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L’information géographique n° 2 - 2010 64 L’espace dans les pays arabes : outil de développement et élément de reconnaissance nationale ou régionale par Florence Gaillard-Sborowsky Florence Gaillard-Sborowsky, Sciences politiques, Fondation pour la recherche stratégique [email protected] Dès 1967, soit dix ans après Spoutnik, les ministres de l’information de la Ligue arabe 1 envisagent les possibilités offertes par les satellites de télé- communications en vue de les exploiter régionalement au service de l’information arabe. Si le désir d’accession du monde arabe aux technolo- gies spatiales survient relativement tôt dans l’histoire de l’occupation de l’espace, ce n’est que trente ans plus tard que se manifeste une progressive montée en puissance de la région. Il ne s’agit toutefois plus d’une ambition régionale globale mais de la multiplication de programmes nationaux, tant dans le domaine des télécommunications que dans celui de l’observation de la terre. Les applications spatiales relèvent d’une compétence technologique très ambitieuse au regard de la position scientifique et technologique du monde arabe et de la faiblesse des dépenses publiques allouées à la recherche et au développement 2 sans parler du déficit de compétences industrielles. Cet intérêt précoce manifesté pour l’espace tient sans doute dans une ambiguïté fondamentale de l’activité spatiale. À la fois éminemment technique et sym- bolique, l’espace est aujourd’hui tout autant banalisé – ses applications étant désormais entrées dans la vie de tout un chacun – que porteur d’une image 1. Cette initiative se produit au cours d’une session extraordinaire du conseil, confiant au secrétariat de la Ligue la mission d’étudier le progrès technologique dans le domaine des moyens de communications et particulièrement les satellites. 2. En 2007, la dépense totale dans le monde pour la recherche et développement était de 1 137,9 milliards de dollars ; la part du monde arabe à ce budget était de 0,4 % du total soit le montant le plus faible.

l'espace dans les pays arabes

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L’espace dans les pays arabes :outil de développementet élément de reconnaissancenationale ou régionale

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  • Linformation gographique n 2 - 2010

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    Lespace dans les pays arabes : outil de dveloppement et lment de reconnaissance nationale ou rgionale

    par Florence Gaillard-Sborowsky

    Florence Gaillard-Sborowsky,

    Sciences politiques, Fondation pour la recherche stratgique

    [email protected]

    Ds 1967, soit dix ans aprs Spoutnik, les ministres de linformation de laLigue arabe

    1

    envisagent les possibilits offertes par les satellites de tl-communications en vue de les exploiter rgionalement au service delinformation arabe. Si le dsir daccession du monde arabe aux technolo-gies spatiales survient relativement tt dans lhistoire de loccupation delespace, ce nest que trente ans plus tard que se manifeste une progressivemonte en puissance de la rgion. Il ne sagit toutefois plus dune ambitionrgionale globale mais de la multiplication de programmes nationaux, tantdans le domaine des tlcommunications que dans celui de lobservationde la terre.

    Les applications spatiales relvent dune comptence technologique trsambitieuse au regard de la position scientifique et technologique du mondearabe et de la faiblesse des dpenses publiques alloues la recherche et audveloppement

    2

    sans parler du dficit de comptences industrielles. Cetintrt prcoce manifest pour lespace tient sans doute dans une ambigutfondamentale de lactivit spatiale. la fois minemment technique et sym-bolique, lespace est aujourdhui tout autant banalis ses applications tantdsormais entres dans la vie de tout un chacun que porteur dune image

    1. Cette initiative se produit au cours dune session extraordinaire du conseil, confiant ausecrtariat de la Ligue la mission dtudier le progrs technologique dans le domaine desmoyens de communications et particulirement les satellites.2. En 2007, la dpense totale dans le monde pour la recherche et dveloppement tait de1 137,9 milliards de dollars ; la part du monde arabe ce budget tait de 0,4 % du totalsoit le montant le plus faible.

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    de puissance et de prestige

    3

    . Emblme dune politique de haute technologie,il est associ une image de modernit et de dveloppement mais aussi desupriorit qui na pas manqu de sduire le monde arabe. La technologiespatiale sincarne alors en un objet permettant de satisfaire des objectifs mul-tiples et apparat comme une opportunit saisir, sous-tendue par des raisonssocio-conomiques et politiques. Dans cette optique, deux grandes logiquesse dgagent et sarticulent dans les processus de ralisation des diffrentsprojets spatiaux arabes : celle du dveloppement national ou rgional et celledes retombes symboliques associes soit la mise en orbite dun satellitesoit lexploitation des applications spatiales. La diversit dans les moda-lits de ralisations des diffrents programmes pose la question de lhtro-gnit ventuelle des logiques nationales, mais cette disparit nest en faitquapparente. Elle reflte plutt les divers degrs dimbrication de ces logi-ques selon limportance relative qui leur est accorde par chaque pays ouacteur dans le processus de dcision qui le conduit se doter dune techno-logie spatiale. Il est ainsi possible denvisager au travers des diffrentes poli-tiques nationales quelques modles types.

    Une prsence dans lespace qui sappuie sur largumentaire des

    Development Studies

    Les

    Development Studies

    qui se constituent au dbut des annes soixantecomme discipline de rflexion conomique et politique sur les conditions dudveloppement sont la base de lintrt des pays arabes pour lespace avec

    3. Pour un panorama complet des politiques et des applications spatiales dans le mondevoir louvrage de rfrence en franais :

    LEspace, nouveau territoire. Atlas des satellites etdes politiques spatiales

    , Fernand Verger (dir.), Paris, Belin, 2002.

