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1 “Lors donc que vous verrez l’abomination de la désolation installée dans le Lieu saint, ... (Mt 24, 8) Au Sacré Cœur de Jésus par l’entremise du Cœur Immaculé de Marie “Les forces de la révolution peuvent occuper tout le terrain. Dieu ne permettra pas que tous ses serviteurs disparaissent. Dieu a ‘besoin’ de ‘petits riens’ pour tout reconstruire” (Jean Vaquié).

L’Esprit désolant de vatican II

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L’Esprit désolant de Vatican II à la lumière du Magistère catholique.“Enlevez tous les freins qui retiennent dans la voie de la vérité les hommes déjà spontanément tournés vers l’abîme par l’inclination naturelle au mal, et l’on pourra en toute vérité annoncer qu’est ouvert le puits de l’abîme d’où Saint Jean vit s’élever une fumée qui obscurcit le soleil, avec une nuée innombrable de sauterelles qui allaient ravager la terre (Grégoire XVI, Mirari vos, 15.8.1832, contre le délire de l’indifférentisme et de la liberté en matière de religion).

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“Lors donc que vous verrez l’abomination de

la désolation installée dans le Lieu saint, ... (Mt 24, 8)

Au Sacré Cœur de Jésus par l’entremise du

Cœur Immaculé de Marie

“Les forces de la révolution peuvent occuper tout le terrain. Dieu ne permettra pas que tous ses serviteurs disparaissent. Dieu a ‘besoin’ de ‘petits riens’ pour tout reconstruire” (Jean Vaquié).

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© A. Daniele

Ed. Delacroix B. P. 109

F - 35802 DINARD CEDEX

ISBN 2 - 95 11 08 7-1-0

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A. Daniele

L’Esprit désolant

de Vatican II

à la lumière du Magistère catholique

tome I

Nous soumettons sans réserve cette étude, réalisée avec la collaboration de doctes et patients amis, au jugement de

la Sainte Eglise.

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“Et le cinquième ange sonna de la trompette. Je vis alors un astre déchu du ciel vers la terre; on lui remit la clef du puits de l’abîme; il l’ouvrit, et il s’éleva du puits une fumée comme celle d’une grande fournaise, au point que le soleil et l’air furent assombris.” (Apl 9, 1-2) “Enlevez tous les freins qui retiennent dans la voie de la vérité les hommes déjà spontanément tournés vers l’abîme par l’inclination naturelle au mal, et l’on pourra en toute vérité annoncer qu’est ouvert le puits de l’abîme d’où Saint Jean vit s’élever une fumée qui obscurcit le soleil, avec une nuée innombrable de sauterelles qui allaient ravager la terre (Grégoire XVI, Mirari vos, 15.8.1832, contre le délire de l’indifférentisme et de la liberté en matière de religion).

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A propos de l’édition italienne de ce livre le R. P. Malachi Martin a écrit à l’auteur:

“C’est surprenante comme votre livre coïncide, dans le contenu des

chapitres et même dans les titres, avec ce qui j’ai projeté d’écrire les mois passés. «Spiritus ubi vult spirat!».

Je veux donc coopérer avec votre livre tranchant. “En fait, la crise de l’Eglise est à tel point cruciale, et l’humanité, à laquelle Paul VI et Vatican II ont voulue donner un nouvel ordre, et

qu’Arrupe et ses jésuites se préparaient a ‘inculturer’, se trouvent dans une impasse.

“L’Ennemi est dans le Vatican même*. “Le genre humain est allé outre le point de non retour

concernant l’intégrité de l’homme spirituel, comme Dieu l’a créé. “Votre livre décrit bien les causes et les effets d’un telle écroulement.

Vous avez enfoncé le clou, «hit the nail on the head». C’est donc impératif et urgent que votre livre

soit publié en plusieurs langues.”

*(‘The New American’, n.12, 9.6.97, ‘The Catholic Church in crisis’, p. 39-41, du P.

Malachi Martin).

“Quand l’insolence de l’homme, obstinément, rejette Dieu, Dieu dit enfin à l’homme: - que ta volonté soit faite! Et le dernier fléau est lâché: ce n’est pas la famine, la guerre, la peste... c’est l’homme! Et quand l’homme est livré à l’homme on peut connaître ce qu’est la Colère de Dieu!

Louis Veuillot.

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TABLE des MATIERES

Le non possumus inachevé de Mgr Castro-Mayer ……………….7

Introduction - L’avent du nouveau désordre mondial ................. 11

1 - Utopisme : un idéalisme aliéné ............................................. 35

2 - Modernisme : la perfidie de l’utopisme religieux .................. 61

3 - Vatican II : Cheval de Troie dans la Chrétienté ..................... 87

4 - ‘Dei Verbum’ : révisionnisme de la Tradition .................... 117

5 - ‘Gaudium et spes’ : germe de l’œcuménisme babylonien .... 143

6 - Le Babel global - sine gaudio nec spe ................................ 175

7 - Vatican II : perfidie d’un ‘aggiornamento’ moderniste ....... 205

8 - ‘Populorum progressio’ : asservissement idéologique ........ 233

9 - ‘Octogesima adveniens’ : consécration de la rébellion ...... 261

10 - L’apostasie organisée par la fausse obéissance ................. 293

Bibliographie, notes et abréviations ................................... 317

Couverture: De Labore solis “Sitôt après la tribulation de ces jours, le soleil s’obscurcira, la lune perdra son éclat, les astres tomberont du ciel et les puissances du ciel seront ébranlées.” (Mt 24, 29) Lucas design

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Le non possumus inachevé de Mgr de Castro-Mayer

Dans ce travail sur l’esprit désolant de Vatican II est rappelé de façon spéciale le témoignage épiscopal de Mgr Antonio de Castro-Mayer. Il ne s’agit pas de rapporter ce que l’éminent Evêque brésilien a dit en privé à l’auteur, auquel il était lié par une amitié à la dimension de l’éternité, mais de suivre le parcours d’un non possumus qui, concernant la question de l’autorité apostolique dans l’Eglise du Seigneur, doit être celui de tous les catholiques fidèles et vigilants.

La Messe de Paul VI, qu’en penser? Ce livre, écrit en 1969 en collaboration avec l’avocat Arnaldo Xavier da Silveira, qui commençait par l’étude de la question d’un pape hérétique, avait été envoyé en 1974 a Paul VI, avec deux autres études sur Dignitatis humanae (à publier ensuite) et Octogesima adveniens (publié ici). Elles n’ont pas reçu la moindre réponse rendant la première étude, sur un pape hérétique, encore plus actuelle. Or, la question a été étudié par des Docteurs de l’Eglise, comme St Robert Bellarmin, et St Alphonse de Liguori, qui n’a pas été cité. Et l’étude va suivre des affirmations des théologiens connus, comme Suarez qui disait: «Il semble plus pieux et plus probable d’affirmer que le Pape comme personne privée peut se tromper par ignorance, mais non par pertinacité» (cité par le Card. Billot).

La lettre de Mgr Antonio de Castro-Mayer à Jean-Paul II L'évêque, qui avait plus de 75 années, a écrit à Jean-Paul II, en disant en substance qu'il ne démissionnerait pas, et a rappelé que: L'œcuménisme, tel qu’il est mentionné par Votre Sainteté dans divers documents (par exemple Cattechesi tradendae, AAS. 71, p. 1304 / 5), en base à le Concile Vatican II, s’oppose au dogme de foi par lequelle dehors de l’Église «nullus omnino salvatur» (Concile de Latran IV, DS. 802), ce qui constitue un déni de cet qui est enseigné «ex-professio» dans l’Enc. «Mortalium animos» (06/01/1928) de Pie XI. En ce sens, l'affirmation selon laquelle l'Esprit Saint se sert également des confessions non catholiques pour guider les hommes au salut éternel, éliminant le besoin de l'Église catholique comme le seul moyen de salut, est contre la Foi. Avec tout le respect, je me permets de rappeler à V.S. que pour un prélat incider dans une hérésie signifie perdre ipso facto sa juridiction."

Voilà le parcours de l’Evêque, dont la direction a été suivie dans les documents publiés avec Mgr Lefebvre. C’est la même direction qu’on peut trouver dans ses articles, dont les titres sont déjà une indication: Vatican II et l’Eglise conciliaire; L’Eglise de l’homme; L’Eglise du Nouveau Code; Nouvelle étape (de Jean-Paul II); Le schisme de Vatican

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II; Persécution religieuse.Les initiatives appuyant certains livres et auteurs, et les réponses à l’entrevue et à la lettre qui suivent démontrent la direction indiquée.

Lettre à quelques évêques, c’est l’étude sur les hérésies conciliaires, dont les auteurs et participants de l’initiative étaient en grande partie des sedevacantistes, qui a reçu l’appui direct de Mgr Castro-Mayer.

Un an après le ‘Manifeste épiscopal’ (21.11.83), Mgr Castro-Mayer déclarait dans une importante et longue entrevue pour le ‘Jornal da Tarde de S. Paulo’, sous le titre ‘L’Eglise de Jean-Paul II n’est pas l’Eglise du Christ’:“Vatican II a proclamé une hérésie objective. Quant à ceux qui l’appliquent et le suivent, ils ont démontré une pertinacité qui normalement caractérise l’hérésie formelle. Nous ne les avons pas encore accusé catégoriquement pour exclure toutes possibilité d’ignorance sur des questions si graves.

Le moment pour confirmer la pertinacité des conciliaires est venu en 1985 et l’Evêque a répondu à la lettre de l’auteur (26.12.85).

Excellence, ... je Vous demande de vouloir confirmer ce qui suit: - L'occasion de ce Synode Extraordinaire 1985 convoqué pour faire un

bilan de Vatican II a été considérée par Vous et par Mgr. Lefebvre, ainsi que par beaucoup de catholiques connus et attentifs, comme étant le moment convenable pour demander aux autorités vaticanes une révision du cours désastreux du concile et surtout de la déclaration "Dignitatis humanae" sur la liberté religieuse. [L’Evêque répond par son commentaire manuscrit sur la marge gauche de la page: Exact]

- A ce propos Votre Excellence a rédigé une lettre à Jean-Paul II, dont j’ai porté moi-même le texte à Mgr. Lefebvre avec l'intention d'arriver à une rédaction conjointe. Suivit la rédaction de la lettre en français, faite par Mgr. Lefebvre, qui vous l'expédia pour être contre-signée, au cas où elle serait trouvée conforme à l'intention originale. [Signée aussi par Mgr. Mayer, écrit Mgr Castro-Mayer]

- L'initiative proposée par Mgr. Lefebvre, dont il a voulu me mettre au courant de vive voix, en faisant de même par écrit avec V. Ex. incluait la remise d'une copie de la lettre à Jean-Paul II (laquelle intéressait aussi les Pères du Synode) à chaque participant aux travaux du synode, et cela la veille du début de ces travaux, à la fin de novembre. [Commentaire manuscrit de Mgr. de Castro-Mayer: Exact]

- C’est presque à la fin du Synode que, en me rendant compte que les graves problèmes soulevés par la lettre n'avaient pas même été abordés,

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mais au contraire, que tout passait dans le sens de tout confirmer du Concile, je suis allé voir le card. Thiandoum et l'Evêque Ganaka du Nigeria (langues française et anglaise) pour mieux Vous informer. Cela était vrai: les problèmes conciliaires n'étaient pas soulevés, votre lettre n'était pas même mentionnée, et M. l'Abbé du Chalard de la Fraternité S.Pie X m'informait que la lettre à Jean-Paul II avait été portée au Vatican, même si aucun reçu ne fût donné. Quant à la remise aux Pères du synode, il n'y avait pas de nouvelles. [Exact!]

- De tout cela, je Vous ai mis au courant en Vous téléphonant en Argentine, raison pour laquelle je sollicitais la confirmation de Votre autorisation et celle de Mgr. Lefebvre, qui était en Votre compagnie, afin que les copies fussent données aux Evêques du synode pour leur connaissance. J'ai eu alors cette autorisation confirmée, et Mgr Lefebvre seulement observait que la lettre ne devait pas être donnée à la presse à ce moment-là. [Commentaire de Mgr. Mayer: Exact]

- Dans les jours suivants j'ai écrit à V. Ex. au Brésil et à Mgr Lefebvre en Australie pour faire mon bref compte rendu de la remise de la lettre et du signe non équivoque de reçu donné par Jean-Paul. Il Tempo de Rome, le Corriere della Sera et Paese Sera, et aussi la radio en donnent la nouvelle: "Attention parce que je suis un mauvais berger".

C’était l'allusion du Pontife à "une lettre de Mgr Lefebvre aux Pères du synode" par laquelle il fait connaître une affirmation de la même lettre, disant qu'il ne serait plus le bon Berger s'il n'avait pas désavoué quelques décisions du Concile Vatican II. [Commentaire: Exact]

- Il reste évident que Votre présente lettre à Jean Paul II, dont la distribution aux Pères du synode l'obligeait à en faire une allusion publique, a joué comme une authentique pierre d'achoppement pour dévoiler son opiniâtreté en voulant confirmer en entier le Vatican II, dont l'incompatibilité avec le Magistère de l'Eglise était admonesté. [Commentaire : Exact]

A ce point, je demande à V. Ex. d'éclaircir: - Si cela constitue une faute grave d'éviter, d'entraver ou de refuser des éclaircissements pour la défense et la préservation de la Sainte Foi, que ceux-ci viennent de ceux qui se proclament vos disciples et amis, ou qu'ils viennent des autorités conciliaires et aussi de Jean-Paul II, qui rit de Vos admonitions.

“Objectivement ceci constitue une faute grave spécialement quand il s'agit de personnes qui par leur état doivent orienter les fidèles à l'intégrité et pureté de la Foi”.

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- Si l'autorité préposée à la vigilance de la pureté et l'intégrité de la Sainte Foi peut refuser indéfiniment de répondre d'elle, sans aucune conséquence pour la gestion du pouvoir qu’elle détient au nom de cette même Foi. Quels bergers sont-ils que ceux-là?

“Elle ne peut pas refuser indéfiniment. Quant à la conséquence de la perte de sa charge, il y a deux opinions: selon St. Robert Bellarmin, le Pape en tombant dans l'hérésie perd son pontificat. D'autres, comme Suarez, n'arrivent pas à telle conséquence”.

- Si attribuer au Saint-Esprit ce que Vous démontrez être erreur, déviation et fruits néfastes de Vatican II, est un blasphème qui provoquerait d’épouvantables châtiments célestes.

“Il n'y a pas de doute que objectivement il y a la malice du blasphème dans l'attitude proposée”. (signée, le 13.1.86) Dom Mayer.

Le 2 décembre 1986, Mgr Lefebvre et Mgr Castro-Mayer, ont signé une ‘Déclaration faisant suite aux événements de la visite de Jean Paul Il à la Synagogue et au Congrès des religions à Assise’:... “Tout ce qui a été mis en œuvre pour défendre la foi par l'Eglise dans les siècles passés, et tout ce qui a été accompli pour la diffuser par les mission-naires, jusqu'au martyre inclusivement, est désormais considéré comme une faute dont l'Eglise devrait s'accuser et se faire pardonner. […] Les autorités romaines tournent le dos à leurs prédécesseurs et rompent avec l'Eglise Catholique, et elles se mettent au service des destructeurs de la Chrétienté et du Règne universel de Notre-Seigneur Jésus-Christ... Les actes actuels de Jean-Paul II et des épiscopats nationaux illustrent d'année en année ce changement radical de conception de la foi, de l'Eglise, du sacerdoce, du monde, du salut par la grâce. Le comble de cette rupture avec le magistère antérieur de l’Eglise s'est accompli à Assise, après la visite à la Synagogue. Le péché public contre l'unicité de Dieu, contre le Verbe lncarné et Son Eglise fait frémir d'horreur: Jean-Paul II encourageant les fausses religions à prier leurs faux dieux: scandale sans mesure et sans précédent. […] Nous sommes obligés de constater que cette Religion moderniste et libérale de la Rome moderne et conciliaire s'éloigne toujours davantage de nous, qui professons la foi catholique des papes qui ont condamné cette fausse religion. Nous considérons donc comme nul tout ce qui a été inspiré par cet esprit de reniement: toutes les réformes postconciliaires, et tous les actes de Rome qui sont accomplis dans cette impiété.

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Introduction - L’avent du nouveau désordre mondial La décadence de la société contemporaine se manifeste partout, dans

tous les domaines et à tous les niveaux: de la famille à l’Etat, de la Justice à la politique. Ici violence et corruption effrénées; ailleurs des guerres iniques. Cette société vit dans l’immoralité et le crime. Jamais l’autorité n’a été plus nécessaire, et jamais elle n’a été plus avilie. Jamais les gouvernements n’ont été plus puissants, mais jamais non plus ils n’ont été plus dévoyés. Les faits ont prouvé que le projet moderne de substituer à l’ordre naturel un nouvel ordre s’est accompli dans son achèvement délétère: il est devenu impossible de compter sur l’autorité, désormais elle-même révolutionnaire, pour contenir tant de désordres nationaux et tant de massacres internationaux.

Dès lors qu’une société humaine ignore l'origine divine de l’autorité et de l’ordre, elle ne s’émancipe pas mais se dégrade.

- Là où Dieu n’est pas, tout est permis! - Une fois ignoré le principe transcendant du Bien, la distinction entre le

bien et le mal s’estompe et devient trompeuse; un trouble profond s’étend au plan juridique et politique, dont le terme est le désordre, moral et mental.

Quelle est le rapport entre la croyance en Dieu et le désordre social? L’esprit de l’homme a été fait pour la vérité qui le transcende. Tout

comme la vue, l’ouïe, et les autres sens servent à l’homme, non seulement pour sa propre perception, mais plus encore pour prendre conscience de ce qui est au delà de son corps, l’esprit scrute l’espace qui l’entoure; immanent est le centre de sa perception; transcendant ce qu’il sonde: la Cause première de son existence.

Etant donné que le bien de quelque chose est lié à sa raison d'être: à son principe et à sa fin, comment l’homme pourrait-il connaître son bien durable en méconnaissant son but ultime? Et s’il ne peut pas connaître par lui-même la raison de sa vie, comment pourrait-il établir de façon autonome un critère sur ce qui est son bien et son mal?

Les conséquences de l’ignorance - Saint Pie X, Encyclique Acerbo

nimis: “Pourquoi s'étonner que la corruption des moeurs et la dé-pravation soient si grandes et croissent de jour en jour, je ne dis pas parmi les nations barbares, mais chez les peuples-mêmes qui portent le

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nom de chrétien? C'est avec raison que l’apôtre saint Paul, écrivant aux Ephésiens, disait: «Que ni la fornication, ni toute autre impureté, ni l'avarice ne soient nommés parmi vous, ainsi qu'il convient à des saints, ni l'infamie, ni les sots discours» (Eph V, 5). Mais il a posé comme fondement à cette sainteté et à cette pudeur, qui modèrent les passions, la science des choses divines. «C'est pourquoi, frères, faites en sorte de marcher avec précaution, non point comme des insensés, mais comme des sages. C'est pourquoi, ne devenez pas imprudents, mais comprenez quelle est la volonté de Dieu» (ib. 15s).

“Et l’Apôtre a raison. Car la volonté de l'homme garde à peine quelque chose de cet amour, de l’honnêteté et de la justice, mis en lui par Dieu, son créateur, et qui l’entraînait pour ainsi dire vers le bien, non pas seulement apparent, mais réel. Dépravée par la corruption de la première faute et oubliant en quelque sorte Dieu son auteur, elle tourne toute son affection vers l'amour de la vanité et la recherche du mensonge. A la volonté égarée et aveuglée par la concupiscence, il est besoin d'un guide qui lui montre la route, pour qu’elle retrouve les sentiers de la justice malheureusement abandonnés. Ce guide, qui n'est point étranger, mais nous est préparé par la nature, est notre esprit-même; s'il manque de sa véritable lumière, qui est la connaissance des choses divines, il arrivera ceci, qu'un aveugle conduira un aveugle et tout deux tomberont dans le précipice”.

Toute la question de la Religion, le lien entre le Créateur et la créature, peut être résumée par l’Amour divin dans le mystère de la Très Sainte Trinité vers lequel l’esprit libre de l’homme est attiré. C’est dans cet Ordre de la Charité que s’épanouit la liberté humaine quand elle porte à adhérer à sa connaissance et à l’observance résumée par les mots: “Mangez du fruit des arbres du jardin, mais du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sous peine de mort” (Gn 3, 5).

Incapable de la pleine connaissance du Bien, qui est Dieu-même, l’homme ne peut pas connaître le bien et sa privation dans le mal si ce n’est de façon révélée: à travers “la connaissance des choses divines”.

Une fois disjointe de celle-ci qui est aussi son but, la conscience humaine ne peut plus que tourner sur sa propre orbite. Telle est l'aliénation actuelle, notamment celle de la jeunesse dont la crise existentielle ne se réduit pas à des questions d'ordre matériel. Mais au

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delà de ses particularités, le dilemme existentiel de la jeunesse d'aujourd'hui rejoint d'une manière générale celui de l'homme de tous les temps, qui, avec son libre arbitre, est toujours à la croisée de deux chemins. Il peut suivre la voie de la vérité et de l'ordre révélé, ou user de sa liberté pour emprunter l'autre voie, celle de l’indifférence aux principes qui font distinguer le vrai du faux, le bien du mal. Ainsi, "qui se trompe en sauvegardant les principes, peut être corrigé; mais qui se trompe dans les principes est incorrigible (St Thomas d’Aquin)".

Le problème du mal a toujours été, par sa genèse historique, dans la chute, la faute et la peine de la liberté humaine; comme maintenant le salut du mal est dans l’aide divine apportée par la Rédemption et la Grâce à la volonté affaiblie qui doit lutter contre la croissante tendance au mal de la concupiscence et de l’orgueil.

Et orgueil absolu c’est utiliser l’autorité catholique pour accuser Dieu d’avoir permis le mal et alors s’excuser pour cela, comme il est arrivé souvent avec les chefs de l’église conciliaire (v. Ratzinger à Auschwitz)

La connaissance de la séparation absolue entre le bien et le mal appartient au Créateur, et la créature ne peut participer à cette connaissance transcendante que dans sa dépendance.

La décadence originelle a suivi l’inobservance de l’ordre que Dieu a fait connaître à l’homme et ce fait, le Péché Originel, la Chute, est devenu un principe de connaissance pour la vie humaine. La Chute révèle la terrible conséquence de la liberté d’esprit qui, proclamant d’elle-même son propre bien, se détache de l’Etre. Et se séparer de Dieu n’est pas seulement un acte intime et personnel: c’est un détachement du bien et donc un acte social qui regarde aussi le prochain et le monde.

La négation de la chute humaine mène non seulement à ignorer l’évidence pourtant très claire quant à l’état de l’homme, mais aussi à la terrible contre-épreuve de sa décadence: le carnage révolutionnaire au nom de la bonté naturelle de l’homme. Partant de l’idée qui semble exalter la dignité humaine, on aboutit à l’horreur et à un enfer!

L’homme, avec cette morsure est resté contaminé et il est ainsi devenu potentiellement un loup pour ses semblables. La pomme d’Adam est restée pour l’homme, de tous temps, la source jamais tarie d’illusions et d’erreurs rampantes: du manichéisme au gnosticisme. En dérivent l’avidité de la puissance et la tentation de se libérer de l’ordre moral établi par Dieu. A la récupération de la volonté humaine avilie, se tourne

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la rédemption divine pour sauver les âmes. Et c’est de celle-là que dépend la paix ainsi que la justice dans ce monde.

La décadence de l’humanité a pour cause le désordre qui a suivi l’inobservance originelle de la Parole, mais aussi l’ignorance de ce principe. Il s’agit pourtant d’une connaissance et d’une observance que l’homme ne peut pas rejoindre par lui-même. Et voilà que Dieu vient à notre aide avec la Révélation dans laquelle se trouve le plan de la Rédemption qui nous rappelle le lien direct entre le Péché Originel et le Saint Sacrifice d’amour de Dieu.

Ainsi, la décadence actuelle a pour cause l’ignorance ou l’incroyance du Principe de l’Ordre, qui, régissant tout ordre, régit l’ordre de la con-science humaine. Ayant pour cause première le désordre originel, cette décadence a pour causes proches: l’ignorance et la déviation des principes. Avant de devenir une crise des valeurs, elle tient bien à un égarement des principes divins.

Le refus de la vérité sur la chute de l’homme en tant que cause des maux ici-bas et du Sacrifice rédempteur de Jésus pour nous racheter, ne sert pas à rendre la dignité à l’être humain, il ne guérit pas l’âme, il lui donne la mort. Si le signe de la croix était inutile, toute espérance de vie éternelle serait vaine et l’on s’agripperait à cette vie avec fureur; on penserait que tout est permis tant qu’elle dure, que toute chose laissée pour compte est perdue. Et ensuite? Le néant, l’obscurité.

Il est ahurissant de constater que justement la transmission de la con-naissance de l’événement crucial de la vie de l’humanité, le point de départ pour chaque jugement de la conscience humaine, c’est-à-dire le Péché originel, ait été ouvertement exclue de l’enseignement et de la culture modernes. Cet obscurcissement atteint l’identité chrétienne, mais pas seulement; toutes les consciences, perdent avec la méconnaissance du propre état déchu et celui de l’humanité, la possibilité d’en limiter les conséquences en soumettant la volonté des hommes au Décalogue divin.

Or on constate que la société actuelle, frustrée de son christianisme, se trouve dans un tourbillon de contradictions, dont elle ne peut surmonter sans remonter à leurs causes, et donc sans revenir aux principes de toujours. Ceux-ci sont de l'ordre de l'Etre; il s'agit des principes divins qui régissent les valeurs humaines, valeurs qui ne sont telles que parce qu'elles tirent leur force de ce qui transcende la nature de l'homme: son origine et sa fin dernière. C'est de ces principes divins, dont est essentiel

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le principe de la Chute originelle, que dérive la Loi naturelle, laquelle doit donc être reconnue comme fondement des législations et clef de l'ordre social. Mais son but est dans la Révélation, ce que Bonald appelait ‘la Constitution essentielle de l’humanité’.

Le fait le plus ahurissant, cependant, est que la transmission de la connaissance du principe du Salut et du Péché originel, point de départ pour chaque jugement de la conscience humaine et par là, pour l’ordre dans la société humaine, ait été insensiblement échangée contre la proclamation de l’absolu par rapport aux valeurs de dignité, liberté, fraternité et égalité, selon la culture moderne, au nom de l’Eglise catholique elle-même. Voilà qu’ayant transféré l’absolu des principes divins au relatif des valeurs humaines, une nouvelle classe de clercs a justifié l’esprit révolutionnaire en proclamant le droit universel d’ignorer et de désobéir à l’ordre divin, c’est-à-dire le droit public à la liberté de toutes les croyances ou d’athéisme. Une déclaration équivalente à la justification du vol du fruit défendu suivant l’esprit du non serviam:

“Vous ne mourrez pas! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal” (Gn 3, 5).

Le Péché originel conditionne toute l’histoire humaine; il est la matrice de la rébellion individuelle et de la révolution sociale. C’est ce qu’enseigne la Révélation. Le nier ou en minimiser la réalité, réduit l’Histoire à une séquence de faits incompréhensibles. Dans les temps modernes, la substitution de l’homme nouveau de la Révolution à l’idéal de l’homme nouveau chrétien, modèle de la société traditionnelle fondée sur les principes de l’Eglise, a provoqué une crise grandissante, non seulement de l’ordre social, mais aussi de l’Eglise militante.

Pour comprendre l’histoire moderne, y compris les événements contemporains, il faut savoir reconnaître l’influence des questions religieuses sur la politique. Méconnaître ce lien, où se noue précisément la grande crise actuelle, rend impossible de se défendre contre les duperies religieuses et du même coup contre les complots politiques et révolutionnaires qui en découlent. Quand on pense aux théologies de la libération ou, en remontant dans l’histoire, à la fausse réforme, qui a mené à la révolution illuministe, laquelle à son tour a engendré la révolution communiste!

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A l’épreuve des faits, toutes ces idéologies ont eu pour résultat de mettre en lumière ce qu’elles prétendaient nier, l’état déchu de l’homme, et ont démenti ce qu’elles voulaient démontrer, l’évolution naturelle de la conscience vers le bien.

Mais à l’épreuve de la déchéance de l’homme, qui pourtant était arrivé à crucifier son Sauveur-même, il manquait encore le fait culminant pour son Eglise: que la déclaration du droit d’élire sa propre religion et le culte de l’homme advînt dans le Lieu saint. Il ne manquait plus que la liberté religieuse fusse déclarée au nom du Rédempteur lui-même.

Une telle déclaration signifie l’auto-renonciation tacite de la majorité des clercs de l’Eglise: l’apostasie cléricale. Mais le fait que, la presque totalité des croyants continue à ignorer ou à nier cette déchéance des pasteurs de leur autorité divine, ne révèle-t-il pas l’apostasie générale?

La connaissance cruciale de la Révélation est le rapport de cause-à-effet entre le Péché originel et le mal sur Terre. Pour guérir cette déchéance et rétablir l’homme dans sa dignité de fils de Dieu, Jésus-Christ est mort crucifié; pour témoigner de cet amour de tous les temps et dans tous les lieux, Il a institué Son Eglise. Une église qui parle d’une autre dignité ne saurait être l’Eglise de Dieu, mais celle de l’ennemi.

Revenons donc aux données de la foi pour en comparer les termes aux idées révolutionnaires qui s’opposent à elle; spécialement à la mise à jour conciliaire qui en inverse le sens.

La Civilisation chrétienne s'est épanouie dans le passé et s'est étendue sur la terre dans la certitude partagée de cet ordre. Ses idéaux étaient et demeurent ordonnés à la hiérarchie des valeurs qui élevaient l'homme en l'orientant vers sa fin. Dans une telle civilisation les concepts de bien, de beau et de vrai, orientés vers l'éternité, élèvent les valeurs terrestres, transcendant les intérêts matériels et la sphère temporelle: ils appartiennent à l’ordre de la foi, régie par l'autorité divine.

Cette autorité est représentée par l'Eglise, dont les dignitaires ont pour premier devoir d’enseigner la Révélation et de défendre ses principes. L'abandon de cet enseignement est cause d'une grande ruine, y compris dans l'ordre temporel, en laissant alors prévaloir dans le monde l'esprit de rébellion qui susurre dans les consciences le non serviam métaphysique, le refus de se conformer à la Parole de Dieu.

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Un Dieu transcendant, c’est la réalité autour de laquelle gravite la pensée dans la Cité chrétienne. Et le concept de transcendance, de par sa nature, implique le mystère, qui ne signifie nullement abstraction, encore moins contradiction. S’il y a une pensée vitale pour tout homme, âme et corps réunis, c’est celle qui concerne le sens de la vie: en bref, son origine, son essence et sa fin. La vérité sur l’être humain, transcendant la vie matérielle, est mystérieuse. L’esprit humain, ne pouvant atteindre, par ses propres forces, la vérité d’une telle connaissance, va à sa recherche. Aspirant à la vérité, il a déjà trouvé une première réponse: il existe pour la vérité, il vit pour la vérité, il ne peut trouver son bonheur que dans la vérité. Mais sur le mystère de la Vérité absolue, seule la Religion l’éclaire: il appartient à Dieu de la lui révéler. Et pourtant, on a voulu une réinterprétation de la Révélation selon l’étude des langues, des formes, de l’histoire et des structures, toutes humaines.

Le primat de la vérité et de l'absolu, point de départ de la conscience, semble aujourd’hui une question dépassée, tel un rêve oublié. Mais le fait qu’elle ne peut être effacée, confirme le fait que nous sommes néanmoins immergés dans la vérité qui transcende l’esprit humain. En elle seule, tout peut être expliqué. Dans la Vérité est le Bien, le Beau et l'Amour qui vivifie tout. Puisqu’il y a la Vérité, il existe des vérités, puisqu’il y a l'Ordre il y a un univers ordonné, puisqu’il y a la Vie, il y a des vivants, puisqu’il y a le Bien, il y a du bon dans le créé.

Tout a sa raison d’être en Dieu. Et pourtant, on a cherché à réinterpréter l’idée de transcendance selon le progrès des sciences.

La foi et l’amour - La fin dernière de la pleine félicité et le moyen, l’inéluctable purification dans la douleur, sont les pôles de la pensée chrétienne. La foi peut assainir toute crise, mais elle n’est efficace que si elle produit une réponse de l’intelligence et de la volonté dans l’ordre de la Charité. "Distribuer tout ce qu’on possède et donner son corps aux flammes" n’est pas de la charité en soi: "cela ne me sert à rien, si je n’ai pas la Charité" (Cr 13, 3). On n’a pas la charité si l’on n’aime pas Dieu par dessus tout. Dieu est Vérité et Il veut la forme d'amour la plus élevée venant de l’intelligence et de la volonté.

Et pourtant, on fera de la charité une vertu toute humaine. La charité est amour de Dieu, propension de l’appétit au bien,

comme l’enseigne St Thomas (I, II, q. 26). Comment peut-on avoir la charité si l’on n’ordonne pas sa propre conscience vers le Bien?

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Et comment connaître le Bien sinon par la Foi? Lorsque l’amour humain choisit un bien en le préférant au Bien, au lieu d’aimer Dieu plus que tout, il se préfère soi-même, sa propre dignité; il aime sa propre idée du bien. Son coeur va à l’opposé du Bien; vers le désordre, au nom d’un faux amour. La charité, au contraire, jouit dans la vérité (I Cr 13, 5), même si cela nous dérange, car la Vérité est le Bien. Or la vérité la plus occultée à l’heure présente est celle du péché originel, ainsi que celle de la responsabilité et du devoir de chacun de surmonter le péché. C’est à cause du péché que Notre Seigneur est mort crucifié. Il n’y a pas de charité qui puisse faire abstraction de Sa Croix.

L’idée chrétienne est celle de l’homme nouveau dans le Christ, modèle constitutif de la Civilisation chrétienne. "Nous tous, baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés dans Sa mort" (Rm 6,3): la naissance, la volonté et la mort de chaque chrétien sont donc consacrées dans la Foi. La question de la volonté est centrale dans le plan du salut. La volonté est la faculté, propre aux créatures douées d’une âme spirituelle, qui leur permet de tendre au bien universel et pérenne reconnu par l’intelligence.

"Ce bien universel, qui est la félicité, devient l’objet de la volonté humaine. Celle-ci se met donc en œuvre, avec les autres facultés humaines, pour la réalisation d’une série d’actions qui ont pour base de départ la liberté humaine” (EC).

Le Notre Père est la première prière dans la Cité de Dieu, acte de vertu religieuse par laquelle nous prions que Son Règne arrive aussi sur la terre. Alors la Fraternité sera plus qu’un mot, la liberté sera inséparable de la responsabilité et l’intellect sera libre d’explorer tout le reste sans crainte révérencielle, ni limites mythologiques. C'est justement le mystère transcendant, existant même si nous ne comprenons pas chacun des sens de la vie réelle, à brandir l’abstraction. La responsabilité face à la vie, c'est de la vivre et pas de l’imaginer, de ne pas en rêver une autre dans un monde utopique de paix.

La Royauté de Jésus-Christ n’est pas originaire de ce monde, mais elle est sur ce monde, elle s’étend à tout ce qui concerne l’homme et sa vie sociale. La Royauté spirituelle n’exclut pas la société temporelle. Au contraire, elle l’inclut et l’anime, comme l’âme anime le corps, en donnant le sens et le but de sa vie.

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La conscience doit se laisser guider par la foi, vertu infusée par l’Esprit Saint, qui affermit l’entendement des hommes face au Bien absolu. La conscience doit reconnaître ce qui répugne au bien: le mal et le péché. La confession de la foi catholique part donc du constat de la conscience de l’état dégradé de l’homme aveuglé par le Péché. Et cette confession reconnaît la Royauté de Jésus-Christ et sa Loi sur toute la société humaine.

La dignité humaine originelle est pourtant exposée au risque de disparition depuis le Péché originel. Eloigné de la grâce de Dieu et privé de la lumière de la vérité, l’homme, pour éviter l’abîme ouvert par son désordre, a un besoin absolu de la Foi pour reconnaître le chemin qui mène au Bien. Le catholique est fidèle à l’Eglise, société des fidèles, non seulement en professant la Foi, mais en suivant son enseignement sur tout ce qui concerne la nature humaine, dans les questions spirituelles, mais aussi sur tout, des questions relevant de la philosophie jusqu’à l’économie, auxquelles l’Eglise applique ses principes catholiques. En elle, foi, espérance et charité sont unies, non par bigoterie mais en raison du péché, de la justice et de la fin dernière de la vie. L’homme, s’étant rendu indigne de demeurer dans le Paradis terrestre, cherche son rachat dans la Cité céleste dont l’Eglise catholique est la porte: union non des sentiments, mais dans la Foi intègre et pure, qui, pas plus que la distinction entre le bien et le mal, ne peut jamais être ‘modernisée’.

Le Plan divin pour l’ordre social consiste dans la responsabilisation des consciences face au divin Innocent Crucifié. Alors voici que la Civilisation Chrétienne, tournée vers le Ciel, améliore la Terre. C’est en elle que se trouve le sens des responsabilités qui prend soin de l’ordre et de l’autorité auxquels correspond l’obéissance, ordonnée à la justice et fondée sur des principes divins. C’est elle qui, ainsi orientée, confère dignité et richesse à la vie humaine, vie élevée par la foi et ordonnée à Dieu. C’est à Lui que "nous devons nous attacher comme au principe indéfectible vers lequel il faut toujours diriger notre volonté, car Il est notre fin ultime".

La contemplation de la nature, les sciences naturelles et sociales, les beaux arts, contrairement à l’utopisme, sont des activités naturellement chrétiennes imprimées dans l’âme immortelle qui survit au corps pour le réanimer dans le “nouveau ciel et la nouvelle terre... le tabernacle de Dieu avec les hommes” (Apl 21). Un tel habitat originel de l’homme se-

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rait le paradis terrestre, “où le Seigneur se promenait à l’heure de la brise” (Gn 3, 6). Telle est la vision chrétienne qui a conduit à édifier les cathédrales et les grandes oeuvres du passé dans un monde de guerre et de mort, où progressait le dialogue avec l’esprit du mal.

Le chrétien, en visant une Cité céleste, bâtit ici bas une société chrétienne qui est théocentrique. Le rebelle, en visant une utopie terrestre, bâtit le Babel centré sur le culte de l’Homme, qui deviendra le règne de l’Antichrist. Et toute l’histoire se déroule sous l'égide de l’opposition entre l’esprit fidèle à la Parole de Dieu et l’esprit du monde, qui la met en discussion et veut la révision de la Révélation, de tous les signes divins, de l’image-même de l’Eglise.

Le principe révélé du Bien et de la Justice est unique, comme celui de l’autorité et de l’ordre. De quel autre principe peuvent dériver les lois humaines? Les principes de justice regardent la nature de la véritable autorité, non seulement pour les âmes, mais aussi pour les sociétés, de tous temps et en tous lieux; ils transcendent l’ordre humain et déterminent une hiérarchie des valeurs. Ces principes révélés sont gardés sur terre dans une seule société voulue par Dieu: son Eglise, celle du Christ, gardienne des clefs de la Loi.

Le chrétien transmet à ses héritiers ce qu'il a acquis dans cette vie selon la conscience théocentrique, gardant les principes reçus, et défendant constamment la Religion contre les puissances mondaines qui s'y opposent; cette défense des principes est déjà en elle-même un principe.

Et pourtant, on propose la conciliation entre l’Eglise et le monde.

La Cité de Dieu est la demeure de la Grâce, Lieu saint qui conserve depuis toujours la vérité sur Dieu et sur l’homme. Elle n’est pas une allégorie, ni un objet de l’autre monde, mais une société parfaite, vivant dès maintenant dans la charité et dans les lois ordonnées au bien et au but ultime de l’homme. Sa loi ne supprime pas le pouvoir humain mais le règle: elle ordonne au bien la vie personnelle et sociale; elle ne dicte pas une politique, mais elle régit les principes de toute forme de gouvernement. Ces principes sont ceux qui forment la conscience et donc la justice humaine, même de ceux qui ignorent Jésus-Christ. L’opposition irréductible entre l’esprit du monde et la Loi divine provoque une lutte continuelle que l’Eglise affronte dans l’ordre de la Charité.

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L’identité de la Foi: L’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique est détentrice de l’autorité divine et se fonde sur la connaissance du bien et de la fin dernière de la vie humaine, ce qu’aucun autre pouvoir ne peut revendiquer. Cette connaissance est dans la Révélation qui, étant d’un ordre absolu, est le fondement d’un pouvoir absolu. Il s’en suit que la défense de la Foi par l’Eglise est la défense de ce qui est notre plus grand bien. Et parce que l’Eglise est maîtresse et guide du bien universel, la voie d’une sagesse non humaine mais révélée, chacune de ses crises entraîne celle de l’ordre et de l’autorité dans la société. Ses crises concernent tous les hommes; c’est pourquoi il est légitime d’attribuer l’actuel effondrement de l’autorité et de l’ordre à la crise connexe de l’Eglise catholique.

La Religion a toujours enseigné que l’homme doit être maître de lui-même, qu’il doit suivre et observer la loi qu’il a reçu d'en Haut, pour accueillir le bien, qui lui est extérieur et qu’il distingue mal. C’est à cette condition qu’il pourra influer sur le monde et l’améliorer.

Les idéologies disent, au contraire, que l’homme, naturellement bon, agissant pour améliorer le monde, s'améliore lui-même et fait progresser avec lui la société où il vit. De là ne vient que les révolutions, aussi nombreuses qu'elles soient, ont en commun le projet de faire prévaloir les transformations tirées de nouvelles interprétations de l’histoire et des Ecritures. Il a fallu que l’immanentisme moderniste place avant la justice divine une idée indéfinie de bonté humanitaire, faisant de la conscience humaine le juge de l’opportunité de la Loi, à cause de sa dignité inconditionnée. Et on occulte la croix par pitié.

Rien n’est pire que de confondre le mal et le bien, de prendre l’un pour l’autre en prétendant que c’est à la conscience seule de juger. C’est à partir de cette révolte des consciences que s’est développée la lente escalade de la révolte originelle.

Le dialogue du séducteur originel fut le prologue d’une histoire qui a pour épilogue le dialogue de l’Antichrist. "Je suis venu au nom de mon Père, et vous me rejetez; Qu’un autre vienne en son propre nom, vous le recevrez" (Jn 5, 43).

L’utopisme est son langage. Il faut donc avoir bien clair à l’esprit quel est le sens de l’espérance, de la dignité et du progrès de la connaissance pour le chrétien, parce que ces concepts seront renversés par une ‘nouvelle église’, montée de la terre pour baptiser la Révolution et justifier ses cris (cf. Apl 13,11) de liberté, égalité et fraternité.

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La Révolution est à l'humanité ce que la révolte est à l’individu: son esprit rend absolue la dignité humaine par laquelle on prétend tout justifier. Elle installe l’homme dans des illusions sur sa nature, niant sa responsabilité dans le mal, conséquence du péché originel.

Nous voilà bien désormais au noeud-même de la mentalité moderne: la négation implicite ou explicite de la nature déchue de l’être humain, position qui entraîne une aggravation ultérieure de sa décadence.

L’homme, dès lors, masque le fait du Péché avec l'idée du progrès humain indéfini, et impute le mal à des causes externes et aux pouvoirs qui limitent sa liberté.

Une mentalité anthropocentrique s’insinue donc à partir de l’esprit de rébellion contre le divin, et cette mentalité, qui se renforce dans sa durée, attise les autres révoltes et organise son domaine révolutionnaire dans la société en s’appuyant sur l’orgueil, l’envie et la sensualité enracinés dans l'homme. Et les hommes privés des principes formateurs de leur conscience religieuse, le sont aussi de leur conscience sociale. S’en suivirent guerres et révolutions ainsi qu’une pluralité d’impostures politiques et religieuses, même d’apparence chrétienne et même au nom de l’Eglise.

L’évolution de l’homme nouveau qui devait le rendre juge du bien et du mal, opérateur autonome du bien et donc capable d’atteindre le plus grand Bien, a donné des résultats tout opposés, comme l’ont montré les révolutions avec leurs cortèges de massacres de plus en plus étendus et d’éclatants échecs dans tous les domaines. Ceux-ci ont apporté les plus terribles démentis démonstratifs contre ceux qui niaient la Chute.

Et voilà que les hérésies des temps modernes sont chaque fois moins dogmatiques et doctorales: elles deviennent pragmatiques. Ce n’est plus la foi qui anime la pensée et qui règle la vie, mais c’est la vie-même qui va animer la pensée, devenant naturaliste, rationaliste, existentialiste et dictant une foi sociale. Ainsi l’hérésie devient une inversion de l’ordre mental, dans la pensée, pour instaurer un nouvel ordre mondial.

La première révolution protestante est devenue la référence qui permet de comprendre toutes les révolutions jusqu’à celles divulguées par Vatican II. Si le péché fondamental est l’orgueil du «vous serez comme des dieux», le concept fondamental au nom duquel se perpétue la rébellion à travers les siècles est celui d’une absolue dignité de l’homme, capable d’instaurer son propre bien.

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La dignité humaine absolutisée, vue comme un principe absolu est l’idée qui porte à nier les effets, pourtant si douloureusement actuels, du péché originel. Cette négation en implique plusieurs autres: celle de l’Eglise et de la conscience morale de tout homme, et dans tous les temps.

Or, si la méthode scientifique consiste en la vérification des faits qui se répètent dans les mêmes circonstances, rien n’est plus scientifique que la démonstration de l’incapacité innée de la personne humaine à toujours bien agir selon ce qu’elle croit bien et juste. Il n’y a jamais eu de sociétés humaines privées ni de normes morales ni du sens d’une déficience morale originelle propre, c’est-à-dire d’une chute originelle.

Le libre examen de Luther se différencia en s’opposant aux principes catholiques et, partant d’une révolte contre l'autorité de l’Eglise, il s’est propagé, comme une doctrine révolutionnaire, contre l'ordre social de la Chrétienté. Les révolutions religieuses, du protestantisme au modernisme, ont toujours consisté en une tentative de libérer les valeurs humaines de leurs principes fondateurs, et rendre les valeurs chrétiennes indépendantes de l’Eglise.

D’où l’idée que l’homme serait né bon mais aurait été perverti par la société. C’est le mythe du bon sauvage de J-J. Rousseau, qui mène à rechercher le bien par la révolte sociale pour restaurer l'homme libre et bon des l’origine, lequel en réalité n’est autre que le vieil homme de l’Evangile, l’homme non-racheté. Le mal est ainsi attribué au christianisme; et implicitement à Dieu-même. Le mot d'ordre devient ‘écrasez l'infâme’ selon l’odieuse expression de Voltaire.

La Révolution vise donc à détruire l'ordre chrétien, accusé d’être un noeud coulant des libertés humaines, et a comme objectif ultime de diriger elle-même les instances dirigeantes de l’Eglise catholique pour rééduquer les fidèles selon ses utopies évolutionnistes. A cette fin elle nourrit et utilise des idéologies en apparence opposées, comme celles du libéralisme et du communisme. Elle adopte aussi des valeurs chrétiennes. Seuls sont répudiés les principes transcendants qui sont les témoins de la conscience de tout être humain.

Tout changerait au cours de l’histoire, et le jugement sur le vrai et le bien pourrait être renversé par le progrès de la pensée. Les temps modernes ont ainsi vu l’évolution des libre penseurs religieux: de Luther jusqu’aux pasteurs conciliaires, dont l’aggiornamento veut adapter la Parole de Dieu aux besoins des temps.

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- Les antiprincipes de la Révolution -

L’essence du credo révolutionnaire réside dans la négation du credo chrétien, récusant la primauté de la Vérité et de l’Absolu. Et puisque la Cité terrestre s’édifie à partir d’idées et d’idéologies, fruits des changements sociaux, son nom et ses caractéristiques changent avec le temps et selon les modes. Changer est le premier mot de son code. Lorsque prévaut une notion pareille ou mieux une telle attitude, puisée à l’hypothèse de l’évolution portée au niveau d’un dogme, toute notion de vérité immuable et toute distinction entre le bien et le mal sont piétinées.

Et voilà que l’homme fut attiré par un autre message prétendant dominer son histoire: celui de la Révolution. Ce projet étant démolisseur, n’affirme rien de proprement nouveau, mais consiste plutôt en une distorsion du concept d’homme nouveau dans le Christ comme modèle pour la société, et en une déviation du sens des termes traditionnels comme ceux de vérité, d’autorité, de liberté, d’unité, d’ordre, de principes et de valeurs. Toutes ces notions doivent être modifiées, mises à jour, pour leur usage révolutionnaire en vue de l’avènement d’un admirable monde nouveau, dont le dogme est le progrès moderne.

La révolution protestante est décrite dans l’enc. Diuturnum illud de Léon XIII: "Ce fut de la Réforme qu’est née, au siècle dernier, la fausse philosophie, ce qu’on appelle le droit moderne, la souveraineté du peuple, et cette licence déchaînée sans laquelle beaucoup déjà ne savent plus distinguer la vraie liberté".

Le Protestantisme n’a pas nié le Péché originel; il en a changé le sens. Luther prétendait justifier l’homme déchu par la seule foi en négligeant son libre arbitre, mais, contradictoirement, en dressant la conscience humaine, arbitre et interprète de la Révélation, au dessus de l’autorité de l’Eglise. Il a ainsi élaboré une ‘foi’ qui se passe du dépositaire de la Révélation, laquelle tient d’elle son autorité, c’est-à-dire l’Eglise. C’est pourquoi Luther et ses continuateurs se sont toujours occupés de réviser les textes sacrés. Ceux qui n’étaient pas traduisibles dans leur foi furent réfutés. En revanche l’on réinterpréta les termes qui sont à la base de la crise actuelle: liberté, dignité, égalité, démocratie et œcuménisme.

“La fausse réforme alimenta le processus révolutionnaire avec la collaboration politique de ses chefs, raison pour laquelle on a pu dire que "la Révolution (en France) ne fut qu’une revanche de la Réforme",

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selon La Tour du Pin, cité par J. Ousset (Pour qu'Il règne, CLC, p.197), qui ajoute: "Ils y coopérèrent indirectement par l’intermédiaire des philosophes et des sociétés de pensée qu’ils avaient préalablement pervertis et qui se chargèrent à leur tour de porter partout la confusion. Que l’on pense au seul Rousseau et à l’influence qu’il exerça sur la Révolution et les révolutionnaires.

Le démocratisme protestant n’est pas accidentel mais inhérent à la "réforme" de Luther, véritable détournement du pouvoir de l’Eglise et donc de l’autorité divine, perpétré de la façon la plus sournoise: en la déposant au nom de la volonté populaire, comme si elle n’était qu’une opinion parmi les autres.

L’hérésie est toujours liée à une politique pour dominer les hommes. L’idée démocratique protestante fut exaltée au rang d’idéal religieux.

Parmi d’autres, Cromwell l’invoqua pour faire décapiter le roi Charles. "Les initiateurs de la démocratie au XVIIeme siècle en Angleterre, a-t-on écrit, furent les anabaptistes, les indépendants et finalement les Quakers. Et ceci, non pas simplement du fait qu’ils s’étaient attachés plus littéralement et qu’ils avaient accordé plus d’importance à la doctrine du sacerdoce de tous les croyants, mais parce qu’ils avaient insisté sur le principe que leurs congrégations devraient se gouverner elles-mêmes... " (A. D. Lindsay, The Church and Democracy, cit. J. Ousset, ib. p. 197). “La démocratie fut donc pour eux une institution religieuse”, idées ressassées par Vatican II.

Les conséquences du principe du libre examen dans la religion de Luther ne se limitent pas aux questions religieuses. La raison, qui se rend souveraine dans la religion, le devient aussi face à toutes les autorités. Comme le Protestantisme s’est émancipé de l’Eglise, la Philosophie s’est émancipée de la Révélation et la Politique s’est émancipée du Droit naturel. L’hérésie protestante était, en réalité, une doctrine révolutionnaire dans la société. C’était l’émancipation de l’homme face à l’autorité divine qui a engendré toutes les révolutions. L’hérésie, qui est un crime contre la Foi, se révèle aussi comme un très grave délit social.

La décadence de l’esprit de foi. “En lisant l’histoire on ne comprend pas comment... la Suède, la Norvège et le Danemark, au XVIième siècle, purent glisser, d’un moment à l’autre, de la profession entière et tranquille de la Foi catholique à une hérésie ouverte et formelle, et cela presque imperceptiblement. Quelle est la raison d’un aussi grand

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désastre? Quand la Foi vint à sombrer dans ces pays, elle ne dépassait déjà plus, dans l’ensemble des âmes, les formules extérieures répétées sans amour et sans conviction. La sève ne circulait déjà plus, depuis longtemps, dans les feuilles ni dans le tronc. L’esprit de Foi n’existait déjà plus dans ces régions” (Mgr Castro-Mayer, Lettre pastorale, Campos, Brésil, 1953, cit. Jean Ousset ib. p. 212). A ce point il a suffi que quelques princes apostasient pour entraîner avec eux tout un peuple.

Et la situation n’était pas différente avec les ‘chefs conciliaires’; il a suffi de la fausse obédience des évêques pour dévier toute la Chrétienté.

La révolution du libre examen est partie précisément du refus de l’idée de l’ordre terrestre instauré selon un dessein divin. Il n’y a pas un ordre ni une loi naturelle qui puisse prétendre d’être loi légitime sans passer par le crible de la volonté populaire. Les enseignements de l’Eglise sur la vérité, le péché, la justification, l’autorité, etc., devraient donc aussi être réinterprétés selon l’opinion publique du temps. C’est le noyau de la réforme sociale protestante suivie de guerres, de révolutions et de diverses duperies politiques d’allure chrétienne, jusqu’au modernisme, lequel étant vecteur de toutes les idéologies, est une arme pointée contre le coeur de l’Eglise. Son protestantisme est plus dangereux que celui de la Réforme, car il n’est pas explosif, mais viral. Il possède un aiguillon propre à inoculer le venin (cf. Apl 9, 5) de la mutation de l’identité de l’obéissance chrétienne. Et le modernisme de Vatican II mit au goût du jour l’idée d’ordre social chrétien en une inspiration, parmi d’autres, pour un nouvel ordre de la démocratie universelle.

La révolution de l’illuminisme est celle par laquelle l’homme, s’aliénant la conscience de sa nature déchue et de son obscurité morale, prétend s’éclairer lui-même et se donner sa propre norme du bien. Comme si la nature imparfaite pouvait se donner d’elle-même une loi parfaite! Pour l’illuminisme, la mentalité religieuse serait une réaction infantile, une peur de l’obscurité qui s’invente des lumières et des signes divins. Ce rationalisme, faisant étalage de sa vision scientifique, se livre à des sophismes sur la peur humaine devant l’inconnu. Mais l’obscurité sur la condition humaine est un fait. Qui nie ce fait devrait expliquer l’origine, le sens et la fin dernière de la vie. Confondant l’inquiétude face à l’inconnu avec l’ignorance, on prend l’effet pour la cause.

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C’est ce que nous verrons ici en nous référant à des questions vitales de la Religion et de la philosophie. Mais l’on doit tout de suite dire que les raisons révolutionnaires tirent leur force de leur capacité à exploiter la faiblesse humaine de chaque moment historique grâce à leur mimétisme, en se présentant comme lumière supérieure d’un nouveau savoir scientifique. En vérité l’illuminisme, fondé sur un faux savoir, plus initiatique qu’encyclopédique, a pris grâce au snobisme et à la peur des hommes de passer pour ignorants.

Mais la sagesse était plutôt de prévoir les désastres que cette contrefaçon culturelle allait entraîner avec ses concepts fourvoyants.

Les maîtres de la pensée moderne ont réussi à imposer leurs utopies séductrices, nées de sophismes, comme une foi nouvelle s’adressant à des consciences matures, mais qui s’adressent en réalité à ceux qui considèrent la foi comme un vide de savoir, la charité comme un stade de la solidarité sociale, l’Eglise comme une assemblée chargée de l’animation de la conscience collective, qui ne devrait invoquer rien de moins que la nécessité d’une organisation des religions unies.

Renouvelant ainsi certains concepts protestants, ils sont parvenus au but qu’ils visaient: un utopisme chrétien. Dans leur optique la transcendance ne serait plus qu’un cône d'ombre à éclairer; les valeurs chrétiennes, des ingrédients sociaux à organiser; l’autorité des principes et la hiérarchie des valeurs, des concepts à démocratiser; et l’ordre traditionnel, un résidu à mettre à jour conformément au dynamisme moderne. Du même coup s’absolutise la règle équitable et se relativise la défense de la vie, de la moralité; plus encore, du sens-même de la justice, de la morale et de la vie.

Ces idées révolutionnaires s’étaient déjà manifestées avec le modernisme, ayant dans son programme l’adaptation religieuse: la Révélation ne serait donc pas source de l’autorité pour guider l’homme vers son bien, mais une sorte de récolte historique des formulations de la mentalité primitive. L’homme nouveau chrétien ne serait plus le modèle de l’homme racheté par la Grâce, mais d’une révolution sociale non violente; et le christianisme ne serait plus le fondement d’une civilisation étendue à tout le domaine humain, mais une tentative de justice sociale selon les temps: c’est ce que le sociologisme de Vatican II devait actualiser.

Une liberté chaotique suit l’avancée de cette vision du monde. Partant de l’idée que la conception essentielle de l’homme, de sa nature,

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de son état présent et de sa fin dernière, devrait être revue selon la mentalité de chaque époque, il ne s’agirait plus d’une connaissance, ni véritable et ni encore moins essentielle. Les notions se flétrissent, considérées comme des opinions contingentes. Mais le pire est que cette mentalité progressiste sous-entend que la société humaine pourrait exister et être dirigée sans les notions de sa finalité, transcendant l’ordre matériel. Autrement dit, que la vie sociale peut se réaliser sans un but qui aille plus loin que la survivance individuelle, une subsistance qui est donc mise avant l’existence; la vie est ainsi réduite à la jouissance et à la consommation d’elle-même, l’éternité est assimilée au périssable, le transcendant est absorbé dans l’immanent et le moyen est pris pour la fin. Mais, "La vie ne vaut-elle pas davantage que la nourriture et le corps, plus que le vêtement?" (Mt 6, 25). Le fait est que l’idée révolutionnaire de l’homme privé de sa fin surnaturelle porte à tuer et à mourir pour le pain, qui est un moyen de subsistance ordonné à la vie.

Christianisme et Révolution sont les deux voies divergentes de la vie personnelle et sociale qui se présentent. D’un côté celle qui mène à l'édification des personnes sous la loi de Dieu; de l'autre la voie large des tromperies, des fables et des mythes, qu’aujourd’hui on appelle idéologies et utopies. L'ordre chrétien requiert l'homme nouveau qui, selon les Saintes Ecritures est né rebelle, mais renaît en Jésus-Christ. L'idée révolutionnaire suscite la contestation de tout ordre et de toute valeur stable. La Chrétienté fut attaquée avec violence au cours des siècles et surtout par la Révolution française et celles qui l’ont suivie. Mais les principes chrétiens étaient tellement enracinés chez les peuples que le catholicisme a résisté à la chute des derniers Etats catholiques qui ont suivi les deux guerres mondiales de ce siècle, et à la révolution communiste. Aujourd’hui il s’agit d’une attaque virale contre la foi.

Le détachement des principes - C’est ce que nous allons voir en examinant plusieurs passages des documents conciliaires. Mais il est utile de prendre dès maintenant quelques exemples: de la fraternité; du chrétien anonyme; du Christianisme civilisateur; de la conscience.

On y parle de la valeur de la fraternité, sans mentionner la Foi Trinitaire, on y parle de l’accessoire en laissant de côté le principal; l’on admet que l’union humaine puisse la déterminer; alors que pour la pensée catholique la fraternité ne peut procéder que d’un Père commun, le Père de N. S. Jésus-Christ, duquel toute la paternité, au Ciel et sur la terre, prend son nom (Eph 3, 14-15). Celui qui omet cette origine favorise alors ll’idée de fraternité naturelle au détriment de celle surnaturelle. Ou

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bien l’on cherche une idée différente de la fraternité où il n’est plus question de père?

Le ‘chrétien anonyme’ est une autre idée, qui pour un catholique ne peut être vraie que si elle signifie que toute âme est ‘chrétienne’, même sans le savoir ou le proclamer (testimonium animæ naturaliter christianæ). Mais il s’agit alors d’une ‘valeur naturelle’, d’un ‘talent’ donné à toutes les âmes ayant soif de la vérité divine. Leur principe toutefois est le lien divin, c’est-à-dire la réponse à Dieu: l’usage du ‘talent’ qui lui fut confié et qui servira de mesure pour le jugement final (Mt 25, 14). S’il est ‘anonyme’ il démontre un degré d’ignorance de ce que l’on peut être et c’est cela qui doit être corrigé par l’instruction religieuse; mais, s’il s’agit là d’un refus de la volonté de donner une réponse religieuse à ce qui est inséré dans la conscience, cela porte à un état de l’âme aliéné de la propre responsabilité de l’être humain.

