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Essais23 Yoga : l’art de la transformation
Debra Diamond
35 Le yoga en transformation
David Gordon White
47 Entre gourou et dieu : prouesses de yogis et lieux de pratique en Inde au début du Moyen-Âge
Tamara I. Sears
59 Les interprètes musulmans du yoga
Carl W. Ernst
69 Les yogis dans l’Inde moghole
James Mallinson
85 Yoga, musculation et lutte : la culture (méta)physique
Joseph S. Alter
95 La mondialisation du yoga moderne
Mark Singleton
Catalogue PREMIERE PARTIE : LA VOIE DU YOGA
106 Les manifestations de Shiva
114 Portraits de gourou
118 Les yoginis
128 Les siddha naths
131 Jaïnisme et yoga : la purification karmique par la non-violence
138 Yoga et tapas : les bouddhistes et les ajivikas
142 Les austérités
146 La méditation
150 Les asanas
160 Le corps cosmique
166 Le corps subtil
172 Le corps de l’ascète combattant
176 Illusion et réalité dans le Yoga Vasishta
DEUXIÈME PARTIE : LES PAYSAGES DU YOGA
180 L’ashram et le math
190 Le pèlerinage
196 Le terrain de crémation
TROISIÈME PARTIE : LE YOGA DANS L’IMAGINAIRE
DE L’INDE DU XVIe AU XIXe SIÈCLE
202 Les yogis dans l’imaginaire littéraire
214 Transcendance et désir dans les peintures des ragamalas
223 Les albums moghols
16 Avant-propos
18 Remerciements
20 Le sous-continent indien
21 À propos de la translitération
Table des matières
QUATRIÈME PARTIE : LE YOGA DANS L’IMAGINAIRE
TRANSNATIONAL DU XVIIIe AU XXe SIÈCLE
230 Les « company paintings »
236 La photographie coloniale
250 Le lit de clous : l’exotisme d’un pays et d’un média à l’autre
258 Fakirs, faussaires et magiciens
CINQUIÈME PARTIE : TRANSFORMATIONS MODERNES
266 Vivekananda et la spiritualité rationnelle
275 Le yoga thérapeutique
284 Le yoga postural moderne
Documentation de référence293 Glossaire
296 Notes de fin des catalogues
311 Index
316 Bibliographie sélective
318 Auteurs
320 Crédits
YOGA : L’ART DE LA TRANSFORMATION | 3130 | DEBRA DIAMOND
Fig. 7
Yogini. Inde, Tamil
Nadu, Kanchipuram,
env. 900–975. Arthur
M. Sackler Galleryf
Fig. 8
Koringa. Affiche du
Cirque Reco Brothers,
Angleterre, 1946.
Collection Mark
Copland/The Insect
Circus
– font bien comprendre que les yogis étaient perçus à cette époque à la fois comme des figures spirituelles et comme des êtres capables de manifester des pouvoirs surnaturels destructeurs.
On peut supposer que les saints hommes de Govardhan se désignaient eux-mêmes par divers termes généraux qualifiant des renonçants hindous, parmi lesquels celui de yogi. Dans le présent catalogue, nous utilisons des dénominations plus spécifiques lorsqu’elles sont connues ou plus appropriées. Celles-ci peuvent désigner des ascètes liés à des traditions religieuses particulières ( par exemple, les sadhus hindous ou les fakirs musulmans) ou indiquer l’identité sexuelle (par exemple, les sadhvis et yoginis, de sexe féminin), l’appartenance religieuse (par exemple, nath ou dasnami) ou un niveau de compétence (par exem-ple, gourou, professeur ou siddha : « le parfait », au sens propre).
Employés indifféremment, bon nombre de ces termes ont acquis au fil du temps des significa-tions multiples, parfois contradictoires. Le terme yogi a eu des connotations variables, allant de positive à péjo-rative et de générale à spécifique, comme, par exemple, lorsque les membres de l’ordre nath l’ont adopté pour s’identifier. En outre, yogi et fakir ont souvent été transposés dans des contextes indo-islamiques et coloniaux17.
Pouvant désigner à la fois des déesses et des femmes mortelles en lien avec le yoga, le terme yogini revêt des significations diverses selon le contexte sociohistorique. Les yoginis, compagnes humaines des adeptes du tantrisme, apparaissent vers le VIIIe siècle dans le cadre de rites ésotériques souvent transgressifs. La construction de temples de pierre dédiés à des yoginis dans le tout le subcontinent indien, entre le Xe et le XIVe siècle, marque leur accession au statut de déesses. Commandités par des rois désireux de mettre leur royaume sous la protection des yoginis et de leurs pouvoirs, les temples hindous étaient souvent conçus pour attirer à la fois les adeptes du tantrisme et de plus vastes communautés. À l’intérieur se trouvaient des statues représentant, de face, le corps idéalisé et le visage de divinités hindoues. Leurs attributs soulignent leur
caractère dangereux, comme la coupelle crânienne, les boucles d’oreilles en forme de serpent et de croco-dile et la chevelure dressée de la yogini de Kanchipuram, dans l’État du Tamil Nadu (fig. 7, cat. 3a).
Se basant sur la forme matérielle de ces icônes ainsi que sur des textes épars, les his-toriens de l’art les ont longtemps caractérisées comme des déesses redoutables18.