    Fig. 1 : Les capacits spatiales des pays arabes

  • Lespace dans les pays arabes

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    Linformation gographique n 2 - 2010

    trois raisons principales. Dune part, loutil spatial rpond des traits bienconnus : population ingalement rpartie et disperse, manque dinfrastruc-tures terrestres, besoin daide au dveloppement local, zone particulirementvulnrable aux risques naturels majeurs qui justifient de son usage pourltablissement de tlcommunications spatiales et lutilisation des outils detldtection. Sur un plan ponctuel, des alas majeurs comme les sismes,les inondations et les invasions de criquet se produisent rgulirement avecdes cots humains et conomiques considrables. Sur le long terme, la zoneest menace par des phnomnes de dsertification et de scheresse qui,danne en anne, se montrent de plus en plus inquitants. Si lactivithumaine est rgulirement dnonce, il nen demeure pas moins que la go-graphie particulire de cette rgion est aussi un facteur explicatif et ancien decette sensibilit accrue aux risques naturels. ce titre, les crations de cen-tres de tldtection se multiplient dans les annes soixante-dix et 80, suc-cessivement en gypte (1971), Algrie (1977), Syrie (1981), ArabieSaoudite (1986), Tunisie (1988), Maroc (1989), Jordanie (1989), Libye(1989) etc. Dautre part, les besoins du dveloppement sont un argumentpolitiquement acceptable pour lobtention de technologies spatiales sou-mises, du fait de leur usage militaire potentiel, au contrle des exportationsde la part des pays occidentaux qui les matrisent. Enfin, sappuyer sur lanotion de dveloppement est aussi une arme politique de sduction en direc-tion des opinions publiques arabes, nationales ou rgionales.

    Les acteurs arabes du domaine spatial vont donc sadosser aux thories dudveloppement selon trois paradigmes dominants successifs :

    le concept de dveloppement ax sur la science et la techniquecomme moteur de lconomie ; le concept de dveloppement humain et la socit de linformation ; le concept de dveloppement durable.

    Les technologies spatiales au service du dveloppement conomique

    Le premier paradigme utilis par les dirigeants arabes dans leurs argumen-taires lgitimant leur accs aux technologies spatiales est, en effet, bas surla R & D, la science et la technique et le dveloppement technologique. Leslites arabes, dont les pays sont tiquets, dans leur grande majorit, comme sous-dvelopps , confronts au modle de dveloppement conomiqueprsent par les pays industrialiss, sont inspires par la thorie de la dpen-dance de la priphrie par rapport au centre, dont lun des thoriciensmajeurs nest autre que lconomiste franco-gyptien Samir Amin. Les diri-geants arabes veulent moderniser leurs pays et recherchent les voies suscep-tibles de servir lindpendance conomique partir du dveloppementtechnologique Ils esprent aussi, par le biais de laccs aux technologies spa-

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    tiales, symbole par excellence de la haute technologie, favoriser un pro-cessus de transfert. Cest l, par exemple, un des points essentiels retenus parles dcideurs arabes lors des discussions prsidant la cration de lorgani-sation

    Arabsat

    4

    qui devait contribuer la cration dune industrie des tl-communications arabe qualifie pour rpondre la demande domestique enbnficiant des transferts de technologies occidentaux.

    ce titre, le programme gyptien

    Nilesat

    de tlcommunications par satel-lite est aussi trs illustratif dune logique du mme ordre mme si elle estplus lie des enjeux conomiques et financiers directs. En effet, lgyptene dcide son programme national de tlcommunications spatiales quaprsson viction de la Ligue arabe

    5

    au moment o slabore et se concrtise leprojet

    Arabsat

    dans lequel elle tait lun des plus gros contributeurs. Or, pre-mier producteur en matire audiovisuel dans le monde arabe, elle comptaitsur

    Arabsat

    pour garantir un dbouch ses programmes audiovisuels.Laccent port dans les mdias et les discours politiques, lors du lancementdu satellite en 1998, sur les gains conomiques escompts avec

    Nilesat

    -101tmoigne de cette approche dans un contexte o le secteur de linformationet des mdias constitue une des cls de la stabilit politique , stabilit lie,pour les dirigeants gyptiens, en grande partie la prosprit conomique

    6

    .

    Largumentaire du dveloppement conomique bas sur la science et la tech-nologie est toujours dactualit. LAlgrie, lArabie Saoudite, ou les miratsarabes unis, pour ne citer queux, mettent toujours actuellement laccent,dans leurs projets spatiaux, sur le degr de transfert de technologie et de for-mation dont ils vont pouvoir bnficier. Pour autant, il sest enrichi de lanotion de dveloppement humain. En effet, sous le coup des remises encauses et de la crise des annes 1980-1990, appeles la dcennie perdue, ole matre mot fut alors lajustement structurel, on est pass dune approcheclassique et ferme du dveloppement o la croissance tait au cur du pro-cessus une approche qui relativisait limportance de la croissance cono-mique pour privilgier la mesure de la bonne vie . Lre dudveloppement humain, dfini comme tant un processus qui conduit llargissement de la gamme des possibilits qui soffrent chacun

    taitouverte. Dans ce nouveau paradigme du dveloppement, une large place estfaite au savoir et limportance de laccs pour tous, une socit caract-

    4. Les objectifs d

    Arabsat

    prvoient

    a

    ) dentreprendre des tudes et recherches sur lestechnologies spatiales,

    b

    ) dassister techniquement et financirement les tats arabes dansla conception et la mise en service des stations terrestres mais surtout dencourager lacration des industries ncessaires pour la maintenance de lquipement du segment spatialet des stations terrestres dans les tats arabes , The Arabsat Agreement Text andComment , Dr Wulf von Kries,

    Zertschrift

    , n 2, 1978, Cologne.5. Suite aux accords de Camp David de 1979.6. In Nilesat-101 et 102 : petite histoire dun rve de grandeur , Dina El Khawaga, revue

    Herms,

    n 34, Lespace, enjeux politiques , p. 135 148, Paris, 2002.

  • Lespace dans les pays arabes

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    Linformation gographique n 2 - 2010

    rise par la prdominance de linformation, de la communication et de laconnaissance dans lensemble des activits humaines

    7

    .

    Les technologies spatiales au service du dveloppement humain et de la socit de linformation

    Cest le sens du premier Rapport sur le dveloppement humain dans lemonde arabe, paru en 2002, examinant les dfis auxquels le monde arabetait confront. Le second rapport en 2003, consacr exclusivement ltatde la socit de linformation, la place de la science et de la technologie etla manire de construire une socit du savoir envisageait le rle destechnologies spatiales dans la ralisation de ces objectifs. En effet, la placeunique de loutil spatial dans le domaine de la matrise de linformation enfait un secteur par nature trs proche des enjeux sociaux et politiques denotre poque et de la socit de linformation en raison de sa nature mme(recueil et diffusion de linformation etc.). Cet argumentaire se retrouve danslannonce des derniers programmes spatiaux en cours ou en projet dans lemonde arabe.