Christianisme civilisateur? Le Christianisme comprend les questions sociales et culturelles de la civilisation, non pour s’identifier à elles, mais pour les ordonner dans leur finalité. La Doctrine sociale de l’Eglise n’a jamais été, ni ne pourrait être un programme social comme les autres. Il est clair, en effet, que ces questions trouvent leur harmonie dans l’ordre de la foi et de la charité chrétiennes. Il s’agit d’amener les hommes à leur fin dernière, sans oublier les préoccupations d’ordre terrestre. Et en effet, l’abaissement de la foi chrétienne, tel que nous l’avons décrit, flétrit la civilisation dans la mesure-même ou l’on perd de vue la finalité de la vie humaine, vérité qui ne peut être abolie, mais seulement abandonnée. Le principe des valeurs chrétiennes est la Religion Chrétienne. L’idée d’avoir celles-là sans celle-ci constitue une rupture aussi religieuse que rationnelle et qui se répercute dans la vie familiale et sociale.

La conscience doit d’abord connaître pour pouvoir répondre à Dieu. St Thomas considère la conscience comme un acte, dans l’application d’une connaissance: “le mot conscience signifie le fait de se référer à une connaissance, de telle sorte que dire que l’on connaît revient à dire que l’on sait. La conscience psychologique estime si un acte peut être accompli, la conscience morale, si une action est ou non correcte (De Veritate, Q.21, a.I). Par conséquent, la première comporte un jugement d’existence, la seconde un jugement de valeur et sa mise en œuvre dépend de la vertu morale de prudence. Et cela précède la simple pensée telle qu’elle existe dans la conscience humaine. Donc nous pouvons dire

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que le précepte divin le plus oublié aujourd’hui est que l’on doit penser comme on croit pour ne pas finir par croire comme on pense.

Clef de tant d’énigmes, parole de tant d’intelligences et destins, c’est le précepte que l’on doit vivre comme on pense, autrement l’on finit, tôt ou tard, par penser comme on a vécu. Ce concept a été conçu par l’écrivain Paul Bourget en vue d’exprimer, à travers le personnage Savignan de son livre “Le démon du midi”, le problème moderne que le modernisme a fait exploser dans le monde catholique et qui est aujourd’hui amplifié d’une manière inimaginable à cause de Vatican II.

Pourquoi donc? Pour la raison que ce ne fut pas seulement la pensée traditionnelle qui soit tordue par cette monstrueuse erreur, mais la logique, ordonnée par la préséance «hiérarchique» naturelle du passé sur le futur, de l’ordre précédent sur le suivant, de ce qui a été à ce qui sera, de l’être au devenir. Mais attention, c’est une question qui précède celle qui nous impose de vivre comme l’on pense. Il s’agit du procès de la conscience indiquant que le fait de croire précède celui de penser. Dans la rupture de cet ordre de la pensée, l’on piétine aussi l’ordre moral.

Les idées révolutionnaires suivent le sens contraire: de la préséance de la praxis et de l’existence sur l’être. Et elles semblent à présent avoir accompli entièrement, en cette fin de siècle, leur parcours vers la démolition de la Chrétienté. La stratégie adoptée dans le postcommunisme, en substituant aux méthodes violentes les moyens culturels, fait que la Révolution prenne l’aspect d’une utopie constructive, dévoyant ainsi ce qui reste de la société chrétienne. Mais cela arrive parce que sont tombées les défenses catholiques devant la nouvelle tactique qui consiste en la fusion idéale des deux cités. Ce qui est inconcevable pour la pensée chrétienne, consciente de l’opposition irréductible entre l’amour de Dieu et l’amour de soi, devient un programme œcuménique.

C’est le grand révisionnisme qui, admettant la révolution humaniste, porte à l’apostasie générale.

En fait, jusqu’à la fin des années '50, les papes condamneront les divers processus révolutionnaires, parmi lesquels le modernisme, pour sa nature intrinsèquement perverse, et précisément parce que son esprit démontre une inimitié mortelle envers l’esprit chrétien, et par conséquent envers la vérité et le bien de l'homme. Cet esprit révolutionnaire, cause directe d'horreurs épouvantables dues à son

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inhumanité intrinsèque, a été signalé par Pie XII (discours à l'ACI du 12.X.52):

"Il se trouve partout et parmi tous; il sait être violent et sournois. Dans les derniers siècles il a taché d’opérer la désagrégation intellectuelle, morale et sociale de l'unité dans l'organisme mystérieux du Christ. Il a voulu la nature sans la grâce; la raison sans la foi; la liberté sans l'autorité; parfois aussi l'autorité sans la liberté. C’est un 'ennemi' devenu toujours plus concret, avec un manque de scrupules qui nous laisse étonné: Christ oui, Eglise non. Après: Dieu oui, Christ non. Finalement le cri impie: Dieu est mort; plus encore: Dieu n’a jamais été. Et voilà la tentative d’édifier la structure du monde sur des bases que Nous n’hésitons pas à indiquer comme les principales responsables de ce qui menace l’humanité: une économie sans Dieu, un droit sans Dieu, une politique sans Dieu.

Pie XII jugeait alors déjà le processus révolutionnaire si avancé qu'il était vain, pour le retenir, "d’aller à son encontre pour l’arrêter et l’empêcher de semer la ruine et la mort", Mais que l’on devait plutôt "surveiller, prêcher et se prodiguer afin que le loup n’envahisse pas la bergerie pour rapiner et disperser le troupeau".

Après sa mort, l’esprit révolutionnaire prit insensiblement possession du Vatican. Ceci s'est manifesté par des initiatives pastorales successives d'ouverture au monde, et dans les déclarations, contraires à celles des papes, qui reconnurent au processus révolutionnaire civil et religieux un généreux désir d'oeuvrer pour la fraternité universelle.

Une hiérarchie ecclésiastique piégée par la révolution? Puisque le premier devoir de la hiérarchie catholique est de préserver

la Foi, de défendre la conscience chrétienne contre les erreurs, si cette hiérarchie avait continué de s'opposer au modernisme, la révolution n'aurait pu subvertir le monde catholique pour en arriver à une diffusion universelle. Mais la Révolution, à travers le modernisme conciliaire, renverse les principes divins de la Religion révélée et passe à la séduction des consciences, justement sous les apparences d’autorité catholique. Il revient donc aux fidèles de reconnaître sa marque satanique.

Une révolution conciliaire? Les propres discours de la hiérarchie conciliaire révèlent la réalité du fait, sombre et terrible. Les membres de cette hiérarchie sont les mêmes qui, depuis la mort de Pie XII, et d'une manière non pas occasionnelle mais courante, se sont plu à reconnaître

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aux révolutions un idéal généreux et à Luther une profonde religiosité, contredisant l’enseignement papal, et à tenir les fruits de la Révolution - les persécutions, les génocides et la déchristianisation générale - comme de simples accidents résultant d'erreurs humaines, et non pas comme inhérente au processus révolutionnaire.

On prétendent même que la solidarité révolutionnaire fait avancer le monde vers un nouvel ordre de justice et de paix, de progrès et de développement qui ressortit à la dignité humaine, issue de l’universelle inspiration chrétienne que le monde a recueillie des catholiques.

Catholiques ou modernistes? C’est par la dégradation universelle de l’autorité et de l'ordre, que le fidèle peut identifier la crise qui a son ori-gine dans la demeure sacrée où est gardée la Parole de Dieu, l'Eglise catholique c'est-à-dire universelle.

On ne peut approfondir un problème aussi crucial, aboutissement de tout un parcours historique, seulement à partir de simples opinions, mais uniquement en suivant les enseignements qui nous ont été transmis par les Pères de la Sainte Eglise. On va donc s’en appeler au Magistère, et spécialement à celui de Saint Pie X. Une fois examinées leurs descriptions du modernisme, la question apparaît bien résolue. De fait, les modernistes, correspondant aujourd'hui à une classe d’innovateurs cléricaux, parce qu'ils sont en opposition avec la doctrine catholique, ne sont pas catholiques.

Le problème est que ceux-ci peuvent aujourd'hui soutenir avec raison que ce qu'ils professent a été avalisé par Vatican II et par les papes con-ciliaires qui suivirent, dans leur orientation religieuse modifiée et ac-tualisée. Seraient en revanche hors de l'Eglise ceux qui, au nom de la Tradition, refusent l’évolution de la religion qu'avait condamné St Pie X dans Lamentabili (58): la prétention que "la vérité n'est plus immuable par rapport à l’homme puisqu'elle évolue en lui, par lui et avec lui".

Il s’agit essentiellement d’une révolution sémantique. Cette formule révèle l’évolutionnisme, l’immanentisme et l’anthropocentrisme, en un mot "l’athéisme clérical". Et elle apparaît très représentative de l’aggiornamento moderniste de Vatican II.

Ici on se propose de vérifier, plus que des hérésies voilées, le langage qui répète les termes de la tentation originelle pour rendre définitive la mutation génétique dans la conscience humaine: de sa nature - anthro-pocentrique, au lieu de théocentrique; de son état - autonome, au lieu de sa dépendance envers la connaissance du bien et du mal; de son but - évolutif, vers la libération de chaque lien, au lieu du rachat de la dignité

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en tant que fils de Dieu. Une telle métamorphose sert à grossir les lé-gions de l’esprit rebelle, prince de ce monde (Jn 14, 30), avec une soli-darité humaine dans les termes d’un nouvel ordre révolutionnaire: - par la volonté générale au détriment de la Loi naturelle; - par l’égalité de toutes les religions, au mépris de la Foi; - par de culte de l’homme au lieu du Culte de Dieu.

Dans ce travail on commencera par vérifier comment cette révolution sémantique de Vatican II va s’appliquer: à Révélation divine, dans la Dei Verbum, à la Cité de Dieu dans la constitution pastorale Gaudium et spes; et à la liberté de la conscience par rapport à la religion, dans la déclaration Dignitatis humanae. La teneur de cette révolution sera vé-rifiée ici à travers l’interprétation de leurs auteurs dans les document post-conciliaires: Populorum progressio, Octogesima adveniens, Re-demptor hominis et Tertio millennio adveniente.

Il faudra donc commencer par expliquer ce qu’on entend par révolu-tion sémantique et l’opposition métaphysique entre la Cité de Dieu et la cité du monde, de l’utopisme, qui n’est pas une spéculation abstraite mais une rupture avec l’ordre naturel, et finalement d’un utopisme spé-cifique qui est le modernisme: “égout collecteur de toutes les hérésies”; l’hérésie sociale qui recycle toutes les autres.

La Hiérarchie de Vatican II, ‘par sa réforme subversive de toute la doctrine catholique de vingt siècles... en transplantant un coeur mort dans l’Eglise... en renonçant aux définitions dogmatiques et en réinterprétant toute la Doctrine Catholique, a joué de façon téméraire la ruine (sans remède) de son prestige, en se privant elle-même de chaque droit que l’Eglise, après avoir été victime d’une colossale imposture doctrinale, se croit obligée de se fier encore à de tels pasteurs, qui ont prévariqué dans la Foi et imposé, jusqu’à une hérésie catéchistique... vrai massacre des innocents!’ (P. Clemente Bellucco, Taccuino di Appunti, Stra, Venise, 1971).

Est-il encore obscur l’endroit où se manifeste le mystère de l’iniquité? La rébellion finale contre l’autorité de Dieu se manifeste à l’endroit où a été réalisée Son œuvre de rédemption de la première ré-bellion: dans Son Eglise. Et voilà le mystère d’iniquité, qui était contenu par le pouvoir divin de la Papauté. Le modernisme, avec sa démocratie ecclésiale, atteignant le but d’humaniser l’autorité divine de l’Eglise, a évincé sa suprême défense. Ainsi l’esprit d’humanisation totale peut au-jourd’hui opérer dans le silence de l’apostasie générale parce qu’il

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provient d’un sommet clérical; sa manifestation coïncide avec l’absence du suprême défenseur de la Foi.

Le pouvoir qui empêchait l’iniquité d’introduire le mensonge dans le Lieu saint (2Ts 2, 4) est désormais abusé par la promotion de l’iniquité.

Le fait était évité par l’Eglise, mais il n’était pas obscur qu’il se serait réalisé dans l’Eglise et en rapport avec l’autorité qui détient le pouvoir pour l’empêcher, mais qui, à un certain moment, serait écarté. La disparition de celui qui avait le pouvoir des clés pour retenir l’action de l’Impie correspond à cette présence. Une absence correspondante à une présence dans le même lieu, indique un pouvoir qui coïncide en apparence avec le vrai, pour ceux qui se sont voués à l’erreur, faute d’avoir ouvert leur cœur à l’amour de la vérité qui les aurait sauvés (ib. 2, 7).

Comment reconnaître ce pouvoir inversé, mais déguisé ? Parce qu’il prêche la dignité absolue de l’homme en ignorant le

rapport crucial de cause-à-effet entre le Péché originel et le déicide, entre la Révolution et le besoin de l’autorité vicaire de Dieu sur Terre pour l’enchaîner. Le mystère d'iniquité se dévoilera par la tentative de concilier ces pouvoirs opposés: la pistis, la foi théandrique suscitée de Dieu dans l’homme, et la gnosis, des croyances déistes sur une connaissance que l’homme peut avoir de la vie, du monde et de l’autorité de Dieu-même.

Il y aurait équivalence entre conscience et Révélation. ‘Chaque homme a en soi la théologie’, a écrit Erasme; toutes les vérités de la foi sont déjà contenues dans la conscience de l'homme - affirme le moderniste Tyrrel dans ‘Through Scylla and Charybdis’. Et voilà la phrase sournoise de Jean XIII, sur laquelle s’est basé Vatican II: ad rectam conscientiae suae normam. “Dieu, alors, ne communiquerait plus à l'homme les vérités surnaturelles au moyen de la Révélation. C’est l'homme qui le découvre en lui-même" (De Corte, 'La grande Eresia'). C’est la ‘nouvelle conscience conciliaire’ de Jean-Paul II.

Et voilà que l’initiation maçonnique et satanique est dans le Vatican même*. Le trompeur primordial a réussi à franchir le seuil de l’Eglise et à former dans la tromperie sa pastorale et ses pasteurs au nom du ‘bien’ d’être ‘comme des dieux’ et... Là où fut institué le siège du bienheureux Pierre, et la Chaire de la Vérité, pour éclairer tous les gens, là ils ont posé le trône de leur abomination dans l’impiété: en sorte que le pasteur étant frappé, le troupeau soit dispersé (Léon XIII, Exorcisme).

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* Voir ‘Simple Lettre’ (38470 Serre-Nerpol, n° 105), avec les témoignages de l’archevêque Milingo et du R. Père Malachi Martin: ‘The New American’, n.12 (9.6.97), ‘The Catholic Church in crisis’, p. 39-41.

1 - L'utopisme: un idéalisme aliéné La Lettre encyclique Acerbo nimis de S. S. Pie X, sur l’enseignement

de la Doctrine chrétienne nous fait comprendre l’origine de la crise re-ligieuse de notre temps: “En effet, l'homme ennemi rôde depuis long-temps autour de ce troupeau et lui tend des embûches avec la ruse la plus ingénieuse, de sorte que maintenant plus que jamais, semble se vérifier ce que prédisait l'Apôtre aux vieillards de l'Eglise d'Ephèse (Act 20, 29): «je sais que des loups dévorants entreront chez vous, qu’ils n’épargneront pas le troupeau». Quiconque est zélé pour la gloire divine cherche les causes de cette crise religieuse […] l'ignorance des choses divines, la cause de l'affaiblissement actuel et de la débilité des âmes et des maux si graves qui s'ensuivent. Cela s'accorde pleinement avec ce que Dieu lui-même a dit par le Prophète Osée: «Et la science de Dieu n'est plus sur la terre. Le blasphème, le mensonge, l’homicide, le vol, l'adultère ont débordé et le sang a touché le sang. C’est pourquoi la terre pleurera et tout homme qui l'habite sera débilité» (Os, 4,1)”.

“Ignorance: son étendue, sa nature. - Et, en vérité, à notre époque tous se plaignent de ce que, parmi le peuple chrétien tant d'hommes ignorent profondément les vérités nécessaires au salut, et ces plaintes, hélas! ne sont pas illégitimes. Quand Nous parlons du peuple chrétien, Nous ne parlons pas seulement du peuple ou des hommes de classes inférieures qui trop souvent trouvent une excuse dans le fait que, obéissant à des maîtres durs, ils peuvent à peine penser à eux-mêmes et à leurs affaires; mais Nous parlons aussi et surtout de ceux qui, ne manquant point d'intelligence et de culture, sont bien pourvus d’érudition profane, et néanmoins en ce qui concerne la religion, vivent d'une existence on ne peut plus téméraire et imprudente. Il est difficile de dire les ténèbres épaisses où ils sont parfois plongés, et où, ce qui est plus triste, ils demeurent tranquillement enveloppés!

“De Dieu souverain auteur et modérateur de toutes choses, de la sagesse de la foi chrétienne, ils n'ont cure.”

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On peut donc placer la question de la crise humaine en relation avec la connaissance des choses divines et de sa gardienne, qui a reçu l’autorité pour les enseigner: l’Eglise de Jésus-Christ. A ce point il y a un double aspect de l’ignorance: celui de l’indifférence des multitudes face à la foi immuable de l’Eglise, qui va jusqu’à l’apostasie; et celui de la malice des pasteurs, qui va jusqu’aux hérésies pour réécrire la Religion. Les deux choses, étroitement liées, sont à la racine de l’anti-Eglise, dont la doctrine, étant changeante selon les temps, est mensongère et déviante.

La fausse connaissance ne pouvant s’appuyer sur l’Etre, va se référer aux fables et aux utopies humaines. Nous rappellerons ici en termes de bon sens la nature de la vie de notre âme: ce dont elle se nourrit, quel est son habitat naturel, quelle est son activité et le but de son existence.

Et la Voix de Dieu se manifeste dans la conscience humaine, qui est la norme prochaine de l’action des hommes. Quand cette conscience s’applique au culte de Dieu, qui est le bien et la vérité absolus, elle œuvre pour la Cité céleste. C'est le contraire qui se passe lorsque la conscience s'applique à son propre culte et c'est alors qu’elle engendre une autre cité, centrée sur l'homme dont la connaissance, n'étant pas transcendante mais immanente, se donne une règle de vie à son goût et recherche une liberté non pas selon la vérité, mais selon ses propres illusions et ses propres utopies. Elle pense que tout ce qu’elle découvre est le fruit de son invention et elle en déduit une théorie de l’évolution de la conscience humaine dont la maturité la rendrait capable de distinguer en pleine autonomie le bien du mal.

Il faut rappeler les concepts essentiels sur le rapport entre la conscience, la société humaine et l’Eglise. La première est la norme proche de l’action humaine, la deuxième est son champ d’action et la troisième est sa référence au modèle de comportement pour l’édification de sa vie ordonnée en direction de son but ultime.

Les gouvernements des sociétés sont doublement liés aux consciences, étant donné que les hommes sont leurs sujets et objets. En effet, il n’y a pas de direction de vie personnelle ou sociale qui soit étrangère à un modèle de conscience. On peut résumer la question du vrai gouvernement des hommes au modèle de citoyen pour édifier la cité. Le nom à appliquer au modèle pour l’édification de la cité des hommes, à l’image de la Cité de Dieu c’est l’homme nouveau; comme l’a enseigné le Seigneur. L’Eglise a toujours considéré comme sa mission, celle de former l’homme spirituel et de cette façon, établir le fondement solide de la société. L’Eglise, qui a la vision de l’éternité, la considère

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essentielle, car cela lui a été confié par la Providence, comme l’insiste Pie XII dans son enc. Humani Generis.

“La construction progressive de la Cité de Dieu est donc le grand œuvre, commencé lors de la création, incessamment poursuivi depuis, et qui donne son sens à l’histoire universelle.” (Etienne Gilson).

Et voilà alors où se placent les deux mentalités de vie opposées. Il va de soi que pour le chrétien, il n’y a qu’un seul homme nouveau: celui modelé à l’imitation de Jésus-Christ. Mais le plan des révolutions de tous les temps est de changer cet homme nouveau selon les époques. D’un côté nous avons donc le croyant en la Norme universelle révélée par Dieu, de l’autre, la mentalité qui fait du pluralisme des normes sa liberté. Une telle mentalité, imbue de contradictions et de fables profanes, ne répète la Parole divine que pour l’altérer (1Tm 4, 7).

La puissance divine se révèle à la conscience de l’homme, non pas avec la vertigineuse énergie par laquelle Dieu créa de rien l’univers, mais comme connaissance du vrai et du bien pour comprendre la Volonté qui est Amour absolu. L’accomplissement du plan voulu par Dieu est confié à la charité des hommes, qui sont libres dans leur esprit, créés à l’image et ressemblance de Dieu, mais déréglés par le péché. Nos premiers pères la comprirent mal et commencèrent l’aventure terrestre, le vrai bien devenant le retour des âmes à Dieu.

Jadis, Dieu imprima dans la conscience d’Adam son bien suprême: le sceau divin qui attire à la contemplation de la Vérité et au Bien. Mais Il donna aussi à l’homme ce pouvoir sur le monde qui rend semblable à Dieu, qu’Adam prit pour son meilleur bien. Lui, vivant dans la lumière de la grâce, aurait dû aimer Dieu de tout son coeur. Mais, manquant à la charité, sa foi et son espérance s’affaiblirent. C’est pourquoi la Loi divine avait été imprimée dans sa conscience, signe nécessaire de la vérité pour le retour au Père qui, pour cela, suscite dans les âmes de bonne volonté la vertu de la foi: le pouvoir qui déplace des montagnes.

La Vie est dans l’esprit: si le corps était son propre principe vital, si la source de la vie était dans la matière, comment pourrait-on expliquer la naissance et la mort, liées à la présence ou à l’absence d’une cause immatérielle. La clef, l’explication de la vie et des miracles dans le monde est la primauté de l’âme sur le corps, de l’esprit sur la matière.

L’âme, à l’image et à la ressemblance de l’Esprit de Dieu, est comme la matrice du corps, lui donnant forme et vie dans l’ordre matériel et enregistrant pour toujours les développements de l’intellect et de la

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volonté: ces deux facultés constituant l’essence de la personne humaine; les termes de la responsabilité personnelle; elle est à la fois le sujet et l’objet du Salut.

De quoi se nourrit donc l’âme humaine? Jésus nous l’apprend: “L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort

de la bouche de Dieu” (Mt, 4, 4; Lc 4, 4). Et voilà que l’homme vit de la Vérité et pour la Vérité, et l’ennemi qui veut dominer l’homme et l’arracher à son habitat doit surtout manifester la Parole de Dieu.

Mais quel serait l’habitat de l’âme humaine? “Comme le cerf aspire aux sources d’eau, ainsi mon âme Te désire, o

Dieu. Mon âme a soif du Dieu vivant: quand pourrai-je comparaître devant Dieu? (Ps 41, 2-4). L’âme humaine a besoin de respirer dans l’atmosphère où elle est née. Elle ne vit pleinement que sous le rayonnement de l’amour de Dieu transcendant, pour y connaître la vérité de son Verbe, pour ordonner son être aux principes de sa Loi, y trouver la liberté et le bonheur pour lesquels elle existe.

L’arbre de la connaissance du bien et du mal: "Dans la conception chrétienne qui affirme que Dieu est le bien suprême, l’origine première des êtres, le mal n’est pas pour lui-même une réalité, ni une simple privation, mais une privation qualifiée, autrement dit l’absence d’une perfection due" (Encyclopédie Catholique, au mot: mal, par Cornelio Fabro).

Parce que la Vérité est, les vérités sont; mais pour le mal il n’en est pas de même, car il n’est que la négation du bien. Au commencement, le mal fut susurré comme une possibilité pour la créature d’éprouver l’autonomie à l’égard du Créateur. Mais, ayant mordu dans le fruit défendu de l’arbre du bien et du mal, la pensée fut bouleversée par la confusion entre le bien et le mal. C’était l’unique interdiction imposée par Dieu à Adam et Eve et c’est précisément sur elle que se fixa l’esprit humain jusqu’à la transgresser. C’est ainsi que la vision de la Vérité en resta mutilée. L’homme aurait pu participer à l’harmonie du pouvoir créateur s’il était resté dans la Vérité, mais, compte tenu du rejet de l’amour filial né dans son esprit à l’enseigne de la soif de pouvoir il se voulut émancipé du Créateur et sa volonté est restée, ainsi que son progrès, impliquée dans le mal.

Le Péché originel a éloigné l’âme de la lumière de Dieu, mais Dieu, pour ne pas perdre cette âme, a entrepris de l’éclairer par la Révélation.

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Celle-ci fut alors confiée au peuple élu pour la témoigner, puis à l’Eglise, née du Rédempteur, Lumière du monde.

L’Eglise, qui est fondée sur sa Loi, est la Citadelle de la Vérité, refuge pour les consciences face aux erreurs du monde.

Dans le plan de Dieu l’homme fut créé pour L’aimer, en cultivant et en gardant volontairement la Création, représentée par le jardin, qui est le monde et le lieu où il vit. Un plan de perfectionnement humain et terrestre soumis à la connaissance du bien et du mal et qui nécessairement appartient à Celui qui sait tout. Mais aujourd’hui la question de la faute originelle fait objet de révisionnisme selon la psychologie moderne au nom-même de la doctrine chrétienne. Et voilà que les hommes ont voulu créer leurs cités, leurs babels et leurs utopies, pour être comme des dieux; un procès qui est surtout d’ordre mental.

Ce qui précède paraît de nos jours abstrait, mais c’est là justement la tragédie: la réalité cruciale de la vie humaine, qui nous pénètre comme le sang, est celle de la chute humaine requérant un rachat divin. Si le Péché originel était une invention, et si l’homme était naturellement bon, le mal sur terre ne serait pas dû à la déviation de la volonté humaine. Mais étant donné que tout a une cause, ici la cause du mal, de la mort, de la souffrance, des maladies, des révolutions et des guerres, cette cause serait imputable à l’échec divin à éviter le mal.

Voilà la prémisse de l’athéisme. Voilà le problème de l’ignorance humaine: de son état déchu et du plan divin de son rachat.

L’être humain est un apprenti par nature: il doit apprendre pour se perfectionner et pouvoir cultiver et garder le monde. Il en fut ainsi dès le commencement, mais la suite fut infiniment plus difficile après sa rébellion originelle. Depuis son enfance jusqu’à sa mort l’homme a besoin d’apprendre pour comprendre. Mais il est libre de le faire et même dans la manière de le faire. D’ailleurs, la qualité de sa vie matérielle et spirituelle est consécutive à l’acquisition de connaissances, ou à l’opposé, de son état d’ignorance. Et comme la connaissance lui est extérieure et appartient à un monde spirituel, ne touchant pas les sens, il a besoin d’un pédagogue qui le guide. D’autre part, l’homme est en quelque sorte au carrefour des mondes spirituel et matériel et de cela dépend en grande partie le cours de la vie sur terre. L’homme a donc le pouvoir d’induire son harmonie ou sa destruction. Et tout cela est lié à la domination du monde de sa conscience. Il y a donc un pouvoir inframatériel qui vise à la possession des consciences pour la

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domination du monde. Et son action aura la forme d’une pédagogie en vue d’une connaissance visant à ce résultat.

Un carrefour philosophique : Saint Augustin vs Descartes Tout cela va avoir un parcours mental qui, partant du naturalisme,

arrivera au modernisme conciliaire. Et l’utopie finale sera l’union de la Cité de Dieu avec le Babel humain.

Le deux cités décrites par St Augustin ne sont pas des allégories mais deux conceptions, absolument distinctes, résultant de deux mentalités irréductiblement opposées: l'une est représentée par la Chrétienté, l'autre par le monde dominé par la Révolution. Chacune de ces conceptions a sa propre mission: la première, celle d'appeler les hommes à se convertir et à restaurer une création déréglée par le péché; la seconde, celle de libérer les habitants et les valeurs du premier des principes divins: l'une et l'autre engagent la volonté humaine; les personnes peuvent, dans leur conscience, passer d'une cité à l'autre, mais la nature métaphysique de ces deux cités est éternelle et leur opposition irréductible.

Les principes formateurs de la conscience, dont s’inspire la Chrétienté, seront donc ici rappelés, en vue de mieux reconnaître les anti-principes de la Révolution et de garder présente l’opposition métaphysique qui les distingue. l’ordre des principes divins est celui des Clefs de la Vérité et de la Vie, à l’opposé de celui de la massue et de la terreur, le désordre de Caïn.

Mais attention, parce que ce nouvel ordre qui se veut indépendant des principes divins, se présente avec les mêmes buts de bonheur, de bien, d’union, de progrès, de liberté et d’amour. Et sa version religieuse renvoie à l’image de Dieu dans l’homme. C’est pourtant un dieu immanent, bon pour toutes les conceptions religieuses. Et la révélation dans l’image du Christ est la révélation de l’homme qui doit prendre conscience aujourd’hui de sa dignité divine. Voilà l’itinéraire d’une nouvelle ‘initiation religieuse’ qu’il faut vérifier pour comprendre la révolution du modernisme et de ses prophètes conciliaires.

L’image de Dieu dans l’esprit humain. Saint Augustin, dans ‘La Cité de Dieu’, retrace à grands traits la théologie de l’histoire à la lumière de la Sainte Trinité divine. La triple question universelle au sujet de chaque créature: Qui l’a faite? Par quoi et pourquoi? trouve une correspondance dans les trois parties de l’étude de la philosophie, qui furent appelées: Physique, Logique et Ethique. Non pas que les

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philosophes ont voulu établir ces trois parties: naturelle, rationnelle et morale, dans l’étude de la sagesse, mais plutôt qu’ils les ont observées. “Trois choses concourent aussi à l’œuvre de tout artisan: la nature, la doctrine, l’usage. La nature se fait apprécier par l’esprit, la doctrine par le savoir, l’usage par le fruit”.

“XXVI. En nous aussi, il est en vérité une image de Dieu, c’est-à-dire de cette souveraine Trinité. […] En effet, nous sommes, et nous savons que nous sommes, et cet être et cette connaissance, nous les aimons. Nous n’atteignons pas ces trois choses comme des réalités extérieures, par quelques sens corporel... nous les considérons dans notre pensée, nous les conservons dans notre mémoire et par elles nous sommes excités à désirer les choses elles-mêmes. Mais pour moi, le fait que je suis, que je le connais, que je l’aime, est absolument certain, à l’abri de toute illusion de l’imagination, due aux fantômes ou aux souvenirs.

On trouve ici les premières images augustiniennes de la Trinité, qui sont les termes qui constituent l’opération de la conscience humaine. D’abord mens, notitia, amor; puis intelligentia, memoria, voluntas.

Les premiers verbes de la vie spirituelle - être, connaître, aimer - Pour l’esprit ‘être’ signifie ‘connaître’ et s’aimer soi-même, et ainsi se constituer un moi, une personne (ST I, Q.77, a.1, ad 1). Et voilà le texte de St Augustin, base pour la culture occidentale (De Civitate Dei XI, 26):

“Si je me trompe, je suis. En cette triple assurance, je ne redoute aucun des arguments des académiciens me disant: Quoi! et si tu te trompais! Car si je me trompe, je suis. Qui n'existe pas, certes ne peut pas non plus se tromper; par suite, si je me trompe, c'est que je suis. Du moment donc que je suis si je me trompe, comment me tromper en croyant que je suis, quand il est certain que je suis si je me trompe!

Puisque donc j'existais en me trompant, même si je me trompais, sans aucun doute, je ne me trompe pas, sachant que j'existe. De même en disant: Je sais que je me connais, je ne me trompe pas non plus, car c’est de la même manière que je connais mon existence et que je sais aussi que je me connais. Et quand j'aime ces deux choses, j'ajoute cet amour-même comme un troisième fait qui n’est pas de moindre valeur. Car je ne me trompe pas sur la réalité de mon amour, puisque je ne me trompe pas sur les réalités que j'aime. Seraient-elles fausses, d'ailleurs, il serait vrai que j’aime des choses fausses. Et quelle raison aurait-on en effet pour me blâmer justement et m’interdire d'aimer des choses fausses, s’il était faux que je les aime? Mais ces choses étant vraies et

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certaines, l'amour même qui les fait aimer est lui aussi vrai et certain: comment en douter? Aussi bien, il n'est personne qui ne veuille être, comme il n'est personne qui ne veuille être heureux: Comment être heureux en effet, si l'on n'est pas?

Admettre l’erreur, porte directement à l’être que l’on est. Seulement après avoir pris conscience de l’être-moi j’ai reconnu m’être connu, c’est-à-dire j’ai connu mon connaître-même. Et voilà qu’avant le ‘je suis’ vient le ‘croire’, même s’il est imparfait : l’expérience de l’Etre. “La foi est la réalité des choses qu’on attend; la certitude des choses qu’on ne voit pas” (Heb 11, 1).

La perte du centre mental - La caractéristique des temps modernes est le passage du primat de la ‘pistis’ à celui de la ‘gnosis’, du primat du croire à celui du penser, de St Augustin à Descartes, de la foi à l’utopie.

"Descartes, voulant donner plus de précision et de clarté au raisonnement de St Augustin, va irrémédiablement l’abîmer. Son raisonnement fait le parcours inverse. Avec le doute méthodique toutes les évidences naturelles sont suspendues. Mais du doute- même on ne peut douter: je ne peut douter que je doute. Mais si je doute, je pense. Cogito ergo sum, qui serait traduit plus correctement par ‘je pense donc j’existe’ et non: donc je ‘suis’; puisque ce que Descartes atteint à la fin de son discours - more geometrico - n’est pas l’Etre, mais la simple existence. Le fait existentiel de l’erreur, qui consiste dans le désaccord avec la réalité, porte St Augustin d’emblée à l’Etre du ‘je suis’. Le fait logique du doute, qui consiste à ne s’appuyer sur aucune réalité, porte Descartes au règne de la pensée pure d’où il déduit l’existence d’un sujet pensant comme condition de la pensée (Figura)."

Descartes a ouvert la porte au règne de la Raison désincarnée, de l’existence indépendante de l’Etre, de la raison élevée à la divinité: et voilà la déesse d’une révolution sanguinaire à laquelle sera rendu un culte officié par des clercs apostats. Conscient ou inconscient de ce qu’il a opéré dans le champ philosophique, Descartes a instauré ainsi le cours de la pensée qui aurait porté à la pédagogie antichrétienne par excellence, au vous serez comme des dieux en version moderne; pédagogie pastorale qui à présent, avec l’anthropocentrisme de Vatican II, assume un genre de religion au culte de l’homme.

Quid est veritas? La question de Pilate devant Jésus, qui revient par la bouche des athées et des agnostiques de tous les temps, se place dans les

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consciences et trouve sa première réponse dans le code indélébile qui, commun à tous les hommes, nous précède et nous transcende, indiquant la direction du bien et du mal. Et si cette lumière est là, c’est parce qu’elle y a été placée, elle appartient à l’ordre de l’Etre. On est libre de suivre d’autres idées, indifférentes à la séparation entre le bien et le mal, entre la voie du retour à Dieu et la fuite prométhéique dans l’aventure des utopies. Mais ce que l’intelligence ne peut trouver c’est la conciliation entre le bien et le mal, le vrai et le faux, le Christianisme et la Révolution: qui est justement la chimère moderniste et conciliaire.

Or, on a parlé ici des questions qui sont essentielles pour la vie mentale de l’homme. Ce qui est ahurissant aujourd’hui c’est que toutes ces choses ne comptent plus pour la pensée générale. Il y a une inversion sémantique du sens de la vie et de la religion; la première devant définir la deuxième. C’est le déisme: des idées humaines sur Dieu, sur la vérité et sur le bien. Et l’homme ne pensant plus comme il croit, passe à penser comme il vit; il fait de la praxis son évangile. C’est l’écroulement de toute autorité objective. Tout comme le serpent qui, attiré par son propre mouvement va mordre sa queue, cet homme immergé dans l’idée d’exister va dévorer son existence. C’est la grande rupture mentale de l’humanité contemporaine; c’est ‘l’homme contre lui-même’, qui met en péril de mort son intelligence, son salut et son éternité.

L'idée de centre et la notion de responsabilité. Le centre implique un lien, un point autour duquel on peut librement tourner, ce qui ne signifie donc pas l’autonomie. La responsabilité implique de répondre à un ordre supérieur. Dans l'ordre moral, la réponse doit se conformer au lien objectif de la norme morale, que l'on doit connaître et vouloir respecter. De même dans l'ordre juridique, la réponse dépend de l'intention de la loi et de la détermination volitive du sujet à y conformer ses actes. La responsabilité représente par conséquent une liberté ordonnée: une réponse à un centre qui représente l'ordre supérieur.

Or la responsabilité personnelle de l’homme doit se rapporter au centre-même de cet ordre naturel qu'est l’Etre. Et puisque c'est une réponse, la responsabilité dépend de la conscience de sa propre situation et de sa liberté, et par conséquent de la volonté propre. On peut donc dire que la responsabilité est définie à la fois par un lien et une liberté, qu’elle est exprimable par la phrase: je veux ce que je dois: je dois accepter les conditions naturelles, le centre auquel je suis lié; je veux lui

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répondre à l’intérieur de l’ordre des fins que je reconnais être mon bien propre et le bien universel.

L'Eglise propose comme exemple de cette réponse chrétienne les Saints. La jeune Thérèse de l'Enfant Jésus, devenue patronne des missions, sans être jamais sortie de son Carmel, par la simple offrande à Dieu de tous ses sacrifices quotidiens, en est un cas lumineux. Tout aussi extraordinaire est le cas de Fatima, où la Sainte Vierge, après avoir fait voir l’enfer à trois petits pâtres de 7, 8 et 10 ans, leur expliquant que ces âmes étaient perdues parce que personne n'avait prié pour elles, obtint de ces enfants une responsabilisation active: ils offrirent tous leurs sacrifices pour sauver les âmes, dans cette communion universelle des âmes qu'est l’Eglise. L'admirable Jacinthe mourut dès l’âge de dix ans, offrant sa vie pour les pauvres pécheurs. C'est la réponse à l’appel de Dieu qui fut celle de tous les Saints, prompts à se sacrifier, non pour une vague philanthropie humaine, mais dans la contemplation du divin Crucifié.

La rupture de la responsabilité se produit donc, soit par la non-acceptation d'être lié au Bien, soit dans le refus de répondre à son centre, dont le sujet se prétend dès lors autonome. Elle consiste ainsi en une auto-élection de son centre, comme si la vie ne suivait pas une norme ordonnée à une fin, comme si l’homme pouvait répondre au Bien sans lutter contre ses vices; comme si l'homme pouvait répondre de soi et de ses semblables, se rendre autocentrique, sans sortir de l'équilibre universel. Il s'ensuit donc que l’homme, faute de se donner un autre centre, perd alors la propre clef de son être et la société perd un membre conscient du bien commun, qu'aucun collectif humanitaire ne pourra plus responsabiliser en dehors de la liberté ordonnée à sa fin.

L'aliénation de l’homme occidental contemporain est analysée dans l’essai de Marcel De Corte "L'homme contre lui-même" (Nouvelles Editions Latines, Paris, 1962). Le philosophe catholique y dresse le diagnostic de la mentalité rationaliste, prosternée dans l’adoration de ses concepts de liberté, d'égalité, d'évolution, de démocratie. Dans un monde progressiste, il ose se proclamer réactionnaire parce que: si le retour à la santé réside dans une réaction contre la maladie, il va de soi que seule la réaction peut nous sauver.

Il faut, expliquait-il, une philosophie qui ne soit pas une construction artificielle, ésotérique et pédantesque, un jargon accessible aux seuls initiés qui ont perdu le sens des vérités simples, originelles,

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élémentaires. Une philosophie qui soit une science des évidences fondamentales de la vie. Identique le diagnostic, identique la conclusion; les maladies de l’homme proviennent du refus de son unité organique: la restauration de son salut ontologique et moral implique un retour à son état, celui d'un esprit incarné dans un corps. Cela est dit parce que l'expérience prouve abondamment que l’homme moderne ignore ses maux et le chemin pour y échapper. Or selon le mot d'Hippocrate, natura malorum remedium demonstrat: l’homme doit se réconcilier avec lui-même.

La déconsidération du bon sens est le résultat auquel ont conduit les attaques effrontées et non réprimées du mensonge et des erreurs en tous domaines. La pensée de nos contemporains en souffre dorénavant, elle, dont la faculté cognitive est ordonnée à reconnaître la vérité pour orienter l'être humain à sa fin. - S'il est vrai que notre intelligence est la faculté d'appréhender le réel, le bon sens coïncide avec l’intuition de la réalité humaine authentique, que chacun de nous est appelé à perfectionner en soi par ses actes. En cela, comme le dit Bossuet, le bon sens est le maître de la vie de l’homme... Il est la pointe de diamant de l’intelligence, cette pointe qui prend dans la réalité sa vigueur et son dynamisme et les distribue à l’intelligence qui recherche son objet, lui transmettant force et sens du réel... Ses antennes pointées sur la réalité sont aussi des artères qui l'unissent à l’univers".

Le bon sens nous fait connaître que les constituants du réel sont organiquement distribués, et que la multiplicité de leurs aspects s'ordonne hiérarchiquement à une unité centrale qui la commande. Bien différent est le rationalisme qui vise à remplacer l’homme antique et limité par un homme nouveau, capable de triompher de la condition humaine.

L'idée du progrès indéfini de l’homme, vision d'une humanité divinisée, dans le cadre d'une évolution de la matière vers l’esprit est l’erreur à laquelle aboutit, soit le protestantisme, soit son opposé, la théorie du bon sauvage de J-J. Rousseau, selon laquelle l’homme est bon, mais seule la société le rend mauvais. “Le point de convergence de cette apothéose est la pensée de Teilhard de Chardin."

L'histoire comme opposition entre liberté et fatalité est le concept qu'exprime Michelet lorsqu'il écrit: "Grand XVIIIème siècle qui a fondé la liberté sur l'affranchissement de l’esprit, jusque là lié par la chair, lié par

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le principe matériel de la double incarnation théologique et politique, sacerdotale et royale; siècle de l’esprit qui abolit les dieux de chair dans l’Etat, dans la religion, en sorte qu'il n'y eût plus d'idoles, et qu'il n'y eût de dieux que Dieu".

La vie dans les cités entièrement construites par l’homme (nouveau rationaliste) se caractérise, non seulement par la rupture des liens qui le reliaient à la nature, mais par la rationalisation de tous les liens naturels et surnaturels. - Le fait est que l’amour abstrait s'est emparé de beaucoup de mentalités chrétiennes et a réduit à l’inaction l'amour concret pour le prochain, en chair et en os. Il est indubitable qu'une certaine intelligentsia chrétienne, au centre de ses pensées et de son amour, n'a que des abstractions: le peuple, le prolétariat, la démocratie, l'évolution sociale, pour ne pas parler de révolution générale de l’univers transformé en noosphère, marchant vers un point Omega qui serait Dieu.. On se croit ainsi exonéré des exigences de l'amour parce que l’on aime le peuple, la démocratie, la classe ouvrière; on se convainc que c'est là le véritable christianisme, la charité authentique. Le chrétien traditionnel n'a jamais aimé une abstraction, ni un ouvrier ‘en tant que membre de la classe ouvrière’. Mais il peut aimer ‘cet ouvrier’ particulier... pour le simple fait qu'il le connaît. L'utopiste en revanche, n’aime que la cité idéale et le citoyen parfait qu'il a idéalisé pour la ville qu'il veut édifier.

Les deux démocraties - La démocratie classique, système politique de choix populaire des gouvernements, subsiste encore dans quelques démocraties locales, restreintes. Ce sont des régimes pratiques et bénéfiques dans le mesure où l’activité des citoyens s'y déploie dans les limites de l’expérience concrète qu'ils ont des hommes et des choses dont ils décident, parce que l’intelligence, les sentiments et l'âme y restent en contact avec la réalité qu'ils appréhendent selon un mode vital, et qui permet de discerner immédiatement le vrai du faux, d'assumer ses propres responsabilités. La démocratie de masse, au contraire, s'avère être la cause fondamentale des transformations de la vie et des schismes actuels, en attribuant au citoyen une compétence qui surpasse continuellement les limites de ses connaissances effectives, et qui n'est soutenue par aucun lien vivant avec la réalité. Elle remplace la minorité créatrice par d'autres minorités qui s'imposent par le sophisme de

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l’idéologie et avec la violence des passions; elle sépare l’homme du réel et le projette dans l’imaginaire, elle déresponsabilise les consciences.

Les civilisations ne meurent pas sous le choc des barbaries extérieures, mais sous l’effet de la décomposition interne qui s'appelle la barbarie de l’âme. Barbare signifie étranger, et la barbarie de l’âme est l’introduction en soi d'un élément inhumain qui fait exploser les limites de l’humain: une aliénation au niveau des consciences.

L'homme d'aujourd'hui a rompu le pacte avec la réalité. De Corte explique que nos ancêtres n'éprouvaient pas du tout le besoin de rechercher quelle était leur place dans le monde: ils l’occupaient et cela suffisait. Ils vivaient leur relation avec l’univers. Comme des arbres vigoureux, ils enfonçaient leurs racines dans la terre féconde du réel et y trouvaient leur nourriture. Mais les philosophes modernes, considérant le problème de la relation entre l’homme et le monde, sont arrivés à une conclusion simpliste: - la conscience est malheureuse dans le monde parce qu'elle est par nature libre, alors que le monde ne l’est pas. Il suffira donc de changer le monde selon les impératifs de la conscience, pour que celle-ci y trouve bonheur et félicité... Constatant une fracture entre l’homme et le monde, ils proposent comme remède d'augmenter justement cette fracture.

L'intelligence humaine n'est vraiment elle-même que dans la mesure où elle s'articule à la sensation, et une métaphysique sans physique n'est qu'un jeu intellectuel, comme le fini est pour l’homme la condition nécessaire à la connaissance de l’infini. Le bon sens apparaît donc comme étroitement connexe au fait d'être soi-même. Et le Philosophe catholique rappelle que les Grecs tout particulièrement ont reconnu une telle signification au bon sens. La maxime connais-toi toi-même, gravée dans le marbre du temple de Delphes, leur rappelait de se reconnaître hommes, êtres limités par leur propre nature; une nature ordonnée à une fin.

La proclamation des droits de l’homme. Une question politique? Il s'agit de bien autre chose; il s'agit de la séparation radicale de la raison humaine dans ses rapports avec la chair qui l’emprisonne, et du bon sens qui unit l’un à l’autre. Le rationalisme est une révolte contre le bon sens, en tant que ce dernier indique aux constituants de la nature humaine incarnée leur finalité interne réciproque, et qu'il dirige les connaissances et l’action de l’homme vers une fin externe adaptée à leurs possibilités.

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C'est justement à partir de l'époque de Michelet que le bon sens, attaqué de toutes parts, est entré en situation de crise permanente. L’abstrait tendant à cacher toujours davantage le concret, sous l’action des deux grands despotes de la propagande sociale que sont les politiciens et les intellectuels.

Marcel De Corte voit alors naître un nouveau type d'homme qui élimine l’homme de bon sens de la scène de l’histoire. Et il explique que si l’on considère avec un peu d'attention le cours de ses pensées et de ses actes, on est frappé par son caractère autocentrique. Alors que le bon sens est hétérocentrique, c'est-à-dire suppose d'aller droit vers une fin qui ne dépend ni de notre intelligence ni de notre liberté, mais est en quelque sorte constitutive de notre nature. Et pourtant, cet homme nouveau centre tout son comportement sur soi-même.

L'idole unique que l’homme puisse substituer à Dieu c’est le Moi, tel est le fait qui permet de comprendre l’essence-même de la vie moderne: l’idolâtrie du collectif, sur le plan politique comme sur le plan économique. Et la multiplicité des idoles est simplement l’expression de la capacité de métamorphose infinie d’un "Moi protéiforme", affiné à l’idée du collectif.

Qu'est ce que le Moi, sinon le résultat de la rupture de tous les liens unissant l’homme au monde et servant d'intermédiaire avec la présence du réel? Et le Professeur explique que l'homme réduit à son Moi a coupé l'artère qui le reliait à la réalité, et au principe de toute réalité: il s'est pour toujours vidé du sang qui le nourrissait; il s'est débarrassé de tout ce qui le faisait exister. Et il conclut que c'est une grosse farce de prétendre que le Moi n'a pas besoin des autres: au contraire, le Moi vampirise le sang de l’idée de l’autre. Le moi idolâtre la collectivité parce qu'elle coïncide avec lui; il l’adore parce qu'il s'adore. Et voilà qu’il serait donc absurde de parler d'irreligiosité contemporaine. Car la vie actuelle, guidée par les philosophies modernes, est dominée par le mythe du moi qui s'est fait dieu.

L'examen que le Philosophe catholique fait des philosophes modernes, de Hegel à Sartre, révèle que leur conception de l’homme est celle d'un être mutilé, privé de sa capacité d'adaptation au monde qui s'appelle vie, réduit à l’esprit, à la pensée technique, au pour soi. L'homme, chez ces philosophes, n'est jamais un être organique dont les facultés de connaître, d'expérimenter, d'aimer, de penser et d'agir

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fonctionnent articulées les unes aux autres, mais un être désincarné, réduit à la pensée, un pur esprit, une intelligence confondue avec les entrailles, une conscience de soi incapable de maintenir la vivante communion des éléments qui le composent.

L’histoire de cette rébellion philosophique, de cette immense aspiration à la déité, est décrite comme la prodigieuse autosuffisance et idolâtrie de soi, inaugurée par le cogito cartésien, intronisée par la raison kantienne, exhaussée par l'esprit hégélien, magnifiée dans l’homme de Feuerbach et incarnée par Marx dans le communisme, dans lequel l’homme se retourne vers soi-même et se reconnaît ‘pour la plus haute divinité’. Voilà l’idée qui ‘s'est propagée dans l’humanité comme un éclair, avec la diffusion des lumières, par l'enseignement de masse, et avec la prolifération de la classe intellectuelle, dont la pensée est exposée par le Professeur De Corte comme une philosophie d’eunuques, avec toutes les compensations dialectiques et imaginaires qu'un tel état réclame. Comment alors s'étonner que l’homme se soit séparé du monde dès lors qu'il l’est de lui-même. L'homme moderne se sent dans un monde sans âme, parce qu'il est sans âme; son divorce d'avec la réalité, qu'il croit être sa liberté, est précédé d'une scission dans la propre unité de son être.

La liberté humaine est la meilleure ou la pire des choses, ainsi décrite: elle est la santé qui s'épanouit ou la maladie qui dessèche, le développement ou la contraction, la paix ou la guerre: un Janus. Il est donc indubitable que la liberté enclenche son cycle d'évolution pathologique quand l’esprit s'abstrait du champ des relations, du réseau des artères et des veines, des racines et des canaux qui nous relient à nous-mêmes et au monde.

Le rapport qui nous lie à nous-mêmes et dont la majeure partie des hommes semble avoir perdu le sens, est donc examiné par notre auteur, qui explique l’inutilité de vouloir le représenter avant de le vivre. Logiquement antérieur à sa représentation intellectuelle, il en est la présence: tout comme la réalité d'un être précède son image reproduite dans son miroir; la présence de notre être à nous-mêmes est la condition préliminaire de tout ce que nous puissions penser. Il est donc absurde de prétendre se penser avant d'être: en ce sens, le cogito cartésien, s’il veut être plus qu'un énoncé théorique, aboutit à un symptôme d'égarement, de névrose... il implique déjà le processus de désincarnation, par lequel l'homme sort librement de lui même pour se dédoubler.

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Et c'est alors, lorsque des hommes engendrent mentalement des monstres, qu'il deviennent des incubes pour la société.

Où est la vraie liberté? Dans la conformité avec l’Etre. Donc, plus l’homme est présent à soi et refuse la scission intérieure, plus il découvre son accord avec la réalité et plus il la considère comme un point d'appui, au lieu d'une ennemie ou d'un obstacle. Obéissance à l'être et liberté sont exactement la même chose. Obéir et être libre deviennent synonymes, à partir du moment où le moi accepte d’être homme.

La liberté est une renonciation à l'autonomie, au pouvoir de l’homme de se donner sa propre loi, au pouvoir de dire Je. L'homme devient lui-même quand il cesse de dire Je. Ce qui importe est de garder cela présent à l’esprit, et de s'approcher de la liberté le plus possible, à travers une amoureuse attention au réel. La vraie Liberté est au delà des possibilités humaines: elle est dans la Vérité. La vérité vous rend libres.

Seul Dieu rend l’homme libre. Mais cet enseignement religieux fondamental qui, d'après ce que l’on vient de voir, trouve sa vérification rationnelle et psychologique, est très exactement ce que l’on a voulu ignorer à notre époque... au nom de la Religion.

Une liberté pathologique se traduit par la tendance caractéristique à changer, à démolir, à abattre les hiérarchies, à imposer ses propres idées au nom de la liberté, en particulier par l’égalitarisme - résultat de l’alliance entre l’abstraction de l’imaginaire, ennemi de toute différence, et le moi, qui constitue la partie la plus mesquine de l'âme -. La conséquence de la liberté malade est le phénomène destructif suivant lequel les éléments du corps social, unis dans leurs rapports organiques, perdent leur capacité d'échanges mutuels, pour se juxtaposer, former des grumeaux, des tas, constituant ce qu'on appelle aujourd'hui l’avent des masses... Mais la masse n'est pas quelque chose qui existe: elle est purement et simplement un devenir, le passage de l’existence humaine à sa négation. La liberté de l’homme est toujours ambivalente, elle s'affirme et se nie toute seule; son destin est d'affirmer la relation de l’esprit à l'être dans lequel il s'incarne et au monde dans lequel nous sommes, et non de couper ce rapport et de désorganiser l’homme et le monde, en libérant l’esprit de tout lien vivant.

L’avent de l’utopisme se vérifie donc quand l’intelligence inverse son mouvement naturel vers la réalité pour soumettre la réalité à ses représentations mentales. Alors elle doit s'attendre à la contradiction

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dans tous les domaines et à un monde à l’envers, comme l’explique Marcel De Corte. C'est le fruit de l'imagination du moi déraciné qu'on en appelle à la conscience, à la volonté populaire, et à l’irruption des masses dans l’histoire, comme le décrit Ortega y Gasset.

Il arrive donc ce que le Professeur appelle l’évolution pathologique de la liberté humaine, qui s'avère étroitement dépendante d'une fracture intime que l’esprit a creusé entre lui-même et l’homme concret. Cette première lézarde en détermine une autre, entre l’homme et le monde. Les hommes d'aujourd'hui sont anxieux d'être eux-mêmes et de se situer dans le monde; ils veulent être des hommes nouveaux dans un monde nouveau (des mutants!), parce qu'ils se sont déliés de cette double relation (de soi à soi et de soi au monde) qui constitue la structure et le mystère essentiel de l’homme; parce qu'ils sont libres en un sens malsain et destructif.

Le libéralisme religieux part de l’idée selon laquelle la valeur de la Liberté humaine prévaut sur toute autre. On peut donc dire que cette liberté est alors son propre principe, sa propre vérité. Le libéralisme ne peut jamais se dire catholique, puisqu'il prétend faire prévaloir la liberté de l’homme sur la vérité révélée. Cette contradiction directe de la foi se manifesta déjà lors de la Révolution de 1789, lorsque les prêtres apostats adhérèrent à la liberté révolutionnaire de légiférer contre l’Eglise.

La tentative d'accueillir le libéralisme dans l’Eglise et de le baptiser commença avec l’abbé Félicité de Lamennais, selon lequel le droit à la liberté est universel et comprend, comme cas particulier, la Liberté de l’Eglise. Ce libéralisme, fondé sur l’idée du progrès de l’humanité et manifesté par l’aspiration croissante des peuples à la liberté, débouche inévitablement sur la séparation entre l'Eglise et l’Etat, entre les lois humaines et la Loi divine: sur la liberté religieuse de Vatican II.

La rupture révolutionnaire de 1830 en France par exemple, vue selon le courant libéral de l’abbé de Lamennais, se présentait comme favorable à la liberté de l’Eglise. Cette déviation fut fermement condamnée par l’encyclique Mirari vos (1832), où Grégoire XVI dénonçait l'énormité du danger résultant de ces idées libérales, invoquant à leur sujet la prophétie apocalyptique du puits de l’abîme.

L'idée d'une "chrétienté libérale", fut formulée pour la conciliation de l’Eglise et du monde moderne; elle prit les noms de modernisme, sillonnisme, progressisme, démocratie chrétienne.

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En 1871, Pie IX déclara à une délégation de catholiques français, affligés par les dangers de l’explosion révolutionnaire de la Commune, que le mal le plus terrible était celui du libéralisme "catholique". En effet son projet ne consiste pas à élever le monde à la vérité de l’Eglise mais bien au contraire à annexer cette dernière à la Cité terrestre, comme animatrice spirituelle.

Pour Lamennais, l'Eglise demande au monde la "liberté". Sa doctrine fut condamnée par Grégoire XVI et Pie IX. Mais après lui, ces idées avancèrent à grand pas, avec le sillonnisme, jusqu'à en arriver à l’Humanisme intégral de Maritain et de son disciple et traducteur en Italie, le futur Paul VI, qui intégra le nouveau christianisme dans "l'Eglise du Concile": celle-ci ne demande rien d'autre au monde que la liberté pour "son animation et son renouvellement" (GS 56, OA 50), oubliant tous les enseignements de la doctrine catholique sur l’origine et l’exercice du pouvoir politique, qui relèvent de la Foi catholique.

En effet, si l’on ne donne pas à la pureté et à l’intégrité de la Foi priorité sur les convenances œcuméniques et politiques, on finit par être complice de toutes sortes de déviations sociales et religieuses.

Maritain avait écrit à Paul VI pour lui signaler que la traduction française du Credo était hérétique parce qu’elle met dans la bouche des fidèles la formule d’Arius (de la même nature du Père, homoiousios) condamnée par le Concile de Nicée. Mais cette formule hérétique, accusée également par le thomiste Etienne Gilson en 1965, n’a pas été corrigée par Paul VI, occupé à s’accorder avec le monde (30 Giorni, mai 92).

La rupture entre réalité et utopie survient dans la conscience. C'est que l’utopie attire parce que nous préférons interposer notre moi entre nous-mêmes et les choses, pour avoir l’illusion de les gouverner et de les changer en pleine liberté et indépendance. Nous préférons renoncer à la simple et dure tâche d'incarnation de l’esprit dans la vie; le diaphragme du moi interrompt alors notre rapport avec la réalité; notre liberté se réduit à une fuite dans l’imaginaire dans son refuge, le moi règne en souverain, il devient une idole; c'est le nouveau centre de l’univers. De Corte explique aussi que subjectivisme et universalisme de la liberté sont les deux faces de la même attitude spirituelle. Or le moi ne peut être moi, si tous les hommes n'ont pas un moi du même genre... une abstraction universelle. Mais étant donné que, malgré nos illusions, nous sommes faits pour la vérité, il nous faut “incarner l’abstraction”. L'être

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dont nous sommes séparés nous appelle, sa voix nous invite à transposer l’illusion dans l’existence, pour qu'elle ne demeure pas une illusion.

Utopie, l’hérésie pérenne, est le titre d'un ouvrage du philosophe Thomas Molnar (Utopia the perennial heresy, ed. Sheed & Ward, N.Y. 1967) dans lequel celui-ci montre deux ans après la clôture de Vatican II, que l’utopisme en politique équivaut à l’hérésie dans le domaine théologique, et que l’utopiste a une foi "religieuse" en l'édification d'une société parfaite à partir de l’homme imparfait. Une illusion qui n'est pas toujours gnostique selon lui, même si c'est toujours le cas de l'initié chez les apprentis sorciers du nouvel ordre et dans les idées gnostiques des actuels architectes du monde nouveau.

Raymond Ruyer, auteur cité ici sans que l’on doive cautionner son oeuvre, marquée par la Gnose, dans L’Utopie des utopies, note que les éléments que la littérature utopiste met le plus en relief sont la critique sociale et politique et le rejet de la communauté présente, de ses systèmes politiques et des obstacles qu'elle met au bonheur. En vérité l’utopisme est anti-historique; il réside dans l’interruption de l’histoire pour y insérer un processus dialectique de perfection continue. Mais l’insertion d'un seul processus ne suffira pas à Hégel ou à Marx, note Ruyer. La logique de la Révolution, c'est sa pérennité, c'est la révolution dans la révolution, ferment pour les consciences.

Les mouvements politiques de masse? Ils ne sont rien d'autre que des épidémies religieuses: Il fut un temps où l'être humain était ce qu'il était, et rien de plus; la nature, la présence concrète des autres hommes, la Foi en un Dieu personnel, omnipotent et transcendant, exerçaient une contrainte suffisamment efficace pour que l’homme ne puisse fuir ses propres limites et sa propre réalité. Sortir hors de lui-même lui était inconnu. Aujourd'hui nous nous trouvons au pôle opposé: l’être humain s'évade continuellement hors de soi, dans un imaginaire spectaculaire qu'il se forge de lui-même, et qui est la négation de la réalité vraie... l'être s'efface au bénéfice de l'apparence. De la vie dans la nature, terreau de l'idée religieuse, on est passé à la vie dans un monde d'idées désincarnées, explique Marcel De Corte. Les scientifiques se confinent dans les limites de la science, les prêtres abandonnent la Cité de Dieu pour le monde, et l’utopisme vise à des réformes radicales: un réformisme fondé sur le culte de l’homme supprime le culte de Dieu.

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L'utopisme final est inévitablement religieux. Comment le moi, qui veut se faire adorer comme rénovateur de la société, ne voudrait-il pas aussi devenir son sauveur! C’est pourquoi son axiome premier devant l’évidence de l’imperfection humaine est celui de l’évolution continue, par laquelle Dieu devient un lointain point oméga à rejoindre, note Louis Salleron (Les Catholiques et le Capitalisme, Ed. Palatine, Paris, 1959). On parviendrait ainsi, avec la gnose du progrès scientifique, à une ‘super-humanité’, dans laquelle Dieu serait tout en tous.

