Kaidan de la doctrine originelle, avec la signification de la transmission de l’essentiel de kuon ganjo. Ce Dharma est correctement transmis au-jourd’hui dans la Nichiren Shôshû où les trois trésors sont présents en conséquence.

Il est fondamental d’entendre l’enseignement de la Nichiren Shôshû, de réciter le Daimo-ku avec la conviction que le Dai Gohonzon du Kaidan de la doctrine originelle est le seul objet de vénération juste et qu’il n’existe pas d’autre Dharma ailleurs et de pratiquer shakubuku conformément à la di-rective de Nichiren Daishônin :

« Utilisez vos capacités pour, ne serait-ce qu’un mot, une phrase, transmettre ».Cette attitude fait de vous une partie du Tré-sor du moine.

Cette noble signification existe dans votre foi et votre pratique. Elle engendre, en outre, de grandes œuvres et vertus.

Je prie donc du fond du cœur pour votre progression future après avoir gravé en votre sein la signification orthodoxe des trois trésors de l’ensemencement.[Traduit du Daibyakuhô n° 651 (août 2004)]

LE BOUDDHISME DE L’ECOLE FUJI – N° 113 15