    Ainsi, du programme spatial algrien qui sinscrit dans un engagementrsolu et sans faille aller vers la socit de linformation selon les dcla-rations du ministre de la Poste et des Technologies de linformation et de lacommunication, M. Hachour. Mais cest galement vrai pour les miratsarabes unis qui ont mis en uvre une ambitieuse politique de diversificationaux fins de dveloppement dans laquelle les projets de satellites ont la partbelle. Se positionner en tant que leader sur le plan des nouvelles technolo-gies, de par leur importance dans la construction dune socit de linforma-tion, est lune des raisons principales que lon peut avancer concernant ledynamisme qui caractrise les mirats Arabes Unis. Prenons enfin, commedernier exemple, la Libye, qui cherche se doter dun satellite national detlcommunication afin dacclrer le processus de promotion de la ma-trise des TIC et de faire entrer le pays par la grande porte lre de la socitde linformation et de la communication , Libye qui vient de mettre en ser-vice une station de rception multisatellite dbut octobre 2009, Morzouk. Prsente comme la pierre angulaire du programme spatiallibyen , elle a pour mission lutilisation des informations dans tous lesprogrammes de dveloppement conomique, stratgique qui sont adquatsavec les politiques de dveloppement et de planification aux niveauxnational et rgional .

    7. Voir ce sujet notamment, Socit de linformation et Socit de la connaissance ,Sally Burch, in

    Enjeux de Mots, Regards multiculturels sur les socits de linformation

    , AlainAmbrosi, Valrie Peugeot et Daniel Pimienta (coord.), C & F dition, 2005.

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    Paralllement la prise en compte du dveloppement humain et du rle joupar la socit de linformation, la monte en puissance, dans le monde occi-dental, de la notion de dveloppement durable commence aussi influencerles arguments soutenus par les pays arabes.

    Vers lintgration de la notion de dveloppement durable dans largumentaire arabe

    Lappropriation arabe de la notion de dveloppement durable seffectueselon deux procds. Lun, implicite, utilise la rhtorique du dveloppementdurable dans lannonce de lutilisation que lacteur concern compte faire dela technologie spatiale dont il sest dot. Cest le cas par exemple du Pro-gramme spatial national algrien, doctrine labore en 2006, qui insiste surle dveloppement dapplications spatiales civiles dobservation de la terre,pour la connaissance des ressources naturelles et leur gestion, la protectionde lenvironnement, la prvention et la gestion des risques majeurs naturelset industriels, pour une exploitation autonome des tlcommunications spa-tiales dans les diffrents domaines (transmission, tlphonie fixe et mobile,tldiffusion, tl-mdicine, etc.), de positionnement par satellite, les sys-tmes existants dans le monde (amricain GPS, russe Glonass) ou en coursde mise en uvre (europen Galileo), lensemble devant tre exploit afindasseoir divers rseaux indispensables la cartographie de base, la sur-veillance sismique et lauscultation des ouvrages dart (barrages hydrauli-ques, ponts, gazoducs, oloducs et autres sites nvralgiques.). Parmi cesprogrammes figurent ceux des tudes de pollution environnementale, de ges-tion des ressources hydrauliques, de prospection des matires premiresminires, de dtermination et de prvision de la nature et de la quantit desproductions agricoles. De mme, la station de rception libyenne est justifiepar son utilisation dans les procds de classification des sols, de dtectionprcoce des flaux agricoles, de cartographie agricole, dobservation du ph-nomne de dsertification, de dtermination des surfaces de pturage et leurscapacits, par le contrle des dangers naturels tels que les inondations, lesincendies de fort et lanalyse de leurs dgts.

    Lautre procd, explicite, utilise directement le vocable de dveloppementdurable dans les divers communiqus autour des projets spatiaux. Ainsi, parexemple, autour du projet

    Alsat

    -2, Azzedine Oussedik, le directeur gnralde lAgence spatiale algrienne (ASAL), dclare que ce programme vise matriser et dvelopper la technologie et les ressources humaines, et demettre la science spatiale au service du dveloppement durable . Cest ga-lement le cas autour du lancement du satellite mirati Dubaisat, et de sonoprateur l

    Emirates Institute for Advanced Science and Technology

    (EIAST), qui est valoris pour son rle de promoteur du dveloppementdurable.

  • Lespace dans les pays arabes

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    Linformation gographique n 2 - 2010

    tat des lieux des activits spatiales dans le monde arabe par acteurs

    La ralit des ralisations arabes dans le domaine spatial permet de les posi-tionner en fonction de cet argumentaire dveloppementaliste.

    De fait, le terme de ralisation ne recouvre pas la capacit couvrir tous lesdomaines des applications spatiales (de la conception dun satellite sonlancement) de manire indpendante comme le font seuls les tats-Unis, laRussie, lEurope, la Chine, le Japon, lInde et Isral. Il sagit seulement dematriser un ou quelques aspects des applications spatiales : conception etintgration dun satellite, dveloppement dun sous-systme pour les plusavancs ; exploitation dun satellite, une fois mis sur orbite, achet, exploita-tion de moyens-sols nationaux avec des satellites trangers, achat de servicesou de produits finis pour les moins avancs. Le monde arabe se situe dans cesecond groupe de pays avec des variations de niveaux dactivits selon lespays considrs, allant de lachat de services (achat dune image ou duncanal de diffusion par exemple) ou dune technologie (un satellite ou unestation sol par exemple) la conception nationale des engins.

    Le tableau des capacits spatiales existantes montre les niveaux de comp-tence respective des tats et traduit, de fait, la part du spatial dans la poli-tique nationale et les logiques qui sy expriment. Ainsi, lAlgrie et lArabieSaoudite sont-elles dans une logique de dveloppement et de constructiondune filire nationale fortement intgre (conception, fabrication, rception,traitements nationaux), tant dans le domaine des tlcommunications quedans celui de lobservation de la terre

    8

    . La rappropriation nationale se veutdonc prsente sur toute la chane satellitaire et cette volont est affiche offi-ciellement. Au contraire, limplication dans le spatial de la Tunisie se traduituniquement par lachat dimages avec un fort investissement dans la rap-propriation nationale de leur traitement.