C’est là le panthéisme, qui, comme l’observe très justement C. S. Lewis, "loin d'être le raffinement religieux final, est en fait la tendance permanente de l’esprit de l'humanité déchue: une fois rompu l'équilibre entre la raison et la Foi, l’homme perd son centre de gravité et pense que tout ce qui existe fait partie d'un univers (le sien) auto-contenu et auto-suffisant. Dieu en fait donc partie aussi" (Miracles, Macmillan Pub. N.Y., 1947). Sous sa forme de déisme, le panthéisme est révolte contre la transcendance divine.

Les idéologies croient que l’homme change en changeant le monde, alors que la réalité est exactement l’inverse: c'est en se changeant lui-même, que l’homme peut changer le monde: en mieux s'il poursuit le bien, mais en pire, s'il s'aliène de sa propre nature et de la réalité du monde.

Le Christianisme, jusqu'à l'époque récente, guidait les hommes par la loi du Décalogue et celle de l'Evangile. Il requiert amour, sacrifice, bon sens et humilité: il accueille le mystère de Dieu et réfute l’utopisme et la contradiction. Au contraire, le moi des puissants maîtres de la pensée actuelle impose l’utopisme, séducteur du moi des foules dans leur faiblesse et leurs illusions. Dès lors, incapables de vivre en communion avec l’univers, les hommes s'imposent tous à eux-mêmes et imposent à la nature leurs élucubrations, produits d'une liberté anxieuse d'une impossible autonomie, elle-même fruit de l’orgueil. D'où l’avènement des faux Christs et de leur utopisme chrétien, qui annonce un nouvel ordre naturel et spirituel, au nom de cette nouvelle foi.

La foi dans l'humanité évoluant vers sa divinisation caractérise tous les utopistes, aussi bien agnostiques que chrétiens, pour qui toutes les religions sont bonnes en ce qu'elles servent à ce plan grandiose. C'est de cette foi-là que Teilhard de Chardin fut prophète, lui qui, comme paléontologue, fut accusé avec Dawson (qui se suicida) de fraude sur le

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crâne de Piltdown.(J. S. Weiner, ‘The Piltdown forgery’, Oxford 1955; S.Y. Gould, Natural History Review).

La divinité pour Teilhard consistait en la matière spiritualisée. Avec ses élucubrations futuristes appliquées à la religion, Teilhard d’une certaine façon a baptisé l'évolutionnisme et imaginé un "super-Christ" dans l’avenir de l’homme: selon lui, "le Dieu chrétien d'en haut et le dieu marxiste du progrès s'unissent dans la figure du Christ". Et l'ultime stade de l'utopisme apparaît sous l’esprit d'un nouvel évangile humanitaire, égalitariste, collectiviste, pour inoculer le socialisme à l’Eglise, au clergé.

"L'expérience bimillénaire de l'humanité démontre que l'élément anti-humain qui détruit l'homme ne peut être vaincu que par un élément divin. En d'autres termes, le salut de la civilisation n'est possible que par un retour à une politique naturelle et à une religion surnaturelle". Mais la voix de l’Eglise, qui a protégé la conscience et l'humanité de tant d'erreurs religieuses et idéologiques à travers les siècles, où est-elle aujourd'hui?

Le philosophe De Corte a parlé de "l’Intelligence en péril de mort", titre de l'un de ses livres. Le modernisme, en résumant les élucubrations de l'époque moderne, n'est pas seulement extrêmement vide, mais il est antirationnel: il conduit à l'abandon du bon sens et à l'aliénation vitale. "L'homme, isolé aujourd’hui au milieu de la foule anonyme, se brise intérieurement: son esprit, séparé de la vie qui le met en relation avec le réel, tourne à vide, comme un moulin à chimères". Et comme l'écrivait Chesterton: le fou n'est pas l’homme qui a perdu la raison, mais celui qui a tout perdu, sauf la raison".

La révolution anthropocentrique cause la "Perte du centre". L'historien d'art Hans Sedlmayer, dans un livre sous l'intitulé ci-dessus (ed. Rusconi, 1974), évoquait en ces termes le problème de l'homme autonome et de ses causes, et celui du bouleversement total: "Le rapport de l'homme avec Dieu est troublé. C'est surtout évident si l'on considère les thèmes nouveaux sur lesquels se concentrent les forces qui antérieurement étaient tournées vers le temple, l’Eglise, l'image divine. Les nouvelles divinités de l'homme sont la nature, l'art, la machine, l'univers, le chaos, le néant. Le trouble touche également les rapports de l'homme avec lui-même, avec son semblable, avec la nature et avec le temps. Il manque la médiation entre Dieu et l'homme, qui sous une certaine forme existe lorsque les hommes existent: c'est-à-dire qu'il

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manque la foi en l'homme en tant qu'image de Dieu, sans laquelle l'idée de l'homme ne peut continuer d'exister. C'est pourquoi ce trouble est unique en son genre et n'a aucune analogie dans l’histoire".

L'art est l'expression de la mentalité d'une époque. Ce qui arrive là montre le décentrement de la pensée, autrefois centrée sur Dieu, aujourd'hui sur l'homme, et le déplacement de l'équilibre de la conscience. Le programme est mené en vue d'homogénéiser la pensée théocentrique et la pensée anthropocentrique; c'est une sorte de gestion bipolaire de la religion, encourageant, à côté du culte divin, un culte à la liberté et à la dignité humaine.

Une responsabilité autocentrique? - Un autre exemple du même genre est l'ancien pélagianisme ressuscité de nos jours, pour lequel l'intelligence humaine pourrait sans aide divine, connaître son bien. C'est ainsi que se présentait l'idéal du "chaste" Pelage, docteur laïc de la "sainteté naturelle", fondée sur les dispositions personnelles de l'homme à incliner son effort conscient et constant à la morale et à la justice de par la seule volonté humaine, sans la grâce divine. La morale d'honneur et de dignité humaine pélagienne dispensait simplement de la Rédemption divine. Cette doctrine fut condamnée par l'Eglise lors du Concile de Carthage (418). Le voilà donc recyclé par les prophètes du modernisme, qui, occupant les postes de commande dans la Rome conciliaire, se définissent catholiques justement en tant que promoteurs de Pelage. Et on va mettre l’accent sur la morale et sur l’éthique, qui peuvent unir, en les détachants simplement de la Religion, qui divise. Tout ceci montre comment des utopies en apparence inoffensives sont, en réalité, des poisons mortels.

La déresponsabilisation humaine, causée par cette perte du centre est, comme on l'a vu, un processus révolutionnaire qui se manifeste, soit comme une responsabilité autonome, soit par l'imposition d'un centre étranger à la nature de l'homme et à sa fin.

La responsabilité personnelle et directe de l'homme se situerait ainsi non plus devant son Créateur, mais devant des comités (soviets), qui au nom de la liberté, imposent une responsabilité fictive. Pour ces négateurs de la responsabilité individuelle, il n'existe que le péché de classe. D'où le fait que l’homme, mutilé dans l'étendue de sa conscience, devient alors le sujet d'un gouvernement totalisant, sous l'égide d'un esprit substitutif de la conscience personnelle; il finit par se retrouver sous la domination d'un Big Brother occulte. L'utopisme camouflé sous

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le nom de liberté et de dignité humaine a donc mené à ces aliénations, à ce lavage de cerveau; il sert la tyrannie. Désormais, une idée religieuse, favorisant la perte du centre, est la matrice d'une aliénation spirituelle et est au service d'un esclavage mental; elle s'oppose à la Loi divine; c'est en réalité une tyrannie religieuse.

Bien que l’histoire ait enregistré tant de libérations armées qui étaient des massacres innommables, on ne parle jamais de la libération des concepts qui est sa source. Et pour cause! L’histoire même a toujours été manipulée pour servir aux révolutions idéologiques.

La révolution sémantique - Dans le passé l’homme était soumis à une loi qu'il reconnaissait d'origine divine: la Loi naturelle à laquelle il subordonnait sa vie et sa pensée. La pensée trouvait son ordre au dehors d’elle-même: dans l’Etre qui lui est précédant et supérieur.

Les choses qui existent sont exprimées par des concepts et les concepts sont représentés par des mots et de cette façon, puisque les concepts ont un sens absolu, les mots ont une valeur absolue. Or, pour un gnosticisme qui veut lui donner le sens des choses, de l’existant et de l’être, et ne pouvant rien changer du réel, ni des concepts qui représentent les réalités, il va opérer sur les mots. Et voilà que nous sommes au point crucial de toutes les révolutions: Dieu s’est manifesté par son Verbe, Jésus-Christ; l’esprit contraire susurre la parole contraire qui est le mot du Serpent jusqu’à l’Antichrist: non serviam!

Et voilà que la négation et l’ignorance de la Parole divine, l’athéisme et l’agnosticisme, devient un prédicat pour gouverner la vie humaine.

Il est vrai qu'il existe un agnosticisme modéré, qui se limite à dire: je ne réussis pas à comprendre et par conséquent je me consacre à étudier ce que je peux. Mais ceci n'est pas l'agnosticisme qui se propose de gouverner, de légiférer dans toutes les directions, et d’enseigner en proclamant ignorer la nature et la fin de l'homme. Nous parlons donc ici de l'agnosticisme comme école de pensée qui, partant d'un empirisme dialectique à propos des besoins humains, en arrive à la certitude que l'important est de gouverner la vie publique par la méthode démocratique, en refusant tout credo moral ou religieux sur la vie humaine, credo considéré comme un fait exclusivement privé. Le même divulgateur du mot ‘agnostique’, Julian Huxley, est devenu le premier directeur de l’UNESCO, c’est-à-dire, de l’organisation de l’ONU qui s’occupe précisément de la... culture!

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La démocratie moderne est fille de cette aliénation et de cet agnosticisme totalisants; en elle, le droit au bon sens, la disposition à attaquer les erreurs n'y sont pas reconnus, parce qu'elle ne dispose pas de critères fixes de jugement éthique ni même esthétique. Elle ne veut donc pas connaître les normes du Décalogue, définies dans le droit naturel. C'est pourquoi sont antithétiques les rapports de ce démocratisme avec le bon sens, et tout particulièrement avec le Christianisme, dans sa lutte permanente contre le mal et dans sa fonction de discrimination de ce qui est intrinsèquement pervers.

La cohabitation dans la société multiculturelle devient donc une obligation, sous les règles de cette démocratie, qui se présente comme seule représentante de la liberté, des droits et de la dignité humaine. Mais aucun problème n'est résolu, en particulier celui du quid est veritas? Tous le reposent. Or une certaine intelligentsia religieuse pense avoir trouvé la solution pour cette cohabitation dans l'inspiration chrétienne des valeurs humaines. Une trouvaille redondante, puisqu'en tête de ces valeurs, il y a précisément l'utopie démocratique selon laquelle sont soumises au vote populaire jusqu’à la morale et la vérité sur le bien et le mal; la conscience s’élit démocratiquement juge des valeurs et d'elle-même!

La rupture utopiste survenue dans les consciences est un fait tragique. L'homme se met à la merci de ses pires instincts, qui sont l'avidité des sens, de la possession et de la puissance. Et les hommes arrivés à ce point n'ont aucune difficulté à suivre l'utopisme démocratique qu'ils chevauchent aisément. Mais la vraie rupture survient dans l'écroulement de la digue mise dans la conscience pour contenir la licence: l'Eglise dorénavant réduite à une entité démocratique, le sacerdoce à un rôle de consultant social, la morale à opinion, la Rédemption au droit de l'homme.

Tout cela, nous allons le voir, est arrivé non pas manu militari mais vraiment manu cléricale.

Conclusion - Après que la Révolution a poussé tous les hommes (hélas consentants!) à dérouler ses idéaux sublimes, leur juxtaposant ses chimères futures, quel modèle a-t-elle édifié? Celui, peut-être, de quelque stackhanoviste fanatique, mais en tout cas en suscitant des millions de nihilistes, d'hooligans, dans un monde mercantil. A l'homme nouveau chrétien a succédé une génération pour laquelle la vie, la leur

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et celle d'autrui n'a pas plus de sens ni de valeur qu'un événement fugace quelconque. C’est la marque de la désolation actuelle.

Et l’on comprend pourquoi. Depuis au moins deux siècles, la "pensée" moderne pour résoudre les questions de Dieu, de l'âme et de la mort, suit le chemin le plus expéditif vers le néant et la tragédie, celui de les ignorer. Et cette véritable aliénation concernant le fait le plus certain de la vie est devenue la norme des gouvernements et des lois, d'où est exclue toute pensée religieuse, ou du moins toute pensée tirée de la Vraie Religion.

Une telle ‘culture’ renvoie la question du vrai à l’étude des sciences, et confie à l'instruction la tâche de rendre l'homme davantage sujet du bien. Le mal serait progressivement éliminé par l'alphabétisation! Dans l'enseignement public moderne, la pensée religieuse - surtout si elle est chrétienne - est présentée comme un produit de l'obscurantisme réactionnaire, prétendant instaurer un impossible ordre divin sur terre.

Et voici qu'au milieu de tous ces doutes s'insinue cet esprit ennemi de l'homme, qui lui susurre l'idée perverse qu'il devrait occuper lui-même la place de la norme du bien: un nouvel ordre dans lequel le moi se fait dieu, un ordre qui, dans la réalité historique, n'est autre que le désordre assassin et suicidaire de l'anarchie et de la révolution absolue.

Il n'existe pas de révolution plus meurtrière que celle dirigée contre la conscience religieuse et contre la vérité, pour "libérer" la conscience de son lien divin et la rendre esclave de son "libre" arbitre, irrationnel et scélérat. Tel est le modernisme, collecteur de toutes les hérésies.

L’autodémolition de l'Eglise? Dans la culture qui modernise ainsi les notions de bien et de mal, aucune pensée vraie ne peut prendre ni durer. L’idéalisme nébuleux inspiré de l'utopie de l'époque présente est moulé dans le provisoire. Sur lui, une nouvelle classe, non plus de commissaires politiques, mais de clercs veut moderniser l’Evangile à la lumière du présent; ces clercs veulent concilier l'ordre de la divine Clef du ciel avec celui de la massue de Caïn, par l'avent d'une nouvelle foi, la pentecôte d'une nouvelle église. Un avent qui est un mortel déclin. Mais avec cet élan réformateur, cette nouvelle classe cléricale n’a-t-elle pas attenté à sa propre raison d'être catholique? Or, l’Eglise est immuable. En revanche peuvent changer la fidélité et la perséverance de tous les membres de l’Eglise; leur survivance dans la grâce et dans la vérité divine. On verra que ce qui est survenu dans ces cas n’est pas une démolition de l’Eglise, mais en quelque sorte le suicide religieux de

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toute une classe cléricale qui, en se plongeant dans les valeurs naturelles et en accueillant les utopies, a perdu sa perception des principes surnaturels. Notre époque après des échecs révolutionnaires de tous ordres qui ont fait des dizaines de millions de morts et ont accumulé douleur et misère, voit la Révolution prendre une autre voie. Elle fait désormais la promotion de l'avortement mais condamne la peine de mort, se consacrant au lavage des cerveaux qui prépare son ultime escalade, la Révolution spirituelle. Les voies du modernisme conduisent, à un moment ou un autre, au terrorisme des Brigades rouges, et, en s'écartant de la vérité et des principes du catholicisme, on entre dans une voie tragique qui mène jusqu'au communisme et pire encore. Le monde est dorénavant menacé par l'impiété fatale: la censure de l'éternel, l'imposture du changement, de ce qui passe, de ce vers quoi l'on nous mène, de l'ignorance méprisante de l'origine et de la fin ultime de l'homme, de cette mentalité actuelle dont nous vivons et qui ira jusqu'à supprimer toute voix qui oserait rappeler la lutte morale, la mort et le Jugement. La transcendance conciliaire de Paul VI et de Jean-Paul II s’applique à toutes les croyances et incroyances, elle est lié à l’homme. Et voilà le deisme de Vatican II, un androthéisme par lequel c’est à l’homme de révéler son idée de la divinité. Là où il y avait l’étincelle de Dieu qui liait les consciences au bien, ils ont introduit les lumières d'une liberté qui dévoie les mêmes consciences dans le mal. Evidemment cette révolution cléricale n'approuve pas le divorce, la pilule et l'avortement, elle se réserve de les stigmatiser. Mais elle le fait en justifiant la liberté religieuse, dans laquelle est forcément incluse la liberté morale. Elle le fait en vue d’une valeur, d’un équilibre moral, qui est la conséquence et non pas la première loi du suprême Bien, du principe divin.

Il n'y a ni paix ni justice dans l'irénisme des compromis sur la Vérité, mais elles se trouvent au contraire dans la lutte. Le signe de la Croix ne fut rien d'autre, et l'intervention de Marie non plus. Au nom d'une fausse paix, les consciences où demeurait la Voix de Dieu furent en un éclair envahies par des légions d'assassins. Et il ne fait aucun doute que tous les crimes horribles qui se commettent dans le monde proviennent d'idées assassines, qui pouvaient sembler pacifiques et même quelque fois religieuses. Leurs promoteurs sont comme les

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mandants des délits accomplis, et le sont de même ceux qui leur ont ouvert la voie.

L’hypothèse sur la troisième partie du Secret de Fatima Étant donné que Dieu, pour préserver la liberté humaine, se manifeste

souvent par des paraboles et par des symboles, qui laissent même da possibilité d’être refusées sans faute, pourquoi serait si difficile pour beaucoup, d’accepter que la vision du soi disant troisième Secret de Fatima n’est pas compréhensible qu’à la lumière symbolique?

Il s’agit de la représentation d’un évènement, le massacre d’un pape avec son entourage fidèle, qui a bien peu à que voir avec l’histoire présente, que ne semble nullement appartenir au monde de la communication sociale. Et pourtant, l’absence de la voix qui répète l’appel évangélique à la conversion universelle est bien une réalité du monde actuelle.

2 - Le modernisme: perfidie de l’utopisme religieux Depuis le début du christianisme prévaut le principe de la connais-

sance énoncée par l'apôtre St Jean au prologue de son évangile: "Au commencement était le Verbe". Il ne s'agit pas d’un germe inconnu, perçu à travers une gnose hermétique, ou de quelques découvertes scientifiques, mais du Logos, le Verbe de Dieu, qui, par amour et au moyen de Sa grâce, attire les âmes à communier dans la Pensée divine. Il ne revient pas à l’homme de la découvrir, c’est le Verbe qui éclairera l’intelligence des hommes de bonne volonté.

La Royauté de Jésus-Christ et le but de la société humaine furent rappelés par Léon XIII à l’aube de ce siècle (Tametsi futura, 1.11.1900): “Semblable au sort des individus est celui des états: inévi-tablement eux aussi iront à une ruine certaine s’ils s’éloignent de la ‘Voie’. Le Fils de Dieu, Créateur et Rédempteur de la nature humaine, est le Roi de l’univers entier et Il a le pouvoir suprême sur les hommes: sur chacun d’eux comme sur la société... Par conséquent, même dans la société la loi du Christ doit dominer de manière à être guide souverain non seulement de la vie privée, mais aussi de la vie publique. Donc,

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puisque c’est là le décret de Dieu, que personne ne peut transgresser impunément, l’on n’a pas bon gouvernement là où les institutions chrétiennes ne jouissent pas de la considération qu’elles méritent. Quand elle éloigne le Christ, la raison humaine reste abandonnée à elle-même, privée de l’aide et de la lumière suprême: et alors, bien facilement, elle perd de vue le but pour lequel notre Dieu créateur a institué la société civile. Ce but consiste essentiellement en ceci: que les habitants s’appliquent au bien naturel avec l'aide de la société, mais en harmonie avec le bien souverainement parfait et perpétuel qui transcende la nature. Avec des principes erronés l’on s’avance dans une mauvaise direction, que l’on soit sujet ou gouverneur, privé que l’on est d’une adresse exacte et d’un appui sûr. La loi avec laquelle le Verbe guide la société et la nature humaine n’opprime pas sa conscience, mais l'exalte selon son ordre propre.

L’autorité du Pape légitime, qui s’étend également au Concile œcuménique, a été donnée par Dieu pour confirmer le lien chrétien qui vient perfectionner celui de la nature et du Décalogue. Le Seigneur a institué son Eglise en ordonnant aux Apôtres: “Allez dans le monde entier et prêchez l’Evangile à chaque créature...” (Mc 16, 15-16). Le principe de la Religion, et donc de l’Eglise et de son autorité, c’est de prêcher ‘ce qu’on doit croire’ selon la norme divine des consciences perfectionnées par Jésus-Christ: la Foi catholique.

Cette prédication n’est pas uniquement personnelle mais sociale. Une ‘croyance’ qui n’admettrait qu’une norme de conscience indépendante de Dieu, serait une contrefaçon, un athéisme à l’aspect religieux. Etant donné que la voie pour arriver à la première Norme de la conscience consiste dans l’acceptation d’une norme, la liberté de nier l’existence et l’universalité de la norme de conscience est un pluralisme liberticide en opposition à toute idée religieuse ou morale; c’est contre Dieu-même. Voilà que le libéralisme moderniste, en justifiant le droit à la liberté de ne pas croire, suscite dans les consciences la rupture de tout lien vital entre la volonté et la liberté, entre la liberté et la loi, entre l’homme et Dieu. Cela, comme on le verra, va encore plus loin que la révolution protestante.

Le drame intérieur de l'homme vient d'une liberté désordonnée de la pensée, qui le porte à employer son libre arbitre comme si le sens de la liberté fût gravé sur tout ce qui est pensable, comme s'il n'existât pas,

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préétabli, un ordre, une réalité, un pouvoir qui régit le monde et les consciences. D'où le fait que dans les temps modernes, la pensée humaine ait pris la liberté de légiférer dans tous les domaines, même celui des principes et des valeurs, en prétendant les mettre à jour, mais en déclinant toute responsabilité quant aux conséquences de la liberté humaine, c’est-à-dire du mal dans le monde.

L'Eglise catholique, fondée sur la Loi divine, est exempte de tout ‘aggiornamento culturel’. Dans l'Eglise cependant commençait une opération destinée à ‘préparer la voie’ à l’Eglise de l’homme moderne, qui, à cause du progrès de son savoir, se développe en seigneur de son croire, et donc aussi du sens de sa pensée religieuse.

En effet, la tentation finale de l’homme est de créer sa cité avec sa propre religion et son propre culte.

Un plan pour une nouvelle classe cléricale - Dans le livre "Les infiltrations maçonniques dans l’Eglise" du R.P. Emmanuel Barbier publié en 1910, ouvrage qui reçut de nombreuses approbations épiscopales, on lit ce passage: "La Maçonnerie a conçu le projet infernal de corrompre insensiblement les membres de l’Eglise, y compris le clergé et la hiérarchie, en leur inoculant sous une forme séduisante et en apparence inoffensive les faux principes avec lesquels elle projetait de subvertir le monde chrétien". Dans les documents de la Haute Vente, on a pu lire en effet: "Pour obtenir un pape à la mesure recherchée, il s'agit d'abord de lui préparer une génération à la hauteur du règne que nous préfigurons...; laissons de côté la vieillesse et aussi l’âge mûr; allons à la jeunesse...; c'est elle que nous devons convoquer sans pouvoir être soupçonnés d'être sous la bannière des Sociétés secrètes... N'ayez jamais devant elle aucune parole d’impiété ni d'impureté. Une fois votre réputation assurée dans les collèges, dans les universités et les séminaires ... votre réputation ouvrira l’accès à notre doctrine auprès des jeunes clercs comme dans les couvents...

“II faut diffuser les germes de nos dogmes” (v. p. 33).

"La synarchie peut opérer cette rénovation générale prêchant l’accord parfait entre l’idéal de la cité moderne et celui du Christ et de Son Evangile. Ce sera la consécration du nouvel ordre social et le baptême solennel de la société moderne." (D’après l’ouvrage ‘Le Ralliement de Rome à la Révolution’ d'Albert Briaud et P. Fautrad, ed. Fautrad, Fyé 7239 Bourg-le-Roi, 1978, pp. 467-469).

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Et lorsque Léon XIII avait utilisé le mot démocratie, il avait précisé contre l’interprétation tendancieuse des sillonnistes: "J'entends le mot (démocratie) de l'action populaire chrétienne dans laquelle les enseignements émanés de Notre autorité soient observés intégralement" ... enseignements parmi lesquels figuraient les condamnations par ses prédécesseurs des erreurs modernes, notamment les fausses notions de la liberté et les sectes antichrétiennes, de la Franc-maçonnerie, condamnations augmentées de celles qu'il avait prononcées ou allait fulminer contre le socialisme et, plus encore, contre l’Américanisme, le parlement des Religions, préfiguration de l’œcuménisme de Vatican II et des réunions pan-religieuses officiellement inaugurées à Assise en 1986.

Le projet synarchique n’était pas une nouveauté; il manquait pourtant une ‘autorité universelle’ pour le sanctionner.

Toute politique dérive d'une idée sur l’homme. “Les erreurs d'une époque, les dangers que court la société, résultent de fausses notions qui règnent dans les esprits. Si, comme on le dit, l’homme est né bon, quel sens ont les lois et à quoi servent les princes? Rien ne s'explique plus dans notre civilisation: tout doit être rénové. Nous sommes là devant des événements qui nous frappent et nous épouvantent présentement. (Blanc de Saint Bonnet "La légitimité. De la pratique en politique”, I, 3).

Aux idéologies sociales correspondent les croyances dans le domaine religieux. Aux premières s’applique la liberté, selon la foi moderniste des conciliaires et des démo-chrétiens. Au second, l’œcuménisme qui trouve par conséquent un très vaste domaine social où la religion se confond avec les loges et vice versa.

En Italie, ces distorsions sont arrivées à leur paroxysme, puisque au nom de la démocratie, celle-ci est aux mains de notables qui évaluent, évitent ou approuvent tous les résultats ou les recours électoraux selon leurs propres concepts du bien commun. Ce faisant ils appliquent en politique cette tendance moderniste en matière religieuse que St Pie X voulut écraser. Ils disent vouloir changer petit à petit la conscience collective et ne se rendent même pas compte qu’ils confessent, du même coup, que cette opinion publique est donc dissidente de la leur...

La Révolution religieuse fut prophétiquement repérée et désignée par St. Pie X sous son aspect de transformation moderniste de l'Eglise dans l'encyclique Pascendi. Elle décrit l’esprit du ‘sillonnisme’ qui, comme on le verra, est allé jusqu’à ses extrêmes conséquences avec Vatican II.

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Pascendi déclare: "Leurs fantaisies sur l’Eglise vont nous offrir de plus amples matières. L’Eglise est née d’un double besoin: du besoin qu’éprouve tout fidèle, surtout s’il a eu quelque expérience originale, de communiquer sa foi; ensuite, quand la foi est devenue commune, ou, comme on dit ‘collective’, du besoin de s’organiser en société, pour conserver, accroître, propager le trésor commun. Alors, qu’est-ce que l’Eglise [pour les modernistes]? Le fruit de la ‘conscience collective’, autrement dit de la collection des consciences individuelles: consciences qui, en vertu de la permanence vitale, dérivent d’un premier croyant... pour les catholiques, de Jésus-Christ. Or, toute société a besoin d'une autorité dirigeante, qui guide ses membres à la fin commune, qui, en même temps, par une action prudemment conservatrice, sauvegarde ses éléments essentiels... De l’origine de cette autorité, se déduit sa nature; comme de sa nature, ensuite, ses droits et ses devoirs. Aux temps passés, c’était une erreur commune que l'autorité fut venue à l’Eglise du dehors, savoir de Dieu immédiatement: en ce temps-là, on pouvait de bon droit, regarder l’Eglise comme ‘autocratique’. On en est bien revenu aujourd’hui. De même que l’Eglise est une émanation vitale de la conscience collective, de même, à son tour, l’autorité est un produit vital de l’Eglise". Pour les modernistes: "dont c’est, par suite, le grand souci de chercher une voie de conciliation entre l’autorité de l’Eglise et la liberté des croyants" il était nécessaire d'en venir à une autorité plus pastorale que dogmatique.

D’après les modernistes, l’autorité de l’Eglise dépend de la conscience collective: "La conscience religieuse, tel est le principe d’où l’autorité procède, tout comme l’Eglise, et s’il en est ainsi, elle en dépend. Vient-elle à oublier ou méconnaître cette dépendance, elle tourne en tyrannie”.

“Nous sommes à une époque où le sentiment de la liberté est en plein épanouissement: dans l’ordre civil, la conscience publique a créé le régime populaire. Or, il n’y a pas deux consciences dans l'homme, pas plus que deux vies. Si l'autorité ecclésiastique ne veut pas, au plus intime des consciences, provoquer et fomenter un conflit, c’est à elle de se plier aux formes démocratiques. Ne point le faire, conduirait à la ruine, disent-ils.

"Veut-on savoir comment ils imaginent le magistère ecclésiastique? Nulle société religieuse, disent-ils, n’a de véritable unité, que si la conscience religieuse de ses membres est une, et une aussi la formule

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qu’ils adoptent. Cette double unité requiert une espèce d’intelligence universelle, dont c’est l’office de chercher et de déterminer la formule répondant le mieux à la conscience commune, qui ait en outre suffisamment d’autorité; cette formule, une fois arrêtée, est imposé à la communauté. De la combinaison et de la fusion de ces deux éléments: intelligence qui choisit la formule, autorité qui l’impose, résulte, pour les modernistes, la notion du magistère ecclésiastique [... un service public plié aux formes démocratiques]. Interdire donc aux consciences individuelles de proclamer publiquement et hautement leurs besoins; bâillonner la critique, l’empêcher de pousser aux évolutions nécessaires le dogme, ce n’est donc plus l’usage d’une puissance commise à toutes fins utiles, c’est un abus d’autorité”.

"Pour l’Eglise enfin, c’est le besoin de se plier aux conjonctures historiques, de s’harmoniser avec les formes existantes de sociétés civiles. Telle est l’évolution dans le détail. Ce que Nous voulons y faire noter d’une façon toute spéciale, c’est la théorie des ‘nécessites’ ou ‘besoins’: elle a d’ailleurs été jusqu’ici la base de tout; et c’est là-dessus que portera cette fameuse méthode qu’ils appellent historique."

“Disons donc, pour rendre pleinement la pensée des modernistes, que l'évolution résulte du conflit de deux forces, dont l’une pousse au progrès, tandis que l'autre tend à la conservation. La force conservatrice dans l’Eglise, c’est la tradition, et la tradition y est représentée par l'autorité religieuse;[...] La force progressive, au contraire, est celle qui répond aux besoins, couve et fermente dans les consciences individuelles, celles-là surtout qui sont en contact plus intime avec la vie. Voyez-vous poindre ici cette doctrine pernicieuse qui veut faire des laïques, dans l’Eglise, un facteur de progrès? C’est en vertu d’une sorte de compromis et de transaction entre la force conservatrice et la force progressiste, que les changements et les progrès se réalisent. Il arrive que les consciences individuelles, certaines du moins, réagissent sur la conscience collective: celle-ci, à son tour, fait pression sur les dépositaires de l'autorité, jusqu’à ce qu’enfin ils viennent à composition: et le pacte conclu, elle veille à son maintien."

Le modernisme est une contradiction logique, puisqu'il applique l’immanentisme idéaliste dont il provient, tout en se camouflant derrière les principes transcendants, qu'en réalité il combat. Sa méthode consiste à ériger des valeurs contre des principes, la raison contre la foi, la

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science contre la religion, la sociologie contre la doctrine, l'histoire contre la Révélation.

Que le pape n'ignorait pas les idées véritables des modernistes, le témoignage irrécusable de Benedetto Croce le montre, lui qui écrivit dans ‘Il Giornale d'Italia’ du 15.X.1907, en réponse au futur apostat Don Minocchi : “Le Modernisme prétend distinguer le contenu réel du dogme de ses expressions métaphysiques, qu'il considère comme quelque chose d’entièrement accidentel, de la même manière que sont accidentelles les diverses expressions du langage dans lesquelles peut se traduire une même pensée. Dans cette comparaison se situe le premier sophisme des modernistes.

“S’il est bien vrai qu'un même concept peut se traduire par des formes de langage variées, toutefois la pensée métaphysique n'est pas un langage, elle n'est pas une forme d'expression: elle est UNE LOGIQUE et elle est UN CONCEPT. D’où le fait qu'un dogme, une fois traduit dans une autre forme métaphysique, n'est plus le même dogme, tout comme un concept transformé en un autre concept n'est plus le même. Les modernistes sont on ne peut plus libres de transformer les dogmes à leur idée, moi-même j'use de cette liberté. Seulement, j'ai conscience, ce faisant, d'être hors de l’Eglise comme hors de toute religion, alors que les modernistes s'obstinent à s'affirmer non seulement religieux, mais catholiques. Quoi que fassent les Modernistes pour s'éviter la conséquence nécessaire du principe qu'ils assument, sympathisant avec les positivistes, avec les pragmatistes et les empiristes de tout acabit, eux qui prétextent que ceux-ci ne croient pas à la valeur de la pensée et de la logique, ils tomberont nécessairement dans le scepticisme et l’agnosticisme. Ce sont là des doctrines conciliables avec un vague sentimentalisme religieux, mais qui répugnent à toute religion positive”. Croce concluait ironiquement: “L'occasion ne nous arrivera pas aussi facilement une nouvelle fois d'être d'accord avec le Pape” (cit. Sì sì no no, 31.3.83).

Les contradictions modernistes mènent la vie intellective à la confusion, la vie morale à l'indifférentisme et la vie religieuse à l'athéisme. Ceci fut magistralement démontré par les papes, mais également par un certain nombre de philosophes de diverses origines. Giovanni Gentile dans ‘Le Modernisme et les rapports entre la religion et la philosophie’, Bari, 1909) écrivit que le Pape avait montré qu'il connaissait le modernisme mieux que ne le connaissaient les

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modernistes eux-mêmes et qu'il avait extrait leur pensée du brouillard dont ceux-ci l'avaient délibérément entourée. A propos de leurs contradictions il affirmait: "votre principe est intellectualiste (Dieu transcendant); votre méthode est subjectiviste (Dieu immanent). Restez donc catholiques puisque votre principe s'oppose à votre méthode, mais en vérité cette méthode jugée à la lumière de ce principe porte à l’athéisme". Le modernisme naquit au siècle passé chez certains clercs intellectuels qui désiraient établir un compromis avec les pouvoirs et les idéologies du monde moderne. Il fallait à cet effet une révolution religieuse de nature philosophique et politique pour assouplir le dogme, c'est-à-dire la Vérité catholique.

Le programme moderniste se présente sous des semblants catholiques, mais visait à l’aggiornamento de l’Eglise, à mettre celle-ci ainsi que les chrétiens au diapason de la mentalité moderne du monde, qui ignore la Loi divine. C'est pourquoi il fut tout de suite condamné par les Papes et le Concile du Vatican, puis, sous la dénomination officielle de modernisme, par l'encyclique Pascendi de St Pie X.

Le serment antimoderniste fut prescrit par St Pie X parce que le Pape, responsable de la préservation universelle de la Foi dans laquelle il était tenu d'affermir ses frères dans le sacerdoce, ne pouvait permettre que les modernistes jouent le moindre rôle dans l’Eglise. Ce serment n'est rien d’autre qu’une profession de Foi que tout chrétien est tenu de confesser publiquement, lorsque des doutes se lèvent ou que des attaques se font jour contre l’intégrité de cette Foi. Les clercs, plus encore que les simples fidèles, sont donc tenus de confesser les termes de ce serment, qui les lient par raison de Foi, avant même ceux de l’obéissance au Pape. Le catholique, hier, aujourd'hui et toujours, même sans que le Pape n’ait à le lui demander, sait qu'il doit confesser sa Foi.

Le Pape a dressé une barrière au modernisme. Les prophètes conciliaires iront la démolir sans que personne ne rappelle qu’il y va non seulement de parjure, mais d’une confession d’apostasie. Il est donc nécessaire de connaître leur modernisme. On le verra sous trois aspects.

Le premier concerne la fin primaire de la vie personnelle et sociale. Le second, lié au premier, concerne la Justice c.à-dire le droit des

hommes à conformer leur vie à sa vraie fin, celle pour laquelle ils sont créés.

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Le troisième concerne la nécessité d’établir un gouvernement de cette vie dont le pouvoir soit guidé par le principe de Justice indépendant des convoitises des hommes et des conditionnements des modes.

Pour le Christianisme il est clair que, comme la vraie fin de la vie humaine ne peut être qu’unique et la principale fin sociale ne peut être différente de la fin personnelle, cette fin doit déterminer les normes de la vie sociale, c’est-à-dire de la justice et du gouvernement, de façon à ce que le but social principal soit conforme au vrai but de la vie humaine. Et cela se fait avec le juste modèle de comportement en face du bien et du vrai, placé dans les consciences des hommes en vue du retour à Dieu ; de la fin de la vie (donnée de Foi), découle la façon de penser et le comportement social (donnée de justice), qui règle la vie de tous (donnée de gouvernement).

La société moderne, au contraire, a comme but principal la félicité terrestre à rejoindre par l’évolution de l’homme, qu’elle ne retient pas en état déchu mais en naturelle et progressive montée. Les difficultés de ce progrès ne sont pas à attribuer aux consciences mais à la forme de société, que pour les surmonter il faut passer par un processus de révolutions continuelles; la ‘praxis’ qui détermine la mentalité sociale (l’idéologie) associée à une ‘foi’ selon les besoins des temps.

Gérer les opposés apparaît ainsi être l'objectif prioritaire du programme moderniste. Mais, ou bien le programme moderniste assume comme fin principale de l'homme la fin de la société moderne, le bien terrestre - ce qui n'est pas chrétien -, ou bien il disjoint cette fin sociale de la fin personnelle, ce qui est pareillement un mal. Il y a donc, n’importe comment, une grave contradiction avec la Foi.

En d’autres termes, le modernisme veut enseigner aux chrétiens que, tout en s'efforçant en cette vie à devenir meilleurs pour sauver leur âme et celle du prochain, il peut conformer la fin de la cité chrétienne à celle de la cité moderne, dont la priorité concerne seulement le bonheur terrestre. La première contradiction avec la Foi est de réduire la fin dernière à une fin secondaire. La deuxième est de rabaisser l'autorité divine de l'Eglise au niveau des puissances du monde; réduire la Révélation à un chapitre des connaissances humaines; déclasser la fonction de l'Eglise à celle d'une organisation sociale; présenter le dogme et la philosophie catholique comme une dialectique; résoudre

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l'incompatibilité entre l'enseignement catholique de l'unique vérité et les 'lumières' du pluralisme moderne.

Le modernisme est donc aussi un attentat contre la justice, dont l'objectif principal est que les hommes puissent atteindre la fin première de leur vie, donc réaliser leurs propres et justes aspirations. Non seulement le modernisme veut arrimer les gens à la pensée moderne, mais il veut aussi que l’Eglise dévie de sa mission. Il se révèle ainsi comme la révolution antichrétienne la plus profonde et la plus perverse, car il a opéré à l’intérieur de la Chrétienté jusqu’à occuper l'Eglise.

Les erreurs du modernisme avaient à l’origine contaminé la vie sociale avec le démocratisme dominant, qui pose les principes à égalité avec les opinions, la réalité au niveau de l'illusion, et la vérité à la merci de la volonté populaire. Ces erreurs politico-religieuses furent condamnées par Pie IX dans le Syllabus. Mais le processus révolutionnaire se concentra ensuite sur l’Eglise, l’infiltrant par des utopies provenant du concept de l’évolution de la conscience humaine, laquelle, une fois mûrie, s’émanciperait de l'autorité de la Sainte Ecriture, du pouvoir hiérarchique de l’Eglise et de l’ordre social chrétien. Un processus qui conduit à l’abandon du principe de transcendance pour celui d'immanence, qui fait de l’homme le centre de tout, et par conséquent réduit la religion à un humanitarisme. La condamnation qu'en fit St Pie X dans Pascendi révélait la personnalité profonde de ses auteurs, avec une précision descriptive qui allait bien au delà de l'hérésie de l’époque: elle décrivait la révolution antireligieuse de toujours, et par là va nous aider à reconnaître les prophètes de Vatican II.

- Le philosophe moderniste commence par l’affirmation du relativisme de la conviction individuelle concernant l'Etre suprême, et donc aussi concernant le contenu des dogmes. Il reprend la tentative gnostique de synthèse de tous les aspects de la vérité en un seul principe, celui de la subjectivité de la vérité et de la relativité de toutes ses formulations et par conséquent du dogme. En paroles, il réfute l’agnosticisme, mais en réalité il le transfère aux sentiments et à l’expérience et l’applique à l’action (sociale). Quant à son immanentisme, il s'essaie à démontrer qu’il est compatible avec la foi en un Dieu transcendant, qui serait immanent dans la conscience du croyant.

- Le théologien moderniste imagine un christianisme qui, à l’origine, n'aurait été qu’une foi en une annonce passionnée du royaume imminent

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et une invitation à la purification intérieure, vécue sans ‘incrustation’ de doctrine ni de dogmes définis. Il serait donc, selon lui, arbitraire de faire ressortir à l’enseignement de Jésus les dogmes et spécialement la foi définie par le Concile de Trente. L'évolution des dogmes est ainsi une adaptation nécessaire à la pérennité et au maintien du patronage d'une Eglise dont la marque juridique est constantinienne. D'où "la continuité d'une révélation que le divin fait de lui-même, toujours plus intensément", c’est-à-dire une église-peuple avec des sentiments charismatiques.

- L’historien moderniste conclut que l’histoire ne peut rien dire sur la divinité de Jésus-Christ, et que celle-ci serait seulement présente dans la conscience des croyants. L’Eglise elle-même serait le fruit des expériences collectives et des adaptations au rythme des événements. Les Ecritures sont des recueils de textes "qui n'ont aucune prétention à prouver la vérité mais seulement à épurer le sens religieux du lecteur" et qui, par conséquent, ne peuvent avoir Dieu comme auteur principal.

Il faudrait donc faire une distinction entre le Christ de l’Histoire et le Christ de la Foi".

- L'apologiste moderniste, sous un apparent fidéisme, met la foi à la discrétion de la conscience personnelle et, suivant l’immanence proclamée par le philosophe moderniste et l’expérience religieuse, souhaitée par le théologien moderniste, vise à un nouveau modèle de ‘croyant’. Celui-ci devrait rapporter sa foi à une réalité divine représentée par des symboles, qui, suivant les situations particulières de la conscience, peuvent changer avec elle. Cela vaudrait aussi bien pour l’interprétation de la Révélation que pour les Sacrements. On comprend ainsi comment le modernisme, avec cette idée d'une conscience religieuse autocentrée, mène le nouveau croyant à se délier de tout critère d'objectivité et d'autorité et, en observant la même expérience chez autrui, à réduire la foi à un vague état de conscience. Il s'ensuit que le modernisme est assimilable à une simple expérience religieuse, à un sentiment, et que son apologétique se réduit à une invitation générale à faire l'expérience chrétienne. Il s'ensuit également que les religions se valent dans leurs effets: "les diverses religions sont autant de reflets de l’unique vérité” (v. Rh); il n’y en a donc aucune de vraie. Elles dépendent toutes des sentiments humains; mais on peut donc, indifféremment, les abolir toutes et justifier aussi le sentiment athée.

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La critique historique moderniste, partant de l’idée que l’Eglise serait née de la collectivité, en conclut à la nécessité de son adaptation constante aux tendances de la société et à son absolue séparation du pouvoir politique. Cette attaque conjuguée des philosophes, historiens, apologistes et théologiens modernistes entraîne la destruction de toute autorité du Magistère et de toute hiérarchie, auxquelles se substitue donc la démocratie. Et tel est bien le caractère de l’esprit de Vatican II, esprit développé dans ses documents écrits, et ultérieurement dans ses œuvres, dans les faits: un caractère essentiellement démocratique venu remplacer les principes, les normes et l’action sociale de l'Eglise. Nous verrons que cet esprit a pour foi l’humanitarisme, l’évolution de la conscience, le subjectivisme dogmatique et la réinterprétation historiciste des Evangiles, qu'il s'est reflété dans la liturgie horizontale de Vatican II sous régie moderniste: en réalité une contrefaçon qui ne peut se prévaloir de la Foi immuable, mais capable hélas de dévoyer les multitudes et d'isoler les vrais fidèles.

L’idée de germe revient fréquemment dans le programme moderniste et est analysée par St Pie X dans Pascendi au n° 48: “le sentiment religieux qui jaillit ainsi, par «immanence vitale», des profondeurs de la «subconscience», est le germe de toute religion, comme il est la raison de tout ce qui a été ou sera jamais, en religion”.

Ainsi le modernisme passe de l’idée du développement du “germe apporté par Jésus-Christ...” (au n° 68), qui est la foi, à la théorie de l’évolution des dogmes.

Entre l’idée d’un germe du Verbe qui est dans la conscience de chaque homme et que chacun doit faire pousser et fructifier, et l’idée de la Parole divine comme un germe semé par Jésus-Christ qui doit se développer avec l’évolution historique, il n’y a pas une simple différence mais une complète opposition. Le progrès de la compréhension humaine ne pourrait jamais rendre la Parole révélée plus développée, efficace ou plénière.

Or, toutes ces contradictions religieuses avaient en vue une direction des consciences, qui devient une finalité de politique. Sous prétexte d’endiguer le processus général de déchristianisation, le parti du modernisme appliqué, c'est-à-dire la Démocratie chrétienne, récolta pendant des décennies les votes des catholiques. On verra comment ce parti, à la remorque de l'idée moderniste de supprimer l’opposition inguérissable entre l’Eglise - porte-parole du dogme divin - et la

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mentalité du monde moderne, se révéla vecteur de toutes les idéologies. Occultant cette opposition radicale pour favoriser l’entente démocratique, la démocratie chrétienne a par conséquent favorisé et servi la déchristianisation, même si beaucoup de démochrétiens ont perdu la capacité de distinguer toute réalité religieuse propre et d’autrui.

De la vertu de Justice à la ‘justice sociale’ sans vertu. Il est utile de se rappeler ce qu’enseigne St Thomas d'Aquin sur la Justice: parce que la justice est tournée vers les autres, toutes les vertus qui visent au bien d'autrui, participent en quelque sorte à la justice. La notion de justice exige que l’on rende aux autres ce qui leur est dû, en parfaite équité. Or tout ce que l’homme rend à Dieu est un dû, mais il ne peut être adéquat ni suffisant de rendre à Dieu ce qu'on Lui doit, car il est écrit: ‘Que rendrais-je au Seigneur pour tous les bienfaits qu'Il m'a prodigués?’ Aussi, à la justice s'ajoute en ce cas le devoir de religion, qui, comme le dit Cicéron, exige ‘de rendre à une nature supérieure que nous appelons divine, les devoirs du culte’. Il n’est jamais possible non plus de rendre avec équité ce que l’on doit à ses parents. Car à la justice s'ajoute alors la piété, laquelle, toujours selon Cicéron, ‘prête ses services et ses soins diligents aux parents selon le sang et à ceux qui ont bien mérité de la patrie’. En outre, l’homme n'est pas en mesure non plus de récompenser adéquatement la vertu, car à cet égard, à la justice se rattache l’observance, ‘au travers de laquelle, écrit le même Cicéron ‘les personnes éminentes doivent être entourées de déférence et d’honneur’.

La justice et la vertu représentent le domaine commun de la Religion et de la politique sociale. En effet ‘la raison naturelle dicte à l’homme de se soumettre à un supérieur, par les déficiences qu'il éprouve en lui-même, dans lesquelles il a besoin d'être aidé et dirigé par un supérieur’ ( ST, II-II, q.85). C’est dans l’admirable harmonie entre l’observance, l’obéissance, la véracité, la libéralité, la gratitude, la piété, le sacrifice et la responsabilité que s'élève la vie sociale conformément à la justice. Tout ceci dans le cadre de la simple loi naturelle que respectaient les citoyens romains de la Rome antique. C'est la piété romaine qui fit la force de l'Empire.

Mais une justice qui démembre ses éléments constitutifs, et qui vise à un bien social éphémère et aléatoire est une fausse justice. En conséquence, un droit selon la particratie et le communisme qui impose une telle justice est un droit délétère. Aujourd'hui, l’objectif du modernisme social, le démo-christianisme, est de regrouper des idées

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opposées, contradictoires de justice. Il s'ensuit un conflit chronique en politique, la coalition de toutes les hérésies contre la Religion, le mépris de la vertu et de l’honnêteté entre les hommes, jusqu'à la spoliation de ce qui est dû à Dieu et à Son autorité divine elle-même.

Le modernisme est un processus qui collecte et répand des idéologies et des idées gnostiques où l’immanent prévaut sur le transcendant, l’autonomie humaine sur la dépendance par rapport à Dieu, l’utopisme égalitariste sur la hiérarchie organique; l’asservissement de la Religion à la société et à l’homme, au lieu qu'ils soient ordonnés à Dieu. En somme c'est l’utopie complète sur l’ordre naturel, c'est une révolution tous azimuts, un vide sans pareil de la raison et de la morale. C’est pourquoi St Pie X pouvait dire du modernisme: ‘Nous le définissons comme l’égout collecteur de toutes les hérésies’ (Pascendi, 76).

Non seulement la doctrine moderniste, mais la méthode moderniste restent condamnées par l’Eglise, aujourd’hui comme hier... mais aujourd’hui encore, comme hier, cette doctrine se camoufle en politique sociale, sans qu'on en comprenne cependant assez la portée antichrétienne. Elle se présente comme d’inspiration chrétienne, et est utilisée pour des compromis politiques de toutes espèces. La logique du modernisme est précisément le compromis, y compris sur les idées et les croyances. C'est pourquoi, au fur et à mesure que progressent cette doctrine et cette méthode, les questions de principe cèdent le pas à la dialectique démocratique dans tous les domaines. Cela, jusqu'à réduire la Religion, à supposer que cela fût possible, au rôle d’animatrice spirituelle du progrès de la démocratie, cette dernière étant alors le ‘bien suprême’... mais un ‘bien’ rapidement périssable.

Le Christianisme est la digue puissante à même de contenir la malignité humaine. Mais cette digue a été éventrée et la malignité s'est alors répandue. Le Christianisme a été vidé de son esprit, et de son sang comme on l'avait fait avec Jésus. C'est l'indice que nous sommes au temps des faux prophètes, ceux qui justifient l’utopisme et le pacifisme à partir d'élucubrations humaines, en supprimant pacifiquement la Parole de Dieu et tous les signes divins qui ont été donnés pour guider les hommes dans la traversée de l’océan temporel de la tragédie humaine.

Démocratie chrétienne = modernisme social. Le terme ‘démocratie chrétienne’ figure dans l’encyclique Graves de communi (18.1.1901) de Léon XIII: "Qu'il ne soit pas davantage licite de donner un sens politique à la démocratie chrétienne... Le modernisme ne produisit pas

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tout de suite ses fruits néfastes dans la sphère religieuse, du fait qu'il fut bloqué par St Pie X. Mais ces mauvais fruits se manifestèrent dans le milieu d'où cette ‘idéologie politico-religieuse’ était née, dans le domaine social. La démocratie chrétienne se révéla rapidement comme l’idée politique moderniste insérée dans la vie chrétienne. C’est en France qu'elle se manifesta d'abord avec le Sillon, puis elle s’étendit à divers pays où existait un électorat catholique ayant des problèmes d'identité politique. Après avoir vu ici sa racine protestante, l'inconsistance de sa ‘philosophie’, sa condamnation par l'Eglise, nous évaluerons ensuite les fruits délétères qu'elle donna au gouvernement du pays le plus lié à l'Eglise catholique, l’Italie.

Mais comme on le voit d'après ce qui précède, c'est toujours la même doctrine, condamnée au début du siècle par un saint pape, qui a été simplement amplifiée et officialisée, prétendument pour répondre aux signes de notre temps! Cela devrait donc soulever quelques questions et susciter des doutes graves: car ou bien la doctrine de la démocratie chrétienne ébauchée par le Sillon et condamnée par le pape Sarto contenait quelqu’aspect incompris amenant à son approbation par Vatican II, ou bien cette assemblée conciliaire était proprement conditionnée par cet esprit moderniste dont la démocratie chrétienne (DC), devenue entre temps force politique, était un grand 'lobby européen'. Et la DC aura obtenu de Paul VI le changement de cap doctrinal pour avaliser l'inspiration chrétienne du compromis historique.

Le parti populaire de la conciliation étant né en Italie en 1919 avec l’approbation papale (de Benoît XV), on peut dire que cet événement marqua la déchéance officieuse du "Non expedit”, l'interdiction faite aux catholiques italiens de participer à la vie politique sous des gouvernements complices de la spoliation des territoires du Saint-Siège.

A l’occasion de la fondation du parti populaire (démo-chrétien), le communiste Gramsci avait écrit ce qui suit dans ‘Ordine Nuovo’ (2.11.1919): “Le catholicisme est réapparu à la lumière de l’histoire, mais quelque peu modifié, quelque peu réformé [....]; les membres du parti populaire représentent une phase nécessaire du processus de développement du prolétariat italien vers le communisme.

“Le catholicisme démocratique fait ainsi ce que le socialisme ne pourrait faire; il amalgame, il ordonne, il vivifie et puis se suicide" (Cahiers de prison). Le plan de Gramsci était: “impliquons les

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catholiques dans une collaboration avec nous, puis nous évincerons le catholicisme”.

Gramsci voyait alors déjà le catholicisme et la papauté comme une espèce de courant politique, ce qui était une conséquence inévitable de la conception démo-chrétienne qui faisait appel à la 'doctrine sociale de l’Eglise' comme à un quelconque parti aux promesses de son programme. En ce sens il prophétisait juste lorsqu’il écrivait: “La papauté a frappé le modernisme comme tendance réformatrice de l'Eglise, mais a développé le populisme, c'est-à-dire la base économico-sociale du modernisme". En effet, admettre les valeurs et les méthodes démocratiques pouvait impliquer l’idée que la socio-politique fût la priorité que toutes les religions devaient servir.

Après la deuxième guerre mondiale et la victoire des démocraties avec le communisme en Europe, la menace constituée par ce dernier qui avançait avec son cortège de terreur favorisa indirectement le parti ‘chrétien'. Mais celui-ci choisit la voie des compromis; et cela malgré les objections de Pie XII qui dans sa lettre "C'est un geste", affirmait: "Il est inadmissible qu'un chrétien, fût-ce en vue de maintenir les contacts avec ceux qui sont dans l’erreur, se compromette le moins du monde avec l'erreur elle-même”.

La réduction du Christianisme à sa doctrine sociale n’était pas fortuite pour la DC, mais faisait partie intégrante de son programme. C’est en effet pendant les cinquante années de son gouvernement que s’est opérée en Italie, le pays du siège de la papauté, une déchristianisation complète de la vie sociale, et donc de l’éducation des consciences et de leur formation. La DC se proclamait le parti d'inspiration chrétienne; on eut le tort de se méprendre sur le sens de cette ‘inspiration’, qu'il fallait comprendre, non pas en un sens passif de respectueuse révérence, mais bien dans un sens actif, que la politique devrait avoir une incidence sur l’Eglise, sur la politique de l’Eglise elle-même. Tandis que Pie XII cherchait à développer et à orienter cette inspiration, Mgr Montini, en catimini, agissait en sens opposé, pour que ce fût la politique qui fournît les éléments d'un changement d'orientation de l’Eglise. On lit dans ‘Ogni Morte di Papa’, sous la plume d'Andreotti, témoin privilégié des rapports entre la politique et l'Eglise au cours de cette période, comment la proclamation du dogme de l’Assomption fit pleurer de tristesse le premier ministre Alcide De Gasperi, parce que cela irritait les protestants. Les vérités de foi et l’honneur de la Mère de

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Dieu importaient moins à cet homme politique que la possibilité d'une entente œcuménique, qui sera justement le fait de Vatican II.

Puis, dans les années soixante, alors que le troisième secret de Fatima - s'il avait été rendu public, tout serait plus clair - l’Italie entra dans la voie politique funeste de l’alliance avec les vieux ennemis de l’Eglise, avec les activistes de l’humanisme maçonnique et de la laïcisation à outrance, avec ceux qui haïssaient l’autorité de l’Eglise et la Loi divine.

Dans les discours de Jean XXIII comme dans ceux de Paul VI que l’on a rapportés, il est symptomatique que transparaissait un grand désir d’ouverture, au moment-même où la tendance à la déchristianisation était si forte. Ces discours allaient accélérer la mutation en cours dans les pays catholiques, et plus encore en Italie.

Il suffit de citer quelques passages du discours d'ouverture de Vatican II par Jean XXIII le 11.X.62 et de celui de clôture par Paul VI le 7.12.1965, et de les examiner à la lumière du Magistère catholique, pour constater dans quelle voie d'utopisme et de modernisme ces pontifes entendaient embarquer l’Eglise du Concile. Le plan moderniste exposé visait à apporter la liberté dans la Foi, l’égalité des doctrines et des idéologies, la fraternité entre les religions. II dut donc élever ces concepts au plan de principes et, par une conséquence nécessaire, réduire les principes chrétiens à des concepts modifiables. Nous aurons ainsi vécu en ce siècle, tout spécialement en Italie, le contrecoup de la perte du pouvoir temporel de la papauté, et donc de la liberté et de l’influence du pouvoir temporel de l'Eglise. De là nous serons passés à l’extrême opposé, celui de l’influence du monde, même en matière religieuse, sur l’Eglise.

Aussi Paul VI exaltait-il les valeurs de liberté, de démocratie et de solidarité aux dépens de l’ordre catholique. Sa conception de la justice était couplée à celle de la paix, non en un rapport de cause à effet, mais comme si la paix entre les hommes devait être recherchée et obtenue aux dépens-même de la justice, et donc séparément de la vérité. La conséquence fut un irénisme politique qui ouvrit la porte à toutes les erreurs, dans la société d'abord, dans l'Eglise ensuite au travers d'une hiérarchie et d'un clergé démochrétiens. C'est la politique du compromis historique, et de l’unité jusqu'avec les communistes. Un coup d'état invisible de la révolution survenait silencieusement, sous la couverture d'une défense présumée des valeurs chrétiennes.

Pour analyser ce fait du point de vue doctrinal, il nous a fallu revenir sur l’agression de Porta Pia et la question du ‘non expedit’, pour

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parvenir à des conclusions précises, dont la première est déjà évidente: l’infiltration du modernisme social de la démocratie chrétienne, le vieux sillonnisme qui, de dominante en politique, est devenue hégémonique aussi sur le plan religieux avec Vatican II. Cet événement s'est avéré être essentiellement un alignement de la religion sur la sociopolitique, au service de laquelle l’appareil religieux s'est placé.

L'Eglise est fondée sur le principe que Jésus-Christ a tout pouvoir au Ciel et sur la terre. Sur quoi donc se fonde l’autorité de celui qui se dit chef d'une église, qui se place démocratiquement parmi les autres? Sûrement pas sur la Pierre angulaire impérissable!

La conception démo-chrétienne est essentiellement une inversion du rapport de subordination de la politique à la religion, mettant l’homme (la politique) à la place de Dieu (la religion), et remplaçant la religion divine par la religion de l’Homme. Ce en quoi elle rejoint Gramsci qui écrivit: "Le socialisme est précisément la religion qui tuera le christianisme" (‘Audace et Foi’, dans Avanti!, ‘Sotto la Mole’, 1916-1920, ed. Einaudi, Turin, 1960, p. 148). "La philosophie de la praxis” - c'est ainsi que le penseur communiste italien appelle le matérialisme dialectique et historique - présuppose tout le passé culturel, la Renaissance et la Réforme, la philosophie allemande et la révolution française, le calvinisme et l’économie classique anglaise, le libéralisme laïc et l’historicisme, passé qui est à la base de la conception moderne de la vie. La philosophie de la praxis est le couronnement de tout ce mouvement de réforme morale et intellectuelle (...) Elle correspond à la conjonction: réforme protestante + révolution française.”

Modernisme = agnosticisme catholique - L’établissement de cette nouvelle religion doit donc s’accomplir sur celle de la révélation adaptée, bien entendu, et mise au goût du jour selon les signes des temps.

La différence essentielle tient à ce que, tandis que la Religion divine est entièrement révélée aux hommes qui ne doivent recevoir qu’elle, la nouvelle religion est découverte par les hommes selon ‘les besoins’ humains et ecclésiaux. Elle ne dérive pas du bien révélé par Dieu, mais d’un projet qui veut un bien adapté à la mentalité mûrie et consolidée par le progrès moderne. Peut-on trouver dans l’aggiornamento de Vatican II de telles caractéristiques? C’est justement ce que le fidèle doit vérifier.

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Athéisme moderniste? Est-il possible au sein-même de l’Eglise? Oui. Voilà pourquoi il est essentiel de comprendre de quelle forme d’athéisme il s’agit, car celui-ci ne se manifeste pas uniquement dans la négation de Dieu: au contraire, sa forme évoluée consiste dans l’appropriation de Dieu! Il s’agit d’un athéisme où l’on réduit Dieu à l’homme sous forme d’humanisme. Et là, les divagations athéistiques n’ont pas de limites, dans la mesure où chacun se fabrique son utopie pour réduire à son goût la vérité de la vie. Voici que les réductions divines suivent divers passages selon l’époque où elles se manifestent, empruntant alors des apparences psychologiques avec l’immanentisme, scientifiques avec l’évolutionnisme et sociologiques avec les diverses idées politiques, sans exclure le marxisme.

