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1 Université de Montpellier I CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE (UMR 5815 CNRS Dynamiques du Droit) Master 2 Droit de la Concurrence et de la Consommation Les ventes avec primes et les ventes liées déloyales Natasha MALVIYA Directeur de recherche : M. Malo DEPINCE, Maître de Conférence à l’Université de Montpellier 1, Co-directeur du Master 2 Droit de la Concurrence et de la Consommation 2011/2012

Les ventes avec primes et les ventes liées déloyales · 8 Section 1 : La définition des pratiques de vente liée et de vente avec prime par le code de la consommation avant la

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Université de Montpellier I

CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU

MARCHE (UMR 5815 CNRS Dynamiques du Droit)

Master 2 Droit de la Concurrence et de la Consommation

Les ventes avec primes et les ventes

liées déloyales

Natasha MALVIYA

Directeur de recherche : M. Malo DEPINCE, Maître de Conférence à

l’Université de Montpellier 1, Co-directeur du Master 2 Droit de la

Concurrence et de la Consommation

2011/2012

2

3

Les ventes liées et les ventes avec

primes déloyales

4

5

Sommaire

Introduction…………………………………………………………………………p.7

Partie I : Le principe de légalité des ventes liées et des ventes avec primes : une

approche libérale plus juste du droit économique…………………………..……p. 15

Chapitre 1 : Une approche plus libérale : la modernisation du droit de la consommation

favorable à la concurrence……………………………………………….……..……p. 16

Chapitre 2 : Une approche plus juste : l’appréciation casuistique au service de l’intérêt

du consommateur………………………………………………………………...…..p. 34

Partie II : L’exception : les ventes liées et les ventes avec primes en tant que

pratiques déloyales : l’existence de possibilités de réprimer ces pratiques……..p. 54

Chapitre 1 : La déloyauté au sens de la directive, condition de la condamnation des

pratiques de vente liée et de vente avec prime……………………………..………..p. 56

Chapitre 2 : La contestation de l’approche casuistique en matière des ventes liées et des

ventes avec primes………………………………………………………..………….p. 78

6

7

Les ventes liées et les ventes avec primes déloyales

Introduction

La refonte européenne du droit de la consommation est un thème qui occupe

l’actualité juridique de manière conséquente. Le Code de la Consommation a en effet

été modifié à de nombreuses reprises au cours des dernières années, souvent sous

l’impulsion des textes européens qui se multiplient dans le but de consolider le marché

intérieur par un droit économique unifié dans les différents Etats Membres de l’Union

Européenne.

Le droit de la consommation est un enjeu essentiel de la création de l’espace

européen de libre-échange car il régit les relations commerciales entre les professionnels

et les consommateurs, ce qui constitue une part essentielle des échanges économiques

réalisés en Europe. Ainsi, la législation dans le domaine de la consommation a une

influence majeure sur le commerce au sein de l’Union : la Commission a donc besoin de

veiller à ce que les Etats aient une indépendance limitée quant aux règles qu’ils peuvent

adopter en la matière.

Cette volonté du législateur européen de maîtriser le droit de la consommation a

donc un impact sur la manière dont le Code de la Consommation français envisage ses

infractions, notamment en ce qui concerne les nombreuses pratiques qu’il prohibe. En

particulier, on s’arrêtera sur les ventes liées et les ventes avec primes, qui connaissent

aujourd’hui une modification fondamentale dans l’appréhension de leur interdiction.

La vente liée ou vente subordonnée est le procédé qui consiste à vendre un bien

simultanément à un autre dans le cadre d’un seul contrat sans qu’il soit possible

d’acheter l’un sans l’autre. La vente avec prime, à l’inverse, s’analyse en la vente d’un

produit donnant lieu à titre gratuit à l’acquisition d’un autre produit. Ces deux pratiques

sont interdites par la Code de la Consommation, pour ce qui est des échanges

commerciaux entre professionnels et consommateur au sens de ce texte. Elles sont à ce

jour sanctionnées pénalement par deux ans d’emprisonnement et 150 000 euros

d’amende.

8

Section 1 : La définition des pratiques de vente liée et de vente avec prime par le

code de la consommation avant la loi du 17 mai 2011

Avant que ces textes ne soient modifiés par la loi du 17 mai 2011 dite de

simplification et d’amélioration de la qualité du droit1, les articles L 122-1 et L 121-35

définissaient respectivement les pratiques de vente liée et de vente avec prime.

L’article L 122-1 du Code de la Consommation en son alinéa premier décrivait,

jusqu’à la réforme, l’infraction de vente liée comme le fait de : « subordonner la vente

d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre

produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle

d'un autre service ou à l'achat d'un produit. » L’idée est donc d’interdire la pratique

consistant pour un professionnel de conditionner la vente d’un produit à l’achat

simultané d’un autre produit ou à la souscription à une prestation de service par le

consommateur, de ne proposer un bien à la vente que dans une quantité imposée ou de

vendre comme un lot plusieurs produits distincts.

L’article L 121-35 du Code de la Consommation en son alinéa premier

définissait jusqu’à la même réforme la pratique interdite de vente avec prime dans les

termes suivants : « Est interdite toute vente ou offre de vente de produits ou de biens ou

toute prestation ou offre de prestation de services faite aux consommateurs et donnant

droit, à titre gratuit, immédiatement ou à terme, à une prime consistant en produits,

biens ou services sauf s'ils sont identiques à ceux qui font l'objet de la vente ou de la

prestation. » Ce texte visait donc à interdire les primes à l’achat lorsque celles-ci sont

gratuites (et non les primes auto-payantes, où une partie du prix de la prime est intégré

au prix d’achat) et ne vise pas le fait d’augmenter la quantité du même produit acheté en

premier lieu (de type « pour deux achetés, un offert »). Par ailleurs, cette interdiction

comportait des exceptions, énoncées en son alinéa deuxième, notamment si ces primes

sont des « menus objets » qui sont les objets dont le prix n’excède pas 7% du prix

Toutes Taxes Comprises du produit vendu lorsque celui-ci a une valeur inférieure ou

égale à 80 euros, et dont le prix n’excède pas 5 euros plus 1% du prix du produit lorsque

la valeur de celui-ci dépasse les 80 euros. On cherchait donc par-là à interdire une

pratique susceptible de perturber la motivation de l’acheteur qui réalise la transaction

1 LOI n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit

9

par l’ajout d’un élément qui ne correspond pas au produit vendu, ce qui a pour

conséquences de gonfler artificiellement la consommation et de fausser le jeu de la

concurrence sur le produit faisant l’objet du contrat, dont les caractéristiques propres

sont minimisées par l’ajout d’une prime.

Section 2 : L’origine de ces interdictions et leur évolution

L’interdiction de ces pratiques a son origine, en France, pendant la Seconde

Guerre Mondiale et les années qui l’ont suivie, à une période économique difficile et où

les « consommateurs » - anachronisme puisqu’à l’époque le concept tel que nous le

connaissons aujourd’hui n’avait pas encore fait son apparition en France - étaient de

manière générale en situation de faiblesse toute particulière. En effet, l’article L 122-1

du Code de la Consommation interdisant la vente liée a été créé par la loi du 21 octobre

1940, qui visait à lutter contre la pratique des commerçants qui, pour écouler leurs

invendus résultant de l’état de pénurie, subordonnaient la vente d’un produit l’achat

d’un autre produit. L’interdiction de la vente avec prime par l’article L 121-35 est

intervenue un peu plus tard, par la loi n° 51-356 du 20 mars 1951 venant interdire le

« système de vente avec timbres-primes ou tous autres titres analogues ou avec prime en

nature », qui étaient des vignettes délivrées lors de la vente de certains produits qui,

collectionnées par le consommateur, pouvaient être échangées contre des marchandises

ou de l’argent. On reprochait notamment à ces pratiques d’inciter l’acheteur à acheter

davantage, de fausser la concurrence loyale qui devrait se faire sur les caractéristiques

propres du produit, et de justifier une augmentation des prix ou au moins empêcher leur

baisse.

Au fil du temps et avec le développement de la société de consommation, les

consommateurs sont devenus moins fragiles par rapport à ce type d’offres parce qu’ils

souffraient moins de difficultés économiques et parce leurs achats se sont multipliés, ce

qui a conduit dans une certaine mesure à une libéralisation progressive de ces pratiques.

En ce qui concerne les ventes subordonnées, la règle prévue par l’article L 122-1 s’est

vue assouplir par son application par la jurisprudence, qui a parfois accepté certaines

pratiques qui auraient été condamnées selon une stricte application du texte. Pour les

10

ventes avec primes, cet assouplissement s’est fait par des réformes législatives telles que

celle opérée par l’ordonnance du 1er

décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la

concurrence, qui a limité le champ d’incrimination en y ajoutant des exceptions.

Même avec cette libéralisation, ces pratiques sont restées interdites pénalement

par le Code de la Consommation en principe, de sorte que ces pratiques ne pouvaient

être considérée comme licites qu’à titre exceptionnel. Ce n’est que très récemment, en

2009, que cette vision a été modifiée pour la première fois.

Section 3 : La modification de ces interdictions par la directive 2005/29/CE du 11

mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales2

Le législateur européen s’est fixé comme objectif d’unifier le traitement des

pratiques commerciales dans les différents Etats membres au moyen d’une directive

d’harmonisation maximale : la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales

déloyales. Ce type de texte a la particularité de ne pas laisser les Etats légiférer au-delà

ou en deçà des dispositions du droit européen : ils doivent s’en tenir aux prévisions de la

directive sans chercher à les rendre plus strictes ou au contraire moins contraignantes

lors de la transposition en droit interne.

§1 : L’interprétation de la directive par la Cour de Justice des Communautés

Européennes dans l’arrêt VTB-VAB du 23 avril 20093

La France, et d’ailleurs bien d’autres pays, n’a pas tout de suite vu la portée

exacte de la directive 2005/29 CE, et le législateur ne s’est pas rendu compte que par

2 PE et Cons. UE, dir. n° 2005/29, 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises

vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive n° 84/450/CEE du Conseil et les

directives n° 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n°

2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, ci-après la « directive sur les pratiques commerciales

déloyales» Voir la reproduction en annexe 1 de ce document, p. 94

3 CJCE, 23 avr. 2009, aff. jtes C-261/07, VTB-VAB NV et C-299/07, Galatea BVBA (JOUE n° C 199, 25 août

2007)

11

une harmonisation maximale, cette directive ne laissait plus de place aux interdictions

des pratiques commerciales ne correspondant pas à celles prohibées par le texte

européen. Il a donc fallu attendre pour cela une condamnation de la Belgique par la

Cour de Justice des Communautés Européennes pour l’interdiction de principe des

« offres conjointes », pratique qui s’apparente à la vente liée et à la vente avec prime,

dans une décision sur les affaires jointes « VTB VAB » et « Galatea BVBA » du 23

avril 2009.

Cet arrêt a bouleversé l’approche français du droit des pratiques déloyales

puisque c’est lui qui a mis en évidence le fait que ce droit est complètement géré par les

dispositions de la directive, et qu’il fallait s’y conformer depuis la fin du délai de

transposition (à partir du 13 juin 2007) alors même que les textes de droit interne ne

correspondaient pas à celui de la directive. Ainsi, on a vu à partir de 2009 des

juridictions françaises adopter le raisonnement de la directive en allant à l’encontre des

articles du Code de la Consommation cités ci-avant.

Le raisonnement à adopter en présence de tout type de pratique commerciale

accusée d’être déloyale est détaillé dans l’arrêt VTB VAB. Il s’agit donc tout d’abord de

s’assurer qu’il s’agisse d’une pratique commerciale d’une entreprise en direction du

consommateur conformément à la définition dans son article 2 d). Puis, pour déterminer

le caractère déloyal de la pratique, il faudra procéder à une analyse en trois étapes.

§2 : Le nouveau raisonnement imposé par la directive pour la condamnation des

pratiques commerciales déloyales

La directive dresse une liste dans son annexe 1 de 31 pratiques interdites en

toutes circonstances. Cette liste contient des pratiques qualifiées de trompeuses et

d’autres dites agressives, et les pratiques qui y figurent sont décrites avec un degré

important de précision. On pourra citer à titre d’exemple le point 9 de l’annexe qui

prévoit l’interdiction en toutes circonstances de la pratique trompeuse qui consiste à : «

Déclarer ou de toute autre manière donner l’impression que la vente d’un produit est

licite alors qu’elle ne l’est pas. », ou encore le point 24 qui prévoit la condamnation de

12

la pratique agressive constituée par le fait de « Donner au consommateur l’impression

qu’il ne pourra quitter les lieux avant qu’un contrat n’ait été conclu. »

A défaut de correspondre à l’une des pratiques listées en annexe, la pratique en

cause devra, avant de pouvoir être condamnée comme étant déloyale, faire l’objet d’une

appréciation concrète pour correspondre aux autres cas de déloyautés prévus par la

directive. L’arrêt VTB-VAB déclare justement que les ventes liées et les ventes avec

primes ne figurent pas dans cette liste, et devront, par conséquent, toujours faire l’objet

d’une analyse circonstanciée avant de pouvoir être condamnée. C’est là que s’opère le

changement de raisonnement : désormais, il ne s’agira plus de vérifier la conformité de

la pratique avec les définitions du Code de la Consommation, mais plutôt d’analyser les

éléments concrets entourant la pratique pour voir s’ils correspondent aux critères

d’appréciation des articles 5 à 9 de la directive, qui offrent des possibilités de

qualification de la déloyauté en fonction des conditions précisées par ces articles.

Dans un premier temps et toujours selon la Cour de Justice, il faudra rechercher

la correspondance entre la pratique et les définitions générales des pratiques

commerciales trompeuses et agressives donnée aux articles 6 à 9 de la directive.

L’article 6 donne une définition plus large des actions trompeuses, l’article 7 des

omissions trompeuses, l’article 8 des pratiques agressives et l’article 9 des pratiques

incluant le harcèlement, la contrainte ou l’influence injustifiée se rapprochant de l’idée

de l’agressivité4. Ces articles définissent les infractions mais citent également des cas

concrets où la pratique serait considérée comme déloyale. C’est certainement en raison

de ce degré de précision que l’on privilégie par rapport à l’article 5 l’appréciation en

fonction de ces articles : les pratiques qui y sont réprimées sont encore assez précises, et

ce sont les pratiques de nature à tromper le consommateur ou à le contraindre à

contracter.

En dernier lieu et en opposition avec l’interdiction de ces pratiques ciblées, on

doit rechercher le caractère déloyal d’une pratique en vertu de l’article 5.2 de la

directive, qui donne deux conditions cumulatives de la déloyauté : a) le fait pour la

pratique d’être contraire aux exigences de la diligence professionnelle, et b) le fait

qu’elle altère ou soit susceptible d’altérer substantiellement le comportement

économique du consommateur moyen auquel elle s’adresse. Ces conditions-ci sont

4 Pour les textes complets, voir la directive en annexe 1, p.94

13

beaucoup plus larges, et n’ont plus pour but d’interdire un type particulier de pratiques

non désirées par le législateur, mais plutôt de permettre aux Etats de continuer

d’interdire à titre subsidiaire et selon une approche casuistique des pratiques ne pouvant

pas rentrer dans les définitions des pratiques trompeuses et des pratiques agressives

pouvant néanmoins être considérées comme déloyales en vertu des conditions posées ici

comme étant la base de toute déloyauté.

§3 : La conséquence de ce nouveau raisonnement pour l’interdiction des ventes

liées et des ventes avec primes : la légalité de principe

Les pratiques qui nous occupent, soit la vente avec prime et la vente

subordonnée, devront donc désormais, selon l’arrêt VTB-VAB, passer par cette

appréciation concrète des articles 5 à 9 pour pouvoir être interdites, et toujours au cas

par cas. Ces pratiques sont donc en principe licites, à charge de prouver leur illicéité en

vertu de ces dispositions.

De manière à éclaircir la situation, le législateur français a pris acte de cette

modification importante du droit des pratiques déloyales par la réforme du 17 mai 2011,

en ajoutant à la fin du premier alinéa de chacun des articles du Code de la

Consommation concerné (article L 121-35 et L 122-1) l’expression : « dès lors que la

pratique en cause revêt un caractère déloyal au sens de l'article L. 120-1 », (l’article L

120-1 reprenant les conditions posées par l’article 5 de la directive). C’est donc acté,

pour qu’une vente avec prime ou une vente subordonnée puisse être condamnée en

France, il faudra d’abord qu’elle soit qualifiée comme étant déloyale au sens des

dispositions de la directive. Ainsi, par une modification subtile de ces textes

soixantenaires, le législateur français révolutionne à son tour la méthode de répression

des ventes liées et des ventes avec primes.

Cette modification législative de grande envergure dans le domaine des

pratiques déloyales pose la question de la condamnation à venir de ces pratiques. Pour

comprendre la direction prise par ce changement d’approche, on se demandera dans

quelle mesure ces pratiques seront désormais interdites en France.

14

Pour répondre à cette interrogation, on consacrera une première partie au

nouveau principe : la légalité des ventes avec primes et des ventes subordonnées (Partie

I), pour ensuite étudier l’exception : la condamnation de ces pratiques en tant que

pratiques commerciales déloyales (Partie II).

15

Partie I : Le principe de légalité des ventes liées et des ventes

avec primes : une approche libérale plus juste du droit

économique

Désormais, la vente avec prime et la vente liée sont en principe licites. C’est

maintenant inscrit dans le Code de la Consommation : il faut rechercher le caractère

déloyal d’une vente avec prime ou d’une vente liée avant de pouvoir les condamner au

visa respectivement des articles L 121-35 et L 122-1. Autrement dit, ces infractions

pénales ne seront plus condamnées qu’en tant que pratiques commerciales déloyales au

sens de la directive 2005/29/CE, parmi une multitude d’autres pratiques plus ou moins

spécifiques.

La nouvelle méthode d’analyse de ces pratiques est un raisonnement casuistique,

qui accorde à une situation concrète une importance qui transcende les interdictions

générales. Cette approche qui a donc été introduite en droit français par le droit

européen illustre une volonté de moderniser les droits nationaux à la conception

paternaliste de l’économie et de libérer la concurrence (Chapitre 1), ainsi qu’une

volonté d’éviter des condamnations arbitraires pour au contraire aller au bout de

l’intérêt du consommateur par une approche plus juste au plus près de la situation

concrète (Chapitre 2).

16

Chapitre 1 : Une approche plus libérale : la modernisation du droit de la

consommation favorable à la concurrence

Les articles L 121-35 et L 122-1 du Code de la Consommation sont non

seulement des textes pénaux à valeur sociale de protection des consommateurs, mais

peuvent également être invoqués en justice par les concurrents des accusés, constituant

ainsi de véritables gardes fous de la concurrence sur un marché. De ce fait, une

approche plus souple concernant les condamnations pouvant découler de ces textes met

le droit de la consommation en conformité avec l’étude des effets concrets des pratiques

restrictives de concurrence, (section 1), et contribue d’autre part à libérer la concurrence

(section 2).

Section 1 : Une approche concrète du droit de la consommation en adéquation avec

le droit de la concurrence

L’idée de l’appréhension concrète du droit n’est pas nouvelle dans la politique

législative européenne : le droit de la concurrence a connu, au cours de ces dernières

années, une révolution dans le sens de la l’adaptation à l’économie. En effet, ce droit

consiste à appliquer une règle juridique visant à encadrer une situation économique, et

se doit donc d’être proche de cette matière et de ses méthodes d’analyse. La directive

2005/29/CE traduit en fait cette approche dans le droit de la consommation, puisque les

pratiques commerciales qui affectent directement les consommateurs sont également

des éléments déterminants de la concurrence sur le marché.

La vente liée n’est pas qu’une infraction autonome du Code de la

Consommation : elle est également réprimée en tant qu’abus si elle est pratiquée par une

entreprise en position dominante, en vertu de l’article L 420-2 du Code de Commerce,

et peut donc, dans certaines circonstances, constituer une pratique anticoncurrentielle.

Sous cet angle concurrentialiste qui attache une importance croissante au contexte qui

entoure les faits jugés, l’appréciation de la vente liée a déjà été modifiée au cours de ces

dernières années par les instances européennes pour tenir compte des circonstances

17

concrètes de chaque espèce. Les institutions européennes ont donc déjà entamé la

modernisation de l’approche concurrentialiste de la vente liée (§1), et le nouveau

raisonnement de la directive 2005/29/CE transpose cette approche libérale dans le droit

consumériste (§2).

§1 : L’avènement européen de la modernisation de l’approche concurrentialiste de la

vente liée

Le tournant dans l’approche concurrentialiste des ventes liées s’est d’abord

manifesté dans la décision du Tribunal de Première Instance des Communautés

Européennes rendue le 17 sept. 2007 dans l’affaire opposant la Commission à la société

Microsoft5.

L’affaire concerne de nombreuses questions de droit de la concurrence,

notamment l’incrimination d’abus de position dominante dont la société Microsoft fait

l’objet. En effet, c’est au titre d’«abus » dans le cadre de sa position dominante sur le

marché que lui sont reprochées les autres pratiques litigieuses, dont la vente liée. On

compte parmi ces pratiques, la préinstallation de logiciels de tout type sur l’écrasante

majorité des ordinateurs, qui n’étaient pas uniquement des logiciels d’exploitation mais

également des logiciels de jeux ou du multimédia (par exemple Windows Media

Player), en rendant ainsi impossible l’acquisition d’un ordinateur sans logiciel Microsoft

préinstallé. Ce procédé était accusé de constituer une vente liée condamnée par le droit

des pratiques anticoncurrentielles au titre d’abus de position dominante de l’article 102

du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (le pendant européen de

l’article L 420-2 du Code de Commerce).

Dans cette décision, le Tribunal inaugure l’application de ce que l’on appelle

« la règle de raison », soit la détermination de la licéité de la pratique incriminée par

l’analyse au cas par cas de leurs effets économiques. L’objectif du Tribunal est en effet

de mettre un terme à la vision d’une vente liée qui n’aurait qu’à remplir les conditions

matérielles d’un texte pour être constituée. Jusque-là, on considérait que l’infraction de

5 TPICE, 17 sept. 2007, aff. T-201/04, Microsoft corp. c/ Commission : Contrats, conc. consom. 2007, 47, Focus

M. Debroux

18

vente liée se résumait à la réunion de conditions cumulatives : que la subordination

concerne deux produits distincts, que le produit liant soit en position dominante sur le

marché considéré, que le consommateur n’ait pas la possibilité d’acquérir l’un des deux

produits sans l’autre et que cela retreigne la concurrence sur le marché. Ces conditions

devaient donc toutes êtres réunies pour que l’infraction ne soit réalisée mais une fois

remplies, la pratique était condamnée : la vente liée ainsi définie était interdite en soi.

La méthode utilisée par le Tribunal pour caractériser la vente liée est modifiée

dans ce jugement, dans un premier temps par la recherche de l’« effet concret » de ces

pratiques sans présumer de l’illicéité d’une vente liée qui remplirait les conditions

énumérées ci-avant (A), puis par l’ajout d’une autre condition à la condamnation :

l'absence de justification objective au comportement reproché (B).

A) La recherche de l’effet concret de la vente liée, rupture avec l’interdiction

systématique en cas de correspondance entre la pratique incriminée et les

conditions de l’infraction

Le Tribunal salue dans ce jugement la méthode utilisée par la Commission, qui

ne s’est pas contentée de rechercher si les faits reprochés à Microsoft étaient constitutifs

d’une vente liée selon les seuls critères cités, mais a, en plus de cela, rajouté comme

condition de la répression de ces pratiques le fait que celle-ci soit effectivement néfaste

pour la concurrence dans le cas concret.

Cette approche correspond à une nouvelle ère pour le droit européen de la

concurrence : on voit la volonté des juristes de se rapprocher le plus possible des

considérations d’ordre économique, puisque c’est une avant tout une situation

économique que ce droit régule. Le professeur David Bosco commentera cet arrêt en

affirmant que la décision s’inscrit dans une « approche économique de l’abus »6. En

effet, c’est l’époque où la Commission cherche à mettre en place des règles de

concurrence qui sortent de la rigidité purement juridique pour s’adapter à un droit basé

6 Contrats Concurrence Consommation n° 11, Novembre 2007, comm. 279 : Abus de position dominante de

Microsoft : le Tribunal de première instance confirme... et Microsoft se soumet ! Commentaire par David

BOSCO

19

avant tout sur des notions économiques. Elle estime que cette matière pragmatique

mérite, avant de dégager une solution juridique, une étude des situations concrètes.

Les juges européens mènent ce raisonnement dans cet arrêt de 2007, en

recherchant en fonction des données de l’espèce la restriction de concurrence

supposément causée par la vente liée de Microsoft. Voici un extrait de la décision

(points 1088 et 1089) qui illustre cette appréciation concrète :

« 1088 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la conclusion finale que

la Commission formule, aux considérants 978 à 984 de la décision attaquée, à propos

des effets anticoncurrentiels de la vente liée en cause est bien fondée. C’est, en effet, à

bon droit que la Commission y relève les éléments suivants :

– Microsoft utilise le système d’exploitation Windows pour PC clients comme canal de

distribution afin de s’assurer un avantage concurrentiel considérable sur le marché des

lecteurs multimédias (considérant 979 de la décision attaquée) ;

– du fait de la vente liée en cause, les concurrents de Microsoft se trouvent a priori dans

une position désavantageuse, et ce même si leurs produits devaient présenter des

qualités intrinsèques supérieures à celles de Windows Media Player (même

considérant) ;

– Microsoft fausse le processus normal de la concurrence qui profiterait aux

consommateurs en rendant possibles des cycles d’innovation plus rapides sous

l’action d’une concurrence sans entrave fondée sur les mérites (considérant 980 de la

décision attaquée) ;

– la vente liée en cause renforce les barrières à l’entrée liées au contenu et aux

applications, qui protègent Windows, et facilite l’apparition de barrières à l’entrée

similaires en faveur de Windows Media Player (même considérant) ;

– Microsoft se préserve de la concurrence effective que pourraient lui opposer des

éditeurs de lecteurs multimédias potentiellement plus efficaces et réduit de la sorte les

talents et le capital investis dans l’innovation en matière de lecteurs multimédias

(considérant 981 de la décision attaquée) ;

20

– par la vente liée en cause, Microsoft peut étendre son emprise sur les marchés de

logiciels multimédias adjacents et y affaiblir la concurrence effective, au détriment des

consommateurs (considérant 982 de la décision attaquée) ;

– par la vente liée en cause, Microsoft envoie des signaux qui découragent l’innovation

dans toutes les technologies auxquelles elle pourrait un jour s’intéresser et qu’elle

pourrait coupler à Windows à l’avenir (considérant 983 de la décision attaquée).

1089 En conséquence, la Commission était fondée à exposer, au considérant 984 de la

décision attaquée, qu’il existait un risque significatif que la vente liée de Windows et

de Windows Media Player conduise à un affaiblissement de la concurrence tel que le

maintien d’une structure de concurrence effective ne soit plus assuré dans un proche

avenir. »

Cet extrait, et notamment la référence constante à la vente liée, est très

significatif des considérations concrètes de l’effet des ventes liées dans le contexte de la

vente de logiciels par Microsoft sur ce marché précis et par rapport à la position de la

société sur le marché. De plus, le Tribunal considère aussi l’usage fait par Microsoft de

cette pratique, et ce n’est que postérieurement à cette étude qu’il en vient à la conclusion

qu’effectivement, la vente liée telle que pratiquée par Microsoft est de nature à

restreindre la concurrence sur ce marché.

C’est donc dans ce contexte de modernisation du droit de la concurrence que le

Tribunal de Première Instance consacre, dans cette décision, une approche concrète en

matière de vente liée anticoncurrentielle en allant expressément à l’encontre d’une

condamnation per se de la pratique, conditionnée par la seule conformité aux critères de

définition théorique de la vente subordonnée.

Le deuxième aspect de cette décision qui renforce l’idée d’une appréciation in

concreto des situations de ventes liées est la recherche de justifications objectives de la

pratique en cause.

21

B) La recherche de justifications objectives à la pratique en cause

Dans les paragraphes 869 et 1091 et suivants de la décision, le Tribunal pose

expressément une autre condition dans l'appréciation de la vente liée : l'absence de

justification objective au comportement reproché. Il subordonne ainsi toute

condamnation pour vente liée à l’absence de telles justifications.

La recherche de ce que l’on appelle des « justifications objectives », se traduit en

pratique par le fait de donner à l’entreprise accusée la possibilité de trouver des

arguments de défense alors que la Commission a déjà établi qu’en l’espèce le

comportement a pour effet de restreindre la concurrence sur le marché : il s’agit de

justifier la restriction de concurrence en attirant l’attention sur ses effets positifs. Ces

arguments doivent constituer des « efficacités positives », du même type que celles que

l’on recherche dans le but d’exempter au cas par cas les ententes illicites. On retrouve

comme grands types de gains d’efficacité, d’une part, les effets positifs de la pratique

sur la situation du consommateur : la baisse des prix, une meilleure qualité du service

ou du produit, davantage d’informations, une utilisation facilitée du produit. D’autre

part, il existe des gains d’efficacité pour l’entreprise dans son système de production par

exemple, le fait que la pratique la rende plus compétitive. On peut citer ici l’affaire qui

opposait en 2005 TPS à Canal Plus devant le Conseil de la Concurrence7. La société

Canal + pratiquait des remises de couplage, c’est-à-dire qu’elle offrait une remise sur le

prix total des abonnements lorsque le consommateur en choisissait deux au lieu d’un

seul. Le Conseil a cependant jugé que le fait que Canal + réduisait ses coûts en ne

vendant qu’un seul décodeur pour deux abonnements constituait un gain d’efficacité de

nature à pouvoir justifier la pratique restrictive de concurrence.

Le fait d’accorder cette justification du comportement même après la

qualification de vente subordonnée restrictive de concurrence en fonction des

circonstances de l’espèce est une démonstration forte de la volonté de ne condamner les

ventes liées que lorsqu’elles sont véritablement néfastes et qu’elles n’apportent rien au

consommateur et à la concurrence. On va encore plus loin dans ce sens, puisque l’on

affirme par-là que non seulement la vente liée est licite par principe, mais que même

7 Décision n° 05-D-13 du 18 mars 2005 relative aux pratiques mises en œuvre par le groupe Canal Plus dans le

secteur de la télévision à péage

22

dans des cas où les circonstances concrètes appelleraient à la condamner, elle pourra

être considérée comme étant licite du fait des considérations d’efficacité. Cette méthode

d’évaluation assied définitivement la licéité de principe des ventes subordonnées dans

leur approche concurrentialiste.

Par l’ajout de cette condition à la répression des ventes liées, le Tribunal affirme

d’autant plus la légalité des ventes liées. En effet, il ne s’agit plus de poser le principe

de légalité en conditionnant la condamnation à des considérations liées aux

circonstances de l’espèce, mais au-delà de cela, on a ajouté une condition négative à

l’incrimination : il faudrait donc, à l’inverse du raisonnement tenu jusqu’ici,

véritablement chercher à dédouaner le comportement, trouver des « excuses » au

recours à cette méthode de vente.

Il est par ailleurs important de souligner que même si cette approche est moins

répressive pour la vente liée, elle n’éradique pas complètement son interdiction. La

preuve en est que dans l’affaire Microsoft précitée, le TPICE a condamné la société

pour cet abus même après avoir mené le raisonnement pratique qu’on a décrit.

Le nouveau raisonnement prôné par la directive de 2005 sur les pratiques

commerciales déloyales correspond à la transposition dans le droit consumériste de cette

approche libérale.

§2 : Le nouveau raisonnement de la directive 2005/29/CE : la transposition de cette

approche libérale dans le droit consumériste

Au vu de la manière qu’a eu le Tribunal de Première Instance des Communautés

Européennes de traiter les ventes liées anticoncurrentielles abus de position dominante,

il n’est pas surprenant que soit modifié le droit de la consommation concernant ces

pratiques, de manière à suivre la volonté d’instaurer un droit le plus proche possible des

réalités économiques du marché intérieur.

23

Dans l’unification des différents droits nationaux que la directive opère par une

harmonisation maximale, l’objectif poursuivi n’est pas l’abolition de ces interdictions,

mais l’assouplissement de la méthode d’analyse de manière à correspondre au

raisonnement tenu en droit de la concurrence. Le rapprochement entre ces deux matières

est de plus en plus évident, comme le droit de concurrence a pour objet de réguler le

marché et pour effet de protéger le consommateur ; alors que le droit de la

consommation a pour objet de protéger le consommateur et pour effet de réguler le

marché.

En effet, la directive 2005/29/CE conserve une possibilité d’interdire ces

pratiques. Le législateur européen n’a pas pour objectif la légalisation inconditionnelle

de ces pratiques, la preuve en est que dans le « Programme préliminaire de la

Communauté économique européenne pour une politique de protection et d’information

des consommateurs »8 publié au Journal Officiel du 25 avril 1975, la Commission

affirmait que la vente avec prime était une pratique abusive à l’égard des

consommateurs, et qu’elle entendait protéger ces derniers contre ce procédé de vente.

Par ailleurs, on notera que même avec une approche extrêmement libérale de

l’appréciation de la licéité des ventes liées décrite au §1, cela n’a pas empêché la

condamnation de Microsoft par les juridictions européennes à plusieurs reprises au

cours des dernières années pour avoir eu recours à de telles pratiques abusives.

Il s’agit donc d’adapter le droit de la consommation à la nouvelle méthode

d’évaluation des pratiques en droit de la concurrence. Le droit de la consommation est

un droit qui influence fortement les échanges et l’économie. Il a vocation à protéger les

consommateurs, mais en imposant les règles aux professionnels, il restreint et dirige les

échanges sur le marché et délimite l’activité des professionnels au moyen d’obligations

et d’interdictions plus ou moins générales. De plus, les concurrents qui suivent les

dispositions légales à leur frais et parfois à leur détriment peuvent aussi engager une

action à l’encontre des professionnels qui n’observeraient pas leurs obligations légales.

Ainsi, le droit de la consommation va au-delà de sa finalité première pour devenir un

enjeu majeur dans la régulation des échanges. C’est pour cette raison que la

Commission Européenne y a accordé autant d’importance pour la construction du

8 Programme préliminaire de la Communauté économique européenne pour une politique de protection et

d'information des consommateurs publié au Journal Officiel du 25 avril 1975 - Numéro C 92 - Page 2

24

marché intérieur, et c’est aussi pourquoi il doit impliquer, avant toute interdiction

générale, une analyse de la situation du professionnel mis en cause, d’une part pour faire

face aux difficultés spécifiques des acteurs sur le marché, d’autre part pour appréhender

le plus justement possible les effets indésirables des pratiques dans des circonstances

concrètes. On veut apporter une mesure aux interdictions dont font l’objet les

professionnels, en adaptant les interdictions à l’importance de leurs effets sur les

consommateurs et sur leurs concurrents.

Ce droit doit donc suivre une approche aussi concrète que celle qui est

aujourd’hui caractéristique du droit de la concurrence dans l’Union Européenne, et

n’exister que dans une grande proximité avec l’économie. Dans les points 80 et 81 de

ses conclusions dans l’affaire « Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV »

rendues le 3 septembre 20099, l’avocat général Trstenjak avance même l’idée d’imposer

dans le droit de la consommation un « seuil de minimis » similaire à celui du droit de la

concurrence notamment dans le domaine des ententes et des concentrations, dans le but

de s’assurer de l’impact réel sur les consommateurs en fonction de la catégorie de

personnes protégée. Cette idée est en effet très présente dans la nouvelle méthode

prônée par la directive, puisqu’au moment de fixer les critères de la déloyauté, la

directive retient qu’il faut le faire en fonction d’une « altération substantielle du

comportement du consommateur ». Cet adjectif rappelle les qualificatifs des effets de la

restriction de concurrence sur le commerce entre Etats membres, qui doit être

« significative » pour attirer l’attention du juge européen. De même, l’arrêt de la Cour

de Cassation dans l’affaire « Orange Sports »10

en application du nouveau raisonnement

valide la vente liée au motif qu’elle : « n'était pas de nature à compromettre

sensiblement l'aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de

cause ». La Cour évoque ici clairement l’idée qu’avant de condamner une pratique, on

doit d’abord vérifier que ses effets sur le consommateur soient assez conséquents pour

le justifier. Elle transpose ainsi en droit de la consommation de la question de la

« sensibilité » de la restriction de concurrence causée par une pratique.

9Conclusions de l’avocat général Trstenjak présentées le 3 septembre 2009. Cour de Justice des Communautés

Européennes 3 septembre 2009 C‑304/08, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV c/ Plus

Warenhandelsgesellschaft mbH

10

Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-15.304 et 09-66.970, FS-P+B, Free et SFR c/ France Télécom, Orange sports

et Ligue nationale de football : JurisData n° 2010-011628

25

Par ailleurs, ce changement de méthode correspond aux principes fondamentaux

de la jurisprudence européenne. Dans son considérant 6, la directive pose expressément

que « Conformément au principe de proportionnalité, la présente directive protège les

consommateurs des conséquences de ces pratiques déloyales dès lors qu’elles sont

substantielles, tout en reconnaissant que, dans certains cas, ces conséquences sont

négligeables. » Il s’agit donc de privilégier la liberté des échanges sur une approche

rigoriste qui tient à suivre aveuglément un principe sans attacher l’importance qui lui est

dû à l’impact véritable de la pratique sur le consommateur et sur le marché. En effet, le

principe de proportionnalité, principe essentiel d’appréciation du droit européen,

recommande d’analyser un texte de nature à restreindre les échanges entre Etats

Membres en mettant en balance les intérêts protégés et l’ampleur de l’interdiction. Lors

de cette analyse, on répond à la question de savoir si une protection efficace de ces

intérêts n’aurait pas pu être réalisée par une disposition moins restrictive. Le nouveau

raisonnement imposé par la directive est donc une transposition du principe de

proportionnalité, principe fondamental du droit européen, dans le droit de la

consommation français. On vise à chercher un équilibre entre la protection et

l’interdiction absolue, à trouver un juste milieu qui correspond aux circonstances de

l’espèce.