    Au bilan, on peut dresser le classement suivant :

    rappropriation nationale ds la conception du satellite tlcoms/observation : Algrie, Arabie Saoudite, et dans une moindre mesure leMaroc ;

    rappropriation nationale station de rception et traitement desdonnes avec possession de satellites achets : gypte, mirats ArabesUnis ;

    rappropriation nationale station de rception et traitement desdonnes : Libye ;

    rappropriation traitement des donnes : Tunisie, Syrie, Liban.

    8. Par exemple, lAlgrie a en projet de construire une unit de fabrication de microsatel-lites Bir El Djir (Oran-Est).

  • Linformation gographique n 2 - 2010

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    Tab. 1 : Satellites de tlcommunications

    Pays ou organisations

    propritaires

    Nom du satellite

    Constructeur Lancement

    Ligue des tats Arabes

    Arabsat 1A Arospatiale 1985 (Ariane)

    Ligue des tats Arabes

    Arabsat 1B Arospatiale 1985 (Ariane)

    Ligue des tats Arabes

    Arabsat 1C Arospatiale 1992 (Ariane)

    Ligue des tats Arabes

    Arabsat 1D Arospatiale 1995 (Ariane)

    Ligue des tats Arabes

    Arabsat 1E Arospatiale 1993 (Ariane)

    Ligue des tats Arabes

    Arabsat 2A Arospatiale 1996 (Ariane)

    Ligue des tats Arabes

    Arabsat 2B Arospatiale 1996 (Ariane)

    Ligue des tats Arabes

    Arabsat 3A(Badr 3)

    Arospatiale 1999 (Ariane)

    gypte Nile Sat 101 Matra Marconi Space 1998 (Ariane 4)

    gypte Nile Sat 102Matra Marconi Space

    (Astrium)2000 (Ariane 4)

    Arabie SaouditeSaudisat 1A*Saudisat 1B*

    Saudi Institute for Space Research

    au KACST (King Abdulaziz City for Science

    and Technology, Riyadh)

    2000 (Dniepr)

    mirats Arabes Unis

    Thuraya 1 Boeing Satellite Systems2000 (Zenit Sea

    Launch)

    Arabie Saoudite Saudisat1C*

    Saudi Institute for Space Research

    au KACST (King Abdulaziz City for Science

    and Technology, Riyadh)

    2002 (Dniepr)

    Ligue des tats Arabes

    Arabsat 2CEx-Panmsat

    lanc le 28 aot 1997

    Hughes Lou en 2003

  • Lespace dans les pays arabes

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    Linformation gographique n 2 - 2010

    * Micro-satellite (0-100 kg).

    Pays ou organisations

    propritaires

    Nom du satellite

    Constructeur Lancement

    Ligue des tats Arabes

    Arabsat 2D(Badr 2)

    Ex-Hotbird 5 (ex-Eurobird 2)

    lanc le 2 octobre 1998

    Matra Marconi Space Lou en 2003

    mirats Arabes Unis

    Thuraya 2 Boeing Satellite Systems 2003 (Zenit 3SL)

    Arabie SaouditeSaudicomsat 1*Saudicomsat 2*

    Saudi Institute for Space Research au KACST (King Abdulaziz City for Science and Technology, Riyadh)

    2004 (Dnepr 1)

    Ligue des tats Arabes

    Arabsat 4A(Badr 1)

    Astrium 2006 (Proton M)

    Ligue des tats Arabes

    Arabsat 4B(Badr 4)

    Astrium 2006 (Proton M)

    Arabie Saoudite

    Saudicomsat 3*Saudicomsat 4*Saudicomsat 5*Saudicomsat 6*Saudicomsat 7*

    Saudi Institute for Space Research au KACST (King Abdulaziz City for Science and Technology, Riyadh)

    2007 (Dnepr 1)

    mirats Arabes Unis

    Thuraya 3 Boeing Satellite Systems 2008 (Zenit 3SL)

    Ligue des tats Arabes

    Arabsat 4AR(Badr 6)

    Astrium 2008 (Proton M)

  • Linformation gographique n 2 - 2010

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    Tab. 2 : Satellites dobservation de la terre

    * Microsatellite (0-100 kg) minisatellite (100-500 kg).

    Pays ou organisations

    propritaires

    Nom du satellite

    Constructeur Lancement

    Maroc Tubsat*CRTS et Institut fr Luft

    und Raumfahrttechnik (Berlin)2001

    (Zenit 2)

    Algrie Alsat-1*CNTS et Surrey Satellite

    Technology2002

    (Kosmos 3M)

    Arabie Saoudite Saudisat-2*

    Saudi Institute for Space Research au KACST

    (King Abdulaziz City for Science

    and Technology, Riyadh)

    2004 (Dnepr)

    Arabie Saoudite Saudisat-3

    Saudi Institute for Space Research au KACST

    (King Abdulaziz City for Science

    and Technology, Riyadh)

    2007 (Dnepr)

    gypteEgyptsat1 (Misrsat)

    KB Yuzhnoye2007

    (Dnepr)

    mirats Arabes Unis (oprateur EIAST)

    DubaiSat 1 SATREC (Core du Sud)2009

    (Dnepr)

  • Lespace dans les pays arabes

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    Linformation gographique n 2 - 2010

    Tab. 3 : Satellites en projets

    Pays ou organisations

    propritaires

    Nom du satellite

    Constructeur MissionsLancement

    prvu

    gypte Nilesat 201Thals

    Alenia SpaceTlcoms

    2010 (Ariane)

    Ligue des tats arabes

    Arabsat 5B Astrium Tlcoms2010

    (Proton breeze M)

    Ligue des tats arabes

    Arabsat 5AArabsat 5CArabsat 6AArabsat 6B

    Astrium TlcomsDate non connue

    mirats Arabes Unis

    Yahsat 1AEADS Astrium/

    Thals Alenia SpaceTlcoms

    2010 (Ariane)

    mirats Arabes Unis

    Yahsat 1BEADS Astrium/

    Thals Alenia SpaceTlcoms

    2011 (Proton

    breeze M)

    mirats Arabes Unis

    Gulfsar (1,2,3,4)

    Observation 2012-2013

    mirats Arabes Unis

    S2M1Space Systems Loral

    (SSL)Tlcoms

    Date non connue

    (Proton breeze M)