Il y a un intéressant passage existentialiste décrit par Jean-Paul Sartre: "L'existentialiste est très opposé à un certain type de morale laïque, qui voudrait supprimer Dieu avec le moins de frais possibles. Au contraire, l’existentialiste pense qu'il est très gênant que Dieu n'existe pas, car avec lui disparaît toute possibilité de trouver des valeurs dans un ciel intelligible". [… oui car:] “L'existentialisme est un humanisme” (p. 37); “Le projet fondamental de l’homme est celui d’être Dieu (p. 652-654); étant donné que l’idée de Dieu est contradictoire, "l’homme est une passion inutile" (p. 708, J-P. Sartre, ‘Etre et Néant’, cité par Mgr Guerra Campos dans ‘Ateismo Hoy’, Ed. Fé Católica, Madrid, 1978).

‘Athéisme chrétien’ - “Entre 1965 et 1970, certains théologiens ont fait parler d’eux suite à leurs étranges thèses sur un Christianisme sans religion... résumées par B. Mondin dans sa ‘Teologia della Morte di Dio’, qui décrit également les mouvements théologiques sécularisant”. Evidemment l’athéisme religieux est le plus extrême puisqu’il falsifie le concept de Dieu lui-même par une vision de la divinité où c’est l’homme qui se fait dieu. Mais attention! La plus sournoise rapine (prométhéique) du divin ne consiste pas à mettre quelqu’un sur un thronepiédestal pour être adoré, mais quand cet idoleà émettre des jugements religieux au nom de Dieu, pour établir ce que doit être la Révélation et par conséquent la Religion et l’Eglise de Dieu. Voilà l’abomination dans le Lieu Saint.

Avant d’entrer dans l’analyse des documents conciliaires, l’on doit considérer les faits suivants: si un concile œcuménique enseigne des vérités de foi divines, il est par là-même infaillible, en raison de son contenu. La foi est comme la conscience de ce contenu divin imprimé

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par l’action de la grâce de Dieu. Mais alors, comment pourrait-on parler d’une nouvelle conscience des vérités divines qui dépende des initiatives humaines?

En outre, parler de la nouvelle ‘conscience’ de l’Eglise, encore en formation (ou à former) signifie anticiper celle-ci et par conséquent exercer la fonction de Celui qui révèle. L’homme qui assume la position non pas d’interprète de ce qui est révélé par Dieu, mais carrément d’auteur d’une nouvelle conscience, ecclésiologie, doctrine, propage une nouvelle religion. En effet, on observe, que ce soit Jean XXIII ou ses successeurs à Rome, qui tous nous parlent d’un nouvel avent, d’une nouvelle pentecôte, non pas du fait que ce soient des faits révélés ou découlant de la Révélation, mais parce qu’ils prétendent l’anticiper. Leur projet c’est donc le changement de la conscience catholique dans le sens moderniste.

Il est donc clair que le projet synarchique avait trouvé sa méthode et ses exécuteurs: une inversion sémantique et les prophètes du Vatican II.

La révolution sémantique peut être représentée comme une incursion d'ennemis intérieurs dans une ville, non pour la miner mais pour en changer tous les repères signalétiques, les noms des rues et les enseignes: le matin suivant, les automobilistes égarés circuleraient à contresens, provoquant collisions, blocages de la circulation, bagarres et chaos. La confusion idéologique fait en effet plus de dégâts qu'une bataille ouverte, et cela sans que l’ennemi franchisse la frontière ou tire un seul coup de feu. Une telle révolution se produit en détournant le sens des mots, et elle est dirigée contre les concepts fondamentaux sur lesquels se fondent la morale, la loi et tout l’ordre de la vie sociale. En changeant la signification des mots et des concepts, ce qui était recommandable hier devient méprisable aujourd'hui, et ce qui était interdit devient obligatoire. Cette révolution peut être opérée à l’aide d'un arsenal culturel ou artistique, qui deviendra ensuite architecture législative et constitutionnelle. Ce qui importe c'est que les gens rompent avec leurs propres idées et traditions. Cela correspond à ce que la Bible désigne par: appeler mal le bien, et bien le mal. Et rappelons-nous la phrase de l’Evangile: les ennemis de l'homme seront ceux de sa propre maison.

Aspects de la guerre sémantique - La langue, qui selon les Saintes Ecritures est d'origine divine, est guide de l’ordre mental. L’épisode de la tour de Babel montre que le pluralisme sémantique tourne au conflit.

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D'où il s'en suit, comme l’écrit le Prof. Carlos Disandro: "dans ses tréfonds (de cette guerre sémantique) se coalisent les forces les plus obscures et les plus destructrices de l’Occident, les forces du Kali Yuga, rapides à concentrer les pouvoirs des ténèbres pour opérer une mutation radicale de l’homme, avant les mutations cosmiques qu'elles annoncent".

Solve et coagula - "Les opérations qui, sans changer les symboles linguistiques, permettent le transfert sémantique (...), c'est-à-dire les conversions et modulations sémantiques, se reflètent clairement ces dernières années dans le panorama politique des peuples occidentaux et dans les mutations de la pensée et des comportements des groupes sociaux catholiques (...) Une telle opération de solve et coagula au service d'un pouvoir planétaire nécessite une manipulation des symboles linguistiques. C'est même précisément là que réside son vrai pouvoir."

“La mort sémantique est, pour l’observateur prévenu et préparé, une mort physique, une mort du sensus linguistique, même si de quelque manière le symbole linguistique perdure une fois transformé, c'est la mort d'une langue: on l’observe actuellement avec la mort sémantique du latin chrétien qui marque le terme de la série de ruptures sémantiques qui sont survenues au cours de la chrétienté romaine. Dans cette mort nous voyons la débâcle de Rome, qui devient la puissance qui accélère la mort du latin, s'en servant comme d'un facteur de pouvoir pour proposer un vaste domaine de restructuration de l’homme, selon un étalon mondialiste jusque là inconnu de tout autre pouvoir passé ou présent. Avec cette rupture et cette mort s'est ainsi ouvert le règne de l’Antichrist qui, comme l’avaient annoncé les prophéties antiques et modernes, prend possession de son siège en cette vieille Rome des illuminations conceptuelles archaïques et originelles” (La Hosteria volante, n° 3l, V/l98l, La Plata, Argentine).

Un nouveau pouvoir secret et totalitaire - Pour être universel et dominer le monde, le nouveau pouvoir doit bénéficier d'une doctrine politico-religieuse capable de s'appliquer à tout le champ humain. Cela doit être une utopie totalisante qui occupe l’espace autrefois réservé à la religion pour livrer également cette dernière au moule démocratique. D'où alors, l’idée d'une synarchie unissant les diverses formes d'illuminisme, les idéologies, le démocratisme et les syncrétismes religieux.

Un prophète illuminé de l’avent de ce processus de nouveau christianisme fut l'ex-chanoine Roca (1830-1893) passé aux sociétés

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secrètes, véritable précurseur de Teilhard de Chardin, et qui écrivit ceci: "L’humanité dans ma vision, se confond avec le Christ d'une manière si réelle que les mystiques n'ont pu l’imaginer jusqu'à nos jours. Si le Christ - homme est, comme Verbe incarné, l'unique Fils de Dieu, Il est donc aussi l’Univers entier et surtout, toute l’Humanité en route... et ce qui se prépare dans l’Eglise Universelle... est une évolution. Ce que la Chrétienté [nouvelle] veut transformer, ce n'est pas une pagode, c'est un culte universel où tous les cultes seront incorporés.[...] Dès lors qu'il s’avérera aux yeux de tous que le nouvel ordre provient de l'ancien, l'ancienne papauté, l'ancien clergé renonceront bien volontiers devant le Pontife et devant les futurs prêtres, qui seront ceux du passé, mais convertis et transfigurés en vue de l'organisation de la planète à la lumière de l’Evangile [nouveau]. Et cette nouvelle église, bien qu'elle ne doive peut-être rien conserver de la discipline scolastique ni des formes rudimentaires de la vieille Eglise, recevra encore de Rome sa consécration et sa juridiction canonique. Je crois que le culte divin, aussi bien que la règle de la liturgie, le cérémonial, le rite et les préceptes de l’Eglise Romaine subiront prochainement, lors d'un concile œcuménique, une transformation qui, en leur restituant leur vénérable simplicité de l'âge d'or apostolique, les mettra en syntonie avec le nouvel état de la conscience et de la civilisation moderne".

Roca prédit: "une Eglise éclairée sous la conduite d'un Pape converti au christianisme scientifique, influencé par un socialisme évangélique, partisan d'un mondialisme syncrétique, qui convoquera un concile œcuménique pour forger la nouvelle liturgie et la nouvelle papauté (...)"*

Ce qui était ainsi projeté, c'était un pape converti aux nouvelles utopies de liberté, d’égalité et de fraternité. Pour y arriver, il était nécessaire de répandre l'idée que le Christianisme signifie obéissance absolue, pas au principe de la Papauté, qui est l’Autorité divine, mais aux valeurs proposées par la sagesse d’un pape. S’en suit la soumission confuse à ce qui est humain et la renonciation à toute lutte. En fait, tout se déroule comme s’il s’agissait d’une prise de conscience et de pouvoir de l’humanité-même.

La description du projet culmine dans le livre important du Grand Maître Yves Marsaudon: L’Œcuménisme vu par un franc-maçon de tradition, qu'il dédia en termes dithyrambiques à Jean XXIII, œcuménisme "qui devra servir à établir un pont entre l’Eglise et la Maçonnerie". "La destruction de l’Eglise n'est dès lors plus l’objectif

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vers lequel on tend, mais on cherche à s'en servir en la pénétrant. Sur cette voie, avec Jean XXIII, le premier pas était franchi. De tout cœur, nous espérions que la révolution de Jean XXIII devrait se poursuivre... L’Eglise dogmatique devait disparaître ou s'aligner... Le prêtre n'est plus un être à part..., il tend progressivement à s'unir à la société moderne" (Athanasius, de l’archevêque Graber, p. 46).

Les nouveaux révolutionnaires, les envahisseurs nocturnes de la révolution sémantique, sont ‘les intellectuels démystifiés’ explique Del Noce, dans le texte suivant: "Gramsci avait assigné à l’intellectuel une fonction un peu semblable à celle que Marx avait assignée au prolétariat: en se libérant eux mêmes, ils libéreraient le monde. La décomposition sociale le transforme en un fonctionnaire de l’industrie culturelle, dépendant d'une classe au pouvoir qui a besoin de l’intellectuel comme désacrateur (comme ‘gardien du nihilisme’) tout comme de l'ingénieur conseil" (Il Suicidio della Rivoluzione). Cette révolution bénéficie aujourd'hui de grands espaces virtuels avec la télévision, et s'avance en renversant les notions vitales dans lesquelles elle insinue ses concepts subversifs: - ainsi la sexualité (cf. Wilhem Reich), libérée de la procréation, et même du sexe opposé); la solidarité avec l’objecteur de conscience qui ignore superbement les risques du soldat; la liberté du criminel, aux dépens de la sécurité des innocents; les droits du terroriste, qui menacent la sécurité, des policiers, etc. Mais Chersterton rappelait qu'une erreur est pire qu'un délit, car elle est la matrice des délits. Et l’erreur des erreurs est de vouloir supprimer la différence entre le juste et le faux, entre le bien et le mal; de déclasser les principes divins pour les remplacer par les valeurs du monde.

Démocratiser, est devenu le mot d'ordre - L’autorité qui dans l’Eglise s’exerce du haut vers le bas devrait dorénavant s'exercer de la base vers le sommet. Mais, on l’a vu, l’Eglise ne doit plus nécessairement être détruite: il suffit de la réduire à l’état d'une sorte de parti politique, qui dialogue avec tous. Voici les germes des dogmes maçonniques: - le christianisme est une doctrine essentiellement démocratique; - il faut restituer à l’univers sa dignité originelle par la liberté et l’égalité, attributs essentiels de l’homme; - le mal est le fanatisme ou l’intégrisme (termes biaisé par la révolution sémantique ci-dessus par lesquels on désigne malignement la ferme conviction catholique et la proclamation de la vérité de la Foi); et enfin, - le bien

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être réside dans l’égalité sociale et dans les principes de la liberté religieuse.*

Les termes de l'aliénation moderne entendue comme l'état mental de celui qui, au niveau de sa conscience, est devenu étranger à la réalité, culminent dans l’athéisme. En effet, la conscience a toujours représenté, pour tout le monde et à toute époque, le siège du jugement, qui transcende la personne elle-même. Ce jugement ne peut qu'émaner d'un principe qui le précède. C'est pourquoi l’athéisme n'est pas seulement un état religieux mais un état mental, un refus de la raison qui relie les causes aux effets et le principe à ses fins. On peut dire la même chose de l'agnosticisme à propos des valeurs sociales, car en voulant ignorer le transcendant, il ignore aussi les valeurs du bien et du mal, de la nature et de la fin dernière de l'homme, points de départ de tout jugement et donc de l'architecture sociale.

* Les documents de la Haute Vente tombés aux mains de Léon XIII, couvrant la période qui

s'étend de 1820 à 1846, furent publiés à la demande de Grégoire XVI et ensuite de Pie IX par l'historien Crétineau Joly dans son ouvrage ‘L'Eglise Romaine et la Révolution’. Le Bref d'approbation en date du 25/2/1861 de Pie IX à l’auteur permet de dire que le Pape avait ainsi confirmé l'authenticité des documents publiés.

On étudiera ici un aspect du sillonnisme, mais dans son ensemble il faudra le revoir dans les documents de Paul VI qui ont suivi le Vatican II. On le fera suivant l’enc. Notre Charge Apostolique de St Pie X.

L'humanitarisme du Sillon et la révolution démo-chrétienne voulaient une Eglise civilisatrice plutôt que sanctificatrice. C'était, explique Romano Amerio, l’idée de réduire le christianisme au rôle de moyen, au bénéfice de la nouvelle civilisation de l’homme (IU). Une telle réduction ou plutôt inversion de la priorité de la mission de l’Eglise, qui ne deviendrait plus qu'une société promotrice de bien-être matériel, de l’assistance, de l’union et de la paix entre les hommes, est une erreur théologique qui se traduit aussi par une erreur sociale. Les œuvres sociales des Saints, fruits de pénitences et de sacrifices, tirent leur origine de la Foi, avant tout. En effet, toute réduction des fins dernières de la vie humaine ne peut que compromettre tous les idéaux humains.

Saint Pie X s'opposa à cette erreur par l’encyclique Notre Charge Apostolique (sigle NChA, p. xx) où il parle des déviés qui: “se proclament des idéalistes irréductibles, qu'ils prétendent relever des classes laborieuses en relevant d'abord la conscience humaine, qu'ils

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ont une doctrine sociale et des principes philosophiques et religieux pour reconstruire la société sur un plan nouveau, qu'ils ont une conception spéciale de la dignité humaine, de la liberté, de la justice et de la fraternité, et que, pour justifier leurs rêves sociaux, ils en appellent à l'Evangile, interprété à leur manière, et, ce qui est plus grave encore, à un Christ défiguré et diminué. [...] leur idéal étant apparenté à celui de la révolution, ils ne craignent pas de faire, entre l’évangile et la révolution, des rapprochements blasphématoires [...]. Le premier élément, de cette dignité est la liberté, entendu en ce sens que, sauf en matière de religion, chaque homme est autonome".

Telles étaient les théories condamnées du Sillon, que Vatican II reprit et amplifia, allant au delà de l’exception faite (“sauf en matière de religion”) par le Sillon.

En effet cette assemblée conciliaire, dans la déclaration Dignitatis humanae (7.12.65), au nom de l’autorité de l’Eglise, proclama le 'droit à la liberté religieuse’, dont les fondements sont donnés par la dignité de la personne humaine, laquelle est connue par la Parole de Dieu révélée par la raison elle-même (cf. Jean XXIII, Ptr, 11.4.63). Ce droit de la personne humaine à la liberté religieuse doit, selon ce schéma, être reconnu et sanctionné comme un droit civil dans l’ordonnancement juridique de la société (6, d). Cette doctrine condamnée par anticipation par le Magistère de St Pie X, de sillonniste et démo-chrétienne qu'elle était, la voilà approuvée par les suffrages de Vatican II. Et ce droit prétend désormais surpasser tous les droits, puisque Vatican II soutient que le droit à l’autonomie de tout homme, y compris en matière de religion, est fondé sur la Révélation. Dieu voudrait donc la liberté religieuse!

L’état de conscience, qui est appelé par St Jérôme igniculus, comme une étincelle allumée par Dieu dans l’esprit humain, puisqu’elle fait connaître les principes moraux, pousse au bien et détourne du mal. Ainsi conçue, la conscience peut être nommée voix de Dieu en nous, qui nous incite à obéir à la loi et nous conduit à observer l’ordre moral" (EC, mot: conscience).

C’est un fait universel, uniforme et constant que tous les hommes, de tous les temps et partout font une distinction essentielle entre bien et mal et ont pour source de ce critère immuable de jugement Dieu Lui-même qui Se révèle ainsi comme origine et fin ultime de la norme morale de tout ordre, naturel et surnaturel. Dans la reconnaissance de cette source

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première de la moralité, la conscience est la norme prochaine du bien agir. Mais à la conscience centrée sur Dieu s’oppose l’état de conscience centrée sur ses propres jugements. “D'où l'échange (sémantique) qu'ils font, en tant que même signification, entre conscience et révélation” (St Pie X). Un tel échange de centre implique la relativisation de tout; non seulement de la religion, mais de la morale, de la loi et de toute autorité. D’où le fait qu’une ‘conscience athée’ s’est déjà auto-jugée: s’élevant au statut de loi morale elle refuse la norme divine et en revanche va accueillir le murmure malin qui élève le moi pour après la dominer.

Le modernisme va donc beaucoup plus loin que Luther, puisqu'il fait de l’athéisme, non plus une négation de Dieu, mais un naturel “état de conscience de la personne humaine” (Karol Wojtyla, 29.8.65 durant Vatican II).

Conclusion - Le modernisme est en vérité une praxis de pouvoir sur les consciences qui, sur le plan politique, a été mise en œuvre par le démo-christianisme. Celui-ci, tout à fait à la manière du protestantisme, a adapté les concepts religieux à la société, les vidant de leur sens catholique. St Pie X parlait de l’idée ruineuse du laïcat dans l'Eglise (v. p.xx)0, non pas qu'il ait été contre les laïcs, mais à cause du risque d'inversion des rôles, soit dans leurs missions propres, par rapport à celles des personnes consacrées, soit à propos de l’origine des rôles spécifiques. Le pouvoir dans l'Eglise est hiérarchique; il procède d'en haut, et le sacré domine le profane et non le contraire.

Mais attention! La ‘direction’ hiérarchique est un principe de l’Eglise à cause du: “qui vous écoute, M’écoute! L’autorité de Jésus-Christ procède d’en Haut, c’est sa raison. Du moment qu’une voix pastorale ne répercute plus la Voix divine, elle rompt le sens hiérarchique, elle inverse son principe, et elle n’a plus aucune autorité catholique.

Mais cette praxis du modernisme est comme un virus qui altère le sens religieux et la vie sociale des peuples. C’est une faute contre la hiérarchie des valeurs, dépendant de principes dérivés eux-mêmes de l’unique Vérité. L'inversion de l’ordre des valeurs et de leur subordination à leurs principes - conséquence du travail révolutionnaire - équivaut à nier leur sens, et à les détruire. La démocratie chrétienne, en mettant la vérité démocratique au dessus de l’autorité de la Foi divine, accomplit le plan moderniste aux dépens de la vérité et de l’identité catholiques, allant finalement à l’encontre de la prise de position

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normale et démocratique des électeurs chrétiens qui refusaient l’affaiblissement religieux.

Si le clergé prêche qu'il est possible de légitimer l’union des religions, ayant du divin des visions complètement différentes, pourquoi les laïcs ne pourraient-ils pas appliquer cette même idée dans le domaine subalterne de la politique et des gouvernements? Comment être surpris alors de la décomposition sociale et morale où se trouve le monde aujourd'hui, en plein brouillard non seulement politique mais religieux!

Lex orandi, Lex credendi - L'Eglise fait de la liturgie la norme de l’entendement et du vouloir humain devant la présence divine. Et ceci atteint un degré incomparable quand le croyant reconnaît que toutes ses facultés doivent répondre à l’amour du Père, témoigné par le Sauveur crucifié. Mais qu'arrivera-t-il si, au contraire, au nom de la religion, on propose de faux modèles de comportement en fonction de fausses notions de justification et d’amour? Il y aura une grave déviation des consciences et, par delà cette aliénation religieuse, la corruption de toute la vie sociale et morale. C'est le détournement mental commencé par le modernisme et accompli dans nos jours par le ‘magistère conciliaire’. A sa prière correspond le syncrétisme de la cérémonie d’Assise.

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3 - Vatican II : Cheval de Troie dans la Chrétienté

La Révolution à Rome... Le 15.X.1890 voici comment s’est exprimé le Pape Léon XIII: "Le plan des sectes qui se manifeste actuellement en Italie, notamment dans la partie que touche l’Eglise et la religion catholique, a pour objet final et notoire de la réduire, si c’est possible, au néant... Cette guerre, actuellement, est plus acharnée en Italie qu’ailleurs, car en elle, la religion catholique a des racines plus profondes, surtout à Rome où se trouve le centre de l’unité Catholique et le Siège du Pasteur et Maître universel de l’Eglise".

Le nouvel état de conscience dans la civilisation chrétienne. On a vu que le ‘prophète’ de ce processus de nouveau christianisme

fut l'ex-chanoine Roca. Qu’il a annoncé les idées qui seraient celles du jésuite Teilhard de Chardin, passé aussi secrètement aux sociétés secrètes: “... Dès lors qu'il s’avérera aux yeux de tous que le nouvel ordre provient de l'ancien, l'ancienne papauté, l'ancien clergé renonceront bien volontiers devant le Pontife et devant les futurs prêtres, qui seront ceux du passé, mais convertis et transfigurés en vue de l'organisation de la planète à la lumière de l’Evangile [nouveau]”.

Si l’on considère l’influence des idées d’une nouvelle Chrétienté selon Teilhard dans Vatican II (registré par Henri Fesquet dans DC) on comprendra qui sont leurs continuateurs voilés. “... Le culte divin, aussi bien que... les préceptes de l’Eglise Romaine subiront, lors d'un concile œcuménique, une transformation qui, en leur restituant leur vénérable simplicité de l'âge d'or apostolique, les mettra en syntonie avec le nouvel état de la conscience de la civilisation moderne".

Ce qui était ainsi projeté, c'était un pape converti aux nouvelles utopies de liberté, d’égalité et de fraternité. Pour y arriver, il était nécessaire de répandre l'idée que le Christianisme signifie obéissance absolue, pas au principe de la Papauté, qui est l’Autorité divine, mais aux valeurs proposées par la sagesse d’un pape. S’en suit la soumission indiscriminée à ce qui est humain et la renonciation à toute lutte pour la défense de la Sainte Foi.

La Révolution n’aurait aucun pouvoir pour éloigner les peuples de Dieu et l’Occident du Christianisme, si ce pouvoir ne réussissait pas à s’imposer d’en haut, c’est à dire revêtu de l'apparente autorité du magistère suprême, papal et conciliaire, au nom de l’Eglise catholique.

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En effet, si les modernistes ont réussi à appliquer l’utopie égalitaire même parmi les religions, au nom de l’Eglise, cela signifie qu’ils avaient auparavant occupé les positions-clés dans l’Eglise et par là ont dégagé le domaine politique du monde catholique d’une possible réaction.

En plaçant la question en Italie, où est le Siège de la Papauté, on peut comprendre comment le démocratisme chrétien, dérivé du déjà condamné sillonnisme a désarmé la Chrétienté qui, enveloppée par une confusion sémantique et une dégringolade morale, est dans l’impuissance politique. De cette façon a été franchie la principale étape pour préparer les voies du grand peuple, informe et apostat de l’Antichrist.

Evêque signifie ‘celui qui veille’. L’Evêque de Rome est le vigile des vigiles dans la défense de la Foi et, en ce moment historique, l'humanité se trouvait à un carrefour et chargée de grands et nouveaux problèmes. “C’est un cri d’alarme que vous entendez aujourd’hui des lèvres de votre Père et Pasteur, de nous qui ne saurions demeurer muet et inactif devant un monde inconsciemment en marche sur des voies qui mènent à l’abîme des âmes et des corps, les bons et les méchants, les civilisations et les peuples (Pie XII, 10.2.52)”. Un Message extraordinaire adressé au Pape indiquait comment les résoudre, conformément à la Foi. Le problème était que l’esprit de la Foi apparaissait en déclin pour en faire recours.

Les événements de 1958 à Rome - Les complots pour l’infiltration de pouvoirs étrangers dans l’Eglise actuelle réapparurent lorsque Pie XII agonisait sur son lit de mort et que le monde pouvait entendre en direct les râles du Pape mourant; un abus journalistique qui indiquait la fin d’une époque. Un événement énigmatique de la passion présente de l’Eglise. Les Catholiques savent qu’ils doivent suivre le pape comme celui qui est tenu de signaler et de repousser en premier les ennemis de la Foi. Mais ils savent aussi qu’ils ne sont pas dispensés de la vigilance lorsque la Citadelle de la Foi est infiltrée par des ennemis de l’Eglise et que la Papauté est en danger.

Le complot politico-religieux - Louis Pauwels, franc-maçon converti au christianisme, a déclaré: "Il y a un complot mondial de forces antichrétiennes qui visent à affaiblir (et si possible à dissoudre en une sorte d’humanisme de belles paroles, mais impuissant) la foi des catholiques..." (Vittorio Messori, Inchiesta sul Cristianesimo, SEI, Turin, 1987, p. 152).

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Les plans pour un futur concile convoqué par un futur pape (selon nos besoins): "Le Concile du Vatican (nouveau) ne devra pas, comme le Christ, révéler à ses frères un nouvel enseignement, il ne devra pas conduire la Chrétienté, ni le monde en plein dans la direction d’autres voies que celles suivies par les peuples sous l’inspiration secrète de l’Esprit, mais simplement les confirmer dans cette manière de vivre moderne, dont les principes évangéliques, les idées et les œuvres essentiellement chrétiennes, deviennent sans qu’ils s’en aperçoivent, les principes, les idées et les œuvres des nations régénérées avant que Rome songeât à les préconiser. Le Pontife se contentera de confirmer et de glorifier le travail du Christ-Esprit dans l’esprit public, et, grâce au privilège de son infaillibilité pontificale, il déclarera - urbi et orbi - que la civilisation présente est la fille légitime du St Evangile et de la rédemption sociale (Glorieux Centenaire, p.111)."

Dans l’Evangile (Mt 26, 31; Mc 14, 27) on lit: "Je frapperai le Pasteur et les brebis seront dispersées". Voici l’heure nocturne où le monde se scandalisera de Jésus, Pasteur divin. La Très Sainte Vierge à la Salette en 1846 avait donné un message sur la crise effroyable qui irait frapper l’Eglise au XXème siècle, sur "l'Eglise éclipsée" qui a fait trépider IX:

"La vrai foi s’éteindra et une fausse lumière se répandra par le monde. L’Eglise aura une crise horrible. Rome perdra la foi et deviendra le siège de l'Antichrist. L’Eglise sera éclipsée et le monde sera dans la désolation". C’était annonce qu’une fausse foi d’une ‘nouvelle église’ éclipserai le soleil de la Vérité éternelle de la Sainte Eglise catholique apostolique et romaine.

L’heure cruciale pour la Chrétienté: le Conclave de 1958 Au conclave pour l’élection du nouveau pape était confiée la

continuité de la vigilance de l’Eglise. Pie XII, avant sa mort, avait conseillé le choix du conservateur Giuseppe Siri, mais on lui préféra le Patriarche de Venise, Angelo Roncalli. Siri était, dit-on, trop jeune avec ses 52 ans et ‘son pontificat aurait duré trop longtemps’! Avec Roncalli on aurait un pontificat de transition vers une ère nouvelle. Mais se serait-il contenté de ce rôle secondaire celui qui s’était choisi le nom de l'ancien antipape Jean XXIII? Ils étaient peu ceux qui à l’époque connaissaient les dessous de la vie et des idées de cet ancien nonce à Paris qui se rendait tous les jeudis-soir en cachette à la ‘Grande-Loge’

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maçonnique. Mais aujourd’hui des faits alors secrets peuvent être mieux connu pour indiquer qu’il était le pape choisit par certains milieux. Faire un tel choix appartient à la politique moderniste. Les fruits ne se feront attendre.

Angelo Roncalli était dans le livre noir du St. Office: "On a eu la chance de retrouver dans les archives, ce qui permet de l’établir avec une précision historique. Cette documentation inédite fait partie des ‘Carte Cavallanti’... le s’agit de cinq longues lettres écrites par le chanoine Jean-Baptiste Mazzoleni (1855-1931) entre mai et septembre 1911, dans lesquelles sont analysées plusieurs conférences du prof. Roncalli. Dans sa première lettre Mazzoleni conclut: “Je m’attendais à le voir développer ce en quoi consiste la vie chrétienne, mais pour moi sa conférence puait l’occultisme. Elle me sembla même manquer de la base qui est l’abneget semetipsum, car il s’était surtout désintéressé des conseils évangéliques. Et que dire ensuite de sa définition du mariage qui n’est pour lui que la sanctification du plaisir sexuel, ce qui est proprement scandaleux”.

En 1912 il y eut un veto à la nomination du prof. Roncalli pour la chaire d’histoire scolastique du Séminaire Romain. Raison indiquée: orthodoxie douteuse" (Lorenzo Bedeschi, Paese Sera, 13.12.72). En ces années le futur Jean XXIII était secrétaire de l’évêque modernisant Radini-Tedeschi à Bergamo et il enseignait l’histoire ecclésiastique dans les locaux du séminaire.

Roncalli fut condisciple du moderniste Buonaiuti ainsi que de Turchi, et comme eux professeur d’histoire s’inspirant de Duchesne, dont les écrits étaient considérés comme remplis d’idées modernisantes, car il ne tenait aucun compte du facteur surnaturel dans l’histoire. Cette œuvre fut d’ailleurs mise à l'Index et interdite dans les séminaires. Mais Roncalli continua à l’utiliser tant et si bien qu’il fut rappelé à l’ordre. Il se disculpa en disant qu’il avait lu seulement quelques pages de l'œuvre incriminée (Hebblethwaite, Giovanni XXIII, il Papa del Concilio, ed. Rusconi, Milan, 1989, pp. 62, 65).

L'initiation maçonnique et rosicrucienne de Jean XXIII, même s’il est difficile de la démontrer, parce qu’elle est un secret (Pier Carpi, ‘Le profezie di Papa Giovanni’, Mediterranee, 1976, Rome), se manifeste quand même par sa pensée et comportement favorisant la Maçonnerie, dont il a ignoré la condamnation séculaire. On a constaté aussi que, comme par hasard, certains documents trop compromettants, sur les

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déviations et mêmes parjures de Roncalli, ont disparu des Archives vaticanes (cf. ‘NichitaRoncalli’. sigle NRon, p. 41).

Les rencontres maçonniques - Plusieurs Grand Maîtres maçonniques de France et d'Italie ont confirmé publiquement l’ouverture au dialogue du futur Jean XXIII (Sodalitium. 42, p. 9). En 1989 la revue des francs-maçons Humanisme.186, raconte le tête-à-tête du nonce Roncalli avec Alexandre Chevalier qui avançait des propos au regard du droit canon et autre. Ces entretiens secrets entre le futur Jean XXIII et celui qui devint grand maître en 1965 (invité au Vatican lors de l'accession de Jean XXIII), ‘fait écho à l'hypothèse que la loge L'Etoile polaire (l'Atelier), «était à l'origine de Vatican II» (Jacques Ploncard d'Assac, Présent, 20.7.89)’.

“L’Eglise du Nouveaux Code - Le 25 janvier 1959, Jean XXIII, en visite à la basilique de St Paul-hors le Mures, "annonça la prochaine convocation d’un synode diocésain de l'archidiocèse de Rome, d’un concile œcuménique et la révision du Code de Droit Canon. Dans la surprise générale il y eut une conviction commune: Jean XXIII voulait arriver à une restructuration de toute la Sainte Eglise. Le synode de Rome en aurait constitué une ébauche, le Concile en aurait indiqué les directives et le nouveau Code en aurait fixé les lois ordinaires, donnant enfin corps, existence et vie à la nouvelle église, destinée à remplacer celle vieille de deux mille ans... Avec la publication de ce nouveau Code [1983], la conviction suscitée alors chez les fidèles est intégralement confirmée... le nouveau Droit peut être compris comme un effort pour traduire en langage canonique l'ecclésiologie conciliaire: Eglise = peuple de Dieu = communion; autorité ecclésiastique = service collégial; enfin l’Eglise et son devoir d’œcuménisme" (Mgr Antonio de Castro Mayer, DAC, Monitor Campista, Campos, Brésil, 17.4.83).

Emblématiquement dans “L’Eglise du Nouveaux Code”, comme l’a appelée Mgr Castro-Mayer, il n’est plus prévu d’excommunication pour les Franc-maçonnes. Mais y a-t-il une autorité pour déclarer leur communion avec l’Eglise?

Le père du Vatican II L'image d’un pape bon fut bientôt crée autour de Jean XXIII. Mais

qui l’a crée si non les amis qui ont voulu l’introniser? De l’infiltration maçonnique, il est même question dans “une lettre du

card. Tisserands à un abbé professeur de Droit canonique; le Cardinal déclare illégitime l’élection de Roncalli, qui, dit-il, a été voulue et

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préparée par des forces étrangères à l’Esprit-Saint (cf. ‘Vita’, 18.9.77, NRon, p.57)".

Pour favoriser l'image de papa buono le même Roncalli s’y employait au point d’embarrasser ceux qui venaient aux audiences et visites officielles car il cherchait toujours à provoquer l’hilarité aussi sur des questions sérieuses. N’était-ce pas une façon d’établir un contraste avec Pie XII? Mais quelle est la réalité?

"Quelqu’un au Vatican avait défini Jean XXIII l’Ermete Zacconi (acteur de la fin de siècle qui représentait du drame à la comédie) de l’Eglise moderne, compte tenu de son habileté native à se présenter sous les aspects les plus disparates. En effet, Roncalli avait deux visages qu’il dominait à la perfection: celui pour l’officialité et pour tout le monde, aimable et simple, et l’autre, celui qui comptait terriblement, ferme et décidé, obstiné autant que définitif. Par moments, pour ceux qui se tenait assez près de lui, il pouvait arriver de surprendre, derrière le masque bonasse et le sourire pour tous, un éclair du visage authentique. Une boutade, un mot ou un geste de ses mains, révélaient un caractère qui savait être dur, par fois, jusqu’à affleurer la cruauté" *.

Père Pio - "Un exemple généralement ignoré: à l’instigation de ses conseillers il refusa au pauvre Père Pio la bénédiction apostolique à l’occasion de son jubilé sacerdotal, en août 1960, et il lui interdit de donner la bénédiction papale aux fidèles accourus à San Giovanni Rotondo. L’anticommunisme du Capucin stigmatisé était bien connu au Vatican, et la Maison ‘Sollievo della Sofferenza’ (soulagement de la Souffrance), le grand hôpital réalisé avec les dons venus du monde entier, enflammait la cupidité de beaucoup d’encourant". Jean XXIII coupait court lorsqu’on dénonçait les persécutions faites au saint Prêtre (cf. card. Bacci), dont celles de son secrétaire Capovilla, et il était au courant des micros cachés dans le confessionnal pour espionner le Père (cf.**).

* Nichitaroncalli, Franco Bellegrandi, EILES, Rome, 1994. ** Le Calvario di Padre Pio, Giuseppe Pagnossin, 2 vol., Padoue, 1978; I Nemici di Padre Pio, Francobaldo Chiocci, "Reporter". 1968; Nel Nome duPadre, Luciano Cirri e E. Malatesta, Aquili ed. Rome, 1989. . Le renouveau - “On était tenté de croire que certaines des nouvelles

boutades attribuées au nouveau pape et qui faisaient le tour de Rome étaient vraies, comme lorsque quelqu’un demanda quel était le nombre des personnes qui travaillaient au Vatican... réponse: ‘environ la moitié!’. Et quand on lui demanda si lui-même avait écrit en entier sa

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première encyclique Ad Petri Cathedram, le répondit: ‘Je l’ai lue!’.[…] "Entre-temps, travailler à la Radio Vaticane était devenu fort embarrassant. Les discours de Jean XXIII en diverses occasions (nous devions les traduire, les résumer et les transmettre) semblaient composés à la va-vite, s’il s’agit de composition, et très vite, parmi mes collègues français, allemands, portugais, espagnols et polonais, nous exprimions ouvertement nos impressions. Il devint nécessaire de faire des coupes sombres et même de modifier certains passages" (R. Anderson, Memoirs, Rome, 1994).

Le devoir de défense de la Chrétienté, pour éviter que les idéologies matérialistes ne prennent le dessus, en déchristianisant l'Occident, devenait impératif à cette période. Les prêtres fidèles faisaient des efforts héroïques pour conjurer le péril. Jean XXIII, au contraire, ne perdait pas une occasion pour se montrer, avec optimisme, ouvert à la collaboration avec partis, loges et églises du monde. Et voilà que les étapes, avec lui, s’accélèrent et c’est une suite de faits qui indiquent la réalisation impressionnante du plan de séquestration de l’Eglise qui résistait aux erreurs du monde, pour la remplacer avec un simulacre ouvert à tous les compromis. Sous la bannière d’un prophétisme d’optimisme on a vue le passage du primat de la Religion de Dieu au culte de l'homme. Les faits du monde civil et religieux sont là pour en donner la preuve. Voyons les ouvertures au communisme, à la Franc-maçonnerie, au protestantisme, et à l’intérieur, aux nouveautés liturgiques, théologiques, canoniques... bref, à une ‘nouvelle église’.

Les discours du 'dégel' de Jean XXIII étaient plus portés à susciter la sympathie personnelle et l’étonnement de la nouveauté que la prudence doctrinale. En 1959 le grand ennemi de la foi en Italie et dans le monde entier était le communisme. Qu’il nous suffise de rappeler les manœuvres de l’expansionnisme soviétique en Europe, en Asie et en Afrique, et la révolution cubaine qui déjà menaçait de s’étendre dans le monde latino-américain, traditionnellement catholique. Et bien entendu les discours de Jean XXIII ne servirent pas à calmer le climat de conflit entre catholiques et communistes, mais en raison de leur gauchisme, ils servirent au contraire à ouvrir la voie aux communistes qui en profitèrent largement, à en juger par l’apport de plus d’un million de voix aux élections politiques de 1963 en Italie.

L'accueil fait aux requêtes du B'nai Brith, présentées par le prof. Jules Isaac, reçu le 13 juin 1960 par Jean XXIII, fut une assez grande

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surprise. Bien entendu: la requête d’enlever de la liturgie du Vendredi Saint le mot ‘perfide’ attribué aux Juifs, avait déjà été présenté en 1945, par le rabbin Eugenio Zolli, qui après son baptême fut reçu en audience privé par Pie XII (dont il a pris le nom d’Eugène). Dans les missels de 1953, en effet, la traduction de - Oremus et pro perfidis Judaeis - devenait: - Prions aussi pour le Juifs qui n’ont pas voulu croire. Or, après le tête-à-tête de 1960, dans les missels de 1961, même la diction des ‘Juifs qui n’ont pas voulu croire’ a été supprimée (cf. Itinéraire, n. 332, avril 1989).

Ici il s’agissait tout bonnement de la révision de l’Evangile en ce qui concerne le déicide des Juifs et l’ouverture de l’œcuménisme à ces frères aînés, représentés par le B’nai Brith: “Cette organisation maçonnique internationale, fondée en 1843 et réservée aux seuls israélites, est la plus ancienne, la plus vaste, e sans aucun doute, la plus influente de toutes. Nous avons en France pas mal d’hommes politiques liés à elle. Une enquête sur cette organisation fort secrète” (cf. E. Ratier, Mystères et Secrets des B'nai Brith, Ed. Fideliter, F-57230 Eguelshardt).

La mission fut conduite par le card. Bea, qui a reçu Nahum Goldman et lui a demandé de préparer un mémorandum des requêtes, signé par la plupart des organisations juives, afin d’inscrire le problème juif à l’ordre du jour du concile œcuménique (Lettres politiques de J. Ploncard d’Assac, n° 37, dec. 1978). Le résultat apparaît dans la modification des textes liturgiques se référant aux Juifs, dans la Nae du Vatican II, puis dans la visite de Jean Paul II à la synagogue de Rome. Le changement de la position doctrinale est évident; il suffit de lire les nouvelles orientations (EPC, pp. 264-276) et le nouveau catéchisme: pour les Juifs la conversion ne serait plus désormais nécessaire!

La promotion d’une hiérarchie moderniste - Jean XXIII voulait remplacer le vieux Collège cardinalice et c’est pourquoi il s’empressa de promouvoir au cardinalat un bon nombre de ses amis, parmi lesquels Montini et l'année suivante Bea. Il réunit trois consistoires en l’espace de vingt mois, outrepassant ainsi largement le nombre maximum de 70 cardinaux établi par Sixte V. Au conclave de 1963 le Collège cardinalice était substantiellement renouvelé avec 84 cardinaux électeurs.

L'appui donné à Bea par aversion pour la Curie - Ces épisodes de sa carrière cléricale nous aident à comprendre, outre son mode d’agir, son goût pour les nouvelles méthodes de critique historique. Installé au Vatican, il aura alors le moyen de faire avancer ses idées et de freiner les

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contrôles de la Curie qui avait bien raison de le suspecter. Ayant donné le chapeau de cardinal au jésuite Augustin Bea, il lui confiait le pouvoir de se charger du renouvellement de l’exégèse biblique et de mettre à jour la vieille école des exégètes de la tradition. C’étaient là les clefs indispensables pour les ouvertures œcuméniques vers les chrétiens séparés, auxquels furent associés inexplicablement même les juifs.

Le Secrétariat pour l'union des chrétiens a commencé par être une commission, mais en réalité c’était un organisme avec lequel le card. Bea, son supérieur, désigné par Jean XXIII, avait pouvoir d’action en tous les domaines, avant, pendant et même après le Vatican II, pour compléter l’œuvre du néo-œcuménisme. Au programme il y avait naturellement, cette ouverture condamnée par les Papes, du Conseil œcuménique des églises, au passage de Mystici Corporis, qui ne reconnaît point les autres églises prétendument chrétiennes, à une reconnaissance qui va jusqu’à les englober. Que tout cela fut préparé à l’avance, on le comprit dans l'assemblée conciliaire en comparant le schéma de Bea, "De libertate religiosa", et celui du Saint Office (Card. Ottaviani), "De tolerantia religiosa". Inutile de rappeler que seul le premier fut adopté pour porter à son terme la DH.

L'accord avec le Patriarcat de Moscou fut, lui-aussi, voulu par Jean XXIII qui, pour obtenir la présence de représentants de ce Patriarcat, chargea le Card. Tisserant et mgr Willebrands de donner ses garanties explicites et sa promesse qu’il ne serait jamais question du communisme au cours de Vatican II. L’on était déjà au courant de la dépendance, sinon de l’appartenance au KGB des prélats orthodoxes invités à participer au Vatican II. Effectivement, déjà dans d’autres synodes, ils avaient soulevé des objections jusque sur la possibilité d’une discussion concernant l'athéisme, lequel pouvait sembler offensive aux soviétiques.

Et voici qu’à Vatican II, mine de rien, fut interdit le sujet le plus actuel et le plus brûlant de cette période historique: le communisme.

- Les Conciles Œcuméniques de l’Eglise et Vatican II -

Le Concile Œcuménique est un événement avec lequel l’Eglise exerce son autorité divine en matière de foi. C’est donc question de l’autorité de l’Eglise, dans la combat: de l’Eglise pour la renforcer; de la Révolution pour l’abattre. Les Papes, conscients de l’accroissement des pouvoirs du monde qui assiègent l’Eglise, redoutaient le risque de continuer avec un nouveau concile l'inaccompli Concile Vatican Ier, interrompu par la prise de Rome. Quand Pie XI, dans le consistoire

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secret du 23.5.1923, demanda aux cardinaux de Curie s’il était opportun de convoquer un Concile œcuménique, ceux-ci se montrèrent défavorables et le card. Billot "manifesta sa crainte de voir le Concile manœuvré par les modernistes, les pires ennemis de l’Eglise, lesquels comme on peut le constater à des signes fort clairs, se préparait à faire la révolution dans l’Eglise" (La collégialité épiscopale au deuxième concile du Vatican, P. Raymond Dulac, ed. du Cèdre, Paris, 1979).

Le théologien connu, P. Cornelio Fabro, rappelle que: "le péril du modernisme n’est jamais supprimé, car la tentation de s’ériger en critère de vérité pour mettre la foi dans sa poche, est en quelque sorte inhérent à la raison humaine corrompue par le péché. Une tentative proche du modernisme théologique fut celle de la nouvelle théologie, apparue en France après la IIéme guerre mondiale et condamnée très énergiquement par Pie XII dans son enc. Humani generis (12.8.50)". En outre il observe que la question du modernisme se rapporte à la distinction entre l'ordre naturel et l'ordre surnaturel: de la transcendance. Lorsqu’on nie cette distinction, "on élimine en fait toute valeur absolue et transcendante des premiers principes de la raison; avec eux l’on perd la possibilité de la structure logique de la pensée ainsi que la validité de chaque position métaphysique".

C’est la description de ce que sera l'aggiornamento conciliaire.

Un Concile pour le nouvel ordre mondial La voix du Pasteur, toutefois, est toujours reconnue par le troupeau.

L’Evangile utilise le mot ‘voix’ d’une façon systématique: Il y a la voix qui se fait entendre du ciel lors du baptême de Jésus; d’un nuage lors de Sa transfiguration; la voix du Pasteur; de l’Epoux; au milieu de la foule; la voix forte comme une trompe, comme le vacarme des grandes eaux dans l'Apocalypse. "Ceux qui appartiennent à la vérité écoutent ma voix" (Jn 18, 37); mais, "personne n’entendra la voix de mon serviteur" (Mt 12,19). Jésus Christ, que "Dieu a constitué Seigneur" (Rm 9) a dit: "car si vous ne croyez pas que JE SUIS, vous mourrez dans votre péché” (Jn 8, 24) et aussi: “Je suis venu au nom de mon Père, et pourtant vous ne me recevez pas: qu’on autre vienne en son propre nom, et vous le recevrez” (Jn 5, 43).

Comme le rapport d’autorité, qui implique l’obéissance entre personnes intelligentes, s’exerce à travers un langage intelligible, cette voix doit retentir distinctement comme la Voix révélée. Or, la voix des

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‘prophètes’ conciliaires, pareille à n’importe quelle voix du monde, outre qu’elle est fort dissonante comparée au langage magistrale, est de plus équivoque, sinon contradictoire quant à la doctrine. Ecoutons la voix d’Angelo Roncalli qui jugeait sévère celle du Pape Sarto (St Pie X) lorsqu’il imposa le serment de foi antimoderniste, "mesure" à révoquer pour celui qui se fit appeler Jean XXIII et qui alors (11.X.62) inaugura son Vatican II:

"Pourquoi fallait-il un concile?... L’esprit chrétien, catholique et apostolique du monde, attend un bond en avant vers une pénétration doctrinale et une formation des consciences, en correspondance plus parfaite à la fidélité à la doctrine authentique, celle-ci, néanmoins, étudiée et exposée à travers les formes de la recherche et de la formulation littéraire de la pensée moderne [...] Nous voyons en effet, dans le passage d’une ère à une autre, que les opinions des hommes se succèdent en s’excluant mutuellement et que les erreurs souvent à peine apparues s’évanouissent comme la brume face au soleil. Toujours l’Eglise s’est opposée à ces erreurs; souvent elle les a condamnées avec une extrême sévérité. Au jour d’aujourd'hui, cependant, l’Epouse du Christ préfère recourir à la médecine de la miséricorde plutôt qui à celle de la sévérité: elle tient à venir au devant des besoins d’aujourd’hui, en montrant la validité de sa doctrine plutôt que d’user la condamnation ... Il arrive souvent que dans l’exercice quotidien de notre ministère pastoral nos oreilles soient offensées en apprenant ce que disent certains qui, bien qu'enflammés de zèle religieux, manquent de justesse de jugement et de pondération dans leur façon de voir les choses. Dans les temps modernes, ils ne voient que ruines et prévarication: ils ont coutume de dire que notre époque a profondément empiré par rapport aux siècles passés: ils se conduisent comme si l’histoire, qui est maîtresse de vie, ne leur avait rien appris et comme si du temps des Conciles d'autrefois tout était parfait en ce qui concerne la vie chrétienne ainsi que la juste liberté religieuse. Il nous semble nécessaire de dire notre complet désaccord avec ces prophètes de malheur, qui annoncent toujours des catastrophes, comme si le monde était près de sa fin. Dans le cours actuel des événements, alors que la société humaine semble à un tournant, il vaut mieux reconnaître les desseins mystérieux de la Providence divine qui semble en train de nous conduire à un nouvel ordre des rapports humains, à travers la succession des temps et par l’œuvre des hommes et même contre toute attente, disposent tout avec sagesse pour le bien de l'Eglise, même les événements contraires.

Le cri d’alarme de Pie XII, d’«un monde en marche sur des voies qui mènent les hommes à l’abîme» serait excessif et vient étouffé. Et voilà la révolution sémantique portée au cœur même de l’Eglise.

Il s’agit d’un discours pénétré de l'optimisme qui pouvait être fondé seulement sur le progrès matériel de ce moment historique et, comme on l’a compris ensuite, sur l'œuvre des hommes de l'ONU, dont ‘les desseins mystérieux de la bonne Providence’ camouflaient le ‘nouvel ordre mondial’ voulu par la Maçonnerie.

Le discours semble être adressé aux innovateurs ‘libres’ quant’aux obstacles du pouvoir temporel de l’Eglise, dont la doctrine doit être mise

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à jour en fonction du langage de la pensée moderne pour faire un bond en avant dans le progrès du monde, désormais suffisamment adulte pour surmonter de manière autonome de nouvelles erreurs.

Paul Scortesco écrit à propos (‘L’Abomination dans le Lieu Saint’, Lumière, 1972, Boulogne-sur-mer): “Deux fameuses erreurs de Jean XXIII reprises par Paul VI sont a l'origine de cet abandon aux conséquences désastreuses (décl. du 13.5.61, avant le néfaste Vatican II).

“Primo: Il faut que la doctrine (catholique) soit exposée en suivant les méthodes de recherche (un mot qui a fait carrière!) dont use la pensée moderne (C’est le modernisme condamné par saint Pie X dans Lamentabili et Pascendi.)

“Secundo: l’Eglise ne condamne plus les erreurs qui, d'ailleurs, s'excluent les unes les autres, et à peine nées s’évanouissent comme brumes au soleil”... Oh pardon! Il me semble que parmi d'autres ‘brumes’, il y en a une qui dure depuis quatre siècles et qui, aujourd’hui, a envahi et obscurci le ciel de l’Eglise: le protestantisme... En outre, depuis deux siècles, les brumes de la grande hérésie, celles de la Révolution (‘vérités chrétiennes devenues folles’, o Chesterton!) sont loin de "s'évanouir au soleil”, elles obscurcissent plutôt la terre. Et ne reculent ni en Europe, ni aux Amériques, ni en Asie... Ces brumes plongent dans la nuit la civilisation actuelle. Il ne restait que l'Eglise pour les chasser, et vivre dans la lumière... Maintenant, ça y est, c'est fait! L’Eglise est la proie des ténèbres de la Révolution... Ses évêques sont devenus des oiseaux nocturnes, des chauves-souris... ils se cognent dans la nuit, ils titubent, ils font tout tomber à la renverse, dans l’Eglise actuelle...

Prophètes de malheur: Les analystes lucides du déclin religieux et mental de la moitié de ce siècle? S’ils l’étaient il faudrait compter, avant eux, tous les Papes de ces derniers siècles ainsi que les Saints de toutes les temps, notamment, Celle qui nous a portée le Message de Fatima. On ne repoussait seulement que la résistance à tant de progrès: celle des prophètes de malheur qui, eux, voyaient croître dans le monde la violence, l'incrédulité, l'immoralité, l'offense à la Loi divine. Le discours répond ainsi, indirectement, à la question initiale: pourquoi un concile? Il y a encore, pour nous aider à comprendre le Pape S. Pie X; il nous indique l'idée moderniste de l’Eglise comme fruit de deux besoins: le premier, individuel, consiste à suivre une expérience originale et singulière en la communiquant aux autres.

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Jean XXIII ne fournit pas des motifs de foi pour convoquer son Vatican II, mais une inspiration surnaturelle:

"Ce fut un touche inattendue, un jet de lumière d’en haut, une grande suavité dans les yeux et dans le cœur".

Le second besoin dans la collectivité: "Mais ensemble, une grande ferveur surgie d’une manière improvisée dans le monde entier, en attente de la célébration du concile!"(ibid.5).

Des lors la pensée et le vouloir de l’Eglise sont les siens: "Elle retient de venir au devant de besoins d’aujourd’hui... elle préfère se

servir de la médecine de la miséricorde... plutôt que de la condamnation."

Comme si la justice fût contraire à la miséricorde. La gérance des opposés va mettre les Principes au service des valeurs du temps.

Pourquoi fallait-il un concile? Après tout ce que nous avons vu, la réponse devient claire: il entrait dans les plans de la Maçonnerie. Mais ici nous avons à considérer un fait. L’autorité de l’Eglise étant définie selon le depositum fidei, donc de caractère dogmatique, elle est, comme la doctrine, d’après l’ordre métaphysique, non assujettie au langage humain. La doctrine n’est pas une forme d’expression, elle ne dépend pas de la formulation: elle est concept. Ainsi, un dogme, comme celui de l’autorité papale, traduit sous une autre forme métaphysique, n’est plus le même dogme: ce n’est plus la même autorité, c’est ainsi d’ailleurs qu’un concept transformé en un autre concept n’est plus le même. Pour Jean XXIII cependant, il fallait s’adapter à la formulation «de la pensée moderne»: "[donnant au magistère...] forme et proportions de caractère non tant de juge universel, qu’avant tout pastoral".

N’y a-t-il pas là cet énorme et premier sophisme des Modernistes, détesté par le non-catholique Benedetto Croce? Car il est bien vrai qu’un même concept peut être traduit en quantité de langues diverses, mais le concept d’une papauté qui soit le fruit de la mentalité démocratique ou maçonnique est un concept radicalement différent, inexistant dans la Révélation et par là-même, privé du caractère catholique.

Le début de la désolation conciliaire

13 octobre 1962, anniversaire du Miracle du soleil à Fatima, on inaugurait Vatican II, qui préféra s’ouvrir au monde qu’à la Médiatrice des toutes les Grâces. Et là, désormais, descendit un silence glacial concernant Fatima.

Extrait du journal du Card. Siri: "Aujourd’hui le diable nous a ligoté. Et je pense qu’il a mal fait car il a dévoilé batteries et intentions...

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L’assemblée [conciliaire] s’étant ouverte, aussitôt se lève du banc du conseil de présidence le card. Liénart [:.] et il lit une déclaration dans laquelle il affirme que l’on ne pouvait effectuer le vote pour les Commissions car les pères ne connaissent pas encore les candidats possibles, c’est pourquoi il fallait ajourner l'élection... Alors Frings se lève et, au nom de Dopfner et de Koenig, il lit, à peu près, la même déclaration, acceptant les raisons données par Liénart. Il est évident que tout cela avait été concocté par les susdits et avec eux par le doyen (Tisserant) qui semblait ravi et qui leva immédiatement la séance...". Il s’agissait de l’annulation de tout le travail préparatoire du Concile fait par la Curie romaine avec les experts de sure orthodoxie, c’est à dire le gouvernement du Pape. Jean XXIII ira le désavouer en cachette.

L’humiliation et la neutralisation du pouvoir pontifical: la prise des Etats de l’Eglise, puis de la cité de Rome, et maintenant dans le Vatican même avec la débâcle de la Curie! Tout cela était dans les plans de la Franc-maçonnerie... Cavour avait justifié la première entreprise carrément comme une ‘purification’ de l’Eglise du ‘fardeau’ du pouvoir temporel.

Jean XXIII en inaugurant le Vatican II l’avait justifié: “Non sans une grande espérance et cela nous réconforte grandement, nous voyons aujourd’hui que l’Eglise, libre enfin de tant d’obstacles de nature profane, qui sont maintenant du passé, puisse depuis cette Basilique Vaticane, quasiment comme d’un second Cénacle Apostolique, fasse entendre, grâce à vous, sa voix pleine de grandeur et de majesté."

Et voilà qu’aujourd’hui on croit vrai que les ‘papes conciliaires’ doivent se libérer du ‘passé’. Et voilà qu’au Vatican on a rédigé le concordat de 1984 avec l’Italie qui a voulu être une œuvre de conciliation. Mais alors comme aujourd’hui, l’application pratique de la démolition de l’influence temporelle de la Religion ne fait que valoriser les idées du carbonaro Garibaldi et de Ricciardi qui combattaient l’Eglise avec l’alphabet, autrement dit avec l’instruction laïque avec laquelle on inculquait l’idée de l’incompatibilité de la foi et de la morale avec la liberté et les droits civils. Aujourd’hui Jean Paul II demande pardon des condamnations et autres ‘méfaits’ de l’Eglise, au nom de l’Eglise même!

Le mot d'ordre devenait aggiornamento. Pour réaliser ce plan Jean XXIII convoqua Vatican II avec la préoccupation particulière de l'entente néo-œcuménique. Le Professeur Dörmann explique:

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“L’idée d'un concile pastoral donna à penser que les formes extérieures de l’Eglise pouvaient tout simplement être adaptées aux données de l'âge moderne, mais que sa «doctrine immuable» en resterait pourtant intacte. Mais c'est un fait généralement connu que les changements profonds dans la pratique proviennent de théories nouvelles et que l'introduction d’une nouvelle pratique transforme les théories. Mutatis mutandis, cela vaut aussi de manière particulière pour l'Eglise et ses réformes conciliaires: toutes les nouveautés évidentes survenues dans la vie de l’Eglise n’ont été en fin de compte que le résultat d'une nouvelle vision théologique; l'introduction d'une nouvelle manière de faire devait à son tour transformer petit à petit l'ancienne foi. […] Ainsi par exemple... l’attitude postconciliaire, qui a été manifestée à Assise visiblement aux yeux du monde entier, est l'expression d'une nouvelle théologie. A son tour la nouvelle pratique cause des réactions grosses de conséquences sur la foi du Peuple de Dieu. […]

“L'idée d'un «concile pastoral» était irréelle. Il devait obligatoirement devenir dogmatique. En raison de la situation explosive de la théologie à ce moment, la docilité à l’enseignement de l'Eglise, condition requise pour un concile purement pastoral (sans matière dogmatique), était inconcevable. […] A l'idée du «concile pastoral» et au fait de renoncer à des décisions définitives est venu s'ajouter un troisième élément nouveau dans l'histoire de l’Eglise: l'option des Pères pour un «langage conciliaire pastoral»... adapté pour obtenir plus facilement les buts de l'aggiornamento […] La nouvelle ouverture de l'Eglise au monde d'aujourd'hui réclamait aussi une langue d’Eglise ouverte à la conception du monde et à la pensée moderne. […]

“C'est une délicate entreprise de décrire en peu de traits le rôle du Concile dans le bouleversement théologique et dogmatique sans exemple qui s'est produit dans l'Eglise" (L’Etrange Théologie de Jean Paul II et L'esprit D'Assise, Ed. Fideliter, 1992, p. 45-48).

L’idée d'un concile pastoral est quelque chose de nouveau dans l'histoire de l’Eglise, mais c'est sans difficulté que la majorité des Pères l’accepta avec les traits d'une idée qui correspondait à la personne de Jean XXIII et à son pontificat: "l’Eglise est jeune et comme toujours dans son histoire elle demeure transformable". De là son programme pastoral de transformation: ad intra renouvellement intérieur et ad extra le fait de l’adaptation aux données et besoins du moment historique.

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Renoncement au magistère infaillible? Lorsque l’on dit que Vatican II n’est pas proposé comme divinement révélé et ne rentre pas dans le magistère ordinaire et universel (même sans définitions solennelles) c’est qu’il est proposé comme pastorale humaine et il n’a aucun sens: le Catholique cherche dans le Magistère de l’Eglise l’autorité qui vient immédiatement de Dieu. Le Seigneur en enseignant: “Qui vous écoute, M’écoute”, a établi un lien de foi entre les fidèles et le magistère de Ses représentants, mais avant tout avec Lui-même. L’esprit de Vatican II n’étant pas ‘doté de la note d’infaillibilité’, représente une vérité liée... mais à qui?

L’éclipse de l’autorité - Une autorité moderniste, refuse, de par sa nature, le jugement et la condamnation des erreurs du monde, c’est à dire de ce qui constitua la raison d’une autorité. Avec une bonté hypocrite, elle excuse Jésus qui nous a avertis au sujet de l’enfer. Elle manifeste un ‘orgueil de sa propre bonté’ lorsqu’elle excuse le monde et qu’elle déplore le passé de l’Eglise. De la sorte elle juge que chaque faute est la résultante de la misérable pastoralité des Papes et des saints du passé. Elle réserve toute rigueur à l’intransigeance fidèle qu’elle devait représenter. De quelle autorité s’agit-t-il alors?