Le changement législatif opéré sous l’impulsion des institutions de l’Union

Européenne sur les ventes avec primes et sur les ventes subordonnées dans le cadre du

droit de la consommation constitue donc une nécessaire mise en conformité de ce droit

avec un raisonnement concret lié à l’économie et au marché, parallèlement à une

évolution similaire du droit de la concurrence auquel il s’apparente. En plus de

coïncider avec le droit de la concurrence, ce nouveau droit de la consommation est

favorable à la concurrence.

26

Section 2 : La légalité de principe des ventes avec primes et des ventes

subordonnées : une libéralisation de la concurrence dans le marché

commun

Pour permettre de comprendre l’évolution du raisonnement à l’égard de la

concurrence, nous devons dans un premier temps nous pencher sur les considérations

dirigistes qui avaient conduit à interdire les ventes liées et les ventes avec primes per se

(§1), pour ensuite mettre en évidence le fait que le changement de méthode favorise

également le jeu de la concurrence (§2).

§1 : Retour sur les considérations dirigistes ayant conduit à une interdiction per se des

ventes liées et des ventes avec primes

L’idée d’avoir un droit flexible et adaptable se distingue de l’intention des

rédacteurs des textes législatifs qui ont fondé, depuis plus d’un demi-siècle,

l’interdiction des ventes avec primes et des ventes subordonnées.

Même si ces pratiques ne sont généralement pas, à elles seules, de nature à faire

disparaître complètement la concurrence sur un marché comme le seraient des cartels ou

des abus de position dominante, elles ont été défendues en France au nom de la

protection de la concurrence, comme étant contraires aux résultats attendus dans des

situations de concurrence. On estimait alors que si, en ayant recours à ces pratiques, on

se faisait concurrence, on se faisait mal la concurrence, autrement dit une concurrence

déloyale. En effet, pour la vente avec prime, il s’agit de promouvoir la vente d’un

produit ou la prestation d’un service en attirant le consommateur au moyen d’une prime

annoncée comme étant gratuite, et pour la vente liée, de vendre plus en ne permettant

l’achat d’un produit qu’à la condition de l’achat d’un autre produit. Dans les deux cas,

le succès commercial du vendeur n’est pas dû aux mérites des produits vendus, mais à

leurs modalités de vente, plus ou moins honnêtes si elles précipitent ou faussent la

décision du consommateur, d’une part, ou si elles vont d’autre part jusqu’à contraindre

celui-ci à acheter un produit qu’il ne souhaitait pas acquérir. Or la concurrence, pour

27

continuer de correspondre à la conception européenne d’une concurrence pour le

progrès conformément aux idées à l’Ecole de Harvard reprises en Europe, doit avoir lieu

de manière à ce que la différence entre les chiffres d’affaires s’explique par de meilleurs

produits, une plus grande qualité, des services plus efficaces, des prix plus faibles ; et

non sur les astuces qui incitent les consommateurs à consommer davantage.

Il ne serait cependant pas incongru de se demander jusqu’où ces pratiques

divergent avec le but du progrès qu’on a décrit. N’existe-t-il pas des milliers de formes

de ventes avec primes et de ventes liées, non seulement en ce qui concerne les produits

qu’elles associent, mais aussi – et surtout – en ce qui concerne le contexte économique

qui les entoure : qui les met en œuvre, et sur quel marché ? La question qu’on se pose

dans ce changement de raisonnement, c’est : peut-il être juste d’écrire à titre définitif,

dans un texte législatif – et pénal, qui plus est – que de telles pratiques sont toujours

contraires à ce que l’on attend d’une situation de concurrence, même en prévoyant une

série d’exceptions ?

La Cour de Justice répond indirectement à cette question dans l’arrêt VTB-VAB

du 23 avril 2009 et dans ceux qui suivront en imposant aux législateurs européens (dont

un certain nombre avaient légiféré comme la France, notamment la Belgique,

condamnée dans cet arrêt déterminant) une approche concrète de ces situations, tout en

conservant comme mesure de la nocivité de ces pratiques la faculté pour le

consommateur de faire un choix véritablement avantageux, puisque, selon la directive,

l’un des critères de la déloyauté est justement l’altération du comportement du

consommateur par la pratique commerciale. Ce critère se rapproche des raisons citées

plus haut qui avaient conduit les législateurs à interdire ces pratiques dans un premier

temps, car il s’agit de vérifier que le consommateur a choisi en connaissance de cause :

pour déterminer si la pratique est déloyale : on s’en remet au jugement éclairé du

consommateur, ce qui équivaut à défendre les meilleures offres.

Certes, il faut rappeler que même si cela n’avait pas été le cas pour l’interdiction

des ventes à primes, la jurisprudence française avait déjà pris l’initiative d’assouplir la

condamnation des ventes liées en validant dans certaines espèces ces pratiques en

fonction de la situation concrète. En effet, dès 1981, le Tribunal de Grande Instance de

Paris avait jugé qu’une entreprise pouvait assortir son quotidien d’un supplément sans

tomber sous le coup de l’infraction de vente subordonnée car le supplément formait un

28

produit unique avec le journal11

. D’autres juridictions ont utilisé l’exception générale de

« l’intérêt du consommateur » pour valider de telles ventes : par exemple, le Tribunal de

Police de Paris avait pris en compte le « besoin du consommateur courant » en matière

de ventes subordonnées dans le secteur des transports.12

Cependant, même si cela

suffisait à mettre le droit français en conformité avec le droit européen puisque

l’appréciation de cette conformité se fait en considérant à la fois les textes législatifs et

l’interprétation qui en est faite par le juge interne comme l’a affirmé la Cour de Justice

dans l’arrêt Von Colson13

, cette situation était peu justifiable au sens des principes

fondamentaux du droit pénal. Le principe de légalité des délits et des peines impose en

effet que les textes répressifs soient précisément écrits, que les incriminations soient

clairement délimitées, et que pour chacune d’entre elles une sanction soit définie à

l’avance. De plus, comme le rappelle le professeur Stoffel-Munck dans un article de

200814

, la loi pénale est d’interprétation stricte, et les magistrats devraient en principe se

tenir aux textes. C’est en ce sens qu’on peut saluer l’inscription dans les textes de ce

changement de méthode par la réforme du 17 Mai 2011 modifiant les articles L 122-1 et

L 121-35 du Code de la Consommation qui a rajouté aux textes préexistants la

recherche de la déloyauté de la pratique avant toute condamnation.

En suivant ce raisonnement, on est passé d’un état de rigidité héritier du

dirigisme économique d’après–guerre à une approche souple permettant d’être en phase

avec l’économie, qui ne peut s’analyser qu’en fonction des indicateurs concrets.

Le changement de perspective entamé par la Cour de Justice dès avril 2009 a

immédiatement été repris, sur le terrain de la concurrence, par les juges français qui ont

11

TGI Paris, 27 mai 1981, Madame Figaro

12

T. pol. Paris, 7 mars 1997

13

CJCE, 10 avr. 1984, aff. 14/83, Sabine von Colson : Rec. CJCE 1984, p. 01891 : « L'obligation des États

membres, découlant d'une directive, d'atteindre le résultat prévu par celle-ci, ainsi que leur devoir, en vertu de

l'article [267] du Traité [sur le Fonctionnement de l’Union Européenne] de prendre toutes mesures générales

ou particulières propres à assurer l'exécution de cette obligation, s'imposent à toutes les autorités des États

membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles »

14

Communication Commerce électronique n° 10, Octobre 2008, comm. 115 « Vente liée et logiciels préinstallés:

la préinstallation est une pratique légitime mais le prix des licences de logiciels doit-il apparaître

distinctement? » Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK

29

eu l’occasion de démontrer que le but poursuivi par l’interdiction rigide était également

défendu par une plus grande souplesse dans l’appréhension de ces techniques de vente.

§2 : Un changement de méthode favorable à la concurrence

C’est dans l’affaire dite « Orange Sport » que les juges français ont pour la

première fois pu faire application de l’appréciation in concreto d’une situation de vente

liée dans un contexte purement concurrentiel dans l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du

14 Mai 200915

(partiellement reproduit en annexe 2 de ce document, p.120), soit tout

juste après que l’arrêt VTB-VAB ait été rendu par la Cour de Justice. Cet arrêt vient

infirmer un jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 23 février 2009 qui

condamnait au contraire la pratique comme étant une vente liée interdite par l’article L

122-1 du Code de la Consommation.

Il s’agissait de la société France Télécom, qui proposait le service Orange Foot

mais uniquement aux abonnés « triple play » de sa marque Orange. Pour accéder à ce

service, il fallait donc absolument avoir préalablement contracté l’abonnement

d’internet haut débit d’Orange, qui comprenait également des chaînes de télévision et la

téléphonie fixe. L’impact de cette pratique était d’autant plus important qu’Orange avait

obtenu, suite à un appel d’offre, les droits exclusifs sur trois des douze lots de la Ligue

de football professionnel concernant la diffusion des championnats de football de la

ligue 1.

Des concurrents d’Orange proposant eux-mêmes des abonnements internet triple

play, les sociétés Free et Neuf Cégétel (cette dernière ayant été absorbée par SFR entre

temps), ont intenté une action contre France Télécom pour la vente subordonnée du

service Orange Foot (qui permettait de suivre les matchs de ligue 1 en direct, à

l’exclusion de toute autre chaîne en France) à l’abonnement triple play chez Orange.

Considérant que l’offre Orange Foot et l’abonnement en soi étaient deux produits

15

CA Paris, 5e ch., 14 mai 2009, SA France Telecom et SA Orange Sports c/ SAS Free et SA Neuf Cegetel

(absorbée par SFR), avec les interventions volontaires de l'assoc. « La Ligue de Football professionnel », de

l'assoc. nationale des ligues de sport professionnel et du min. Éco., Industr. et Emploi (DGCCRF Paris) :

JurisData n° 2009-003817

30

distincts, les juges du Tribunal de Commerce de Paris16

ont statué en première instance

en faveur des concurrents de la société Orange et ont condamné cette dernière, en lui

enjoignant sous astreinte la cessation de la subordination de l’accès à sa chaîne Orange

Foot à l’abonnement internet haut débit chez Orange.

L’arrêt d’appel, on l’a dit, vint infirmer ce jugement, suite à l’énoncé de la

nouvelle méthode par la jurisprudence VTB VAB rendue par la Cour de Justice des

Communautés Européennes le 23 avril 2009 et expressément citée par les juges de la

Cour d’Appel de Paris dans leur décision. Les concurrents ont en effet dans un premier

temps assis leur argumentation sur l’article L 122-1 du code de la consommation, article

prohibant la pratique des ventes subordonnées. L’argument fondé sur ce seul article a

été justement écarté par les juges d’appel qui ont rappelé la conséquence de la décision

novatrice de la Cour de Justice, toute récente à l’époque. A ce titre, la Cour rappelle

qu’il n’y a pas lieu de considérer l’interdiction posée par la loi française de manière

absolue, mais qu’il faut, pour être en conformité avec le droit européen, que

l’appréciation de ce texte soit faite à la lumière des critères posés par la directive. En

d’autres termes, l’interdiction posée par le droit français ne constitue plus une infraction

autonome, mais est conditionnée par les dispositions de la directive qui définissent le

caractère déloyal de la pratique dont dépend entièrement la condamnation.

Les juges du fond ont donc procédé à une analyse in concreto de la pratique en

fonction des critères de la directive et des arguments des concurrents SFR et Free. Ces

derniers ont, entre autres, invoqué le caractère agressif de la pratique, la rendant ainsi

déloyale en vertu de l’article 8 de la directive. Cette allégation a été rejetée par la Cour

d’Appel, mais on s’arrêtera sur la question de la contrainte énoncée à l’article 8 de la

directive comme étant le facteur déterminant de la pratique commerciale agressive.

Celui-ci dispose en effet qu’une pratique est agressive lorsque : « elle altère ou est

susceptible d’altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte,

(…), la liberté de choix du consommateur moyen à l’égard d’un produit, et, par

conséquent, l’amène à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise

autrement. » Ce texte renvoie à l’idée qu’une pratique peut être qualifiée d’agressive si

elle exerce une contrainte de nature à fausser la liberté du consommateur dans son choix

16

T. com. Paris, 23 févr. 2009, Free et Neuf Cegetel c/ France Télécom et Orange Sports, RG 2008/078679

31

commercial en faveur de tel ou tel produit. Les concurrents d’Orange évoquent donc

l’argument de la contrainte pour justifier la déloyauté de la pratique.

En réalité, on peut ici rapprocher cette idée de contrainte avec l’idée même qui

était à la base de l’interdiction per se des ventes subordonnées. En effet, l’un des

reproches majeurs qu’on a pu faire à ces pratiques, c’est qu’en liant l’achat d’un produit

à celui d’un autre produit, on restreint la liberté du consommateur, qui se voit alors

obligé, pour réaliser la transaction qu’il souhaite effectuer, à en faire une autre, ce qui

s’apparente à une vente forcée. C’est bien en l’espèce ce qui a pu choquer dans la

subordination d’Orange Foot à l’abonnement internet chez Orange : le consommateur

devra, pour accéder au produit dont il désire bénéficier, résilier son abonnement

éventuel chez un autre opérateur et ensuite contracter celui d’Orange, pour finalement

avoir accès au service qu’il désirait acquérir : la chaîne Orange Foot.

C’est à cet endroit-là que l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris fait intervenir

l’enjeu concurrentiel des pratiques. Pour affirmer qu’il ne s’agit pas là d’une contrainte

au sens de l’article 8, les juges repoussent les limites entre la déloyauté et le libre jeu de

la concurrence, en déclarant que ce que les concurrents d’Orange qualifiaient de

contrainte à la décision du consommateur n’est autre qu’une méthode de différenciation

des produits visant à les rendre plus compétitifs.

La Cour s’efforce ici de tenir un raisonnement concret, prenant en compte la

situation du marché sur lequel on se trouve. Elle retient que sur le marché de

l’abonnement internet-téléphonie-télévision, il est difficile de mettre en avant ses

produits et services d’une autre manière que par une concurrence sur les prix. En effet,

la distinction entre les différentes offres est faible dans le sens où le consommateur

moyen a des besoins limités dans ces domaines et où le degré de concurrence élevé sur

ce marché conduit les différents opérateurs à faire des offres similaires à des prix

comparables. Pour les juges d’appel – et c’est là que se confirme l’idée que la

libéralisation du droit de la concurrence est un enjeu majeur de cette réforme du droit de

la consommation - le fait d’offrir une chaîne avec des programmes que les autres

opérateurs ne sont pas en mesure de proposer constitue en réalité un rare argument de

vente dans ce secteur, et vise à rendre son abonnement plus attractif en le différenciant

des offres que pourraient proposer les concurrents. La Cour d’Appel insiste d’ailleurs

sur le fait que l’exclusivité obtenue par la société France Télécom s’est faite à la suite

32

d’un appel d’offre qu’elle a remporté en proposant d’investir une somme plus élevée

que ses concurrents.

Le pourvoi formé par la suite par les sociétés SFR et Free en cassation de cette

décision a été rejeté par la Chambre Commerciale le 13 juillet 201017

, qui retient la

validité des arguments de la Cour d’Appel. Elle affirme, pour fonder ce rejet, que « dans

le cadre de la concurrence qu'ils se livrent, tous les fournisseurs d'accès à internet

s'efforcent d'enrichir le contenu de leurs offres pour les rendre plus attractives par (…)

l'acquisition de droits exclusifs sur des contenus audiovisuels cinématographiques ou

sportifs événementiels. » La juridiction suprême adopte donc la même position en

soutenant que la pratique d’Orange est davantage un facteur de concurrence qu’une

pratique restrictive de concurrence.

C’est bien là l’expression de la concurrence par les mérites, que l’on avait voulu

protéger par un texte répressif d’interdiction pure et simple. En effet, pour défendre la

légalité de cette pratique en vertu de la directive, les juges du fond s’appuient sur le

contexte du marché en cause pour affirmer que la subordination ne s’apparente plus à

une pratique restrictive de concurrence, et que même si la pratique présente les

caractères qui, sous l’empire du seul article L 122-1 du Code de la Consommation,

auraient suffi à constituer l’infraction, la situation concurrentielle dans le secteur fait de

cette subordination un critère de différenciation des offres de nature à accroître la

concurrence sur le marché. Ce procédé, dans ce cas concret et en tenant compte des

spécificités du marché étudié, constitue déjà une preuve qu’Orange a voulu se

démarquer de ses concurrents, en proposant un meilleur produit, plus attractif. On en

revient donc à l’idée de la concurrence dans le but du progrès économique, où celui qui

fait le plus de vente est nécessairement celui qui propose l’offre la plus avantageuse

pour le consommateur, bien loin de constituer une contrainte sur ce dernier. Les

décisions de la Cour d’Appel et de la Cour de Cassation sur cette affaire retentissent

comme une réponse au passé législatif de l’interdiction, en démontrant que le but de la

concurrence peut également être atteint en déclarant licite la vente liée.

La nouvelle définition de ces infractions a donc permis d’appréhender la vente

subordonnée comme étant un facteur de concurrence plutôt qu’une restriction de celle-

17

Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-15.304 et 09-66.970, FS-P+B, Free et SFR c/ France Télécom, Orange

sports et Ligue nationale de football : JurisData n° 2010-011628

33

ci, et a permis aux juges français de reconnaître qu’il ne s’agit pas là de libérer la

concurrence pour la libérer, mais qu’au contraire la libéralisation peut également

contribuer à une « bonne » concurrence, celle où ceux qui remportent la compétition

sont véritablement les plus efficaces.

La légalité de principe des ventes liées et des ventes avec primes contribue non

seulement à l’établissement d’un droit plus libéral conforme à une volonté d’assouplir

les règles du marché pour les rendre plus en phase avec les réalités de ce dernier, mais

se traduit également par la mise en place d’un droit plus juste, qui confère une place

importante à l’intérêt du consommateur dans le cadre de l’exercice de ces pratiques.

34

Chapitre 2 : Une approche plus juste : l’appréciation casuistique au service

de l’intérêt du consommateur

La place occupée par l’intérêt du consommateur dans la réforme est double :

premièrement, l’objectif du texte sur les pratiques commerciales déloyales est resté le

même du point de vue du consommateur puisqu’il vise sa protection (section 1) ;

deuxièmement, l’intérêt du consommateur occupe depuis la directive une place

autonome puisqu’on le considère comme un point de référence pour interdire les

pratiques de ventes liées et de ventes avec primes (section 2).

Section 1 : La conservation du but premier de l’interdiction : la défense des

intérêts des consommateurs

Le nouveau raisonnement de la directive 2005/29/CE a pour objet de défendre

les intérêts des consommateurs : par la méthode utilisée, car cette harmonisation des

droits européens est protectrice du consommateur (§1), par la nature de la règle

imposée, car en mettant en place une règle souple, elle cherche à se conformer aux

besoins des consommateurs (§2), et par les conséquences de la réforme sur la

concurrence , car un accroissement de concurrence est favorable à l’expression de

l’intérêt du consommateur (§3).

§1 : Une harmonisation des droits européens protectrice du consommateur

L’un des objectifs de la directive 2005/29/CE est l’élimination des barrières

juridiques aux échanges dans l’espace économique du marché intérieur. Cet objectif est

affirmé notamment dans les considérants de cette directive, qui énoncent comme l’un

des buts poursuivi par le texte celui de réduire les entraves au commerce transfrontalier.

En effet, le droit de la consommation ne s’est pas développé de manière uniforme dans

35

tous les pays de l’Union Européenne, et certains pays ont un niveau de protection très

faible du consommateur. Si les droits allemands et belges comportaient des dispositions

comparables à celles de notre Code de la Consommation en matière de ventes avec

primes et de ventes subordonnées, le droit espagnol est au contraire dépourvu de

législation en la matière. Or les divergences entre ces droits nationaux créent au sein de

l’Union une incertitude juridique de nature à dissuader les entreprises de se faire une

place sur des marchés juridiquement distincts. Le considérant 4 de la directive reflète

l’intention de supprimer cet obstacle aux échanges intracommunautaires : « [Les]

entraves augmentent le coût à supporter par les entreprises pour exercer les libertés

liées au marché intérieur, en particulier lorsqu’elles souhaitent s’engager dans la

commercialisation, lancer des campagnes publicitaires ou offrir des promotions

commerciales transfrontalière.» Pour y remédier, le législateur européen a choisi

l’harmonisation maximale des différents droits européens, qui permet de condamner les

législations nationales plus contraignantes ou moins sévères que les prévisions de la

directive, même si elles existent « aux fins d’assurer un degré plus élevé de protection

des consommateurs », comme le rappelle le point 52 de l’arrêt VTB-VAB. De telles

législations devront être modifiées pour se conformer à la directive, comme cela a été le

cas pour l’interdiction Belge des offres conjointes condamnée en l’espèce. Cette

démarche a pu faire craindre à certains que la directive ne consiste en réalité à diminuer

la protection des consommateurs dans les Etats qui, comme la France, disposaient de

prévisions législatives très complètes dans ce sens.

En réalité, l’harmonisation européenne du droit de la consommation est un

avantage pour le consommateur, en amont, parce que cette harmonisation se fait dans le

sens de la protection du consommateur (A), et en aval, parce que le consommateur

gagne en protection du fait de l’existence d’un droit unifié (B).

A) L’harmonisation dans le but de protéger le consommateur en Europe

Même si la directive existe pour répondre à ce besoin d’unification du droit au

détriment des textes plus protecteurs de certains droit nationaux, elle indique également

et de manière répétée que cette unification s’opère dans une visée protectrice du

36

consommateur. En effet, il ne faut pas oublier que de nombreux Etats Membres avaient

jusqu’ici un droit de la consommation assez peu développé, probablement dû à leur

politique économique et à leur processus d’industrialisation. On ne retrouvait pas dans

leurs droits de codes autonomes de la consommation, et les règles régissant cette

catégorie de contractants n’étaient pas particulièrement protectrices. On pourra citer à

titre d’exemple la Roumanie, où les pratiques commerciales déloyales étaient soumises

au droit commun du Code Civil. D’autres Etats tels que la Slovénie, l’Estonie ou encore

Malte n’avaient aucune disposition dans ce sens. L’objectif d’unification en faveur du

consommateur est expressément cité par la directive dans son considérant 11 : « Le

niveau élevé de convergence résultant du rapprochement des dispositions nationales

assuré par la présente directive crée un niveau commun élevé de protection des

consommateurs. » Le but est donc d’unifier le droit, mais de manière à ce que le

consommateur soit protégé uniformément dans toute l’Union Européenne.

Dans le même considérant, on lit : « La présente directive établit une

interdiction générale unique des pratiques commerciales déloyales qui altèrent le

comportement économique des consommateurs. » : la directive a donc pour but d’unifier

le droit pour protéger les consommateurs en condamnant les pratiques qui leur sont

néfastes. En effet, la directive raisonne toujours en termes de protection du

consommateur, et on cherche à défendre cette catégorie de contractants à travers

l’interdiction en toutes circonstances des pratiques précisément décrites dans l’annexe 1

ainsi qu’à travers l’interdiction au cas par cas des pratiques trompeuses et agressives des

articles 6 à 9 et des pratiques visées à l’article 5 qui altèrent le comportement

économique du consommateur. Ces pratiques seront considérées comme déloyales selon

la directive parce qu’elles faussent le consentement du consommateur, soit par la

contrainte, soit par la tromperie ou par les procédés trompeurs. Toutes les interdictions

du texte ont un caractère protecteur de l’intérêt du consommateur: ce dernier est au

centre de la directive. L’unification des droits européens se fait donc dans le but de la

défense des intérêts du consommateur.

L’harmonisation des droits européens s’est donc centrée sur des considérations

protectrices du consommateur. Ce dernier bénéficie également de cette harmonisation

de manière indirecte, puisque le fait que les droits nationaux soient unifiés lui profite.

37

B) L’unification des droits nationaux en Europe : un avantage pour le

consommateur

L’uniformisation du traitement juridique des pratiques commerciales est

également un avantage pour le consommateur. En effet, le considérant 4 de la directive

indique également l’intention d’apporter un bénéfice au consommateur de manière

indirecte, en créant pour lui une plus grande sécurité juridique au niveau de tous les

pays européens : « Pour les consommateurs, [les disparités de législation] entraînent

également des incertitudes quant à leurs droits et affaiblissent leur confiance dans le

marché intérieur. » Cette réforme leur donne une plus grande sécurité car leurs droits

sont les mêmes dans tous les Etats Membres. Ceci est particulièrement important à

l’heure actuelle, où les consommateurs se déplacent énormément, où le commerce

électronique se développe rapidement et où la mondialisation multiplie les éléments de

rattachement à différents droits nationaux. Avec la transposition de cette directive dans

les Etats membres, on n’aura plus besoin, pour savoir si une pratique est légale ou non

dans l’Union Européenne, à rechercher le droit applicable en fonction des différents

lieux de résidence ou de la nationalité des contractants, ni des lieux de signature ou de

prestation des contrats, car tous les droits contiendront les mêmes interdictions. Cela

aide considérablement les consommateurs à connaître leurs droits et donc à accepter

telle ou telle offre et éventuellement à savoir quand il est opportun d’intenter une action

en justice. Cette évolution est capitale car l’un des plus grands écueils du droit de la

consommation en général, c’est justement le manque de réaction des consommateurs,

souvent par manque de connaissances sur le caractère illégal de l’infraction dont ils sont

victime.

L’harmonisation des droits européens s’est donc faite dans un esprit favorable au

consommateur, en veillant à ce que ces droits nationaux intègrent des dispositifs de

protection du consommateur, mais aussi parce que le fait que les infractions soient les

mêmes dans tous les Etats membre permet au consommateur de connaître ses droits à

tout moment lors d’une transaction intra-communautaire. L’assouplissement de la règle

est aussi un avantage apporté au consommateur par cette réforme.

38

§2 : Une règle souple en conformité avec les besoins des consommateurs

L’objet de la directive 2005/29/CE est, comme on l’a exposé, d’abolir des

législations nationales incriminant en toutes circonstances la vente liée et la vente avec

prime, au profit d’une règle souple visant à étudier les circonstances de l’espèce avant

de pouvoir se prononcer sur leur légalité.

Bien qu’elles apparaissent comme étant une protection infaillible du

consommateur de par leur caractère absolu, on peut se demander si ces règles anciennes

d’application rigide n’allaient pas trop loin, même en ce qui concerne de la protection

du consommateur. Michel Pédamon18

décrit le but principal du texte incriminant la

vente avec prime comme étant de « prémunir les consommateurs contre leurs propres

faiblesses ». De même, les travaux préparatoires de la Loi n° 51-356 du 20 mars 1951

créant l’interdiction de la vente avec prime citent l’idée qu’elle intervient pour

empêcher que « le consommateur ne se trouve lésé et poussé à des achats hors de

proportion avec ses ressources »19

. Dans cette conception, on considère que le

consommateur n’est pas à même de prendre la décision de contracter ou non alors même

qu’il est en présence de toutes les informations lui permettant de faire son choix en

connaissance de cause : on veut réguler jusqu’à sa décision commerciale, et on a une

vision très négative des pratiques commerciales. L’intention derrière l’interdiction

absolue semble donc aller très loin à l’encontre de la liberté contractuelle en considérant

presque le consommateur comme un incapable, et elle est contraire à l’objectif que

l’Union Européenne souhaite donner aujourd’hui à un texte de droit économique. On ne

veut plus que la loi fasse une si grande ingérence dans les contrats privés, mais plutôt

responsabiliser les différents acteurs de manière à pouvoir supprimer les interdictions

trop lourdes, et ainsi libérer les échanges.

Comme l’évoque le professeur Muriel Chagny dans son intervention lors du

Forum Trans Europe Experts (TEE) sur le thème « Les enjeux juridiques européens » le

18

M. Pédamon, La réglementation des ventes avec primes : entre droit de la consommation et droit de la

concurrence, in Études de droit de la consommation : Liber amicorum Jean Calais Auloy, éd. Dalloz 2004, p.

830

19

Travaux préparatoires à la loi : JOAN, 29 juill. 1950, p. 6126

39

31 Mars 201020

, la question du degré de protection des consommateurs est précisément

liée à la question de la qualité de la règle juridique qui la régit. Elle soutient en effet

cette thèse en avançant qu’une règle d’interdiction systématique présente l’inconvénient

d’être paternaliste pour le consommateur sans chercher ce qui lui nuit effectivement ;

elle ajoute également que si l’on fait confiance aux juges sensés appliquer la règle,

« une pratique effectivement nocive pour le consommateur ne devrait pas échapper à

une condamnation judiciaire. » Selon ce raisonnement, le consommateur ne devrait pas

s’inquiéter du passage d’une règle stricte à une règle souple, et il devrait au contraire

s’en réjouir puisque cela serait de nature à le libérer des interdictions inutiles de

pratiques qui ne l’affectent pas considérablement, pour lui permettre de voir sanctionner

justement les pratiques qui lui portent véritablement préjudice.

Le fait que la règle selon laquelle les pratiques sont condamnables se soit

assouplie est donc un avantage apporté par cette réforme au consommateur. Plus

indirectement, l’accroissement de la concurrence dû à la nouvelle règle européenne

bénéficie également au consommateur.

§3 : Un accroissement de la concurrence favorable au consommateur

La volonté d’unifier le droit en vue de libérer les échanges dans le marché

intérieur étant mise en avant dans la directive, certains auteurs craignent que ce but ne

fasse de l’ombre à la volonté de protéger le consommateur des pratiques déloyales, et

que le texte ne soit avant tout animé par la motivation de multiplier les transactions

plutôt que de celle de protéger le consommateur. Dans un article paru peu après l’arrêt

VTB VAB, le professeur Guy Raymond écrit en effet au sujet de cette réforme : « on

regrettera que le droit communautaire se montre moins soucieux de la protection des

20

LES ENJEUX JURIDIQUES EUROPÉENS 31 mars 2010 Chambre de commerce et d’industrie de Paris,

Atelier Droit des contrats, de la consommation et du commerce électronique sous la présidence de Martine

Behar Touchais, professeur à l’Université de Paris Descartes (Paris V) « L’harmonisation totale du droit de la

consommation dans le marché intérieur : amélioration ou dégradation du droit de la consommation en France?

Illustration : les ventes liées à l’épreuve de la directive sur les pratiques commerciales déloyales » Muriel

CHAGNY

40

consommateurs que d'établir un régime de libéralisme économique, certes tempéré,

mais libéralisme quand même, dans l'espace européen et donc en France»21

. En effet,

on pourrait penser que même si le consommateur a une place de choix dans ces

dispositions, l’avantage recherché est finalement celui des professionnels, qui

bénéficient in fine de plus de marge de manœuvre puisqu’on diminue (pour la France) le

degré d’interdiction qui passe d’être absolue à relative, et ils bénéficient en plus par

ricochet d’une plus grande confiance des consommateurs qui auront donc tendance à

consommer plus en général. Cependant, la libéralisation des échanges a pour

conséquence un accroissement de la concurrence sur le marché, qui est avant tout un

gain pour le consommateur. Plus de concurrence sur un marché veut dire un plus grand

choix pour le consommateur sur les produits. Il a donc une voix plus importante: pour

remporter le jeu de la concurrence, les entreprises devront s’efforcer de proposer des

offres de plus en plus attrayantes pour le consommateur. Cette idée est avancée par le

professeur Muriel Chagny, qui écrit : « cette liberté accrue peut apparaître favorable au

développement de la compétition, dans l'intérêt notamment... du consommateur, du

moins si son exercice est assorti d'un contrôle destiné à sanctionner les abus et

déloyautés. »22

On peut soutenir cette idée en reprenant l’exemple de l’affaire « Orange

Sports »23

. Dans cette affaire, la Cour d’Appel de Paris a validé la subordination de

l’accès à la chaîne Orange Foot à la souscription de l’abonnement internet Triple Play

chez Orange entre autre au motif que la liberté des consommateurs de choisir n’était en

rien altérée par ce procédé et qu’il était en réalité représentatif d’une volonté

« d'enrichir le contenu de leurs offres pour les rendre plus attractives, par la mise en

place de services innovants ou l'acquisition de droits exclusifs » . Dans le commentaire

21

In Contrats Concurrence Consommation n° 6, Juin 2009, comm. 183 Offre conjointe : une pratique

commerciale déloyale ? Commentaire par Guy RAYMOND

22

Communication Commerce électronique n° 6, Juin 2010, comm. 63 : Il est interdit d'interdire les offres

conjointes aux consommateurs (bis repetita) ! Commentaire par Muriel CHAGNY sur CJUE, 3e ch., 11 mars

2010, aff. C-522/08, Telekomunicaja Polska SA w Waeszawie

23

CA Paris, 5e ch., 14 mai 2009, SA France Telecom et SA Orange Sports c/ SAS Free et SA Neuf Cegetel

(absorbée par SFR), avec les interventions volontaires de l'assoc. « La Ligue de Football professionnel », de

l'assoc. nationale des ligues de sport professionnel et du min. Éco., Industr. et Emploi (DGCCRF Paris) :

JurisData n° 2009-003817 (voir la reproduction à l’annexe 2 de ce document)

41

de cette décision fait par Philippe Stoffel-Munck24

, celui-ci explique justement que :

« l'avantage concurrentiel exclusif que tire l'opérateur de son investissement dans le

football incite chacun des autres à améliorer son offre propre. » Ainsi, la concurrence

en soi est déjà une avancée pour le consommateur, et si certains trouvent des techniques

promotionnelles attrayantes, leurs concurrents devront eux-mêmes améliorer leur offre

pour rester compétitifs de sorte que cela bénéficie directement au consommateur qui est

à nouveau l’arbitre dans le jeu de la concurrence.

Non seulement l’intérêt du consommateur est préservé dans cette réforme, mais

au-delà de cela, l’idée de mettre le consommateur au centre des préoccupations en

termes de pratiques commerciales déloyales constitue le point principal de la directive

qui, comme on l’a dit, se réfère au point de vue du consommateur pour qualifier de

déloyale une pratique commerciale. Elle va très loin puisqu’elle fait de l’intérêt du

consommateur une mesure de l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes.

Section 2 : L’apparition de l’intérêt du consommateur comme élément

déterminant de la légalité de la pratique

L’intérêt du consommateur était déjà un élément déterminant de la question de

l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes. La preuve en est que ces

infractions se trouvent dans le Code de la Consommation. Mais lorsque l’on constate

que la jurisprudence a tenté de modifier le caractère systématique de l’interdiction pour

juger des espèces en se rapprochant davantage de l’intérêt du consommateur, on réalise

que l’interdiction systématique de ces pratiques était inadaptée à cet objectif de

protection. La nouvelle souplesse de la règle permet au juge de mettre l’intérêt du

consommateur au cœur de l’enjeu juridique (§1). La directive va cependant encore plus

loin dans l’importance accordée à l’intérêt du consommateur puisqu’elle place le

consommateur moyen comme mesure de l’interdiction de ces pratiques (§2).

24

Communication Commerce électronique n° 7, Juillet 2009, comm. 68 « Triple Play et vente liée »

Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK

42

§1 : Une règle nouvelle permettant une condamnation en fonction de l’intérêt du

consommateur

On rappellera dans un premier temps que la jurisprudence a cherché, du moins

en ce qui concerne la vente liée, à apporter aux litiges une réponse qui soit plus en

adéquation avec l’intérêt du consommateur en assouplissant de son propre chef la règle

rigide (A). La directive consacre ce procédé en ouvrant la possibilité d’une évaluation

prenant en compte cette considération (B).

A) Un besoin jurisprudentiel d’assouplir la règle pour coïncider avec l’intérêt

du consommateur

La jurisprudence en matière de vente liée concerne, ces dernières années,

presque uniquement le domaine de la vente d’ordinateurs avec logiciels préinstallés.

Dans ce domaine, elle a beaucoup hésité autant sur la solution à donner que sur

l’approche à adopter, et l’on retrouve de nombreuses décisions contradictoires. Ce

domaine a en effet été très problématique pour les juges car ils n’étaient souvent pas

convaincus de la qualification de vente liée dans ces cas et, quand ils l’étaient, ils

trouvaient que cette pratique en l’espèce ne méritait pas d’être condamnée en

application stricte de l’article L 122-1 du Code de la Consommation. Le fait que la

jurisprudence ait souvent essayé de justifier les ventes liées en invoquant l’argument de

l’intérêt du consommateur démontre son importance dans l’appréciation, et la directive

apporte aujourd’hui la possibilité de procéder à une véritable analyse de l’impact sur le

consommateur avant de prononcer toute condamnation à l’égard de ces ventes.