L’identité divine des yoginis est confirmée par certains traités sur les temples, de découverte récente, qui comportent la description d’adeptes du tantrisme
comme officiants rituels et de fidèles apportant des offrandes de fleurs et de fruits, une coutume typique des temples hindous traditionnels19. Par l’association sans précédent d’aspects du tantrisme à des pratiques hindoues courantes, les temples attestent de la capacité de la culture matérielle à illustrer, certes, mais aussi à forger des traditions20.
De nouvelles significations du terme yogini apparurent lorsque le yoga s’étendit à d’autres domaines : cours royales ou spectacles commer-ciaux. Des peintures réalisées entre la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle dans le sultanat de Bijapur, dans le nord-est de l’Inde (cat. 3e, 3f) confirment que les souverains indo-islamiques cherchaient à se concilier les yoginis21. Quatre siècles plus tard, une illusionniste du nom de Koringa, présentée comme « la seule femme yogi du monde », fascinait les foules en France, en Angleterre et aux États-Unis en luttant avec des crocodiles et en lisant dans les pensées (fig. 8 ; voir aussi cat. 23b et 23c). Née dans le sud de
la France sous le nom de Renée Bernard, elle se prétendait indienne pour accroître l’attrait de son spectacle. Autant sa chevelure luxuriante que sa pos-
ture assise et son torse dénudé rappellent étrangement l’iconographie des yoginis de la Sackler Gallery22. On ignore si Koringa avait vu les sculptures de Kanchipuram à Paris, lorsqu’elles furent transportées à la galerie C. T. Loo en 192723, ou si elle s’inspira de motifs exotiques
qui circulaient dans toute l’Europe depuis le milieu du XIXe siècle24. Certes, Koringa n’était pas une yogini, mais son identité d’emprunt influa
sur l’histoire du yoga car c’est en partie pour se différencier de tels stéréo-types que furent définis les principes fondateurs du yoga moderne.
LES YOGIS DANS L’INDE MOGHOLE | 7574 | JAMES MALLINSON
Fig. 6 (en face)
Jālandharnāth
à Jalore (détail),
Par Amardas Bhatti.
Inde, Rajasthan,
Marwar, Jodhpur,
env. 1805–10.
Fondation du
Mehrangarh Museum
Fig. 7
Aughar et yogi
kanphata, du Tashrih
al-aqvam.
Inde, Delhi ou
Haryana, 1825.
British Librar
C’est dans les peintures de Jodhpur que la transition est la plus perceptible. Dans les représentations datant du début du règne (1803-43) du Maharajah Man Singh, les naths ont des boucles leur traversant le lobe de l’oreille (fig. 6, par ex.), mais à partir de 1815 environ, ils portent des boucles à la manière kanphata (cat. 4a)36. Dans les peintures de Jodhpur, on remarque également que le lien retenant la trompe qu’ils portent autour du cou s’allonge tellement qu’il finit par ressembler au cordon sacré des brahmanes. Cette évolution est proba-blement liée à l’amélioration du statut des naths à la cour du maharadjah et à leur ralliement au mode de vie des hautes castes.
Les naths semblent avoir adopté rapidement les boucles d’oreilles kanphata et le cordon des brahmanes. On voit deux ascètes qui les arborent dans une illustration en page 399 du Tashrih al-aqvam (fig. 7) – un rapport sur les diverses sectes, castes et tribus de l’Inde établi à la demande du colonel James Skinner et achevé en 1825. Ces deux naths apparaissent dans plusieurs images de la même époque, dont l’une précise leurs noms. Celui de gauche est appelé Aughar Jogi, ce qui signifie qu’il n’a pas encore accompli son initiation nath, tandis que celui de droite est un initié du nom de Shambdhu Nath37.
Les Yogis disciples de Shiva et de Vishnou
Le clivage le plus marquant de la théologie hindoue est la division entre shivaïtes – pour qui l’être suprême est Shiva ou sa conjointe Devi – et vishnouites – qui adorent Vishnou ou l’une de ses incarnations (avataras), généralement Rama ou Krishna. Cette fracture fut à l’origine de conflits particulièrement violents au XVIIIe siècle, quand des batailles entre branches combattantes de deux ordres de yogis, les sannyasis dasnamis shivaïtes et les ramanandis vishnouites, firent des milliers de morts parmi les ascètes. Aujourd’hui encore, les saddhus occupent des camps distincts, lors du festival trisannuel de la Kumbh Mela : celui de l’armée de Shiva et celui de l’armée de Rama.
De nos jours, les naths se revendiquent du shivaïsme, mais là encore, les documents icono-graphiques révèlent qu’il n’en a pas toujours été ainsi. En effet, ils ne sont pas représentés arborant des insignes
YOGINIS | 127126 | LA VOIE DU YOGA
3f Yogini au mainate
242 | LE YOGA DANS L’IMAGINAIRE TRANSNATIONAL LA PHOTOGRAPHIE COLONIALE | 243
21n Sans titre21j (en haut à gauche) Sans titre
21k (en haut à droite) Sans titre
21l (en bas à gauche) Sans titre
21m (en bas à droite) Sans titre
246 | LE YOGA DANS L’IMAGINAIRE TRANSNATIONAL LA PHOTOGRAPHIE COLONIALE | 247
21q (en face) Sans titre
21r Sans titre