Les Papes enseignent que les Conciles œcuméniques sont infaillibles: Pie VI dans son décret Super soliditate petrae (28.11.1786); Pie IX avec sa lettre ap. Multiplices inter (10.6.1851), Syllabus n.23 (8.12.1864), Let. Dolendum profecto est (12.3.1870): "S’ils avaient la fermeté de la foi, avec les autres catholiques, ils retiendraient que le Concile œcuménique est gouverné par l’Esprit Saint et que c’est uniquement grâce à l'inspiration de cet Esprit divin qu’il définit et propose ce qui doit être cru. Si donc ils avaient eu la foi, jamais ne serait passé dans leur tête que l’on puisse dans un Concile définir des choses non révélées ou nocives pour l’Eglise; ils ne penseraient pas davantage que la puissance de l’Esprit-Saint puisse être entravée par des manèges humains et qu’ainsi puisse être empêchée la définition des choses révélées et utiles à l’Eglise”.

Pie IX dans sa Lettre Inter gravissimas (28.X.1870); Léon XIII dans sa Lettre à un évêque d’Allemagne, (6.11.1876): "Puisque les définitions des conciles généraux sont infaillibles du fait qu’ils sont données par l’inspiration de l’Esprit Saint qui assiste l’Eglise, selon la promesse de Jésus-Christ, elles seules enseignent la vérité, car la vérité n’est pas telle, ni ne prend sa valeur du fait que les hommes l'admettent".

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St Pie X dans la Lettre ‘Ex quo, nono labente’ (26.12.1910): "... la foi catholique droite et intègre, telle qu’elle fut transmise et consacrée dans les Saintes Ecritures, dans la tradition des Pères, dans l’approbation de l’Eglise, dans les décrets des Conciles Généraux et des Souverains Pontifes."

Un Concile général ou œcuménique est une assemblée de tous les Evêques pour "définir" des questions fondamentales regardant la Foi et la Morale, suivies de la condamnation des formules ou des positions hérétiques s’y opposant (cf. ST, I, q. 36, a 2): "Il faut rappeler que dans quelque concile que ce soit, un symbole a été institué en raison d’une erreur justement condamnée dans ce concile". St Robert Bellarmin le répète avec insistance dans son De Conciliis et Ecclesia, I, 1 e 2.

Le Magistère ecclésiastique infaillible dans la Const. ap. Dei Filius du Concile œcuménique Vatican (24.4.1870) déclare: "Il faut en outre croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenue dans la parole de Dieu écrite ou transmise, et que l’Eglise donne à croire comme divinement révélé, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel" (Dz, 1792). C’est pourquoi l’Eglise nous enseigne que la note de l’infaillibilité est assurée par Dieu pour le bien de la foi à un Concile œcuménique, en déclarant que l'enseignement du magistère ordinaire et universel, même sans jugements solennels, doit être cru avec la même foi divine et catholique due à la parole de Dieu, écrite ou transmise, et pour cela infaillible.

"Tous les Conciles œcuméniques du passé se sont terminés avec la proclamation de vérités dogmatiques et morales nécessaires à la survie de l’Eglise, formulées en définitions et complétées avec des anathèmes qui ne laissent plus d’échappatoires à l’hérésie ou au schisme. Les Actes de ce Magistère solennel ont toujours et par tous considérés comme infaillibles et donc obligatoires" (card. Journet, Eglise du Verbe Incarné, t. I, p. 536)". L'essence de la Confession de Foi Catholique, comme nous l’avons déjà vu, se trouve dans la vision de la Vérité au moyen de la vertu suscitée par Dieu, car le catholique sait qu’avec le Péché originel l'homme est resté dans l’obscurité et qu’il ne peut retrouver la lumière qu’en suivant les signes et la Parole de la Révélation: “elles seules enseignent la vérité, car la vérité n’est pas telle, ni ne prend sa valeur du fait que les hommes l'admettent”, enseigne Pie IX.

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Le Magistère et la Papauté sont des principes divins: représentent l’Autorité de Dieu, comme aussi l’Eglise et le Concile œcuménique, parce qu’ils gardent et interprètent la Révélation divine. Ceci est intrinsèque à leur nature sans que aucun homme ne doive le discuter. L’autorité des personnes peut être douteuse dans leur légitimité, mais l’autorité de la charge ne peut être mise en doute et moins encore adapté. Le Magistère papal est infaillible quand il s’occupe des questions de foi et de morale de façon universelle, ex cathedra, comme Pontife suprême de l’Eglise. Ceci est implicite par rapport à qui a été élu validement et a accepté la charge papale, étant accepté par toute l’Eglise dans son principe. Un discernement des esprits doit toujours éviter les pièges du langage obscur, du style fumeux, des expressions vagues dans la rédaction de sa pensée. “Manque de clarté, de logique et de vérité, et, par là-même, ne relevant pas du génie catholique et français”, voilà ce que S. Pie X reprochera au ‘Sillon’ et que nous retrouvons dans les documents de Vatican II. Et voici le moment nocturne où le monde catholique sera scandalisé en imaginant une défaillance de Jésus, Maître et Roi divin.

Tactique moderniste - "Ceci apparaîtra plus clairement dans la conduite même des modernistes, entièrement conforme à ce qu’ils enseignent. Dans leurs écrits et leurs discours il n’est pas rare qu’ils aient l’air de soutenir tantôt une doctrine et tantôt une autre; de telle sorte qu’on serait facilement porté à les juger vagues et incertains. Mais tout cela est fait avec art; pour mettre en valeur l’opinion qu’ils soutiennent quant’à une mutuelle séparation de la foi et de la science. C’est pourquoi il arrive que dans leurs écrits l’on trouve des choses qui semblent exprimées par un catholique; mais en tournant la page on en trouve d’autres que l’on dirait dictées par un rationaliste."

Terminologie révolutionnaire: - Nous devons souligner un point pour stimuler la vigilance des oreilles modernes: Les Constitutions de 1790 [condamnées par Pie VI] continuaient à se servir de la terminologie catholique traditionnelle; elles parlaient de communion, de primat d’honneur et même de juridiction pour le Pape; d’ordre, de juridiction dans la ratification épiscopale; de droit divin. Toutes ces paroles sont vidées de leur sens et “désacralisées”; elles constituent une transition hypocrite entre l’anticléricalisme pieux des premiers protestants et le laïcisme athée du XXème siècle -.

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Le nouvel état de la conscience dans la civilisation moderne. En ce qui concerne les questions vitales de la Religion et de la philosophie, on verra ici que le pouvoir de la Révolution ne réside pas tant dans la force de ses idées que dans son mimétisme et dans sa capacité à fructifier sur la faiblesse humaine à chaque période de l’histoire. C'est un pouvoir qui résulte principalement de l’aptitude révolutionnaire à intervertir principes et valeurs. Et comme, de par la volonté de Dieu, les principes révélés, qui permettent la distinction jamais ajournable entre le bien et le mal en vue du Salut, sont sur terre sous la seule garde de Son Eglise, la Révolution devait donc y introduire le conflit sémantique, en faisant confondre les principes doctrinaux avec les valeurs pastorales, à l’occasion d'un aggiornamento religieux subreptice. Pour reconnaître la réalité du fait, revenons d'abord à quelques définitions essentielles:

Principe - a le sens de cause - Dieu est la cause de toutes choses. Sur le premier principe, qui est Dieu, se fonde l’Eglise avec son magistère universel. Elle est la gardienne de la Vérité révélée par Dieu et de son Autorité. D'où il s’en suit que le terme principe doit s'entendre de ce qui est fondamental, commencement et fin de quelque chose, ce qui vaut aussi pour les termes de Loi, Critère, Règle, proposition fondamentale d'une doctrine.

Valeur - signifie idéal de vie, norme de conduite. La liberté, l’égalité, la fraternité, l’unité et la solidarité peuvent être des valeurs, si elles restent liées au juste principe en fonction duquel elles valorisent la vie des individus et des sociétés qui les cultivent. Les valeurs sont donc relatives, et régies par les principes. Elles sont bonnes dans la mesure où elles se soumettent au Bien (en tant que principe), donc à Dieu. Faute de ce rapport, la bonté humaine ne se réfère plus qu'à des biens terrestres, qui détachés de leur fin ultime deviennent véritablement et réellement des maux, se transformant ainsi en valeurs négatives.

La hiérarchie entre principes et valeurs - Il y a d'après ce qui précède une hiérarchie des valeurs ordonnées aux principes dont elles dérivent. C'est pourquoi la hiérarchie est déjà un principe. La révolte contre le principe hiérarchique innée dans l’homme est cause de décadence spirituelle. En effet, si ce n'est l’amour révérencieux, qu'est ce qui peut faire qu'un homme s'incline devant Dieu, sa raison devant la vérité, l’élève devant le savoir? Quel est le point de départ de l’apprentissage, sinon la soumission à la vérité de ce que l’on étudie?

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Valeurs contre principes - Les hommes sont gouvernés par les idées. Celles ci sont hiérarchisées. Les plus hautes sont liées aux principes qui concernent le bien et la fin dernière de la vie humaine, donc la vérité dans la vie personnelle et sociale. Lorsque des valeurs relatives sont placées au dessus des principes, elles deviennent négatives. Ainsi de l'exemple de la liberté posée à l'encontre de la vérité, ou celui de l'unité lorsqu'invoquée à des fins délictueuses ou généralement mauvaises.

Cela semble un discours évident, mais à notre époque les valeurs ont été élevées au plan des principes, particulièrement dans le domaine religieux, et au détriment de la foi: l’unité par exemple est retenue par le néo-œcuménisme comme cause première de la crédibilité du christianisme; la liberté est également vue comme principe de l’absolue dignité humaine. A ce point, un tel principe est mis au dessus du principe de l’autorité et la condamnation du délit, par exemple de l’avortement, devient vaine sans qu’elle trouve la force d’une loi universelle.

Mais pour les modernistes c’est la mentalité dominante à déterminer les lois et il serait folie de croire que l'on puisse réprimer le sentiment de liberté, qui domine aujourd’hui. Saint Pie X, frappa de son enc. Pascendi telles erreurs soutenues par les modernistes: "Il y aurait folie à s’imaginer que le sentiment de la liberté, au point où il en est, puisse reculer. Enchainé de force et contraint, terrible serait son explosion; elle emportera tout, Religion et Eglise".

De la hiérarchie des valeurs à la hiérarchie des vérités. Mais est-il possible de distinguer entre les vérités principales et secondaires? Aujourd'hui, face à la difficulté qu'a le néo-œcuménisme à trouver des points d'accord entre les diverses croyances, on en est venu a l'idée de déclarer certaines vérités comme principales, de telle façon que le discours de rapprochement ait un point de départ commun. Ce faisant, on donne pour acquis que les vérités secondaires sont comprises dans les principales, de sorte qu'elles puissent être tacites.

La recommandation vient de Paul VI lui-même; citons-le: "La catéchèse à tous les niveaux, tiendra compte de cette hiérarchie des vérités". Ce concept met de coté le caractère absolu de chaque vérité, il a été condamné par Pie XI comme on le verra plus loin (UR 11, 3).

La culture de l'avortement n'est alors que le stade final d'une voie révolutionnaire qui part de l’abattement de l’autorité divine pour arriver au ‘progrès’ de la vie fondée sur le plaisir immédiat. Une notion de bien

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combinée au culte du présent conduit la course à l'accaparement d'une chimère. Il en résulte le culte du fugace, la tyrannie du bien immédiat et le mépris de la durée*, de tout ce qui n'est pas soumis aux sens, le mépris du bonheur dans sa dimension éternelle. Mais il n'est pas possible de résoudre l'équation du mal humain en ignorant le vrai bien humain, ou en les considérant l'un et l'autre comme des variables dans le temps. Si l'on refuse le mal présent, ce n'est pas parce qu’il dérange aujourd'hui, mais parce qu'il prive du bien, ce qui vaut dans tous les temps. Avec la mentalité actuelle, l'enseignement de cet absolu religieux s'évanouit avec la Morale même.

* Le culte moderniste éloigne l’homme même de la modernité qui rentre dans la durée définie par Bergson pour la vie intérieure, qui est une expérience privilégiée de la durée, car la réalité interne, plus manifestement que toute autre, se présente et se vit comme un courant irréversible, continu et constamment modificateur de lui-même. La durée pure est l’«étoffe même» de la vie psychologique. Par suite, c’est dans cette durée individuelle et concrète que réside le secret de la personnalité et de la liberté. CD Universalis: Bergson.

De la Cité de Dieu au "village global" - C’est vrai que le monde est unique et que les hommes doivent s’entendre. Mais il également vrai que l’on ne peut y participer si les concepts de vie sont opposés dans un conflit de principes. "Personne ne peut servir deux maîtres: ou bien il haïra l'un et aimera l'autre, ou bien il préférera l'un et haïra l'autre; vous ne pouvez servir Dieu et mammon".

Il y a des questions indiscutables sur lesquelles, dans un monde où prévaut un pluralisme total, le choc devient inévitable. Comment pourraient être en harmonie ceux qui défendent comme bien universel la Cité de Dieu et ceux qui veulent faire régner le projet mondain? Il faudrait trouver un point de convergence excluant les grands idéaux de la vie, par conséquent la pensée de la mort. Mais peut-on ignorer les questions d'une telle portée? Quelles en seraient les conséquences? Le fait est que l'homme nouveau de la cité moderne n'étant plus centré sur la Loi de Dieu qui régit solidement l'esprit et la conscience est inévitablement en conflit mental ou moral: c'est un protestaire chronique. Or, autant pour la vie spirituelle que pour la vie civile, les personnes sont justiciables en fonction de leur aptitude à comprendre et à vouloir. Tout ce qui aide les hommes en ce sens est bénéfique, alors que tout ce qui s'y oppose est nocif.

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Le révisionnisme de la Justification définie par le concile de Trente, qui met un terme aux affirmations de Luther, est bien l’objectif caché de l’esprit que mène l’aggiornamento conciliaire. En fait, pour instaurer un œcuménisme total, il faudra aller jusqu’à l’idée de justification et de rédemption si universelles qu’elles incluent également les athées, qui sont toujours plus nombreux. Pour cela les conciliaires étaient contraires à toute condamnation de l’athéisme. Celui ci (et donc a fortiori, l’apostasie de la doctrine du Christ) n'est pas négation de Dieu, mais "un état de conscience de la personne humaine" (K. Wojtyla).

Pour le protestantisme, l’homme est justifié par la seule foi, sans besoin des œuvres. Reste que "s'il renie et ne reste pas ferme dans la doctrine du Christ, l’homme n’a pas Dieu" (2 Jn 9). Si pour Luther la foi suffisait pour être justifié, pour les conciliaires la dignité de la conscience humaine dispenserait donc aussi de la foi.

D'où il s'en suit qu’en se libérant des liens de la foi, et baptisant tout uniment le processus révolutionnaire et l’athéisme, l’homme grandirait dans la conscience de son bien et dans la domination de l'univers et de son propre destin, parvenant finalement en toute autonomie à distinguer le mal et à le vaincre.

Le Jugement pour le Chrétiens est enseigné par Jésus-Christ: “Lorsqu’il sera venu [l’Esprit Saint], il convaincra le monde qu’il y a eu péché, qu’il y avait justice et qu’il y aura jugement. Qu’il y a eu péché, parce qu’ils non pas cru en moi; qu’il y avait justice, parce que je vais à mon Père, et que vous ne me verrez plus. Et qu’il y aura jugement, parce que le prince de ce monde est déjà jugé (Jn 16, 9-11).

Le péché du monde est l’incrédulité (v. Jn 8, 21-24-46; 15. 22; Mc 16, 16), que l’Esprit Saint mettra en pleine évidence, manifestant le sens de la mort de Jésus, qui a vaincu les pouvoirs ténébreux de ce monde. Tout ceci doit être gravé dans la conscience de l’homme qui est rené en Jésus Christ. Puisque l’esprit humain ne peut pas connaître ce qui est extérieur à lui sans partir d’un ‘croire’, le ‘croire’ démontre être le principe de son ‘penser’. Et si le ‘croire’ humain ne se tourne pas vers le Haut il se tourne vers le bas; si notre esprit ne croit pas au Bien il s’adresse au mal. Dans le présent désordre mondial, la première donnée de la pensée nécessaire pour restaurer l’ordre humain, est la conscience que tout ordre doit être instauré sur son Principe: Jésus-Christ, dont l’enseignement est crucial pour l’ordre humain; c’est le ‘ferme propos’

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de Saint Pie X (11.6.1905) pour notre siècle. “Qui n’est pas avec Moi est contre Moi”.

L’athéisme ne s’avère pas être seulement un problème religieux mais un désordre humain dont les incidences dommageables sont sociales. De la même façon l’agnosticisme devant la transcendance, c'est à dire face aux questions du bien et du mal, de la nature humaine, de la vie présente et des fins dernières de l'homme, devient cause de décomposition sociale. La société ne peut exister sans la connaissance de l'âme humaine. Une population indifférente à ces questions vitales perd sa capacité de faire face aux difficultés de la vie. Les idéologies ne peuvent pas rejoindre les sources vitales, ni les principes où sont puisées les valeurs humaines. Se pourrait-il que ne soient pas chrétiens les principes qui concernent l'âme humaine? Et serait-ce chrétien de ne pas condamner l’athéisme, en faveur de ceux qui tombent dans une telle erreur mortelle?

C’est une contradiction scellée sur les termes de la déclaration Dignitatis humanae, et non seulement dans ce document mais dans plusieurs autres de Vatican II; c’est l’esprit dominant qui règne dans tous les domaines et qui vise la gestion des opposés: transcendance et immanence, vérité et évolution, principes et opinions, foi et idéologie, absolu et relatif, théocentrisme et anthropocentrisme, dignité et péché, divin et humain, hiérarchie et démocratisme, foi et agnosticisme (ou même athéisme), Cité de Dieu et antéglise du monde.

Et cette gérance des notions contraires va s’introduire dans l’Eglise pour réinterpréter à nouveau toute la Révélation.

Dans toute la Révélation Dieu a mis l’accent, pour louer ou blâmer, pour pardonner ou condamner sur le ‘croire’. Ce verbe est la raison- même de l’Eglise et de son autorité. Mais les conciliaires vont au delà de l’athéisme: ils le justifient. L’accent serait à mettre sur la dignité de la liberté humaine; une liberté utopique qui serait un principe absolu; un fin en soi-même!

La Ptr de Jean XXIII dit: "Chacun a le droit d'honorer Dieu suivant la juste règle de la conscience et de professer sa religion dans la vie privée et publique” (Pacem in terris, 14). Mais le texte (rectam conscientiae suæ normam) veut dire: "suivant la droite règle de sa propre conscience", ou plutôt: ‘suivant les règles de sa propre conscience droite’. Jean XXIII se réfère lui aussi à la même chose que

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Léon XIII dans l’encyclique Libertas, avec les citations de Lactance: ‘nous recevons l’existence pour rendre à Dieu, qui nous l’accorde, le juste hommage qui lui revient, pour le connaître lui seul et ne suivre que Lui. Cette obligation de piété filiale nous enchaîne à Dieu et nous relie à lui, d’où son nom de religion’. Pour Léon XIII la liberté a un lien: “la vraie liberté digne des enfants de Dieu [...est] consacrée de son sang”.

La Ptr soulève pourtant la question: le pouvoir du sang de Jésus-Christ, qui est dans les clefs de son Vicaire, a-t-il été remis à l’Eglise pour lier les consciences à la Vérité, ou au contraire, pour laisser les hommes trouver une autre vérité dans leurs consciences?

Erasme eut été un grand précurseur de l’ouverture théologique qui nous occupe ici, en professant que ‘chaque homme a en soi la théologie’ (et est ‘inspiré’ et guidé par l’esprit du Christ) qu’il soit terrassier ou tisserand. L’écrivain Jacques Ploncard d’Assac, dans son livre ‘L’Eglise occupée’ (Ed. de Chiré, Vouillé, 1972), parle des conséquences de telles idées jusqu’à nos jours, en partant du mot d’un moine de Cologne: ‘Erasme a mis les œufs, Luther en fera éclore’. Apparente plaisanterie sur ce qui invitait la conscience humaine à s’émanciper; mais cette fois ce sera au nom de l’esprit ordonnateur du Christ. Ces idées, apparues dans les siècles passés, vont former aujourd’hui la mentalité des prophètes de la révolution conciliaire. Il y a une phrase qui nous aide à reconnaître tels prophètes: “L’Eglise est intransigeante dans les principes, parce qu’elle croit; tolérante dans la pratique parce qu’elle aime. Les ennemis de l’Eglise sont tolérants dans les principes, parce qu’ils ne croient pas; intolérants dans la pratique, parce qu’ils n’aiment pas” (P. Garrigou-Lagrange, ‘Dieu, son existence et sa nature’, vol. II, p.725).

Jean XXIII relance l’ambiguïté erasmiènne dans Pacem in terris qui, étant la référence la plus citée dans DH, contient clairement le concept clef de cette révision conciliaire sur les notions de dignité humaine et de liberté religieuse. La voilà en latin: "In hominis iuribus hoc quoque numerandum est, ut et Deum, ad rectam conscientiae suae normam, venerari possit, et religionem privatim publice profiteri"; c’est-à-dire ‘chacun a le droit d’honorer Dieu suivant la droite norme de sa propre conscience et de professer la propre religion en public et en privé (AAS 55, 1963, p. 260). C’est l’ambiguïté relancée parce qu’il faut se poser la question: il s’agit de la norme divine sur laquelle s’appuie la

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recta conscience, ou alors d’une recta norma, comme jugement de la propre conscience autonome? L’ébauche de cette ambiguïté d’Erasme a été condamnée par l’Eglise dans le passé. A présent elle revient, relancée par Jean XXIII, pour renforcer l’aggiornamento conciliaire. L’ambiguïté va se démontrer couverture à l’option de la DH pour une conscience autonome.

Pacem in terris et Dignitatis humanae - "Suivaient une citation de Lactance et une autre de Léon XIII, ni l'une ni l'autre ne prouvant la proclamation faite, car Lactance parlait du droit des chrétiens à pratiquer leur religion dans l'empire romain et Léon XIII précisait de quelle liberté il parlait, ce que ne fait pas l'enc. de Jean XXIII. Dans celle-ci, en effet, l'absence de toute précision fait que la proclamation du droit de chaque homme à professer sa religion peut tomber sous les coups de la condamnation du libéralisme faite par Léon XIII, précisément dans l'encyclique Libertas dont on cite ici un passage ... de tels procédés ne sont pas intellectuellement honnêtes"... Le sens de la DH c’est le sens qu'avait déjà perçu le P. Rouquette, qui écrivait dans Etudes (juin 1963): ‘Elle (Ptr) est en effet un événement qui, pour les historiens de l’avenir, marquera un tournant dans l’histoire de l’Eglise’. (Mgr F. Spadafora, Tcc, pp. 240/1)

La DH a repris la version hétérodoxe des ambiguïtés de Pacem in terris. «Chacun a le droit d’honorer Dieu suivant la juste règle de la conscience et de professer sa religion dans la vie privée et publique», (AAS 55, 1963, p. 260). A propos de cette formule de Jean XXIII dans la Ptr, le théologien P. Joseph de Sainte-Marie a écrit une analyse qui a été publiée posthume ('Courrier de Rome', mai 1987; 'Itinéraires', n.315, juillet-août 1987, p.100): Suit un résumé du dernier texte:

“Laurentin en témoigne... «Ce droit de la personne», écrit-il «n’est pas une acquisition conciliaire», … cette formule «qui avait d’abord été assumée telle quelle, n'a pu être maintenue qu'au prix d’atténuations. Pourtant, la déclaration prise dans son ensemble n'est pas en retrait, et lève même certaines ambiguïtés qui avaient été volontairement maintenues dans Ptr». Voilà un aveu qui est à retenir. Laurentin dit de qui il le tient: P. Pavan (le théologien de Jean XXIII), ‘Libertà religiosa e Pubblici poteri’, Milan, 1965, p. 357 (op. cit., p. 326).

“Et voilà une étrange manière d'enseigner la vérité.”

La formule ambiguë de Ptr […] “peut tomber sous les coups de la condamnation du libéralisme faite par Léon XIII, précisément dans

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l'encyclique Libertas dont on cite ici un passage. Disons-le comme il faut le dire; de tels procédés ne sont pas intellectuellement honnêtes. Sans doute trouvons-nous ici une des «ambiguïtés volontairement maintenues» dont parle Laurentin. Il ne sert à rien d'invoquer l'expression «suivant la juste règle de la conscience» pour dire qu'il s'agit ici de la liberté religieuse bien comprise, car, là encore, nous nous trouvons en face d'une ambiguïté. Chacun sait, en effet, que la morale catholique reconnaît le droit et proclame le devoir, pour chaque homme, de suivre le jugement de la «conscience droite»: conscientia recta. On entend par là le jugement d'une conscience qui s'est formée selon les règles de la vertu de prudence et qui s'est conformée à la vérité. Cette notion classique se retrouve même dans GS 16. De cette conscience droite, on proclame la «dignité», laquelle est étendue même à la conscience «invinciblement» erronée, celle d'une personne qui est dans l'impossibilité morale et pratique de se défaire de l'erreur dans laquelle elle se trouve.”

La conscience perd sa dignité lorsqu’elle accepte l’erreur par une négligence coupable. “L'ambiguïté de Ptr apparaît dans la rédaction latine du texte. Il y est parlé, en effet, de la rectam conscientiae suae normam, c'est-à-dire de «la norme droite de sa conscience». Faut-il entendre qu'il s'agit de la norme de la conscience droite ou bien de cette norme droite que serait tout jugement de la conscience? Chacun pourra l'entendre comme il le voudra, et c'est en cela que consiste l'ambiguïté. Chacun la lèvera donc également dans le sens qu'il voudra, mais l'encyclique porte en elle-même un mouvement interne qui nous dit dans quel sens, selon elle, cette liberté est à entendre. C'est le sens retenu par Laurentin et par P. Pavan, ainsi que par les experts conciliaires de la «liberté religieuse»”.

“C'est le sens qu'avait déjà perçu le P. Rouquette [Pacem in terris est un événement qui marquera un tournant dans l’histoire de l’Eglise’, Etudes, 6/63, p.405]. Sans doute, poursuit-il immédiatement: ‘Non pas un changement des principes d’une anthropologie catholique, fondée sur la Révélation, mais une prise de position nouvelle vis-à-vis du monde moderne’.

“Seulement cela? Peut-être pouvait-on le dire encore après Ptr, à la faveur des ‘ambiguïtés volontairement maintenues’, mais ce n’est plus possible après Dignitatis humanae, titre de la déclaration conciliaire, où ce sont bien les principes eux-mêmes qui ont été changés.”

De Pacem in terris à Dignitatis humanae... “la continuité est évidente, les textes le montrent autant que les témoignages, irréfutables

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en la matière, de Laurentin et de Rouquette. Nous avons vu comment le premier la souligne. Voici ce que disait le second, dans la même chronique de juin 1963, c'est-à-dire entre la première et la deuxième session du concile: ‘Parmi les droits découlant de la dignité de la personne humaine, l’enc. insiste sur le droit à une recherche libre de la vérité’ (non pas simple «tolérance», mais «libre exercice du culte», cela étant dit dans une confusion des plans et de points de vue soigneusement entretenue). ‘Les positions prises en cette manière par l’enc. rejoignent celles que propose le Secrétariat pour l’unité dans un projet de schéma De libertate religiosa; le cardinal Bea, dans une interview dont nous avons rendu compte déjà, en a indiqué l'esprit’. La comparaison (entre le projet de schéma et le n°3 de la DH) parle d'elle-même et nous permet d'identifier dans la personne du cardinal Bea, l'auteur du passage central de la «Déclaration sur la Liberté religieuse», ou du moins son inspirateur principal.

“Dans les deux cas le même sophisme consistant à passer indûment de l'affirmation indéniable, évidente et fondamentale, de la liberté essentielle de l'acte de foi, liberté faisant que toute pression sur cet acte en détruit la nature même, à l'affirmation nullement évidente, et de fait niée traditionnellement par l’Eglise, d'une liberté également essentielle et illimitée à priori en matière d'exercice public du culte religieux, quel qu'il soit. Non pas que l’Eglise dénie absolument, dans la pratique, tout droit d'expression publique à des religions autres que la sienne. On sait, au contraire, que sa tolérance s'est faite de plus en plus large dans ce domaine.

“La Pacem in terris et le Vatican II vont ‘jusqu'à remettre en cause les principes eux-mêmes’. C'est en cela, très précisément, que consiste la nouveauté et le très grave problème posé par le texte conciliaire: en cette affirmation d'un droit à la liberté religieuse au for externe inscrit dans la nature humaine et dans «l'ordre même établi par Dieu», droit qui se voit limité uniquement par les exigences de «l'ordre public».

“Notons encore, car le fait est d'une importance majeure, une autre ressemblance entre l'enc. de Jean XXIII et la déclaration de Vatican II: dans les deux cas, en effet, ces textes, qui ont été si lourds de conséquences dans l'histoire récente de l’Eglise, et qui le restent pour celle de son magistère, n'ont pu voir le jour qu’à la suite de fautes graves de procédure. Pour ce qui est de Ptr, voici encore le témoignage du P. Rouquette: «Je crois savoir de bonne source que le projet en a été rédigé par Mgr Pavan, animateur des Semaines sociales d’Italie; l'élaboration

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en a été menée avec un grand secret; le texte n'aurait pas été soumis au Saint-Office, dont les dirigeants ne font pas mystère de leur opposition au neutralisme politique du pape. On a voulu éviter ainsi que le St-Office ne retardât indéfiniment la publication de l'enc. comme cela s'est produit pour Mater et Magistra.

“La Ptr a été publiée à l’insu du Saint-Office, ayant été rédigée et gardée dans le secret jusqu’à son publication par le petits groupe d’experts - et de pression - dont elle était l’œuvre. Quelque chose d’analogue et de plus grave encore s’est produit pour DH. Les requêtes légitimes du groupe Coetus internationalis Patrum, qui exposaient leurs objections au projet de déclaration, n’ont pas été écoutées mais repoussées. (cf. Rhin. Wiltgen, p. 243-247).

Conséquences et implications de la contrefaçon doctrinale. Comme Ptr, et plus encore qu’elle, la déclaration conciliaire a été

publiée par suite de violations expresses des règles de procédure. C'est pour le moins une exigence de prudence qui n'a pas été respectée dans le premier cas; dans le second, c'est un droit strict qui a été bafoué.”Le discours “sur les conséquences des telles erreurs imposées à l’Eglise par ces groupes de pression et par ces voies fort troubles, sous le couvert de l'autorité pontificale ou conciliaire... serait immense. Nous nous limiterons à indiquer les principales têtes de chapitre sous lesquelles la réflexion serait à poursuivre.

“1. La première conséquence concerne l'autorité du magistère: si l’Eglise enseigne solennellement aujourd'hui le contraire de ce qu'elle avait enseigné jusqu'à 1963, c'est donc qu'elle s'était trompée avant. Mais si elle s'était trompée avant, c'est donc qu'elle est faillible, et qu'elle l'est aujourd'hui autant qu'hier. Alors, quelle raison aurais-je de la croire aujourd'hui plus qu'hier?

“2. La seconde conséquence, ou implication, est qu'en proclamant aujourd'hui comme principe absolu le droit naturel à la liberté religieuse, la «Déclaration» conciliaire porte une condamnation de masse non seulement sur l'enseignement précédent de l’Eglise, mais encore sur sa manière d'agir; ce qui met en cause non plus simplement sa potestas docendi, mais encore l'usage de sa potestas regendi. Pendant des siècles,

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l’Eglise aurait agi en méconnaissant et même en vidant un droit naturel fondamental de la personne humaine.

“C'est une condamnation analogue de tous les papes de ces derniers siècles qui se trouve impliquée dans la négation conciliaire des droits et des pouvoirs de la société civile en matière religieuse.

“3. Pire encore, par la conception non seulement «laïque » mais très «laïcisant» qu'elle offre, la déclaration conciliaire nie les droits du Christ sur la société civile, ce qui est non seulement en contradiction avec l'enseignement constant de l’Eglise, mais encore avec les vérités les plus fondamentales de la doctrine chrétienne de la Rédemption. Il y a là une impiété, au sens propre du mot, non pas explicitement, peut-être, mais par voie d'implication immédiate [...].

“4. Enfin, pour redescendre au plan de l'ordre naturel, cette séparation indue et fausse de ce qui regarde la religion révélée et de l'ordre de la société civile aboutit à la ruine totale des fondements mêmes de cet ordre. A la limite, c'est à une exaltation de l'Etat comme réalité suprême et ultime que conduiront les principes ici posés. N'est-ce pas lui, en dernière analyse, qui jugera des exigences de «l'ordre public», au nom duquel il sera habilité à réglementer «la liberté religieuse»? On parle bien d'un «ordre moral objectif» (n.7) pour fonder ces droits du pouvoir civil. Mais dans quoi se fondera cet ordre lui-même à partir du moment où on ne reconnaît plus à l’Etat aucun devoir envers la religion en tant que telle et envers la religion révélée en particulier?”

Sur quoi se fondera le nouvel ordre public, selon DH? Les catholiques ne peuvent avoir aucune doute: l'ordre public fondé

sur la justice et la coercition externe conséquente au respect de la justice sont en relation d’absolue sujétion à l'autorité de Dieu et se manifestent dans la loi objective fondée sur les principes de la droite raison en vue du bien e de la vérité. Le contraire, c’est à dire que la justice soit tenue à assurer une immunité à qui viole ses normes mêmes, est faux.

Libertas: "Quelles que soient les dispositions du pouvoir public, lorsqu’elles ne sont pas conformes aux principes de la droite raison et qu’elles troublent l’ordre social, n’auraient donc pas pouvoir de loi, par exemple celles qui d’une part ne seraient pas règle de justice et d’autre part détourneraient les hommes de ce qui est bien et qui est la raison d’être de la société. Quel que soit le respect que l’on porte à la nature de la liberté humaine, que ce soit dans l’ordre individuel ou dans l’ordre social, dans le gouvernement ou chez les gouvernés, elle a une

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relation sous-jacente absolue avec cette éternelle et souveraine raison, qui est l’autorité même de Dieu, laquelle interdit le mal et commande le bien. Cet empire de Dieu sur les hommes, loin de détruire ou d’amoindrir notre liberté, l’assure et la perfectionne; puisque la vrai perfection de toute être est de tendre constamment à sa finalité et d’y parvenir. Et donc à la fin suprême à laquelle doit tendre la liberté humaine c’est Dieu."

Mais la déclaration DH dit que les hommes:

«Sont tenus d’adhérer à la vérité dès qu'ils la connaissent et à régler toute leur vie selon les exigences de cette vérité». Or, à cette obligation les hommes ne peuvent satisfaire, d'une manière conforme à leur propre nature, que s'ils jouissent, outre la liberté psychologique, de l’immunité à l’égard de toute contrainte extérieure. Ce n'est donc pas dans une disposition subjective da la personne mais dans sa nature même qu'est fondé le droit à la liberté religieuse. C'est pourquoi le droit à cette immunité persiste en ceux-là même qui ne satisfont pas à l’obligation de chercher la vérité et d'y adhérer; son exercice ne peut être entravé dès lors que demeure sauf un ordre public juste.’

C’est évident que la DH ne revendique la liberté religieuse que pour les adeptes des autres religions, mais pour tous les hommes. Donc, aussi pour ceux qui n’acceptent aucune religion et pour ceux qui nient l'existence de Dieu et affrontent Son Eglise. Eux aussi, selon DH, ont le droit naturel de professer et d’être propagandistes de leur irréligiosité et de leurs erreurs. On ne comprend pas comme cette idée, qu’on dit fondée sur la nature de l'homme, puisse s’accorder avec la nature de l’esprit humain fait par Son Créateur pour la vérité et pour cohabiter dans un ordre social formé à la justice et conforme à toute la tradition catholique. Par exemple: si quelqu’un nie un dogme de la foi en public, disons, un enseignant dans une école, il le ferait de plein droit, donc les catholiques ne peuvent que l’inviter au dialogue.

Vatican II va inaugurer le dialogue sur la Parole de Dieu, à partir d’un «nouvel état de conscience».

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4 - ‘Dei Verbum’ : révisionnisme de la Tradition La Parole divine est adressée à l’esprit et à la volonté de l’être

humain qui, se rendant compte de l’état d’ignorance et de dépendance où il se trouve dans l’ordre universel, est attentif à l'lntelligence de tout, à la Cause de la création afin de connaître le secret de son origine et de sa finalité, pour être guidé vers son bien.

Dieu se révèle Lui-même, ainsi que Sa Volonté, afin que l’homme soit à Son image et à Sa ressemblance, sujet du bien et de l’harmonie divine dans l’ordre terrestre. Mais l’homme, qui est libre aussi de dévier de cette vocation, comme on le voit dans l’épreuve originelle, n’arrive pas à la connaissance qui le transcende; il a besoin de la recevoir et d’y répondre en fonction d’un principe qui dépasse son esprit.

La Révélation présuppose l’influx sur l’homme d’un principe cognitif nouveau, suscité non par la ‘chair et le sang’, mais par Dieu (Mt 16, 17): c’est la vertu théologale de la foi, ‘sans laquelle on ne plaît pas à Dieu’ (Hb 11, 6), puisque Dieu se révèle à l’être humain pour qu’en échange celui-ci réponde, tôt ou tard, avec une filiale fidélité.

La Révélation c’est la Vérité sur la gloire infinie de Dieu. C’est grâce à elle que le ‘juste vit de la Foi’ dans le tribut qu’il doit à la Gloire divine, laquelle n'a rien à voir avec la gloire comme l’entendent les hommes. La Loi révélée, lumière qui doit guider la vie humaine, doit être gardée dans le ‘Lieu saint’ pour s'irradier dans les coeurs des fidèles et dans le monde. Elle était dans le Temple de Jérusalem, lieu unique du culte de Yahvé, et après être perfectionnée par la Loi de l’amour du Verbe de Dieu, Lui-même, elle a été confiée à Son Eglise, la nouvelle Jérusalem, pour illuminer tout le monde.

"Les livres de la Sainte Ecriture sont comme des lampes allumées le long de notre chemin, jusqu’à la pleine lumière, quand Dieu se manifestera pleine lumière pour nous, puisque nous sommes appelés fils de lumière" (St Augustin).

La Loi et la Prophétie sont des chapitres de la Révélation divine qui illustrent le pouvoir de la Sagesse et de l’Omniscience formant le guide universel. L’homme se doit de les accueillir pour participer avec sa so-ciété au maintien de l’ordre universel. Les Tables de la Loi, expression

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visible illuminant de la Volonté de Dieu, étaient conservées dans l’Arche d’Alliance, dans le Saint des Saints, dans le Tabernacle du Temple de Jérusalem, seul lieu destiné au culte de Iahweh selon les instructions détaillées de Son Vouloir envers le Peuple élu.

C’était le Lieu Saint d’où irradiait dans le monde la lumière pour les hommes de bonne volonté. Le Verbe Divin était manifeste dans la Loi et dans la Prophétie qui annonçaient Son Incarnation. Mais, pour s’être fait sa propre idée du Messie, comme roi puissant. libérateur du ‘peuple élu par Lui’, ce peuple ne reconnut pas le Sauveur, venu dans la pauvreté pour la gloire de son Père, d’où sa crucification. Jésus s’est révélé comme Roi crucifié. Et l’expression visible de la Volonté de Dieu, la Parole divine dont le pouvoir se manifeste aux hommes par la sagesse et la prophétie divine a été confiée pour être transmise par l'entremise de l’Eglise: planche de salut donnée à l'homme déchu, pour le guider vers le bien dans la vie personnelle et sociale et donc pour être le fondement de la louange à Dieu et de toute loi.

Le mystère réalisé dans l’Eglise "... afin que le Dieu de Notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de la gloire vous donne l’Esprit de sagesse qui vous révèle sa pleine connaissance, et qu’il éclaire les yeux de votre coeur, pour que vous sachiez quelle est l’espérance à laquelle il nous a appelés, quelles sont les richesses de la gloire de son héritage réservé aux saints, et quelle est, envers nous qui croyons, la suréminente grandeur de sa puissance, attestée par l’efficacité de sa force victorieuse. Cette force Il l’a déployée dans le Christ en Le ressuscitant d’entre les morts et le faisant asseoir à sa droite dans les cieux, au-dessus de toute Principauté et Puissance, de toute Vertu et Domination et de tout titre qui se puisse nommer, non seulement dans le siècle présent mais dans le siècle futur. Il a tout mis sous Ses pieds et il L’a constitué comme chef suprême de l’Eglise, qui est son corps et la plénitude de Celui qui remplit tout en tous" (Eph 1,17-23).

Dieu voulut que le Juif Paul, serviteur très fidèle du Temple de Jérusalem, rendît ce témoignage au monde que l'Eglise devenait, dès lors, le Lieu Saint de la Volonté divine.

Le chrétien doit donc adhérer avec sa volonté ordonnée par la foi à cette prédestination divine. Et l’Autorité est dans l’Eglise fidèle à la Volonté divine. Telle est la Vérité, transmise moyennant l’Eglise, grâce de salut qui doit être fixée dans les âmes comme une lumière guidant les hommes déchus vers le bien dans leur vie personnelle et sociale.

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L'absolue transcendance de Dieu au monde ainsi qu’à toute créature est toutefois l'enseignement premier et fondamental de la Révélation. Dieu est, par nature, caché aux hommes (Jn 1, 18; I Cr 2; I Tm 6, 16); nous pouvant savoir de Lui uniquement ce qu'Il révèle de Lui-même d’une façon surnaturelle (Mt 11, 27). Après la chute, Dieu manifeste à l’homme Son amour paternel à travers la Révélation, transmettant la Vérité dont il a besoin pour se réordonner au bien et revenir au Père. La Parole divine est pour l’homme une invitation à participer à la connaissance de l’Amour divin et de ses mystères.

Le Transcendent mène le fil de la religion dans le sens théandrique, unique, de Dieu à l’homme, de manière à ce que ce soit la foi selon Dieu qui se manifeste dans l’homme, sinon les idées ‘religieuses’ selon les hommes ne sont que des élucubrations n’ayant rien à voir avec la foi; ce ne sont que de sous-produits ‘religieux’ de la chute originelle. L’exemple bruyant que se présent aujourd’hui de ces élucubrations est la ‘nouvelle théologie’, qui étend une rideau de fumée sur les mystères du ‘Dieu de majesté infini’ (Redemptor hominis), qu’elle défini ‘inconcevable’, et applique en suite les ‘signes’ et le ‘ferments’ de la Révélation pour résoudre des problèmes sociales, selon sa nouvelle vision des ‘besoins des temps’.

Révélation, Lieu saint et Autorité religieuse sont donc étroitement liés, soit pour indiquer leur origine divine, soit pour atteindre leur but de gloire à Dieu, soit pour appliquer la Volonté divine à tous les hommes. Rappelons que dans l’Ancienne Alliance l’autorité religieuse se faisant une propre idée du Messie comme un roi puissant, sauveur uniquement du ‘peuple élu en Lui’, a manqué de reconnaître le Sauveur venu pour la gloire de son Père et Le crucifiera. Jésus s'est donc révélé comme un Roi crucifié. Le chrétien peut-il vaciller sur cette apparente contradiction? Ou bien au contraire fera-t-il monter sa louange comme Saint Paul en ces termes: "Béni soit Dieu le père de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis, dans le Christ, de toutes sortes de bénédictions spirituelles, dans les cieux, nous choisissant en Lui, dès avant la création du monde, pour que nous soyons saints et irrépréhensibles devant Lui, nous ayant dans son amour prédestinés à être ses fils adoptifs par Jésus-Christ, selon la bénignité de sa libre volonté, pour la louange de la gloire éclatante de sa grâce, dont il nous a fait don en Son Fils bien aimé (Eph 1, 3-7). C’est la Communion du Créateur avec la créature. Et elle s’étend à tous les hommes à travers la Sainte Tradition.

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Communion et Tradition sont propres à la Religion de Dieu en donnant son sens: de Dieu à l’homme.

La Parole révélée représente le véritable pouvoir ici-bas, le Règne du Ciel en Terre. Mais étant donné qu’elle s’adresse avant tout à la libre conscience de l’homme, elle ne s’impose pas à la façon des pouvoirs terrestres, mais elle se propose à son esprit et à son coeur. De toute façon la Révélation, provenant de l’Autorité de Dieu qui est Vérité, Voie et Vie, se trouve être le véritable fondement de toute loi... que les hommes la reconnaissent ou non. S’ils ne veulent pas la reconnaître en vue de son application, ils seront bien obligés de reconnaître les fruits néfastes découlant de sa non-observance. Dire que ‘la vérité ne s’impose que par la force de la même vérité’ ne peut que se référer aux consciences. Etant à la base du bien, de la justice et de l’ordre humain, la vérité dans les sociétés est une obligation en générale qui doit être respecté, et donc imposée dans ses aspects particuliers des lois et des normes communes définies. C’est le principe de l’autorité. Une autorité religieuse, peut-elle dire que la vérité s’impose par sa propre force sans attenter à la raison-même de sa propre autorité? Et l’on va faire des passages révélés la révélation de la gloire de l’homme, qu’il croiet ou non, qu’il le sache ou non, la Révélation rende justice à la dignité divine de l’homme... (Rh, 9).

Où se concrétise le ‘mystère d'iniquité’? Là où s'élèvent des réinterprétations, ou bien là où s'insinuent des idées qui relativisent la transcendance absolue de Dieu dans le sens de son immanence au monde. L'esprit Antéchrist défait la Foi Trinitaire, défait la Foi au Christ-Roi pour célébrer l'idée d'un Christ au service de l’homme; il défait l'unité du Dieu Saint. On a souvent voulu voir l'Antichrist sous la figure d'un conducteur politique de peuple. Mais où donc l'iniquité suprême pourrait-elle davantage se manifester si ce n’est là où il doit y avoir la suprême fidélité à Dieu sur la terre, c’est-à-dire dans l’Eglise?

Le ‘mystère d'iniquité’ se concrétise donc à travers la contrefaçon de la Parole.“En raison de la charge apostolique... Nous sommes tenus ... de veiller assidûment, afin que tous ceux qui s'insurgent contre la Foi et pervertissent l’interprétation des Stes Ecritures... soient repoussés de la bergerie du Christ... ne continuent leur magistère d'erreur (Paul IV, Cum ex Apostolatus). Il s’agit de l’usurpation de l’autorité divine de l’Eglise pour le culte de l’homme. C’est la manifestation de l’Inique: “celui qui s’élève contre tout ce qui porte le nom de Dieu ou qu’on adore, jusqu’à prendre place dans le temple de Dieu, et se faire passer

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lui même pour Dieu” (2Ts 2, 4). C’est la même entité qui veut “changer le temps et la loi” (Dn 7, 25).

La révélation divine et l'exégèse catholique

La certitude sur la Révélation - Dieu, dans l'omnipotence de Sa volonté de révéler à l'homme ce qui lui est nécessaire pour accomplir son salut, confia Sa Parole au Peuple qu'Il avait élu à cet effet, puis dans la plénitude des temps, à son Eglise, établie pour témoigner des vérités révélées, qui sont le fondement de l'apostolat catholique. La défense de la Révélation est donc liée au Magistère de l'Eglise, unique dépositaire de la Tradition et des Saintes Ecritures. L'Eglise précise la nature divine qui est la leur, leur divine inspiration, leur inerrance absolue et l'historicité des quatre Evangiles.

La Sainte Tradition est “la prédication ou transmission orale de toutes les vérités révélées par Jésus-Christ aux apôtres, et celles qui leur ont été communiquées par l’Esprit-Saint, par LIE MOYEN I'intermédiaire du magistère toujours vivant et infaillible de l’Eglise, assistée de l'Esprit de vérité” (EC).

Jésus-Christ promulgua d’abord par sa bouche, et il ordonna ensuite aux Apôtres de prêcher, non pas d’écrire ou de faire écrire. L'écrit est un moyen subsidiaire de la tradition orale, et il est indéniable que les écrits des Apôtres rapportent de manière fragmentaire et incomplète l’enseignement du Christ, puisque les auteurs des Evangiles l'affirment (Jn 20,30; 21,25). La tradition vivante est supérieure à la Bible elle-même: "Si les apôtres n’avaient laissé aucun écrit, on devrait néanmoins suivre la règle de la Tradition, laissée par eux en dépôt aux chefs de l’Eglise" St Irénée ( Adv. hae. III, 4, 2).

Tertullien, en énumérant quelques doctrines et usages non indiqués dans la Bible, dit: "Si tu demandes l'autorité de l'Ecriture à propos de cette pratique disciplinaire et d'autres semblables, tu n'en trouveras pas à la lecture: mais ce sera la Tradition qui se présentera à toi comme autorité, la coutume comme confirmation et c'est la foi qui l'observe'' (De Corona 3-4).

Confrontée à la Bible, la Tradition est appelée: 'déclarative' lorsqu’une vérité attestée par la Bible est mieux éclairée par la Tradition; 'constitutive' lorsqu'elle transmet une vérité non spécifiée dans la Bible. Cela, les protestants le nient, en prétendant que l'unique source de la Révélation est la Bible, qui contient tout ce que l'on doit croire, et en réfutant ainsi l'autorité divine de l’Eglise.

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Comment alors Vatican II pourrait-il, au nom même de cette autorité, tendre la main à une telle erreur, sans perdre du fait même toute légitimité? Mais l’attaque contre le Magistère va être double: à la fois contre la Tradition et contre la valeur des Saintes Ecritures. C’est l’attaque contre le principe de la vrai autorité catholique.

L'exégète connu, Mgr Francesco Spadafora, qui a participé aux travaux de cette assemblée, nous aidera à répondre, avec son livre ‘La Tradizione contro il concilio’ (Tcc, La Tradition contre le concile).

L'Encyclique ‘Providentissimus Deus’ (PD), de Léon XIII, est appelée par Pie XII "la Grande Charte des Etudes Bibliques". Le Pape se retrempe aux sources bibliques, patristiques, à St Thomas d'Aquin, à la définition du Concile Vatican I autour des livres sacrés: "L'Eglise les dit saints et canoniques, non pas parce qu'ils ont été approuvés par son autorité après avoir été composés par des hommes, pas seulement non plus parce qu'ils contiennent la révélation sans erreur, mais par le fait que, ayant été écrits sous l'inspiration du Saint-Esprit, ils ont Dieu pour auteur, et en tant que tels ils ont été remis à l'Eglise même.

"En réalité - explique Léon XIII - l'Esprit Saint a pris les auteurs sacrés comme instruments pour écrire: "Lui avec son impulsion surnaturelle les a induits et poussés à écrire, Il les a assistés pendant qu'ils écrivaient de façon telle que toutes et seules les choses que Lui voulait qu'ils conçoivent avec droiture, ils veuillent les écrire fidèlement et ils les expriment convenablement avec une vérité infaillible, autrement Lui ne serait pas l'auteur de toute l'Ecriture Sainte.

"C'est tout à fait illicite de réduire l'inspiration à quelques parties seulement de l'Ecriture Sainte ou de concéder que le même auteur sacré se soit trompé. On ne peut pas non plus tolérer la conduite de ceux qui pour se débarrasser des objections (contre la vérité de l'Ecriture) n'hésitent pas d'affirmer que l'inspiration divine concerne les choses de foi et de morale et rien d'autre, ni la fausse supposition que, quand il s'agit de la vérité des propositions, il ne faut pas tant considérer ce que Dieu a dit, que ce pourquoi Dieu l'a dit.

"C'est impossible - continue Léon XIII - que l'inspiration divine puisse contenir une erreur quelconque: par sa nature, celle-ci non seulement exclut toute erreur, mais elle l'exclut avec la même nécessité par laquelle Dieu, vérité suprême, n'est l'auteur d'aucune erreur.

"Ceci est la foi antique et constante de l'Eglise définie solennellement dans les Conciles de Florence et Vatican I ... Par conséquent, cela n'a

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aucune valeur de dire que l'Esprit-Saint a pris des hommes comme instruments pour écrire, en sorte que quelque chose de faux ait pu échapper aux écrivains inspirés, même si cela n'a pas échappé à l'Auteur primaire ... celle-ci fut la doctrine constante des saints Pères [citation des paroles de St Augustin et de St Grégoire Le Grand] .

"Par conséquent, ceux qui croiraient que dans les passages authentiques des livres sacrés il puisse se trouver une erreur, ou ils pervertiraient la notion catholique de l'inspiration divine ou ils rendraient Dieu même auteur de l'erreur. Avec cette persuasion de leur immunité absolue contre l'erreur, les Pères et les Docteurs se sont efforcés, avec une ingéniosité égale au religieux respect, de résoudre ces nombreuses difficultés (et ce sont plus ou moins les mêmes que l'on objecte aujourd'hui sous l'étiquette de la science nouvelle), enseignant humblement que les livres sacrés, considérés soit dans leur ensemble, soit séparément, proviennent également de l'inspiration divine, et que Dieu même, qui a parlé à travers les écrivains sacrés, n'a vraiment rien pu énoncer qui soit contraire à la vérité.

L'attaque àde la Parole de Dieu, est toujours venue de la rébellion à l'Autorité de Dieu, révélant, soulevant des doutes là où il y a certitude, le relatif où il y a l'absolu, par conséquent, en ce qui concerne la Révélation, on essaie de délimiter la partie inspirée, infaillible et historique des Saintes Ecritures. Une Révélation imparfaite pourrait-elle manifester la gloire et le pouvoir divin?

Les premières attaques furent perpétrées par le protestantisme suivies par celles du rationalisme. Aujourd'hui la "nouvelle exégèse" modernistique est le "venin caché dans les veines elles-mêmes et dans les viscères" de l'Eglise et en a atteint le sommet. Si l'attaque externe consiste à nier la vérité de la Tradition écrite et orale, l'attaque interne se manifeste par la liberté d'interprétation de la Bible dans un sens sociologique ou linguistique, se superposant au sens spirituel des Pères.

L'Encyclique Pascendi condamne, §12: ..."N'est-ce pas une révélation, ce sentiment religieux qui se manifeste tout à coup à la conscience? N'est-ce pas révélation le fait que Dieu apparaisse, bien que confusément, aux âmes dans ce même sentiment religieux? Ils ajoutent même que, Dieu étant à la fois et l’objet et la cause de la foi, la dite révélation est à la fois de Dieu et venant de Dieu; c'est-à-dire qu'elle a à la fois Dieu comme révélant et comme révélé. De là, vén. Frères, cette très absurde sentence des modernistes que chaque religion, selon

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l'aspect variable sous lequel on la regarde, doit être considérée de manière égale naturelle et surnaturelle. D'où la confusion'échange qu'ils font, en tant que même signification, entre conscience et révélation.

"De là, la loi, par laquelle la conscience religieuse se donne comme règle universelle de se mettre sur le même pied d'égalité avec la révélation et à laquelle tous sont obligés d'être soumis, l'autorité même de l'Eglise non exclue, soit qu'elle enseigne, soit qu'elle légifère en matière de culte ou de discipline."

Benoît XV dans l'Encyclique ‘Spiritus Paraclitus’ (15.9.1920) confirme, répète et amplifie la synthèse doctrinale de Léon XIII, se plaignant que "quelques ecclésiastiques et professeurs de sciences sacrées qui, se basant orgueilleusement sur leur jugement, se sont opposés au magistère de l'Eglise sur ce point. [...] certes ils affirment que l'inspiration s'étend à toutes les phrases, même complètement à tous les mots de la Bible, mais ils réduisent ses effets, et avant tout l'immunité à l'erreur et la vérité absolue, à l'élément primaire ou religieux. Ils estiment en fait que Dieu, dans les Ecritures, enseigne uniquement ce qui appartient à la religion."

A cette hérésie Benoît XV met en avant la doctrine de St Jérôme et des autres Pères de l'Eglise, qui “ont puisés cette doctrine concernant les livres saints à l'école même du Divin Maître Jésus-Christ. En fait, lisons-nous peut-être que Notre Seigneur a eu une conception différente de l'Ecriture? Les paroles: ‘c'est écrit’, et ‘il faut que l'Ecriture s'accomplisse’ sont sur ses lèvres un argument sans exception, au point d'exclure toute controverse possible.”

Pie XII, à son tour, dans l'Encyclique “Divino Afflante Spiritu” (30. 9.43) commémorant le 50ème anniversaire de la ’Providentissimus Deus’ dénonce les hérésies se répandant dans l'Eglise et réaffirme que les Ecritures sont absolument exemptes d'erreur.

Les définitions des Conciles dogmatiques de Trente et Vatican I rappelées, Pie XII poursuit: "Même après [le Concile Vatican I], en contraste avec cette définition solennelle de la doctrine catholique, laquelle revendique aux livres entiers (avec toutes leur parties), cette autorité divine qui est exempte de toute erreur, certains catholiques n'hésitèrent pas à restreindre la vérité de la Ste Ecriture aux seules questions concernant la foi et la morale".

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Le ‘chrétien majeur’ pour les rationalistes est celui qui est capable de lire la Bible et de comprendre ce que d'autres moins ‘cultivés’ n'ont pas compris, et même, ils s'en sont tenus à des ‘fables’. La prémisse de cette pensée est l'émancipation de la Tradition, donc du magistère ‘maternel’ de l'Eglise. Dans ce sens le Saint Office condamnait le 29.1.55 le livre de Josef Thomé "Der Mündige Christ", dans lequel est idéalisée "une église invisible qui serait le corps mystique du Logos éternel", distincte de l'Eglise hiérarchique (mère discutable) c'est pourquoi pour le chrétien majeur: "l'unique pouvoir auquel on peut se soumettre sans avoir peur de se tromper est notre propre conscience" (Editorial OR 4.2.55). Il s'agissait non seulement de la négation de l'Eglise "colonne et soutien de la vérité", condamné quelque an avant dans l’enc. Humani generis de Pie XII, mais de l’enseignement évangélique par lequel la Parole de Dieu doit être reçue et peut être comprise seule avec l’esprit et l’amour des enfants (Mt 18, 1-6; 19, 14: Mc 10, 14-15; Lc 18, 16-17). En 1970 le libre a été reépublié et Civiltà Cattolica (3.4.71) écrit: “Les thèmes traités sont les plus familiers au Vatican II (qui l’a réhabilité): l’émergence de la dimension personnelle de la foi... de la liberté, de la responsabilité”. En effet, il s’agit de la même réinterprétation de la Parole divine, raison pour laquelle on va retourner su cette question plus avant (DV 9).

La ‘Dei Verbum’ de Vatican II et la gérance des contraires

Dans la "constitution dogmatique" Dei Verbum (DV) de Vatican II, la vérité sur la divine révélation ne devrait pas manquer de figurer. Mais comment réussir, en son nom, à bouleverser la Révélation? Eh bien, on verra ici comment à partir de Dei Verbum, qui réaffirme l'idée de l'inspiration divine de la Sainte Ecriture, on arrive à son opposé, c'est à dire à la Formengeschichte, théorie ou histoire de la forme, à la méthode historico-critique, méthode rationaliste en nette opposition avec les trois vérités révélées qui fondent l'exégèse catholique: l'inspiration divine, l'inerrance et l'historicité des quatre Evangiles. Cette méthode nie en outre le principe dogmatique selon lequel le magistère infaillible de l'Eglise est la norme prochaine pour l'exégèse catholique. Examinons la Dei Verbum, ‘constitution dogmatique’ de Vatican II:

1. Vatican II ‘se propose de présenter la doctrine authentique sur la révélation divine et sa transmission...’ 2. ... par cette révélation... Dieu... s’adresse aux hommes comme à des amis, et converse avec eux pour les inviter à entrer en communion avec lui... [...] Mais la vérité

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profonde aussi bien sur Dieu que sur le salut de l’homme, c’est par cette révélation qu’elle resplendit à nos yeux dans le Christ... 3) [Dieu...] montra sa sollicitude pour le genre humain, afin de donner la vie éternelle à tous ceux qui par la constance dans le bien cherchent le salut (cf. Rm 2, 6-7). 5. [...] Mais pour que l’on pénètre toujours plus avant dans la connaissance de la Révélation, le même Esprit-Saint ne cesse par ses dons de rendre la foi plus parfaite.

L'acte d'amitié de Dieu envers les hommes qu'est la Révélation par la Foi (Jn 3,16; 15,16), nous engage tous à un devoir grave. Quand Dieu parle, on est tenu de Le croire. L'intelligence humaine ne peut plus prétendre être la norme de vérité; elle doit rechercher la Révélation, non pour imaginer un dieu immanent mais pour croire au Tout Puissant. Les termes de cette amitié ne peuvent se situer dans une réciprocité impossible, mais dans une foi inconditionnelle, dans le croire et le faire en fonction de cette foi: “L’ignorance de l'Ecriture est ignorance du Christ” ( St Jérôme). L’invitation de Dieu à l’homme, à la réciprocité dans l’amour, ne signifie pas dialogue sur cette invitation où sur quelle réponse l’homme doit à Dieu. Dans ce sens l’expression d’un dialogue du salut (Ecclesiam suam de Paul VI), est au moins ambigu.