Il convient de rappeler que sous l’empire de l’ancien article L 122-1 du Code de

la Consommation, c’était la simple qualification de vente liée qui justifiait une

condamnation de la pratique. Or les juges du fond ont parfois eu des réticences à

condamner ces pratiques du fait de l’avantage qu’elles peuvent procurer au

consommateur. Il n’est pas dénué d’intérêt d’analyser les raisonnements adoptés par ces

juges qui ont admis la validité de ces pratiques, pour constater que l’approche concrète

43

était nécessaire de manière à ce que les juridictions puissent statuer sur une affaire

comme elles l’estiment le plus juste.

Certaines d’entre elles ont développé la théorie du « motif légitime ». En effet,

l’article L 122-1 du Code de la Consommation prohibant la vente liée disposait que :

« Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un

service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une

quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi

que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat

d'un produit. » Ainsi, on pourrait interpréter le texte comme posant une exception à

l’interdiction des ventes liées : la présence d’un « motif légitime » qui empêcherait cette

qualification. Dans des décisions de 1984 et de 1986, la Cour de Cassation a validé de

telles pratiques au motif qu’elles s’effectuaient «conformément à des pratiques

commerciales instaurées dans l'intérêt des consommateurs»25

. En 199026

cependant,

elle estimait que la réalisation de l’infraction n’était pas écartée par la présence d’un

« motif légitime» car au vu de la formulation du texte, il ressortirait que cette exception

serait réservée au refus de vente, ce qui n’a pourtant pas empêché à de nombreuses

juridictions d’utiliser cette exception lorsqu’elles l’envisageaient opportun. Il est vrai

que la logique des deux textes est la même, et que si l’on admet une exception au refus

net de vendre un produit, on devrait pouvoir l’admettre pour le refus de vendre le

produit seul, soit la vente liée. Cette idée a servi entre autres à écarter la qualification de

vente subordonnée par les juges du Tribunal de Grande Instance de Paris dans l’affaire

qui opposait en 2008 l’association UFC Que Choisir à la société Darty dans le cadre du

contentieux de la vente d’ordinateur avec logiciel préinstallé27

. Le jugement énonce

que : « il est évident que [le consommateur] recherche une utilisation immédiate et qu'il

n'est pas dans son intérêt de se retrouver en présence d'un matériel inexploitable. »

Comme le Tribunal juge que l’installation d’un logiciel est hors de portée du

consommateur pour des raisons techniques et financières, l’intérêt que trouve le

consommateur dans le fait que les logiciels soient préinstallés à l’ordinateur empêche la

25

Cass. crim., 29 oct. 1984, n° 83-93.563 : JurisData n° 1984-702198 ; Bull. crim. 1984, n° 324 ; JCP G 1985,

II, 20489, note G. Heidsieck. et Cass. crim., 2 juin 1986 : D. 1986, inf. rap. p. 400, obs.

26

Cass. crim., 12 févr. 1990, n° 80-89.815 : Bull. crim. 1990, n° 71 ; Gaz. Pal. 1990, 2, jurispr. p. 400, note J.-

P. Marchi ; JCP G 1990, II, 21582, note Ph. Conte.

27

TGI Paris, 24 juin 2008, UFC Que Choisir c/ Éts Darty et Fils

44

pratique d’être condamnée en vertu de l’article L 122-1, et le « motif légitime » que

représente l’intérêt du consommateur constitue alors une exception à l’interdiction de la

vente subordonnée.

D’autres argumentaires vont encore plus loin puisque des juges ont considéré

qu’en raison de la fonction attendue par le consommateur lors de son achat, la vente ne

pouvait être considérée comme une vente liée de deux produits distincts mais bien un

seul contrat, dont l’objet était la vente d’un seul produit composé de plusieurs éléments :

c’est l’ « approche fonctionnelle ». Cette théorie est soutenue par de nombreux membres

de la doctrine, notamment le professeur Stoffel-Munck qui écrit dans un article de

201028

« l'unicité d'une chose s'apprécie de manière fonctionnelle, de sorte que pour le

consommateur moyen, l'ordinateur et son logiciel forment un tout car seule la réunion

de ces deux éléments permet de réaliser la fonction par lui immédiatement désirée ».

Dans le même sens, le professeur Daniel Mainguy et Audrey Pagot, évoquent dans un

article de la même année29

l’idée de l’unicité contractuelle de la transaction : « Il ressort

(…) de l’étude de la jurisprudence que la pratique qui consiste à vendre des ordinateurs

avec des logiciels préinstallés nécessaires au fonctionnement de l’ordinateur est

considérée comme un seul contrat de vente indivisible. Cette pratique n’est donc pas

une vente liée. Pour qu’il y ait vente liée, il faut effectivement qu’il y ait un contrat

premier ou principal (…)». La fonction que l’on attend de l’achat d’un ordinateur n’est,

selon cette théorie, réalisée que si l’objet est accompagné de son logiciel d’exploitation,

ce qui conduit à dire que les deux produits acquis, l’appareil et la licence d’utilisation du

logiciel, n’en forment en réalité qu’un seul compte tenu de l’utilité recherchée par le

consommateur. Pour illustrer et appuyer cette argumentation, la jurisprudence et la

doctrine ont eu recours à de nombreuses comparaisons avec d’autres produits

composites qui se vendent comme un tout alors qu’ils comptent différents éléments,

comme une bouteille avec son bouchon, et celle d’une voiture avec son moteur, l’idée

28

Communication Commerce électronique n° 1, Janvier 2010, comm. 5 : Vente liée et logiciels pré-installés : la

pré-installation est une pratique légitime et le prix des licences de logiciels n'a pas à apparaître distinctement,

Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK sur : TGI Nanterre, 6e ch., 30 oct. 2009, UFC Que Choisir c/ Sté

HP France : JurisData n° 2009-015353 et CA Paris, 5e ch., 26 nov. 2009, UFC Que Choisir c/ Éts Darty et Fil :

JurisData n° 2009-015350

29

Vendredi 19 novembre 2010 La licéité des ventes liées non agressives et non trompeuses, commentaire de

Cass. 1e civ., 15 novembre 2010, n° 09-11161, FS-P+B+I, Audrey Pagot (Doctorante) et D. Mainguy

http://www.lexcellis-avocats.fr/article-la-liceite-des-ventes-liees-non-agressives-et-non-trompeuses-

61292421.html

45

sous-jacente étant que le logiciel d’exploitation pré-intégré à la machine en fait partie

intégrante car c’est lui qui permet l’utilisation de l’ordinateur.

Cette thèse a été reprise dans de nombreuses décisions, notamment dans le

jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre du 30 oct. 2009 dans l’affaire qui

opposait l’association UFC Que choisir à la société Hewlett Packard France30

. Dans ce

jugement, les juges statuent dans le sens de l’absence de qualification de vente

subordonnée pour ce qui est de l’ordinateur avec son logiciel d’exploitation, car selon le

jugement : « Ordinateur et logiciel sont, aux yeux mais aussi dans l'intérêt de ce

consommateur moyen, un tout sur le marché de la vente par l'Internet d'ordinateurs

portables ou de bureau au Grand Public ». En raison de la difficulté pour le

consommateur moyen d’opérer une installation de logiciel sur un ordinateur qui en est

dépourvu, on considère que les deux produits n’en forment qu’un. La même solution est

dégagée dans le jugement de la Juridiction de Proximité d’Aix-en-Provence le 17 février

2011 dans l’affaire opposant un consommateur à la société Acer31

, où la juridiction

considère que même si logiciel et ordinateur sont deux entités distinctes, le fait de

vendre l’ordinateur sans son logiciel d’exploitation constitue la vente d’un « matériel

inutilisable », ce qui est bien sûr contraire à l’intérêt du consommateur. En suivant le

même raisonnement, la Cour d’Appel de Montpellier32

va plus loin dans la même idée

puisqu’elle distingue la préinstallation de logiciels d’exploitation, indispensables à

l’utilisation immédiate du produit, avec les autres logiciels, tels que les jeux. La

justification est similaire à celles des autres juridictions : « La notion même de produit

fini inclut la possibilité pour le consommateur de pouvoir utiliser ce produit sans devoir

recourir à une acquisition supplémentaire. Or l'absence de système d'exploitation ne

permet pas d'utiliser la machine. Il est donc de l'intérêt du consommateur d'avoir un

système d'exploitation pré-installé ».

Certains auteurs ont critiqué les condamnations dans ce domaine par

l’application stricte de l’article L 122-1. Ils avançaient notamment que cet article était

utilisé pour forcer tout distributeur à vendre un type de produit, les ordinateurs non

équipés de logiciels d’exploitation, alors qu’ils devraient en principe rester libres de

30

TGI Nanterre, 6e ch., 30 oct. 2009, UFC Que Choisir c/ Sté HP France : JurisData n° 2009-015353

31

TGI Aix-en-Provence, 17 février 2011, Perrono c/ Acer

32

CA Montpellier, 7 mai 2009, SA Dell Southern Europe : JurisData n° 2009-006020

46

s’adresser à la clientèle qu’ils choisissent, en l’occurrence les consommateurs n’ayant

pas les capacités techniques de se doter un ordinateur « nu », puisque d’autres produits

sont proposés chez des commerçants spécialisés. Le professeur Stoffel-Munck

argumente en ce sens dans son commentaire de l’arrêt de la Cour d’Appel de Versailles

du 5 mai 201133

qui opposait l’association UFC Que Choisir à la société Hewlett-

Packard France, en rappelant que « les fabricants d'ordinateurs ont, partout dans le

monde, organisé leur production de manière à intégrer les logiciels d'exploitation dans

les machines et le prix de gros des ordinateurs (…) [et que] les licences d'exploitation

des logiciels sont sans aucun doute facturées en tenant compte de cette donnée de

masse. ». Ainsi, empêcher ce type de vente reviendrait à changer tout le système de

vente dans cette industrie, et ce dans le but de remettre au consommateur un « matériel

incapable de fonctionner en l'état ». M. Stoffel-Munck s’élève contre les décisions qui,

en acceptant d’interdire de telles ventes en vertu de l’article L 122-1 du Code de la

Consommation, détournent le texte prohibitif pour en faire une véritable obligation

d’offrir certains types de produits, car selon lui: « il s'agit de lutter contre la manière

dont on conduit un consommateur à acquérir un produit, non de dire quels produits on

doit lui proposer à la vente. » Il critique l’ingérence des pouvoirs législatifs et

judiciaires dans les activités commerciales qui ne devraient selon lui se voir contraintes

artificiellement de vendre un produit pour lequel la demande n’est pas significative.

De nombreuses juridictions ainsi de que des membres de la doctrine ont donc

ressenti le besoin de replacer l’intérêt du consommateur au centre du texte prohibant la

vente liée. En effet, ils ont contesté l’interdiction absolue dont elle faisait l’objet et les

juges ont tenté de trouver des parades à son application en asseyant leur argumentation

sur l’avantage apporté au consommateur. En ce sens, la directive 2005/29/CE a marqué

une avancée puisqu’elle a donné aux juges un pouvoir d’appréciation de la situation

bien plus ample.

33

Communication Commerce électronique n° 11, Novembre 2011, étude 21 : La vente d'un ordinateur pré-

équipé de logiciels caractérise une pratique dé-loyale . - (CA Versailles, 3e ch., 5 mai 2011, n° 09/09169, UFC

Que Choisir c/ SAS Hewlett-Packard France) Etude par Philippe STOFFEL-MUNCK

47

B) La directive 2005/29/CE : l’instauration d’une méthode d’analyse

permettant de replacer l’intérêt du consommateur au centre de

l’appréciation

La nouvelle méthode permet aux juges du fond d’évaluer les pratiques en tenant

compte de l’intérêt des consommateurs en l’espèce, que ce soit pour les condamner ou

au contraire pour les valider. On peut par exemple citer, dans le sens de la validation

d’une vente liée contraire aux intérêts du consommateur, l’arrêt de la Cour d’Appel de

Paris du 26 novembre 2009 sur l’affaire opposant l’association UFC Que Choisir à

Darty34

, où les juges du fond ont décidé que le fait de ne pas indiquer les prix des

logiciels vendus séparément ne constituait pas une altération substantielle du

comportement du consommateur puisque ce qui est déterminant du consentement du

consommateur à contracter la vente, c’est le prix global qu’il va effectivement payer

pour se procurer le produit. Ainsi, son intérêt n’est pas négligé par l’absence d’affichage

des prix. Ne remplissant pas les conditions posées par la directive, cette pratique n’a pu

être qualifiée de déloyale, et a donc été validée par les juges d’appel.

D’autres décisions ont condamné des ventes liées en procédant à une analyse

conforme à la directive en mettant en avant le fait que l’intérêt du consommateur

s’opposait à la validation de la vente liée. C’est le cas de la décision de la Juridiction de

Proximité de Lorient du 27 août 2009 sur l’affaire où un consommateur mettait en cause

la société Asus35

, et dans laquelle les juges ont confirmé l’interdiction de la vente liée

pratiquée par Asus en affirmant que la lourdeur de la désinstallation du logiciel suffisait

à ce que les deux produits constituent un lot interdit comme étant contraire à l’intérêt du

consommateur, car : « l’intérêt du consommateur se trouverait dans la mise en place

d’un système d’optionalité des logiciels». En effet, cette décision s’appuie sur le

raisonnement de la directive pour condamner la pratique en affirmant que l’intérêt du

consommateur ne va pas dans le sens de la pratique parce que celle-ci contraint le choix

du consommateur, constituant ainsi une altération substantielle du comportement du

consommateur, ce qui la rend la déloyale selon la directive. De la même manière, l’arrêt

34

CA Paris, 26 nov. 2009, SAS DARTY et Fils c/ UFC Que Choisir : JurisData n° 2009-015350

35 T. prox. Lorient, 27 Août 2009, Magnien c/Asus

48

de la Juridiction de Proximité de Toulouse en date du 20 mai 2011 dans l’affaire

opposant un consommateur à la société Dell36

admet que ce sont bien deux produits

distincts et que la subordination de l’achat de l’un à l’achat de l’autre sans possibilité de

résilier indépendamment l’achat du logiciel constitue une pratique déloyale au sens de la

directive. Le contrat proposé au consommateur est donc de nature à nuire à sa liberté de

choix, ce qui est contraire à son intérêt.

La nouvelle méthode a donc permis aux juridictions de remettre la question de

l’intérêt du consommateur au cœur de l’analyse de la déloyauté. Elle va cependant

encore plus loin en faisant de la notion de « consommateur moyen » la mesure de la

déloyauté du comportement du professionnel.

§2 : La mesure du comportement déloyal : le « consommateur moyen »

L’une des grandes innovations de la directive 2005/29/CE est l’introduction d’un

concept abstrait tel que le « bon père de famille » dans le droit de la consommation : la

notion de « consommateur moyen » (A). Cette notion est, dans la directive, le point de

référence selon lequel on apprécie la légalité d’une pratique commerciale (B).

A) L’introduction par la directive 2005/29/CE de la notion de consommateur

moyen

Dans de nombreuses dispositions visant à donner des définitions des pratiques

légales et illégales, la directive se réfère abondamment à la notion de consommateur

moyen, qu’elle utilise comme référence. Le considérant 18 explique cette notion de

manière plus détaillée, en énonçant que même si l’objectif fixé par la directive est de

protéger tous les consommateurs contre les pratiques déloyales, elle a cependant jugé

nécessaire d’évaluer leur effet néfaste sur un « consommateur typique fictif ». La

36

Jur. proximité Toulouse, 20 mai 2011, n° 91-09-000641, M. V. c/ SA Dell

49

directive fait à ce stade référence au principe de proportionnalité cher au droit européen

comme on l’a évoqué au Chapitre 1 (p.21), pour justifier cette approche. Le but est de

fonder la condamnation d’une pratique non pas sur la question de savoir si elle a

effectivement causé un tort à un consommateur en particulier, mais il s’agit plutôt de

mettre un modèle abstrait en fonction duquel on évalue toute pratique. L’idée est de ne

pas condamner une pratique pour la simple raison qu’un consommateur s’est estimé lésé

en vertu des dispositions de la directive, ni de considérer comme valide toutes les

pratiques contre lesquelles aucun consommateur ne se sera élevé : on veut trouver un

juste milieu, et éviter à la fois les condamnations trop légères et la légitimation

généralisée de pratiques nocives.

Le considérant 18 précise donc de manière générale les caractéristiques du

consommateur moyen. Celui-ci doit être « normalement informé et raisonnablement

attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques ». Cette

définition du consommateur moyen est vague, ce qui correspond à la souplesse de la

notion et au fait qu’il faille qu’elle s’adapte aux contextes respectifs des différents Etats

Membres. De plus, les instances de l’Union Européenne marquent ici leur volonté de ne

pas protéger in abstracto le consommateur parce qu’il est consommateur, mais plutôt de

protéger un consommateur qui a cherché à s’informer, et qui a un cheminement de

pensée rationnel. Il faut donc que le consommateur n’ait pas, pour ainsi dire, bien voulu

se laisser berner. Il ne doit pas avoir été trop crédule, et la décision qu’il a prise au vu

des informations dont il disposait ou au vu de la situation où il se trouvait doit paraître

sensée, et doit être celle qu’un consommateur raisonnable aurait pu prendre dans un cas

similaire. On ne souhaite pas surprotéger les consommateurs à la manière des

législations paternalistes évoquées au Chapitre 1, donc on ne protègera pas, au-delà du

consommateur moyen, un consommateur particulièrement négligent ou inconsidéré, et

on ne condamnera pas les pratiques qui n’étaient susceptible de nuire qu’à ce type-là de

consommateurs. On pourra citer à titre d’exemple un arrêt de la Cour d’Appel de Paris

de 2007 opposant l’association de consommateurs UFC Que Choisir à la Société

Unilever France37

, concernant l’allégation de publicité trompeuse au sujet des propriétés

du produit de cette dernière. En effet, elle commercialisait les produits Fruit d’Or Pro

activ en indiquant qu’ils permettaient de lutter contre le cholestérol alors que ce n’était

37

Cour d'appel Paris Chambre 25, section A 16 Novembre 2007 N° 06/13276 UFC QUE CHOISIR / MAAF

ASSURANCES

50

pas strictement le cas. La Cour d’Appel de Paris a cependant relaxé la société Unilever

aux motifs que « le message, axé sur le traitement diététique -étant relevé qu'il n'est pas

contesté que la prise en charge de la réduction du taux de cholestérol s'appuie

notamment sur un régime alimentaire adapté - ne pouvait laisser penser au

consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé que la

seule consommation de produits Fruit d'Or Pro.activ était de nature à faire baisser son

taux de cholestérol ». Ainsi, la Cour déboutera l’UFC de sa demande aux motifs que le

consommateur moyen devait bien savoir que l’information n’était pas à prendre au pied

de la lettre.

De plus, cette notion est adaptable, aux termes du considérant 18, puisque pour

protéger un groupe particulier identifiable (la directive cite expressément l’exemple des

enfants), il faut se référer au consommateur moyen de ce groupe en particulier.

Le considérant 18 précise tout de même : « La notion de consommateur moyen

n’est pas une notion statistique. Les juridictions et les autorités nationales devront s’en

remettre à leur propre faculté de jugement, en tenant compte de la jurisprudence de la

Cour de Justice, pour déterminer la réaction typique du consommateur moyen dans un

cas donné. » En réalité, les juges ont une certaine marge de manœuvre quant à

l’appréciation du consommateur moyen, ils doivent se référer aux décisions qu’il serait

éclairé de prendre pour un consommateur, et pas forcément ce que fait la majorité des

consommateurs. C’est au juge national de se mettre dans la situation de ce qu’il estime

être le consommateur moyen dans son propre Etat en fonction comme on l’a dit des

facteurs sociaux, linguistiques etc, pour pouvoir déterminer si la pratique est déloyale

ou non. Le but est de chercher un modèle adaptable aux circonstances mais assez stricte

pour que les valeurs défendues par la directive, et particulièrement l’honnêteté des

professionnels, soient protégées par le juge.

La directive introduit la notion de consommateur moyen pour en faire la mesure

de la déloyauté des pratiques commerciales.

51

B) Le consommateur moyen, référentiel de la déloyauté d’une pratique

commerciale

Selon ce texte du Conseil, l’analyse du caractère déloyal en général doit se faire

en répondant à la question de savoir si la pratique mise en œuvre était de nature à

« altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur

moyen», selon l’article 5.2. b) ; l’action trompeuse est, quant à elle, une pratique

« susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen » en vertu de l’article 6.1 et

une omission trompeuse est constituée lorsque le professionnel « omet une information

substantielle dont le consommateur moyen a besoin », selon l’article 7.1. De même, une

pratique commerciale est réputée agressive en vertu de l’article 8 de la directive

lorsqu’elle « altère ou est susceptible d’altérer de manière significative (…) la liberté

de choix du consommateur moyen.»

Ceci démontre l’omniprésence du référentiel du consommateur moyen dans les

différentes définitions des pratiques déloyales selon la directive. En effet, ce qui ressort

de quasiment toutes les dispositions de la directive, c’est qu’une pratique commerciale

est déloyale dès lors qu’elle trouble la liberté du consommateur moyen de prendre une

décision commerciale en connaissance de cause. C’est avant tout ce critère qui

détermine le caractère déloyal d’une pratique, autant pour la pratique trompeuse que

pour la pratique agressive et pour la pratique déloyale en fonction des critères posés par

l’article 5.2. On doit, pour procéder à cette qualification, se demander principalement si

un consommateur qui aurait pris ses précautions pour bien être informé, et qui aurait fini

par prendre sa décision au regard des informations dont il disposait, aurait été

susceptible d’arriver à une fin qu’il n’avait pas désirée au départ. Il apparaît donc que la

déloyauté ne se mesure pas, même lorsqu’il s’agit de protéger la concurrence sur un

marché et les différents concurrents, en fonction du fait que le comportement reproché

attaque directement les autres professionnels, mais au contraire elle se mesure

systématiquement en fonction de l’effet de la pratique sur le consommateur moyen. A

ceux qui se sont élevés contre la directive au motif qu’elle défend davantage la

concurrence que les consommateurs, on doit donc répondre que le consommateur a dans

tous les cas la place principale dans l’appréciation de la déloyauté : s’il n’était pas le

destinataire direct des dispositions en cause, il en resterait pourtant l’objet. Même dans

l’annexe qui ne donne pas de critères d’appréciation de l’interdiction et cite simplement

52

les pratiques déloyales per se, on constate que les pratiques répertoriées constituent

toutes des manières de léser le consommateur. On pourra citer comme exemple tiré de

l’annexe 1 de la directive, intitulé « Pratiques réputées déloyales en toutes

circonstances » :

« 15) Déclarer que le professionnel est sur le point de cesser ses activités ou de les

établir ailleurs alors que tel n’est pas le cas.

16) Affirmer d’un produit qu’il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard.

17) Affirmer faussement qu’un produit est de nature à guérir des maladies, des

dysfonctionnements ou des malformations.

18) Communiquer des informations factuellement inexactes sur les conditions de

marché ou sur les possibilités de trouver le produit, dans le but d’inciter le

consommateur à acquérir celui-ci à des conditions moins favorables que les conditions

normales de marché.

19) Affirmer dans le cadre d’une pratique commerciale qu’un concours est organisé ou

qu’un prix peut être gagné sans attribuer les prix décrits ou un équivalent

raisonnable. »

Cette directive accorde donc une place prépondérante à l’intérêt du

consommateur surtout dans sa liberté de faire un choix commercial en connaissance de

cause : c’est le fait qu’une pratique soit contraire à l’intérêt du consommateur qui la

rend déloyale. De ce point de vue, elle présente une amélioration de la situation du

consommateur puisque son bien-être devient la préoccupation principale lorsqu’il s’agit

de condamner les pratiques, ce qui n’était pas le cas des anciens textes de droit interne

incriminant les ventes liées et les ventes avec prime qui se contentaient de définir une

infraction, et laissaient au juge le soin de condamner systématiquement quand la

qualification correspondait aux dispositions. Depuis la directive, on a remis l’intérêt du

consommateur au cœur des considérations relatives à la déloyauté des pratiques

commerciales, pour être plus en adéquation avec ses besoins sans avoir une approche

paternaliste qui l’empêcherait par principe de consentir à participer à certains contrats.

53

C’est en cela qu’est très utile le concept de consommateur moyen, qui permet de réguler

l’intensité de la déloyauté en n’accordant pas de protection particulière pour les

consommateurs qui auraient pris des décisions commerciales à la légère ou de manière

déraisonnable, sans chercher les informations pertinentes pour contracter.

La création et la consolidation d’un véritable marché intérieur au sein de l’Union

Européenne demande un droit qui puisse appréhender au mieux les différentes situations

économiques. Le droit de la concurrence été modifié pour s’adapter aux cas concrets

qu’il a pour objet de régir, et il était normal que le droit de la consommation, qui a lui-

même un impact sur le marché, suive cette évolution. La directive 2005/29/CE sur les

pratiques commerciales déloyales opère ce changement de méthode notamment pour

l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes en les conditionnant à la

qualification de la déloyauté pour chaque pratique en particulier. L’harmonisation est

favorable à la concurrence car elle unifie le droit du marché créant une plus grande

confiance pour les différents opérateurs. La directive bénéficie également au

consommateur puisqu’elle reprend le but de protection du consommateur, et parce que

la nouvelle méthode d’analyse qu’elle impose permet au juge de décider en fonction de

l’intérêt du consommateur.

La répression des ventes liées et des ventes avec primes n’est toutefois pas

abolie, et la directive autorise leur interdiction à titre d’exception dans les conditions

qu’elle prévoit.

54

PARTIE II : L’exception à la légalité : la possibilité de

condamner les ventes liées et les ventes avec primes

lorsqu’elles sont déloyales au sens de la directive

Bien que la vente liée et de la vente avec prime en France ne soient plus, depuis

la directive de 2005, des pratiques interdites en soi et sur le seul fondement du code de

la consommation, elles peuvent toujours faire l’objet de condamnations au cas par cas.

La question à laquelle doivent répondre les juridictions pour statuer sur la licéité de ces

pratiques n’est plus celle de savoir si les pratiques remplissent les conditions

d’incrimination des articles L 122-1 et L 121-35, mais celle de savoir si ces pratiques

remplissent les critères de la déloyauté posés par la directive et détaillés par la

jurisprudence, ce qui déterminera leur choix soit dans le sens de la condamnation soit

dans celui de la validation.

Pour les pratiques qui ne sont pas listées à l’annexe 1 de la directive comme

c’est le cas de la vente liée et de la vente avec prime déloyale selon l’arrêt VTB VAB de

la Cour de Justice, la déloyauté s’analyse d’abord en se demandant si les pratiques en

question constituent des pratiques trompeuses décrites aux articles 6 et 7 ou encore des

pratiques agressives définies aux articles 8 et 9. A défaut d’être qualifiées comme telles,

ces pratiques ne pourront être jugées déloyales et donc ne pourront interdites que si elles

rassemblent les deux conditions cumulatives posées à l’article 5. 2) de la directive.

Même si les décisions de la Cour de Justice des Communautés Européennes imposent

de suivre ces trois étapes de raisonnement, la doctrine et les juges français ont eu

tendance à considérer que les ventes liées et les ventes avec primes sont plus

susceptibles d’appartenir à cette dernière catégorie, et à les évaluer surtout en fonction

des deux conditions de l’article 5.2). Cela peut s’expliquer par le fait que les articles 6 à

9 décrivent des comportements assez spécifiques38

, et qu’ils ne semblent pas prévus

pour englober les pratiques qui nous occupent. En effet ces pratiques se réfèrent

explicitement à des procédés très offensifs pour le consommateur, qui, en se référant à

la contrainte par exemple (article 8) et touchent directement la validité du consentement,

38

Voir les textes de ces articles dans la directive reproduite en annexe 1 de ce document p.94

55

alors qu’on n’associe pas immédiatement cet aspect-là à l’interdiction des ventes liées et

des ventes avec primes.

Il paraît donc plus intéressant d’analyser dans un premier temps les conditions

de la déloyauté pour les pratiques non trompeuses et non agressives (Chapitre 1), pour

ensuite s’attarder sur la contestation de la légalité de principe de ces pratiques (Chapitre

2).

56

Chapitre 1 : La déloyauté au sens de la directive : la condition de la

condamnation des pratiques de vente liée et de vente avec

prime

L’article 5.2) de la directive, transposé en droit français à l’article L 120-1 du

Code de la Consommation, pose les deux conditions cumulatives pour que les pratiques

qui ne sont ni trompeuse ni agressive en vertu des articles 6 à 9 puissent être

condamnées comme pratiques commerciales déloyales. On évalue d’une part le

comportement du professionnel, qui doit avoir commis un manquement à la diligence

professionnelle (section 1) et d’autre part l’effet de la pratique sur le consommateur,

puisqu’elle doit être susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement du

consommateur moyen (section 2).

Section 1 : La condamnation de pratiques contraires à la diligence professionnelle

(article 5.2 a)

La directive donne des éléments de définition complétés par la jurisprudence

européenne et interne, qui ont permis de distinguer deux formes de manquements à la

diligence professionnelle : le non-respect des règles liées à l’exercice de la profession

(§1) et l’absence de respect du consommateur (§2).

§1 : Le non-respect des règles liées à l’exercice de la profession

La directive elle-même donne des éléments d’appréciation de la pratique par

rapport à l’exigence de diligence professionnelle. En effet, l’article 2 de la directive

2005/29/CE prend soin de définir les termes qu’elle utilise, et l’article 2.h) établit que la

diligence professionnelle s’évalue : «conformément aux pratiques de marché honnêtes

et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité ». Cette définition

57

reflète l’idée que l’on va s’attacher, pour déterminer la déloyauté d’un comportement,

au degré de compétence dont le professionnel a fait preuve et à son honnêteté compte

tenu de l’activité exercée. Il s’agit pour le professionnel, selon les termes employés par

cette directive, de respecter l’intégrité dans les pratiques commerciales en fonction de

son domaine d’activité.

Cette définition donne l’idée générale, c’est-à-dire celle que le professionnel doit

respecter un certain nombre de règles, pas nécessairement écrites, et relatives à

l’exercice de sa profession en particulier. Elle est cependant très large et ne donne que

l’esprit global de ce qui est réprimé, sans donner de description précise du

comportement prohibé. C’est là encore la marque qu’on laisse une place importante à

l’appréciation jurisprudentielle, de manière à être au plus près de la réalité de

l’infraction et à ne poser d’interdictions générales que pour les pratiques précisément

définies dans l’annexe 1. La doctrine ainsi que la jurisprudence interne et européenne

ont eu l’occasion de préciser la teneur de la notion de diligence professionnelle.

Le professeur Guy Raymond en délimite les contours en se référant aux règles

régissant l’exercice des professions commerciales. Il écrit dans le Jurisclasseur de mai

200839

: « Le manquement à la diligence professionnelle s'appréciera par rapport à la

déontologie professionnelle. Il s'agira du non-respect de règles, écrites ou non écrites,

auxquelles les professionnels se conforment habituellement. »

En premier lieu donc, il s’agira de rechercher si le comportement du

professionnel n’est pas contraire au « code de déontologie » qui régit sa profession. Ces

codes de déontologie sont en principe des textes publiés par décret et régissant

l’exercice de professions particulières telles que celle d’architecte, de sage-femme, de

chirurgien-dentiste, etc. On constate cependant que les professions ainsi réglementées

ne sont pas celles susceptibles de se livrer à des pratiques commerciales, et notamment

des ventes, comme le seraient des distributeurs.

En revanche, en ce qui concerne les professions commerciales, il existe des

organisations professionnelles rassemblant certains types de commerçants, qui

possèdent des règles internes appelées «code de déontologie », « code de bonne

39

JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 900 : PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES ET

AGRESSIVES > I. - Principes généraux gouvernant les pratiques commerciales déloyales Cote : 05,2008Date

de fraîcheur : 15 Novembre 2008 B. - Déloyauté de la pratique commerciale

58

conduite » ou « code professionnel », mais ne présentant pas de caractère légal ni

réglementaire. On peut notamment citer le Code de déontologie de la fédération de la

vente directe, le Code professionnel de la vente à distance établi par la Fédération des

entreprises de ventes à distance, le Code de déontologie du marketing téléphonique, ou

encore le Code de déontologie publicitaire de l’Autorité de Régulation Professionnelle

de la Publicité (ARPP). Même s’ils n’ont pas de valeur légale, ces « codes » ont leur

importance puisqu’ils uniformisent la conduite des professionnels dans certains

domaines et leurs règles sont souvent assorties de sanctions disciplinaires internes à

l’organisation. On constate qu’aucun de ces textes n’impose en tant que telle une

interdiction des ventes liées ou des ventes avec primes, sans doute parce que cette

interdiction figurait depuis longtemps et dans des termes clairs dans le Code de la

Consommation.

On remarquera cependant que le « Code sur les pratiques de publicité et de

communication commerciale » de la Chambre de Commerce Internationale de Paris40

qui fait partie des réglementations générales régulant les membres de l’ARPP, est

entièrement rédigé dans la préoccupation de la perception donnée par le professionnel

au consommateur. Il prend soin de définir dans son article 7 le terme « gratuit » dans

une offre commerciale comme caractérisant exclusivement une offre qui « n’implique

aucune obligation de quelque nature que ce soit; ou lorsque l’unique obligation est le

paiement de frais d’expédition et de traitement, pour un montant n’excédant pas les

coûts estimés à exposer par le professionnel de la communication ; ou en conjonction

avec l’achat d’un autre produit, à condition que le prix de ce produit n’ait pas été

augmenté afin de couvrir tout ou partie du coût de l’offre ». Ici, on reconnait

l’interdiction de présenter au consommateur un produit ou un service comme étant

gratuit alors qu’il paye en réalité le produit par son achat, ce qui est également ce que

l’on cherche à éviter par l’interdiction de la vente avec prime. Cet argument pourrait

servir à caractériser la vente avec prime comme étant contraire à la diligence

professionnelle lorsqu’elle intègre une partie du prix de la prime au prix total de l’achat,

et constituer ainsi, pour les professionnels liés à ce « code », un pas vers la

condamnation de la vente avec prime en tant que pratique commerciale déloyale.

40

Code ICC Consolidé sur les pratiques de publicité et de Communication Commerciale, Document No. 240-

46/660, Août 2011

59

La directive donne une place importante à ces codes de conduite dans

l’évaluation de la loyauté des pratiques commerciales, et les définit à l’article 2 f)

comme étant : « un accord ou un ensemble de règles qui ne sont pas imposés par les

dispositions législatives, réglementaires ou administratives d’un État membre et qui

définissent le comportement des professionnels qui s’engagent à être liés par lui en ce

qui concerne une ou plusieurs pratiques commerciales ou un ou plusieurs secteurs

d’activité ». Dans son considérant 20, le texte exprime la volonté du législateur

européen de voir inscrites dans ces codes de conduite des règles rappelant l’interdiction

d’exercer des pratiques commerciales déloyales, ainsi que l’intention de prendre en

considération ces codes dans la détermination de la diligence professionnelle dans les

différents cas : « Dans les secteurs dans lesquels le comportement des professionnels est

soumis à des exigences contraignantes spécifiques, il convient que celles-ci soient

également prises en considération aux fins des exigences en matière de diligence

professionnelle dans le secteur concerné ». A l’heure actuelle, les associations

professionnelles en France n’ont pas véritablement mis l’accent sur les pratiques

commerciales déloyales, ni sur les ventes liées et les ventes avec primes.

Enfin, le professeur Guy Raymond indique qu’à titre subsidiaire, on définit la

diligence professionnelle quant aux usages de la profession, soit aux règles non écrites

suivies par des personnes exerçant des professions déterminées qu'elles considèrent

obligatoires pour régler leurs transactions. La Cour de Cassation énonce, dans un arrêt

du 17 janvier 199641

concernant la tromperie, que : « les juges du fond ont tout pouvoir

pour reconnaître ou dénoncer l'existence d'un usage ». Selon M. Raymond, on pourrait

donc évaluer la conformité d’une pratique à la diligence professionnelle en fonction de

son appartenance à un usage de la profession concernée.

Ces propos doivent cependant être nuancés dans le sens où une pratique, fut-elle

généralisée, n’en perd pas pour autant son caractère déloyal si celui-ci est démontré par

ailleurs. De même, le fait qu’une pratique soit au contraire innovante et très peu

répandue n’en fait pas pour autant une pratique contraire à la diligence professionnelle.

C’est en effet ce que rappelle le professeur Marie Malaurie-Vignal dans son

41

Cass. crim., 17 janv. 1996 : Bull. crim. 1996, n° 30 ; JurisData n° 1996-001042

60

commentaire42

de l’arrêt de la Cour de Cassation du 15 novembre 2010 dans le cadre de

l’affaire Lenovo : « La Cour de cassation, le 13 juillet 2010, a considéré que l'adoption

par des concurrents de pratiques similaires n'est pas de nature à retirer à la pratique

son caractère déloyal. À l'inverse, une pratique inédite peut être déloyale. L'essentiel

est de procéder à une analyse concrète du comportement du professionnel ». Dans

l’affaire Orange Sports43

à laquelle elle se réfère, les concurrents d’Orange invoquaient

l’argument que le caractère inédit de la pratique la rendait contraire à la diligence

professionnelle en verrouillant le marché des offres de triple play. La Cour a donc

rappelé, à juste titre, que la diligence professionnelle ne s’arrête pas à l’harmonisation

des comportements, car cela aurait justement pour effet d’empêcher l’innovation sur un

marché.