    Algrie Alcomsat ? TlcomsDate non connue

    AlgrieAlsat 2AAlsat 2B

    EADS Observation 2010 (PLSV)

    gypte Desertsat

    Carlo Gavazzi Space S.p.A

    (sous contrat Agence spatiale

    italienne)

    ObservationDate

    non connue

  • Linformation gographique n 2 - 2010

    75

    9

    10

    11

    Par ailleurs, les rappropriations nationales sinterprtent aussi laune desreprsentations quelles vhiculent. Si lon remarque que laccs aux techno-logies spatiales dans le monde arabe sappuie sur un discours mettant envaleur le bnfice escompt en terme de dveloppement, force est de cons-tater que ce nest pas le seul. Si lon reprend lexemple d

    Arabsat

    , il estdailleurs notable que lun des premiers documents publis, une tude delunion de radio-diffusion des tats arabes (ASBU), concevait le projetcomme devant tre la fois politique et culturel pour la modernisation etle dveloppement voire militaire, tout en un et en mme temps

    12

    . Nous

    9. King Abdulaziz City for Science and Technoloy (KACST).10.

    Joint-venture

    entre des investisseurs miratis et Space Imaging EOSAT.11. Station de rception opre par une compagnie prive, Space Imaging Middle East Com-pany, rsultat dune joint-venture entre des investisseurs miratis et Space Imaging Inc.12. Arab States Broadcasting Union,

    Le Projet du systme de satellite arabe

    , en arabe,Le Caire, 1973, cit par H. Kandyl,

    op. cit

    ., p. 660.

    Tab. 4 : Stations de rception dimageries satellitaires oprationnelles et en projet

    Pays Localisation OrganismesImages reues par la station

    Mise en service

    Arabie Saoudite

    RiyadhSpace Research

    Institute, KACST9Landsat, Spot, NOAA,

    IRS, ERS, Radarsat1988

    mirats arabes unis

    DubaDuba Space Imaging10

    Ikonos, IRS 1998

    mirats arabes unis

    Abu DhabiSpace

    Reconnaissance Center

    Ikonos, Kompsat, IRS 1999

    gypte Aswan NARSS Spot, Landsat, IRS 2002

    Algrie Arzew CNTS Alsat 2002

    Libye Morzouk,

    Libyan Center for Remote

    Sensing et Space Science (LCRSSS)

    Envisat, Spot, Landsat, Ikonos,

    Orbview.2009

    mirats arabes unis11

    DubaSpace Imaging

    Middle East Comapny

    IRS, Ikonos, ? 1997

    mirats arabes unis

    Abu Dhabi

    4C GEOC (Gulf Earth Observation

    Centre)

    COSMO-SkyMedGulfsar

    Date non connue

  • Lespace dans les pays arabes

    76

    Linformation gographique n 2 - 2010

    sommes, l, bien loin de la simple utilisation dun outil dans des problma-tiques de dveloppement mais bien dans une instrumentalisation politiquedune technologie aux fins de reconnaissance.

    Le spatial est aussi un lment de reconnaissance nationale, rgionale et internationale

    Cette instrumentalisation des fins politiques tient beaucoup aux imagesvhicules par la prsence dans lespace dun pays, et la valeur symboliqueattache lespace mme. Allgorie religieuse, lieu dinterrogations philoso-phiques et scientifiques, lespace fascine en tant quailleurs infini et inacces-sible. Le 4 octobre 1957, date du lancement de Spoutnik, premier satellite enorbite, marque le dbut de son incarnation en symbole universel et identi-taire. Universel parce quil reprsentait lavenir de lhumanit et la foi, sonapoge au sortir de la Seconde Guerre mondiale, dans le progrs scienti-fique, moteur du dveloppement conomique et social pour les socitsindustrialises. Identitaire, parce quil fit lobjet dun rel processus de sym-bolisation nationale, au service dobjectifs politiques internes et externes, dela part des tats-Unis et de lURSS.

    Que la capacit symbolique de lespace soit aussi fortement entretenue par laconjonction de diffrents facteurs politiques et dun contexte socio-histo-rique particulier ny change rien. Limage vhicule par la mise en orbitedun satellite national est toujours valorisante et peut avoir des retentisse-ments profonds sur limaginaire des populations concernes et leur regardsur laptitude dun pays tre un leader rgional et assurer la scurit. Larecherche de lautonomie et de lindpendance inspire encore lensemble desprogrammes spatiaux ; lespace demeure un attribut de souverainet. Lemonde arabe illustre comment loutil spatial permet intrinsquement un tra-vail de construction symbolique partir dun succs technique.

    Lutilisation politique de loutil spatial dans le monde arabe

    En effet, quel que soit le moment o lon se place dans lhistoire de laccs lespace du monde arabe ou les applications considres (tlcommunica-tions ou observation), il y a un point commun entre tous les pays, linstru-mentalisation des fins politiques internationales, rgionale ou nationale decette comptence. Cest le secteur des tlcommunications spatiales quiconstitue la premire vague des ralisations arabes dans le domaine desapplications spatiales ; cest aussi le secteur le plus dvelopp actuellement.Ce choix originel et son volution ne sont pas fortuits. Ils sappuient beau-coup sur les dbats qui agitent rgulirement le monde arabe concernantlimprialisme culturel et le dsquilibre de linformation. La revendication

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    dun nouvel ordre mondial de linformation auxquels prennent largementpart les pays arabes en tant que membres du groupe des non-aligns est tou-jours dactualit si lon en croit les dclarations rcentes des ministres delinformation des pays non aligns : Ayant analys les tendances et lesvolutions en cours en matire dinformation et de communication, lesministres ont constat que la diffusion dinformations discriminatoires etdnatures sur des vnements se droulant dans les pays en dveloppementrestait la rgle dans ce domaine. Ayant pris note du fait que cette informationbiaise plaait la plus grosse partie de lhumanit dans une position dsavan-tageuse, les ministres ont raffirm quil tait urgent de rectifier cedsquilibre 13.

    Dj, le systme Arabsat avait pour mission symbolique une consolida-tion de lindpendance politique de la rgion et une concrtisation des liensinter-arabes en mettant les acquis technologiques au service dune culturergionale fdratrice 14 . Lobjectif de la reconnaissance internationale dumonde arabe tait clairement affich mais aussi celui de nourrir la nationarabe de sa culture.