“Car je n'ai point honte de l'Evangile; c'est une force divine pour le salut de tout homme qui croit, d'abord du Juif, puis du Grec. En effet, en Lui est révélée la justice de Dieu qui vient par la foi et (se perfectionne) dans la foi, comme il est écrit: le juste vit de la foi” (Rm 1, 16-17)... Ignores tu que la bonté de Dieu invite à la pénitence? Dieu rendra à chacun selon ses œuvres: la vie éternelle à ceux qui, par la persévérance dans le bien, cherchent la gloire, l’honneur et l'immortalité; mais la colère et l'indignation à ceux qui, avec pertinacité, sont indociles à la vérité, dociles à l’iniquité” (Rm 2,6-8). La Foi “fut transmise aux croyants une fois pour toutes” (St Jude 3, DZ 303, 336).

Et la Pascendi au n° 55 rappelle: "A propos de la Révélation et à propos du dogme, la doctrine des modernistes ne présente pas un brin de nouveauté, mais c’est celle même que dans le Syllabus (5) de Pie IX nous retrouvions condamnée ainsi: La divine révélation est imparfaite et par conséquent sujette à un progrès continuel et indéfini, qui répond à celui de la raison humaine: nous la trouvons ensuite plus solennellement réprouvée par le Concile Vatican I en ces termes: "La doctrine de la foi, que Dieu révéla, n'est pas proposée aux esprits humains pour être perfectionnée comme une découverte philosophique, mais comme un

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dépôt consigné à l'Epouse du Christ, à garder fidèlement et à déclarer infaillible. Donc des dogmes sacrés aussi il faut toujours retenir ce sens, que déclara par le passé l'Eglise Notre Mère, il ne faut jamais s'écarter de ce sens sous prétexte et au nom d'une plus grande intelligence (Constitution ‘Dei Filius’, chap. IV)".

Dès le début de la DV se pose le vieux thème moderniste: c’est la majeur pénétration dans la ‘connaissance de la Révélation quie rend la foi plus parfaite. Les dons de l’Esprit-Saint ne seraient pas donnés pour la vertu théologale de la foi de manièresorte à comprendre la Parole, mais plutôt à faire pénétrer dans la compréhension qui porte à perfectionner la ‘vérité profonde’ que les yeux vont découvrir dans le Christ: une nouvelle vision de la ‘dignité de la nature humaine’ et de la rédemption universelle qu’Il resplendit. Reprenons DV :.

7. Ce que Dieu avait révélé pour le salut de toutes les nations, il a décidé... de le maintenir à jamais intact et de le transmettre à toutes les générations. Aussi le Christ Seigneur [...] ordonna à ses Apôtres de prêcher l’Evangile à tous, comme la source de toute vérité salutaire et de toute discipline morale, [...] 8b) Cette Tradition qui vient des Apôtres se développe dans l’Eglise sous l’assistance du Saint-Esprit: grandit en effet la perception des choses et des paroles transmises, par la réflexion et l’étude qu’en font les croyants qui les gardent dans leur cœur, par la pénétration profonde des réalités spirituelles qu’ils expérimentent, par la proclamation qu’en font ceux qui avec la succession épiscopale ont reçu un charisme assuré de la vérité. L’Église à la mesure que se déroulent les siècles, tend toujours à la plénitude de la vérité divine, jusqu’à ce que les paroles de Dieu reçoivent en elle leur consommation.

Devant ce texte, rappelons: La loi "fut transmise aux croyants une fois pour toutes" (St Jude, 3), et encore ceci: “Que la Parole du Christ demeure en vous avec abondance" (Col 3, 16). Et Dz. 303 - Définitions sur les saintes images et la tradition: "parce que l'honneur rendu aux images s’adresse à l’original” (…) De telle façon que se maintienne l’enseignement de nos saints Pères, c’est à dire la tradition de l’Eglise catholique, qui a reçu l’Evangile d’une extrémité à l’autre de la terre”. Et encore DZ 336: “L’Apôtre Paul nous exhorte vivement à maintenir les traditions reçues soit verbalement soit par écrit (II Ts 2, 15), des saints d’abord les plus éminents”.

En ce qui concerne la vérité de l'Eglise, qui existe pour la gloire de Dieu, il n'y a pas une croissante compréhension de cette vérité, mais le contraire, et la diffusion de ces textes le démontre. L'expression vérité salutaire, avec l'adjonction de l'adjectif qualificatif “salutaire” à vérité, qui limite la portée et l'inerrance de la Révélation divine des Saintes

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Ecritures aux questions concernant le salut et la morale ne témoigne certainement pas de la puissance de la manifestation divine, et ne s'accorde pas non plus avec les enseignements du magistère cités ci-dessus. Contre l’ambiguïté des termes employés dans cette constitution, des protestations s'élevèrent dans l'assemblée conciliaire et l’expression fut retouchée dans le texte latin, mais on la répéta au n° 11, avec ces mots: "à cause de notre salut" qui démontrent un net dessein réductible.

La Parole divine n’est pas à perfectionner comme une découverte philosophique, l’a toujours enseigné l’Eglise. En effet, toute l’exégèse catholique ne s’applique à autre chose que meilleur comprendre ce que le Seigneur à transmis à travers Ses Apôtres. Voilà pourquoi la Révélation est un dépôt complété à la mort du dernier Apôtre. Et ceci vient confirmer le lien essentiel entre la Révélation et ses uniques dépositaires et interprètes apostoliques. Leurs successeurs ont reçu donc reçupour la mission de garder la vérité divine révélée, qui ne tende pas à une plénitude, mais est plénitude. Dans ce sens l’immanentisme moderniste voudrait identifier la vérité avec ce que l’homme comprenne d’elle. Et donc la vérité évolue avec la science humaine.

Une doctrine qui s’adapte à une foi moderniste d’évolution. rompt avec la vision chrétienne de l’Evangile. Il semble qu’un surprenant humanitarisme s’est présenté dans l’Eglise au sujet de la Parole divine: l’aggiornamento conciliaire accueillant les idées empruntées à l’utopique évolution de la conscience, laquelle devenue mûre, se délivrerait de l'ordre de l'Etre, vise paraît-il, la civilisation de l'amour. C’est ainsi que l'homme serait le centre de tout, y compris de la Révélation divine.

Et voilà la cohérence moderniste: cette ‘évolution’ de la pensée est applicable aussi à Jésus-Christ, qui aurait perfectionné pendant sa vie la conscience de soi même. Une idée en opposition à la sentence certaine de l’Eglise par laquelle “l’âme du Christ a possédé depuis le premier moment de sa vie terrestre la vision immédiate de Dieu (viator et simul comprehensor).

La vision immédiate de Dieu par Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme est nié par le modernisme, d’où sa condamnation par le décret Lamentabili. 32: “Il n’est pas établi que dans l’âme du Christ vivant parmi les hommes l’on trouve la science qu’ont les bienheureux ou les savants” (Dz 2183). Pie XI revient sur cette doctrine dans son Miserentissimus Redemptor. Et Pie XII, dans MC, dit: “Et même la

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vision béatifique existe en Lui si pleinement que, soit par désir soi par clarté, elle dépasse totalement la conscience béatifique de tous les saints du ciel... grâce à cette vision béatifique dont il jouissait dès l’instant où il fut reçu dans le sein de sa Mère divine, Il a constamment et parfaitement présents tous les membres du Corps mystique.

Mais ce qui suggère la nouvelle doctrine de la DV est dans la catéchèse de Jean-Paul II, justement quand il ignore l’existence du Limbe, c’est-à-dire du dogme de la descente de Jésus aux enfers. Dans son discours du 11.1.89, il y a les expressions modernistes et conciliaires de l’admission de l’âme du Christ “à la plénitude de la vision béatifique de Dieu” et de “l’entrée de l’âme de Christ dans la vision béatifique au sein de la Trinité”, que signifie que la compréhension de Jésus ‘augmentait’ et tendait à la plénitude de la vérité en Dieu. Une idée que suffit pour démolir toute les certitudes du magistère, qui serait divin et parfait per étapes, comme dans un quelconque magistère humain.

Que signifie pour elle la vérité dogmatique de la descente de l’âme de Jésus-Christ aux enfers? Les limbes des justes ayant vécu avant Sa venue? “Une représentation métaphorique de la puissance de l’esprit du Christ qui vint annoncer le salut également aux esprits qui attendaient en prison”. La nouvelle interprétation est immédiatement éclairée par cette exégèse de Jean-Paul II (11.1.89): “Même dans son obscurité, le texte pierreux (1 Pt 3, 19) confirme les autres quant à sa conception de la ‘descente aux enfers’ comme accomplissement jusqu’à la plénitude du message évangélique du salut. C’est le Christ qui, déposé dans le sépulcre quant au corps, mais glorifié dans son âme admise à la plénitude de la vision béatifique de Dieu, communique son état de béatitude à tous les justes dont, corporellement, il partage l’état de mort”.

Voilà quelle serait la mission que le Messie dont “les textes tentent d’en faire une représentation accessible à qui est habitué à raisonner et à parler en métaphores temporelles et spatiales, mais immensément vaste dans sa signification réelle d’extension de l’œuvre rédemptrice à tous les hommes de tous les temps et lieux”... la rédemption universelle.

Le Catéchisme de St Pie V explique comment il faut comprendre l’enfer et nous avertit: ‘Il ne se trouve pas dans le sépulcre, comme certains qui, d’une manière non moins impie qu’ignorante l’on interprété’. L’exégèse de Jean-Paul sur la première signification des paroles ‘descendit aux enfers’ dit ceci:

‘C’est la confirmation que sa mort fut une mort réelle et pas seulement apparente. Son âme, séparée du corps, était glorifiée en Dieu, mais le corps gisait dans le sépulcre à l’état de cadavre (!).

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Une chose est le développement de la compréhension selon la foi, qui a été toujours cru par tous et en tous les temps, une autre est une nouvelle interprétation qu’on va trouver dans d’autres documents conciliaires et successives. Par exemple, dans ‘Aux sources du renouveau’ de Karol Wojtyla (p.17, 22, sur la DH). Continuons avec le point suivant:

9. Rapports mutuels de la Tradition et de l’Ecriture - La Tradition sacrée et la Sainte Ecriture possèdent donc d’étroites liaisons et communications entre elles...; quant à la Tradition Sacrée, elle transmet dans son intégrité aux successeurs des Apôtres la parole de Dieu,... pour qu’ils la gardent fidèlement, l’expliquent et la répandent par la proclamation qu’ils en font; il en résulte que ce n’est pas par la Sainte Ecriture toute seule que l’Eglise puise la certitude qu’elle a sur ce qui est révélé. C’est pourquoi l’Ecriture et la Tradition doivent être reçues et vénérées l’une et l’autre avec un égal sentiment de piété, avec un égal respect.

En confrontant le texte du projet initial (fidèle à la Tradition) préparé sur la Révélation pour Vatican II avec celui de DV (ambigu) qui lui fut substitué, on comprend que ce texte final représente une tentative d'endiguer la Sainte Tradition, en faveur des Saintes Ecritures dans leur acception protestante. Après de nombreuses discussions et révisions, il en est résulté dans le texte final que l'Ecriture ne suffit pas à attester tout ce qui a été révélé. Mais on a cependant omis de préciser que, pour autant que l'Ecriture est insuffisante, c'est à la Sainte Tradition et à elle seule de faire connaître avec certitude la Révélation.

C'est pourquoi la DV, au lieu d’éclaircir le question, confond la relation connue entre Tradition apostolique et les Stes Ecritures qui avait été formulée dans le schéma préparatoire à Vatican II intitulé 'De Duplici fonte Revelationis': Sacra Scriptura non est unicus Revelationis quae continetur in Deposito Fidei. Nam praeter divinam Traditionem, qua Scriptura explicatur (Tradition interprétative), habetur Traditio Divina veritatum quae S. Scriptura non continentur" (Tradition constitutive)”.

Le principe de la Révélation transmise par Dieu aux hommes est la Tradition, par conséquent avec la Parole, il y a le représentant divin qui l’assure et l’interprète selon ce qu’il lui fut transmis.

L'Eglise dépositaire de la Tradition était déjà parfaitement constituée avant la rédaction des Evangiles. C’est donc dans la Tradition orale, Dépôt de la Foi enseignée par le Divin Maître, que réside la forme constitutive, le contenu doctrinal et le pouvoir juridictionnel de l'Eglise. L'explication du contenu doctrinal et de ce pouvoir est précisément la Tradition écrite elle-même, dont l’autorité de l'Eglise est l’interprète. Si

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l'Eglise ignorait par hypothèse l'ordre des choses qui sont connues par sa propre autorité, comment pourrait-elle exercer cette autorité? Comment pourrait-elle enseigner avec autorité si elle oubliait ce qui éclaire le fondement de son pouvoir? On voit comment s'est esquissée à ses débuts la contradiction à propos de l'autorité du magistère à Vatican II. L'évêque de Spalato, Mgr Franic, le rapporteur de la minorité, tient à rappeler que le chapitre II, au mérite du rapport sur l'Ecriture et la Tradition, ne contient rien d’erroné; mais il est vicié par une grave omission qui disqualifie l'enseignement commun de l'Eglise à partir du Concile de Trente" (Betti, op. cit. Spadafora). Celle d’avoir écarté le texte préparatoire, de doctrine sûre, pour un texte qui laisse place à la fausse doctrine, c'est favoriser l'erreur.

“Cette doctrine pèlerine ne peut pas surprendre si on considère que l’Osservatore Romano (OR), organe officiel du Vatican et donc journal du Pape, a publié dans sa première page (3.3.77), à l’endroit destiné à ses éditoriaux, un article de Raniero Cantalamessa [qui, à présent, a une position importante au Vatican et à la Télé italienne] qui, inexplicablement, n’a pas eu dans le monde un retentissement proportionnel à sa extrême gravité. Parmi les incroyables affirmations de l’article, on pouvait lire que l’ancien critère de vérité objective (verum, est ens) a été substitué, avec l’avent de historicisme, par le verum est factum, substitué, à son tour, avec le passage de l’Illuminisme au marxisme et à la pensée technologique moderne, par le verum est fa-ciendum, raison pour laquelle ‘la vérité qui compte est celle du ‘faire’, c’est-à-dire, la praxis. Si on conjugue au temps passé les verbes mentionnés, l’auteur de l’article demandait: ‘Si la Tradition avait son rôle quand la primauté était à la vérité - et, indirectement, du passé - quel sens pourrait-elle avoir maintenant puisque cette primauté est attribuée à la praxis et donc au futur?’. Et, avec une hardiesse qui devrait servir de leçon aux esprits naïfs ou timides qui essaient à obliger rédimensioner tout excès ‘progressiste’ d’un côté, et traditionaliste de l’autre, il ajoute: ‘Ceci est - qu’on veuille ou non admettre - la vraie et

Mais la mission du Magistère n’est-elle pas justement de dénoncer ce qui n’est pas conforme à la Vérité? Quelle serait alors l’idée de vérité du nouveau ‘magistère conciliaire’?

Le mouvement des chrétiens majeurs visait une nouvelle interprétation biblique, selon la maturation des temps qui se dévoile finalement dans des articles de l’OR, qui va l’expliquer.

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profonde raison de la crise de la Tradition dans l’Eglise et dans la théologie’. Ensuite, pour ne laisser aucun doute sur le choix de l’Eglise conciliaire, il disait, un peu plus loin, que ‘dans une telle situation, le danger est double (et les tendances vraiment présents!)’: ‘Le premier est le refus global du nouveau principe de vérité avec la praxis, et l’inévitable retour nostalgique au concept de Tradition comme traditionalisme.

“C’est le cas de Mgr Lefebvre, et il est significatif que chez lui la composante traditionaliste et antiprogressiste va de pair avec la composante antimarxiste’. Notez que le danger n’est pas dans le fait que les catholiques accueillent le nouveau principe de vérité, mais qu’ils le refusent. D’ailleurs, étant significatif que le traditionalisme de Mgr Lefebvre vient avec son antimarxisme, justement parce qu’il n’accepta pas le nouveau critère de vérité, il s’en suit que pour ceux qui l’acceptent, comme c’est le cas de ceux qui suivent l’orthodoxie postconciliaire, il n’y a plus de place pour l’antimarxisme” (Lenildo Tabosa Pessoa, préface du livre Mons. Marcel Lefebvre: Rebelde ou Católico? du juge Richard Henry M. Dip, O Expresso, S.t Paulo, 1977).

Comment ce procès de mutation du concept de vérité se manifeste?

10c. Il est donc clair que la Sainte Tradition, la Sainte Ecriture e le Magistère de l’Eglise sont, par une très sage disposition divine, de telle façon connexes et conjoints entre eux qu’ils ne peuvent subsister indépendamment; et tous ensemble, selon sa propre manière, sous l’action d’un seul Esprit Saint vont contribuer efficacement au salut des âmes.

“L’article du OR cite comme problème qu’on traîne sans jamais arriver à savoir si existe quelconque vérité ou institution vraiment apostolique qui ne se trouve de quelque façon témoignée dans les S. Ecritures mais seulement dans la Tradition, en se demandant: «Si elle existe, quelle est cette vérité ou institution? (question à laquelle on n’a pu donner une réponse convaincante, ni même au moment qu’on a traité des deux sources de la Révélation). Et si non, qu’est-ce que la Tradition transmet de concret?» Je considère persuasive l’explication théologique (mais attention il ne s’agit plus que d’une explication théologique) qui s’ouvre une route et que Vatican II, laissant tomber la formule des deux sources de la Révélation (DV, 9), a rendu au moins viable, et qu’on peut formuler ainsi: le premier objet de la Tradition est l’interprétation des Ecritures-mêmes. La Tradition, en d’autres mots, ne serait autre chose que les Ecritures lues par l’Eglise et dans l’Eglise, ou, si l’on veut, c’est interprétation authentique et toujours en progrès de la parole de Dieu,

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quei l’Eglise a reçu des apôtres et qui continue a se développer sous l’action de l’Esprit- Saint. Ainsi comme le Magistère, elle est donc en fonction et au service de la Parole de Dieu (cf. DV 10)» (op. cit.)”.

Mais, d’après cette vision, on ne comprend pas comment la Tradition orale, qui précède chronologiquement l’écrite, puisse lire ce qui n’était pas encore écrit. La lecture pourrait-elle précéder l’écriture? Une telle inversion logique référée à la Révélation signifie retenir que l’humain précède le divin. Et voilà qu’en altérant l’ordre chronologique qui suit la Révélation, c’est-à-dire en considérant à la suite pour après l’invertir, la séquence Tradition-Escriture-Magistère, comme direction caractéristique de la vérité qui procède de Dieu vers l’homme, l’ordre hiérarchique de la Parole divine donné aux hommes est rompu et ouvre une brèche inimaginable dans son interprétation. Le résultat est la prétention qu’a le magistère moderne de relire les S. Ecritures, et que son exégèse peut être normative de la Tradition apostolique, ce qui est le registre-même de ce qui a été enseigné par le Verbe divin. Une telle inversion du sens théandrique de la Parole rend possible toute contrefaçon religieuse;, elle sera toutefois déclarée «au service de la Parole de Dieu».

Voilà de début du magistère pastoral qui relit la Tradition à la lumière des besoins des temps. Il atteint aujourd’hui son apogée en répétant des phrases qui cachent son venin sous la voile d’une fausse piété, qui va aider à leur diffusion. Examinons le procès suivi au § 11:

Inspiration, inerrance de la Sainte Ecriture - b) Puisqu’on doit maintenir comme affirmé par le Saint-Esprit tout ce qu’affirment les auteurs inspirés ou hagiographes, il s’ensuit qu’on doit confesser que les livres de l’Ecriture enseignent nettement, fidèlement et sans erreur, la vérité telle que Dieu, en vue de notre salut, a voulu qu’elle fût consignée dans les Saintes Lettres.

Ici également, dans le schéma préparatoire sur la Révélation mis au point pour Vatican II intitulé De inerrancia et Compositione literaria, (De l’inspiration de l’Ecriture, inerrance et compilation littéraire) l'absolue inerrance de l'Ecriture était clairement formulée et illustrée par deux paragraphes au moins, le n°12 De inerrancia ut consectarium inspirationis (De l’inerrance comme conséquence de l’inspiration), et le n°13 Quomodo inerrantia dijudicanda sit (de quelle façon doit-on considérer l’inerrance). Or ce schéma préparatoire fut subitement éliminé, le terme inerrance ayant déplu, considéré comme une affirmation en négatif. Il y eut alors une nouvelle version, préparée par la commission mixte et soumise aux Pères en avril 1963: Quae

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Scriptura, ex apostolica fide "divinitus inspirata" laquelle, divinement inspirée (2 Tm 3,16), en tant qu'elle a indubitablement Dieu pour auteur. Toutefois Dieu donnait la tâche à des hommes choisis à cette fin (et appelés hagiographes), comme des instruments vivants doués de toute capacité humaine, de transmettre par écrit à tous les hommes seulement ce que Lui-même avait commandé d'écrire. C'est pourquoi, puisque le principal auteur de toute l'Ecriture affirme être et est Dieu, en conséquence toute l'Ecriture divinement inspirée est exempte de toute erreur."

La comparaison de cette dernière version et du texte définitif de la déclaration DV révèle le dessein de ne plus parler de l'absolue inerrance de tout le texte sacré mais en la bornant à la seule vérité salutaire contenue sans erreur dans la Sainte Ecriture. La phrase peut être comprise dans le sens que l'Ecriture contient sans erreur seulement les vérités concernant le dogme et la morale. Des vérités donc limitées aux questions de loi et de morale liées au salut. On oublie que l’inerrance absolue est la conséquence de l'inspiration divine,

La Révéelation est ordonnée à la gloire de Dieu. Voilà pourquoi il est nécessaire de le répéter. Le salut des hommes est la conséquence de la gloire divine, premier principe de la Révélation. Sa révision dans le sens d’une limitation donnée aux paroles de salut, peut-elle être conforme à cette gloire? Et voilà pourquoi cette réduction est directement contraire à la PD.3: "Il est totalement illicite soi de restreindre l’inspiration à quelques parties seulement des Saintes Ecritures, ou […] pour rejeter les objections (contre la vérité des Ecritures), d’affirmer que l’inspiration divine concerne uniquement les choses de la foi et de la morale et rien d’autre”... Cela éequivaudrait à omettre que l’inerrance absolue est la conséequence de l’inspiration divine, et donc comprenant toutes choses, car si elle ne comprenait qu’un sens elle serait limitée, ce qui éequivaudrait à supposer faussement que pour considérer la vérité des propositions divines il ne serait pas nécessaire de savoir ce que Dieu a dit, mais les raisons pour lesquelles certains comprennent que Dieu l’a dit! Pire que cela, ce serait concéder que l’Auteur sacré se serait trompé! A partir de là, ce serait aux hommes à choisir ce qui est à retenir de bon dans la Révélation, et nous en arrivons au point auquel nous sommes parvenus: dire ce que Dieu aurait dû révéler! Mais que nous en dit la DV?

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19. La sainte Mère Eglise a affirmé et affirme de façon ferme et absolument constante que les quatre Evangiles énumérés, dont elle atteste sans hésiter l’historicité, transmettent fidèlement ce que Jésus le Fils de Dieu, pendant qu’il vivait parmi les hommes, a réellement fait et enseigné en vue de leur salut éternel, jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel. Après l’Ascension du Seigneur, les Apôtres ont transmis à leurs auditeurs ce que Jésus avait dit et fait, avec cette intelligence plus profonde dont ils jouissaient eux-mêmes, instruits qu’ils étaient par les événements glorieux du Christ et enseignés par la lumière de l’Esprit de vérité. Les auteurs sacrés ont composé les quatre Evangiles, en triant certaines détails parmi ceux que la parole ou déjà l’écriture avait transmis, en en faisant entrer quelques-uns dans une synthèse, ou en les exposant en tenant compte de l’état des églises, en gardant enfin la forme d’une proclamation, afin de pouvoir ainsi toujours nous communiquer des choses vraies et authentiques sur Jésus. (Cf. l’Instruction Sancta Mater Ecclesia publiée par le Conseil Pontifical pour promouvoir les études bibliques... P.C.B. 1964). Ils les ont écrits dans cette intention sincère, soit d’après leur propre mémoire, leurs propres souvenirs, soit d’après le témoignage de ceux ‘qui furent dès le début témoins oculaires et serviteurs de la Parole’, afin que nous connaissions «la vérité» des enseignements que nous avons reçus.

Le texte suscita une réaction négative parmi les Pères, parce que le terme sincérité dénote seulement l'absence de tromperie dans une narration qui, en soi, pourrait être de pure fantaisie. En outre, on y répétait aussi l'idée à faire passer, comme par inadvertance dans le texte, mais avec tous ses effets dans son application, de la limite de l'inerrance et de l'inspiration des Saintes Ecritures aux seules "vérités salvatrices”, même si on y réaffirmait leur historicité.

L'interprétation officielle de ce que l'on a voulu exprimer par la DV a été exposée dans un éditorial de la très autorisée (en matière conciliaire) revue Civiltà Cattolica (du 4.l.86), en ces termes: "Par «vérité» la DV entend non pas la vérité seulement abstraite mais la vérité concrète et salvatrice (...) Il peut donc exister des inexactitudes historiques, géographiques et scientifiques dans la Bible (...): celles ci révèlent seulement les limites des auteurs "humains" dont Dieu s'est servi pour transmettre ‘la vérité qui sauve’.”

Dans le récent document de la Commission Pontificale Biblique (P.C.B.) - Interprétation de la Bible dans l'Eglise - Ed. Vat., présenté par J. Ratzinger à Jean-Paul II le 23.4.93, on lit ceci: "L'on n'a pas ici la prétention de prendre position sur toutes les questions qui regardent la Bible comme par exemple la ‘théologie de l'inspiration’ (s'agit-il seulement d'une thèse?). Dans l’histoire de l’interprétation, l'usage de la méthode historico-critique a marqué le début d'une ère nouvelle. Grâce à cette méthode sont apparues de nouvelles possibilités de comprendre le texte biblique dans son sens originel. Tout ce qui aide à la

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connaissance de la vérité et à discipliner les idées propres offre à la théologie une contribution valide. Pour cette raison il était juste que la méthode historico-critique fût acceptée dans le travail théologique”. Ce qui attira de Mgr Spadafora une réplique en ces termes: "Il est absolument faux qu'un tel document s'inscrive dans la ligne des encycliques de 1893 et de 1948 et qu'il prolonge cette ligne avec fécondité”. En fait, elle renferme la trame de la Formgeschichte et de la Redaktionsgeschichte.

La Formgeschichte et la Redaktionsgeschichte sont des systèmes rationalistes “d'explication de l'origine" des Livres Saints au moyen de la théorie de "l'histoire des genres littéraires", inventée par les protestants Bultman et Dibelius (1920)*. "Ce système nie au départ l’authenticité et l'historicité des quatre Evangiles, pour soutenir, non sur une base de faits, mais à partir de postulats pseudo-philosophiques, que les Evangiles, seraient une oeuvre collective née de l'exaltation fidéiste de la communauté chrétienne primitive. Et puisqu'une telle élaboration collective demande du temps (au minimum une quarantaine d'années), la date de composition des Evangiles devrait être, et de fait est restée, toujours à priori estimée postérieure à l'an 70. Or le vrai problème est le suivant: ou bien cette composition vient de Dieu, comme elle le dit d`elle-même, ou bien elle est mensongère et ne représente qu'une collection d'histoires fausses". En réalité "la Formgeschichte et la Redaktionsgeschichte sont contraires à la foi, à la logique et aux datations prouvées et mises en évidence par la véritable critique. Leur adoption de la part de l'Institut Pontifical Biblique a eu pour seul fruit la démolition de l'exégèse catholique, jusqu'à mettre en discussion des textes qui touchent le dogme et dont il existait déjà une interprétation de la part du Magistère solennel" (Mgr Spadafora).

*Ces auteurs protestants Bultman et Dibélius avaient eu eux-mêmes un prédécesseur, le protestant G. Werndorff qui en l746 avait écrit un ouvrage mettant en doute la véracité des Livres canoniques des Macchabées par un opuscule intitulé "Commentatio historico-critica de fide librorum Macchabaeorum". Comme on le voit les thèses et méthodes modernistes sont peu modernes.

Il faut donc se demander quelle fut la part de Dei Verbum dans l'artifice dont, non seulement ce document fut l'agent mais aussi le 'nouveau catéchisme" conciliaire, qui reprend à son compte les erreurs qu'avaient rejetées les pères conciliaires.

Les interprétations de l'esprit de Dei Verbum données par d'autres commentateurs Jésuites, qui le définissent comme "un grand texte

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libératoire qui ne ferme aucune porte", mais consacre le travail considérable de l'exégèse moderne, vont dans le même sens que l'éditorial de la Civiltà Cattolica évoqué ci dessus. Parmi ceux-ci, Martini, fait archevêque de Milan et cardinal, soutient que ce texte "non seulement enlève absolument tout doute sur la validité et l'usage de ces méthodes modernes... mais indique aussi les voies d'un approfondissement ultérieur". Lesquelles, sinon celles que favorisent la Formgeschichte et l'équivoque sur l'historicité des Evangiles? Ces méthodes, rejetées en 1962 mais voulues par le cardinal Bea, revinrent victorieuses à Vatican II avec l'instruction de la P.C.U.(1964). Et Martini conclut ainsi: “On peut dire qu'avec ce chapitre, le mouvement biblique d’aujourd’hui a trouvé sa plus haute reconnaissance et sa magna charta, qui lui permettra d'irriguer efficacement et librement tous les aspects de la vie de l'Eglise...”.

Les papyrus de Qumram et spécialement le fragment 7Q5 imposent une datation de l'Evangile de St Marc antérieure à l'année 50 de notre ère, ce qui détruit totalement la théorie rationaliste de ceux qui voulaient une datation tardive. On ne s'étonnera pas que les études conduites par le P. José O'Callaghan à partir de 1972, qui amenèrent la découverte concernant ce fragment furent obstinément censurées par les chefs de Vatican II. “La découverte tenue cachée par Paul VI sur le conseil de Martini, à l’époque recteur de l'Institut Pontifical Biblique, fut signalée et confirmée par le papyrologue protestant Carsten Thiede, qui bénéficia de l’aval autorisé et définitif d'experts de réputation mondiale” (Sì sì no no, du 15.4.95).

Les études du bibliste P. Carmignac mises en valeur par cette découverte, furent pareillement contrées par les autorités conciliaires, bien qu'elles furent l'objet d'une déclaration pacifiante du même Martini disant que dans le fragment 7Q5, ‘se trouverait une exceptionnelle confirmation documentaire de ce que l’Église a enseigné sans interruption depuis dix neuf siècles’ (cité par la revue 30 Jours de juin 1991).

Religion de la Genèse ou genèse des religions? L'intellectuel moderne résout le problème de la genèse de la religion en se référant à l'homme primitif qui, "au milieu des puissances inconnues de la nature a du ressentir une crainte mystérieuse, et, cherchant à expliquer les phénomènes qui se produisaient sous ses yeux, les a interprétés à la

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lumière de sa propre conscience et personnalité..." (Turchi, Histoire des Religions, Bocca 1912). De la même façon l'homme moderne, face à l’inconnu, explique les phénomènes selon ses nouvelles connaissances.

Mais la question posée n'est pas celle de l'origine de la pensée religieuse, mais bien d'expliquer l'existence de la Religion révélée. Si elle est, elle explique tout, c'est l'explication première; si elle n'existe pas, il est alors inutile de chercher à l'expliquer. Aussi l'expliquer par la sociologie comme l'ont fait Durkheim et d'autres est antinaturel et signifie prendre un enfant pour sa mère, une pensée dérivée pour la source originelle de la pensée non moins que de la collectivité, comme on le propose de la source de l'Evangile. Pourtant le primitif en question est plus logique que l'intellectuel moderne, car lui reconnaît la nécessité d'une cause: il ne connaît pas la cause de tel événement mais il sait que chaque événement a une cause et que derrière, il y a la Cause première de tout. C'est une question de bon sens et d'ordre: la Religion, ou bien vient de Dieu, Qui l'a donnée à l'homme, ou bien n'existe pas. Soit la Genèse précède tout, soit elle n’est qu’une erreur sémantique. Si c'est l'homme qui a conçu la religion, ou même sa correction ou son interprétation, elle n'est pas d'origine divine mais seulement une spéculation subjective.

N’est-ce pas précisément dans le vivant témoignage de la pleine Vérité que résident la mission et l'enseignement évangélique confiés à l’Eglise, son œuvre missionnaire, son rapport avec le monde quelle que soit l’époque? La Révélation qui contient la vérité sur l’homme et son rapport avec Dieu est une. Dans le dépôt divin de la Vérité, qui est la Religion révélée, les principes et les valeurs sont ordonnés dans une harmonie organique, et non pas comme un agrégat de germes. C’est donc perdre la route que de vouloir reconnaître des germes du Verbe dans les diverses religions, qui les reconnaîtraient, non par l’influx de la grâce divine, mais selon les diverses traditions et cultures des hommes.

Une nouvelle interprétation des Saintes Ecritures? La doctrine catholique sur l’interprétation biblique étant fondée sur sa divine inspiration, l’inerrance absolue et l’historicité des quatre Evangiles, l’interprétation de l’Eglise démontre son authenticité justement dans la concordance et la continuité des textes magistraux, dont l’autorité est celle des Pontifes Romains, dépositaires de la Tradition divine, et juges définitifs de son interprétation à toutes les époques. C’est pourquoi le Pape est comme s’il était toujours la même personne, avec la même

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parole. Et à l’inverse, une nouvelle interprétation de la Parole ne peut que provenir d’un autre.

Quelle est aujourd’hui l’interprétation authentique de Vatican II? Il faut la trouver dans les documents et dans l’action de Jean-Paul II

qui est à la tête de l’Eglise conciliaire. Or, il confirme dans Rh ce qu’il avait déjà affirmé dans ‘Aux sources du renouveau’, que s’ouvrir aux autres traditions religieuses doit être l’orientation conciliaire. Une orientation qui conduit à la cérémonie d’Assise (voir chap.9, p.xx). Considérons ici un exemple de l’exégèse ‘conciliaire’ de Jean-Paul II qui le 29.5.96, Jean-Paul II dans son exégèse concernant ce passage de la Genèse (3, 15) dit:

“... une telle version ne correspond pas au texte hébraïque, dans lequel ce n’est pas la femme, mais sa descendance, son descendent [sic] à fouler au pieds la tête du serpent. Un tel texte attribue non pas à Marie, mais à Son Fils la victoire sur Satan. «Pourtant», puisque la conception biblique pose une profonde solidarité entre le géniteur et sa descendance, on constate la cohérence avec le sens originel du passage de l’Immaculée écrasant le serpent, non par sa force à elle, mais par la grâce du Fils”.:

Pie IX dans la Bulle dogmatique Ineffabilis Deus sur l’Immaculée Conception (8.12.1854) interprète dans le sens mariologique le Protoévangile: “La Très sainte Vierge, unie à Jésus-Christ par un lien extrêmement étroit et indissoluble, fut ensemble avec Lui e par son moyen la sempiternelle ennemie du venimeux serpent et, remportant un absolu triomphe sur lui et, de son pied immaculé, lui écrasa la tête”. C’est ainsi que répète la Tradition.

Dans l’exégèse de Jean-Paul II nous trouvons au moins deux nouveautés impliquant une lamentable ‘conclusion œcuménique’. La première est l’allusion au texte hébraïque dont la ‘conception biblique’ serait plus clarifiante que l’interprétation des Papes, représentante de l’Autorité divine, lesquels ont toujours reconnu le sens mariologique de ce texte. A notre époque le Pape Pie XII l’a fait dans sa bulle dogmatique Munificentissimus Deus pour la définition de l’Assomption de Marie Très Sainte.

La seconde est qu’il existe une interprétation christologique de la Genèse laquelle au lieu de compléter la mariologique, l’exclut. Voici: la descendance de la Femme, unie à Jésus-Christ par un lien extrêmement étroit et indissoluble, est l’humanité racheté par son Fils Sauver, uni à Lui (Jésus-Christ). Et cette union est fixée de toute éternité, de sorte que

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les Saintes Pères voient en Marie ‘la nouvelle Eve étroitement unie au nouvel Adam’... ‘union dans une commune inimitié contre le diable séducteur et dans une pleine victoire sur lui.” (Pie XII, ib.). Il s’agit donc d’une vérité de foi.

La conclusion œcuméniste. A ce point l’on pourrait se demander pourquoi jeter des ombres sur l’interprétation traditionnelle de l’Eglise sur le texte de base pour la compréhension de la mission de Marie dans l’œuvre de la Rédemption. La réponse peut s’obtenir en considérant le mot ‘lignée’ (descendance). Il y en a deux, en effet: celle de la première Eve, c’est-à-dire toute l’humanité; et celle de Marie, qui est celle de ceux qui ont cru et qui sont renaîtreés dans la foi du Rédempteur, c’est-à-dire les chrétiens de toujours. Il est clair que pour la ‘nouvelle théologie’, des chrétiens anonymes et de la rédemption universelle, il n’y a qu’une seule lignée, celle des enfants de la première Eve, vainqueurs qu’ils le veillent ou non, de l’ennemi ‘non par vertu propre mais par la grâce du Christ’, dans laquelle la seconde Eve doit entrer à nouveau, comme tous les humains. C’est cela la nouvelle exégèse qui enfonce ses racines dans la ‘nouvelle conscience conciliaire’, bonne pour toutes les croyances et incroyances.

Selon l'esprit de la déclaration Dei Verbum, l'autorité des analystes bibliques peut déchiffrer des vérités symboliques d'une part et des vérités salvatrices de l'autre, ce qui périme le Magistère qui déclara l'inerrance de l'Ecriture. Nous avons constaté que l'esprit dans lequel le DV fut rédigé était celui de l'hérésie de la “nouvelle exégèse” qui nie les vérités fondamentales de l’exégèse catholique, nouvelle exégèse condamnée dans le décret Lamentabili de St Pie X sous les affirmations suivantes, au n°9: “ceux qui croient vraiment que Dieu est l'auteur de la Ste Ecriture s’avèrent très ingénus et ignorants”, et au n° 11: “L’inspiration divine ne s’étend pas à toute la Ste Ecriture en sorte que toutes et chacune de ses parties serait exemptes de toute erreur”.

Il faut ajouter néanmoins que les exégètes catholiques, les antimodernistes naturellement, après une lutte difficile réussirent à empêcher que dans la DV fussent introduites des hérésies manifestes. Leur combat s'est poursuivi après Vatican II, soit directement contre les hérésies contraires à l'exégèse catholique, soit contre ceux qui interprétaient le Dei Verbum dans un sens hérétique. Mais en cela même, ce combat s'avère une erreur de méthode.

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Quand on est sur le terrain de l'hérésie, masquée dans sa formulation, mais évidente dans ses applications, une précision s'impose. Par exemple dans le “Nouveau catéchisme", figure le mot veritatem, flanqué de l'adjectif salutarem: "la Sainte Ecriture enseigne avec certitude, fidèlement et sans erreur la vérité du salut, salvatrice". Si cette phrase signifie que la Ste Ecriture enseigne seulement la vérité concernant le dogme et la morale, elle est hérétique. En conséquence, le document dont elle tire son origine, le DV compris en ce sens, favorise l'hérésie. II est inutile de se cacher que le sens en question est celui prouvé officiellement comme émanant du coeurcœur même du Vatican. D'où le fait que le hiatus entre exégèse infaillible et méthodes historiques, entre dogme et analyse critique, entre autorité de l’Eglise et exégètes conciliaires est de portée identique à celui qui existe entre la vérité et l'hérésie. Ces méthodes en mettant en doute l'historicité des Evangiles, ouvrent la voie à une révision de l'histoire de l'humanité et de l'Eglise, objectif déjà atteint pour les chefs de Vatican II. Il est scandaleux de faire cela, au nom du Seigneur.

“Ce Vatican II est une véritable escroquerie aux dépens de la Vérité révélée”; telle est la conclusion logique que l'on peut également tirer de l'ouvrage de Mgr Francesco Spadafora ("La Tradition contre le Concile", Ed. Volpe, 1989, Rome, p. 156). L'Eglise ne peut changer de position sur les Evangiles. Puisque le changement introduit ces dernières années pour démystifier la Parole du Christ, les miracles, le dogme catholique selon des analyses rationalistes ont reçu le feu vert de la constitution Dei Verbum de Vatican II, on est obligé de constater que cet assemblée est le pont qui, de l'exégèse catholique fondée sur la foi surnaturelle transmise par la Tradition orale et écrite,... a mené au modernisme. Mais sur quoi pourrait se fonder l'autorité de ceux qui prétendent établir ce passage? Sur la continuité de la foi des premières communautés chrétiennes qui, selon eux, confondaient encore le tonnerre avec la volonté divine?

Mais qui doute de la conscience dans la foi des premiers chrétiens comment peut-il être leur successeur?

Un document qui admet, même de façon seulement implicite, des doutes sur l'origine et l'intégrité des Saintes Ecritures, lesquelles représentent un instrument direct de l'Autorité divine, admet par là même le révisionnisme de l'Autorité divine. Puisque celle-ci n’a pas été

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concédée pour être mise en doute mais pour enseigner des certitudes, cette escroquerie révisionniste n’indique pas autre chose que la décadence de l'autorité de ses auteurs conciliaires.

Hérésie est un mot d’origine grecque, lequel veut dire ‘je choisis’. L’hérésie est une ‘élection’ pour les choses à croire selon une propre interprétation, tandis que les articles de foi, sans exception, doivent être crus parce qu’ils sont révélés et cela suffit. St Augustin distingue dans l’acte de foi trois concepts: credere Deo, credere Deum, credere in Deum (croire à Dieu, croire Dieu, croire en Dieu). Credere in Deum c’est-à-dire se confier avec un mouvement de l’esprit à la volonté de Dieu comme objet et sujet de la Foi. Or, qui ne croit pas à l’existence de Dieu à la façon dont elle est dans le Credo de l’Eglise, comment peut-il croire à Dieu et à la puissance de son Autorité?

“Si l’on doute de l’existence pourvoyante de l’Autorité l’on ne pourra pas croire assurément que les Ecritures aient en elle leur origine, et de fait, aujourd’hui, les Ecritures sont lues comme un genre littéraire analogue à celui des traditions islamiques, hindouistes, judaïques: elles sont une tradition humaine. […] Aujourd’hui l’homme veut croire uniquement ce qu’il réussit à comprendre: c’est placer les racines de la foi dans l’homme et les enlever de là où elles doivent êtres, en Dieu, dans le Christ Jésus, dans le Verbe révélateur, comme le rappelle l’Apôtre: Ce n’est pas toi qui portes la racine, mais c’est la racine qui te porte (Rm 11, 18)” (Romano Amerio, Sì sì no no, 30.4.96). Mais à qui manque l’acte de foi pleine, comment peut-il l’enseigner? Mais surtout, comment peut-il représenter l’Autorité de Dieu?

La pensée catholique ne peut que suivre la parole de Jésus-Christ, qui a dit: “Avant que ne passent le Ciel et la Terre, pas un iota ni un seul signe de la Loi ne passeront que tout ne soit accompli”. Et à la fin des livres de la Révélation, dans l'Apocalyipse de St Jean (XXII 18-20): “Je déclare à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre que si quelqu’un y ajoute quoi que ce soit, Dieu le frappera des fléaux décrits dans ce livre, et que si quelqu'un retranche des paroles de ce livre prophétique, Dieu lui retranchera sa part de l’arbre de la Vie et de la Cité sainte, qui sont décrits dans ce livre” (Apl 22, 18-19). Parole de Dieu.

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5 - Gaudium et Spes: germe de l'œcuménisme babylonien

La Mission de l’Eglise est une, celle qui lui a été confiée par son

Chef, Jésus-Christ: la gloire de Dieu dans le Règne du Christ. L’Eglise a donc reçu la Parole éternelle de vie et les signes uniques du salut, pour guider les hommes vers Dieu. Elle le fait avec leur incorporation dans sa vie spirituelle et leur sanctification à travers ses sacrements.

L’Eglise exerce cette mission avec l'autorité de Jésus-Christ, confiée non pas à la communauté des fidèles mais, aux Apôtres choisis et envoyés par Lui. L’assistance et les dons promis par Dieu à l’Eglise descendent des membres supérieurs aux inférieurs, pour Le représenter dans la mission de chef et de juge, de maître et de prêtre.

De là découle, que l’Eglise est hiérarchique, et non pas simplement parce que, comme toute société, elle a besoin d’une tête, mais parce que cette communication d’en Haut, de Dieu à l’homme, est sa propre vie. Voilà la nature théandrique de l’Eglise.

En tant que représentante de l’Autorité divine sur terre, la mission de l’Eglise est surnaturelle; elle applique aux problèmes de la vie humaine les principes spirituels auxquels est subordonnée son activité univer-selle. L’Eglise rappelle aux hommes leurs devoirs et rend leurs coutu-mes conformes à l’Evangile, en créant les bases solides de la société.

Ici il faut rappeler les concepts essentiels sur le rapport entre la con-science, la société humaine et l’Eglise. Le premier : la conscience est la norme proche de l’action humaine ; le deuxième : la société est son champ d’action ; le troisième : l’Eglise est sa référence pour le modèle de comportement en rapport avec l’édification de sa vie ordonnée en direction de son but ultime.

On a vérifié que l’œcuménisme catholique a été inversé par le plan de Vatican II (UR), qui avait pour principale but l'aggiornamento des rapports de l’Eglise avec le monde, dont cette ‘Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde contemporain’ devait indiquer ‘la voie à suivre’. Laquelle? Celle de l’union et de la paix du monde. De quelle façon? Par un modèle de démocratie globale à laquelle l’Eglise conciliaire doit s’adapter avec une collégialité épiscopale démocratique (v. LG). Avec quelle mission? Celle d’édifier son modèle: «homme nouveau = le chrétien démocratique» . Il faut vérifier cette inversion face au ‘monde

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contemporain’, par rapport au terme indiqué par le Seigneur Lui-même: l’homme nouveau, citoyen de la cité décrite par St. Augustin et reconnue par les Pères de l’Eglise: la Cité céleste. Ainsi à la mission de l’Eglise correspond celle de la vocation de l’homme.

On a vu que le principe de direction dogmatique, raison pour laquelle le Seigneur a conféré une autorité à l’Eglise, a été remplacé par un dia-logue pastoral, qui constitue une démission de l’autorité catholique. Mais, étant donné que l’Eglise a été instituée et définie par son Chef, Jésus-Christ, pour représenter l’Autorité divine face à chaque homme et peuple, il est évident que les modifications et désistements, même implicites, ne peuvent changer ni la mission de l’Eglise par rapport au monde, ni la vocation de l’homme devant Dieu.

Or, Vatican II, avec cette ‘Constitution pastorale’, visait le dialogue au sujet de la création d’un «homme nouveau démocratique». Mais quand une telle intention va dans le sens d’une capitis diminutio, d’une réduc-tion de l’importance de l’enseignement catholique, ne pouvant pas con-cerner l’Autorité divine, cela signifie simplement un renoncement tacite à cette même ‘autorité’. Mais attention, car que la consigne était de refondre l’autorité de l’Eglise dans le monde, mais sans toucher au pouvoir des prélats conciliaires qui prêchaient la ‘nouvelle conscience de l’Eglise’; sauf que le renoncement tacite à représenter une autorité divine devenait évident...

La solution? L’idée d’une ‘nouvelle Pentecôte’, comme si l’Esprit-Saint était descendu parmi eux pour redéfinir l’Eglise.

Or, pour le bien d’une société visible comme l’Eglise, il faut que ce qui est tacite dans le plan des intentions soit lisible dans les concepts écrits, et devienne explicite, comme l’est l’inouïe destruction spirituelle qui a suivi les changements.

Ceux qui ont enseigné que: “la mutation de la civilisation entraîne des changements dans la conception-même que nous nous faisons du salut par Jésus-Christ” (mgr Schmitt), se sont séparés de l’Eglise... «excommuniés eux-mêmes, d’une manière plus profonde dans le silence de leur coeur» (Journet, ‘L’Eglise du Verbe incarné’, t. II, p. 221).

Voyons donc l’importance qu’a eu ce document dans le susdit plan de démolition des principes catholiques.

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La Gaudium et spes (GS) de Vatican II et l’ouverture au monde

La grande ouverture a été pré-annoncée dans le Radio message de Jean XXIII (11.9.62) et "commence par une longue histoire de changements; l’éternelle excuse pour l’innovation. Tout change, le monde, les temps, mais spécialement l’humanité, qui continue à progresser. Pour cela, il faut changer le concept de religion, et l’Eglise catholique doit modifier le rapport précédent avec les autres croyances" (Ipc, p. 128). C’est la base dialectique de GS:

Avant-Propos - 1. Etroite solidarité de l’Eglise avec l'ensemble de la famille hu-maine.[…] La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire. 2. À qui s’adresse Vatican II - a) C’est pourquoi le Concile, après s’être efforcé de pé-nétrer plus avant dans le mystère de l’Eglise, n’hésite pas à s’adresser maintenant, non plus au seuls fils de l’Eglise et à tous ceux qui se réclament du Christ, mais à tous les hommes. A tous il veut exposer comment il envisage la présence et l'action de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui. b) Le monde qu’il a ainsi en vue est celui des hommes, [...] certes, il est tombé, sous l’esclavage du péché, mais le Christ, par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et a libéré l’homme pour qu’il soit transformé selon les desseins de Dieu et qu’il parvienne ainsi à son accomplissement. 3. […] Voilà pourquoi, en proclamant la très noble vocation de l'homme et en affirmant qu’un germe divin est déposé en lui, ce synode offre au genre humain la collaboration sincère de l’Eglise pour l’instauration d’une fraternité universelle qui réponde à cette vocation.

Le terme monde peut avoir deux significations: le monde des hommes à la recherche du bien et le monde assujetti au péché. Deux sens dis-tincts et opposés, sont ici rappelés comme dans tout l’Evangile. Il dev-rait donc être enseigné que l’Eglise a été instituée par le Seigneur pour que, à travers l’influx de la grâce qui nous vient de Sa Passion et de sa Mort, les hommes assujettis à la Loi de Dieu, puissent résister aux tentations du monde esclave du péché. L’évangélisation catholique, a donc toujours accentué sans aucune équivoque la séparation entre l’Eglise et le monde. Voilà la première confusion dans GS: «le dessein de Dieu» ne serait plus de nous affranchir de ce monde, mais de lier la vocation humaine à l’‘accomplissement’ d’un admirable nouveau monde «libéré pour qu’il soit transformé». Disparaît ainsi l’opposition avec le monde toujours décrit par les Pères.

Le deux cités décrites par St. Augustin ne sont pas des allégories mais deux conceptions, absolument distinctes, résultant de deux mentalités irréductiblement opposées: l’une est la cité surnaturelle qui aspire à l’ordre divin, l’autre est la cité naturelle habitée par l’homme déchu. L’une est représentée par la Chrétienté, l’autre par le monde dominé par

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la Révolution. Chacune a son propre but: la première celui d’appeler les hommes à se convertir et à restaurer un ordre déréglé par le péché; la seconde celui de libérer les habitants et leurs valeurs du premier des principes divins. L’une et l’autre engagent la volonté de l’homme liée à un modèle de citoyen. Les personnes peuvent, dans leur conscience, passer d’une cité à l’autre, mais la nature métaphysique de ces deux cités est éternelle et leur opposition irréductible.

Les principes formateurs de la conscience, dont s’inspire la Chré-tienté, ont été rappelés avant, en vue de mieux reconnaître les anti-principes de la Révolution et de garder présente l’opposition méta-physique qui les distingue. L’ordre des principes divins est celui des Clefs de la Vérité et de la Vie, à l’opposé de celui de la massue et de la terreur: le désordre de Caïn.

Comme on le voit d’après leurs caractéristiques, les deux cités ont des identités intrinsèquement différentes. C’est un fait permanent, qui per-dure. C’est justement parce que la cité terrestre est toujours pluraliste et changeante, qu’est irréductible son opposition à la Cité sous l’égide de l’éternité. Etant donné que pour développer un raisonnement il faut partir d’une certitude, cette différence certaine entre les deux cités, celle physique et l’autre métaphysique, est la clef pour comprendre les autres différences vitales qui se présentent dans cet aperçu du troisième millé-naire chrétien. La Cité de Dieu est comme la terre promise: elle peut être éloignée, mais elle existe, elle est représentée par l’Eglise. La cité du monde, au contraire, est une utopie qui nous entoure et dont l’achèvement n’est pas un songe, mais un cauchemar!.

Cette comparaison, certes un peu sommaire et incomplète, nous a bien conduits à une conclusion nullement provisoire: l’opposition absolue entre les deux cités. Et l’on peut s’étonner de trouver dans la cité terrestre tant de rigueur lorsqu’il s’agit du payement des taxes, de l’observation des lois et des règlements aléatoires, alors qu’on est indifférent devant les questions qui engagent le but de la vie humaine.

La citoyenneté des deux cités est une question qu’il faut aborder au niveau des consciences. En effet, dans son intimité, chaque homme sait que sa vie est sujette à un pouvoir supérieur. Or, dans la société humaine il y a deux lignées de personnes: celle des sujets de Dieu et celle des rebelles, qui cherchent à s’emparer de chaque connaissance, même spirituelle, pour dominer. On pense inévitablement à la Maçonnerie.

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C’est l’exemple de cité terrestre n’ayant pas une représentation, mais une multiplicité de formes sectaires et de centres de pouvoir, tous liés à un sommet secret qui dirige le plan occulte de domination du monde.

La Cité céleste, elle, est représentée de manière univoque par l’Eglise catholique et par la Chrétienté qu’elle a inspirée. Mais attention! Nous ne parlons pas ici de l’Eglise des clercs d’aujourd’hui, infiltrée par la Maçonnerie, de ceux qui disent: l’Eglise a décidé, l’Eglise veut, l’Eglise se repent et demande pardon de son passé, alors que ce sont eux-mêmes qui décident et qui veulent. l’Eglise dont nous parlons est celle qui re-présente la Volonté de Dieu, l’Eglise du Christ qui ne change pas.

La vocation de l’Eglise est de guider les hommes vers l’état de fils de Dieu, acquis à la foi et à la fidélité au Père. A cet état correspond la fra-ternité, conséquence de la Paternité commune. L’Eglise est la Cité de cette union, communion des Saints. Elle enseigne que la cité naturelle est subordonnée dans l’ordre des buts à la Cité céleste, dont l’objectif suprême est le culte de Dieu, Père, Fils et Esprit-Saint.

Si Vatican II s’est «efforcé de pénétrer plus avant dans le mystère de l’Eglise», de manière à ce que l’Eglise le fasse en se plongeant dans le monde, il inverse sa mission, confondant son ordre surnaturel avec l'or-dre naturel et le sens du mystère de l’Eglise, qui ne prie pas pour le monde (Jn 17, 9) ni ne s’adresse au monde, mais aux hommes pour qu’ils se gardent de l'amitié du monde: Jn 7, 7; 14, 17; 15, 18; 17, 14-16; Gl 1, 4; Jc 4, 4; 1Jn 5, 19; etc. C’est le contraire de ce qui est fait dans ce texte, dont la lecture (du §4 au §10) des signes des temps, dévoile (4b) une conception dialectique du monde et de la vie de l'homme: évolution qui passerait nécessairement par l’étape du matérialisme historique annoncé par Marx et ses disciples. Une telle vision conditionne ce document conciliaire, dans lequel est évidente l'intention de se mettre au diapason avec le monde.

Différente est l'invitation de l’Apôtre: "Ne vous y trompez pas... Tout don excellent, tout présent parfait vient d’en haut: il descend du Père des lumières, en qui il n’y a ni changement ni ombre de variation" (Jc 1, 16). Grave est son rappel: "Adultères! ignorez vous que l’amour du monde est en horreur à Dieu? Celui qui veut être ami du monde se constitue ennemi de Dieu" (Jc 4, 4). Mais à quoi porte l’esprit des temps modernes?

L’esprit du monde sème son germe dans le champ du germe divin, qu’est la conscience humaine (cf. Lc 17, 21). Le germe divin, c’est-à-

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dire la grâce, est cultivée par l’Eglise, de sorte que les hommes peuvent croître et résister à la cohabitation mondaine, dont viennent les plus né-fastes erreurs et délits. Cette cohabitation est l’épreuve fatale à laquelle l’homme est exposé depuis la chute originelle. Mais l’esprit du monde veut faire confondre la vie surnaturelle avec la cohabitation naturelle et faire passer celle-ci comme le vrai but humain. Il semble que justement dans ce sens, il ait réussi aujourd’hui a convaincre les auteurs de GS, à relativiser l'enseignement catholique sur l’absolue nécessité de la Grâce, du Baptême, de la conversion du coeur à la Foi Trinitaire.

Il est emblématique que dans le nouveau missel français soit nommé Lenine: ‘50 ans après sa mort, chaque chrétien est aujourd’hui con-fronté aux énormes problèmes sociaux et humains auxquels il s’est voué. On commémore aussi St. Thomas d'Aquin, mort il y a 700 ans, ‘qui a su exprimer la doctrine chrétienne avec vigueur en tenant compte des exigences de la philosophie et des sciences de son temps’.

Des vérités 'selon les temps'? (Itinéraires, Paris, 2/74). Ainsi on change l’immuable doctrine catholique, la même mission de l’Eglise, à chaque époque. Et voilà les fruits du nouvel esprit d’aggiornamento:

7. Le changement des mentalités et des structures conduit souvent à une remise en question des valeurs reçues, tout particulièrement chez les jeunes: fréquemment, ils ne supportent pas leur état; bien plus, l’inquiétude en fait des révoltés, tandis que, conscients de leur importance dans la vie sociale, ils désirent y prendre au plus tôt leurs rôles. b) Les cadres de vie, les lois, les façons de penser et de sentir, hérités du passé, ne paraissent pas toujours adaptés à l’état actuel des choses: d’où le désarroi du comportement et même des règles de conduite. c) Les conditions nouvelles affectent enfin la vie religieuse elle-même. D’une part, l’essor de l’esprit critique la purifie d’une conception magique du monde et des survivances superstitieuses... nombreux sont ainsi ceux qui parviennent à un sens plus vivant de Dieu. D'autre part, les multitudes sans cesse plus denses s’éloignent en pratique de la religion. Refuser Dieu ou la religion, ne pas s’en soucier, n’est plus, comme en d’autres temps, un fait exceptionnel, soit de quelques individus: aujourd’hui en effet, on présente volontiers un tel comportement comme une exigence du progrès scientifique ou de quelque nouvel humanisme [indifférence qui s’exprime en tous le domaines: d’où le désarroi d’un grand nombre.]

On parle du changement de mentalité, qui met en doute les valeurs traditionnelles comme si ce changement devait suivre la mentalité des modes, au lieu de la former. L'évolution de la mentalité serait un fait inéluctable, déterminant, et non conséquent? La rébellion des jeunes gens devient aussi une cause: conscients de l'importance de leur rôle, ils sont impatients de l’assumer! De la constatation d’une évidence: le re-nouvellement des générations, on collectivise la conscience du rôle que

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chacun aura dans la société. Pour cette raison on emploi le terme jeune (et aussi femme), selon la catégorie révolutionnaire de classe sociale.

L’humanisme socialiste est-il suffisamment revenu de ses fausses doctrines pour être admis par le chrétiens et en quelque sorte être baptisé par l’Eglise? Voici comment s'exprime l’enc. Quadragesimo anno: ‘Mais que dire si, pour ce qui est de la lutte des classes et de la propriété privée, le socialisme s'est véritablement atténué et corrigé au point que, sur ces deux questions, on n'ait plus rien à lui reprocher? S'est-il par là débarrassé instantanément de sa nature antichrétienne? Telle est la question devant laquelle beaucoup d'esprits restent hésitants. Nombreux sont les catholiques qui, voyant bien que les principes chrétiens ne peuvent être ni laissées de côté ni supprimés, semblent tourner les regards vers le Saint-Siège et nous demander avec instance de décider si ce socialisme est suffisamment revenu de ses fausses doctrines pour pouvoir, sans sacrifier aucun principe chrétien, être admis et en quelque sorte baptisé. Voulant, dans notre sollicitude paternelle, répondre à leur attente, nous décidons ce qui suit: qu'on le considère soit comme doctrine, soit comme fait historique, soit comme 'action', le socialisme, s'il demeure vraiment socialisme même après avoir concédé à la vérité et à la justice ce que nous venons de dire, ne peut pas se concilier avec les principes de l’Eglise catholique: car sa conception de la société est on ne peut plus contraire à la vérité chrétienne.

‘Que si le socialisme, comme toutes les erreurs, contient une part de vérité (ce que d'ailleurs les souverains Pontifes n'ont jamais nié), il n'en reste pas moins qu'il repose sur une théorie de la société qui lui est propre et qui est inconciliable avec le christianisme authentique. Socialisme religieux, socialisme chrétien sont des contradictions: personne ne peut être en même temps bon catholique et vrai socialiste’ (trad. AAS, 1931, pp. 215-216, Maison de la bonne presse).