En pratique cependant, on notera que les juges français ont très peu fait

référence à ces règles régissant l’exercice d’une profession pour condamner une

pratique comme étant contraire à la diligence professionnelle, notamment en ce qui

concerne la vente liée. En effet, non seulement ces « codes » et usages n’ont, pour la

plupart, pas suivi les recommandations de la directive selon lesquels ils devraient

inclure des éléments relatifs à la déloyauté des pratiques commerciales, mais aussi il

apparaît que les juges ont tendance à déterminer eux-mêmes au cas par cas les

comportements répréhensibles. Ainsi, ils accordent une importance toute particulière à

la question du respect du consommateur par le professionnel.

§2 : L’absence de respect du consommateur

L’article 2h) de la directive définit également la diligence professionnelle

comme étant « le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est

raisonnablement sensé faire preuve vis-à-vis du consommateur ». On retrouve ici l’idée

42

Contrats Concurrence Consommation n° 1, Janvier 2011, comm. 9 : Conditions d'interdiction des ventes liées,

Commentaire par Marie MALAURIE-VIGNAL sur l’arret LENOVO 1è civ 15 nov 2010

43

Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-15.304 et 09-66.970, FS-P+B, Free et SFR c/ France Télécom, Orange sports

et Ligue nationale de football : JurisData n° 2010-011628

61

de protection du consommateur, et l’idée que le consommateur est la mesure de la

déloyauté du comportement. La définition de la diligence professionnelle se construit

donc également autour du respect du consommateur. Cet élément va dans le sens de la

condamnation du comportement de professionnels qui consisteraient à ne pas donner au

consommateur les informations nécessaires pour qu’il puisse faire son choix dans de

bonnes conditions.

Cet élément de définition est, là encore, relativement vague. On peut

légitimement se demander ce que le législateur européen entend par «la compétence

spécialisée et les soins ». Ceci laisse une place conséquente à l’interprétation des juges

du fond qui sont les plus à même de vérifier la coïncidence entre le texte et l’espèce

concrète à laquelle ils sont confrontés. C’est donc dans la jurisprudence et surtout dans

les conclusions de l’avocat général sur diverses affaires de la Cour de Justice de l’Union

Européenne que l’on trouve des ébauches de définitions.

Dans le cadre de l’affaire « Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs

eV », l’Avocat Général Madame V. Trstenjak de la Cour de Justice des Communautés

Européennes précise la notion de diligence professionnelle en se rapportant à l’effet

potentiel de la pratique sur le consommateur, dans ses conclusions rendues le 3

septembre 200944

. En l’espèce, il s’agissait d’une législation allemande prévoyant une

interdiction générale des concours et des jeux promotionnels avec obligation d’achat, et

ne subordonnant pas la condamnation à une appréciation casuistique. Alors que cette

disposition courrait le risque d’être jugée contraire à la directive, l’avocat général

développe la définition à son sens de la diligence professionnelle en affirmant que ce

qui rend contraire à la diligence professionnelle ces pratiques interdites par la loi

allemande, c’est le fait que l’association de la promotion des ventes et de la perspective

de gains d’un jeu peut être de nature « à éveiller la passion du jeu », comme elle le

souligne dans le point 93 de ses conclusions. En effet, madame Trstenjak affirme dans

le même point qu’« une telle pratique commerciale ressortit à certains égards à de la

manipulation et peut, dans certaines circonstances, constituer une violation de la

diligence professionnelle. » Le terme fort « manipulation » employé par elle affirme

44

Conclusions de l’avocat général Trstenjak présentées le 3 septembre 2009. Cour de Justice des Communautés

Européennes 3 septembre 2009 C‑304/08, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV c/ Plus

Warenhandelsgesellschaft mbH

62

l’idée que ce qui est contraire à la diligence professionnelle, c’est le fait d’utiliser des

faiblesses du consommateur pour l’inciter à consommer.

Loin de cantonner le manquement à la diligence professionnel à une véritable

volonté de la part de l’auteur de la pratique de nuire au consommateur, l’avocat général

Trstenjak donne d’autres éléments définissant le manquement à la diligence

professionnelle en envisageant l’attitude globale du professionnel au cours de la

transaction, dans le contexte d’une autre affaire « Jana Pereniová et Vladislav Pereni c/

SOS financ spol »45

. L’espèce est assez éloignée des questions qui nous occupent,

puisqu’il s’agit de l’annulation en Slovaquie d’un contrat de crédit à la consommation

dans son ensemble alors que seules certaines clauses avaient un caractère déloyal. La

détermination de la déloyauté de ces clauses passait cependant par la démonstration

d’un manquement à la diligence professionnelle, ce qui a donné à l’avocat général

l’occasion compléter la définition de cette dernière. Elle rappelle dans ce contexte la

raison pour laquelle le consommateur doit être protégé, c’est-à-dire sa position de

faiblesse par rapport au professionnel, surtout pour ce qui est de sa possibilité réduite de

négocier, et des informations dont il dispose sur le produit ou le service qui est l’objet

du contrat et qui est proposé par le professionnel. Pour ces raisons, elle déclare qu’ : « il

est permis d'attendre d'un professionnel qu'il (…) accorde un soin particulier à ses

relations avec un consommateur, d'autant plus que ce dernier doit se fier à l'expertise

du professionnel». La diligence professionnelle se mesure donc en fonction de

l’expertise dont l’auteur de la pratique aura fait preuve face au consommateur. On

comprend par là qu’il doit l’informer de manière claire, précise et adéquate par rapport à

ses besoins, et ce pour combler justement l’écart entre le manque d’information du

consommateur sur le produit et la bonne connaissance que doit justement en avoir un

professionnel qui le propose à la vente. S’il ne donne pas les informations nécessaires

ou s’il n’en a lui-même pas connaissance, il commet un manquement à la diligence

professionnelle. Cette dernière peut donc être définie comme étant un comportement à

adopter vis-à-vis du consommateur, conformément à ce qui a été cité : le professionnel

doit être honnête et compétent au moment de dispenser les informations.

En termes de décisions jurisprudentielles, seules quelques-unes s’attardent à

expliquer en quoi un comportement est effectivement contraire à la diligence

45

Conclusions de l'avocat général Trstenjak présentées le 29 novembre 2011. Cour de justice de l’Union

Européenne 29 novembre 2011 C-453/10 Jana Pereniová et Vladislav Pereni c/ SOS financ spol

63

professionnelle. Beaucoup ne relèvent que les termes de la directive sans les

approfondir à la manière de l’avocat général. On trouve cependant certaines décisions

qui, dans leur description précise des faits suivies des appréciations qui en découlent,

affinent l’image de la diligence professionnelle dans le sens de la protection du

consommateur. En effet, dans un domaine bien distinct de celui des ventes liées et des

ventes avec primes, on retrouve l’idée de la mauvaise information du consommateur

dans l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 20 Novembre 2009 « S.A.S. Cema / S.A.S.

Unilever France »46

. Dans cette décision, les juges du fond établissent que le fait qu’une

pratique « consiste à affirmer faussement qu'un produit est de nature à guérir des

maladies, des dysfonctionnements ou des malformations » la rend contraire à la

diligence professionnelle. Là encore, et même si cette affirmation est grave au point

sans doute de constituer avant tout une pratique trompeuse prohibée en toutes

circonstances, on retrouve ici l’idée qu’une pratique est contraire à la diligence

professionnelle lorsque son auteur n’a pas eu le rôle d’information avec la rigueur qui

est attendue de la part d’une personne de sa qualité, sensée en savoir plus que le

consommateur sur les produits qu’elle propose à la vente.

Pour ce qui est des décisions relatives à la vente liée, la Cour d’Appel de

Versailles dans son arrêt du 5 Mai 201147

énumère dans son argumentation les faits qui

rapprochent le comportement reproché d’une pratique commerciale déloyale de par son

manque de diligence professionnelle. Il s’agit d’une affaire concernant la vente

d’ordinateurs avec logiciels préinstallés, dans laquelle s’opposaient l’association UFC

Que Choisir et la société Hewlett-Packard France. L’association de consommateurs

accusait HP de commettre le délit de vente liée tout en présentant la vente d’un

ordinateur avec son logiciel comme la vente d’un seul produit. La Cour d’Appel

condamnera HP à afficher le prix des logiciels, au motif que la pratique est déloyale au

sens de la directive car contraire à la diligence professionnelle, du fait de la négligence

du professionnel quant aux besoins d’information du consommateur : « Considérant que

la vente par la société HEWLETT PACKARD FRANCE sur son site ouvert aux

particuliers: http//welcom.hp.com/country/fr/fr/welcom.Html d'ordinateurs avec des

46

Cour d'appel Paris Chambre 25, section B 20 Novembre 2009 N° 06/18824 S.A.S. CEMA, société ayant

absorbé la société CEMA S.A.S. UNILEVER France (Inédit)

47

Cour d'appel Versailles Chambre 3, 5 Mai 2011 N° 09/09169 Union Federale des Consommateurs - QUE

CHOISIR 'UFC QUE CHOISIR' c/ S.A.S. HEWLETT-PACKARD FRANCE 'HP FRANCE', ASSOCIATION DE

DROIT DU MARKETING

64

logiciels pré installés sans mention du prix que représentent les logiciels et sans

possibilité d'y renoncer avec déduction du prix correspondant à la licence, est contraire

aux exigences de la diligence professionnelle eu égard aux possibilités techniques

actuelles ». Cet arrêt montre encore que c’est en fonction des possibilités offertes au

consommateur que l’on mesure la diligence professionnelle. Dans ce cas, ce manque

d’information a justifié une condamnation du vendeur pour la pratique commerciale

déloyale de vente liée ; on en déduit que dans les cas où la vente subordonnée de deux

produits comporte une lacune dans l’information au consommateur, la pratique pourrait

être considérée comme contraire à la diligence professionnelle, ce qui n’est cependant

pas une caractéristique générale de ce type de ventes. On suppose donc que peu de

ventes liées seront contraires à la diligence professionnelle évoquée dans ces termes, ce

qui les rend difficilement déloyales au sens de la directive.

L’exigence de diligence professionnelle est donc matérialisée d’une part, par

l’exigence du respect des règles régissant la profession (tels que les codes de

déontologie, les codes de bonne conduite ou les usages professionnels) et, d’autre part,

par celle d’un comportement respectueux et informatif à l’égard du consommateur. Elle

n’est cependant que l’une des deux conditions cumulatives à la qualification de la

déloyauté d’une pratique commerciale. La deuxième condition de la déloyauté selon

l’article 5.2b) de la directive et de l’article L 120-1 du Code de la Consommation est le

fait qu’elle « altère ou soit susceptible d’altérer substantiellement le comportement

économique du consommateur moyen ».

Section 2 : La condamnation de pratiques susceptibles d’altérer substantiellement

le comportement économique du consommateur moyen (article 5. 2.b)

L’expression est définie à l’article 2 e) de la directive, comme étant :

« l’utilisation d’une pratique commerciale compromettant sensiblement l’aptitude du

consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par

conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ».

Cet élément est très représentatif de la volonté générale de la directive d’interdire les

65

pratiques en fonction de leurs conséquences sur la liberté de choix du consommateur

(§1). Cette manière d’appréhender le critère de l’altération du comportement du

consommateur le rapproche en réalité des questions relatives au vice du consentement

en droit civil (§2).

§1 : La faculté pour le consommateur de faire son choix en connaissance de cause

En observant les commentaires de la doctrine ainsi que les motifs des décisions

judiciaires concernant le critère de l’altération du comportement, on note qu’il est

souvent assimilé à l’idée du défaut d’information dispensée au consommateur, ou même

à la présence d’éléments trompeur parmi les informations données (A), en excluant de la

définition les conceptions plus larges (B).

A) Une dispense d’information de nature à tromper le consommateur sur le

produit

A l’analyse des jurisprudences qui développent ce que l’on entend par

« altération substantielle du comportement économique de consommateur », on constate

que c’est une notion assez proche de la tromperie. En effet, les juges assimilent l’idée

que le comportement économique ait été altéré à l’idée que les informations données au

consommateur étaient fausses ou insuffisantes pour qu’il puisse « faire son choix en

connaissance de cause ». C’est donc du côté des informations précontractuelles qu’il va

désormais falloir se tourner pour vérifier si une vente liée ou une vente avec prime

constitue une pratique déloyale au sens de la directive, et donc pour savoir si elle est

condamnable.

Dans certaines affaires ne concernant pas spécifiquement la vente liée ou la

vente avec prime, on trouve en effet ce rapprochement. C’est notamment le cas dans

l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 25 Mai 2011 opposant la société Herta au

66

Syndicat des labels porc et industrie Sylaporc 48

, où il avait été jugé que le mauvais

emploi du terme « label » constituait une altération substantielle du comportement

économique du consommateur. Le « label » est défini par le Code Rural comme étant :

« une marque spéciale créée par un syndicat professionnel et apposée sur un produit

destiné à la vente pour en certifier l'origine et les conditions de fabrication ». En

l’espèce, la société Herta avait utilisé ce terme pour décrire ses produits, en le

combinant aux mentions « Charte de qualité » et « contrôlé par un organisme

indépendant » dans un encart publicitaire, alors que les produits en questions ne

disposaient pas réellement d’un label tel que défini ci-dessus. La société accusée fut

condamnée pour concurrence déloyale et parasitaire envers le syndicat Sylaporc

regroupant les professionnels de la charcuterie, demandeur, aux motifs que : « [ses

agissements ont été] de nature à altérer de manière substantielle le comportement du

consommateur final en induisant en erreur ce dernier sur la qualité du produit litigieux,

cette présentation pouvant lui laisser faussement croire à un produit bénéficiant d'un

label dans les conditions susvisées », aux termes de la décision. C’est donc avant tout

parce que l’indication induisait le consommateur en erreur quant aux qualités du produit

que l’on a considéré que la pratique altérait le comportement du consommateur. Il s’agit

donc d’une information destinée à tromper le consommateur sur le produit, et à rendre

ce dernier plus attractif en exagérant ses qualités.

Une autre décision de la Cour d’Appel de Paris datant du 28 septembre 2011 et

concernant la Société Anonyme Leguide49

, qui a pour objet le référencement sur ses

sites internet des produits de différents vendeurs. Dans cette affaire, les juges du fond

ont estimé que le fait de faire apparaître prioritairement les produits des sociétés qui

l’avaient spécialement rémunéré dans ce but sans l’indiquer au consommateur était

selon l’arrêt « susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement

économique du consommateur qui est orienté d'abord vers les produits et offres des

e.marchands 'payants' et ne dispos[ait] pas ainsi de critères objectifs de choix ». Ainsi,

on attache là encore une importance à la faculté du consommateur de faire un choix en

connaissance de cause. En l’espèce, le consommateur ne savait pas quel critère

48

Cour d'appel Paris Pôle 5, chambre 4, 25 Mai 2011 N° 08/24218 S.A.S. HERTA c/ SYNDICAT DES LABELS

PORC ET CHARCUTERIES – SYLAPORC Numéro JurisData : 2011-014195

49

Cour d'appel Paris Pôle 5, chambre 10, 28 Septembre 2011 N° 10/08374 S.A. LEGUIDE.COM c/ S.A.R.L.

PEWTERPASSION.COM (ETAINPASSION.COM), S.A.R.L. SAUMON'S (ETAINS DU CAMPANILE) (Inédit)

67

gouvernait l’ordre d’apparition des produits dans le tableau de référencement : il était

automatiquement poussé vers ces produits, et pouvait penser que le critère était la

qualité, la demande, ou d’autres. Si on l’informait du critère réellement utilisé, il serait

probablement plus enclin à consulter les références suivantes. Ici, les juges demandent à

ce que l’on dote le consommateur de critères objectifs de choix : c’est l’idée qu’on ne

doit pas l’induire en erreur par les informations qu’on lui donne ou au contraire par

l’omission de l’informer. On se rapproche donc à nouveau de la tromperie.

Pour ce qui est du domaine de la vente liée, l’arrêt de la Juridiction de Proximité

de Lorient du 27 août 2009 pour l’affaire opposant un consommateur à la société Asus50

donne également des détails pour la définition en ce sens de l’altération du

comportement économique. En effet, le juge de proximité a jugé en l’espèce que le fait

de ne pas avoir indiqué clairement que les ordinateurs étaient pré-équipés de logiciels,

de ne pas avoir indiqué leur prix et de ne pas avoir été en mesure d’expliquer comment

les désinstaller, est une altération substantielle du comportement du consommateur. Il

statue en précisant que : « il ne peut être sérieusement contesté que les modalités de la

vente mises en place par la société ASUS ont pour effet de contraindre de manière quasi

directe le consommateur de conserver le système d’exploitation Windows de

Microsoft.» Là, il va jusqu’à assimiler ce procédé à une vente forcée : non seulement le

juge évoque ici la contrainte, mais également le fait que c’est le manque d’information

dont disposait le vendeur et des informations données au consommateur qui est la cause

de cette contrainte. C’est le défaut d’information qui empêche le consommateur de

conclure le contrat qu’il souhaitait conclure en réalité. C’est d’autant plus vrai que,

comme l’a justement fait remarquer Me Frédéric Cuif51

, le type de pratique qui consiste

à vendre en une seule fois ordinateur et logiciel sans montrer la différence qui existe

entre ces deux produits a tendance à faire croire au consommateur qu’il ne s’agit que

d’un seul produit élimine complètement la possibilité de choix des logiciels pour le

consommateur qui n’est même pas conscient de l’existence d’alternatives. Il écrit en

effet : « si dans (…) [l’] esprit [des consommateurs], un ordinateur n'est aujourd'hui

vendu qu'avec Windows préchargé, c'est seulement et uniquement à cause de la

50

T. prox. Lorient, 27 Août 2009, Magnien c/Asus

51

« Double condamnation de SAMSUNG : la fourniture de logiciels non demandés est interdite » lundi 2 avril

2012 par Me Frédéric CUIF, en ligne à la page : http://www.cuifavocats.com/Double-condamnation-de-

SAMSUNG-la

68

pratique des constructeurs et du défaut manifeste d'information auquel ils se livrent à

leur égard, notamment sur le prix des logiciels et le fait qu'ils les payent. Autrement dit,

si les constructeurs informaient mieux le consommateur, ce dernier ne serait pas «pieds

et poings liés à son logiciel ». »

L’altération du comportement économique s’analyse donc comme la possibilité

pour le consommateur de faire son choix en connaissance de cause, en fonction des

informations qui lui ont été fournies et de la position dans laquelle il était placé par le

professionnel lors de son achat : il ne doit pas avoir été induit en erreur de quelque

manière que ce soit, et doit avoir pu disposer de critères objectifs de choix.

L’appréciation de cette condition de la déloyauté devra donc se limiter à cela et

exclure la condamnation de pratiques qui ne correspondent pas cette description.

B) L’altération substantielle du comportement économique : une notion

limitée aux informations nécessaires données au consommateur

Les juges et la doctrine ont limité la notion d’altération substantielle, d’une part

en excluant les pratiques visant simplement à inciter le consommateur à contracter (1),

d’autre part en accentuant le caractère déterminant des informations omises pour son

choix (2).

1. Une notion distincte de l’influence de la pratique sur le consommateur

La notion d’altération du comportement du consommateur devait être précisée,

car c’est justement le propre de toute pratique commerciale d’inciter le consommateur à

contracter. Le professeur Monique Luby donne, dans son article « La directive 2005/29

sur les pratiques commerciales déloyales : (une illustration de la nouvelle approche

69

prônée par la Commission européenne) »52

, son interprétation de la formule. Pour elle,

ce sont : « des pratiques susceptibles d'influer sur la perception d'un produit, sans

altérer l'aptitude à prendre une décision en connaissance de cause, tels le placement

légitime de produits, la différenciation des marques - publicité fondée sur la notoriété

d'une marque...-, ou les incitations à l'achat, ne sont pas condamnées ». Cette

interprétation doctrinale de la nouvelle législation confirme que c’est uniquement la

question de faculté pour le consommateur de faire son choix de manière éclairée qui est

en cause. On ne cherche pas à condamner les stratégies commerciales visant à mettre en

avant le produit dans l’esprit du consommateur, et qui n’apparaîtraient comme

trompeuse que si l’on imaginait à la place du consommateur les raisons pour lesquelles

il aurait contracté, mais on évalue au contraire la déloyauté d’une pratique en se

demandant objectivement s’il était capable, compte tenu des informations dont il

disposait, de prendre librement une décision commerciale.

La jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne donne une

interprétation similaire. Les juges européens insistent sur le fait qu’il faut plus que la

simple incitation à acheter pour constituer une « altération substantielle du

comportement économique du consommateur » au sens de la directive. Les arrêts qui

ont respectivement marqué la fin de l’interdiction per se des ventes avec primes et des

jeux et concours promotionnels (c’est-à-dire les opérations de jeux ou concours

subordonnées à l'acquisition d'un bien ou d'un service) font foi de cette interprétation.

Dans ces décisions, on note que le critère de l’altération du comportement n’a pas été

rempli pour les juges européens qui ont considéré que ces pratiques ne pouvaient être

interdites en toutes circonstances, alors que l’on pouvait soutenir qu’elles influençaient

le comportement du consommateur dans le sens de la consommation.

Pour ce qui est de l’affaire concernant les jeux promotionnels, l’avocat général

Trstenjak argumentait en faveur de l’interdiction dans le point 71 ses conclusions sur

l’affaire « Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV » rendues le 3

septembre 200953

en avançant que: « l'offre combinant participation à un jeu

52

Europe n° 11, Novembre 2005, étude 11 La directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales. - (une

illustration de la nouvelle approche prônée par la Commission européenne) Etude par Monique LUBY

Professeur à l'Université de Pau

53

Conclusions de l’avocat général Trstenjak présentées le 3 septembre 2009. Cour de Justice des Communautés

Européennes 3 septembre 2009 C‑304/08, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV c/ Plus

Warenhandelsgesellschaft mbH

70

promotionnel et vente de marchandises peut faire basculer la décision d'achat même

d'un consommateur moyen raisonnable de telle façon que cette décision ne sera plus

fondée sur des considérations rationnelles, mais sur le désir d'emporter le lot mis en

jeu. »Le fait que la législation nationale ait été censurée par la Cour alors même que les

pratiques interdites avaient, selon l’avocat général, un effet sur la décision du

consommateur de contracter montre que les juges européens cherchent à limiter

l’appréciation de l’altération. En effet, ce n’est pas l’influence sur la prise de décision

qui pose problème, et on se désintéresse des raisons qui ont pu conduire le

consommateur à contracter, tant qu’il l’a fait en disposant de toutes les informations

nécessaires pour acheter en connaissance de cause.

Dans le cas des ventes avec primes, l’arrêt de la Cour de Justice du 9 novembre

2010 Mediaprint Zeitungs und Zeitschriftenverlag GmbH54

énonce dans son considérant

46 que le seul fait de proposer une prime à l’achat d’un produit ne peut à lui seul

constituer une altération substantielle du comportement économique du consommateur.

Dans ce type d’offre en général, le consommateur contracte encore en connaissance de

cause, il disposait de toutes les informations, il n’a donc pas été trompé avant de

contracter. Les raisons hypothétiques pour lesquelles il a contracté, la loi et le juge

doivent s’en désintéresser selon la directive. On ne cherche pas à choisir à la place du

consommateur comme le feraient des législations plus dirigistes, on veut au contraire lui

donner les bons outils pour qu’il puisse lui-même faire un choix commercial parmi une

quantité de propositions : c’est là que l’on retrouve le raisonnement de la directive, qui

confirme l’idée que l’altération du comportement se mesure en fonction de la faculté

pour le consommateur de connaître parfaitement les conditions avant de contracter. On

refuse donc de considérer une technique de vente en général comme une altération du

comportement de consommateur sous prétexte qu’elle influencerait sa décision

commerciale : ce n’est pas une simple influence que ce critère condamne, mais une

manipulation qui relèverait davantage de la tromperie.

54

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 9 novembre 2010, Cour de justice des Communautés européennes aff.

C-540/08 “Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG c/ "Österreich"-Zeitungsverlag

GmbH”

71

C’est donc dans la mesure où elles induiront véritablement le consommateur en

erreur que les pratiques de ventes liées et de ventes avec primes seront condamnables

sous l’empire de la nouvelle loi. Mais même dans ces cas, les informations omises

devront être « substantielles » pour altérer le comportement du consommateur dans le

sens voulu par la directive.

2. Une notion cantonnée à une dispense des seules informations

« substantielles »

Pour rester en cohérence avec l’esprit de la directive, il fallait donner un sens

restrictif à l’expression large d’ « altération du comportement économique du

consommateur ». Ceci se traduit dans le texte de la directive par la présence du

qualificatif « substantiel » accompagnant l’altération, qui vient limiter l’ampleur

apparente de ces termes vagues. Comme on l’a évoqué dans la première partie (p.21), la

présence de cet élément montre la volonté du législateur de tempérer l’interdiction en ne

considérant que les problèmes majeurs, dans un raisonnement parallèle à celui qui a

conduit les autorités européennes à instaurer un seuil de minimis en droit de la

concurrence conduisant à ne pas étudier les pratiques n’ayant qu’un faible impact sur le

commerce interétatique pour ce marché-là55

. Le critère de l’altération substantiel se

limitera donc, à la manière des restrictions de concurrence, à l’appréciation des effets

concrets de la pratique.

Le caractère substantiel de l’altération s’est particulièrement illustré dans

l’évaluation de l’importance des informations manquantes. Dans l’affaire concernant la

vente liée de logiciels préinstallés opposant l’association UFC Que Choisir à la société

Hewlett Packard France, la Tribunal de Grande Instance de Nanterre56

avait jugé que le

défaut d’information donnée au consommateur sur les prix des logiciels n’était pas

substantiel dans la décision du consommateur d’acheter le produit. Selon les termes de

la décision : « [cela] ne revêt pas (…) un caractère substantiel puisque, ce qui importe

55

Voir Partie 1, Chapitre I, Section 1, §2 : « Le nouveau raisonnement de la directive 2005/29/CE : la

transposition de cette approche libérale dans le droit consumériste »

56

TGI Nanterre, 6e ch., 30 oct. 2009, UFC Que Choisir c/ Sté HP France : JurisData n° 2009-015353

72

avant tout pour le consommateur, c'est de connaître le prix global de l'objet proposé à

la vente ». Le professeur Michel Stoffel-Munck défend également ce point de vue57

, en

partant du principe que le consommateur moyen sait qu’il s’agit d’un produit distinct et

qu’il peut s’informer seul du prix du logiciel vendu individuellement. Même si la Cour

d’Appel de Versailles est revenue sur cette appréciation en décidant dans la même

affaire que cette information avait en fait un caractère substantiel : du fait de la

proportion élevée du prix de la licence d’utilisation du logiciel par rapport au prix

global, et parce que le fait de ne pas afficher le prix empêchait le consommateur de

comparer l’offre avec celles des concurrents et donc de prendre une décision éclairée.

On comprend par la position des juges de première instance l’application que peut avoir

le terme « substantiel » dans l’appréciation des informations dispensées au

consommateur. Guy Raymond résume bien cette idée dans le Jurisclasseur Concurrence

Consommation de mai 2008 58

: « L'altération doit être substantielle, c'est-à-dire qu'elle

doit être importante ; si l'altération n'atteint pas fondamentalement la décision du

consommateur, elle ne devrait pas être prise en compte. »

Ce que l’on a beaucoup reproché à la vente avec prime, c’est justement son effet

trompeur sur le consommateur, compte tenu du fait que la prime est présentée comme

étant gratuite alors que bien souvent son prix est intégré au prix de l’achat. L’allégation

de la gratuité de la prime serait donc, seulement dans ces cas-là, de nature à constituer

un défaut d’information altérant le comportement économique du consommateur.

Cependant ce type d’offres constitue des « primes auto-payantes » qui n’étaient pas

visées par l’interdiction de l’article L 121-35 avant la réforme de 2011. D’autres

préoccupations ont donc conduit le législateur à prohiber les primes, et celles-ci ne sont

pas reprises dans la nouvelle interdiction. En effet, comme l’énonce Me Régis Fabre

dans son ouvrage « Droit de la Publicité et de la Promotion des ventes »59

, la vente avec

prime est nocive à trois égards : par son caractère trompeur, par la fausse présentation

57

Communication Commerce électronique n° 10, Octobre 2008, comm. 115 Vente liée et logiciels préinstallés :

la préinstallation est une pratique légitime mais le prix des licences de logiciels doit-il apparaître distinctement?

Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK

58

JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 900 : PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES ET

AGRESSIVES > I. - Principes généraux gouvernant les pratiques commerciales déloyales Cote : 05,2008 (Guy

Raymond)

59

Droit de la publicité et de la promotion des ventes - Edition 2006 3e édition Régis Fabre, Marie-Pierre

Bonnet-Desplan, Nadine Sermet, Nicolas Genty DALLOZ-SIREY

73

de gratuité de la prime; par son caractère inflationniste puisque cette fausse perception

du prix par le consommateur permet au commerçant d’augmenter artificiellement le prix

du produit vendu ; et par la concurrence déloyale résultant de ces offres, considérant que

le but de la concurrence, soit de récompenser le meilleur produit, est faussé au profit

d’une concurrence sur l’existence de primes. Or au regard de l’étude menée ci-avant des

conditions d’incrimination d’un professionnel pour pratique déloyale, on constate que

l’on se concentre sur l’élément trompeur de la pratique pour la condamner, et qu’on met

de côté les autres fléaux de cette pratique dont on ne protège plus le marché que dans la

mesure où elles serait une conséquence de la tromperie du consommateur moyen, et

plus sur la base des considérations qui avaient motivé les premiers textes.

En ce qui concerne la vente liée, sa nocivité n’est pas, en général, relative à la

question du manque d’information, de sorte que ce n’est que dans des cas spécifiques

que l’infraction pourra correspondre à ces critères.

Comme on l’a démontré, l’altération du comportement du consommateur se

traduit par la question de l’exactitude des informations entre les mains du

consommateur et de leur aspect déterminant dans sa décision de contracter. Cela n’est

pas sans rappeler les vices du consentement en droit commun des contrats.

§2 : Un rapprochement avec le vice du consentement en droit civil

Dans son article paru dans la revue Europe n° 11 de novembre 200560

, le

professeur Monique Luby détaille comme on l’a vu précédemment en quoi la notion

d’altération du comportement est limitée aux informations dont disposait le

consommateur lors de sa prise de décision. Cela lui permet de conclure sur une

interrogation quant à la teneur de cette condition compte tenu de sa proximité avec le

droit commun des obligations des Etats membres.

60

Europe n° 11, Novembre 2005, étude 11 La directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales. - (une

illustration de la nouvelle approche prônée par la Commission européenne) Etude par Monique LUBY

Professeur à l'Université de Pau

74

En effet, se demander si le consommateur a pris une décision en connaissance de

cause, et s’interroger sur le fait qu’une information manquante était déterminante de son

consentement, n’est-ce pas parler de la validité du consentement, en s’aventurant sur le

terrain de l’erreur, du dol et de la réticence dolosive ? C’est ce que suggèrent certains

auteurs, et particulièrement le professeur Guy Raymond61

qui écrit que le fait que la

directive définisse l’altération du comportement comme étant le fait pour une pratique

de « [compromettre] sensiblement l'aptitude du consommateur à prendre une décision

en connaissance de cause et l'[amener] par conséquent à prendre une décision

commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement », c’est ramener cette question à l’étude

des vices du consentement. Selon lui, « Viser l'altération économique du comportement

c'est dire autrement que le consentement doit être sain et éclairé et qu'il ne doit pas être

entaché d'un vice du consentement. L'article L. 120-1 renvoie donc, implicitement, aux

articles 1109 et suivants du Code civil. » Cette position est défendable, dans le sens où

un consommateur dépourvu d’information nécessaire à sa prise de décision ne peut en

effet remplir les conditions de l’article 1109 du Code Civil selon lequel le consentement

du consommateur doit être éclairé. Lorsque les juridictions se sont interrogées sur ce

critère, comme l’a fait notamment la Cour d’Appel de Versailles au sujet du caractère

substantiel ou non du prix des logiciels préinstallés, ne posaient-elles pas en réalité la

question de savoir si l’information manquante était déterminante du consentement au

contrat de la part du consommateur? La distinction est en effet peu claire.

Plus concrètement, le fait pour un professionnel de violer la diligence

professionnelle en altérant le comportement du consommateur, ou comme on l’a détaillé

ci-avant, ne pas donner au consommateur les informations nécessaires et suffisantes

pour qu’il puisse faire un choix économique, n’est-ce pas constituer un dol ou une

réticence dolosive ? Le fait de tromper le consommateur sur un élément essentiel du

contrat constitue exactement la définition du dol. En effet, selon l’article 1116 du Code

Civil qui interdit les pratiques dolosives: « le dol est une cause de nullité de la

convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une ou l'autre des parties sont telles,

qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. » L’idée

de l’importance des éléments trompeurs dans la décision de contracter coïncide ici avec

le principe de substantialité de l’altération économique du comportement. Cependant,

61

JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 900 : PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES ET

AGRESSIVES > I. - Principes généraux gouvernant les pratiques commerciales déloyales Cote : 05,2008 (Guy

Raymond)

75

l’élément déterminant de la qualification du dol, c’est l’élément intentionnel du

coupable de la pratique qui n’est pas explicitement exigé dans les dispositions de la

directive. Ceci peut paraitre assez déroutant car si la qualification de dol a pour finalité

l’annulation d’un contrat, la qualification de pratique commerciale déloyale a pour but

la sanction pénale d’un comportement illicite, qui peut aller jusqu’à deux ans de prison

et 150 000 euros d’amende selon le Code de la Consommation. Peut-être que le

caractère pénal du texte en cause implique un élément intentionnel à la pratique

prohibée, mais là encore, celui-ci ne doit pas être recherché. En effet, même pour les

pratiques trompeuses de l’article 6 qui servent à prohiber la publicité trompeuse, on

condamne le fait de donner des informations « susceptibles d’induire en erreur », même

si celles-ci ne sont ni fausses ni mensongères : la qualification est donc plus facile que

celle du dol puisqu’elle repose sur les effets de la pratique et non sur l’intention

délictuelle du professionnel.

Le caractère intentionnel n’est en revanche pas requis pour l’erreur viciant le

consentement, où la fausse idée du contractant sur le contrat empêche également la

rencontre des consentements à l’origine de la formation du contrat. L’article 1110 du

Code Civil définissant l’erreur la décrit comme étant une cause de nullité de la

convention à la condition qu’elle « tombe sur la substance même de la chose qui en est

l'objet ». Selon cette définition, on ne trouve pas beaucoup de points distinguant ce vice

du consentement du droit commun des contrats et l’altération du comportement,

puisqu’on exige des deux qu’ils portent sur un élément essentiel du contrat, autrement

dit, ils doivent être substantiels.

Cependant, les décisions de l’affaire Guerby c/ Darty rappellent que l’approche

civiliste ne peut se substituer à une appréciation en fonction des conditions de la

directive sur les pratiques commerciales déloyales. Dans le jugement de première

instance de la juridiction de proximité de Paris du 25 septembre 200862

, le juge s’était

basé sur une approche purement civiliste pour statuer à l’encontre du consommateur au

motif que : « Que dès lors, Monsieur GUERBY reconnaît avoir été parfaitement

informé de son achat, Qu'il a eu le choix d'acheter ou non », décidant ainsi qu’il n’y

avait pas de défaut d’information de nature à constituer un vice du consentement, ni de

ce fait de contrainte à l’achat. Cette décision a pourtant été cassée par la Cour de

62

Juridiction de proximité de Paris 1er du 25 septembre 2008, Arrêt Guerby ¢ Darty

76

Cassation dans un arrêt du 15 novembre 201063

, au motif que le juge devait analyser la

question sous l’angle de l’article L 122-1 du Code de la Consommation (tel qu’en

vigueur en 2008) à la lumière des dispositions de la directive 2005/29/CE sur les

pratiques commerciales déloyales : c’est donc que l’appréciation en fonction de ces

derniers textes dépasse, en théorie du moins, la seule évaluation des vices du

consentement. La Cour se contente cependant de cet argument, sans distinguer les deux

approches au fond : le débat reste entier. Il reste encore à pouvoir dire en quoi la

condition d’une altération substantielle du comportement du consommateur se

différencie de l’erreur vice du consentement.

Le fait qu’on ne soit plus véritablement capable de distinguer clairement des

infractions du Code de la Consommation avec les causes de nullité du droit commun

des contrats du Code Civil est relativement interpellant quant au degré de protection

attendue de la part de la directive. N’est-on pas en droit d’attendre du droit de la

consommation, qui est sensé refléter l’inégalité entre le professionnel et le

consommateur et la corriger, une protection allant au-delà de celle réservée à un

contractant quelconque? Cela aurait été souhaitable si l’on désirait garder un droit

spécial autonome ayant pour objet la protection du consommateur.

63

Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2010, 08-20.227, Arrêt Guerby ¢ Darty, Inédit

77

A l’heure de dresser un bilan des interprétations des deux conditions

cumulatives, on constate qu’elles se recoupent entre elles. En effet, le respect de la

diligence professionnelle constitue l’obligation pour le professionnel de donner au

consommateur les informations dont il a besoin, et l’altération du comportement du

consommateur n’est réalisée selon la directive que lorsque celui-ci ne dispose pas des

informations nécessaires pour faire son choix en connaissance de cause. De plus, le fait

de fonder la déloyauté sur le manque d’informations précontractuelles, se rapproche

certes de l’étude des vices du consentement, mais est également très semblable à la

tromperie réprimée par la même directive, qui réprime en particulier les actions

trompeuses et omissions trompeuses (articles 6 et 7). Cela signifierait que l’article 5

servirait surtout à condamner les pratiques qui, sans pouvoir rentrer dans les définitions

plus précises des articles 6 et 7, seraient en réalité des pratiques trompeuses. Il

semblerait alors que cet article 5 soit une sorte de soupape de secours, qui est incluse

dans le texte surtout pour éviter de légaliser les pratiques que n’aurait pas prévu

expressément le législateur européen.