    Aujourdhui, alors que le panarabisme est en crise mais que le mondearabe est, de fait, reconnu comme un acteur part entire de la scne inter-nationale, il est intressant de remarquer que lide dune dmonstrationrgionale de prestige perdure travers les discussions sur la mise en placedune agence spatiale arabe ou le dveloppement dun satellite commundobservation de la Terre. Pour autant, il semble que cela soit moins endirection de linternational que le reflet dune lutte de prestige voire deleadership intra-arabe.

    En effet, les rapports de force rgionaux sont clairement des clefs prendreen compte comme le dmontrent, entre autres, les motivations gyptiennespour le dveloppement dun systme comme Nilesat et ses dveloppementsultrieurs dans un contexte conomique national peu favorable ce typedinvestissement. Premier lment : la rupture avec la Ligue des tats arabequi destitue lgypte de son leadership rgional est vcue comme une humi-liation par le pouvoir politique. Nilesat est en partie une rponse au projetArabsat. Deuxime lment : Nilesat met lgypte en position dtre le seulpays arabe possder cette technologie en propre. Elle utilise alors lesretombes mdiatiques en termes dimage un moment o, non seulementaprs Camp David mais aussi aprs sa rintgration au sein de la Ligue destats arabes, elle a du mal se repositionner en tant que leader et porte-

    13. Septime Confrence des ministres de lInformation du Mouvement des Pays nonaligns, le Margarita (Venezuela), 2-4 juillet 2008, points 3 et 4 : http://www.cominacvenezuela2008.org.ve/doc/declaracion_de_margarita_en_fr.pdf.14. Dina El-Khawaga, Nilesat 101 et 102 : petite histoire dun rve de grandeur , Dina ElKhawaga, revue Herms, n 34, LEspace, enjeux politiques, p. 135-148, Paris, 2002.

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    parole du monde arabe. La ralisation du satellite est ainsi vue commeloccasion de faire la preuve incontestable du leadership gyptien dans lemonde arabe .

    Ce raisonnement est encore valable aujourdhui pour lgypte, notammentpour les activits de tldtection. Citons, par exemple, les paroles du direc-teur du NARSS gyptien : [Le projet de station sol] est le premier pas versun programme complet de reconnaissance spatiale qui met en situation derivaliser avec Isral. Ce projet fait de lgypte un leader rgional dans ledomaine de lobservation de la Terre et des capacits en tldtection.

    Cest vrai aussi pour les mirats arabes unis qui tiennent dmontrer auxyeux de la rgion quils sont les leaders en matire spatiale et donc lgitimespour accueillir la premire agence spatiale arabe. Dubaisat, le satellitedobservation mirati, lanc en juillet 2009, est devenu non seulement lasymbolisation du drapeau des mirats arabes unis dans lespace mais a tcompar aux premiers pas sur la lune

    Au-del de la reconnaissance nationale, rgionale et/ou internationale, deuxlments amnent interroger galement les motivations de type scuritaireet militaire qui pourraient sous-tendre le dessein spatial des pays arabes.Dune part, la nature duale des applications spatiales, dautre part la situationrgionale qui voit dans un contexte de tension et de rivalit un cart trs sen-sible en la matire avec Isral.

    Enjeux de scurit nationale/rgionale et applications spatiales dans le monde arabe

    Ds le dbut de la conqute spatiale, les intrts militaires ont jou un rledcisif dans le dveloppement des activits spatiales. Si la notion despacemilitaire fut longtemps officiellement absente, lusage au bnfice delhumanit et des fins pacifiques tant en effet le leitmotiv de tous les ins-truments lgaux rgissant lespace, officieusement, il tait pourtant clair queloccupation de lespace possdait aussi une dimension militaire non ngli-geable, en particulier pour les tats-Unis. Mme un systme commeArabsat, conu des fins de dveloppement, na pas exclu cette dimension,au moins dans le tout dbut des discussions autour de sa conception commele souligne ltude mentionne plus haut (note 12). Se doter dun satellite detlcommunication pour lgypte tait une affaire de scurit nationale .Au-del de laspect dclaratoire, lobjectif militaire est de plus en plus clai-rement affich dans le monde arabe depuis quelques annes. Nous pouvonsle voir notamment dans les discours qui entourent des projets commeEgyptsat, Alsat, Yahsat ou Gulfsar.

    Le programme Egyptsat, est annonc dans la presse occidentale comme unsatellite double usage ou mme comme un satellite espion. Lgypte

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    dclare dailleurs vouloir concurrencer Isral sur ce terrain. De mme, lapresse algrienne mentionne clairement quAlsat 1 se doit de rpondre certains besoins de scurit et de dfense du territoire .

    Par ailleurs, suite leur incapacit obtenir des images satellite sur la guerrede lAfghanistan malgr le contrat qui lie le fournisseur amricain SpaceImaging Inc aux mirats Arabes Unis, les ministres de la Dfense des sixpays du Conseil de Coopration du Golfe annonaient en octobre 2001 quilsenvisageaient dacheter leur propre satellite dobservation de la Terre,500 millions de dollars tant prvus pour cet achat et la France tait entreautres pressentie comme vendeur. Ce projet, en tant que tel, na encore pasabouti mais les mirats arabes unis ont dmarr un programme dobserva-tion de la terre avec Dubaisat qui devrait se poursuivre avec des satellitesradars (Gulfsar) dont les objectifs militaires sont clairement voqus. Enfin,autre exemple que nous pouvons mentionner, le programme de tlcommu-nication Yahsat, se prsente comme le premier programme national arabe vocation officiellement duale.

    Malgr lexistence de thmatiques communes lutilisation de loutil spatialdans le monde arabe, chaque pays/acteurs se les rapproprie selon des cri-tres nationalement contextualiss en fonction des orientations politiquesprivilgies. Cela conduit alors une diversit des modalits de ralisationselon les priorits tablies entre les logiques de dveloppement et celles dereconnaissance nationale, rgionale, internationale qui se refltent dans lesdiffrentes cooprations en uvre tant dans le montage des projets que dansles options choisies pour laccs aux technologies. Trois grands modlespeuvent ainsi tre dgags qui prsentent lintrt de sinscrire dans lvolu-tion des grandes tendances mondiales de ce secteur.