Suit au 7b et c de GS, l'effet paradoxal d’un éloignement du passé, «même de la vie religieuse», mais ensuite d’une purification «nombreux... parviennent à un sens plus vivant de Dieu», tandis que des «multitudes sans cesse plus denses s’éloignent en pratique de la religion». Or, personne n’ignore que c’est justement l'humanisme moderne qui accuse l’Eglise à cause d’une «conception magique du monde et des survivances superstitieuses». Une telle description semble rédigée à partir des

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mêmes accusations. Les mots sont moins directs, mais pas moins critiques en ce qui concerne les pratiques traditionnelles. Or, comme on ne spécifie aucun fait ni aucune pratique religieuse qui tombe sous de telles observations, il est impossible de ne pas y voir celles de la même religion catholique d’avant Vatican II. En effet, l’accusation implicite va assumer ensuite la forme d’une mutation liturgique et explicite qui ira déraciner les pratiques sacramentelles de l’Eglise: le Rosaire, les heures saintes, les jeûnes, les bénédictions, la fréquence des Sacrements et surtout la dévotion au Saint Sacrifice de la Messe. Il semble que le texte parle d’un nouvel humanisme pour en prendre les distances, mais Paul VI ira expliquer ce que signifiera pour lui purifier:

9a) Pendant ce temps, la conviction grandit que le genre humain peut et doit non seulement renforcer sans cesse sa maîtrise sur la création, mais qu’il peut et doit en outre instaurer un ordre politique, social et économique qui soit toujours plus au service de l'homme, et qui permette à chacun, à chaque groupe, d’affirmer sa dignité propre et la développer. b) D’où les âpres revendications d’un grand nombre qui, prenant nettement conscience des injustices et de l’inégalité de la distribution des biens, s’estime lésé. [le § 10. sera vu en suite] 11b) Vatican II se propose avant tout de juger à cette lumière les valeurs les plus prisées par nos contemporains et de les relier à leur source divine. Car ce valeurs, dans la mesure où elles procèdent du génie humain, qui est un don de Dieu, sont fort bonnes; mais il n’est pas rare que la corruption du cœur humain les détourne de l’ordre requis: c’est pourquoi elles ont besoin d’être purifiées.

On parle ici de valeurs qui, souvent déformées et désordonnées, «ont besoin d’être purifiées». Lesquelles et de quelle façon? Vu qu’ici manque la spécification, on va assumer les trois valeurs qui ont toujours été répétées et exaltées depuis deux siècles par l’esprit du monde, mais aussi maintenant par la nouvelle classe cléricale, à savoir: liberté, fraternité et égalité. D’autre part, comme on parle ici d’un nouvel «ordre politique, économique et social à instaurer» la question est de savoir à quelle matrice on se réfère: à celle socialiste dans laquelle est exaltée surtout l'égalité, ou celle libérale dans laquelle est surtout exaltée la liberté? Si on veut parler de l'ordre enseigné par l’Eglise il manque au moins deux termes: morale et nature humaine.

Pie XII, en condamnant le faux humanisme et le communisme, enseigne (Rdm. 24.12.55, ‘Col cuore aperto’): "Nous avertissons les chrétiens de l'ère industrielle, dans l’esprit de nos derniers Prédécesseurs dans le suprême office pastoral et de magistère, de ne pas se contenter d’un anticommunisme fondé sur la défense d’une liberté vide de contenu; mais Nous les exhortons plutôt à édifier une société dont la sûreté de l'homme s’appuie sur cet ordre moral, dont

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nous avons déjà plusieurs fois exposé la nécessité et les effets, et qui reflète la vraie nature humaine."

Vatican II a mentionné cet ordre moral dans Inter mirifica (IM), le décret sur les moyens de communication sociale et l'art.6 dit: que tous doivent reconnaître d’une façon absolue le primat de l’ordre moral objectif, qui seul domine et coordonne comme il convient tous les plans de l’activité humaine, fussent-ils les plus élevés en dignité, le plan de l’art non excepté.

Mais quelle importance attribue Vatican II au primat de l'ordre moral si cela est omis dans la constitution principale sur l’Eglise dans le monde actuel et est confiné à un décret sur les rapports entre les droits de l’art et les normes de la loi morale? Une primauté sous le boisseau? Or, pour que règne l'ordre moral dans la société, il faut l'ordre politique. Et l’Eglise a toujours confirmé sa doctrine sur la légitimité du pouvoir politique, qui fait la distinction entre la démocratie classique par l’élection des gouvernants et la démocratie qui applique le laïcisme. Ceci se fonde sur le faux principe de la souveraineté populaire, par laquelle l'opinion publique est la suprême source de la loi et dans laquelle l’état et la société civile ne sont pas assujettis à la loi naturelle et divine; ce qui a été condamné dans les encycliques QC, DI, NChA, QPr, etc., On est ici devant une idée sociale qui favorise le refus de la loi divine.

L’Eglise enseigne le plan divin de la Rédemption: Dieu veut le salut éternel de tous les hommes. Et Jésus-Christ a acquis par son sacrifice rédempteur la réconciliation de l'humanité avec Dieu; Il est le Rédempteur universel qui suscite chez tous les hommes l’élan d’accueillir la Volonté divine de salut, dirigée par la libre volonté humaine. Mais cette justification doit être accomplie avec la juste réponse de chacun à cette invitation. Ecoutons le Prof. Dörmann: “Le principe de la rédemption subjective est le Dieu trinitaire. La communication de la grâce, en tant qu'œuvre de l’amour divin, est attribuée au Saint-Esprit, bien que ce soit une oeuvre commune aux trois Personnes. La rédemption subjective n'est cependant pas uniquement oeuvre de Dieu mais elle réclame la libre collaboration de la part de l’homme doué de raison et de liberté (Dz 799). C'est en cette coopération entre la grâce divine et la liberté humaine que repose le mystère insondable de l'enseignement sur la grâce. Pour l'acquisition de cette rédemption subjective, Dieu ne soutient pas seulement l'homme par un principe interne: la force de sa grâce, mais aussi par un principe

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externe: c’est l'activité de l'Eglise enseignante, gouvernant et dispensant la grâce du Christ par les sacrements. Le but de cette rédemption subjective est l'éternelle béatitude dans la contemplation de Dieu” (Etr. pp. 80, 81).

L’universalité objective de la rédemption des hommes peut seulement s’accomplir au plan subjectif. L’application de la Rédemption passe par la liberté de chacun, donc de la volonté humaine qui s’associe à la charité de l’Eglise. Peut-on imaginer les conséquences d’un enseignement ecclésiastique fondé sur une rédemption indépendante de la conscience de ce que signifie la «mort rédemptrice du Christ»? Ecoutons GS, 10:

L’Eglise, quant à elle, croit que le Christ, mort et ressuscité pour tous, offre à l’homme, par son Esprit, lumière et forces pour lui permettre de répondre à sa très haute vocation; Elle croit qu’il n’est pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes par lequel ils doivent êtres sauvés. Elle croit aussi que la clé, le centre et la fin de toute histoire humaine se trouvent en son Seigneur et Maître. Elle affirme en outre que, sous tous les changements, bien des choses demeurent qui ont leur fondement ultime dans le Christ, le même hier, aujourd’hui et à jamais.

Ce texte d’apparence pie et traditionnelle implique l’intention d’un radical changement doctrinal. Procédons avec P. Dörmann à propos du texte conciliaire. “Pour ce qui est de notre sujet, les propositions suivantes sont d'une importance capitale: le Concile dans un résumé pastoral confesse la foi traditionnelle de l’Eglise dans l'unique Rédempteur, dans l'universalité de la volonté salvatrice de Dieu, dans le sacrifice rédempteur du Christ et la grâce salvatrice. Dans la langue traditionnelle de l’Eglise , ces vérités peuvent être traduites de façon plus précise comme suit: - Dieu veut le salut éternel de tous les hommes. Par conséquent il ne donne pas seulement à tous les justes, mais aussi à tous ceux qui sans faute de leur part sont incroyants, la grâce suffisante pour le salut. En raison de l'unicité du Rédempteur et de son sacrifice, cette grâce est toujours gratia Christi. Toutes ces propositions de foi de l’Eglise sur la rédemption de l'humanité se rapportent à l'universalité objective du plan divin rédempteur. Quant au côté subjectif de la rédemption, que l’on traite en dogme sous le titre de "justification du pécheur", le texte conciliaire bien interprété ne dit mot. Il s’agit pourtant d’une distinction capitale tant pour notre sujet que dans l'enseignement de l’Eglise. Mais puisqu’elle est bien oubliée aujourd’hui, voici un court exposé de cette question dogmatique. L'homme-Dieu Jésus-Christ par sa satisfaction offerte à Dieu à notre place et le mérite qu’il nous a acquis comme Rédempteur a accompli la réconciliation de l’humanité avec

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Dieu. Toutefois cette rédemption objective universelle doit être saisie et appropriée chez chacun en particulier par la rédemption subjective. On appelle justification ou sanctification l'acte par lequel est appliqué à chaque homme le fruit de la rédemption. La grâce du Christ désigne le fruit de la rédemption.

Le principe de la rédemption subjective est le Dieu trinitaire. La communication de la grâce, en tant qu’œuvre de l'amour divin, est attribuée au Saint-Esprit, bien que ce soit une œuvre commune aux trois Personnes. La rédemption subjective n’est cependant pas uniquement œuvre de Dieu, mais elle réclame la libre collaboration de la part de l'homme doué de raison et de liberté (Dz 799). C’est en cette co-opération entre la grâce divine et la liberté humaine que repose le mystère insondable de l'enseignement sur la grâce. Pour l’acquisition de cette rédemption subjective, Dieu ne soutient pas seulement l'homme par un principe interne, la force de sa grâce, mais aussi par un principe externe: c’est l'activité de l’Eglise enseignante, gouvernant et di-spensant la grâce du Christ par les sacrements. Le but de cette rédemption subjective est l'éternelle béatitude dans la contemplation de Dieu” (Etr. pp. 79-81).

“Dans les phrases de la constitution pastorale (GS) citées plus haut, le Cardinal [Wojtyla] découvre comme un énoncé de la foi de l’Eglise qui pourrait s’exprimer ainsi: Au moment de la ‘mort rédemptrice du Christ’ se sont accomplies en même temps la ‘naissance de l’Eglise’ et la ‘naissance de l'homme’. Mort rédemptrice du Christ - naissance de l’Eglise - naissance de l'homme: le lien établi montre clairement que la naissance de l'homme signifie sa 'nouvelle naissance’ surnaturelle, la communication de ‘l'être dans le Christ’. Cette réalité surnaturelle est exactement signifiée par l'expression ‘nouvelle dimension’ de l'existence humaine. Cela est d’ailleurs dit expressis verbis. L'heure de la naissance de l’Eglise a donc été selon le cardinal Wojtyla la naissance de l'homme dans la grâce. On ne peut donc plus parler vraiment d’une 'nouvelle naissance’ (ib. pp. 81-82)”.

“Tandis que le Cardinal ordonne ses idées dans un large contexte, il fonde finalement sa thèse sur le plan salvateur universel de Dieu. Il y distingue un aspect éternel et un aspect temporel: selon le plan de salut éternel en Dieu, l'homme existe ‘depuis le commencement’, c’est-à-dire depuis l'éternité, in Christo. Ce plan de salut éternel se réalise dans le temps, c’est-à-dire dans histoire, par l'œuvre rédemptrice du Christ. Car, ‘par la mort et la résurrection, cette existence dans le Christ est devenue

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un fait historique, enraciné dans l’espace et le temps’. La naissance surnaturelle de l'homme serait par conséquent, tout comme la mort rédemptrice du Christ et la naissance de l’Eglise un ‘fait historique’, indépendant du fait que l'homme ‘le sache ou non, l’accepte ou non’. Tout donne à entendre que le Cardinal [Wojtyla] enseigne tant l'universalité objective que subjective de la rédemption.

“La foi catholique traditionnelle nous dit que l’Eglise est née au moment de la mort rédemptrice du Christ. Mais c’est une nouvelle foi que d’affirmer que la ‘naissance de l’Eglise’ a été en même temps la 'naissance de l'homme’ (dans la grâce), ‘qu'il le sache ou non, qu’il l’accepte ou non’. La foi catholique traditionnelle enseigne que tous les justes ab origine mundi appartiennent d’une manière ou d’une autre à l’Eglise du Christ, Sauveur du monde. C’est une nouvelle croyance de dire que la ‘naissance de l’Eglise’ implique automatiquement la ‘naissance de l'homme’ (dans la grâce)” (ib. pp. 82, 83).

Que signifie la théorie du salut universel pour la théologie moderne? C’est la «révolution copernicienne» du XXème siècle dans le Christianisme. “Karl Rahner l'a formulée de façon saisissante. Si tous les hommes, grâce à la mort et la résurrection du Christ, acquièrent, qu'ils le sachent ou non, qu'ils le veuillent ou non «l'être dans le Christ», on peut alors considérer les non-chrétiens comme des «chrétiens anonymes» et l'humanisme non-chrétien comme un «christianisme anonyme» (ib. p. 83)”.

La question du «christianisme anonyme», nouvelle croyance, qui tâche d’établir “toute la théologie de l’Eglise sur une nouvelle base”, est vitale pour la défense de la Foi catholique. Il faut donc vérifier ses auteurs, ses systèmes, et faire voir à tous quelles sont ses conséquences. Or, le contenu de la nouvelle foi, qui dérive de la ‘nouvelle théologie’ du P. De Lubac et prend sa forme actuelle dans la théorie de Karl Rahner, est répété expressis verbis par Karol Wojtyla. Il interprète GS 10 (Aux sources du renouveau):

“La naissance de l’Eglise qui eut lieu sur la croix,. au moment messianique de la mort rédemptrice du Christ, fut dans son essence la naissance de l'homme, de chaque homme et de tous les hommes, de l’homme qui, - qu’il le sache ou non, l’accepte ou non, dans la foi -, se trouve déjà dans la nouvelle dimension de son existence... définie par St. Paul: "in Cristo" (Rm. 6,23; 8,39; 9,1; 12,5; 15,17; 16,7). L'homme existe "dans le Christ”. Certes, il existait dans le plan divin, il existait depuis le commencement, mais c’est par la mort et la résurrection, par le mystère pascal que cette existence est devenue un fait historique, qu’elle a marqué également sur le plan historique et humain l’Ordre divin du Salut, qu’elle l’a enraciné pour ainsi dire dans

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l’espace et le temps (pp. 123-124).

Karol Wojtyla, devenu Jean-Paul II, chef de l’Eglise conciliaire, est désormais l’interprète authentique du magistère de Vatican II. Et en effet il peut dire que la nouvelle conscience de l’Eglise de Vatican II, la rédemption universelle, qui est la base doctrinale de tous ses documents et initiatives, résumés dans la cérémonie d’Assise, était déjà suscitée par ‘l‘esprit de Vatican II’.

Le théologien Dörmann, devant la gravité de la question, dit justement qu’il “faut nous demander si nous n’aurions peut-être pas, en raison de son ‘langage conciliaire pastoral’, mal compris le Cardinal [Wojtyla]”. En effet, en général ces textes ont une apparence pie et traditionnelle qui cachent pourtant l’intention d’un radical changement doctrinal. Il faut donc vérifier s’il s’agit de la thèse de la rédemption universelle. Il trouve la réponse dans un passage des conférences de retraite que le card. Wojtyla a prêchées au Vatican à la demande de Paul VI (Etr. p. 119). Et conclut: “Nous pouvons tenir pour établi que le card. Wojtyla défend la thèse de l’universalité objective et subjective de la Rédemption, et par conséquent de la rédemption universelle” (ib. p. 85). Pour les chapitres 11 et 12 de GS, voir CRC de M. l’abbé de Nantes, Juillet 2003, p. 16.

Quelles sont les conséquences de la nouvelle foi? La Rédemption est adressée à la libre intelligence et volonté de

chacun, donc au sens de responsabilité personnelle, ordonnée à la charité de l’Eglise. La théorie de la rédemption universelle aliène les consciences du devoir d’adhérer au vrai sens de la «mort rédemptrice de Jésus-Christ». Quel effet peut produire dans le monde cet enseignement aliénant donné aux peuples comme s’il était catholique? L’homme déresponsabilisé devant Dieu, peut-il conserver le vrai sens du péché et un sens élevé de responsabilité devant son prochain et la société humaine?

La réalité du monde actuel donne la réponse négative à cette question qui se trouvait entre les lignes des textes conciliaires. Il s'agit de la théorie qui y était insérée, même contraire aux principes de la raison et de la volonté; de la conscience humaine. À une nouvelle théologie correspond inévitablement une autre vision du vrai et du faux, de la vertu et du péché; une autre norme de comportement.

13 - Le péché - a) Etabli par Dieu dans un état de justice, l'homme, séduit par le Malin, dès le début de l'histoire, a abusé de sa liberté, en se dressant contre Dieu et

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en désirant parvenir à sa fin hors de Dieu. Ayant connu Dieu, ‘ils ne Lui ont pas rendu gloire comme à Dieu (...) mais leur coeur inintelligent s'est enténébré’, et ils ont servi la créature de préférence au Créateur. Ce que la Révélation divine nous découvre ainsi, notre propre expérience le confirme. Car l'homme, s'il regarde au dedans de son coeur, se découvre enclin aussi au mal, submergé de multiples maux qui ne peuvent provenir de son Créateur, qui est bon. Refusant souvent de reconnaître Dieu comme son principe, l'homme a, par le fait même, brisé l'ordre qui l'orientait à sa fin dernière, et, en même temps, il a rompu toute harmonie, soit par rapport à lui-même, soit par rapport aux autres hommes et à toute la création.

Ici on tend à caractériser le Péché Originel seulement comme le premier d’une série de péchés personnels et qui, avec l’expression «refusant souvent», présente la rupture de l'ordre en rapport à la Fin ultime comme exclusivement dérivée des péchés personnels actuels et non du désordre-même de la nature déchue d’Adam, transmise à tous les hommes, avec la seule exclusion de la Très Sainte Vierge Marie. Cette doctrine a été anathématisée dans la Vème session du Concile de Trente (17.6.1546), sous Paul III, qui enseigne que le premier homme avec le Péché Originel: - a perdu la sainteté et la justice dans laquelle il a été constitué, s’est mis sous la domination du Malin, et s’est dégradé comme personne humaine, corps et âme; et le Péché Originel: - transmet à tout le genre humain les peines du corps, la mort et le péché qui est la mort de l'âme; - se transmet par propagation à tous, et il ne peut pas être enlevé avec les forces de la nature humaine ou autre, mais seulement à travers le baptême dans la grâce du sang de Jésus-Christ (Dz 788 ss.1512).

Le rappel de ces vérités de foi, concernant la nature humaine, doit être toujours lié à celle par laquelle l'homme ne peut pas établir avec ses seules forces propres un ordre social juste. Nous ne violons pas l'ordre du bien par hasard, mais à cause de notre nature déchue, qui implique des idées, des convictions et des actes personnels décadents. Mais sur cette réalité GS préfère accentuer la primauté de la liberté, selon la mentalité moderne:

17. Grandeur de la liberté: [...] Dieu a voulu ‘laisser l’homme à son propre conseil’ pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à Lui, s'achever ainsi dans une bienheureuse plénitude. La dignité de l'homme exige donc de lui qu'il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d'une contrainte extérieure. L'homme parvient à cette dignité lorsque, se délivrant de toute servitude des passions, par le choix libre du bien, il marche vers sa destinée et prend soin de s'en procurer réellement les moyens par son ingéniosité.

Comme on peut lire ici on voudrait que la dignité humaine soit dérivée de la grandeur du libre choix «mû et déterminé par une conviction

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personnelle». La condition est pourtant que l’homme se délivre de toute «servitude des passions». Mais que dire si une telle servitude est justement le fruit des convictions passionnément personnelles? Certes, notre appétit intellectuel inné tenté de chercher la félicité, qui est notre bien, se manifeste par notre libre volonté. Mais nous ne sommes pas libres de décider et donc d’avoir des convictions personnelles sur tout ce qui est bien. Dans ce cas une conscience mal formée peut guider cet appétit vers le mal tout en le considérant comme le bien. Un tel jugement propre subjectif, libre des normes objectives du bien, est un mal qui peut seulement dégrader la dignité humaine. Le raisonnement dans le texte de GS suit l’ordre inverse; il met en avant le subjectif par rapport à ce qui est objectif, le jugement personnel avant la loi positive. Comme si la dignité d’Adam et d’Eve dérivait de la liberté de cueillir la pomme défendue, pour suivre ce qu’ils ont cru être leur bien, mais qui était l'acte délétère qui a ouvert les portes du mal au genre humain. Leur dignité consistait, au contraire, en la capacité de comprendre la portée du mal annoncé pour l’éviter, en réprimant leur passion en vue du Bien révélé par Dieu. Un tel ‘libre choix’ de leur bien les a rendus indignes d’habiter le Paradis. En effet, la vrai dignité est dans la soumission à la Vérité et au Bien, dont le contraire; la liberté du délit et de l'erreur peut seulement éloigner. Ceci confirme l’état d'indignité de l'homme déchu à son origine, et son absolu besoin d’une loi qui règle ses libres choix.

A ce point, les idées adverses ont toutes le recours aux contraintes pour faire respecter les lois légitimes, les thèses qui présentent toutes les actions opérant dans le sens «d'une contrainte extérieure». même celles nécessaires pour faire observer dans le for externe la loi morale objective, comme contraire à la dignité de l'homme, sont radicalement subversives; ces idées rentrent dans la fausse conception de la dignité humaine condamnée par St. Pie X et sont implicitement condamnés comme hérétiques, dans les propositions 4 et 5 du Synode de Pistoia (Dz 2504-2605). Justifier la contestation de la contrainte extérieure signifie désarmer les lois, et par là, le principe-même de l’autorité qui, venant de Dieu, signifie contester l’Autorité de Dieu-même.

Voilà l’hérésie! Et comme on l’a vu, à ceux pour qui Dieu n’existe pas tout est permis! Et GS veut arriver à ‘baptiser jusqu’à l’athéisme’:

19. Formes et racines de l'athéisme: c) [...] Certes, ceux qui délibérément s’efforcent d’éliminer Dieu de leur coeur et d’écarter les problèmes religieux, en ne suivant pas le 'dictamen' de leur conscience, ne sont pas exempts de faute. Mais les croyants eux-mêmes portent souvent à cet égard une certaine responsabilité. Car l'athéisme,

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considéré dans son ensemble, ne trouve pas son origine en lui-même, il la trouve en diverses causes, parmi lesquelles il faut compter une réaction critique en face des religions et spécialement, en certaines régions, en face de la religion chrétienne. C'est pourquoi, dans cette genèse de l’athéisme, les croyants peuvent avoir une part qui n'est pas mince, dans la mesure où, par la négligence dans l'éducation de leur foi, par des présentations trompeuses de la doctrine et aussi par des défaillances de leur vie religieuse, morale et sociale. on peut dire d'eux qu'ils voilent l'authentique visage de Dieu et de la religion plus qu'ils ne le révèlent. 20a) Athéisme systématique: Souvent l'athéisme moderne présente aussi une forme systématique qui, abstraction faite d’autres causes, pousse le désir d'humaine autonomie à un point tel qu’il fait obstacle à toute dépendance à l’égard de Dieu. Ceux qui professent un athéisme de cette sorte soutiennent que la liberté consiste en ceci que l'homme est pour lui-même sa propre fin, le seul artisan et le démiurge de sa propre histoire.

Le faux concept par lequel l'homme maintient sa dignité originelle, parce qu’il est libre même dans l'erreur, conditionne chaque mot du Vatican II. Il ne peut s’exempter de censurer l'athéisme, mais en justifiant la «réaction critique» des athées «en face des religions et spécialement de la religion chrétienne (!)», il trouve le moyen de s’attaquer aux croyants.

Mais qu’est-ce que la nouvelle attitude dévoile? Commençons par l'affirmation que le germe de l'athéisme «ne trouve pas son origine en lui-même, mais en diverses causes». Si le sens de la phrase est que l’athéisme ne peut pas avoir d’origine dans la conscience humaine elle est vraie. Mais dans la version italienne, au moins (et rappelons que pour la doctrine pastorale le texte ‘final’ n’est pas en latin), on trouve le mot originel associé à l'emploi de la formule «genèse de l’athéisme», ce qui peut indiquer l’intention d’appliquer la négation au lien entre l'athéisme et le Péché Originel. Cela serait paradoxal, mais c’est symptomatique de la volonté d'exprimer une nouveauté pour la doctrine catholique, dérivée de la Genèse. Cela serait un révisionnisme des Ecritures auquel s’ajouterait une revanche des clercs qui parfois accusés, toujours avec de mauvais exemples, d’être responsables de l’apostasie de beaucoup de gens, profitent de Vatican II (qui détruit la foi partout!) pour accuser les mauvais croyants d’être cause d’athéisme.

Le dilemme du mal et de l'athéisme est exprimé par l'ancienne formule qui est une synthèse du raisonnement athée: - Si Dieu peut éviter le mal et qu’Il ne le veuille pas, Il manque d'amour même s’Il en a le pouvoir; si Dieu veut éviter le mal mais qu’Il ne le puisse pas, Il manque de pouvoir même s’Il a l'amour: vu que pouvoir et amour semblent inséparablement nécessaires pour accepter Dieu..., Dieu

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n’existe pas, ou son existence est douteuse -. Autour de ce sophisme discutent les philosophies qui ignorent l’existence de la vérité révélée: l'homme a été créé libre pour participer au bien de l'ordre divin, mais a choisi d’inventer un autre ordre qui, étranger au bien qui est, ne peut que devenir un désordre. Le mal résulte d’une déviation de la liberté humaine, celle de faire et de penser en dehors de l’ordre qui nécessairement la précède. Là se trouve le germe du mal comme celui de l'athéisme.

Le péché d’athéisme dérive, comme tout péché, du Péché Originel, par lequel les premiers pères ont fait la connaissance expérimentale du mal. Il y a plusieurs formes d’athéisme: théorique et pratique, général et spécial. Mais il y a aussi un déisme et des religions qui inventent leurs dieux. Pour cela, à la négation de Dieu, doit suivre la question - quel Dieu? Niant les attributs divins de Personne et de Transcendant, on nie Dieu tout-puissant dont la Volonté régit l'ordre universel, le Dieu providentiel et miséricordieux. Mais la rébellion à sa Parole est le premier pas vers Sa négation. Dans ce sens, les premiers géniteurs n’ont pas cru en Dieu-Amour, comme Il s’était révélé à eux. Mais y a t-il ou non une différence essentielle, entre la «réaction critique... en face des religions» qui n’ont pas un germe divin dans la conscience ou un signe de Dieu dans l’histoire humaine, et «la religion chrétienne»?

Pour GS il semble que «la religion chrétienne est spécialement» responsable de cette réaction. Or, dans le plan psychologique celui qui excuse l’athée de cette façon, accuse Jésus-Christ lui-même.

L'athéisme moderne et systématique dérive de la rébellion qui «pousse le désir d'autonomie humaine à un point tel qu’il fait obstacle à toute dépendance à l’égard de Dieu... et que... la liberté consiste en ceci que l'homme est pour lui-même sa propre fin, le seul artisan et le démiurge de sa propre histoire [...] ».

On peut ajouter alors la pensée principale: qu’il est le seul créateur des concepts de Dieu et de religion, donc de toute vérité.

Léon XIII dans sa Lettre ‘È giunto’ (19.7.1889), expliquait à l'Empereur du Brésil: "Une liberté qui met au même niveau la vérité et l'erreur, la foi et l'hérésie, l’Eglise de Jésus-Christ et une quelconque institution humaine, établit une déplorable et funeste séparation entre la société humaine et Dieu qui en est l'auteur et porte à la désolante conséquence de l’indifférentisme de l’état en matière de religion et, ce qui est la même chose, de son athéisme."

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Disons qu’il y a un athéisme pour faire ce que l’on veut dans la vie civile. GS décrit la mentalité absurde qui dérive de l’athéisme. Mais quand cette mentalité prétend imposer un système d’éducation, plus que absurde, elle devient perverse. Il s’agit de la norme d’une grande partie des gouvernements modernes. C’est contre ce danger pour les âmes que s’est toujours élevée l’Eglise Catholique dans le passé. Le card. Florit l’a rappelé pendant Vatican II, accusant ce texte de la manière suivante: ‘qui ne dit pas avec suffisamment de force que la nature de l’athéisme est perverse, et qu’aucune conciliation n’est possible avec lui; toute collaboration est dangereuse... regarde le problème du grand mal de l’objection à Dieu’. Mgr Elko a ainsi renforcé cette idée: ‘Le schéma semble excuser le matérialisme athée; mais c’est justement cela qui provoque la ruine de l’ordre social. Il est une peste qu’il faut accuser, autrement les siècles futurs vont nous reprocher notre lâcheté’. Cependant le ‘schéma 13’ a été approuvé en entier et Vatican II, avec sa déclaration Dignitatis humanae, était en train de se prononcer en faveur du droit à l’athéisme et à chaque liberté de religion, ce qui est à la racine des perverses libertés politiques que GS décrit ici:

20b) Parmi les formes de l'athéisme moderne, on ne doit pas passer sous silence celle qui attend la libération de l’homme surtout sa libération économique et sociale. À cette libération s’opposerait, par sa nature-même, la religion, dans la mesure où, érigeant l’espérance de l'homme sur le mirage d’une vie future, elle le détournerait d'édifier la cité terrestre. C’est pourquoi les tenants d’une telle doctrine, là où ils deviennent les maîtres du pouvoir, attaquent la religion avec violence, utilisant pour la diffusion de l'athéisme, surtout en ce qui regarde l’éducation de la jeunesse, tous les moyens de pression dont le pouvoir public dispose. 21a) L’Eglise,... ne peut cesser de réprouver avec douleur et avec la plus grande fermeté, comme elle l’a fait dans le passé (DR), ces doctrines et ces manières de faire funestes qui contredisent la raison et l’expérience commune et font déchoir l’homme de sa noblesse native. b) Elle s’efforce cependant de saisir dans l’esprit des athées les causes cachées de la négation de Dieu et, bien consciente de la gravité des problèmes que l'athéisme soulève, poussée par son amour pour tous les hommes, elle estime qu’il lui faut soumettre ces motifs à un examen sérieux et approfondi.

Les Papes ont toujours enseigné que le dommage est déjà dans les gouvernements qui séparent l’Etat de l’Eglise, déclare Léon XIII dans la Lettre ‘È giunto’: "L’Eglise sans l’Etat est une âme sans corps. L’Etat sans l’Eglise est un corps sans âme". Les principes liberaux portent à l’indifférentisme de l’Etat quant à la Religion, qui est "athéisme sans le nom". Mais actuellement l’Eglise ne condamne plus l'athéisme d’état, ce qui représente un terrible obstacle à la formation des jeunes à cause de la perversion religieuse, bien au contraire, on essaie d’expliquer que la religion ne veut pas être un obstacle à l’édification d’une cité terrestre,

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même opposée à Dieu. Une telle mutation suit la politique religieuse initiée après la deuxième Guerre mondiale par des intellectuels autour de la revue Esprit et de son animateur, Mounier. Cette influence va s’étendre à la revue polonaise Znak, à laquelle collaborait Karol Wojtyla.

Le philosophe Del Noce explique, (‘Il problema dell'ateismo’, Il Mulino, Bologne, 64) “qu’ils présentent l'athéisme avec une face positive et optimiste, un athéisme avec de bonnes intentions, fécond et purificateur. Pour cela, "La plus grande partie des formes de pensée religieuse... est caractérisée par l'idée... d’athéisme purificateur”. En découle donc: “La découverte du mal et la révolte contre lui au nom de la morale;... la destruction des idoles philosophiques..., destruction telle que cela rend impossible la réaffirmation de la pensée religieuse dans la forme de panthéisme, de cosmologie, de Théodicée justifiante ...”.

L'athéisme, vu comme la critique radicale de toute idolâtrie où l’absolu humain ou anthropomorphisme, serait la réaction légitime de la théologie négative, le moment de la ‘mort de Dieu’, prélude à sa résurrection. La ‘pensée’, selon les auteurs de GS, devrait assumer pour soi la vérité de cette rébellion. L’effort de compréhension de l'athéisme a été entrepris par Vatican II avec d’apparentes conversions, non pas de communistes, mais de conciliaires, devenus des catho-communistes, qui ont réduit leur religion au rang subsidiaire parmi les animateurs de la démocratie universelle. Pour y arriver, il a suffit de nier que l’athéisme implique la négation de la norme précédente gravée dans la conscience, donc la négation de l’ordre moral transcendant l’homme: le péché philosophique condamné par Alexandre VIII (Dz 1290).

21c) L’Eglise tient que la reconnaissance de Dieu ne s’oppose en aucune façon à la dignité de l'homme, puisque cette dignité trouve en Dieu Lui-même ce qui la fonde et ce qui l’achève. Car l’homme a été établi en société, intelligent et libre, par Dieu son Créateur. g) L’Eglise, tout en rejetant absolument l'athéisme, proclame toutefois, sans arrière-pensée, que tous les hommes, croyants et incroyants, doivent s’appliquer à la juste construction de ce monde, dans lequel ils vivent ensemble: ce qui, assurément, n’est possible que par un dialogue loyal et prudent. Elle déplore donc les discriminations que certaines autorités civiles établissent injustement entre croyants et incroyants, au mépris des droits fondamentaux de la personne. Pour les croyants, elle réclame la liberté effective et la possibilité d’élever aussi dans ce monde le temple de Dieu.

Il est défendu de discriminer et de corriger! Ce mot des révolutions de ‘68 était déjà dans l’air dans les assemblées de Vatican II. Pourtant le fait est que discriminer, lorsqu’il signifie distinguer, est nécessaire pour

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le respect de la justice, puisque défendre est une nécessité légale comme religieuse; la religion qui se considère vraie discrimine radicalement les autres comme fausses. La même identité religieuse dérive d’une telle discrimination, comme son authenticité implique la séparation de ceux qui nient le droit du Créateur sur la créature, raison pour laquelle la discrimination religieuse est partout dans les Saintes Ecritures. Le premier commandement du Dieu jaloux est: ‘n’avoir pas d’autres dieux en face de Moi’ (Dt 5, 7).

Mais les révolutions égalitaires ont suscité l’horreur envers les distinctions qu’elles détestent. Et Vatican II, comme on peut le constater, a suivi les tendances du monde pour les baptiser. En Italie, par exemple, dans la vague de soupçon contre toute discrimination et l’idée-même de différence, on a approuvé le 26.4.93 un Décret des démo-chrétiens italiens Mancino et Conso, punissant par des peines draconiennes, ‘ceux qui, pour n’importe quel motif... incitent à la discrimination pour des raisons religieuses’, considérée simplement comme un délit!

“A ce point, il est clair que le chrétien - mais qu’on fasse attention, le non-chrétien aussi! - ne pourra plus condamner, par exemple, le satanisme... ni blâmer la pratique et le culte de la magie noire et de la sorcellerie... ni pourra se considérer à l’abri des inexorables rigueurs de la nouvelle loi, quiconque se permettra de censurer la théorie et la pratique de la polygamie et de l’esclavage, professée par les Islamiques, comme leur doctrine de la Djihad, ou guerre sainte... Dans un tel ordre d’idées, on ne voit pas comment il sera possible de permettre la réimpression et la diffusion de l'Ancien Testament... qui taxe de démons les divinités adorées par les païens... ou de l’Evangile, dans lequel Jésus traite les pharisiens de race de vipères, et où il les accuse d’avoir pour père le démon! (Jn 8, 44)” (C. A. Agnoli). Seul une tyrannie totale pourrait supprimer toute discrimination, en réalisant la discrimination globale et métaphysique: substituer le critère du bien lui-même. Mais la contradiction consiste en ce que la loi doit discriminer l’illégalité; la justice l’injustice. La Religion ne devrait-elle pas discriminer les idolâtries et les athéismes, et le chrétien discriminer ce qui est anti-chrétien?

En appliquant les idées de GS, comment un catholique pourrait-il observer les mots divins: "Si le Seigneur ne bâtit pas la maison, c’est en vain que travaillent les ouvriers, si le Seigneur ne garde pas la cité,

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c’est en vain que veille la sentinelle" (Ps 126). Peut-il édifier un ‘village global’ qui discrimine le Seigneur?

GS, l'oeil fixé sur la chimère d’un ‘nouvel ordre mondial’ a eu besoin donc d’entortiller une telle contradiction, qui nierait explicitement la religion-même. Et voilà comment elle pense avoir résolu le dilemme: le chrétien, après avoir contribué à l’édification de ce monde avec ceux qui le veulent sans Dieu, «réclame la liberté effective et la possibilité d’élever aussi dans ce monde le temple de Dieu», En d’autres termes, les chrétiens devraient faire requête d’un permis pour la Religion dans la cité du monde, d’après leurs mérites de travail!

22. Le Christ, Homme nouveau. a) En réalité, le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe Incarné. Adam, en effet, le premier homme, était la figure de Celui qui devait venir, le Christ Seigneur. Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation-même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation. [...b] Parce qu’en Lui la nature humaine a été assumée, non absorbée, par le fait même, cette nature a été élevée en nous aussi à une dignité sans égale. Car, par son lncarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni Lui-même à tout homme. d) Le chrétien […] associé au mystère pascal et devenant conforme au Christ dans la mort, fortifié par l’espérance, il va au-devant de la résurrection. e) Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le coeur desquels, invisiblement, agit la grâce (LG 16). En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit-Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal.

Pour ce qui concerne l'association des chrétiens au mystère pascal, auquel tous ont la «possibilité d’être associés, d’une façon que Dieu connaît» opérée par l’Esprit-Saint, faut-il encore se demander quelle est cette façon? Ou, au contraire, c’est la ‘façon’ révélée et institué par le Fils, c’est-à-dire le baptême et l'union dans la foi de l’Eglise de Jésus-Christ? Le terme vocation peut-il, utilisé souvent comme une direction, une évolution continue de la conscience, indiquer une autre façon de plaire à Dieu, autre que celle qu’Il a révélée?

Si avec l’expression «en quelque sorte» (22b) on entend une réserve faite à l’affirmation que tout homme est uni au Verbe divin, pour exprimer une union potentielle, le texte, même ambigu (donc déviant), aurait encore l'aspect traditionnel. En effet, toute homme est ordonné à cette union, qui seulement sera complétée avec son salut.

Mais si, au contraire, le texte insinue que, même avant la réception de la grâce de la Rédemption (par le baptême), la nature est, en acte, en chaque homme en état de dignité et non pas de décadence, l’Eglise ne

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peut que le qualifier d’hérétique. On verra que l’ambiguïté de GS voile ce dernier sens, l'oeil fixé sur la chimère d’un nouvel œcuménisme.

Il s’agit de la soi-disant «nouvelle théologie» condamnée dans l’enc. Humani generis (1950) de Pie XII. Parmi les théologiens frappés par ce verdict se trouvait le Père Henri de Lubac, promoteur de cette théologie en rupture avec la philosophia perennis, c'est-à-dire avec la base de la théologie catholique. L’innovation essayée par de Lubac consistait en la fusion de la Théologie avec la philosophie moderne. On peut dire qu’une telle innovation a été réhabilitée officiellement par Jean-Paul II avec l’élévation de son auteur, de Lubac, au cardinalat; hommage qui dévoile aussi l‘interprétation du chef de l’Eglise de Vatican II.

“Il y a une similitude évidente entre la christologie et l’ecclésiologie de Karol Wojtyla et celle d’Henri de Lubac. Chez de Lubac également, le Christ s'est uni dans l'Incarnation avec toute l’humanité, tous les hommes possèdent un lien organique qui les attache au Christ; l’Eglise et l'humanité forment une unité organique. Les chrétiens ne sont pour de Lubac que les «membres formels» du corps du Christ. Ils ont le devoir missionnaire de rendre accessible aux non-chrétiens cette chose singulière qui leur est inconnue, le christianisme” (Etr. p.122). D’après le commentaire de Wojtyla sur ce texte on apprend que tous les deux ont la même idée de révélation et de rédemption. Pour ce qui concerne la notion de révélation, le commentaire de. K. Wojtyla sur GS. 22 dit:

En appliquant à l’homme la notion de mystère, le texte conciliaire explique successivement le caractère anthropologique ou même, dans un certain sens, anthropocentrique de la Révélation faite aux hommes dans le Christ. Car cette Révélation est centrée sur l'homme: le Christ manifeste en plénitude l'homme à lui-même, mais à travers la Révélation du Père et de son amour.

Le Prof. Dörmann, après avoir démontré qu’une telle relation fondamentale dans le concept de «mystère de l'homme» (c'est-à-dire l'existence dans le Christ), “du cardinal Wojtyla coïncide de manière frappante avec l’exposé d'Henri de Lubac”, cite le cardinal Siri (Gethsemani, Paris, Téqui, 1981, p.59 et ss): «Le Père de Lubac dit que le Christ en révélant le Père et en étant révélé par lui, finit de révéler l’homme à lui-même.

Quel peut être le sens de cette affirmation? Ou bien le Christ est seulement homme, ou bien l'homme est divin. Les conclusions ne peuvent pas être exprimées aussi nettement, elles déterminent toujours cependant cette notion du surnaturel en tant qu'impliqué dans la nature humaine en soi, et de là sans qu'on le veuille consciemment, s’ouvre le

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chemin de l’anthropocentrisme fondamental» (o.c., p. 60). Le Prof. Dörmann conclut donc: “On a pu voir clairement que chez le

cardinal Wojtyla aussi la nature humaine implique le surnaturel... (Dm, I). La notion de révélation d’Henri de Lubac se retrouve chez le card. Wojtyla jusque dans les termes employés. Nous ne nous tromperons sans doute pas en supposant que la formulation correspondante de GS, 22 remonte elle aussi à Henri de Lubac” (Etr. p. 121).

Il est certain que l’interprétation de ces mots est de K. Wojtyla, qui a participé à la rédaction de GS, et, devenant Jean-Paul II, interpréta leur sens dans Redemptor hominis (Rh): "Dieu en Lui (le Christ) se fait de nouveau proche de l'humanité, de tout homme, en lui donnant ‘l'Esprit de vérité’ trois fois saint (Jn 16,13)... [que serait la grâce sanctifiante] ..."cette dignité que chaque homme a atteinte et peut atteindre continuellement dans le Christ et qui est la dignité de l'adoption divine... (Rh 11)"... "Il ne s’agit pas de l'homme ‘abstrait’, mais réel, ‘concret’. ‘historique’. Il s’agit de chaque homme, parce que chacun a été inclus dans le mystère de la Rédemption, et Jésus-Christ s’est uni à chacun pour toujours (Rh 13)".

Selon la doctrine de Jean-Paul II chaque homme uni à Dieu pour toujours est donc dans la grâce de Dieu, et ce en conséquence d’une adoption divine indépendante de la correspondance de l'homme: "Parce que le Fils de Dieu ‘s’est uni d’une certaine manière à tout homme’... qu’il le sache ou non"... "mystère (la Rédemption) dont il est devenu participant en Jésus-Christ et dont devient participant chacun des quatre milliards d’hommes vivant sur notre planète, dès l’instant de sa conception près du cœur de sa mère" (13).

En vérité l’homme a reçu une volonté libre pour adhérer ou non à la Volonté divine. C’est sa volonté qui doit se convertir à Dieu pour être racheté. Contrairement à la thèse d’une rédemption suivant laquelle l'homme qui est passif devant Dieu n’élève ni sa liberté et ni sa dignité. Dans la vie sociale, la passivité devant le Très Haut ne peut que s’étendre à toutes les autres directions, ce qui porte aussi inévitablement à une réduction de la responsabilité humaine devant la société, avec des effets désastreux. La doctrine de GS sur l'idée d’une rédemption universelle est reprise par Jean-Paul dans Dominum et vivificantem:

(DV) 50: "Et verbum caro factum est. Le Verbe s'est fait chair: L'Incarnation de Dieu-Fils signifie que la nature humaine est élevée à l’unité avec Dieu, mais aussi, en elle, en un sens, tout ce qui est chair: toute l’humanité, toute le monde visible et matériel. L’Incarnation a donc aussi un sens cosmique, une dimension cosmique. Le premier-né de toute créature, en s’incarnant dans l’humanité individuelle du Christ, s’unit en quelque sorte avec toute la réalité de l’homme, qui est aussi 'chair’, et en elle, avec toute ‘chair’, avec toute la création. L'idée panthéiste de l’identification Dieu-monde a plusieurs nuances.

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"La parabole du panthéisme est presque fatale, requise par la cohérence interne des ses présupposés: que l’on parle de l’émanation du monde venant de Dieu ou de son union hypostatique avec Dieu-même (un monde qui subsiste dans la personnalité divine) ou d’un acte immanent, le monde est réduit au fond à une apparence ou une illusion" (v. Panteismo, EC). L'idée que "Dieu est immanent au monde" est l'idée panthéiste de Dieu!

A ce point, il serait normal de penser que la voix de Dieu serait la voix de la nature, du monde, de l’homme-même. C’est l’homme qui se révèle à l’homme. Mais dans ce cas l'homme le ferait toujours, en continuation selon son degré de progrès, «enrichissant» les concepts qui étaient encore incomplets, douteux, obscurs, mythologiques. Que pourrait dire et vouloir le dieu (panthéiste) de cet homme nouveau?

24d) Le Seigneur ... nous suggère qu’il y a une certaine ressemblance entre l'union des Personnes divines et celle de fils de Dieu dans la vérité et dans l’amour. Cette ressemblance montre bien que l’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même.

Sur l’image de Dieu dans l'homme St Thomas explique (ST I, q. 93): "Comme l’observe S. Augustin, - où il y a image il y a sans doute similitude; mais où il y a similitude ceci ne suffit pas pour qu’il y ait aussi image -. De ça découle que la similitude fait partie de la notion d’image, et que cette dernière ajoute quelque chose à la notion de similitude, c’est-à-dire de la dépendance l’une de l’autre; en effet l’image découle de l'acte d’imiter.[…] Il est clair que dans l'homme il y a une ressemblance avec Dieu, dépendant de Lui comme de son modèle: mais il n’y a pas une similitude d’égalité, parce que le modèle surmonte à l'infini la copie. […] On dit que l'homme est l'image de Dieu, non pour en être essentiellement une image, mais parce que sur son esprit est imprimée l'image de Dieu; comme on dit que la monnaie est l'image de César". Le Damascène écrit: l'image inclut l'intelligence et le libre arbitre: la ressemblance la conformité dans la vertu.

Le fidèle, avec St Augustin et St Thomas, entend la propre image et ressemblance avec Dieu en pensant: Je l’aime donc je suis. La réponse est la vocation "de l'amour comme voie de la connaissance divine en dépendance exclusive de la grâce", de ce qui vient de Dieu, jamais de ses propres créations et conquêtes. Autrement, l’homme pourrait créer et enrichir sa religion-même. Mais ne serait-ce pas ce que veut suggérer cette doctrine de Vatican II?

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L’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même est une expression correcte si on entend que Dieu a voulu les créatures de la terre pour l'homme, qui est le seul être ordonné seulement à Soi-même. Tel n’est pas le sens d’une telle phrase dans GS qui a eu entre ses auteurs conciliaires Wojtyla, dont la pensée anthropologique se trouvait déjà dans son livre, ‘Amore e responsabilità’:

"Personne n’a le droit de se servir d’une autre personne, de l’utiliser comme un moyen, pas même Dieu son créateur. De la part de Dieu c’est quand même impossible, parce que, en dotant la personne d’une nature raisonnable et libre, Il lui a conféré le pouvoir de se donner de sa propre initiative la finalité de ses actions... ".

Le commentaire de ce texte du philosophe Rocco Buttiglione est le suivant: “En reprenant et complétant la formulation kantienne de l’impératif catégorique, Wojtyla formula le terme de la norme personnaliste, qui constitue le sens d’orientation fondamental de toute sa pensée éthique...”. Un tel principe est à la base de son concept de toute liberté de conscience... "est à la base de chaque élaboration de Wojtyla sur la personne et aussi de son interprétation de Vatican II; de son importance philosophique" (‘Il pensiero di Karol Wojtyla’, Ed. Marietti, 1980, p. 19). En effet, ici il s’agit de l’inversion de la vérité par laquelle "Le Seigneur a opéré toutes les choses pour soi-même, et l’impie aussi pour le jour terrible" (Pv 16, 4). "Dieu est la cause finale de toutes choses" (ST I, 44, 4). Le Concile Vatican I condamne celui qui nie que le monde a été créé pour la gloire de Dieu (can. 5). Mais la vision théologique, selon laquelle le Rédempteur est celui qui révèle le caractère transcendent et divin de la personne humaine, tient pour cause de la Révélation et de l’Eglise, l’homme pour lui-même.

A propos de cette vision de GS, interprété dans Rh (13), le Prof. Dörmann explique: “La prérogative de l’Eglise d'être «le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine» revêt dans la théologie de Jean-Paul II un sens particulier. Le card. Wojtyla l’a déjà formulé dans Le Signe de contradiction (p. 32) de la manière suivante:

L'Eglise du Dieu vivant réunit justement en elle ces gens qui de quelque manière participent à cette transcendance à la fois admirable et fondamentale de l’esprit humain... L'expression de cette transcendance est la prière de la foi, dans le silence. Ce silence, qui semble au prime abord séparer l’homme de Dieu, est en fait un acte d'union de l’esprit humain avec Dieu. [L'Eglise de notre époque est devenue profondément consciente de cette vérité. A sa lumière, elle a réussi à préciser sa propre essence lors du Concile Vatican II]. (*) La phrase entre crochets ne se trouve pas dans I`édition française, mais est présente dans l’édition originale, p.26:

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L’Eglise ‘del nostro tempo est diventata particolarmente cosciente di questa verità et proprio nella sua luce est riuscita a ridefinire nel Vaticano II la propria natura’. (N.D.T. de Courier de Rome).

“L'affirmation de l’encyclique, disant que l’Eglise est «à la fois le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine» entre dans le contexte d'une rédemption universelle par le «bon Pasteur de tous les hommes» et d'une Eglise qui réunit tous les hommes, puisque tous ont part à la transcendance de la personne humaine. D'ailleurs l’encyclique dit elle-même ce qu'il faut entendre par «transcendance de la personne humaine» et pourquoi l'Eglise du Concile revendique au nom de la sollicitude du bon Pasteur la prérogative d'être le «signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine». Voici ce texte important (Rh 13,3):

II s'agit donc de l’homme dans toute sa vérité, dans sa pleine dimension. Il ne s'agit pas de l’homme "abstrait", mais réel, de l’homme "concret", "historique". II s’agit de chaque homme, parce que chacun a été inclus dans le mystère de la Rédemption, et Jésus-Christ s'est uni à chacun, pour toujours, à travers ce mystère. Tout homme vient au monde en étant conçu dans le sein de sa mère et en naissant de sa mère, et c'est précisément à cause du mystère de la Rédemption qu'il est confié à la sollicitude de l’Eglise. Cette sollicitude s'étend à l’homme tout entier et est centrée sur lui d'une manière toute particulière. L'objet de cette profonde attention est l’homme dans sa réalité humaine unique et impossible à répéter, dans laquelle demeurent intactes l'image et la ressemblance avec Dieu lui-même (cf. Gn 1,27). C'est ce qu'indique précisément le Concile lorsque, en parlant de cette ressemblance, il rappelle que "l'homme est la seule créature sur terre que Dieu ait voulue pour elle-même" GS 24). L'homme, tel qu'il est "voulu" par Dieu, "choisi" par lui de toute éternité. appelé, destiné à la grâce et à la gloire: voilà ce qu'est "tout" homme, l’homme "le plus concret", "le plus réel"; c'est cela, l’homme dans toute la plénitude du mystère dont il est devenu participant en Jésus-Christ et dont devient participant chacun des quatre milliards d'hommes vivants sur notre planète, dès l’instant de sa conception près du cœur de sa mère».

“Ce texte formule avec suffisamment de clarté l’axiome de la rédemption universelle. Voici la réponse à nos questions qui demandent ce que Jean-Paul II entendait précisément par «transcendance de la personne humaine», pourquoi le Christ est le «bon Pasteur de tous les hommes» et pourquoi l’Eglise du Concile englobe de façon cachée tous les hommes dans le mystère de la rédemption.

“Conclusion: l’encyclique enseigne que «Jésus-Christ est la route principale de l’Eglise». Cette route conduit «du Christ à l’homme», l’homme racheté a priori. A cet homme s'adresse la sollicitude du «bon Pasteur de tous les hommes» et aussi par conséquent la «sollicitude fondamentale de l’Eglise». Dans une sollicitude commune, le Pasteur et l’Eglise veillent à ce que la vie en ce monde sous tous ses aspects

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corresponde davantage à l’éminente dignité de l'homme et soit organisée de manière toujours plus humaine” (Théo, pp.171-173).

Sur GS 26 et l’evolution, voir Atila S. Guimarães (sigle Atila) (In the murky waters of Vatican II, Tradition in Acrion, Inc., Vol. I, pp. 187-190).

L’idée sur la ‘dignité de l’homme’, tenue pour principe de la Rédemption et de l’Eglise, pose la question sur l’inégalité entre les hommes qui est, elle aussi, au service de la gloire divine; comme l’enseigne la Théologie catholique. Mais les textes de GS, centrés sur l’homme. ‘route de l’Eglise’, traitent de l’égalité à la seule lumière de la notion moderne de la dignité humaine:

29. L’Egalité essentielle de tous les hommes et la justice sociale a) Tous les hommes doués d’une âme raisonnable et créés à l’image de Dieu, ont même nature et même origine: tous, rachetés par le Christ, jouissent d'une même vocation et d’une même destinée divine: on doit donc, et toujours davantage, reconnaître leur égalité fondamentale. b) Assurément, tous les hommes ne sont pas égaux quant à leur capacité physique, qui est variée, ni quant à leurs forces intellectuelles et morales qui sont diverses. Mais toute forme de discrimination touchant les droits fondamentaux de la personne, qu'elle soit sociale ou culturelle, qu'elle soit fondée sur le sexe, la race, la couleur de la peau, la condition sociale, la langue ou la religion, doit être dépassée et éliminée, comme contraire au dessein de Dieu. En vérité, il est affligeant de constater que ces droits fondamentaux de la personne ne sont pas encore partout garantis. Il en est ainsi lorsque la femme est frustrée de la faculté de choisir librement son époux ou d`élire son état de vie, ou d'accéder à une éducation et une culture semblables à celles que l’on reconnaît à l'homme. c)... les inégalités économiques et sociales excessives entre les membres ou entre les peuples d'une seule famille humaine font scandale et font obstacle à la justice sociale, à l’équité, à la dignité de la personne humaine ainsi qu'à la paix sociale et internationale.

Dans Rerum novarum, Léon XIII enseigne: L’homme doit prendre en patience sa condition; il est impossible que, dans toute société civile, tout le monde soit élevé au même niveau. Sans doute c'est là ce que poursuivent les socialistes; mais contre la nature, tous les efforts sont vains. C'est elle, en effet, qui a disposé parmi les hommes des différences aussi multiples que profondes: différences d'intelligence, de talent, de santé, de force; différences nécessaires, d'où naît spontanément l'inégalité des conditions. Cette inégalité d’ailleurs tourne au profit de tous, de la société comme des individus: car la vie sociale requiert un organisme très varié et des fonctions fort diverses; et, ce qui porte précisément les hommes à se partager ces fonctions, c'est surtout la différence de leurs conditions respectives. (Texte et traduction dans les Actes de Léon XIII, Maison de la bonne presse, t. III, pp. 30-91).

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L’inégalité, pour ce qui concerne les qualités propres à chaque individu est la richesse de la société développée selon les diverses vocations. La discrimination devrait donc suivre ici le sens inverse de ce qui a été décrit, c’est-à-dire: il est aussi nocif de refuser les différences naturelles, comme les égalités pour ce qui concerne les questions communes à tous les hommes. En tout cas, blâmer le mérite personnel, comme s’il était matière d’injustice, nourrit l'envie: voilà un mal qui devrait occuper les vrais pasteurs! St. Pie X condamnant le ‘Sillon’, dit de celui-ci: “qu’il travaille à réaliser une ère d'égalité..., pour lui toute inégalité de condition est une injustice ou, au moins, une moindre justice! Principe souverain contraire à la nature des choses, générateur de jalousie et d'injustice et subversif de tout ordre social (NChA, n° 23).

Pie XII, défend les ‘inégalités, qui dérivent... des desseins et les dispositions de la Providence, enseignant: "La structure de la société actuelle, qui a par fondement la presque absolue parité entre la femme et l'homme, s’appuie sur un présupposé fallacieux. Il est vrai que l'homme et la femme sont, pour ce qui concerne la personnalité, d’égale dignité et honneur, mérite et estime. Mais ne sont pareils en tout. Déterminés aptitudes, inclinations et dispositions naturelles sont propres seulement de l'homme ou de la femme [...] (14.4.43). Egalité donc absolue dans les valeurs personnelles et fondamentales; mais fonctions diverses, complémentaires et admirablement équivalentes, desquelles découlent les différents droits et devoirs de l'un et de l’autre” (Rms 14.X.56).

Pourtant le problème est ‘embobiné’ soit par GS (29d), soit par la Lettre OA de Paul VI, soit par son motu proprio (6.1.67), qui “établit une commission vaticane pour gérer la nouvelle idée de justice et paix; commission qui a pour but celui de "susciter chez le peuple de Dieu une pleine conscience de la mission à l'heure présente: le développement des nations sous-développées et la justice sociale”.

Ce qui a été toujours enseigné comme conséquence de l’adhésion au plan divin, le bien des autres, devient ici sa cause. Ce serait comme décréter le progrès de la bonté humaine! La mission irremplaçable de l’Eglise, d’enseigner les principes divins, serait de cette façon déviée vers une adresse sociale: prévarication qui implique de niveler le rôle de l’Eglise à celui des sociétés civiles. Voilà que le faux concept d’égalité fait des dégâts au dedans et au dehors du nouvel ordre religieux: une injustice aggravée quant au service des utopies politiques.

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La justice se fonde sur les vrais principes, codifiés dans les sociétés selon le Droit naturel. Or, la notion de justice de Paul VI se fonde sur l’utopie égalitariste (Pp). "Votre analyse (marxiste!) de la situation internationale aboutit à une perspective menaçante: ou bien les peuples nantis partageront leurs biens avec les peuples déshérités, ou bien ceux-ci leur feront la guerre. C’est à choisir: ou la Justice qui est, selon Vous, l’Egalité, ou la guerre!” (I Liber accusationis contre Paul VI pour hérésie, schisme et scandale, P. Georges de Nantes, de la Contre Réforme Catholique. F-10260, St-Parres-les-Vaudes, 1973).

La justice est liée à la vérité, jamais à la démagogie de la mentalité dominante. Ceci porte, tôt ou tard, au conflit et à la guerre. Vatican II ne pose pas, dans ce sens, des fondements de paix, mais au contraire, introduit la confusion sur les desseins divins et sur la nature opposée des deux cités, comme on le verra ensuite:

34c) ...le message chrétien, loin de détourner les hommes de la consigne d’édifier le monde, loin de les inciter à se désintéresser du bien des autres, il les y engage plutôt avec une obligation encore plus serrée.

Dorénavant, pour suivre l’idée de cette «consigne d’édification du monde», commune à tous, et les ‘lois et valeurs propres’ des sciences par rapport aux réalités terrestres, le texte ignore les distinctions entre les activités civiles et religieuses, entre le naturel et le surnaturel, entre la cité céleste et la cité terrestre. C’est comme si on voulait effacer les concepts doctrinaux de St. Augustin et révoquer les Encycliques Quanta cura et Syllabus de Pie IX. Or, les Papes et les Saints ont toujours affirmé les paroles de Jésus-Christ, qui n’est pas venu pour fonder une cité terrestre, mais pour jeter les bases de la Cité de Dieu, représentée dans ce monde par l’Eglise. Ecoutons Innocent III (1198): “Comme Dieu, créateur de l’univers, a mis dans le firmament deux grands luminaires, un majeur qui rayonne pendant le jour et un mineur qui resplendit pendant la nuit, ainsi pour donner plus grande efficacité à l’Eglise universelle - qu’on peut définir ciel - Il institua deux grandes dignités: une majeure qui, comme le grand luminaire du jour, aurait souveraineté sur les âmes et une mineure qui, pareillement à la lumière mineure de la nuit, dominerait sur les corps; et ce sont l’autorité pontificale et le pouvoir royal. D’ailleurs, comme la lune reçoit sa lumière du soleil et même si elle est mineure par rapport à lui comme par essence, elle est pourtant égale par placement et par tâche à développer. Ainsi le pouvoir royal reçoit de l’autorité pontificale la

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splendeur de sa dignité pour laquelle plus elle y adhère plus elle brille, et au contraire, plus elle s’en éloigne plus elle manque de prestige”.

Quand on rappelle le concept des deux cités de St Augustin, il faut retourner aux raisons de leurs distinctions radicales. Il y a une continuelle tentation humaine de gérer des idées opposées pour fonder un ordre dans une cité utopique dont les contradictions de l’esprit mondain n’interférerait pas sur la vie sociale. Mais est-il possible d’avoir une même cité avec des buts opposés? Dans la cité naturelle ce seront les problèmes immédiats qui prévalent, et avec eux l’idée d’une cité de l’homme naturel et neutre par rapport à l’état de son esprit. En vérité l’état humain de pure nature, le ‘bon sauvage’, est une utopie. “Ils sont seulement deux, les états humains historiquement actuels: l’état de nature déchue et l’état de nature rachetée par la grâce de Jésus-Christ, auxquels correspondent les deux cités de St Augustin, les cités terrestre et céleste, qui ne peuvent pas être confondues” (Figura).