Les deux critères de l’article 5.2 sont définis par rapport aux informations

dispensées au consommateur et à leur importance dans sa prise de décision, ce qui les

rapproche de la prohibition des pratiques commerciales trompeuses. La considération du

manque d’informations nécessaires est cependant loin d’être au cœur des

préoccupations liées à la vente subordonnée et à la vente avec prime. En effet et comme

on l’a écrit, ce n’est plus que dans des cas marginaux centrés sur l’effet trompeur de la

pratique qu’elles pourront être condamnées comme étant déloyales au sens de cet article

5.2. On comprend donc que la directive, en posant ces conditions, ne cherchait pas à

interdire ces pratiques, mais seulement à condamner l’effet trompeur des pratiques

commerciales en général sur le consommateur. Cette observation confirme l’idée que

l’interdiction de ces pratiques ne se fera désormais qu’à titre exceptionnel.

Après avoir conclu à la difficulté de qualifier, selon ces critères, la vente liée et

la vente avec prime comme des pratiques déloyales, il faut aborder les différentes

sources de contestation de la méthode d’appréciation concrète de ces infractions.

78

Chapitre 2 : La contestation de l’approche casuistique en matière de vente

liée et de vente avec prime

En France, à la fois la doctrine et la jurisprudence ont émis des avis

contestataires vis-à-vis de la légalité de principe de ces pratiques. Sur le plan théorique,

certains objectifs poursuivis par les anciens textes sont délaissés par l’interdiction de ces

pratiques au cas par cas (section 1), et en pratique, nous étudierons le manque de

cohérence dans l’appréciation des critères par la jurisprudence (section 2). On ouvrira le

développement sur une éventuelle possibilité de revenir à une interdiction en toutes

circonstances de ces pratiques en vertu de la directive (section 3).

Section 1 : Un nouveau raisonnement délaissant certains objectifs poursuivis par

les anciens textes

Même si l’interdiction subsiste pour des cas qui rassemblent les conditions de la

déloyauté, certaines préoccupations qui avaient guidé les rédacteurs des textes

précédents vers une interdiction in abstracto des ventes avec primes et des ventes liées

sont écartées si l’on refuse de considérer que ce qui en fait des pratiques néfastes est

inhérent à leur nature même. C’est surtout vrai pour les ventes avec primes, comme en

témoigne le fait que contrairement aux ventes liées, la jurisprudence n’a pas tenté au

cours des années d’assouplir la règle d’interdiction absolue posée par le Code de la

Consommation.

En effet, le professeur Michel Pédamon affirme, au sujet du processus européen

de libéralisation de ces ventes entamé il y a une dizaine d’années: « les mesures

proposées sont manifestement trop brutales, elles vont trop loin : elles entraînent un

véritable bouleversement des règles en vigueur, une atténuation de la protection des

consommateurs, sans assurer pour autant « l’égalisation des conditions de la

79

concurrence et la sécurité juridique de entreprises »64

. Plus récemment, les mêmes

écueils ont été évoqués par le Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi

dans une réponse ministérielle du 4 Mai 2010, où celui-ci énonce que : « la France ne

se satisfait pas de la situation actuelle, qui se traduit par une diminution du degré de

protection des intérêts des consommateurs et une insécurité juridique pour les

opérateurs. »

On retrouve donc deux critiques majeures de ce changement de méthode : d’une

part, un défaut de protection du consommateur (§1), et d’autre part, une insécurité

juridique résultant de l’approche casuistique (§2).

§1 : Un défaut de protection du consommateur

De nombreux juristes favorables à l’interdiction des ventes avec primes ont

justifié la survivance de ce texte par le fait que le consommateur est perturbé par la

présence de la prime, qui le pousse à consommer davantage et sans se concentrer sur les

qualités intrinsèques du produit qu’il achète. Une réponse ministérielle65

datant du 21

octobre 1985 dit de cette pratique, alors même que cette époque a connu un

développement de la pensée libérale comme en témoignera la réforme de ce texte

opérée par l’ordonnance de 1986, qu’ « elle fausse le jugement du consommateur

détourné de son choix initial fondé sur un rapport qualité-prix ». La Cour de Justice des

Communautés Européennes avait d’ailleurs elle-même statué en ce sens66

dans un arrêt

datant de 1982 qui prône le caractère déloyal des primes et la nécessité des législations

qui les interdisent : "On ne saurait méconnaître que l'offre de primes en nature comme

moyen de promotion des ventes peut induire en erreur les consommateurs sur les prix

réels des produits et fausser les conditions d'une concurrence basée sur la compétitivité.

Une législation qui, pour cette raison, restreint ou même interdit de telles pratiques

64

M. Pédamon, La réglementation des ventes avec primes : entre droit de la consommation et droit de la

concurrence, in Études de droit de la consommation : Liber amicorum Jean Calais Auloy, éd. Dalloz 2004, p.

830

65

Rép. Min. 61280 JOAN 21 oct. 1985 p. 4975

66

CJCE, 15 déc. 1982 aff. 286/81, “Oosthoek's Uitgeversmaatschappij”

80

commerciales est donc de nature à contribuer à la protection des consommateurs et à la

loyauté des transactions commerciales." Cette affirmation est directement contredite par

l’arrêt de la CJCE du 9 novembre 201067

qui énonce que l’offre d’une prime à l’achat

d’un bien ou d’un service ne constitue pas en soi une altération du comportement

économique du consommateur moyen. L’objectif de l’interdiction qui consistait à

assurer une réelle évaluation des produits eux-mêmes par le consommateur avant tout

achat est loin d’être repris par les critères posés par la directive et détaillés ci-avant.

Au-delà des considérations relatives aux éléments protecteurs qui ont disparu

avec la mise en place du prisme de la déloyauté préalable à toute condamnation de telles

pratiques, l’intérêt du consommateur peut également être menacé par le fait que la

preuve de la déloyauté, qui dépend à présent de considérations vaguement délimitées, ne

soit devenue plus difficile à rapporter pour le consommateur, comme le souligne

monsieur Nicolas Dupont68

. En effet, pour un consommateur, il est particulièrement

délicat de prouver ce qui, dans l’absolu, serait en mesure d’altérer le comportement d’un

consommateur moyen, puisque ces notions sont abstraites et si modulables en fonction

de la situation envisagée que même en présence d’une véritable déloyauté vis-à-vis du

consommateur, il serait peu aisé pour ce dernier de le démontrer en fonction des critères

de la directive. Ainsi, non seulement cette méthode laisserait passer des situations non

prévues par la directive mais tout de même dangereuses pour le consommateur, mais

quand bien même une pratique aurait des chances d’être qualifiée comme déloyale en

vertu de ces dispositions, le manque de précision dont elle fait preuve empêcherait

celui-ci de l’établir.

Finalement, en faisant le bilan de la jurisprudence de la Cour de Justice, on

constate que la France est loin d’être la seule à avoir prohibé en principe ce type de

pratiques. A travers les différents arrêts qu’on a cités, on constate que la Belgique,

l’Allemagne, l’Autriche mais aussi la Pologne étaient dotées de telles interdictions qui

ont été condamnées par la Cour de l’Union Européenne. Ce point est notamment

soulevé par Me Lila Ferchiche et Me Pascal Wilhelm, qui écrivent en 2009 « comment

les institutions européennes peuvent-elles expliquer les multiples condamnations d'États

67

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 9 novembre 2010, Cour de justice des Communautés européennes aff.

C-540/08 “Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG c/ "Österreich"-Zeitungsverlag

GmbH” 68

La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 51, 23 Décembre 2010, 2135 « Vente liée d'ordinateurs et de

logiciels : une victoire en demi-teinte des consommateurs » Nicolas Dupont

81

membres (ou la remise en cause de leur législation) au motif que leurs dispositions

internes assurent un degré plus élevé de protection des consommateurs que celui prévu

par les directives d'harmonisation totale, alors que l'objectif poursuivi et clairement

affiché de ces institutions est précisément le renforcement des droits des consommateurs

européens ? »69

Ils relient cet état de fait à la question du degré de protection du

consommateur par la directive, car si de nombreux Etats sont contraints de modifier leur

législation à la baisse, c’est que l’harmonisation dégrade pour eux le niveau de

protection.

En France, le Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi a émis,

dans sa réponse publiée au Journal Officielle le 4 Mai 2010 à une question au

Gouvernement de la part du Député UMP Lionel Tardy au sujet de la fin de

l’interdiction absolue de ces pratiques, une critique virulente de ce changement

d’approche, et annonce même que : « La France entend demander à [l’occasion de la

présentation par la Commission Européenne qui doit avoir lieu en 2011 d’un bilan

d'application de la directive 2005/29 CE], et en relation si possible avec d'autres États

membres, une révision de cette directive, afin de pouvoir maintenir un encadrement

juridique des pratiques précitées et plus généralement des pratiques dites

promotionnelles, approprié à la protection des intérêts économiques des

consommateurs. » Même si cette réponse n’a pas été suivie de faits, et que, bien loin de

demander une réforme, la France a avalisé la position de la Cour de Justice en

transposant dans le Code de la Consommation l’exigence de déloyauté comme

condition de la condamnation de ces ventes par la loi du 17 mai 2011, elle reflète

l’insatisfaction des instances dirigeantes françaises sur la fin de la condamnation per se.

Cette nouvelle méthode présente donc des lacunes en termes de protection du

consommateur, et elle ne résout pas non plus le problème de l’insécurité juridique.

69

Contrats Concurrence Consommation n° 7, Juillet 2009, étude 8 Le sort des ventes subordonnées et des ventes

avec primes en droit français de la consommation, après l'arrêt de la CJCE du 23 avril 2009 Etude par Pascal

WILHELM avocat Associé Wilhelm & Associés et Lila FERCHICHE avocat à la Cour Wilhelm & Associés

82

§2 : L’insécurité juridique générée par ce nouveau critère d’interdiction

Comme l’a évoqué le professeur Chagny70

, le but premier affiché du législateur

européen était d’unifier les différents droits européens avec cette directive

d’harmonisation maximale pour éliminer les barrières légales aux échanges entre Etats

Membres de l’Union Européenne. Il s’agissait en effet d’éliminer les trop grandes

disparités entre les différentes législations nationales pour renforcer la confiance des

professionnels aussi bien que des consommateurs et les encourager ainsi à rentrer dans

les relations contractuelles transfrontières. On peut citer à l’appui de cette idée l’un des

tout premiers considérants de la directive, considérant 4 :

« Ces disparités entraînent une incertitude quant aux règles nationales applicables aux

pratiques commerciales déloyales portant atteinte aux intérêts économiques des

consommateurs et créent de nombreuses entraves touchant les entreprises et les

consommateurs. Ces entraves augmentent le coût à supporter par les entreprises pour

exercer les libertés liées au marché intérieur, en particulier lorsqu’elles souhaitent

s’engager dans une commercialisation, lancer des campagnes publicitaires ou offrir des

promotions commerciales transfrontalières. Pour les consommateurs, de telles entraves

entraînent également des incertitudes quant à leurs droits et affaiblissent leur confiance

dans le marché intérieur. »

Le professeur Monique Luby appuyait cette idée en 200571

avec des données

concrètes, en écrivant que : « cette disparité induit une insécurité juridique qui incite les

entreprises et les consommateurs à se replier sur leur marché national, freinant la

réalisation du marché intérieur. Les consommateurs de l'UE font preuve d'une

70

LES ENJEUX JURIDIQUES EUROPÉENS 31 mars 2010 Chambre de commerce et d’industrie de Paris

Atelier Droit des contrats, de la consommation et du commerce électronique sous la présidence de Martine

Behar Touchais, professeur à l’Université de Paris Descartes (Paris V) « L’harmonisation totale du droit de la

consommation dans le marché intérieur : amélioration ou dégradation du droit de la consommation en France?

Illustration : les ventes liées à l’épreuve de la directive sur les pratiques commerciales déloyales » Muriel

CHAGNY

71

Europe n° 11, Novembre 2005, étude 11 : La directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales. -

(une illustration de la nouvelle approche prônée par la Commission européenne) Etude par Monique LUBY,

Professeur à l'Université de Pau

83

confiance nettement moindre à l'égard des achats transfrontaliers (32 %) par rapport

aux achats effectués dans leurs pays (56 %). Et les entreprises, victimes de distorsions

de concurrence et de coûts accrus vu la diversité des contraintes nationales, sont

réticentes à avoir des activités transfrontières de marketing et de vente. Ce qui fait pâtir

l'économie de l'UE d'un « coût d'opportunité » résidant dans la hausse du PIB non

réalisée ». Une harmonisation maximale dans ce domaine était donc la bienvenue pour

renforcer le commerce entre Etats membres.

Cependant, si cette harmonisation a apporté une certaine sécurité juridique au

niveau transfrontalier, certains auteurs regretteront qu’elle ne l’ait diminuée de manière

générale. Le législateur a certes veillé à unifier les différentes législations européennes,

mais sans donner au texte la précision nécessaire pour que tous les juges nationaux

l’appliquent de la même manière, et, pire encore, pour que les juges d’un même Etat ne

sache comment l’appliquer, comme en témoigne le fait qu’on ait dû attendre quatre ans

avant de s’apercevoir que les interdictions françaises des ventes liées et des ventes avec

primes étaient contraires à la directive ! A part la sécurité apportée par l’annexe 1

imposant aux Etats Membres de condamner en toutes circonstances certaines pratiques,

les critères d’appréciation sont tellement casuistiques qu’il résulte assez difficile pour

les professionnels d’évaluer en amont la conformité de leurs pratiques avec la directive

comme cette dernière les y invite pourtant.

Me Anne-Laure Falkman développe cette idée dans son article paru en 2011

« Les ventes subordonnées, ventes avec primes et loteries sont désormais officiellement

licites : avancée juridique ou casse-tête à venir ? »72

. Selon ses termes, « Il est à

craindre que [la notion d’altération du comportement économique du consommateur]

donne lieu à des décisions de justice extrêmement casuistiques créant de fait une

incertitude pour tout commerçant lors du lancement d'une nouvelle opération. »

En ce qui concerne la vente avec prime, l’ancien texte était, comme on l’a

exposé en introduction, assorti de nombreuses exceptions, quant au prix de la prime par

exemple ou quant au type d’objet offert (exception pour les « menus objets »). Or

comme le souligne Me Falkman toujours dans le même article, la réforme du 17 mai

2011 n’a pas abrogé les exceptions prévues initialement à l’interdiction systématique de

72

Contrats Concurrence Consommation n° 8, Août 2011, alerte 64 « Les ventes subordonnées, ventes avec

primes et loteries sont désormais officiellement licites : avancée juridique ou casse-tête à venir ? » Focus par

Anne-Laure Falkman Counsel, August & Debouzy

84

ce type d’offre promotionnelle. Comme elle l’exprime, « Doit-on comprendre que la

remise d'une prime de faible valeur (répondant à la règle des 7 % rappelée ci-dessus)

doit être considérée de facto comme loyale et que seules les primes de valeur plus

importante doivent subir l'examen de loyauté ? ». Le législateur n’apporte pas de

réponse à cette question, ce qui rend encore plus confuse l’analyse de leurs

comportements par les commerçants an amont ainsi que celle des juges en aval. En

effet, le nouveau texte de l’article L 121-35 ne pose l’exigence de la déloyauté qu’au

premier alinéa qui prévoit l’interdiction de principe, sans toucher les exceptions décrites

dans les alinéas suivants, alors que la directive n’opère pas de distinction.

De plus, il faut rappeler que ces dispositions du Code de la Consommation

constituent des articles de droit pénal. Evaluer sa pratique par rapport à ces textes, ce

n’est donc pas simplement prévoir les effets d’un contrat de droit civil, c’est

véritablement juger des conséquences d’une sanction pénale ! Cela est d’autant plus

grave que ce flou est contraire au principe de légalité du droit pénal qui exige des

incriminations qu’elles soient claires et précises. Ce principe est protégé par l’article 7

de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, ce qui pourrait

induire une réforme. Cependant si la directive s’impose à tous les Etats Membres de

l’Union Européenne, elle ne leur impose aucunement de sanctionner pénalement les

pratiques commerciales. En effet, l’article 13 est ainsi rédigé : « Sanctions : Les États

membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des

dispositions nationales prises en application de la présente directive, et mettent tout en

œuvre pour en assurer l’exécution. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives,

proportionnées et dissuasives. » On en déduira que si une condamnation en ce sens

intervient, ce sera certainement le législateur français qui se verra contraint de

dépénaliser ces textes plutôt que l’Union Européenne de changer sa méthode d’analyse.

Ces critiques de l’approche pratique s’illustrent par le manque de solution

jurisprudentielle concluante dans l’appréciation de ces pratiques par rapport aux critères

de l’article 5.

85

Section 2 : Un manque de cohérence dans la condamnation des pratiques

L’insécurité juridique résultant de cette nouvelle approche est reflétée par le

manque de ligne directrice dégagée par les décisions concernant ces pratiques rendues

après la jurisprudence VTB-VAB du 23 avril 2009. Cette incertitude est confirmée par

l’étude de la jurisprudence concernant ces pratiques qui ont suivi l’affirmation de la

nouvelle méthode.

Premièrement, on constate que les décisions de ces trois dernières années se

concentrent dans le domaine de la vente liée sans que l’on ne puisse trouver d’exemple

traitant de cas de vente avec prime dans cette période, et les décisions au sujet de la

vente liée traitent quasi-exclusivement des ventes d’ordinateurs subordonnées à l’achat

de logiciels pré installés, à l’exception des arrêts dans l’affaire « Orange Sports » au

sujet des offres Triple Play d’abonnements à internet, qu’on a déjà évoqués ici.

En deuxième lieu, il convient de noter que dans la jurisprudence postérieure à

l’arrêt VTB-VAB concernant des ventes liées, les juges du fond ont souvent été

sanctionnés par les niveaux supérieurs de juridiction pour avoir statué sans tenir compte

du raisonnement imposé par la directive 2005/29/CE. En effet, ces derniers ont parfois

mal effectué l’appréciation en fonction des critères de la directive ou ont purement et

simplement ignoré son application, en continuant d’appliquer les reliquats de l’ancienne

méthode. Ceci a provoqué leur sanction par les juges subséquents sans que ces

condamnations ne puissent être concluantes quant au fond de l’affaire. De ce fait, les

décisions dans ces affaires n’apportent pas d’éléments sur la manière dont il faudrait

appliquer la directive et sur la conclusion qu’on pourra en tirer pour ces pratiques.

En éliminant de notre étude les décisions qui ont sanctionné les juges pour une

mauvaise application voire une inapplication du raisonnement dicté par la directive

2005/29/CE, on peut conserver au titre des décisions définitives trois décisions ayant

validé la pratique de vente liée (§1), et trois décisions ayant condamné la pratique en

vertu de l’article 5. 2 de la directive (§2).

86

§1 : Les décisions définitives ayant validé les pratiques en vertu de l’article 5. 2

S’agissant des validations de la pratique, on compte le jugement du Tribunal de

Grande Instance de Bobigny du 15 Mai 2009 opposant l’association UFC Que Choisir à

la société Auchan73

, qui vendait des ordinateurs avec des logiciels préinstallés sans

possibilité d’y renoncer lors de l’acquisition et sans indiquer le prix des logiciels

pourtant intégré au prix total du bien. Les juges de première instance statueront dans le

sens de la validité de la pratique en interprétant l’interdiction des ventes liées de l’article

L 122-1 du Code de la Consommation à la lumière du droit européen. En effet, ils

jugent que cette pratique ne constitue ni une pratique trompeuse, ni une pratique

agressive, ni une pratique déloyale en général selon les dispositions de la directive sans

donner de détail sur les motifs, mais imposera tout de même à Auchan d’afficher les

prix des logiciels vendus sur le fondement de l'article 7 de l'arrêté du 3 décembre 1987

qui exige de mentionner le prix de chaque produit lorsque ceux-ci sont vendus par lot.

La deuxième décision définitive venant valider une vente liée est celle de la

Cour de Cassation dite « Orange Sports » du 13 juillet 201074

. Dans cet arrêt, les juges

de la cour supérieure ont rejeté le pourvoi formé contre la décision de la Cour d’Appel

de Paris du 14 Mai 200975

et affirment que la subordination de l’accès à la chaîne

Orange Foot à l’abonnement triple play d’Orange ne constitue pas une pratique

commerciale déloyale au sens de l’article 5 de la directive 2005/29/CE et n’est donc pas

condamnable selon le droit positif français. Les arguments opposés aux concurrents

d’Orange, Free et SFR, qui avaient intenté l’action est que le fait ce type d’offre ainsi

que le fait que la chaîne en question ait une exclusivité sur certains événements sportifs

constitue avant tout manière de diversifier l’offre sur un marché très compétitif et où les

acteurs ont du mal à se différencier. On juge que le contexte dans lequel cette pratique

s’est réalisée l’empêche d’être condamnée en vertu de la directive.

73

TGI Bobigny, 15 mai 2009, aff. 06/14817, Assoc. UFC Que Choisir c/ Auchan France, définitif.

74

Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-15.304 et 09-66.970, FS-P+B, Free et SFR c/ France Télécom, Orange sports

et Ligue nationale de football : JurisData n° 2010-011628

75

CA Paris, 5e ch., 14 mai 2009, SA France Telecom et SA Orange Sports c/ SAS Free et SA Neuf Cegetel

(absorbée par SFR), avec les interventions volontaires de l'assoc. « La Ligue de Football professionnel », de

l'assoc. nationale des ligues de sport professionnel et du min. Éco., Industr. et Emploi (DGCCRF Paris) :

JurisData n° 2009-003817 (Voir la décision reproduite à l’annexe 2 de ce document p. 120)

87

La dernière décision est celle de la première chambre civile de la Cour de

Cassation du 12 juillet 201276

cassant un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 5 Mai

201177

dans l’affaire qui opposait l’association UFC Que Choisir à la société Hewlett

Packard France. Les juges du fond avaient condamné HP en considérant que sa vente

d’ordinateur avec logiciels préinstallés constituait une vente liée déloyale au sens de la

directive 2005/29/CE. Les motifs de l’arrêt étaient que le fait de ne pas indiquer le prix

des logiciels et de ne pas offrir de faculté d’y renoncer avant l’achat avec déduction du

prix total du bien constituait un manquement à la diligence professionnelle ainsi qu’une

altération du comportement du consommateur, l’information concernant le prix du

logiciel devant être regardée comme substantielle à la décision de contracter. Les juges

ont donc évalué la pratique concrètement, conformément aux dispositions de la

directive. Cette décision a cependant été cassée par la l’arrêt qui nous occupe. La

juridiction suprême la critique pour ne pas avoir tiré les conclusions qui s’imposaient,

compte tenu de ce que la société HP proposait des ordinateurs non pré-équipés « nus »

sur son site dédié aux professionnels, et que les consommateurs intéressés par ce type

d’achat pouvaient parfaitement s’y rendre et y effectuer leur transaction même si la

société ne garantissait pas qu’elle pourrait installer un système d’exploitation sur ce

types de produits. Ici la Cour de Cassation montre sa détermination à éviter les

condamnations trop rapides de ces pratiques alors qu’en considérant la situation dans sa

globalité, on pouvait éviter une telle condamnation.

Les argumentaires présentés reflètent bien l’idée d’une étude très casuistique de

chaque espèce. On ne peut donc en tirer un enseignement général quant à la tendance

jurisprudentielle, ni en tirer de critères concrets fondant la validité de ces pratiques.

Trois autres décisions ont au contraire condamné de telles pratiques en vertu du même

texte.

76

Arrêt n° 833 du 12 juillet 2012 (11-18.807) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI : FR :

CCASS : 2012 : C100833

77

CA Versailles, 3e ch., 5 mai 2011, n° 09/09169

88

§2 : Les décisions définitives ayant condamné les pratiques en vertu de l’article 5. 2

En ce qui concerne les décisions définitives ayant condamné ces pratiques sur le

fondement de l’article 5. 2 de la directive 2005/29/CE, elles sont également au nombre

de trois. La première est celle de la juridiction de proximité de Lorient du 27 Aout

200978

, qui concernait l’affaire Magnien contre Asus. Dans cette affaire, les juges du

fond ont condamné la pratique en jugeant qu’elle était effectivement contraire à la

diligence professionnelle et qu’elle altérait substantiellement le comportement du

consommateur, en raison du caractère contraignant de la renonciation aux logiciels

préinstallés. Ils jugent en effet que le manque d’information sur le prix des logiciels

diminue l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause

de manière à constituer une altération de son comportement. De plus, le fait que M.

Magnien n’en ait pas été informé avant l’achat constitue, selon le jugement, un

manquement à la diligence professionnelle. Le juge en conclura que cette pratique a

« pour effet de contraindre de manière quasi directe, le consommateur, à conserver le

système d’exploitation Windows de Microsoft. »

La deuxième décision définitive en ce sens est celle de la juridiction de

proximité de Toulouse du 20 Mai 2011, dans l’affaire Vermel contre la société Dell79

.

Là encore, les juges constatent que le prix affiché de l’ordinateur ne comportait pas de

distinction en fonction de la pré installation ou non du logiciel, à laquelle il était par

ailleurs impossible de renoncer et donc de s’en faire rembourser. Les juges estiment que

ces conditions sont très rigides et en défaveur du consommateur, et diminuent la

capacité pour le consommateur de contracter en connaissance de cause, le contraignant

donc à conserver le produit non désiré. Ils en concluent que cette pratique est contraire

aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère substantiellement le

comportement économique du consommateur, constituant ainsi une vente liée déloyale

au sens de la directive.

78

Jur. proximité Lorient, 27 août 2009, n° 91-08-000276, M.E c/ SARL ASUS France et SARL No Work Tech. -

Jur. proximité Lorient, n° 91-09-000255, M.E c/ SARL ASUS France et SARL No Work Tech.

79

Jur. proximité Toulouse, 20 mai 2011, n° 91-09-000641, M. V. c/ SA Dell.

89

La dernière décision définitive à pencher vers la déloyauté d’une vente liée en

vertu de l’article 5 de la directive est l’arrêt de la Cour de Cassation du 6 octobre

201180

, intervenu dans l’affaire opposant l’association UFC Que Choisir à la société

Darty, toujours dans le domaine de la vente d’ordinateurs avec logiciels préinstallés. Cet

arrêt casse celui de la Cour d’Appel de Paris du 26 novembre 200981

où les juges du

fond avaient jugé que le prix des logiciels préinstallés ainsi que leurs conditions

d’utilisation n’étaient pas une information substantielle de nature à altérer le

comportement économique du consommateur, et que les informations dispensées, à

savoir l’identification du matériel délivré, suffisait à permettre au consommateur de

trouver par ses propres moyens des informations complémentaires. La juridiction

supérieure censure ce raisonnement en estimant que les informations manquantes étaient

essentielles à la vente des logiciels, sans lesquelles le consommateur moyen ne pouvait

prendre une décision en connaissance de cause. Même si cette décision ne donne pas de

solution concrète au litige puisque les juges de cassation n’ont pas vocation à apprécier

les faits au fond de l’affaire, elle se situe dans la lignée des décisions en faveur d’une

condamnation de ces pratiques en affirmant le caractère essentiel des informations

omises par la société Darty.

Le bilan est donc peu concluant quant au critère d’appréciation de la déloyauté.

On remarquera que dans les jugements cités (des juridictions de proximité de Lorient et

de Toulouse), c’est l’idée de contrainte qui semble justifier la condamnation. Dans ce

cas, on peut se demander pourquoi les juges se sont fondés sur l’article 5, et pas sur

l’article 8 qui incrimine les pratiques agressives et évoque expressément la contrainte

comme élément de la qualification.

A l’étude de ces décisions favorables ou défavorables à l’exercice de telles

pratiques, on ne peut que constater la disparité des jurisprudences concernant les ventes

liées, et leur difficulté à se rassembler sur une interprétation bien définie des critères de

l’article 5 de la directive, même lorsque les espèces sont très proches comme on

l’observe dans le domaine de la vente d’ordinateurs avec ses logiciels qui concerne, à

une exception près, toutes les décisions étudiées. Les juges ne s’accordent ni sur le

80

Cass. 1re civ., 6 oct. 2011, n° 10-10.800, UFC Que Choisir SAS Darty et fils : JurisData n° 2011-021022

81

CA Paris, 5e ch., 26 nov. 2009, n° 08/12771, Darty c/ UFC Que Choisir : JurisData n° 2009-015350

90

dispositif ni sur les motifs. Cette cacophonie est une conséquence logique de

l’instauration d’une approche casuistique où l’étude de la déloyauté se fait en fonction

de la situation concrète du litige. Ceci contribue à une incertitude quant à la solution

juridique qui pourra être donnée, de nature à engendrer une insécurité juridique pour les

professionnels, et, bien loin de leur donner une plus grande liberté d’action, leur faire

ainsi douter de la validité de leurs pratiques.

Certaines décisions récentes ont été plus audacieuses et déterminées à conserver

une forte interdiction des ventes liées, au moins en ce qui concerne vente d’ordinateurs

avec logiciels préinstallés.

Section 3 : Les possibilités d’un retour à l’interdiction des ventes liées et des ventes

avec primes en toutes circonstances en vertu de la directive

Malgré un départ centré sur les conditions de l’article 5 de la directive comme

seule possibilité de condamnation de ces ventes, des juges du fond ont plus récemment

qualifié la vente liée comme étant trompeuse ou agressive en vertu des articles 6 à 9 de

la directive (§1). Par ailleurs il faudra envisager des pistes qui conduiraient à une

qualification de certains types de ventes liées ou des ventes avec primes comme

déloyale per se en vertu de l’annexe 1 (§2).

§1 : La vente liée comme pratique agressive ou comme pratique trompeuse des articles

6 à 9

Diverses jurisprudences ont retenu que les pratiques de ventes liées et de ventes

avec primes n’avaient pas leur place parmi les pratiques trompeuses et agressives telles

que définies aux articles 6 à 9 de la directive, mais qu’elles devaient au contraire faire

l’objet d’un examen concret en fonction des conditions posées par l’article 5. 2 avant

qu’on ne puisse conclure à la déloyauté, et donc les condamner.

91

Toujours dans le domaine des logiciels préinstallés on a cependant eu, au cours

de l’année 2012, diverses décisions qui remettent en cause l’idée que les ventes

subordonnées ne puissent être considérées comme déloyales que si elles remplissent les

critères de l’article 5 de la directive. Au contraire, ces décisions ont commencé à

appréhender la vente liée de logiciels comme une pratique agressive interdite par la

directive en son article 8, ou comme une pratique trompeuse incriminée à l’article 6 et

7. Dès lors qu’une pratique correspond à la définition donnée par ces pratiques, elle est

condamnable en vertu de la directive, ce qui rend l’appréciation plus rapide et

l’interdiction plus absolue.

Il convient de rappeler que dans les décisions antérieures, les demandeurs

avaient déjà avancé des arguments en faveur de la qualification de pratique trompeuse

ou de pratique agressive pour les ventes liées. On peut citer par exemple le jugement du

Tribunal de Grande Instance de Bobigny du 15 mai 200982

, qui réfute sans développer

son raisonnement ces qualifications en ce qui concerne les ventes liées de logiciels. Au-

delà de ce type de contentieux, les concurrents d’Orange avaient également soulevé les

arguments de la pratique trompeuse et de la pratique agressive, dans le cadre de l’affaire

« Orange Sports »83

. Ils invoquaient en effet que l’offre d’Orange pour le service

Orange Foot n’informait le consommateur que du prix du service, sans préciser qu’il

devrait également changer d’abonnement s’il n’était pas encore chez Orange, alors que

ce changement aurait également des coûts d’autant plus que, selon eux, l’offre triple

play d’Orange avait un prix supérieur à celle de ses concurrents. Pour eux, cela

constituait une omission trompeuse au sens de l’article 7 de la directive. Ils avançaient

d’autre part que le fait d’obliger le consommateur à procéder à ce changement

d’abonnement était une contrainte exercée sur le consommateur correspondant aux

éléments requis à la qualification de pratique agressive de l’article 8 de la directive

définie comme étant une pratique qui «elle altère ou est susceptible d’altérer de

manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la

force physique, ou d’une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du

consommateur moyen ».

82

TGI Bobigny, 15 mai 2009, aff. 06/14817, Assoc. UFC Que Choisir c/ Auchan France, définitif

83

CA Paris, 5e ch., 14 mai 2009, SA France Telecom et SA Orange Sports c/ SAS Free et SA Neuf Cegetel

(absorbée par SFR), avec les interventions volontaires de l'assoc. « La Ligue de Football professionnel », de

l'assoc. nationale des ligues de sport professionnel et du min. Éco., Industr. et Emploi (DGCCRF Paris) :

JurisData n° 2009-003817 (Voir la décision reproduite en annexe 2 de ce document, p.120)

92

Ces arguments invoqués en appel n’avaient cependant pas porté leurs fruits

puisque les juges du fond ont, dans cette espèce, rejeté cette argumentation. Pour ce qui

est de la pratique trompeuse, ils ont jugé que les informations données sur l’offre

n’induisaient pas le consommateur moyen en erreur car l’offre mentionnait que : « pour

profiter de l'option Orange Foot, il est nécessaire d'être client de la télévision d'Orange

», renseignant ainsi l’acheteur sur la subordination de l’offre à un abonnement chez

Orange. En ce qui concerne les allégations de pratique agressive, les juges considèrent

que le fait qu’un consommateur doive s’abonner à Orange pour bénéficier du service en

question ne constitue pas une contrainte au sens de l’article 8 de la directive, puisque

cela fait justement partie de la stratégie commerciale d’Orange pour attirer de nouveaux

clients.

Ainsi, on pourrait penser que la vente liée ne peut être considérée comme une

pratique à proprement parler trompeuse ou agressive conformément aux articles 6 à 9 de

la directive. Cependant, en suivant le raisonnement de l’arrêt VTB-VAB, on ne peut

véritablement établir de généralité sur ces pratiques, et on doit en déterminer la portée

au cas par cas. On ne peut donc exclure la possibilité que, dans certains cas, les

pratiques de ventes subordonnées ne puissent rentrer dans le champ des pratiques

trompeuses ou agressives des articles 6 à 9.

C’est dans ce sens qu’ont raisonné certains juges du fond en qualifiant des

ventes subordonnées d’ordinateurs à l’achat de leur logiciel d’exploitation de pratique

agressive. Ce fut notamment le cas de la décision de la juridiction de proximité de

Saint-Denis du 10 janvier 2012, dans un litige opposant un consommateur, M. Marty, à

la société Samsung, constructeur d’ordinateurs. Voici un extrait des motifs de la

décision :

« si, comme le soutient la société SAMSUNG, dans l'esprit de la majorité des

consommateurs, un ordinateur est nécessairement vendu avec un système

d'exploitation en l'espèce fourni par la société Microsoft, c'est en raison des pratiques

des assembleurs ; Que ces agissements sont constitutifs de pratiques commerciales

agressives ;

Qu'ainsi, il convient de déclarer déloyale en toutes circonstances à raison de son

caractère agressif, la pratique consistant pour la société SAMSUNG, à revendre un

système d'exploitation acquis par ses soins sans que Monsieur MARTY le lui ait

93

demandé, et d'exiger le renvoi de l'ordinateur pour la désinstallation et le

remboursement dudit système d'exploitation. »

Ce jugement est particulièrement audacieux car il contre l’argument de

l’avantage apporté par la pratique au consommateur moyen en affirmant pour la

première fois que ce sont les pratiques en cause qui sont à l’origine de l’ignorance du

consommateur, et que s’il n’est pas gêné par ces pratiques, c’est justement à cause d’un

manque d’information généralisé. C’est sur cet élément que se fonde le juge du fond

pour soutenir l’agressivité de la pratique. Ainsi, les arguments souvent soulevés selon

lesquels cette pratique est en réalité favorable au consommateur puisque celui-ci n’a pas

les connaissances requises pour se munir lui-même de logiciels à partir d’un ordinateur

« nu » sont balayés par les considérations du juge. En effet, si le consommateur n’a pas

même conscience du fait qu’il pourrait acheter un ordinateur nu pour ensuite le munir

du logiciel d’exploitation de son choix, c’est justement parce que la pratique de pré

installation des logiciels est extrêmement répandue. Cet élément a son importance car il

rappelle que la notion de consommateur moyen n’est pas une notion figée mais une

notion sur laquelle influent différents critères, et l’un d’entre eux est peut-être le

comportement des professionnels en général.

Cette jurisprudence n’est pas isolée, et cette position a été réitérée par la

juridiction de proximité de Caen dans une décision du 10 mai 2012, qui opposait une

consommatrice à la société Samsung, fabricant d’ordinateurs. En l’espèce, la pratique

était à nouveau le fait pour Samsung de ne pas offrir la possibilité au consommateur

d’acheter un ordinateur dépourvu de logiciels, de ne pas offrir la possibilité de refuser le

contrat de licence au démarrage de l’ordinateur et de ne proposer qu’une procédure de

désinstallation lourde et coûteuse donc extrêmement dissuasive pour le consommateur.