    La diversit des cooprations privilgies : reflet des logiques nationales et des rapports sur la scne internationale

    Les 3 cas choisis sont : le programme de la Ligue des tats arabes, lAlgrieet les mirats arabes unis. Le premier illustre le modle de la cooprationrgionale, choix initial de la rgion pour laccs aux technologies spatialesmais qui reste un chec relatif. LAlgrie correspond au cas type du modlenational dtat aux fins dindpendance. Enfin, lexemple des mirats arabesunis prsente lintrt de la combinaison de logiques hybrides.

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    Une coopration rgionale en chec relatif

    La formule de la coopration offre des avantages financiers certains pour ledveloppement de capacits spatiales. Elle semble cependant et pour lemoment satisfaire surtout des objectifs dclaratoires et reste largement lettredintention. Cela se retrouve pour tous les projets rgionaux publics enmatire spatiale, comme le projet dune agence spatiale arabe qui est rguli-rement remis lordre du jour depuis prs de vingt ans sans avances nota-bles, ou le projet de satellite arabe dobservation de la Terre.

    Le seul programme denvergure ayant t rellement dvelopp resteArabsat mais son chec politique est instructif. En effet, la dcision du par-tenariat public rgional trouve son origine dans la volont denvoyer unsignal fort la communaut internationale sur lexistence dune nation arabereconnue comme acteur du jeu international avec un programme satisfaisantles besoins rgionaux rels. Envisag au dpart comme un des aspects delunit arabe, [qui] a pris naissance dans une rgion unique en son genre,comparable une seule et mme nation unie par la culture, la langue et lhis-toire ainsi que des proccupations et des aspirations communes 15, il devaitservir de critre permettant de mesurer jusquo va la conviction que cettenation stend effectivement du Golfe jusqu lOcan atlantique, et queceux qui y vivent ont une culture commune et sont en droit de puiser cesdiffrentes sources 16. Or, force est de constater, aujourdhui, que cettemesure laune dArabsat rvle que les aspects conomiques et commer-ciaux ont largement pris le dessus sur les aspirations de construction dunegrande nation arabe. Limpossibilit des pays-membres se mettre daccordsur le contenu des programmes de diffusion et par suite les financer correc-tement, a sonn le glas du symbole. Cest aussi le rsultat de la confrontationdes logiques que chaque pays souhaitait privilgier. Une des raisonsmajeures est rechercher dans les rivalits intra-arabes qui sont autantdobstacles la constitution dune assise politique permettant de fairemerger un leader capable de fdrer les diffrents acteurs de la rgion.

    Lchec politique de la coopration rgionale favorise alors lmergence decapacits nationales publiques uvrant pour le dveloppement tout en favo-risant une reconnaissance nationale et rgionale.

    La logique dtat aux fins dindpendance

    LAlgrie est un cas intressant car il illustre parfaitement bien la logiquedun tat voulant disposer de capacits spatiales nationales sans disposer du

    15. Le Satellite arabe, quelques questions fondamentales, p. 6 document prsent au smi-naire scientifique sur les perspectives dutilisation des satellites de communication dans lesservices de radiodiffusion et de tlvision, Riyad, 7-10 dcembre 1981, UNESCO.16. Idem note 15.

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    systme scientifique et technologique permettant son dveloppementnational. La premire porte dentre est ainsi lacquisition dun satellite scientifique ou dexprimentation, comme ce fut le cas dAlsat 1, quiconjugue plusieurs avantages financiers. Les micro-satellites profitent de lacroissance exponentielle des performances de llectronique grand public quipermet de regrouper les composants haute intgration sur des cartes dont lataille se rduit de plus en plus mais aussi de recourir des produits standar-diss, et qualifis : les composants sur tagre. Ils peuvent tre lancs pardes anciens missiles reconvertis, la fuse Dniepr par exemple (SS-18modifi), et par lemploi du mode de passager auxiliaire (piggyback) bordde lanceurs de satellites de communications commerciaux comme le permetle plateau ASAP des fuses Ariane. On peut alors placer sur une orbite detransfert gostationnaire un microsatellite de 100 kg pour un million de dol-lars. Laccs lespace dutilisateurs mergents devient possible unmoindre cot et avec des capacits relatives satisfaisantes.

    Par ailleurs, les vendeurs de microsatellites de ce type proposent tous untransfert de technologie associ de la formation pour les scientifiques ettechniciens du pays acheteur. Le choix du partenaire-constructeur va donctre largement fait en fonction de cette offre complmentaire. Dans le cas dedAlsat-1, cest le Surrey Space Centre (Grande-Bretagne) qui a t le mieuxplac. En revanche, Alsat-2 sera construit par EADS qui propose demeilleures conditions de transfert de technologie et de formations. Il nestdailleurs pas anodin que le choix dEADS se soit effectu au moment olAlgrie et la France signaient un accord de coopration renforce dans ledomaine spatial

    Nous sommes ainsi dans des logiques de rappropriation nationales de typepolitique publique, ce qui caractrise de manire gnrale les pays ayant desvellits de dveloppement de filire nationale en amont et en aval du satel-lite. LArabie Saoudite se rattache ce modle avec le dveloppement de safilire Saudisat et Saudicomsat base notamment sur un transfert de techno-logie en provenance du Surrey et sur lexploitation et le dveloppement desplateformes des radioamateurs, type OSCAR. Dans une moindre mesure, leMaroc, bien que moins avanc, sinscrit aussi dans cette dynamique avec lelancement de Tubsat, petit satellite dexprimentation dobservation de laTerre.

    Une seconde porte dentre est lachat sur tagres du satellite et de sa filireaval, variante choisie par lgypte mais qui illustre de la mme faon la pri-maut accorde lindpendance politique et la souverainet.

    Enfin, les mirats arabes unis prsentent un dernier modle original en ceciquil tend entremler politique publique et intrts privs, dans un souci deprsence tant sur le march mondial que dinfluence sur la scne rgionale.