Le juge de proximité a retenu en l’espèce l’existence dans ce procédé d’une pratique

agressive en raisonnant de la manière suivante :

« Cette absence totale de choix combinée à une procédure particulièrement lourde de

désinstallation de logiciels et de remboursement y afférent constitue une pratique

commerciale déloyale en toutes circonstances au sens de la Directive communautaire

2005/29/CE puisqu'elle met en œuvre tant une influence injustifiée qu'une contrainte

à l'égard du consommateur. »

94

Une autre décision, toujours d’une juridiction de proximité, en date du 18 avril

2012, défend la thèse de l’interdiction en toutes circonstances de ce type de pratiques.

Cette affaire opposait cette fois un consommateur au distributeur des ordinateurs

Samsung, Auchan, pour une espèce autrement similaire à celle du jugement analysé

précédemment. Alors même que le juge conclue également à l’existence d’une vente

liée, il statue en la qualifiant non pas uniquement de pratique déloyale au sens de

l’article 5, mais va jusqu’à condamner le fabricant pour pratique trompeuse aux motifs

suivants :

« Attendu que selon (...) la directive (...), constitue une pratique commerciale trompeuse

l'information qui induit ou qui est susceptible d'induire en erreur le consommateur

moyen en ce qui concerne le prix ou le mode de calcul du prix de nature à l'amener à

prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement. (...)

Attendu qu'en l'espèce, la société AUCHAN n'a pas affiché le prix de l'ordinateur et de

façon distinctive le prix des logiciels pré-installés, qu'elle n'a fourni à Monsieur Z,

avant l'achat du 23 avril 2010, aucune information sur le prix de chacun de ces

éléments alors que l'ordinateur et les logiciels pré-installés constituent des éléments

distincts, qu'une telle pratique commerciale est trompeuse au sens de (...) la Directive

(...) puisque l'absence d'information sur les prix a induit en erreur Monsieur Z et l'a

amené à prendre une décision, à savoir l'achat de l'ensemble qu'il n'aurait pas prise

autrement puisqu'il ne souhaitait acheter que l'ordinateur sans les logiciels pré-

installés, que cette pratique trompeuse est interdite en application de l'article L. 122-1

du code de la consommation. »

Cette qualification n’est en réalité pas des plus inattendues car de l’analyse faite

dans le Chapitre premier de cette Partie ressort clairement une grande proximité entre

les caractères objectifs de la déloyauté de l’article 5 et la définition à la fois française et

européenne de l’action trompeuse. En effet, on a conclu qu’à la fois le non-respect de la

diligence professionnelle et l’altération du comportement économique du consommateur

renvoyaient à un manque ou à une absence d’information qui aurait déterminé le

consentement de la victime à contracter. Ceci est en fait constitutif d’une omission

trompeuse conformément à l’article 7 de la directive, qui énonce qu’une pratique est

trompeuse si « elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a

besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en

95

connaissance de cause. » De même, comme on l’a noté à la Section précédente au sujet

des juridictions de Lorient et de Toulouse ayant condamné la vente liée, l’aspect

contraignant de la pratique la rapproche d’une pratique agressive au sens de la directive.

Si l’on peut s’accorder à dire que la vente liée dans ce contexte constitue une

pratique trompeuse au sens de l’article 7 ou de pratique agressive de l’article 8, on doit

néanmoins s’attarder sur les conséquences d’une telle qualification. Dans ces jugements,

les juges en tirent la conclusion que ce type de ventes est une pratique déloyale interdite

en toutes circonstances. Concrètement, cela permettrait de cesser d’abandonner la

rechercher des conditions de l’article 5.2 pour pouvoir condamner certaines pratiques

définies par la jurisprudence comme étant trompeuse ou agressives.

Cette affirmation ne semble pas être en adéquation avec la lettre et l’esprit de la

directive et du code de la consommation. En effet, les articles L 121-1 et suivants et L

122-11 et suivants qui interdisent respectivement les pratiques trompeuses et les

pratiques agressives distinguent les pratiques interdites en toutes circonstances, qui

correspondent à celles listées en annexe de la directive, des pratiques simplement

présumées déloyales, qui représentent les pratiques condamnables en vertu des articles 6

à 9 de la directive. En effet, ces derniers articles insistent sur le fait qu’il faille là encore

apprécier les circonstances de l’espèce avant de pouvoir déduire la déloyauté : c’est

notamment le cas de l’article 7.1, qui donne une définition générale de l’omission

trompeuse (qui concernerait justement l’omission de l’information sur les prix des

logiciels). Il énonce en effet : « Une pratique commerciale est réputée trompeuse si,

dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des

circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle

omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu

du contexte (…)». On note en effet que le texte insiste sur la nécessité d’une

appréciation concrète même pour rentrer dans cette qualification. On en conclut donc

que si, dans les affaires citées ci-avant, on a pu qualifier ces ventes de pratiques

trompeuses ou de pratiques agressives, c’est en fonction de la vente telle qu’elle était

proposée en l’espèce. Les juges tiennent compte lors de cette qualification d’éléments

précis appartenant à cette offre-là, comme la lourdeur de la procédure de désinstallation,

qui ne peuvent être généralisés à toutes les ventes d’ordinateurs avec logiciels

préinstallés. Ainsi, même si l’on analyse les ventes de logiciels préinstallés comme un

type particulier de vente liée qui s’identifierait à une pratique agressive ou trompeuse

96

(encore faudrait-il se mettre d’accord entre ces qualifications), cela ne peut faire

disparaître des disparités -certes minimes- sur les faits de l’espèce qui pourraient servir

de prétexte pour ressusciter pour chaque nouveau cas l’exigence de l’appréciation

concrète des faits avant une quelconque qualification prohibitive.

Etudions à présent ce en quoi la méthode concrète pourrait permettre d’interdire

à certaines conditions des ventes liées et des ventes avec primes en vertu de l’annexe 1.

§2 : Un retour possible dans certains cas à l’interdiction absolue en vertu de l’annexe 1

Pour ce qui est des ventes avec primes, il convient de faire remarquer que lors de

l’appréciation de cette pratique dans les décisions VAT-VTB du 23 avril 2009 et

Mediaprint Zeitungs und Zeitschriftenverlag GmbH du 9 novembre 201084

, la Cour de

Justice des Communautés Européennes n’a pas envisagé, ne serait-ce que pour la

réfuter, la correspondance entre l’interdiction des ventes avec primes et le point 20 de

l’annexe 1 de la directive qui interdit les pratiques ayant pour objet de « décrire un

produit comme étant gratuit, « à titre gracieux », « sans frais » ou autres termes

similaires si le consommateur doit payer quoi que ce soit d’autre que les coûts

inévitables liés à la réponse à la pratique commerciale et au fait de prendre possession

ou livraison de l’article ». En effet, cet argument n’a pas été avancé par les défenseurs

des législations nationales belges et allemandes, et l’hypothèse n’a donc pas été

expressément rejetée dans les développements de la Cour, comme l’a fait remarquer le

professeur Guy Raymond85

.

Cependant et comme on l’a développé dans la Section 1 §1 A) de ce Chapitre,

l’interdiction des ventes avec primes repose entre autres sur la volonté d’interdire une

pratique qui aurait pour effet de faire croire au consommateur qu’en plus d’un achat, il

84

CJUE, 9 nov. 2010, aff. C-540/08, Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG c/

"Österreich"-Zeitungsverlag GmbH

85

JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 907 : PROMOTION DES VENTES PAR UN

AVANTAGE CONSOMMATEUR > II. - Promotions par la remise d'un objet à titre gratuit (Guy Raymond) Cote

: 04,2010

97

reçoit gratuitement une prime, alors que le coût de la prime est parfois intégré au prix

total payé par l’acheteur. Sous cet aspect-là, la vente avec prime dite « auto-payante »

s’apparente fortement à la pratique prohibée en toutes circonstances par le point 20 de

l’annexe 1 de la directive sur les pratiques commerciales déloyales.

A la lecture de l’annexe 1, d’autres pratiques prohibées en principe semblent

correspondre à la vente liée et à la vente avec prime. Le point 31 de l’annexe prohibe en

effet le fait pour un professionnel de : « Donner la fausse impression que le

consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera en accomplissant tel acte un prix ou

un autre avantage équivalent, alors que, en fait, (…) l’accomplissement d’une action en

rapport avec la demande du prix ou autre avantage équivalent est subordonné à

l’obligation pour le consommateur de verser de l’argent ou de supporter un coût. » En

effet, si une vente avec prime intègre le prix de la prime au prix global de la vente, on

peut considérer que la prime aura été remise à condition pour le consommateur d’en

supporter le coût. Cet argument n’a, lui non plus, jamais été invoqué auprès de la Cour

de Justice de l’Union Européenne.

Le point 29 de l’annexe dispose quant à lui qu’est prohibée en toutes

circonstance la pratique consistant à : « Exiger le paiement immédiat ou différé de

produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés, ou

exiger leur renvoi ou leur conservation, sauf lorsqu’il s’agit d’un produit de

substitution fourni conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 97/7/CE

(fournitures non demandées). » Cette formulation est assez évocatrice des situations de

ventes liées de logiciels puisqu’il s’agit bien de la fourniture de produits non demandés

par le consommateur. Plus généralement, subordonner l’achat d’un produit à l’achat

d’un autre produit non désiré par le consommateur, n’est-ce pas constituer justement

cette fourniture non demandée ? Il semblerait que ces pratiques soient très proches,

voire équivalentes.

La Cour de Justice exige une appréciation concrète des faits avant toute

condamnation de ces pratiques au titre de la déloyauté. En allant au bout de ce

raisonnement, on ne peut exclure qu’en fonction des circonstances qui l’entourent, une

pratique pouvant être qualifiée de vente liée ou de vente avec prime puisse également

correspondre à l’une des pratiques interdites per se par l’annexe 1 (comme celles qu’on

vient de citer). En réalité, le fait d’adopter une approche concrète, c’est surtout changer

98

l’angle d’appréciation : si on ne peut plus établir de généralité sur la vente liée et sur la

vente avec prime en tant que telles, on ne peut exclure qu’en particulier, elles ne soient

qualifiées de manière à correspondre aux autres pratiques déloyales, que ce soit en vertu

des articles 6 à 9, ou en vertu de l’annexe 1, ce qui permettrait d’interdire en toutes

circonstances ces ventes lorsqu’elles ont la forme des pratiques décrites ci-avant et

interdites en vertu de l’annexe 1 de la directive.

99

Conclusion

La méthode d’analyse qui consiste à évaluer au cas par cas les ventes avec

primes et les ventes liées avant leur condamnation, instaurée par la directive

d’harmonisation maximale 2005/29/CE, constitue une amélioration en termes

d’accroissement de la concurrence intracommunautaire et même par certains aspects en

termes de protection du consommateur.

Le critère de la déloyauté qui fonde l’interdiction de ces pratiques est défini par

la directive, et peut se résumer comme étant l’absence de faculté pour le consommateur

de faire un choix commercial libre, à l’exclusion de la simple influence du professionnel

dans ce choix, contrairement aux anciens textes.

La question de la liberté du choix ne correspond donc plus véritablement aux

buts principaux de ces interdictions, ce qui rendra sans doute peu fréquentes les

condamnations des ventes liées et des ventes avec primes comme pratiques

commerciales déloyales. De plus, la méthode casuistique a été critiquée pour

l’insécurité juridique qui en résulte, ce qui n’est favorable ni au consommateur ni à la

concurrence.

Ces constatations ont conduit la jurisprudence à évoluer sur ces questions et à

tendre vers une interdiction plus stricte des ventes liées. A ce stade, on ne peut exclure

que d’autres évolutions aient lieu en ce sens.

100

Annexes

Annexe 1 : Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai

2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des

consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du

Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen

et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du

Conseil

("directive sur les pratiques commerciales déloyales")

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 95,

vu la proposition de la Commission,

vu l'avis du Comité économique et social européen [1],

statuant conformément à la procédure visée à l'article 251 du traité [2],

considérant ce qui suit:

(1) L'article 153, paragraphe 1, et paragraphe 3, point a), du traité prévoit que la

Communauté contribue à la réalisation d'un niveau élevé de protection des

consommateurs par les mesures qu'elle adopte en application de l'article 95 du traité.

(2) Conformément à l'article 14, paragraphe 2, du traité, le marché intérieur comporte

un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises et

des services et la liberté d'établissement sont assurées. Le développement de pratiques

commerciales loyales au sein de l'espace sans frontières intérieures est essentiel pour

favoriser l'expansion des activités transfrontalières.

(3) Les législations des États membres en matière de pratiques commerciales déloyales

présentent des différences marquées, qui peuvent entraîner des distorsions sensibles de

concurrence et faire obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur. Dans le

domaine de la publicité, la directive 84/450/CEE du Conseil du 10 septembre 1984

relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et

administratives des États membres en matière de publicité trompeuse et de publicité

comparative [3] fixe des critères minimaux visant à une harmonisation de la législation

sur la publicité trompeuse, mais ne fait pas obstacle au maintien ou à l'adoption par les

États membres de mesures apportant aux consommateurs une protection plus étendue.

En conséquence, les dispositions législatives des États membres en matière de publicité

trompeuse présentent des divergences importantes.

101

(4) Ces disparités entraînent une incertitude quant aux règles nationales applicables aux

pratiques commerciales déloyales portant atteinte aux intérêts économiques des

consommateurs et créent de nombreuses entraves touchant les entreprises et les

consommateurs. Ces entraves augmentent le coût à supporter par les entreprises pour

exercer les libertés liées au marché intérieur, en particulier lorsqu'elles souhaitent

s'engager dans une commercialisation, lancer des campagnes publicitaires ou offrir des

promotions commerciales transfrontalières. Pour les consommateurs, de telles entraves

entraînent également des incertitudes quant à leurs droits et affaiblissent leur confiance

dans le marché intérieur.

(5) En l'absence de règles uniformes à l'échelon communautaire, des obstacles à la libre

circulation transfrontalière des services et des marchandises ou à la liberté

d'établissement pourraient se justifier, à la lumière de la jurisprudence de la Cour de

justice des Communautés européennes, dès lors qu'ils visent à protéger des objectifs

reconnus d'intérêt public et qu'ils sont proportionnés à ces objectifs. Compte tenu des

objectifs communautaires, tels que définis dans les dispositions du traité et du droit

communautaire dérivé relatives à la liberté de circulation, et conformément à la

politique de la Commission en matière de communications commerciales, précisée dans

la communication de la Commission intitulée "Suivi du Livre vert: les communications

commerciales dans le marché intérieur", ces obstacles devraient être éliminés. Ils ne

peuvent l'être qu'en établissant, à l'échelon communautaire, des règles uniformes qui

assurent un niveau élevé de protection des consommateurs, et en clarifiant certaines

notions juridiques, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché

intérieur et afin d'assurer la sécurité juridique.

(6) La présente directive a dès lors pour objet de rapprocher les législations des États

membres relatives aux pratiques commerciales déloyales, y compris la publicité

déloyale, portant atteinte directement aux intérêts économiques des consommateurs et,

par conséquent, indirectement aux intérêts économiques des concurrents légitimes.

Conformément au principe de proportionnalité, la présente directive protège les

consommateurs des conséquences de ces pratiques commerciales déloyales dès lors

qu'elles sont substantielles, tout en reconnaissant que, dans certains cas, ces

conséquences sont négligeables. Elle ne couvre ni n'affecte les législations nationales

relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte uniquement aux

intérêts économiques de concurrents ou qui concernent une transaction entre

professionnels; pour tenir pleinement compte du principe de subsidiarité, les États

membres conserveront, s'ils le souhaitent, la faculté de réglementer les pratiques visées,

conformément à la législation communautaire. La présente directive ne couvre ni

n'affecte les dispositions de la directive 84/450/CEE ayant trait à la publicité trompeuse

pour les entreprises mais pas pour les consommateurs ainsi qu'à la publicité

comparative. La présente directive n'affecte pas non plus les pratiques publicitaires et

commerciales admises, comme le placement légitime de produits, la différenciation des

marques ou les incitations à l'achat, qui peuvent légitimement influencer la perception

102

d'un produit par le consommateur ainsi que son comportement, sans altérer son aptitude

à prendre une décision en connaissance de cause.

(7) La présente directive porte sur les pratiques commerciales qui visent directement à

influencer les décisions commerciales des consommateurs à l'égard de produits. Elle ne

s'applique pas aux pratiques commerciales mises en œuvre principalement à d'autres

fins, parmi lesquelles figurent par exemple les communications commerciales destinées

aux investisseurs, telles que les rapports annuels et la documentation promotionnelle des

entreprises. Elle ne s'applique pas aux prescriptions légales concernant le bon goût et la

bienséance, qui sont très variables d'un État membre à l'autre. Des pratiques

commerciales telles que, par exemple, la sollicitation commerciale dans la rue peuvent

être malvenues dans certains États membres pour des raisons culturelles. Les États

membres devraient par conséquent avoir la possibilité de continuer à interdire certaines

pratiques commerciales sur leur territoire, conformément au droit communautaire, pour

des motifs de bon goût et de bienséance, même lorsque ces pratiques ne restreignent pas

la liberté de choix des consommateurs. Il serait judicieux, lors de l'application de la

directive, notamment des clauses générales, de tenir largement compte des circonstances

de chaque espèce.

(8) La présente directive protège expressément les intérêts économiques des

consommateurs contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises à leur

égard. Dès lors, elle protège aussi indirectement les entreprises légitimes contre les

concurrents qui ne suivent pas les règles du jeu fixées par la présente directive,

garantissant ainsi une concurrence loyale dans le secteur d'activité qu'elle coordonne. Il

va de soi qu'il existe d'autres pratiques commerciales qui, si elles ne portent pas atteinte

aux consommateurs, peuvent néanmoins porter préjudice aux concurrents et aux clients

des entreprises. Il convient que la Commission examine attentivement s'il y a lieu

d'envisager une action communautaire en ce qui concerne la concurrence déloyale au-

delà du champ d'application de la présente directive et formule, si nécessaire, une

proposition législative couvrant ces autres formes de concurrence déloyale.

(9) La présente directive s'applique sans préjudice des recours individuels formés par les

personnes lésées par une pratique commerciale déloyale. Elle s'applique également sans

préjudice des règles communautaires et nationales relatives au droit des contrats, aux

droits de propriété intellectuelle, aux questions de santé et de sécurité liées aux produits,

aux conditions d'établissement et aux régimes d'autorisation, notamment les règles qui,

conformément au droit communautaire, concernent les activités de jeux d'argent, et des

règles communautaires en matière de concurrence et des dispositions nationales visant à

les mettre en œuvre. Les États membres pourront ainsi maintenir ou instaurer sur leur

territoire des mesures de restriction ou d'interdiction de pratiques commerciales pour

des motifs de protection de la santé et de la sécurité des consommateurs, quel que soit le

lieu d'établissement du professionnel, par exemple pour ce qui concerne l'alcool, le

tabac ou les produits pharmaceutiques. Eu égard à leur complexité et aux graves risques

qui leur sont propres, les services financiers et les biens immobiliers doivent faire l'objet

de prescriptions détaillées, y compris l'instauration d'obligations positives à respecter

103

par les professionnels. C'est la raison pour laquelle, s'agissant des services financiers et

des biens immobiliers, la présente directive s'applique sans préjudice de la faculté pour

les États membres d'adopter des mesures qui aillent au delà des dispositions de la

présente directive, pour protéger les intérêts économiques des consommateurs. Il ne

convient pas que la présente directive réglemente la certification et l'indication du titre

des ouvrages en métal précieux.

(10) Il est nécessaire de veiller à ce que la relation entre la présente directive et la

législation communautaire existante soit cohérente, en particulier lorsque des

dispositions détaillées concernant les pratiques commerciales déloyales s'appliquent à

des secteurs spécifiques. La présente directive modifie donc la directive 84/450/CEE, la

directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la

protection des consommateurs en matière de contrats à distance [4], la directive

98/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 relative aux actions en

cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs [5] et la directive

2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 concernant la

commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs [6]. La

présente directive ne s'applique, en conséquence, que lorsqu'il n'existe pas de

dispositions communautaires spécifiques régissant des aspects particuliers des pratiques

commerciales déloyales, telles que des prescriptions en matière d'information ou des

règles régissant la présentation des informations au consommateur. Elle apporte une

protection aux consommateurs lorsqu'il n'existe aucune législation sectorielle spécifique

à l'échelon communautaire et interdit aux professionnels de donner une fausse

impression de la nature des produits. Ceci est particulièrement important dans le cas de

produits complexes comportant un niveau de risque élevé pour les consommateurs,

comme certains produits liés à des services financiers. La présente directive complète

par conséquent l'acquis communautaire applicable aux pratiques commerciales portant

préjudice aux intérêts économiques des consommateurs.

(11) Le niveau élevé de convergence résultant du rapprochement des dispositions

nationales assuré par la présente directive crée un niveau commun élevé de protection

des consommateurs. La présente directive établit une interdiction générale unique des

pratiques commerciales déloyales qui altèrent le comportement économique des

consommateurs. Elle établit également des règles sur les pratiques commerciales

agressives, qui ne sont pas actuellement réglementées au niveau communautaire.

(12) L'harmonisation augmentera considérablement la sécurité juridique tant pour les

consommateurs que pour les professionnels. Les consommateurs et les professionnels

pourront ainsi s'appuyer sur un cadre réglementaire unique basé sur des concepts

juridiques clairement définis réglementant tous les aspects des pratiques commerciales

déloyales au sein de l'Union européenne. Ceci aura pour conséquence d'éliminer les

entraves résultant de la disparité des règles relatives aux pratiques commerciales

déloyales portant atteinte aux intérêts économiques des consommateurs et de permettre

la réalisation du marché intérieur dans ce domaine.

104

(13) Pour atteindre les objectifs communautaires en éliminant les entraves au marché

intérieur, il est nécessaire de remplacer les clauses générales et principes juridiques

divergents actuellement en vigueur dans les États membres. L'interdiction générale

commune et unique établie par la présente directive couvre donc les pratiques

commerciales déloyales altérant le comportement économique des consommateurs. Afin

de renforcer la confiance des consommateurs, l'interdiction générale devrait aussi

s'appliquer aux pratiques commerciales déloyales qui sont utilisées en dehors de toute

relation contractuelle entre le professionnel et le consommateur ou consécutivement à la

conclusion d'un contrat ou durant l'exécution de celui-ci. Cette interdiction générale est

développée par les règles relatives aux deux types de pratiques commerciales de loin les

plus nombreuses, à savoir les pratiques commerciales trompeuses et les pratiques

commerciales agressives.

(14) Il est souhaitable que les pratiques commerciales trompeuses couvrent les

pratiques, y compris la publicité trompeuse, qui, en induisant le consommateur en

erreur, l'empêchent de faire un choix en connaissance de cause et donc de façon

efficace. En conformité avec les législations et les pratiques des États membres sur la

publicité trompeuse, la présente directive distingue, parmi les pratiques trompeuses, les

actions trompeuses et les omissions trompeuses. En ce qui concerne les omissions, la

présente directive énumère un nombre limité d'informations clés dont le consommateur

a besoin pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause. Ces

informations ne devront pas être fournies dans toutes les publicités mais seulement

lorsque le professionnel fera une invitation à l'achat, concept clairement défini par la

présente directive. L'approche adoptée dans la présente directive, qui consiste en une

harmonisation complète, n'empêche pas les États membres de préciser dans leur droit

national les principales caractéristiques de produits particuliers, par exemple les objets

de collection ou les biens électriques, dont l'omission serait substantielle lors d'une

invitation à l'achat. La présente directive n'entend pas réduire le choix des

consommateurs en interdisant la promotion de produits qui semblent similaires à

d'autres produits, à moins que cette similarité ne sème la confusion dans l'esprit des

consommateurs quant à l'origine commerciale du produit et soit donc trompeuse. Il

convient que la présente directive s'applique sans préjudice de la législation

communautaire existante qui laisse expressément aux État membres le choix entre

plusieurs options réglementaires aux fins de la protection des consommateurs en matière

de pratiques commerciales. La présente directive devrait en particulier s'appliquer sans

préjudice de l'article 13, paragraphe 3, de la directive 2002/58/CE du Parlement

européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à

caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications

électroniques [7].

(15) Lorsque la législation communautaire fixe des prescriptions en matière

d'information applicables à la publicité, à la communication commerciale et au

marketing, les informations en question sont réputées substantielles au sens de la

présente directive. Les États membres auront la faculté de maintenir ou d'instaurer des

105

prescriptions en matière d'information liées au droit des contrats ou ayant des

implications en matière de droit des contrats lorsque cette possibilité est prévue par les

clauses minimales comprises dans les instruments de droit communautaire existants. On

trouvera à l'annexe II une liste non exhaustive de ce type de prescriptions en matière

d'information telles qu'elles figurent dans l'acquis. Étant donné que la présente directive

vise à procéder à une harmonisation totale, seules les informations exigées en vertu de

la législation communautaire sont considérées comme étant substantielles aux fins de

son article 7, paragraphe 5. Si les États membres ont introduit des prescriptions en

matière d'information au-delà ou en sus de ce qui est spécifié par la législation

communautaire, en vertu des clauses minimales, le non-respect de ces prescriptions ne

sera pas considéré comme une omission trompeuse au sens de la présente directive. Par

contre, les États membres auront la faculté, lorsque les clauses minimales comprises

dans la législation communautaire le permettent, de maintenir ou d'instaurer des

dispositions plus strictes, conformes à la législation communautaire, pour assurer un

niveau plus élevé de protection des droits contractuels individuels des consommateurs.

(16) Les dispositions sur les pratiques commerciales agressives devraient couvrir les

pratiques qui altèrent de manière significative la liberté de choix du consommateur. Il

s'agit de pratiques incluant le harcèlement, la contrainte, y compris le recours à la force

physique, ou une influence injustifiée.

(17) Afin d'apporter une plus grande sécurité juridique, il est souhaitable d'identifier les

pratiques commerciales qui sont, en toutes circonstances, déloyales. L'annexe I contient

donc la liste complète de toutes ces pratiques. Il s'agit des seules pratiques

commerciales qui peuvent être considérées comme déloyales sans une évaluation au cas

par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9. Cette liste ne peut être modifiée que

par une révision de la directive.

(18) Il convient de protéger tous les consommateurs des pratiques commerciales

déloyales. La Cour de justice a toutefois estimé nécessaire, lorsqu'elle a statué sur des

affaires de publicité depuis la transposition de la directive 84/450/CEE, d'examiner leurs

effets pour un consommateur typique fictif. Conformément au principe de

proportionnalité, et en vue de permettre l'application effective des protections qui en

relèvent, la présente directive prend comme critère d'évaluation le consommateur

moyen qui est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu

des facteurs sociaux, culturels et linguistiques, selon l'interprétation donnée par la Cour

de justice, mais prévoit également des dispositions visant à empêcher l'exploitation de

consommateurs dont les caractéristiques les rendent particulièrement vulnérables aux

pratiques commerciales déloyales. Lorsqu'une pratique commerciale s'adresse

spécifiquement à un groupe particulier de consommateurs, comme les enfants, il est

souhaitable que son incidence soit évaluée du point de vue du membre moyen de ce

groupe. Par conséquent, il convient d'inscrire sur la liste des pratiques réputées

déloyales en toutes circonstances une disposition qui, sans édicter une interdiction totale

de la publicité à destination des enfants, protège ces derniers d'incitations directes à

acheter. La notion de consommateur moyen n'est pas une notion statistique. Les

106

juridictions et les autorités nationales devront s'en remettre à leur propre faculté de

jugement, en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de justice, pour déterminer la

réaction typique du consommateur moyen dans un cas donné.

(19) Lorsque certaines caractéristiques, telles que l'âge, une infirmité physique ou

mentale ou la crédulité, rendent un groupe particulier de consommateurs

particulièrement vulnérable à une pratique commerciale ou au produit qu'elle concerne,

ou lorsque le comportement économique de ce seul groupe de consommateurs est

susceptible d'être altéré par cette pratique d'une manière que le professionnel peut

raisonnablement prévoir, il y a lieu de veiller à ce que ce groupe soit suffisamment

protégé, en évaluant la pratique en cause du point de vue du membre moyen de ce

groupe.

(20) Il convient de prévoir un rôle pour des codes de conduite, qui permettent aux

professionnels d'appliquer les principes de la présente directive de manière effective

dans des domaines économiques particuliers. Dans les secteurs dans lesquels le

comportement des professionnels est soumis à des exigences contraignantes spécifiques,

il convient que celles-ci soient également prises en considération aux fins des exigences

en matière de diligence professionnelle dans le secteur concerné. Le contrôle exercé par

les responsables des codes au niveau national ou communautaire afin d'éliminer les

pratiques commerciales déloyales peut éviter le recours à une action administrative ou

judiciaire et devrait dès lors être encouragé. Dans le but d'assurer un niveau élevé de

protection des consommateurs, les organisations de consommateurs pourraient être

informées de l'élaboration des codes de conduite et y être associées.

(21) Les personnes ou organisations considérées, selon la législation nationale, comme

ayant un intérêt légitime à agir doivent disposer de voies de recours pour engager une

action contre des pratiques commerciales déloyales, soit devant un tribunal, soit auprès

d'une autorité administrative compétente pour statuer sur les plaintes ou pour engager

une action en justice appropriée. Bien que la charge de la preuve doive être déterminée

conformément à la législation nationale, il convient que les tribunaux et les autorités

administratives soient habilités à exiger des professionnels qu'ils fournissent des

preuves sur l'exactitude de leurs allégations factuelles.

(22) Il est nécessaire que les États membres déterminent le régime des sanctions

applicables aux violations des dispositions de la présente directive et veillent à leur mise

en œuvre. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et

dissuasives.

(23) Étant donné que les objectifs de la présente directive, à savoir éliminer les entraves

au fonctionnement du marché intérieur que constituent les législations nationales sur les

pratiques commerciales déloyales et assurer un niveau commun élevé de protection des

consommateurs, en rapprochant les dispositions législatives, réglementaires et

administratives des États membres concernant les pratiques commerciales déloyales, ne

peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres et peuvent donc

être mieux réalisés au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des

107

mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité.

Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, la présente

directive n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs.

(24) Il convient de procéder au réexamen de la présente directive afin de garantir que les

obstacles au marché intérieur ont été traités et qu'un niveau élevé de protection des

consommateurs est atteint. Ce réexamen pourrait donner lieu à une proposition de la

Commission visant à modifier la présente directive, ce qui pourrait comporter une

prorogation limitée de la dérogation prévue à l'article 3, paragraphe 5, et/ou une

modification d'autres législations en matière de protection des consommateurs, reflétant

l'engagement pris par la Commission dans le cadre de sa stratégie pour la politique des

consommateurs de réexaminer l'acquis existant afin d'atteindre un niveau commun élevé

de protection des consommateurs.

(25) La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui

sont reconnus notamment par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

ONT ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE:

CHAPITRE I

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article premier

Objectif

L'objectif de la présente directive est de contribuer au bon fonctionnement du marché

intérieur et d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en rapprochant

les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres

relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte aux intérêts

économiques des consommateurs.

Article 2

Définitions

Aux fins de la présente directive, on entend par:

a) "consommateur": toute personne physique qui, pour les pratiques commerciales

relevant de la présente directive, agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son

activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale;

b) "professionnel": toute personne physique ou morale qui, pour les pratiques

commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui entrent dans le cadre

de son activité, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, et toute personne

agissant au nom ou pour le compte d'un professionnel;

108

c) "produit": tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et les

obligations;

d) "pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs" (ci-après

également dénommées "pratiques commerciales"): toute action, omission, conduite,

démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la

part d'un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture

d'un produit aux consommateurs;

e) "altération substantielle du comportement économique des consommateurs":

l'utilisation d'une pratique commerciale compromettant sensiblement l'aptitude du

consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l'amenant par

conséquent à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement;

f) "code de conduite": un accord ou un ensemble de règles qui ne sont pas imposés par

les dispositions législatives, réglementaires ou administratives d'un État membre et qui

définissent le comportement des professionnels qui s'engagent à être liés par lui en ce

qui concerne une ou plusieurs pratiques commerciales ou un ou plusieurs secteurs

d'activité;

g) "responsable de code": toute entité, y compris un professionnel ou groupe de

professionnels, responsable de l'élaboration et de la révision d'un code de conduite et/ou

de la surveillance du respect de ce code par ceux qui se sont engagés à être liés par lui;

h) "diligence professionnelle": le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le

professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur,

conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi

dans son domaine d'activité;

i) "invitation à l'achat": une communication commerciale indiquant les caractéristiques

du produit et son prix de façon appropriée en fonction du moyen utilisé pour cette

communication commerciale et permettant ainsi au consommateur de faire un achat;

j) "influence injustifiée": l'utilisation d'une position de force vis-à-vis du consommateur

de manière à faire pression sur celui-ci, même sans avoir recours à la force physique ou

menacer de le faire, de telle manière que son aptitude à prendre une décision en

connaissance de cause soit limitée de manière significative;

k) "décision commerciale": toute décision prise par un consommateur concernant

l'opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d'acheter, de faire un

paiement intégral ou partiel pour un produit, de conserver ou de se défaire d'un produit

ou d'exercer un droit contractuel en rapport avec le produit; une telle décision peut

amener le consommateur, soit à agir, soit à s'abstenir d'agir;

l) "profession réglementée": une activité ou un ensemble d'activités professionnelles

dont l'accès, l'exercice ou une des modalités d'exercice est subordonné directement ou

109

indirectement à des dispositions législatives, réglementaires ou administratives relatives

à la possession de qualifications professionnelles déterminées.

Article 3

Champ d'application

1. La présente directive s'applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises

vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l'article 5, avant, pendant et après une

transaction commerciale portant sur un produit.

2. La présente directive s'applique sans préjudice du droit des contrats, ni, en particulier,

des règles relatives à la validité, à la formation ou aux effets des contrats.

3. La présente directive s'applique sans préjudice des dispositions communautaires ou

nationales relatives à la santé et à la sécurité des produits.

4. En cas de conflit entre les dispositions de la présente directive et d'autres règles

communautaires régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales

déloyales, ces autres règles priment et s'appliquent à ces aspects spécifiques.

5. Pendant une période de six ans à compter du 12 juin 2007, les États membres ont la

faculté de continuer à appliquer des dispositions nationales dont la présente directive

opère le rapprochement, plus restrictives ou plus rigoureuses que la présente directive et

qui mettent en œuvre des directives incluant des clauses d'harmonisation minimale. Ces

mesures doivent être essentielles pour garantir que les consommateurs soient protégés

de manière adéquate contre les pratiques commerciales déloyales et doivent être

proportionnées à cet objectif à atteindre. La révision visée à l'article 18 peut, s'il y a lieu,

comprendre une proposition visant à proroger cette dérogation pour une durée limitée.

6. Les États membres notifient sans délai à la Commission toute disposition nationale

appliquée au titre du paragraphe 5.

7. La présente directive s'applique sans préjudice des règles régissant la compétence des

tribunaux.

8. La présente directive s'applique sans préjudice des conditions d'établissement ou des

régimes d'autorisation ou des codes de déontologie ou de toute autre disposition

spécifique régissant les professions réglementées que les États membres peuvent

imposer aux professionnels, conformément à la législation communautaire, pour

garantir que ceux-ci répondent à un niveau élevé d'intégrité.

9. Pour ce qui est des "services financiers", au sens de la directive 2002/65/CE, et des

biens immobiliers, les États membres peuvent imposer des exigences plus restrictives

ou plus rigoureuses que celles prévues par la présente directive dans le domaine dans

lequel cette dernière vise au rapprochement des dispositions en vigueur.

110

10. La présente directive ne vise pas l'application des dispositions législatives,

réglementaires et administratives des États membres en matière de certification et

d'indication du titre des ouvrages en métal précieux.

Article 4

Marché intérieur

Les États membres ne restreignent ni la libre prestation de services, ni la libre

circulation des marchandises pour des raisons relevant du domaine dans lequel la

présente directive vise au rapprochement des dispositions en vigueur.

CHAPITRE 2

PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES

Article 5

Interdiction des pratiques commerciales déloyales

1. Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

2. Une pratique commerciale est déloyale si:

a) elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle,

et

b) elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement

économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu'elle touche ou auquel

elle s'adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu'une pratique commerciale est

ciblée vers un groupe particulier de consommateurs.

3. Les pratiques commerciales qui sont susceptibles d'altérer de manière substantielle le

comportement économique d'un groupe clairement identifiable de consommateurs parce

que ceux-ci sont particulièrement vulnérables à la pratique utilisée ou au produit qu'elle

concerne en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité,

alors que l'on pourrait raisonnablement attendre du professionnel qu'il prévoie cette

conséquence, sont évaluées du point de vue du membre moyen de ce groupe. Cette

disposition est sans préjudice de la pratique publicitaire courante et légitime consistant à

formuler des déclarations exagérées ou des déclarations qui ne sont pas destinées à être

comprises au sens littéral.

4. En particulier, sont déloyales les pratiques commerciales qui sont:

a) trompeuses au sens des articles 6 et 7,

ou

b) agressives au sens des articles 8 et 9.

111

5. L'annexe I contient la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes

circonstances. Cette liste unique s'applique dans tous les États membres et ne peut être

modifiée qu'au travers d'une révision de la présente directive.

Section 1

Pratiques commerciales trompeuses

Article 6

Actions trompeuses

1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations

fausses, et qu'elle est donc mensongère ou que, d'une manière quelconque, y compris

par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d'induire en erreur le

consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement

correctes, en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects ci-après et que, dans un cas

comme dans l'autre, elle l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision

commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement:

a) l'existence ou la nature du produit;

b) les caractéristiques principales du produit, telles que sa disponibilité, ses avantages,

les risques qu'il présente, son exécution, sa composition, ses accessoires, le service

après-vente et le traitement des réclamations, le mode et la date de fabrication ou de

prestation, sa livraison, son aptitude à l'usage, son utilisation, sa quantité, ses

spécifications, son origine géographique ou commerciale ou les résultats qui peuvent

être attendus de son utilisation, ou les résultats et les caractéristiques essentielles des

tests ou contrôles effectués sur le produit;

c) l'étendue des engagements du professionnel, la motivation de la pratique

commerciale et la nature du processus de vente, ainsi que toute affirmation ou tout

symbole faisant croire que le professionnel ou le produit bénéficie d'un parrainage ou

d'un appui direct ou indirect;

d) le prix ou le mode de calcul du prix, ou l'existence d'un avantage spécifique quant au

prix;

e) la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une

réparation;

f) la nature, les qualités et les droits du professionnel ou de son représentant, tels que

son identité et son patrimoine, ses qualifications, son statut, son agrément, son

affiliation ou ses liens et ses droits de propriété industrielle, commerciale ou

intellectuelle ou les récompenses et distinctions qu'il a reçues;

g) les droits du consommateur, en particulier le droit de remplacement ou de

remboursement selon les dispositions de la directive 1999/44/CE du Parlement

112

européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties

des biens de consommation [8], ou les risques qu'il peut encourir.

2. Une pratique commerciale est également réputée trompeuse si, dans son contexte

factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle amène ou

est susceptible d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale

qu'il n'aurait pas prise autrement, et qu'elle implique:

a) toute activité de marketing concernant un produit, y compris la publicité comparative,

créant une confusion avec un autre produit, marque, nom commercial ou autre signe

distinctif d'un concurrent;

b) le non-respect par le professionnel d'engagements contenus dans un code de conduite

par lequel il s'est engagé à être lié, dès lors:

i) que ces engagements ne sont pas de simples aspirations, mais sont fermes et

vérifiables,

et

ii) que le professionnel indique, dans le cadre d'une pratique commerciale, qu'il est lié

par le code.

Article 7

Omissions trompeuses

1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel,

compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites

propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle

dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une

décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l'amène ou est

susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise

autrement.

2. Une pratique commerciale est également considérée comme une omission trompeuse

lorsqu'un professionnel, compte tenu des aspects mentionnés au paragraphe 1, dissimule

une information substantielle visée audit paragraphe ou la fournit de façon peu claire,

inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ou lorsqu'il n'indique pas sa véritable intention

commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte et lorsque, dans l'un ou

l'autre cas, le consommateur moyen est ainsi amené ou est susceptible d'être amené à

prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.

3. Lorsque le moyen de communication utilisé aux fins de la pratique commerciale

impose des limites d'espace ou de temps, il convient, en vue de déterminer si des

informations ont été omises, de tenir compte de ces limites ainsi que de toute mesure

prise par le professionnel pour mettre les informations à la disposition du consommateur

par d'autres moyens.

113

4. Lors d'une invitation à l'achat, sont considérées comme substantielles, dès lors

qu'elles ne ressortent pas déjà du contexte, les informations suivantes:

a) les caractéristiques principales du produit, dans la mesure appropriée eu égard au

moyen de communication utilisé et au produit concerné;

b) l'adresse géographique et l'identité du professionnel, par exemple sa raison sociale et,

le cas échéant, l'adresse géographique et l'identité du professionnel pour le compte

duquel il agit;

c) le prix toutes taxes comprises, ou, lorsque la nature du produit signifie que le prix ne

peut raisonnablement pas être calculé à l'avance, la manière dont le prix est calculé,

ainsi que, le cas échéant, tous les coûts supplémentaires de transport, de livraison et

postaux, ou, lorsque ces coûts ne peuvent raisonnablement pas être calculés à l'avance,

la mention que ces coûts peuvent être à la charge du consommateur;

d) les modalités de paiement, de livraison, d'exécution et de traitement des réclamations,

si elles diffèrent des conditions de la diligence professionnelle;

e) pour les produits et transactions impliquant un droit de rétractation ou d'annulation,

l'existence d'un tel droit.

5. Les informations qui sont prévues par le droit communautaire et qui sont relatives

aux communications commerciales, y compris la publicité ou le marketing, et dont une

liste non exhaustive figure à l'annexe II, sont réputées substantielles.

Section 2

Pratiques commerciales agressives

Article 8

Pratiques commerciales agressives

Une pratique commerciale est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte

tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible

d'altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le

recours à la force physique, ou d'une influence injustifiée, la liberté de choix ou de

conduite du consommateur moyen à l'égard d'un produit, et, par conséquent, l'amène ou

est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise

autrement.

Article 9

Utilisation du harcèlement, de la contrainte ou d'une influence injustifiée

Afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte,

y compris la force physique, ou à une influence injustifiée, les éléments suivants sont

pris en considération:

114

a) le moment et l'endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature et sa persistance;

b) le recours à la menace physique ou verbale;

c) l'exploitation en connaissance de cause par le professionnel de tout malheur ou

circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur,

dans le but d'influencer la décision du consommateur à l'égard du produit;

d) tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le

professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et

notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur;

e) toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible.

CHAPITRE 3

CODES DE CONDUITE

Article 10

Codes de conduite

La présente directive n'exclut pas le contrôle, que les États membres peuvent

encourager, des pratiques commerciales déloyales par les responsables de codes de

conduite, ni le recours à ces derniers par les personnes ou organisations visées à l'article

11, s'il existe des procédures devant de telles entités en sus des procédures judiciaires ou

administratives visées audit article.

Le recours à de tels organismes de contrôle ne vaut en aucun cas renoncement à une

voie de recours judiciaire ou administrative visée à l'article 11.

CHAPITRE 4

DISPOSITIONS FINALES

Article 11

Application de la législation

1. Les États membres veillent à ce qu'il existe des moyens adéquats et efficaces pour

lutter contre les pratiques commerciales déloyales afin de faire respecter les dispositions

de la présente directive dans l'intérêt des consommateurs.

Ces moyens doivent inclure des dispositions juridiques aux termes desquelles les

personnes ou organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à

lutter contre les pratiques commerciales déloyales, y compris les concurrents, peuvent:

a) intenter une action en justice contre ces pratiques commerciales déloyales,

et/ou

115

b) porter ces pratiques commerciales déloyales devant une autorité administrative

compétente soit pour statuer sur les plaintes, soit pour engager les poursuites judiciaires

appropriées.

Il appartient à chaque État membre de décider laquelle de ces procédures sera retenue et

s'il convient que les tribunaux ou les autorités administratives puissent exiger le recours

préalable à d'autres voies établies de règlement des plaintes, y compris celles

mentionnées à l'article 10. Les consommateurs doivent avoir accès à ces moyens, qu'ils

soient établis sur le territoire du même État membre que le professionnel ou sur celui

d'un autre État membre.

Il incombe à chaque État membre de décider:

a) si ces moyens juridiques peuvent être mis en œuvre séparément ou conjointement

contre un certain nombre de professionnels du même secteur économique,

et

b) si ces moyens juridiques peuvent être mis en œuvre contre le responsable d'un code

lorsque ce code encourage le non-respect des prescriptions légales.

2. Dans le cadre des dispositions juridiques visées au paragraphe 1, les États membres

confèrent aux tribunaux ou aux autorités administratives des pouvoirs les habilitant,

dans les cas où ceux-ci estiment que ces mesures sont nécessaires compte tenu de tous

les intérêts en jeu, et notamment de l'intérêt général:

a) à ordonner la cessation de pratiques commerciales déloyales ou à engager les

poursuites appropriées en vue de faire ordonner la cessation desdites pratiques,

ou

b) si la pratique commerciale déloyale n'a pas encore été mise en œuvre mais est

imminente, à interdire cette pratique ou à engager les poursuites appropriées en vue de

faire ordonner son interdiction,

même en l'absence de preuve d'une perte ou d'un préjudice réels, ou d'une intention ou

d'une négligence de la part du professionnel.

Les États membres prévoient en outre que les mesures visées au premier alinéa peuvent

être prises dans le cadre d'une procédure accélérée:

- soit avec effet provisoire,

- soit avec effet définitif,

étant entendu qu'il appartient à chaque État membre de déterminer laquelle de ces deux

options sera retenue.

116

En outre, les États membres peuvent conférer aux tribunaux ou aux autorités

administratives des compétences les habilitant, en vue d'éliminer les effets persistants de

pratiques commerciales déloyales dont la cessation a été ordonnée par une décision

définitive:

a) à exiger la publication de ladite décision en tout ou en partie et dans la forme qu'ils

jugent adéquate;

b) à exiger, en outre, la publication d'un communiqué rectificatif.

3. Les autorités administratives visées au paragraphe 1 doivent:

a) être composées de manière à ce que leur impartialité ne puisse être mise en doute;

b) avoir des pouvoirs suffisants, lorsqu'elles statuent sur des plaintes, pour surveiller et

imposer de façon efficace le respect de leurs décisions;

c) motiver en principe leurs décisions.

Lorsque les pouvoirs visés au paragraphe 2 sont exclusivement exercés par une autorité

administrative, celle-ci doit toujours motiver ses décisions. En outre, dans ce cas, des

procédures doivent être prévues selon lesquelles tout exercice impropre ou injustifié des

pouvoirs de l'autorité administrative ou tout manquement impropre ou injustifié à

l'exercice desdits pouvoirs peuvent faire l'objet d'un recours juridictionnel.

Article 12

Tribunaux et autorités administratives: justification des allégations

Les États membres confèrent aux tribunaux ou aux autorités administratives des

pouvoirs les habilitant, lors d'une procédure judiciaire ou administrative visée à l'article

11:

a) à exiger que le professionnel fournisse des preuves sur l'exactitude de ses allégations

factuelles en rapport avec une pratique commerciale si, compte tenu de l'intérêt légitime

du professionnel et de toute autre partie à la procédure, une telle exigence paraît

appropriée au vu des circonstances du cas d'espèce,

et

b) à considérer des allégations factuelles comme inexactes si les preuves exigées

conformément au point a) ne sont pas apportées ou sont jugées insuffisantes par le

tribunal ou l'autorité administrative.

Article 13

Sanctions

Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des

dispositions nationales prises en application de la présente directive, et mettent tout en

117

œuvre pour en assurer l'exécution. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives,

proportionnées et dissuasives.

Article 14

Modifications de la directive 84/450/CEE

La directive 84/450/CEE est modifiée comme suit:

1) L'article premier est remplacé par le texte suivant:

"Article premier

La présente directive a pour objet de protéger les professionnels contre la publicité

trompeuse et ses conséquences déloyales et d'établir les conditions dans lesquelles la

publicité comparative est considérée comme licite."

2) À l'article 2:

- le point 3 est remplacé par le texte suivant:

"3. "professionnel": toute personne physique ou morale qui agit à des fins qui entrent

dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale et toute

personne agissant au nom ou pour le compte d'un professionnel."

;

- le point suivant est ajouté:

"4. "responsable de code": toute entité, y compris un professionnel ou groupe de

professionnels, responsable de l'élaboration et de la révision d'un code de conduite et/ou

de la surveillance du respect de ce code par ceux qui se sont engagés à être liés par lui."

3) L'article 3 bis est remplacé par le texte suivant:

"Article 3 bis

1. Pour ce qui concerne la comparaison, la publicité comparative est licite dès lors que

les conditions suivantes sont remplies:

a) elle n'est pas trompeuse au sens de l'article 2, paragraphe 2, de l'article 3 et de l'article

7, paragraphe 1, de la présente directive ou des articles 6 et 7 de la directive 2005/29/CE

du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques

commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché

intérieur [];

b) elle compare des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même

objectif;

118

c) elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes,

vérifiables et représentatives de ces biens et services, y compris éventuellement le prix;

d) elle n'entraîne pas le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux,

autres signes distinctifs, biens, services, activités ou situation d'un concurrent;

e) pour les produits ayant une appellation d'origine, elle porte dans chaque cas sur des

produits ayant la même appellation;

f) elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom

commercial ou à d'autres signes distinctifs d'un concurrent ou de l'appellation d'origine

de produits concurrents;

g) elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction

d'un bien ou d'un service portant une marque ou un nom commercial protégés;

h) elle ne soit pas source de confusion parmi les professionnels, entre l'annonceur et un

concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou

services de l'annonceur et ceux d'un concurrent.

4) À l'article 4, le paragraphe 1 est remplacé par le texte suivant:

"1. Les États membres veillent à ce qu'il existe des moyens adéquats et efficaces pour

lutter contre la publicité trompeuse et faire respecter les dispositions en matière de

publicité comparative dans l'intérêt des professionnels et des concurrents. Ces moyens

doivent inclure des dispositions juridiques aux termes desquelles les personnes ou

organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à lutter contre la

publicité trompeuse ou à réglementer la publicité comparative peuvent:

a) intenter une action en justice contre une telle publicité,

ou

b) porter une telle publicité devant une autorité administrative compétente soit pour

statuer sur les plaintes, soit pour engager les poursuites judiciaires appropriées.

Il appartient à chaque État membre de décider laquelle de ces procédures sera retenue et

s'il convient que les tribunaux ou les autorités administratives puissent exiger le recours

préalable à d'autres voies établies de règlement des plaintes, y compris celles

mentionnées à l'article 5.

Il incombe à chaque État membre de décider:

a) si ces moyens juridiques peuvent être mis en œuvre séparément ou conjointement

contre un certain nombre de professionnels du même secteur économique,

et

119

b) si ces moyens juridiques peuvent être mis en œuvre contre le responsable d'un code

lorsque ce code encourage le non respect des prescriptions légales."

5) À l'article 7, le paragraphe 1 est remplacé par le texte suivant:

"1. La présente directive ne fait pas obstacle au maintien ou à l'adoption par les États

membres de dispositions visant à assurer, en matière de publicité trompeuse, une

protection plus étendue des professionnels et des concurrents."

Article 15

Modifications des directives 97/7/CE et 2002/65/CE

1) L'article 9 de la directive 97/7/CE est remplacé par le texte suivant:

"Article 9

Fourniture non demandée

Étant donné que les pratiques de fourniture non demandée sont interdites par la directive

2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques

commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché

intérieur [], les États membres prennent les mesures nécessaires pour dispenser le

consommateur de toute contre-prestation en cas de fourniture non demandée, l'absence

de réponse ne valant pas consentement.

2) L'article 9 de la directive 2002/65/CE est remplacé par le texte suivant:

"Article 9

Étant donné que les pratiques de fourniture non demandée sont interdites par la directive

2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques

commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché

intérieur [], et sans préjudice des dispositions en vigueur dans la législation des États

membres relatives à la reconduction tacite de contrats à distance lorsque celles-ci

permettent une telle reconduction tacite, les États membres prennent les mesures

nécessaires pour dispenser le consommateur de toute obligation en cas de fourniture non

demandée, l'absence de réponse ne valant pas consentement.

Article 16

Modifications des directives 98/27/CE et du règlement (CE) no 2006/2004

1) À l'annexe de la directive 98/27/CE, le point 1 est remplacé par le texte suivant:

"1. Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative

aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans

le marché intérieur (JO L 149 du 11.6.2005, p. 22.)"

120

2) À l'annexe du règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil du

27 octobre 2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales responsables de

l'application de la législation en matière de protection des consommateurs ("règlement

sur la coopération en matière de protection des consommateurs") [12] le point suivant

est ajouté:

"16. La directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005

relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des

consommateurs dans le marché intérieur (JO L 149 du 11.6.2005, p. 22.)"

Article 17

Information

Les États membres prennent les mesures appropriées pour informer les consommateurs

des dispositions de droit national qui transposent la présente directive et incitent, le cas

échéant, les professionnels et les responsables de code à faire connaître leurs codes de

conduite aux consommateurs.

Article 18

Révision

1. Au plus tard le 12 juin 2006, la Commission soumet au Parlement européen et au

Conseil un rapport global sur l'application de son article 3, paragraphe 9, de la présente

directive et en particulier sur l'application de son article 4 et de son annexe I, sur

l'ampleur de toute harmonisation et simplification supplémentaires du droit

communautaire en matière de protection des consommateurs et, compte tenu de l'article

3, paragraphe 5, sur toute mesure qu'il convient de prendre sur le plan communautaire

afin de veiller à maintenir des niveaux appropriés de protection des consommateurs. Ce

rapport est accompagné, si besoin est, d'une proposition de révision de la présente

directive ou d'autres parties pertinentes du droit communautaire.

2. Le Parlement européen et le Conseil s'efforcent d'agir, conformément au traité, dans

un délai de deux ans à compter de la présentation par la Commission de toute

proposition présentée en vertu du paragraphe 1.

Article 19

Transposition

Les États membres adoptent et publient au plus tard le 12 juin 2007 les dispositions

législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la

présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission et ils lui notifient

sans retard toute modification ultérieure.

Ils appliquent ces dispositions au plus tard le 12 décembre 2007. Lorsque les États

membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente

121

directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle.

Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

Article 20

Entrée en vigueur

La présente directive entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal

officiel de l'Union européenne.

Article 21

Destinataires

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

Fait à Strasbourg, le 11 mai 2005.

Par le Parlement européen

Le président

J. P. Borrell Fontelles

Par le Conseil

Le président

N. Schmit

[1] JO C 108 du 30.4.2004, p. 81.

[2] Avis du Parlement européen du 20 avril 2004 (JO C 104 E du 30.4.2004, p. 260), position commune

du Conseil du 15 novembre 2004 (JO C 38 E du 15.2.2005, p. 1) et position du Parlement européen du 24

février 2005 (non encore parue au Journal officiel). Décision du Conseil du 12 avril 2005.

[3] JO L 250 du 19.9.1984, p. 17. Directive modifiée par la directive 97/55/CE du Parlement européen et

du Conseil (JO L 290 du 23.10.1997, p. 18).

[4] JO L 144 du 4.6.1997, p. 19. Directive modifiée par la directive 2002/65/CE (JO L 271 du 9.10.2002,

p. 16).

[5] JO L 166 du 11.6.1998, p. 51. Directive modifiée en dernier lieu par la directive 2002/65/CE.

[6] JO L 271 du 9.10.2002, p. 16.

[7] JO L 201 du 31.7.2002, p. 37.

[8] JO L 171 du 7.7.1999, p. 12.

[] JO L 149 du 11.6.2005, p. 22."

[] JO L 149 du 11.6.2005, p. 22."

[] JO L 149 du 11.6.2005, p. 22."

122

[12] JO L 364 du 9.12.2004, p. 1.

ANNEXE I

PRATIQUES COMMERCIALES RÉPUTÉES DÉLOYALES EN TOUTES

CIRCONSTANCES

Pratiques commerciales trompeuses

1) Pour un professionnel, se prétendre signataire d'un code de conduite alors qu'il ne

l'est pas.

2) Afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent sans avoir obtenu

l'autorisation nécessaire.

3) Affirmer qu'un code de conduite a reçu l'approbation d'un organisme public ou autre

alors que ce n'est pas le cas.

4) Affirmer qu'un professionnel (y compris ses pratiques commerciales) ou qu'un

produit a été agréé, approuvé ou autorisé par un organisme public ou privé alors que ce

n'est pas le cas ou sans respecter les conditions de l'agrément, de l'approbation ou de

l'autorisation reçue.

5) Proposer l'achat de produits à un prix indiqué sans révéler les raisons plausibles que

pourrait avoir le professionnel de penser qu'il ne pourra fournir lui même, ou faire

fournir par un autre professionnel, les produits en question ou des produits équivalents

au prix indiqué, pendant une période et dans des quantités qui soient raisonnables

compte tenu du produit, de l'ampleur de la publicité faite pour le produit et du prix

proposé (publicité appât).

6) Proposer l'achat de produits à un prix indiqué, et ensuite:

a) refuser de présenter aux consommateurs l'article ayant fait l'objet de la publicité,

ou

b) refuser de prendre des commandes concernant cet article ou de le livrer dans un délai

raisonnable,

ou

c) en présenter un échantillon défectueux,

dans le but de faire la promotion d'un produit différent (amorcer et ferrer).

7) Déclarer faussement qu'un produit ne sera disponible que pendant une période très

limitée ou qu'il ne sera disponible que sous des conditions particulières pendant une

période très limitée afin d'obtenir une décision immédiate et priver les consommateurs

d'une possibilité ou d'un délai suffisant pour opérer un choix en connaissance de cause.

123

8) S'engager à fournir un service après-vente aux consommateurs avec lesquels le

professionnel a communiqué avant la transaction dans une langue qui n'est pas une

langue officielle de l'État membre dans lequel il est établi et, ensuite, assurer ce service

uniquement dans une autre langue sans clairement en informer le consommateur avant

que celui-ci ne s'engage dans la transaction.

9) Déclarer ou de toute autre manière donner l'impression que la vente d'un produit est

licite alors qu'elle ne l'est pas.

10) Présenter les droits conférés au consommateur par la loi comme constituant une

caractéristique propre à la proposition faite par le professionnel.

11) Utiliser un contenu rédactionnel dans les médias pour faire la promotion d'un

produit, alors que le professionnel a financé celle-ci lui-même, sans l'indiquer

clairement dans le contenu ou à l'aide d'images ou de sons clairement identifiables par le

consommateur (publi-reportage). Cette disposition s'entend sans préjudice de la

directive 89/552/CEE [1].

12) Formuler des affirmations factuellement inexactes en ce qui concerne la nature et

l'ampleur des risques auxquels s'expose le consommateur sur le plan de sa sécurité

personnelle ou de celle de sa famille s'il n'achète pas le produit.

13) Promouvoir un produit similaire à celui d'un fabricant particulier de manière à

inciter délibérément le consommateur à penser que le produit provient de ce même

fabricant alors que tel n'est pas le cas.

14) Créer, exploiter ou promouvoir un système de promotion pyramidale dans lequel un

consommateur verse une participation en échange de la possibilité de percevoir une

contrepartie provenant essentiellement de l'entrée d'autres consommateurs dans le

système plutôt que de la vente ou de la consommation de produits.

15) Déclarer que le professionnel est sur le point de cesser ses activités ou de les établir

ailleurs alors que tel n'est pas le cas.

16) Affirmer d'un produit qu'il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard.

17) Affirmer faussement qu'un produit est de nature à guérir des maladies, des

dysfonctionnements ou des malformations.

18) Communiquer des informations factuellement inexactes sur les conditions de

marché ou sur les possibilités de trouver le produit, dans le but d'inciter le

consommateur à acquérir celui-ci à des conditions moins favorables que les conditions

normales de marché.

19) Affirmer dans le cadre d'une pratique commerciale qu'un concours est organisé ou

qu'un prix peut être gagné sans attribuer les prix décrits ou un équivalent raisonnable.

124

20) Décrire un produit comme étant "gratuit", "à titre gracieux", "sans frais" ou autres

termes similaires si le consommateur doit payer quoi que ce soit d'autre que les coûts

inévitables liés à la réponse à la pratique commerciale et au fait de prendre possession

ou livraison de l'article.

21) Inclure dans le matériel promotionnel une facture ou un document similaire

demandant paiement qui donne au consommateur l'impression qu'il a déjà commandé le

produit commercialisé alors que ce n'est pas le cas.

22) Faussement affirmer ou donner l'impression que le professionnel n'agit pas à des

fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou

libérale, ou se présenter faussement comme un consommateur.

23) Créer faussement l'impression que le service après-vente en rapport avec un produit

est disponible dans un État membre autre que celui dans lequel le produit est vendu.

Pratiques commerciales agressives

24) Donner au consommateur l'impression qu'il ne pourra quitter les lieux avant qu'un

contrat n'ait été conclu.

25) Effectuer des visites personnelles au domicile du consommateur, en ignorant sa

demande de voir le professionnel quitter les lieux ou de ne pas y revenir, sauf si et dans

la mesure où la législation nationale l'autorise pour assurer l'exécution d'une obligation

contractuelle.

26) Se livrer à des sollicitations répétées et non souhaitées par téléphone, télécopieur,

courrier électronique ou tout autre outil de communication à distance, sauf si et dans la

mesure où la législation nationale l'autorise pour assurer l'exécution d'une obligation

contractuelle. Cette disposition s'entend sans préjudice de l'article 10 de la directive

97/7/CE, et des directives 95/46/CE [2] et 2002/58/CE.

27) Obliger un consommateur qui souhaite demander une indemnité au titre d'une police

d'assurance à produire des documents qui ne peuvent raisonnablement être considérés

comme pertinents pour établir la validité de la demande ou s'abstenir systématiquement

de répondre à des correspondances pertinentes, dans le but de dissuader ce

consommateur d'exercer ses droits contractuels.

28) Dans une publicité, inciter directement les enfants à acheter ou à persuader leurs

parents ou d'autres adultes de leur acheter le produit faisant l'objet de la publicité. Cette

disposition ne porte pas atteinte à l'article 16 de la directive 89/552/CEE sur la

radiodiffusion télévisuelle.

29) Exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans

que le consommateur les ait demandés, ou exiger leur renvoi ou leur conservation, sauf

lorsqu'il s'agit d'un produit de substitution fourni conformément à l'article 7, paragraphe

3, de la directive 97/7/CE (fournitures non demandées).

125

30) Informer explicitement le consommateur que s'il n'achète pas le produit ou le

service, l'emploi ou les moyens d'existence du professionnel seront menacés.

31) Donner la fausse impression que le consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera

en accomplissant tel acte un prix ou un autre avantage équivalent, alors que, en fait,

- soit il n'existe pas de prix ou autre avantage équivalent,

- soit l'accomplissement d'une action en rapport avec la demande du prix ou autre

avantage équivalent est subordonné à l'obligation pour le consommateur de verser de

l'argent ou de supporter un coût.

[1] Directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 visant à la coordination de

certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres

relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298 du 17.10.1989,

p. 23). Directive modifiée par la directive 97/36/CE du Parlement européen et du

Conseil (JO L 202 du 30.7.1997, p. 60).

[2] Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995

relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à

caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281 du 23.11.1995, p.

31). Directive modifiée par le règlement (CE) no 1882/2003 (JO L 284 du 31.10.2003,

p. 1).

--------------------------------------------------

20050511

ANNEXE II

DISPOSITIONS COMMUNAUTAIRES ÉTABLISSANT DES RÈGLES EN

MATIÈRE DE PUBLICITÉ ET DE COMMUNICATION COMMERCIALE

Articles 4 et 5 de la directive 97/7/CE

Article 3 de la directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990 concernant les

voyages, vacances et circuits à forfait [1]

Article 3, paragraphe 3, de la directive 94/47/CE du Parlement européen et du Conseil

du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des

contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens

immobiliers [2]

Article 3, paragraphe 4, de la directive 98/6/CE du Parlement européen et du Conseil du

16 février 1998 relative à la protection des consommateurs en matière d'indication des

prix des produits offerts aux consommateurs [3]

126

Articles 86 à 100 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6

novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage

humain [4]

Articles 5 et 6 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8

juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de

l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur

("directive sur le commerce électronique") [5]

Article 1er, point d), de la directive 98/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 16

février 1998 modifiant la directive 87/102/CEE du Conseil relative au rapprochement

des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en

matière de crédit à la consommation [6]

Articles 3 et 4 de la directive 2002/65/CE

Article 1er, point 9), de la directive 2001/107/CE du Parlement européen et du Conseil

du 21 janvier 2002 modifiant la directive 85/611/CEE du Conseil portant coordination

des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains

organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) en vue d'introduire

une réglementation relative aux sociétés de gestion et aux prospectus simplifiés [7]

Articles 12 et 13 de la directive 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 9

décembre 2002 sur l'intermédiation en assurance [8]

Article 36 de la directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 5

novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie [9]

Article 19 de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril

2004 concernant les marchés d'instruments financiers [10]

Articles 31 et 43 de la directive 92/49/CEE du Conseil du 18 juin 1992 portant

coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant

l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie [11] (troisième directive "assurance

non vie")

Articles 5, 7 et 8 de la directive 2003/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 4

novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs

mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation [12]

[1] JO L 158 du 23.6.1990, p. 59.

[2] JO L 280 du 29.10.1994, p. 83.

[3] JO L 80 du 18.3.1998, p. 27.

[4] JO L 311 du 28.11.2001, p. 67. Directive modifiée en dernier lieu par la directive 2004/27/CE (JO L

136 du 30.4.2004, p. 34).

[5] JO L 178 du 17.7.2000, p. 1.

127

[6] JO L 101 du 1.4.1998, p. 17.

[7] JO L 41 du 13.2.2002, p. 20.

[8] JO L 9 du 15.1.2003, p. 3.

[9] JO L 345 du 19.12.2002, p. 1. Directive modifiée par la directive 2004/66/CE du Conseil (JO L 168

du 1.5.2004, p. 35).

[10] JO L 145 du 30.4.2004, p. 1.

[11] JO L 228 du 11.8.1992, p. 1. Directive modifiée en dernier lieu par la directive 2002/87/CE du

Parlement européen et du Conseil (JO L 35 du 11.2.2003, p. 1). [12] JO L 345 du 31.12.2003, p. 64.

128

Annexe 2 : CA Paris, 5e ch., 14 mai 2009, SA France Telecom et SA Orange Sports

c/ SAS Free et SA Neuf Cegetel (absorbée par SFR), avec les interventions

volontaires de l'assoc. « La Ligue de Football professionnel », de l'assoc. nationale

des ligues de sport professionnel et du min. Éco., Industr. et Emploi (DGCCRF

Paris) : JurisData n° 2009-003817

La société Free (Free) est un opérateur de communications électroniques, filiale à 100 %

du groupe Big qui a été le premier, en 2003, à commercialiser dans les zones

dégroupées des offres dites multiservices, dites aussi « Multiplay », ou même « Triple

Play » en l'espèce, combinant l'accès à Internet haut débit (ADSL), la téléphonie fixe

illimitée par Internet et des services de télévision par ADSL. Elle dispose actuellement

d'une base d'abonnés proche de 4 millions qui la place, en qualité de fournisseur d'accès

Internet (FAI), en deuxième position en part de marché (25 %) derrière France Télécom.

La société Neuf Cegetel, détenue depuis le 19 juin 2008 par la Société Française de

Radiotélé-phone (SFR), elle-même filiale à 56 % de Vivendi, qui contrôle également

Canal Plus et Vodafone, propose au public une offre d'accès Internet haut débit. Elle

aussi a lancé une offre multiservices combinant l'accès à Internet haut débit, la

téléphonie fixe, la télévision par ADSL et d'autres services à la carte.

La société France Télécom (France Télécom) est l'opérateur historique de

télécommunications en France. Elle commercialise des offres de téléphonie mobile,

Internet haut débit et télévision sous la marque Orange, laquelle est devenue depuis

2006 la marque unique du groupe. Elle aussi propose des offres multiservices

combinant des services d'accès Internet haut débit, de téléphonie illimitée et de

télévision par ADSL. Pour les zones non éligibles à la télévision par ADSL, elle a

également mis en place, en juillet 2008, une offre permettant l'accès à des services de

télévision numérique par satellite. Depuis 2007, elle s'est lancée dans l'édition de

contenus audiovisuels via sa filiale, la société Orange Sports, qui exploite et édite des

services de communication audiovisuelle, notamment des émissions de télévision, et en

particulier le service Orange Sports Info ainsi que, depuis août 2008, le service Orange

Foot, devenu Orange Sports le 10 janvier 2009.

En effet, le 6 février 2008, France Télécom a obtenu, dans le cadre d'un appel à

candidatures lancé par la Ligue de football professionnel pour la retransmission des

matchs de la ligue 1 de football pour la période 2008-2012, les droits exclusifs sur trois

des douze lots pour un montant annuel de 203 millions d'euros, le groupe Canal Plus

ayant remporté les neuf autres pour la somme de 465 millions d'euros par an.

La chaîne Orange Sports est diffusée à la fois par satellite et sur les réseaux ADSL, sous

condition de souscription préalable à un abonnement à l'une des offres Internet haut

débit d'Orange. Elle est alors accessible en option payante, à raison de 6 euros par mois.

Estimant que France Télécom et Orange commettent des actes de concurrence déloyale

en subordonnant, en violation de l'article L. 122-1 du Code de la consommation,

l'abonnement à Orange Foot à la souscription d'un abonnement à Internet haut débit

129

Orange, Free a, après une première tentative infructueuse en référé (ordonnance du

président du tribunal de commerce de Paris, en date du 1er juillet 2008, disant n'y avoir

heu à référé), assigné France Télécom à bref délai, le 30 octobre 2008, pour qu'il lui soit

ordonné sous astreinte :

- de cesser de subordonner l'abonnement à Orange Foot à la souscription d'un

abonnement à Internet haut débit Orange ;

- de diffuser sur son site Internet un communiqué en ce sens ;

- d'adresser un courrier à ses abonnés en ce sens ;

et demandant une expertise pour apprécier son préjudice commercial ainsi qu'une

provision de 5 millions d'euros.

De son côté, la société Neuf Cegetel, qui s'était déjà associée par voie d'intervention

volontaire principale à la procédure de référé susmentionnée, a assigné également

France Télécom à jour fixe, le 31 octobre 2008, à des fins similaires.

Les affaires ont été jointes.

La ligue de football professionnel est intervenue volontairement à l'instance au soutien

des intérêts de France Télécom et de Orange Sports, lesquelles se sont opposées aux

demandes en réclamant reconventionnellement des dommages et intérêts pour

procédure abusive.

Par jugement du 23 février 2009, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de

commerce de Paris a :

- fait injonction à France Télécom, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard

pendant trois mois, à compter du délai d'un mois à compter de la signification du

jugement, de cesser de subordonner l'abonnement à Orange Foot à la souscription d'un

abonnement Internet haut débit Orange, tout en se réservant le droit de liquider

l'astreinte ;

- fait injonction à France Telecom de diffuser pendant deux mois un communiqué sur la

page d'accueil de son site Internet www.Orange.fr, situé au même endroit que les

publicités pour son offre Orange Foot, comportant les termes suivants : « Par jugement

du 23 février 2009, le tribunal de commerce de Paris a enjoint à la société France

Télécom de cesser de subordonner l'accès à sa chaîne Orange Foot à la souscription d'un

abonnement Internet haut débit Orange, cette pratique étant constitutive de vente

subordonnée interdite par la loi » ;

- désigné un collège expertal composé de M. Didier Faury, qui le présidera, et M. Jean-

Paul Aymeri pour évaluer le quantum du préjudice subi par Free et Neuf Cegetel à partir

du nombre d'abonnements à une offre d'accès Internet Orange en même temps qu'à

Orange Foot souscrits par désabonnement de Free et Neuf Cegetel et plus généralement

du nombre d'abonnements à une offre d'accès Internet Orange souscrits en conséquence

130

de la commercialisation illicite de l'offre Orange Foot et dont Free et Neuf Cegetel ont

pu être privées de ce fait ;

- débouté Free et Neuf Cegetel de leurs autres demandes de publication ;

- débouté France Télécom et Orange Sports, et la Ligue de football professionnel de

leurs demandes reconventionnelles,

- condamné France Télécom et Orange Sports à payer à chacune des sociétés Free et

Neuf Cegetel la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de

procédure civile.

La cour :

Vu l'appel de ce jugement interjeté par France Télécom et Orange Sports le 27 février

2009 ; (...)

Vu les conclusions signifiées le 30 avril 2009 par lesquelles Free soulève l'irrecevabilité

de l'intervention volontaire de l'Association nationale des Ligues de Sport Professionnel

et du ministre chargé de l'Économie, poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a

prononcé des injonctions et retenu le principe de la responsabilité civile de France

Télécom et d'Orange Sports à son égard pour concurrence déloyale et, pour le surplus,

demande à la cour :

- de lui donner acte de ce qu'elle n'a jamais soutenu que l'application de l'article L. 122-

1 du Code de la consommation devait nécessairement conduire France Télécom à la

laisser commercialiser la chaîne Orange Sports au sein de ses offres de plan de services

;

- d'évoquer l'appréciation du préjudice ;

- de juger que l'article L. 122-1du Code de la consommation n'est pas incompatible avec

le droit communautaire ; (...)

- à titre subsidiaire, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des

communautés européennes afin de déterminer si la directive n° 2005/29/CE doit être

interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une disposition nationale telle que celle de

l'article L, 122-1 du Code de la consommation qui interdit les ventes subordonnées d'un

vendeur professionnel à un consommateur en fonction des circonstances spécifiques du

cas d'espèce et qui portent préjudice au consommateur en raison de leur caractère

déloyal ; (...)