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    Les mirats arabes unis ou lexpression de logiques hybrides

    Les mirats arabes unis ont ceci de particulier quils combinent diffrentstypes de coopration et de partenaires en fonction des objectifs viss, notam-ment sur le plan politique. En effet, on constate une entre de capitaux privsdans les projets spatiaux mais la part de la puissance publique reste impor-tante et traduit une relle implication de ltat dans les dveloppements tech-nologiques. Un quilibre est alors savamment calcul dmontrant quau-deldes logiques commerciales, les logiques politiques ne sont jamais loin.Ainsi, les mirats arabes unis construisent un partenariat internationalpublic/priv, pour des programmes type Thuraya qui rpondent un besoinpolitique et conomique de reconnaissance sur la scne mondiale, mais sesituent dans une logique de partenariat national public/priv pour des projetscomme Yahsat aux fins dun signal politique fort en direction de la scnergionale.

    La socit oprant le systme rgional de tlcommunication Thuraya, bienquayant une multiplicit dactionnaires internationaux et privs rsulte sansconteste dune volont nationale. sa cration, en 1997, cest en effet Eti-salat, compagnie nationale miratie de tlcommunications qui porte leprojet et en est lactionnaire majoritaire. Pour autant, aujourdhui, la struc-ture de son capital ne fdre pas moins de onze oprateurs nationaux de tl-communications arabes, Arabsat et des compagnies prives dont HughesSpace & Communications (aujourdhui Boeing Satellite Systems), la socitde conseil allemande Detecon et un consortium bancaire dans lequel figurela Socit Gnrale. Ce montage, premier de ce type dans la rgion, rpondaussi en partie au mouvement mondial de drglementation du secteur destlcommunications qui commenait samorcer au dbut des annes 2000.Cette drglementation sofficialise aux mirats arabes unis en 2005 aveclinstauration dun second oprateur de tlcommunications, lEmiratesCompany for Integrated Telecommunications (EITC). Son capital est com-pos par une prise de participation du gouvernement fdral (40 %, repr-sent par le ministre des Finances et de lindustrie), dEmirates Companyfor Telecommunications and Technology (20 %, filiale de TECOM-DubaiTechnology, Electronic Commerce and Media Free Zone) et de la MubadalaDevelopment Company (20 %, entreprise publique dinvestissements delmirat dAbu Dhabi). Le cinquime restant a t mis en vente sur lemarch boursier.

    Lentre de la Mubadala dans le capital dEITC nest pas fortuite. Eneffet, cette socit a cr, en 2007, une filiale destine dvelopper unprogramme de satellites de tlcommunications : Al Yah Satellite Commu-nication (Yahsat). Cest le premier programme national arabe vocationduale. La part de la puissance publique reste donc majoritaire dans tousces programmes.

  • Linformation gographique n 2 - 2010 83

    Le cas de Nilesat pourrait se rapprocher de ce modle hybride public/priv.En effet, le secteur des tlcommunications spatiales en gypte prsente dessimilitudes avec celui les mirats arabes unis. Comme pour Thuraya, lapuissance publique est lorigine du programme. La Nilesat Satellite Com-pany, cre en 1995 comme socit anonyme pour suivre le dveloppementet la commercialisation des satellites, des segments sols associs et des ser-vices quils offrent, prsente une structure de capital avec des actionnairesprivs et publics. Mais comme Etisalat dans Thuraya, lERTU 17 restelactionnaire majoritaire. Deux diffrences sont toutefois relever entrelgypte et les mirats arabes unis. La premire rsulte dun contexte diff-rent de mise en uvre des projets. L ou les tlcommunications spatialesmiraties sinscrivent dans une drglementation du secteur des tlcommu-nications, Nilesat est marqu par un contexte de privatisation progressive etde restructuration du secteur de laudiovisuel, enclench depuis la fin desannes quatre-vingt. La seconde diffrence se distingue dans les montagesdes projets en eux-mmes. Linvestissement est de type priv/public enamont du satellite aux mirats arabes unis mais en aval pour lgypte.Enfin,il sera intressant de suivre le montage du dernier projet en date aux miratsarabes unis dans le domaine de lobservation de la terre, Gulfsar. Il est lersultat dun partenariat entre la socit 4C Controls Inc, Hydra Trading,Baynuna Aviation (industrie de dfense miratie) et des investisseurs mi-ratis avec, vraisemblablement, une forte participation tatique. En effet, ceprogramme est corrl avec la construction du 4C Gulf Earth ObservationCenter (4C GEOC), centre de tldtection qui disposera notamment dunestation de rception des donnes COSMO-SkyMed.

    Conclusion

    La spcificit des programmes spatiaux dans le monde arabe repose donc surla superposition des chelles nationales, rgionales et internationales demme que sur limbrication troite de logiques conomiques et politiquesadaptes une situation particulire. Cela se traduit, notamment dans le sec-teur des tlcommunications spatiales, par une libralisation ambigu du sec-teur et par une drgulation qui reste sous troit contrle tatique tout enessayant de satisfaire aux normes rgulatrices de lorganisation mondiale ducommerce. Lentrecroisement des logiques est peut-tre lune des explica-tions de lhtrognit des programmes mme si lon assiste depuis quelquetemps une volont de rationaliser ce secteur dans les diffrents pays arabesavec notamment la mise en place de nouvelles organisations charges dhar-

    17. Union gyptienne de radio et de tlvision (ERTU). Cre en 1970, elle est dclareunit conomique indpendante en 1979 mais le Ministre de lInformation reste sa tte.

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    84 Linformation gographique n 2 - 2010

    moniser les structures dj existantes en ayant pour objectif dlaborer unepolitique spatiale stricto sensu. Dans le monde arabe, il apparat que laffec-tation de ressources reste limite et ponctuelle dans le cadre de programmesau cas par cas, non intgrs dans une vision globale du secteur mais sinscri-vant dans des logiques plus larges, celles du positionnement du paysconcern sur la scne rgionale et/ou internationale et celles des exigencesdu dveloppement. Comme nous lavons vu, les modalits de ralisations(achat de service, achat de satellite sur tagre, dveloppement de capacitnationale) diffrent et rpondent de fait des objectifs diffrents selon lespays mme si dans tous les cas, les dcisions se prennent au plus haut niveaugouvernemental.

    Cette complexit sectorielle propose alors une mtonymie intressante pourregarder cette rgion du monde et tenter den dcrypter les tendances. Laconjugaison de valeurs capitalistes et dinterventionnisme tatique marque lesavant exercice dquilibre dans lequel sont engags une grande partie despays de la rgion arabe et dont le secteur spatial nest quun des reflets.

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