Vu les conclusions signifiées le 24 avril 2009 par lesquelles la Ligue de football

professionnel demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré son

intervention volontaire recevable, de l'infirmer en ses autres dispositions et, statuant à

nouveau, de dire l'article L. 122-1 du Code de la consommation inapplicable car

contraire à une norme supérieure du droit communautaire, de faire droit aux demandes

131

de France Télécom et Orange Sports, enfin de condamner Free et Neuf Cegetel au

paiement de 25 000 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 24 avril 2009 par lesquelles l'Association nationale des

ligues de sport professionnel (PANLSP) demande à la cour, vu l'article 554 du Code de

procédure civile, la directive n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11

mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des

consommateurs dans le marché intérieur, interprétée par l'arrêt de la CJCE du 23 avril

2009 (aff. C-261/07 et C-299/07), vu le principe de primauté du droit communautaire,

vu l'article L. 122-1 du Code de la consommation, de lui donner acte de son intervention

en cause d'appel, de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé recevable et bien fondée

l'intervention volontaire de la Ligue de football professionnel en première instance,

d'infirmer le jugement dans toutes ses autres dispositions et de faire droit aux demandes

des sociétés France Telecom et Orange Sports et de la Ligue de football professionnel ;

Vu les conclusions d'intervention du ministre do l'Économie, en date du 29 avril 2009,

par lesquelles ce dernier expose que l'article L. 122-1 du Code de la consommation ne

lui paraît pas être la base juridique la plus adaptée pour apporter la réponse appropriée

aux préoccupations fondamentales des concurrents d'Orange relatives à la distribution

d'Orange Sports, lesquelles touchent à la question de l'exclusivité commerciale, soit au

premier chef au droit de la concurrence, précisant qu'il a d'ailleurs saisi l'Autorité de la

concurrence d'une demande d'avis à ce sujet ;

Sur ce : (...)

- sur le fond

Considérant que France Télécom et Orange Sports soutiennent que l'offre multiservice

incluant l'offre Orange Sports constitue un produit unique, excluant de ce fait la

qualification de vente subordonnée illicite au sens de l'article L. 122-1 du Code de la

consommation, qu'à tout le moins, la commercialisation de l'offre Orange Sports dans le

cadre de l'offre multiservices de France Télécom est justifiée par un usage commercial,

excluant encore de ce fait la qualification de vente subordonnée illicite au sens de

l'article L. 122-1 du Code de la consommation, qu'en tout état de cause, il résulte d'une

jurisprudence constante que le droit national doit être interprété de façon telle, quand

c'est possible, qu'il soit conforme au droit communautaire, qu'à cet égard, la cour devrait

retenir que l'article L. 122-1 du Code de la consommation permet une appréciation au

cas par cas, en ce qu'il ne prohibe pas la commercialisation d'un produit unique ou

répondant à un usage commercial constant, ce qui est le cas en l'espèce, qu'ainsi, la cour

devrait rejeter l'analyse du tribunal qui conduirait inexorablement à constater

l'incompatibilité de l'article L. 122-1 du Code de la consommation avec la directive n°

2005-28/CE, ce qu'elle ne ferait qu'il titre infiniment subsidiaire ; qu'elles en déduisent

qu'elles ne se sont pas rendues coupables d'actes de concurrence déloyale, de sorte que

les demandes de Free et SFR doivent être rejetées, et soulignent également l'absence de

preuve du lien de causalité et du préjudice prétendument subi du fait de la pratique

dénoncée, justifiant l'annulation de l'expertise ordonnée par le jugement ;

132

Considérant que la Ligue de football professionnel et l'ANLSP soulèvent à titre

principal l'in-compatibilité de l'article L. 122-1 du Code de la consommation avec le

droit communautaire, compte tenu de la jurisprudence récente de la Cour de justice des

communautés européennes, et, pour le surplus, se rangent aux observations de France

Télécom et Orange quant à l'application de cet article à la pratique en cause ;

Considérant que SFR et Free estiment que l'article L. 122-1 du Code de la

consommation, en ce qu'il permet une appréciation au cas par cas de la pratique,

n'institue pas une interdiction généralisée et ne contrevient donc pas au droit

communautaire, selon la jurisprudence en cause ; qu'elles invitent la cour à retenir, au

sens de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, que la pratique reprochée

"altère ou est susceptible d'altérer, de manière significative, du fait de la contrainte, la

liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l'égard d'un produit et, par

conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale

qu'il n'aurait pas prise autrement » ; qu'en particulier, SFR prétend que l'offre de Orange

exerce une contrainte sur le consommateur, d'une part, parce qu'elle est trompeuse, le

site Orange.fr invitant le consommateur à s'abonner pour le prix, modique, de 6 euros

par mois, sans l'aviser qu'il devra aussi quitter son FAI s'il en a déjà un et, de toute

façon, acquitter le coût de l'abonnement à la fourniture d'accès par Orange, plus élevé

que ceux proposés parles concurrents, d'autre part, parce qu'elle est agressive en ce

qu'elle impose un changement de fournisseur de télécommunications sans nécessité

alors que l'autodistribution de la chaîne sur des réseaux tiers permettrait de ne pas

exercer cette contrainte ; que Free estime également que l'offre d'Orange exerce une

contrainte sur le consommateur, atteint dans sa liberté de contracter s'il veut regarder la

retransmission des matchs de football de ligue I retransmis sur la chaîne Orange Sports

exclusivement, puisqu'il est alors obligé, le cas échéant, de résilier l'abonnement ADSL

déjà souscrit auprès d'un opérateur concurrent et, de toute façon, de souscrire à l'offre

multiservices la plus chère du marché, dont il ne veut pas nécessairement ;

Que, pour ce qui est du droit national, elles font valoir que la commercialisation des

chaînes de télévision est indépendante de l'offre triple play du FAI, laquelle associe trois

services de communications électroniques, Internet, la téléphonie et la télévision, qui

sont d'ailleurs accessibles au consommateur séparément, s'il le souhaite, alors que les

chaînes peuvent être commercialisées, soit par les FAI, qui jouent alors le rôle de

distributeurs de services de communications, audiovisuelles, soit par l'éditeur de la

chaîne lui-même, en autodistribution, le FAI agissant alors comme un simple

transporteur, à l'instar de ce que fait Télédiffusion de France (TDF) pour la télédiffusion

hertzienne ou Astra et Eutelsat lorsqu'elle est effectuée par satellite ; qu'elles ajoutent

que si Orange Sports n'est actuellement accessible que via le FAI Orange, cette

situation, qui ne résulte nullement d'une contrainte technique, n'est pas le standard du

marché et résulte d'une stratégie commerciale d'Orange ; qu'elles soulignent que cette

situation est préjudiciable, tant au consommateur, contraint de résilier son abonnement

chez un autre FAI au profit de Orange s'il souhaite voir la retransmission des matchs

achetée par Orange Sports, en particulier ceux du samedi soir, et aux autres FAI, qui

133

n'ont pas les moyens d'investir dans les contenus télévisuels de France Telecom, et qui

voient ainsi leurs abonnés détournés par le biais d'un comportement illicite, cette

pratique étant d'autant plus grave que le marché est mature et que le recrutement de

nouveaux clients est difficile, et alors en outre que les trois principaux FAI ont annoncé

des investissements importants afin de développer la fibre optique de très haut débit, qui

devront être amortis par les abonnements souscrits ;

Considérant que l'article L. 122-1 du Code de la consommation, en sa rédaction issue de

la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, dispose que « il est interdit de refuser à un

consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime, et

de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat

concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la

prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit » ;

Considérant que le tribunal de commerce a jugé que France Telecom et Orange violent

ce texte en subordonnant l'abonnement à la chaîne Orange Sports à la souscription d'un

abonnement à Internet haut débit Orange ;

Considérant que, par arrêt du 23 avril 2009 (C-261/07 et C-299/07 Total Belgium NV et

Galatea BVBA contre Sanoma Magazines Belgium NV), rendu sur renvoi préjudiciel, la

Cour de justice des communautés européennes (la CJCE) a dit pour droit que la

directive n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative

aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans

le marché Intérieur et modifiant la directive n° 84/450/CEE du Conseil et les directives

n° 97/7/CE, n° 98/27/CE et n° 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le

règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, doit être interprétée

en ce sens qu'elle s'oppose à une réglementation nationale - en l'espèce la loi belge - qui,

sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas

d'espèce, interdit toute offre conjointe faite par un vendeur à un consommateur ;

Considérant qu'au vu de cette jurisprudence, les quatre parties principales demandent à

la cour, non d'écarter la loi nationale comme incompatible avec le droit communautaire,

mais de l'interpréter dans un sens qui la rende conforme au droit communautaire ;

Considérant qu'il résulte en effet d'une jurisprudence constante de la CJCE depuis l'arrêt

du 10 avril 1984 (V. Colson et Kamann 14/83, Rec. p. 1891, pt 26), que l'obligation des

États membres, découlant d'une directive, d'atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi

que leur devoir, en vertu de l'article 10 du traité instituant la Communauté européenne

(TCE), de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer

l'exécution de cette obligation s'imposent à toutes les autorités des États membres y

compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles (V.

notamment, arrêts du 13 nov. 1990, aff. C-106/89, Marleasing, Rec. p. I-4135, pt 8. -

Faccini Dori, préc., pt 26. - 18 déc. 1997, aff. C-129/96, Inter-Environnement Wallonie,

Rec. p. I-7411, pt 40. - 25 févr. 1999, aff. C-131/97, Carbonari e.a., Rec. p. I-1103, pt

48) ;

134

Que le devoir des juridictions nationales d'assurer la protection juridique découlant pour

les justiciables des dispositions du droit communautaire et de garantir le plein effet de

celles-ci s'impose de plus fort lorsque l'État membre a déjà pris les dispositions en vue

de transposer une directive qui vise à conférer des droits aux particuliers, ce qui laisse

présumer, eu égard à l'article 249, alinéa 3, du TCE, qu'ayant utilisé la marge

d'appréciation dont il bénéficie en vertu de cette disposition, il a eu l'intention d'exécuter

pleinement les obligations découlant de la directive concernée (V. arrêt du 16 déc. 1993,

C-334/92, Wagner Miret, Rec. p. I-6911, pt 20) ; que tel est cas en l'espèce, la

transposition de la directive ayant été opérée essentiellement par la loi n ° 2008-776 du

4 août 2008 ;

Qu'en outre, selon la jurisprudence de la CJCE, doivent être considérées comme

relevant du champ d'application de la directive, non seulement les dispositions

nationales dont l'objectif exprès est de transposer ladite directive, mais également, à

compter de la date d'entrée en vigueur de cette directive, les dispositions nationales

préexistantes, susceptibles d'assurer la conformité du droit national à celle-ci ;

Qu'ainsi, le principe d'interprétation conforme requiert que la cour fasse tout ce qui

relève de sa compétence, en prenant en considération l'ensemble des règles du droit

national, pour garantir, dans le cadre de l'application de l'article L.122-1 du Code de la

consommation au présent litige, la pleine effectivité de la directive du 11 mai 2005 sur

les pratiques commerciales déloyales ;

Considérant qu'à cet égard, l'arrêt du 23 avril 2009, même s'il ne concerne pas la loi

française, contient les motifs propres à éclairer la cour sur la manière d'interpréter la

règle communautaire en cette matière et peut donc être transposé, sans doute réel, au

présent litige, sans qu'il soit nécessaire de poser une question préjudicielle ainsi que le

requièrent SFR et Free à titre subsidiaire ;

Qu'en effet, tout d'abord, aucune des parties ne conteste que les offres en cause

constituent des actes commerciaux s'inscrivant dans le cadre de la stratégie commerciale

de France Telecom et d'Orange et visant directement à la promotion et à l'écoulement

des ventes de ces dernières, constituant à ce titre des pratiques commerciales au sens de

l'article 2, sous d), de la directive n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil,

du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis

des consommateurs dans le marché intérieur, et qu'elles relèvent, en conséquence, du

champ d'application de celle-ci ;

Qu'ensuite, la Cour de justice rappelle :

- que la directive vise à établir, conformément à ses cinquième et sixième considérants

ainsi qu'à son article 1er, des règles uniformes relatives aux pratiques commerciales

déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, afin de contribuer au bon

fonctionnement du marché intérieur et d'assurer un niveau élevé de protection de ces

derniers, qu'elle procède ainsi à une harmonisation complète desdites règles au niveau

communautaire de telle sorte que, comme le prévoit expressément l'article 4, les États

135

membres ne peuvent pas adopter des mesures plus restrictives que celles définies par la

directive, même aux fins d'assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs

;

- qu'en outre, l'article 5 de la directive prévoit l'interdiction des pratiques commerciales

déloyales et énonce les critères permettant de déterminer un tel caractère déloyal ;

- qu'ainsi, et conformément au paragraphe 2 de cette disposition, une pratique

commerciale est déloyale si elle est contraire aux exigences de la diligence

professionnelle et altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le

comportement économique du consommateur moyen par rapport au produit, que l'article

5, paragraphe 4, définit deux catégories précises de pratiques commerciales déloyales, à

savoir les « pratiques trompeuses » et les « pratiques agressives » répondant aux critères

spécifiés respectivement aux articles 6 et 7 ainsi que 8 et 9 de la directive ;

- qu'en vertu de ces dispositions, de telles pratiques sont interdites lorsque, compte tenu

de leurs caractéristiques et du contexte factuel, elles amènent ou sont susceptibles

d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas

prise autrement, que la directive établit également, à son annexe 1, une liste exhaustive

de 31 pratiques commerciales qui, conformément à l'article 5, paragraphe 5, de la

directive, sont réputées déloyales « en toutes circonstances », de sorte que, ainsi que le

précise expressément le dix-septième considérant de la directive, il s'agit des seules

pratiques commerciales qui peuvent être considérées comme déloyales sans faire l'objet

d'une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9 de la directive ;

Considérant que l'offre subordonnée ne figure pas parmi les pratiques énumérées à

l'annexe 1 et, plus particulièrement, n'entre pas dans les prévisions du point 6 qui vise le

fait de "proposer l'achat de produits à un prix indiqué et ensuite de refuser de présenter

aux consommateurs l'article ayant fait l'objet de la publicité ou de refuser de prendre des

commandes concernant cet article ou de le livrer dans un délai raisonnable ou d'en

présenter un échantillon défectueux dans le but de faire la promotion d'un produit

différent (amorcer et ferrer)", ainsi que le prétend à tort SFR, au prix d'une reproduction

tronquée de ce texte ;

Considérant que, dans une telle hypothèse, la Cour de justice préconise de vérifier, à la

lumière du contenu et de l'économie générale des dispositions de la directive, rappelées

aux paragraphes précédents, si le texte qui la prohibe, soit l'article L. 122-I du Code de

la consommation, répond aux exigences posées par la directive ;

Considérant qu'à l'instar de ce qu'a constaté la Cour de justice dans l'arrêt précité à

propos de la loi belge, il doit être relevé que l'article L. 122-1 du Code de la

consommation, qui établit le principe de l'interdiction des ventes subordonnées, alors

même que de telles pratiques ne sont pas visées à l'annexe I de la directive - laquelle

énumère de manière exhaustive les seules pratiques commerciales interdites en toutes

circonstances, comme telles dispensées d'un examen au cas par cas - se heurte au régime

institué par la directive en ce qu'il prohibe, de manière générale et préventive, les offres

136

subordonnées indépendamment de toute vérification de leur caractère déloyal au regard

des critères posés aux articles 5 à 9 de la directive ;

Considérant que cette interprétation ne saurait être remise en cause par le fait que la

jurisprudence nationale prévoit un certain nombre d'exceptions à la prohibition des

offres subordonnées, en particulier lorsque les biens vendus constituent un produit

unique ou que les offres en cause relèvent d'un usage commercial constant, comme le

prétendent France Telecom et Orange ; qu'en effet, même si ces assouplissements sont

susceptibles de restreindre la portée de l'interdiction des offres subordonnées, il n'en

reste pas moins qu'ils ne sauraient, du fait de leur nature limitée et prédéfinie, se

substituer à l'analyse, qui doit être nécessairement menée au regard du contexte factuel

de chaque espèce, du caractère déloyal d'une pratique commerciale à la lumière des

critères énoncés aux articles 5 à 9 de la directive ;

Considérant qu'à ce stade du raisonnement, il convient de rappeler que c'est aux

juridictions nationales que le législateur communautaire a confié la mission d'évaluer le

caractère loyal d'une pratique commerciale eu égard aux circonstances de l'espèce et en

particulier du point de vue de son influence sur le comportement économique d'un

consommateur moyen ; que le principe d'interprétation conforme commande donc à la

cour de procéder à cette appréciation, conformément aux critères énoncés dans la

directive ;

Considérant que l'article 5 de la directive précise qu'une pratique commerciale est

déloyale si, à la fois, elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et si

elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement

économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu'elle touche ou auquel

elle s'adresse, en particulier lorsqu'elle est trompeuse au sens des articles 6 et 7, ou

agressive au sens des articles 8 et 9 ;

Considérant que, pour ce qui est du moyen tiré du caractère trompeur de l'offre d'Orange

Sports « pour un consommateur d'attention moyenne », invoqué par SFR pour la

première fois dans ses ultimes écritures devant la cour, deux jours avant l'audience, en

ce que le site Orange.fr mettrait en avant le coût modique de la souscription à la chaîne,

en tant qu'option payante, sans attirer son attention sur la nécessité de souscrire un

abonnement ADSL, chez Orange et sur le coût de cet abonnement, le seul élément

soumis à la cour à ce titre, qui se résume à un écran sur lequel s'affiche la possibilité de

souscrire à l'option Orange Foot pour 6 euros par mois, assortie de la précision que «

pour profiter de l'option Orange Foot, il est nécessaire d'être client de la télévision

d'Orange » (§ 146 et suivants des conclusions du 30 avril 2009), ne permet pas de

caractériser une pratique commerciale trompeuse susceptible d'induire en erreur « un

consommateur moyen », au sens des articles 6 ou 7 de la directive ;

Considérant que, s'agissant de l'offre subordonnée, l'article 8 dispose qu'une pratique

commerciale est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes

ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible d'altérer de

manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la

137

force physique, ou d'une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du

consommateur moyen à l'égard d'un produit, et, par conséquent, l'amène ou est

susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise

autrement, cependant que l'article 9 précise que les critères à prendre à considération

afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte,

y compris la force physique, ou à une influence injustifiée sont :

a) le moment et l'endroit où la pratique est mise en oeuvre, sa nature et sa persistance ;

b) le recours à la menace physique ou verbale ;

c) l'exploitation en connaissance de cause par le professionnel de tout malheur ou

circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur,

dans le but d'influencer la décision du consommateur à l'égard du produit ;

d) tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le

professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et

notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ;

e) toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible ;

Considérant, d'abord, que les parties n'invoquent aucun élément précis au soutien de

leur affir-mation selon laquelle l'offre litigieuse serait contraire à la diligence

professionnelle ;

Qu'ensuite, l'analyse de l'offre au regard des critères énumérés à l'article 9 ne conduit

pas à retenir qu'elle recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique,

ou à une influence injustifiée ;

Qu'enfin, et contrairement à ce que prétendent SFR et Free, le seul fait que le

consommateur doive souscrire un abonnement ADSL Orange pour obtenir l'accès à la

chaîne Orange Sports ne répond pas à la définition de la contrainte énoncée à l'article 8 ;

qu'il est constant en effet que, dans le cadre de la concurrence qu'ils se livrent, tous les

FAI s'efforcent d'enrichir le contenu de leurs offres pour les rendre plus attractives, par

la mise en place de services innovants ou l'acquisition de droits exclusifs sur des

contenus audiovisuels, cinématographiques ou sportifs événementiels ; qu'ainsi, Free

proposait récemment 16 bouquets d'environ 150 chaînes, ayant intégré récemment 28

nouvelles chaînes dont 6 sportives, outre 50 chaînes à l'unité, et SFR, pour sa part,

offrait 14 bouquets de plus de 150 chaînes et 11 chaînes à l'unité, dont la chaîne

brésilienne TB Globe Internacional qui n'est pas accessible autrement en France ; qu'en

outre, l'ARCEP a relevé dans un avis du 8 janvier 2008 l'existence d'accords exclusifs,

conclus entre Free et le groupe Canal + pour l'accès des abonnés de Free à la plate-

forme VoD « Canal Play », ou encore entre Neuf Cegetel et Universel Music pour la

fourniture d'une offre de location illimitée de titres dans le cadre du forfait 100 % Neuf

Box ; qu'il résulte nécessairement de cette configuration du marché, et en particulier de

la structure de l'offre, que le consommateur moyen qui s'apprête à souscrire un

abonnement ADSL se détermine, précisément, en considération des services qui y sont

138

associés et, partant, des capacités de différenciation de ces dernières par rapport aux

offres concurrentes ; que, dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le fait que

l'accès à la chaîne Orange Sports soit associé exclusivement à l'offre ADSL de Orange

altère de façon significative sa liberté de choix à l'égard des offres ADSL, bien au

contraire, l'essentiel au sens de la directive étant qu'il soit libre de ne pas y souscrire, ce

qui n'est pas contesté en l'espèce ;

Considérant que, dans ces conditions, il ne peut être fait grief à France Télécom et

Orange d'avoir enfreint l'article L. 122-1 du Code de la consommation, tel qu'interprété

à la lumière de la directive n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11

mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des

consommateurs dans le marché intérieur ; qu'il suit de là que le jugement doit être

infirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il déclare la Ligue de football

professionnel recevable en son intervention volontaire, et les demandes de Free et SFR

rejetées ; (...)

139

Bibliographie

Ouvrages

Droit de la publicité et de la promotion des ventes - Edition 2006 3e édition Régis

Fabre, Marie-Pierre Bonnet-Desplan, Nadine Sermet, Nicolas Genty DALLOZ-SIREY

M. Pédamon, « La réglementation des ventes avec primes : entre droit de la

consommation et droit de la concurrence », in Études de droit de la consommation :

Liber amicorum Jean Calais Auloy, éd. Dalloz 2004, p. 830

Articles de revue

La Semaine Juridique Edition Générale n° 27, 29 Juin 2009, 84 « L'infraction de vente

liée à la dérive...Observations sur les malfaçons du droit de la consommation »

Étude rédigée par Philippe Stoffel-Munck professeur à l'université Panthéon-Sorbonne

(Paris I)

Contrats Concurrence Consommation n° 3, Mars 2010, alerte 22 « Ventes

subordonnées, ventes avec primes et loteries sont-elles désormais licites par

principe ? » Focus par Mahasti RAZAVI avocat associé, August & Debouzy et Anne-

Laure FALKMAN avocat Of-counsel, August & Debouzy

Contrats Concurrence Consommation n° 2, Février 2012, étude 4 « Retour sur le

contentieux de la vente d'ordinateurs avec logiciels préinstallés » Etude par Pascal

WILHELM avocat associé, Wilhelm & Associés et Delphine PRIOUX avocat, Wilhelm

& Associés

Europe n° 11, Novembre 2005, étude 11 « La directive 2005/29 sur les pratiques

commerciales déloyales . - (une illustration de la nouvelle approche prônée par la

Commission européenne) » Etude par Monique LUBY Professeur à l'Université de

Pau

Contrats Concurrence Consommation n° 7, Juillet 2009, étude 8 « Le sort des ventes

subordonnées et des ventes avec primes en droit français de la consommation,

après l'arrêt de la CJCE du 23 avril 2009 » Etude par Pascal WILHELM avocat

140

Associé Wilhelm & Associés et Lila FERCHICHE avocat à la Cour Wilhelm &

Associés

Contrats Concurrence Consommation n° 8, Août 2011, alerte 64 « Les ventes

subordonnées, ventes avec primes et loteries sont désormais officiellement licites :

avancée juridique ou casse-tête à venir ? » Focus par Anne-Laure Falkman Counsel,

August & Debouzy

Revue juridique de l'économie publique n° 655, Juillet 2008, chron. 3 « Chronique

annuelle 2007 de jurisprudence communautaire » Chronique par Francis DONNAT

maître des requêtes au Conseil d'État référendaire à la Cour de justice des Communautés

européennes

Concurrences N° 2-2010, Droit & économie, A. Perrot, A. Wachsmann, L. Flochel,

« Les gains d’efficacité et les arguments pro‑concurrentiels en matière de

concentrations et de pratiques unilatérales »

JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 900 : PRATIQUES

COMMERCIALES DÉLOYALES ET AGRESSIVES > I. - Principes généraux

gouvernant les pratiques commerciales déloyales (Guy Raymond) Cote : 05,2008

JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 907 : PROMOTION DES

VENTES PAR UN AVANTAGE CONSOMMATEUR > II. - Promotions par la

remise d'un objet à titre gratuit (Guy Raymond) Cote : 04,2010

Notes de jurisprudence

Contrats Concurrence Consommation n° 7, Juillet 2011, comm. 178 « Éléments

constitutifs d'une pratique commerciale trompeuse » Commentaire par Guy

RAYMOND

Contrats Concurrence Consommation n° 2, Février 2012, comm. 56 « Pour être

déloyale la pratique commerciale doit avoir affecté le comportement du

consommateur » Commentaire par Guy RAYMOND

Contrats Concurrence Consommation n° 3, Mars 2010, comm. 86 « Vendre un

ordinateur et son système d'exploitation est-il contraire à l'interdiction de la vente par lot

? » Commentaire par Guy RAYMOND

Communication Commerce électronique n° 10, Octobre 2008, comm. 115 « Vente liée

et logiciels préinstallés : la préinstallation est une pratique légitime mais le prix des

141

licences de logiciels doit-il apparaître distinctement ? » Commentaire par Philippe

STOFFEL-MUNCK

Contrats Concurrence Consommation n° 1, Janvier 2011, comm. 9 « Conditions

d'interdiction des ventes liées » Commentaire par Marie MALAURIE-VIGNAL

Contrats Concurrence Consommation n° 3, Mars 2010, comm. 85 « La vente d'un

ordinateur avec logiciel intégré sans information spécifique est-elle constitutive de

pratique commerciale trompeuse ? » Commentaire par Guy RAYMOND

Communication Commerce électronique n° 11, Novembre 2011, étude 21 « La vente

d'un ordinateur pré-équipé de logiciels caractérise une pratique dé-loyale . - (CA

Versailles, 3e ch., 5 mai 2011, n° 09/09169, UFC Que Choisir c/ SAS Hewlett-

Packard France) » Etude par Philippe STOFFEL-MUNCK agrégé des facultés de droit

professeur à l'université Panthéon-Sorbonne (Paris 1)

Communication Commerce électronique n° 1, Janvier 2010, comm. 5 « Vente liée et

logiciels pré-installés : la pré-installation est une pratique légitime et le prix des

licences de logiciels n'a pas à apparaître distinctement » Commentaire par Philippe

STOFFEL-MUNCK

La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 51, 23 Décembre 2010, 2135 « Vente

liée d'ordinateurs et de logiciels : une victoire en demi-teinte des consommateurs »

Commentaire par Nicolas DUPONT docteur en droit Université Paris Ouest Nanterre

La Défense

Contrats Concurrence Consommation n° 7, Juillet 2009, comm. 201 « L'affaire

Orange Sports : brèves remarques sur ses aspects concurrentiels » Commentaire

par David BOSCO

Communication Commerce électronique n° 10, Octobre 2010, comm. 98 « Les

pratiques commerciales déloyales vis-à-vis des consommateurs devant la Cour de

cassation ! » Commentaire par Muriel CHAGNY

Contrats Concurrence Consommation n° 6, Juin 2009, comm. 183 « Offre conjointe :

une pratique commerciale déloyale ? » Commentaire par Guy RAYMOND

Contrats Concurrence Consommation n° 1, Janvier 2011, comm. 21 « Promotion des

ventes et droit de l'Union européenne » Commentaire par Guy RAYMOND

La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 25, 18 Juin 2009, act. 299 « Télévision

par ADSL : oui à l'exclusivité Orange Foot . - CA Paris, 14 mai 2009 » Aperçu

rapide par Dan Roskis avocat associé, Eversheds LLP

142

Communication Commerce électronique n° 7, Juillet 2009, comm. 68 « Triple Play et

vente liée » Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK

Contrats Concurrence Consommation n° 11, Novembre 2010, comm. 253 « Une offre

de vente liée n'est pas une pratique déloyale per se » Commentaire par Marie

Malaurie-Vignal

Contrats Concurrence Consommation n° 11, Novembre 2007, comm. 279 « Abus de

position dominante de Microsoft : le Tribunal de première instance confirme... et

Microsoft se soumet ! » Commentaire par David BOSCO

Communication Commerce électronique n° 6, Juin 2010, comm. 63 « Il est interdit

d'interdire les offres conjointes aux consommateurs (bis repetita) ! » Commentaire

par Muriel CHAGNY

Contrats Concurrence Consommation n° 11, Novembre 2009, comm. 280 « Vendre en

un seul lot l'ordinateur et des logiciels constitue-t-il une vente liée ? »

Autres lectures

Article sur le site du cabinet d’avocats LEXCELLIS : « La licéité des ventes liées non

agressives et non trompeuses » Cass. 1e civ., 15 novembre 2010, n° 09-11161, FS-

P+B+I Audrey Pagot (Doctorante) et D. Mainguy, vendredi 19 novembre 2010

(http://www.lexcellis-avocats.fr/article-la-liceite-des-ventes-liees-non-agressives-et-

non-trompeuses-61292421.html)

Articles sur le blog de Me Frédéric Cuif, notamment :

- « Pratiques commerciales déloyales : pas de distinction entre constructeurs et

revendeurs » du 18 juillet 2012 (http://www.cuifavocats.com/Pratiques-commerciales-

deloyales,52)

- « Double condamnation de Samsung : la fourniture de logiciels non demandés est

interdite » du 2 avril 2012 (http://www.cuifavocats.com/Double-condamnation-de-

SAMSUNG-la)

- « Arrêt HP France ¢ UFC Que-Choisir du 12 juillet 2012 : La réponse de la Cour

de cassation à un débat incomplet » du 20 juillet 2012

(http://www.cuifavocats.com/Arret-HP-France-c-UFC-Que-Choisir)

143

- « Arrêt Guerby ¢ Darty du 15 novembre 2010 : la Cour de cassation étend sa

jurisprudence » du 23 janvier 2011 (http://www.cuifavocats.com/Arret-Guerby-c-

Darty-du-15)

- « Les pratiques commerciales de ASUS sévèrement sanctionnées » du 10 décembre

2009 (http://www.cuifavocats.com/Les-pratiques-commerciales-de-ASUS)

LES ENJEUX JURIDIQUES EUROPÉENS 31 mars 2010 Chambre de commerce et

d’industrie de Paris, Atelier Droit des contrats, de la consommation et du commerce

électronique sous la présidence de Martine Behar Touchais, professeur à l’Université de

Paris Descartes (Paris V) ; « L’harmonisation totale du droit de la consommation

dans le marché intérieur amélioration ou dégradation du droit de la consommation

en France ? Illustration : les ventes liées à l’épreuve de la directive sur les

pratiques commerciales déloyales » Muriel CHAGNY, Professeur à l’Université de

Versailles-Saint-Quentin, Forum de Trans Europe Experts, 31 mars 2010

Compendium de Droit de la consommation Analyse comparative E. Directive sur

la vente à distance (97/7) 555 E. Directive sur la vente à distance (97/7) Rédigé par

Hans Schulte-Nölke et Andreas Börger

144

Table des matières Page

Sommaire.…...…………………………………………………………………….......5

Introduction…………………………………………………………………………...7

Section 1 : La définition des pratiques de vente liée et de vente avec prime par le

code de la consommation avant la loi du 17 mai 2011 ………………………….......8

Section 2 : L’origine de ces interdictions et leur évolution ………………………...9

Section 3 : La modification de ces interdictions par la directive 2005/29/CE du 11

mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales ……………………………….10

§1 : L’interprétation de le directive par la Cour de Justice des Communautés

Européennes dans l’arrêt VTB VAB du 23 avril 2009…………………………..10

§2 : Le nouveau raisonnement imposé par la directive pour la condamnation des

pratiques commerciales déloyales ………………………………………………11

§3 : La conséquence de ce nouveau raisonnement pour l’interdiction des ventes

liées et des ventes avec primes : la légalité de principe ………………………...13

Partie I : Le principe de légalité des ventes liées et des ventes avec primes : une

approche libérale plus juste du droit économique………………………………... 15

Chapitre 1 : Une approche plus libérale : la modernisation du droit de la consommation

favorable à la concurrence…………………………………………………………16

Section 1 : Une approche concrète du droit de la consommation en adéquation avec

le droit de la concurrence ………………………………………………………….16

§1 : L’avènement européen de la modernisation de l’approche concurrentialiste de

la vente liée …………………………………………………………………….17

A) La recherche de l’effet concret de la vente liée, rupture avec l’interdiction

systématique en cas de correspondance entre la pratique incriminée et les

conditions de l’infraction ………………………………………………….....18

145

B) La recherche de justifications objectives à la pratique en cause …………..21

§2 : Le nouveau raisonnement de la directive 2005/29/CE : la transposition de

cette approche libérale dans le droit consumériste ……………………………..22

Section 2 : La légalité de principe des ventes avec primes et des ventes

subordonnées: une libéralisation de la concurrence dans le marché commun

…………………………………………………………………………………...26

§1 : Retour sur les considérations dirigistes ayant conduit à une interdiction per se

des ventes liées et des ventes avec primes ……………………………………26

§2 : Un changement de méthode favorable à la concurrence ………………….29

Chapitre 2 : Une approche plus juste : l’appréciation casuistique au service de l’intérêt

du consommateur……………………………………………………………………...34

Section 1 : La conservation du but premier de l’interdiction : la défense des

intérêts des consommateurs ………………………………………………...….34

§1 : Une harmonisation des droits européens protectrice du consommateur

……………………………………………………………………………..….34

A) L’harmonisation dans le but de protéger le consommateur en Europe

……………………………………………………………………………..35

B) L’unification des droits nationaux en Europe : un avantage pour le

consommateur ……………………………………………………….……37

§2 : Une règle souple en conformité avec les besoins des consommateurs

…………………………………………………………………………………38

§3 : Un accroissement de la concurrence favorable au consommateur

………………………………………………………………………………....39

Section 2 : L’apparition de l’intérêt du consommateur comme élément déterminant

de la légalité de la pratique …………………………………………….………..41

146

§1 : Une règle nouvelle permettant une condamnation en fonction de l’intérêt du

consommateur ………………………………………..……………………….42

A) Un besoin jurisprudentiel d’assouplir la règle pour coïncider avec l’intérêt

du consommateur …………………………………………………………42

B) La directive 2005/29/CE : l’instauration d’une méthode d’analyse

permettant de replacer l’intérêt du consommateur au centre de l’appréciation

……………………………………………………………………………...47

§2 : La mesure du comportement déloyal : le « consommateur moyen »

…………………………………………………………………………….…..48

A) L’introduction par la directive 2005/29/CE de la notion de consommateur

moyen ………………………………………………..…………….………48

B) Le consommateur moyen, référentiel de la déloyauté d’une pratique

commerciale ………………………………………………………..….…..51

Partie II : L’exception à la légalité : la possibilité de condamner les ventes liées et

les ventes avec primes lorsqu’elles sont déloyales au sens de la

directive………..…………………………………………………………………....... 54

Chapitre 1 : La déloyauté au sens de la directive : la condition de la condamnation des

pratiques de vente liée et de vente avec prime …...…………………………………. 56

Section 1 : La condamnation de pratiques contraires à la diligence professionnelle

(article 5.2 a)………………………………………….…………………..……..56

§1 : Le non-respect des règles liées à l’exercice de la profession ……………..56

§2 : L’absence de respect du consommateur …………………………………..60

Section 2 : La condamnation de pratiques susceptibles d’altérer substantiellement le

comportement économique du consommateur moyen (article 5.2. b)……………....64

147

§1 : La faculté pour le consommateur de faire son choix en connaissance de cause

………………………………………………………………………………...65

A) Une dispense d’information de nature à tromper le consommateur sur le

produit ………………………………………………………………………65

B) L’altération substantielle du comportement économique : une notion limitée

aux informations nécessaires données au consommateur …..………………68

1. Une notion distincte de l’influence de la pratique sur le

consommateur…………………………………………………………..68

2. Une notion cantonnée à une dispense des seules informations «

substantielles » ……………………………………………………………71

§2 : Un rapprochement avec le vice du consentement en droit civil …………..73

Chapitre 2 : La contestation de l’approche casuistique en matière de vente liée et de

vente avec prime……………………………………………………………………… 78

Section 1 : Un nouveau raisonnement délaissant certains objectifs poursuivis par les

anciens textes ……………………………………………..……………………...78

§1 : Un défaut de protection du consommateur ……………………………..79

§2 : L’insécurité juridique générée par ce nouveau critère d’interdiction ……..82

Section 2 : Un manque de cohérence dans la condamnation des pratiques ………85

§1 : Les décisions définitives ayant validé les pratiques en vertu de l’article 5.2

…………………………………………………………………………………..86

§2 : Les décisions définitives ayant condamné les pratiques en vertu de l’article

5.2 ................................................................................................................88

Section 3 : Vers un retour à l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes

en toutes circonstances en vertu de la directive ? …………………………………90

148

§1 : La vente liée comme pratique agressive ou comme pratique trompeuse des

articles 6 à 9.................…………………………………….…………………90

§2 : Un retour possible dans certains cas à l’interdiction absolue en vertu de

l’annexe 1 …………………………………………………………………….96

Conclusion ..………………………………………………………………………….99

Annexes……………………………………………………………………………….100

Annexe 1 : Directive 2005/29/CE sur les Pratiques commerciales déloyales…….100

Annexe 2 : Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 14 mai 2009 dans l’affaire « Orange

Sports »……………………………………………………………………………128

Bibliographie …………………………..…………………………………………..139