Une cité idéale, utopique, serait le résultat de la ‘compénétration’ des deux contraires. Une ‘troisième cité’, qui serait les deux ensemble, n’aurait de sens que pour un ‘monisme’ païen ou un ‘dualisme’ manichéen, tous les deux en opposition au ‘dualisme’ chrétien. Mais si ce n’est pas l’Esprit à guider la pensée droite et la vie, ce seront les façons de vivre qui détermineront les façons de penser et d’étudier les sciences. Le résultat est le conflit tragiquement réel; la révolution dans la révolution, engendrée par le ‘libre examen’ protestant, auquel a suivi l’idée d’une autonomie scientifique de la Vérité divine, que l’on veut justifier:

36. La légitime autonomie des réalités terrestres. b) Si par autonomie des réalités terrestres on entend que les choses créées et les sociétés ont des lois et des valeurs propres, que l'homme doit graduellement découvrir, utiliser et ordonner, alors il s’agit d’une exigence légitime, qui n’est pas uniquement postulée par les hommes de notre temps, mais est aussi conforme à la volonté du Créateur. […] les réalités profanes et la réalité de la foi trouvent leur origine en Dieu-même. […]. A ce point, qu’il nous soit permis de déplorer certaines attitudes mentales, qui parfois ne manquent même pas parmi les chrétiens, en conséquence de n’avoir suffisamment compris la légitime autonomie de la science et, suscitant contestations et controverses, ont entraîné beaucoup d’espoirs au point de considérer que science et foi s’opposent entre eux (réf. à la ‘Vie et œuvre de Galilée Galilei). c) Si, au contraire, avec l'expression autonomie des réalités temporelles, on entend que les choses créées ne dépendent pas de Dieu, mais que l'homme peut l’utiliser sans en référer au Créateur, alors chaque fidèle qui croit en Dieu a besoin d’être averti contre des telles fausses opinions. La créature, en effet, sans le Créateur s’efface. Du reste tous ceux qui croient, à quelque religion qu’ils appartiennent, ont toujours compris la voix et la manifestation de Dieu dans la langue des créatures.

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Le ‘cas Galilée’ est représentatif du changement de mentalité pour ce qui concerne l’autonomie des sciences humaines en face de l’ordre créé par Dieu. La distinction entre la juste façon de considérer cette autonomie des réalités terrestres et une autre façon déviée se trouve dans le texte de GS, qui pourtant ne déplore pas le ‘cas Galilée’ mais dans sa conclusion dénature l’essentiel, c’est-à-dire enseigne quelle doit être la juste attitude à la base de la distinction correcte.

La question de la centralité de la Terre ou du Soleil a toujours impliqué pour la pensée humaine des aspects qui vont au-delà de la notion naturelle, la relation cause-à-effet dans la nature; elle implique la centralité de l’Idée divine dans la réalité matérielle. Dans ce sens le Soleil peut représenter le pouvoir divin duquel la Terre dépend. Mais aussi la source de l’énergie qui sert la Terre où habite l’Homme-Dieu. Ce sont des images qui peuvent représenter des réalités spirituelles absolues, comme on a vu dans le texte susdit du Pape Innocent III, mais sans signification pour l’observation scientifique. Celle-ci doit se borner à la relativité des mouvements dans un ciel dont le centre physique est inconnu. Déjà St Thomas citait des explications théoriques des mouvements apparents des astres, qui ne concernent point la Foi (ST I, 33, 1 ad e). Or, au temps de Galilée on discutait de la théorie héliocentrique du chanoine Copernic (dédiée au Pape Paul III) en faisant attention de ne pas la prendre pour une ‘vérité’ avec laquelle est mesurée la Bible; idée condamné par l’Eglise. Mais Galilée, avec ses interprétations, plus qu’avec ses théories, a envahi le champ théologique et a été condamné par l’Inquisition surtout parce que: “la science ne peut pas contredire ce qui est inscrit dans les Stes Ecritures”.

On voulait revendiquer alors, plus que la centralité du soleil, la suprématie de la science face à la Théologie qui, à ce point, serait conditionnée par les ‘découvertes’ des scientifiques. Pour une telle raison «déplorer certaines attitudes mentales» dans le texte de GS signifie: s’opposer à ceux qui ont accusé pareilles déviations (comme l’insigne inquisiteur St. Robert Bellarmin); justifier ceux qui sur la base de thèses scientifiques entendaient changer la Révélation; fausser le ‘cas Galilée’, favorisant les manipulations d’un ‘scientisme’ qui, avec les révolutions modernes de l’encyclopédisme, ont attaqué la Religion divine pour imposer une religion de l’homme qui se fait Dieu. Dans une telle déploration était déjà présente l’idée que l’Eglise doit s’excuser face au monde pour s’être déclarée le centre de la vie spirituelle humaine et à ce

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titre avoir pratiqué des injustices; une façon tortueuse de la flageller en cachant la main. Justement quand GS semble défendre la Religion elle dévoile son attitude mentale. En effet, en appelant au témoignage de chaque croyant, qui peut «entendre la voix et la manifestation» du Créateur, «à quelque religion il appartienne», GS place la vraie Religion au niveau de toute vision et de tout ‘langage’ religieux. Pour faire face donc à l’idée d’une fausse autonomie des réalités temporelles, GS en appelle aux diverses ‘religions’ qui représentent plusieurs formes d’autonomie humaine devant la réalité divine. Est-ce que les auteurs de GS croient en une réalité qui surpasse infiniment la réalité naturelle? Ce qui suit permet d’en douter.

39. Terre nouvelle et cieux nouveaux. a) Nous ignorons le temps de l’achèvement de la terre et de l'humanité, nous ne connaissons pas le mode de transformation du cosmos. Elle passe, certes, la figure de ce monde déformée par le péché; mais, nous l’avons appris, Dieu nous prépare une nouvelle terre où régnera la justice et dont la béatitude comblera et dépassera tous les désirs de paix qui montent au coeur de l’homme (I Cr 2, 9).

La nouvelle exégèse biblique utilisée par Vatican II est celle qui donne un sens entièrement allégorique à l’Apocalypse pour supprimer les grands châtiments qui y sont décrits. On dit ignorer comment finira notre époque, tandis que la Sainte Ecriture, par exemple l’Epître de St. Pierre, donne des particularités de cet événement (2Pt 3, 10-11). On préfère imaginer une simple restauration de la nature connue. Cette inversion interprétative est ici mise en évidence dans la citation de I Cr 2, 9: “«Choses que l’oeil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues et dont l’idée n’est jamais venue au cœur de l’homme» (Is 64, 4), tels sont les biens que Dieu a préparés pour ceux qui l’aiment”. Le négatif de l’Epître, qui est bien éclairci par St Thomas, passe au positif dans GS. Et voilà que l’on ignore ce qui est écrit et déjà interprété par l’Eglise, mais on présume de connaître la félicité surnaturelle inaccessible aux hommes dans ce monde.

C’est emblématique: cela indique que de telles interprétations scripturales vont dans le sens d’une réduction de tous à un seul principe naturel; c’est la justice et la paix de ce monde comme suprême félicité céleste; une sorte de champ unifié d’un monisme cosmique.

Et voilà la base du panthéisme qui va déboucher dans un pseudo christianisme, le pan-christianisme, où le monde de la paix terrestre serait le paradis.

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6 - Le Babel global - sine gaudio nec spe

Gaudium et spes est un document qui, comme on le voit, veut contribuer à résoudre le problème de la cohabitation humaine dans ce monde avec un nouvel ordre œcuménist e, c’est-à-dire une façon d’unir les hommes non plus poursuivant le bien dans l’unité d’une même foi, comme cela a été révélé par Dieu, mais avec l’aggiornamento de la foi révélée comme but de l’union de humanité, qui devient la mission primaire de l’Eglise. Mais étant donné que L’Eglise de Jésus-Christ existe pour la mission que lui a confiée le Seigneur, cette mission va définir l’Eglise et une nouvelle mission ne peut que définir une nouvelle Eglise.

Il s’ensuit que l’humanité unie et pacifiée, qui est le rêve des idéologies politiques, devient aussi le grand but spirituel avec le nom propre de la langue religieuse: le paradis terrestre. Et voilà la nouvelle convergence. La seule question est de savoir sur quelle base va s’appuyer la coopération dans l’utopie. Parce que, s’il ne s’agit pas d’une simple fantaisie littéraire, il faut bien que l’idée trouve son fondement rationnel, qui ne soit plus une des usuelles idéologies totalitaires qui pour accomplir un tel rêve, finit par s’imposer par la terreur. La foi de l’Eglise catholique est dualiste, surnaturelle dans un monde naturel. Il n’existe ni une cité, ni une autorité catholique moniste; sourde d’un principe naturel, mais expliquée par un mystère de la foi, insinuée de façons celée par les auteurs de GS:

40b). Dialogue entre l’Eglise et le monde -... L’Eglise marche ensemble avec l'humanité entière et partage avec le monde le même sort terrestre et est comme le ferment et quasi l'âme de la société humaine, destinée à se rénover dans le Christ et à se transformer en famille de Dieu. c) A vrai dire, cette compénétration de la cité terrestre et de la cité céleste ne peut être perçue que par la foi; bien plus, elle demeure le mystère de l'histoire humaine qui, jusqu'à la pleine révélation de la gloire du fils de Dieu, sera troublée par le péché. Mais l’Eglise, en poursuivant la fin salvatrice qui lui est propre, ne communique pas seulement à l'homme la vie divine; elle répand aussi, et d'une certaine façon sur le monde entier, la lumière que cette vie divine rayonne, notamment en guérissant et en élevant la dignité de la personne humaine, en affermissant la cohésion de la société et en procurant à l’activité quotidienne des hommes un sens plus profond, la pénétrant d'une signification plus haute. Ainsi, par chacun de ses membres comme par toute la communauté qu'elle forme, l'Eglise croit pouvoir largement contribuer à humaniser toujours plus la famille des hommes et son histoire. d) En outre, Elle fait grand cas de la contribution que les autres Eglises chrétiennes ou communautés ecclésiales ont apportée et continuent d'apporter à la réalisation de ce même but; et elle s'en réjouit. En même temps, elle est fermement convaincue que, pour préparer les voies à l’Evangile, le monde peut lui apporter une

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aide précieuse et diverse par les qualités et l'activité des individus ou des sociétés qui la composent. Voici quelques principes généraux concernant le bon développement des échanges entre l'Eglise et le monde et de leur aide mutuelle dans les domaines qui leur sont en quelque sorte communs.

L’idée d’une ‘collaboration’ qui a «apportée à la réalisation de ce même but implique des contradictions: ou la priorité de ce but est la Foi, ou c’est la paix d’une cohabitation sociale. Or, la priorité chrétienne dans l’enseignement de l’Evangile est bien claire: Cherchez avant tout le Royaume de Dieu et sa Justice, et tout le reste vous arrivera par surcroît (Mt 6, 33). Et l’Eglise a toujours enseigné que la première aspiration chrétienne dans la société est le triomphe de la Foi, qui a pour conséquence tout le reste: la fraternité humaine aussi, dans l’harmonie terrestre. Mais dans ce texte, il est clair qu’on vise un but qui laisse de côté la Foi, étant donné la collaboration avec les autres Eglises et communautés en affermissant la cohésion de la société, même dans un monde agnostique, où toutes les croyances s’équivalent. Donc, le but commun prioritaire de ces, disons cités, pourrait être limité à des valeurs pour une félicité seulement mondaine. Mais à ce point que seules les cités qui acceptent des idées religieuses pourraient se compénétrer; chose impossible pour celles de St. Augustin. Mais alors il est clair que la nouvelle foi sert seulement à expliquer et à favoriser l’utopique fusion de la Cité catholique avec l’autre qui lui est métaphysiquement opposée.

La nouveauté de la troisième voie, religieuse, consiste à mettre ensemble démocratiquement les idéologies historiques, une collaboration associée à un autre exemple: les religions.

Or, voyons pourquoi manque à tel plan utopique la logique.

Les traits distinctifs entre les deux Cités de St. Augustin (‘La Cité de Dieu’, XIV, 28) appartiennent au plan spirituel, mais non utopique, comme voudrait GS; ils servent à établir l’Idée qui habite l’âme chrétienne: “Deux amours ont donc fait deux cités: l’amour de soi jusqu'au mépris de Dieu, la cité terrestre; l’amour de Dieu jusqu'au mépris de soi, la Cité céleste. L'une se glorifie en elle-même, l'autre dans le Seigneur. L'une demande sa gloire aux hommes; pour l’autre, Dieu témoin de sa conscience est sa plus grande gloire. […Dans la Cité de Dieu] il n'y a qu'une sagesse, la piété qui rend au vrai Dieu le culte qui lui est dû, et qui attend pour récompense en la société des saints, hommes et anges, «que Dieu soit tout en tous»”.

Il est donc incompréhensible que ces deux cités nées de deux amours,

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par conséquent de buts et de droits opposés, puissent se compénetrer. Problème religieux? GS ne pouvant le résoudre va le taxer de mystère (de la compénétration de la cité terrestre et de la cité céleste, 40c). Et le document passe à s’occuper de créer une nouvelle conscience religieuse qui doit mouler l’homme nouveau du nouvel ordre:

41) Aide que l'Eglise veut offrir à tout homme - a) L'homme moderne est en marche vers un développement plus complet de sa personnalité, vers une découverte et une affirmation toujours croissantes de ses droits. Pour sa part, l'Eglise, qui a reçu la mission de manifester le mystère de Dieu, de ce Dieu qui est la fin ultime de l'homme, révèle en même temps à l’homme le sens de sa propre existence, c'est-à-dire sa vérité essentielle. […] Elle sait aussi que l'homme, sans cesse sollicité par l'Esprit de Dieu, ne sera jamais tout à fait indifférent au problème religieux, comme le prouvent non seulement l'expérience des siècles passés, mais de multiples témoignages de notre temps. L'homme voudra toujours connaître, ne serait-ce que confusément, la signification de sa vie, de ses activités et de sa mort. Ces problèmes, la présence-même de l'Eglise les lui rappelle. Or Dieu seul, qui a créé l’homme à son image et l'a racheté du péché, peut répondre à ces questions en plénitude. Il le fait par la révélation dans son divin Fils qui s'est fait homme. Quiconque suit le Christ, homme parfait, devient lui-même plus homme.

Ici on explique en même temps que l'homme a des droits et que l’Eglise a reçu comme mission de révéler à l’homme le sens de sa propre existence, sa vérité essentielle (liée à ces droits), c’est-à-dire d’être un signe de la réponse divine sur la vérité de l'homme.

La réponse, qui n’est pas un problème religieux, mais le problème de l'homme déchu, plus que de satisfaire à un désir, vient résoudre la nécessité vitale pour l'homme de connaître, non pas confusément, mais avec la certitude de la foi, que ce soit l'origine de la vie, la signification de son déroulement, dont le travail est une partie, et sa fin après la mort. Dieu seul a la réponse. En effet Il est venu apporter la bonne Nouvelle, même si elle Lui a coûté Sa mort sur la croix. L’Eglise, nouvelle Israël, a été élue pour en être la gardienne; pour enseigner cette réponse dans tous les temps et lieux, et non pas pour l’adapter aux besoins des temps et du monde.

Voilà alors bien individualisé et reconnu un devoir de l’Eglise et un droit des hommes en relation avec Elle: avoir la réponse donnée par Dieu, qui est venu nous racheter du péché qui nous rendait aveugles à la vérité. C’est vrai que seul Dieu peut nous répondre pleinement; mais pour cela Il a conféré autorité à Son Eglise avec la mission divine confiée aux Apôtres et à leurs successeurs. Cette mission est liée à la Foi catholique par laquelle les fidèles croient en l’enseignement de l’Eglise qui, en vertu de la Révélation de Dieu, est une, sainte, catholique et

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apostolique. Le chrétien ne demande pas un droit plus étendu que celui de recevoir la Parole de Dieu dans le Siège par Lui-même institué dans ce but. La foi protestante prétend avoir un lien direct avec Dieu et, par conséquent, émarge de la mission de l’Eglise et du saint-Siège.

Or, ce texte va introduire un aggiornamento sur deux fronts: le premier fait reculer l’autorité doctrinale de l’Eglise par rapport à la Parole en la réduisant à une présence, une sorte de ferment ou de sacrement; le deuxième va établir la nouvelle mission de cette Eglise ferment à partir d’une révélation dans le Christ, le Fils qui s’est fait homme... l’homme parfait. Il s’agit d’une prise de conscience. Mais une telle conscientisation d’une «révélation dans le Christ» et non pas «par le Verbe divin» ne déroute-t-il pas les consciences de sa Parole vers une image? En effet le texte continue: Quiconque suit le Christ, homme parfait, devient lui-même plus homme. Or, Son enseignement est différent: l’homme doit renaître, devenir un homme nouveau (Jn 3, 7; Eph 4, 22).

On verra que depuis Vatican II le contenu de la Révélation présente dans les documents conciliaires, de GS à Rh, l’image du Christ comme modèle de l’homme parfait, plutôt que comme le Verbe de Dieu qui enseigne. Il est sans doute plus facile de bâtir une nouvelle image que de changer le sens des mots. Certes, la parole reste, il pourrait en être autrement, mais elle est interprétée pour suggérer aux hommes une nouvelle conscience de sa propre dignité à l’image du Dieu-homme, «Rédempteur de toute humanité»; d’un «Christ cosmique» pour toutes les utopies.

41b) 2. Appuyée sur cette foi, l'Eglise peut soustraire la dignité de la nature humaine à toutes les fluctuations des opinions qui, par exemple, rabaissent exagérément le corps humain, ou au contraire l'exaltent sans mesure. Aucune loi humaine ne peut assurer la dignité personnelle et la liberté de l'homme comme le fait l'Evangile du Christ, confié à l'Eglise. Cet Evangile annonce et proclame la liberté des enfants de Dieu, rejette tout esclavage qui en fin de compte provient du péché, respecte scrupuleusement la dignité de la conscience et son libre choix, enseigne sans relâche à faire fructifier tous les talents humains au service de Dieu et pour le bien des hommes, enfin confie chacun à l'amour de tous. Tout cela correspond à la loi fondamentale de l'économie chrétienne. Car, si le même Dieu est à la fois Créateur et Sauveur, Seigneur et de l'histoire humaine et de l'histoire du salut, cet ordre divin lui-même, loin de supprimer la juste autonomie de la créature, et en particulier de l'homme, la rétablit et la confirme au contraire dans sa dignité. c) C'est pourquoi l'Eglise, en vertu de l'Evangile qui lui a été confié, proclame les droits des hommes, reconnaît et tient en grande estime le dynamisme de notre temps qui, partout, donne un nouvel élan à ces droits. Ce mouvement toutefois doit être imprégné de l'esprit de l'Evangile et garanti contre toute idée de fausse autonomie. Nous sommes en effet exposés à la tentation d'estimer que nos droits personnels ne sont pleinement maintenus que lorsque nous sommes dégagés de toute norme de la Loi divine. Mais,

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en suivant cette voie, la dignité humaine, loin d'être sauvée, s'évanouit.

La proclamation des droits de l'homme, fruit de la doctrine maçonnique, de l’encyclopédisme, de la Révolution française, est la doctrine de Pacem in terris de Jean XXIII, à laquelle Vatican II veut adapter la Révélation. Les auteurs de GS pouvaient-ils ignorer qu’une telle proclamation provient de la fausse autonomie, dont les propres droits sont élevés à la perte de toute norme de la Loi de Dieu, voie par laquelle même la dignité humaine est faussée? Quant à la possibilité que ce mouvement soit conforme à l’esprit de l’Evangile, on a déjà vu dans le cas du sillonisme, de la démocratie chrétienne et à présent du conciliarisme, que celui-ci limite son christianisme à une inspiration référée à des valeurs sociales relatives et exclut les termes absolus de la Parole divine.

Mais si la Cité céleste, modèle spirituel de l’homme nouveau chrétien qui observe la Parole divine, est effacée dans les consciences, le modèle matériel de la cité terrestre dominera dans les consciences, suivant les normes du monde. Et voilà la solution de compromis de Vatican II: proclamer les droits des hommes pour donner un nouvel élan au dynamisme de ce mouvement. Mais le mouvement pour les droits des hommes, en tenant la souveraineté populaire comme source de tout droit, considère les hommes dégagés de toute norme de la Loi divine; ce mouvement donne à la démocratie priorité sur l‘Evangile: son dynamisme s’applique directement à la fausse autonomie en question!

Quel rôle peut alors avoir l’Evangile, dont les normes s’opposent à celles du monde, dans la cité dominée par le mouvement qui place les droits de l’homme au dessous des droits de Dieu? Leur solution est d’admettre que la Loi divine ne doit plus former toutes les lois humaines mais faire en sorte que celles-ci soient imprégnées de l'esprit de l'Evangile.

Donc pour réaliser l’impossible fusion des deux cités nées de deux amours opposés: différences irréductibles que GS prétend concilier en confondant l’ordre où elles se placent, Vatican II propose une “animation spirituelle” qui devrait garantir contre toute idée de fausse autonomie.

C’est vrai que le monde de l’homme est unique et qu’il faut y cohabiter. Mais justement pour qu’il serve au but de la vie des hommes, et non les hommes au but du pouvoir dans le monde, celui-ci doit être édifié selon le plan du Bien, du Beau et du Vrai qui a été révélé par

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l’Auteur de l’univers et de l’humanité, Dieu. Telle élévation est la vocation humaine dont les termes sont ici altérés:

43. [Il Concilio esorta i cristiani, che sono cittadini dell'una et dell'altra città, di sforzarsi di compiere fedelmente i propri doveri terreni, facendosi guidare dallo spirito del Vangelo. Sbagliano coloro che, sapendo che qui noi non abbiamo una cittadinanza stabile ma che cerchiamo quella futura, pensano che per questo possono trascurare i propri doveri terreni, et non riflettono che invece proprio la fede li obbliga ancora di più a compierli, secondo la vocazione di ciascuno.

“La vocation pour la vie surnaturelle est transformée ici en vocation

professionnelle. Calvin ne saurait faire mieux, ni Luther qui le premier avait sécularisé le concept de vocation: une chose surtout était quand-même totalement nouvelle: la valorisation de l’observance du devoir dans les métiers séculiers comme le dégré le plus élevé possible du comportement éthique général de chacun. Cette notion a introduit pour la première fois le concept de vocation dans ce sens, induisant inévitablement une idée de la signification religieuse du travail séculier quotidien. De ce fait, le concept de vocation sociale s’est manifesté comme dogme central de toutes les dénominations protestantes. Et le même concept exclut la distinction catholique des normes morales chrétiennes en "praecepta" et "consilia", qui ne reconnaissent pas une moralité intramondaine qui puisse surmonter l’ascèse monastique comme façon de vivre plus agréable à Dieu. Et cette ascèse, dans le refus de la priorité de l’observance des devoirs intramondains, comme ils résultent de la condition sociale de chacun, devient justement pour cela sa vocation. […]”.

“Comme conséquence de son concept de la sola fide, Luther a amplifié son opposition aux conseils évangéliques catholiques de la vie monastique, «dictés par le démon», tout en altérant la signification de vocation. Evidemment la vie monastique venait d’être destituée de toute valeur, pour ce qui regarde la justification devant Dieu, mais elle fut aussi considérée - comme tout ce qui éloigne des devoirs séculiers - comme un produit égoïste, un manque d’amour. En contraste avec ceci, le travail professionnel mondain est présenté comme une expression externe de l’amour pour le prochain. Et cela d’une façon entièrement irréaliste et en contradiction presque grotesque avec les principes d’Adam-Smith, spécialement en ce qui concerne l’indication que la répartition du travail oblige chacun à travailler pour les autres.

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Toutefois, comme on le voit, un tel raisonnement essentiellement scolastique a bientôt disparu, laissant à sa place, avec une énergie renforcée, l’indication que l’observance des droits séculiers en toutes circonstances est la seule vie qui puisse plaire à Dieu, comme étant la seule volonté de Dieu. Chaque profession est donc admise devant Dieu, et de valeur absolument égale” (Max Weber, o.c. Figura, pp. 67-68).

L’idée de vocation s’étend ici aux experts d’une adaptation ecclésiale:

44. Aide que l'Eglise reçoit du monde d'aujourd'hui ... elle n'ignore pas tout ce qu'elle a reçu de l'histoire et de l'évolution du genre humain. 2. L'expérience des siècles passés, le progrès des sciences, les richesses cachées dans les diverses cultures qui permettent de mieux connaître l'homme lui-même et ouvrent de nouvelles voies à la vérité, sont également utiles à l'Eglise. En effet, dès les débuts de son histoire, elle a appris à exprimer le message du Christ en se servant des concepts et des langues des divers peuples et, de plus, elle s'est efforcée de le mettre en valeur par la sagesse des philosophes: ceci afin d'adapter l'évangile, dans les limites convenables, et à la compréhension de tous et aux exigences des sages. A vrai dire, cette manière appropriée de proclamer la parole révélée doit demeurer la loi de toute évangélisation. C'est de cette façon, en effet, que l’on peut susciter en toute nation la possibilité d'exprimer le message chrétien selon le mode qui lui convient, et que l’on promeut en même temps un échange vivant entre l'Eglise et les diverses cultures. Pour accroître de tels échanges, l’Eglise, surtout de nos jours où les choses vont si vite et où les façons de penser sont extrêmement variées, a particulièrement besoin de l'apport des experts qui vivent dans le monde, qui en connaissent les diverses institutions, les différentes disciplines, et en épousent les formes mentales, qu'il s'agisse des croyants ou des incroyants. Il revient à tout le Peuple de Dieu, notamment aux pasteurs et aux théologiens, avec l'aide de l`Esprit-Saint, de scruter, de discerner et d'interpréter les multiples langages de notre temps et de les juger à la lumière de la parole divine, pour que la Vérité révélée puisse être sans cesse mieux perçue, mieux comprise et présentée sous une forme plus adaptée. 3. Comme elle possède une structure sociale visible, signe de son unité dans le Christ, l'Eglise peut aussi être enrichie, et elle l’est effectivement, par le déroulement de la vie sociale: non pas comme s'il manquait quelque chose dans la constitution que le Christ lui a donnée, mais pour l'approfondir, la mieux exprimer et l'accommoder d'une manière plus heureuse à notre époque. L'Eglise constate avec reconnaissance qu'elle reçoit une aide variée de la part d'hommes de tout rang et de toute condition.

L’échange culturel avec les experts non religieux n’a jamais été une nécessité religieuse; au contraire, cela peut devenir une occasion pour banaliser ou même subvertir le message évangélique. Pour le christianisme une culture qui n’a pas un fondement surnaturel est privée de la vision générale qui doit illuminer l’homme dans le concert de la vie naturelle. Le fidèle sait où trouver dans l’Evangile la plénitude de la connaissance qui illumine le but ultime de l’homme. L’étude des langues, des coutumes, de l’histoire, peut expliquer des particularités de la vie des peuples, mais non pas la raison-même de la vie, et jamais le sens de la Parole éternelle.

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La langue sert à l'expression, l’histoire à la connaissance des faits, la philosophie à la compréhension de la réalité, non pas le contraire. Et comme ce ne sont pas les réalités, ni les faits, ni les concepts à servir les matières qui l’étudient, de la même manière ce n’est pas la Parole qui sert à la sagesse des philosophes ou aux exigences des sages afin d'adapter l'évangile dans les limites convenables à la compréhension de tous.

Qui peut illuminer la connaissance sur l’ordre de la vie humaine et enrichir la vie de l’Eglise sinon Qui est la Vie-même? Or, étant donné que la vie spirituelle n’intéresse pas les experts... incroyants, qui méconnaissent la question principale: la raison ultime de la même connaissance et culture, à quoi bon toute cette révérence face à l’ignorance fondamentale sur les questions de foi?

Ce document démontre avec ces expédients, cette tentative d’harmoniser le temporel avec l’éternel, la sociologie avec la religion, l'humain avec le divin, la vérité avec l'erreur, le bien avec le mal. Sous le patronage d’une telle culture, de sa science et de son art, les gens finissent par justifier et accepter toute manifestation humaine, de l’érotisme à l’idolâtrie. Si le patrimoine propre à chaque communauté humaine, dont on parle, contient tout, alors le pluralisme religieux, des vaches sacrées au dieu piton, ne serait pas seulement tolérable, mais désirable et la catéchèse de la religion exclusive et de la destruction des idoles serait un délit contre la culture, contre l’humanité-même. Et voilà pourquoi ces idées ont prospéré après Vatican II, en déterminant l’avancée d’un nouveau paganisme et la diffusion des sectes, tous avec les mêmes droits que la Religion chrétienne. Au milieu d’un tel fourmillement d’idées de toute sorte, d’une telle évolution pluraliste de la nouvelle culture d’avortement et de drogue, sans exclusion du satanisme, il s’avère qu’une telle «gérance des opposés» de Vatican II est le levain de mort pour la famille, pour l’harmonie sociale, pour la vie spirituelle.

46b) Parmi les nombreux sujets qui suscitent aujourd’hui l’intérêt général, il faut notamment retenir ceux-ci: le mariage et la famille, la culture, la vie économico-sociale, la vie politique, la solidarité des peuples et la paix. 48. Car Dieu lui-même est l'auteur du mariage qui possède en propre des valeurs et des fins diverses; tout cela est d’une extrême importance pour la continuité du genre humain, pour le progrès personnel et le sort éternel de chacun des membres de la famille, pour la dignité, la stabilité, la paix, et la prospérité...

On continue à insinuer que pour réaliser le nouvel ordre et le grand œcuménisme de la paix dans le village global de toutes les races, peuples et nations, il serait nécessaire d’admettre dans le patrimoine

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commun toutes sortes de coutumes, cultures, lois et religions. L’Eglise dans un tel programme ne serait plus formatrice de coutumes, mais homologatrice des cultures. On superpose ainsi l’idée de culture aux normes morales et religieuses du Christianisme, qui devraient «s’adapter aux signes des temps et aux coutumes locales». Ce chapitre de GS introduit avec des mots trompeurs une nouvelle culture sur le mariage et sur l'amour humain qui représente une ouverture énorme. En effet, l'expression des fins diverses, en ignorant qu’il y a une seule fin primaire, déclasse le principe et le but du mariage.

Le can. 1013, § I, a établi à ce propos: "Le but primaire du mariage est la procréation et l’éducation de la progéniture; le but secondaire est l’aide mutuelle et le remède à la concupiscence".

Pour le mariage il faut appliquer la distinction entre "finis operis" et "finis operantis". La dernière, qui est l'attraction et l'amour entre les époux, voie naturelle pour l’unique "finis operis", ne peut pas surmonter ce but primaire, qui est la procréation. Quand certains experts d’humanité égalisent le but principal au but secondaire, transfèrent la norme de la relation conjugale qui forme la famille, unité fondamentale de la société humaine, au plan du sentiment ou des désirs personnels qui sont changeants pour une grande multiplicité de raisons (cf. AAS 36, 1944). Pie XII (Disc. Ostetriche, 29.X.51) a classifié une telle idée comme "grave inversion de l'ordre des valeurs et des fins placé par le même Créateur"

Le concept d’amour absolu - “La connaissance implique une certaine distance entre le sujet et l’objet, mais l’amour est l’union entre eux (ST I, II, q.15). Pour cette raison l’amour est préférable à la connaissance de l’inférieur au supérieur. Tandis que vaut le contraire dans le sens du supérieur à l’inférieur” (ib. cf. I, q. 82, a.3). En ce qui concerne Dieu la génération du Verbe vient de la connaissance du Père, et le Verbe est donc la Vérité subsistante. Mais dans l’Esprit-Saint le Verbe se réintègre dans le Père. L’Amour réciproque du Père et du Fils est l’Esprit-Saint qui procède de tous les deux, non pas comme de deux co-principes, mais du Principe, la "communis spiratio" (ib. I, q. 37). Le nom propre de l’Esprit-Saint est Amour, et en Lui s’accomplit l’infinie perfection de Dieu, caritas est” (Pacheco Salles).

L’amour humain dépend de la connaissance du Bien. Vouloir le bien de quelqu’un est possible seulement s’il s’agit d’un vrai bien,

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objectif, appartenant à l’ordre des fins placées par le Créateur. Autrement l’on a le procès d’inversion dont parle Pie XII, et dans lequel se sont toujours embarqués les sophistes du personnalisme, traditionaliste aussi (Dietrich von Hildebrand, Man and Woman, Franciscan Press, Chicago). Celui-ci affirme que la personne humaine ne peut pas être subordonnée à un bien social. Et c’est vrai, car autant pour la Religion c’est un droit naturel de choisir entre le mariage et le célibat: entre "suivre le conseil évangélique de la virginité ou s’obliger au lien matrimonial", tout en affirmant qu’entre les deux options, la première est la plus parfaite. Mais ici il s’agit du but ontologique du mariage, qui n’est pas soumis à options. La personne peut refuser le mariage, mais elle ne peut pas changer son but, ni celui de l’amour qui dans le mariage est lié à l’ordre naturel et social.

Une telle tentative au plan des idées serait une inversion sémantique qui érige en principe une valeur. Un tel amour délié de son Principe divin est rendu équivalent à un virus dans le même mariage et par conséquent dans la société. Ces idées, souscrites par Krempel et Doms, et exaltées par K. Wojtyla (Amore et responsabilità), étaient déjà condamnées par l’Eglise (Dz 3838), mais voilà qu’elles reviennent avec ce document ambigu de Vatican II, pour être ensuite insérées explicitement dans le nouveau code canonique (1983), un nouveau principe, selon lequel le mariage a un double but, la procréation et l'amour conjugal, mettant sur un pied d’égalité le but primaire et le but subordonné. C’est comme un œcuménisme qui met ensemble les différents concepts en ouvrant un passage de portée inimaginable pour les choix humains par rapport à l’amour et à la sexualité, en attribuant à plusieurs concepts d’amour la valeur d’un principe légal, qui peut tout justifier. Le card. Palazzini (Vita sacramentale, II, s.II, Paoline p.184) a reconnu que sur le mariage: “GS a voulu fuir la hiérarchisation des buts”. Mais comment peut-il alors ajouter qu’elle “n’a pas nié, ni rétracté l'enseignement précédent”? Ce qui est certain c’est qu’une telle nouveauté sur le double but du mariage est aujourd’hui diffusée dans l’Eglise conciliaire aussi bien que par son Conseil pour la famille, tandis que dans la société on exige que les unions homosexuelles soient légalisées.

Romano Amerio dit: “Il y a une déclaration, rapportée aussi dans le .439 de mon III Zibaldone, di Pires, d’un évêque américain, à Vérone qui dit: - la prostitution est une mission d’amour chez les pauvres, c’est

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un service de charité; et une sœur, dans certaines circonstances, doit la préférer à sa profession religieuse -.

“Une sœur peut se prostituer pourvu que ce soit par charité, parce qu’il n’y a rien qui prévaut sur l’amour: l’amour est le premier et le dernier”... “Et voilà la primauté absolue de l’amour humain: sans bornes, ni regrets; toute action d’amour est bonne".

En janvier 1994, même le conservateur card. Biffi a dit: «l’auto-érotisme peut être une étape très important dans la vie des adolescents pour la connaissance du propre corps et le rapprochement vers l’autre sexe» - (Sì sì no no, 30.4.95).

Et voilà les conséquences de la prétention d’introduire dans le domaine religieux de la Vérité et de l’amour absolu, les réalités concernant l’amour humain. Celui-ci quand il s’éloigne du modèle divin devient un sentiment enclin à se satisfaire dans le domaine des idoles.

53a) C'est le propre de la personne humaine de n'accéder vraiment et pleinement à l'humanité que par la culture, c'est-à-dire en cultivant les biens et les valeurs de la nature. Toutes les fois qu'il est question de vie humaine, nature et culture sont aussi étroitement liées que possible. b) Au sens large, le mot culture désigne tout ce par quoi l'homme affine et développe les multiples capacités de son esprit et de son corps; s`efforce de soumettre l'univers par la connaissance et le travail; humanise la vie sociale […] grâce au progrès des mœurs et des institutions; traduit, communique et conserve enfin dans ses œuvres, au cours des temps, les grandes expériences spirituelles et les aspirations majeures de l'homme, afin qu'elles servent au progrès d'un grand nombre et même de tout le genre humain. c) Il en résulte que la culture humaine comporte nécessairement un aspect historique et social et que le mot culture prend souvent un sens sociologique et même ethnologique. En ce sens, on parlera de la pluralité des cultures. Car des styles de vie divers et des échelles de valeurs différentes trouvent leur source dans la façon particulière que l'on a de se servir des choses. de travailler, de s'exprimer, de pratiquer sa religion, de se conduire, de légiférer, d’établir des institutions juridiques, d'enrichir les sciences et les arts et de cultiver le beau. Ainsi, à partir des usages hérités, se forme un patrimoine propre à chaque communauté humaine.

Une telle idée sur la culture humanitaire de Vatican II est plus panthéiste que chrétienne. Cultiver des biens et des valeurs naturels doit être une action ordonnée au bien et aux valeurs transcendantes, qui sont liées au bien spirituel humain.

Une culture qui simplement fait la récolte de toute pensée, mélangeant le bon avec le dégradé, nuit à de telles valeurs; ce n’est pas un progrès spirituel, mais une rechute dans le matériel. L’Eglise a toujours enseigné que la nature humaine atteint sa vraie et pleine humanité, le salut éternel, en renonçant au monde. Jésus nous demande: Que sert à l'homme de gagner l’univers entier s’il vient à perdre son âme?" (Mt 16, 26).

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Toute la culture moderne, tellement vantée, n’a pas servi à rendre les hommes meilleurs, plus sages et plus heureux. Au contraire, le monde contemporain vit au milieu d’énormes dangers et d’horribles tragédies, même si ses habitantes peuvent porter dans la poche une bibliothèque entière enfermée dans un petit ordinateur.

GS exalte une culture fondée sur des valeurs naturelles et finalisée au progrès de la vie sociale. Comme Calvin ou William James, en déclassant la culture finalisée à l’élévation des âmes, qui est le sens unique de la dignité personnelle et sociale, comme l’a enseigné Jésus. Et cela indique le renoncement tacite d’une telle hiérarchie à la vrai culture qui a pour base l’enseignement transmis par la vraie autorité catholique.

La culture catholique est celle des Saints, centrée sur le Principe des

valeurs transcendantes; elle ne correspond ni à la simple alphabétisation, ni à une érudition livresque, ni même à la culture biblique, mais à la docilité devant le Verbe, source de Sagesse. Autrement, la sublime vision des Saints, qui ont laissé une empreinte indélébile dans la vie des multitudes et dans l’histoire, serait inculte. Il suffit de considérer l'exemple des saintes comme Catherine de Sienne ou Jeanne d'Arc qui, sans savoir lire ou écrire, ont changé des situations historiques très difficiles. La culture chrétienne n’a pas pour but de «dominer le cosmos-même», ni de «rendre plus humaine la vie sociale», mais la vie de l’esprit: "Je suis venu pour qu’ils aient la vie et l'aient en abondance".

54. Les conditions de vie de l’homme moderne, au point de vue social et culturel, ont été profondément transformées, si bien que l’on peut parler d'un nouvel âge de l'histoire humaine. Dès lors, des voies nouvelles s`ouvrent pour parfaire et étendre la culture. Elles ont été préparées par une poussée considérable des sciences naturelles, humaines et aussi sociales, par le développement des techniques et par l'essor et une meilleure organisation des moyens qui permettent aux hommes de communiquer entre eux. La culture moderne peut donc se caractériser ainsi: les sciences dites ‘exactes’ développent au maximum le sens critique; les recherches les plus récentes de la psychologie expliquent en profondeur l'activité humaine: les disciplines historiques poussent fortement à envisager les choses sous leur aspect changeant et évolutif; coutumes et manières de vivre tendent à s'uniformiser de plus en plus, l`industrialisation, l’urbanisation et les autres causes qui favorisent la vie collective créent de nouvelles formes de culture (culture de masse), d`où résultent des façons nouvelles de sentir, d'agir et d`utiliser les loisirs. [le développement des échanges sociaux... ouvrent à tous] les richesses des diverses cultures.

La psychologie moderne explique-t-elle vraiment en profondeur l'activité humaine? Il faut distinguer, puisque les études psychologiques sont dominées par la psychanalyse et sa théorie libératrice de la

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sexualité, le freudisme, portant à la démolition systématique du sens de péché. Une telle théorie rapportant les problèmes psychiques à la vie animale, aliène la conscience religieuse et avec elle l’esprit de responsabilité, de sacrifice et de liberté spirituelle. Et de cette façon éloigne, plutôt qu’elle n’approche le trèfond des pensées et des questions mentales, exerçant une influence néfaste sur la vie sociale. Et tout cela au nom de la culture et des sciences.

Sigmund Freud voulait la psychanalyse non comme une discipline entre les autres, mais comme une idéologie totalisante; nouvel arbre paradisiaque de la connaissance, qui, déplaçant "la même Eglise catholique"..., puisse enseigner "une meilleure vision du monde". Il disait: "quiconque aurait démontré avoir la clef pour libérer l'humanité des limites dans lesquelles est contenue la sexualité aurait un pouvoir démesuré de domination mondiale; et voilà l’essentiel de toute la psychanalyse" (Jung). Mais n’est-ce pas justement le plan du pouvoir obscur que le gouvernement mondial vise à travers l’introduction dans les consciences d’un nouveau modèle de comportement, plan pour lequel sont engagés les plus influents maîtres, sur le plan religieux même?

Déjà le 13.4.53, Pie XII avertissait les prêtres et psychothérapeutes:"Aujourd’hui il n’est pas rare que devant certains cas pathologiques le prêtre renvoie son pénitent au médecin; au contraire, dans certains cas, cela devrait être plutôt le médecin à renvoyer son patient à Dieu et à ceux qui ont le pouvoir de remettre les fautes au nom de Dieu".

Pendant le travail de préparation de Vatican II, plusieurs requêtes épiscopales sont arrivées à Jean XXIII afin que le freudisme et la psychanalyse fussent condamnés. La direction suivie fut tout autre. Dans l'assemblé conciliaire, on a même écouté Mgr Mendez-Arceo, de Cuernavaca, qui illuminait les Pères sur le bien que la psychanalyse freudienne représentait pour le monde, exprimant le "regret du retard avec lequel l’Eglise assimile la pensée des grands génies de l'humanité" (DC, p. 855).

Dans les documents de Vatican II il y a dix recommandations en faveur du recours à la psychologie moderne. Dans les instructions pour guider la formation sacerdotale (2d) on dit avec optimisme: “l'action pastorale pour les vocations sans négliger aucune indication utile offerte par la science psychologique et sociologique moderne” (11);

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“L’éducation chrétienne intégrée à l’éducation humaine... perfectionné par les récentes données de la saine psychologie et pédagogie”: ce qui est évident au regard du mot saine, mais un peu moins au regard d’éducation intégrée. Aussi dans la déclaration sur l’éducation (8c), il est recommandé qu’elle soit “actualisée avec les découvertes du progrès contemporain”. Mais le vrai problème d’une éducation chrétienne n’est-il pas celui d’éviter l’affaiblissement de la foi avec l’excuse de renforcer la pensée? Et en effet, après toutes ces actualisations éducatives marquées par un optimisme aussi désinvolte face à la psychologie moderne, beaucoup de clercs sont passés à la psychanalyse. Et aujourd’hui même le Zen est pratiqué par certains jésuites et, au synode du 1983, on trouvait que le concept de pénitence et de faute était réduit au sens d’une simple, humaine, réconciliation.

La fausse science psychologique a été engendrée par l’idée que le moteur de l’activité psychique, et donc l’impulsion déterminante de la conscience humaine, ne serait pas dirigé vers le Haut, le Bien et le Vrai, mais en sens contraire: de la chair et de la matière pour jouir, posséder et dominer. Freud a déduit que l’impulsion centrale était sexuelle, ce qu’il appelait la libido, tandis que pour Adler c’était la "volonté de pouvoir", l’affirmation de l’individu dans la collectivité. Ils échangeaient la raison de la vie physique et mentale avec les phénomènes dérivés de son mécanisme vital. Les termes de conscience et de psyché sont ici, traitant de la question religieuse, un peu identifiés avec leur commun mais mystérieux principe: l’âme humaine. Jung admettait le mystère; Freud voulait le vivisectionner avec sa science, en vérité un outil de pouvoir pour secouer l’idée religieuse.

Vatican II a dévoilé son esprit devant beaucoup de gens parce qu’il n’a pas condamné le communisme. Or, il n’a pas non plus condamné le freudisme qui s’occupait directement des consciences!

La révolution freudienne sera récapitulée très brièvement par des observations essentielles de Don Ennio Innocenti (‘Fragilità di Freud’, Ed. Pan, Milan, 1975; ‘Critica alla Psicoanalisi’, Sacra Fraternitas Aurigarum in Urbe, 1991).

“Freud a déclaré à plusieurs reprises que son objectif était bien different de celui propre au médecin et au scientifique. Le but qu’il souhaitait était justement la philosophie, et sa fille Anne, il n’y a pas beaucoup d’années, a confirmé énergiquement et sans équivoque cette

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prétention fondamentale de la psychanalyse freudienne. Qui lit Freud s’aperçoit facilement que: 1) certaines de ses idées de base sont d’origine philosophique; 2) il développe sa doctrine dans la direction d'une vision omni-compréhensive du réel et de l’histoire; 3) il poursuit un tel développement de type philosophique avec un intérêt absolument prédominant, de sorte que Maritain dit que Freud comme philosophe était un obsédé”.

“Il démontre une grande affinité avec Rousseau justement à propos de la dévaluation des procès mentaux supérieurs, raison pour laquelle on peut individualiser dans le freudisme un vrai renversement du procès philosophique; une vraie anti-philosophie. En effet, Freud voyait à l’arrière de la philosophie une psychopathologie. Pour lui les philosophes sont généralement loin de la réalité; «ils croient contribuer au développement de la pensée, mais souvent il se cache derrière un problème psychologique, sinon psychopatologique».”

Une lutte de deux mondes opposés. Et voilà la perspective de Freud qui, “pour ce qu’en dit Görres, était convaincu d’enseigner «une nouvelle et meilleure vision du monde». Ceci, comme Jung s’en aperçut bientôt, depuis ses premiers contacts avec Freud, a nourri la prétention de représenter «l'arbre paradisiaque de la connaissance», mais, Gramsci a vu avec acuité que la tendance à généraliser, typique du freudisme, se base essentiellement sur le sensisme de dérivation illuministe. Sans aucun doute Freud voulait la psychanalyse comme une idéologie totalisante, et non pas comme une discipline entre les autres; toutefois, jusqu’à la fin, il a répété sa conviction que les maux du monde auraient trouvé remède seulement dans la «connaissance scientifique»”. Mais pour Freud «la rationalité est terriblement sérieuse et déprimante; un peu de superstition, au contraire, est fascinant». C’était sa façon de réduire la pensée religieuse à partir du point de vue du gnosticisme immanentiste - âme secrète de toute culture révolutionnaire moderne, mais qui n’excluait pas une attraction pour la Kabbale et son symbolisme hermétique” (op. cit. p. 114).

La cible du freudisme est la Religion chrétienne. C’est Freud qui dit: «Je me considère un des plus dangereux ennemis de la religion, mais il semble qu’ils ne le soupçonnent même pas». Le champ où le freudisme mettait ses mines était celui de la formation des consciences, de la pensée chrétienne et spécifiquement thomiste.

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“Selon St Thomas la vie psychique exprime le lien matière-forme, elle a donc une base organique et son dynamisme est naturellement tourné vers la connaissance-conscience. Pour Freud la vie psychique exprime l’énrgie matérielle et son dynamisme est entièrement adressé à l’intérêt de la libido. Selon St Thomas l'inconscient est dominé par un élément essentiel et spécifique, le principe de l’intelligibilité, c’est-à-dire le Logos. Pour Freud la conscience est dominée par l'inconscience, c’est-à-dire la libido, réalité essentielle, bestiale, sexuelle et alogique” (ib.). La science freudienne pour s’implanter devait, non moins que le gnosticisme théosophique, abattre la rationalité humaine.

La libération psychanalytique suit un double dynamisme: la suppression du sens de faute et l’ouverture au sens de la libido; dynamisme à appliquer dans le champ de l’éducation comme une libération créative. L’idée élémentaire de laquelle il part est que le reproche suscite la rigidité mentale et l’intolérance, tandis que l’estime suscite la confiance en soi-même et l’ouverture aux autres. Il y a du vrai, mais, tout en excluant les reproches et les sentiments d’auto-estime erronés, la faute comme le reproche, le bienfait comme l’éloge ne dépendent pas des sentiments mais des réalités objectives qui, bien évaluées, font que le juste reproche justement peut guider vers le bien et à l’épanouissement personnel. L’estime gratuite est, au contraire, cause d’involution. Mais dans le champ pédagogique le plus agréable est devenu dominant, et on est passé à l’exaltation de la jeunesse, pour la jeunesse, et à fournir aux jeunes un enseignement qui ignore tout du contrôle du caractère humain incliné au mal, pour appliquer en plein une libération qui devrait aboutir au développement des potentialités propres. Lesquelles? Celles de la propre liberté.

“En vérité, but et effet de la psychanalyse désignent comme premier ennemi, comme objectif à détruire, le sens de faute devant l’infraction à la loi morale, et donc la Loi elle-même, le but est celui d’inverser la distinction entre le bien et le mal, appelant le premier - et avec lui toute l’éducation chrétienne - répression, et le deuxième libération, et d’exclure de telle façon la domination de la raison sur les instincts, indiquant dans la première et dans ses impératifs la cause de toute névrose et malheur. On proscrit, en somme, l’intervention des freins inhibiteurs au nom d’une folle et destructive bestialité” (‘Educazione sessuale’, C. A. Agnoli, Ed. Civiltà, 1992, Brescia).

Or, la Religion qui rappelle le Péché originel, et la Loi qui subordonne

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le sexe à son ordre, étant en même temps naturel et social, lié à la transcendance de la vie humaine, représente pour la pensée révolutionnaire justement la barrière à abattre. Et voilà l’instigation à l’aversion de toute idée de faute activée dans le monde comme un éclair. La Religion qui place la lumière de la Loi révélée dans les consciences pour ordonner le comportement humain, s’est trouvée devant un ultimatum de la nouvelle science, qui blâmait son éducation comme étant un nœud mental, le concept de faute originelle comme borne pour le développent de la personnalité humaine, le rappel de l’enfer comme un chantage pour dominer les âmes. De telles notions, qui déjà avançaient partout dans le champ pédagogique, avaient besoin d’un public mea culpa catholique. Naturellement il s’agit d’une idée qui représente l’exact contraire de l’enseignement biblique; il s’agirait d’un mea culpa non devant Dieu mais devant la rébellion à Dieu, la Révolution, l’esprit du non serviam. Et voilà le grand défi qui se présentait à l’Eglise de notre temps, comme le communisme et d’autres perversités sociales, du reste, toutes également associées à la démolition de la Chrétienté.

La question était donc de savoir si l’autorité catholique, qui justement existe pour guider la résistance aux tentations de l’esprit rebelle, saurait résister et conserver sa mission divine. Mais le résultat est devant nos yeux: on a érigé une nouvelle religion, moderniste, conciliaire qui, visant à une union mondiale, était prête à baptiser les nouveaux systèmes pédagogiques et politiques fondés sur un nouveau concept de libération, d’autonomie et de responsabilité humaine qui engloberait toutes les vérités scientifiques, sociales et leurs contraires. Mais attention, ce qui nous intéresse ici c’est de dévoiler que de telles autorités avaient déjà en tête une nouvelle pédagogie religieuse qui, comme pour la justification allait au delà de Luther, comme l’auto-estime humaine allait au delà de Freud, la théologie d’une rédemption universelle est basée sur l’absolue dignité humaine.

55. A quelque groupe ou nation qu'ils appartiennent, le nombre des hommes et des femmes qui prennent conscience d'être les artisans et les promoteurs de la culture de leur communauté croît sans cesse. Dans le monde entier progresse de plus en plus le sens de l'autonomie comme de la responsabilité: ce qui, sans aucun doute, est de la plus haute importance pour la maturité spirituelle et morale du genre humain. On s’en aperçoit mieux encore si on ne perd pas de vue l`unification de l`univers et la mission qui nous est impartie de construire un monde meilleur dans la vérité et la justice. Nous sommes donc les témoins de la naissance d’un nouvel humanisme: l’homme s'y définit avant tout par la responsabilité qu'il assume envers

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ses frères et devant l’histoire. 56. Difficultés et devoirs: a) [...] l'homme se sentant responsable du progrès culturel est animé d’un plus grand espoir, mais envisage aussi avec quelque anxiété les nombreuses antinomies qu'il lui faut résoudre.[…] e) Comment reconnaître comme légitime l'autonomie que la culture réclame pour elle-même, sans pour autant en venir à un humanisme purement terrestre et même hostile à la religion?

La conscientisation devant l’histoire comme étant un système pour la corriger semble l'idée magique de ce texte. Et dire qu’alors l’humanité était déjà exposée à une culture de masse qui se démontre comme étant un lavage de cerveau à l’échelle universelle; de la façon de se vêtir, de consommer, d’ignorer le futur, de concevoir la démocratie, l'assistentialisme d’état; bref, une massification sans précédent. Le monde s’exposait alors au risque d’une destruction nucléaire. Il semble que seuls les auteurs de ce texte ne voulaient pas voir la réalité en disant que la ‘conscientisation’ des gens d'être les artisans et les promoteurs de la culture de leur communauté... croît sans cesse. On part d’une description faussée, au moins par un optimisme utopique, sinon par l’intention d’introduire une "nouvelle conscience de l’Eglise", qui devient le poteau à rejoindre.

Les cibles de la prise de conscience tant vantée du nouvel humanisme étaient inévitablement la Religion et la Chrétienté. Toutefois ici on exalte ce progrès qui est en définitive celui d’une divinisation de l'homme mis au centre de tout; la religion de l'homme qui se fait Dieu qui a été révérée par Paul VI. La ‘conscientisation’ révolutionnaire a un but ‘religieux’ pivot: abattre l’oppression de la Loi divine sur l’homme dans le centre-même de la conscience. Pour une telle démolition fondamentale toutes les idéologies du monde s’associent: du libéralisme au communisme; du gnosticisme au théosofisme. Chaque homme devrait selon elles chercher la libération de sa dignité opprimée. Telle prise de conscience qui n’est pas étrangère à l’impulsion rebelle primordiale du "vous serez comme des dieux", est l’adaptation perpétrée par des intellectuels, experts en humanité, contre la nature théocentrique de l’homme. Et voilà alors une nouvelle mission pour une nouvelle Eglise ouverte au monde. La vraie "trahison des clercs" c’est l’anthropocentrisme utopiste qui va se révéler non seulement opposé au théocentrisme, mais à l’équilibre mental de l’homme, comme on l’a vu suivant le Prof. Marcel De Corte. Drogué par l’illusion de son autonomie, l'homme moderne tombe en proie d’un Léviathan voilé mais monstrueux. comme en avertissait Pie XII. C’est donc au moins étonnant

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que GS (56e) loue et cultive les illusions d’un tel humanisme en même temps qu’il décrit les dangers qu’il représente. Serait-ce une des nombreuses antinomies qu'il faut résoudre?

57a) Foi et culture - Les chrétiens, en marche vers la cité céleste, doivent rechercher et goûter les choses d’en-haut, mais ce pourtant, loin de diminuer, accroît plutôt la gravité de l’obligation qui est la leur de collaborer avec tous les hommes à la construction d’un monde plus humain. c) En s’appliquant aux diverses disciplines..., et en cultivant les arts, l’homme peut grandement contribuer à ouvrir la famille humaine aux plus nobles valeurs du vrai, du bien et du beau, et à une vue de choses ayant valeur universelle; il reçoit ainsi des clartés nouvelles de cette admirable Sagesse qui depuis toujours était auprès de Dieu, disposant de toutes choses avec Lui, se passant sur le globe de la terre et trouvant ses délices parmi les enfants des hommes (Prov. 8, 30) 58a) Entre les messages de salut et de culture, il y a de multiples liens. Car Dieu, en se révélant à son peuple jusqu’à sa pleine manifestation dans son Fils incarné, a parlé selon les types de culture propres à chaque époque. b) De la même façon l’Eglise, qui a connu au cours des temps des conditions d’existence variées, a utilisé les ressources des diverses cultures pour répandre et exposer par sa prédication le message du Christ à toutes les nations, pour mieux le découvrir et mieux l’approfondir, pour l’exprimer plus parfaitement dans la célébration liturgique comme dans la vie multiforme de la communauté des fidèles.

La collaboration chrétienne pour le bien commun s’opère justement avec l’application et la diffusion de la Parole de Jésus-Christ, qui est le plus grand bien des sociétés. En dehors d’elle, quelle pourrait être la valeur la plus importante pour la vie personnelle et sociale humaine? Les antinomies ne sont pas le résultat des difficultés communes, mais de l’opposition radicale entre l’amour de Dieu et du monde: justement le centre du problème humain. Qu’est-ce que le Chrétien a de mieux à offrir et à proposer à la société que le Christianisme-même? Des idées propres? Ou peut-être des valeurs étrangères à ses principes de base? Le Christianisme n’offre pas de valeurs éparses, mais une hiérarchie de valeurs qui englobe toutes les activités de la vie terrestre, ordonnées à la fin ultime de l'homme: le salut éternel. Le fait de susciter dans la société une mentalité en opposition avec ces valeurs est une opération anti-chrétienne, raison par laquelle les Papes ont enseigné que les Catholiques ne doivent pas collaborer à ce qui contrarie la doctrine de l’Eglise au sujet du bien commun.

Il y a, c’est vrai, des activités et des situations sociales auxquelles la collaboration générale est non seulement possible, mais nécessaire. Mais ici on veut établir une règle commune de vie sociale et culturelle selon la mentalité déchristianisée dominante, qui est justement le danger dénoncé par Pie XII (EPC, p. 23): "Voilà la tentative d’édifier la structure du

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monde sur des fondements que Nous n’hésitons pas à désigner comme principaux responsables de la menace qui pèse sur l’humanité: une économie, un droit, une politique sans Dieu... que le Christ soit un étranger dans les universités, dans les écoles, dans les familles, dans l'administration de la justice, dans l'activité législative, dans le concert des nations, là où se détermine la paix ou la guerre"...

L'exemple du non expedit de Pie IX, qui avait un fondement doctrinal, est donc valable pour tous les temps. Le jugement sur la façon de l’appliquer dépend certainement du Chef de la Chrétienté, mais les raisons doctrinales subsistent toujours parce qu’elles appartienent à l'ordre des buts de la société humaine. Ici est claire l’intention de baptiser tout ce qu’on prétend être valeur sociale et scientifique et trésors formateurs de la mentalité moderne. Mais exaltant son utopisme, du marxisme à l'existentialisme, l’on ignore la réalité et l’enseignement de l’Eglise. Voilà les racines du gouvernement mondial, de la fraternité universelle, de la cohabitation de toutes les cultures, pendant que le bon sens demande non pas la fusion de plusieurs erreurs, non pas l’union dans la confusion, marque de tous les babels, mais le refus sans compromis des systèmes politiques anti-chrétiens. Déjà Pie XI enseignait, DR: 58: "Le communisme est intrinsèquement pervers et ceux qui veulent sauver la civilisation chrétienne ne peuvent en aucun cas collaborer avec lui.”

Foi et culture pour GS sont deux valeurs à combiner. La vie de la cité céleste ne serait sillonnée ni par la Foi, ni vers le vrai but de la vie personnelle et sociale, mais par l’«obligation de collaborer avec tous les hommes à la construction d’un monde plus humain»: la cité du monde. Or, entre ceux que le texte appelle chrétiens, et les fauteurs de l’humanisme socialiste, il y a une vision différente d’un tel monde plus humain, tant il est vrai qu’ils sont divisés aussi sur le sens de tels humanismes. L’avortement, qui pour les uns est la libération de la femme, pour d’autres un assassinat; ce qui pour les uns est la réalisation des potentialités de l’amour humain, représente pour les autres une exécrable sodomie ou criminelle pédophilie.

Le Principe et Fondement des Exercices Spirituels de St. Ignace de Loyola est en antinomie avec GS: "L'homme est créé pour louer, respecter et servir Dieu notre Seigneur, et par là sauver son âme. Les autres choses sur la face de la terre sont créées pour l'homme, pour l’aider à poursuivre la fin pour laquelle il été créé. Il s’ensuit que

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l'homme doit en user dans la mesure où elles lui sont une aide pour sa fin, et s’en dégager dans la mesure où elles lui sont un obstacle".

La culture en tant qu’ordonnée au but de l'homme est un bien authentique. Quand elle s’en éloigne, comme cela peut arriver avec l’art, la philosophie, la science et tout le reste, ce n’est pas une vraie culture. Un art païen et idolâtre, une philosophie anti-chrétienne, une investigation scientifique rationaliste et des idées sociales matérialistes sont poison pour les consciences, ennemies de l'âme et par conséquent de l’élévation de la vie humaine.

Quelle contradiction de voir des valeurs positives dans des faits déplorables, contraires aux principes immuables! La recherche de ces principes, ou lois, est la raison de l’étude de la philosophie et de la science. Les différentes disciplines doivent se développer selon les principes universels; elles ne suffisent pas à elles-mêmes. La rédaction sibylline de 58a) a deux sens: l’un est évident, par lequel la Révélation a utilisé la langue, c’est-à-dire les moyens de culture disponibles selon le temps et le lieux; l'autre est qu’un tel bagage culturel, les mythes et préjugés de ces peuples, a conditionné le message, qui doit donc être étudié et approfondi, pour être éventuellement révisé à la lumière de la connaissance progressiste d’aujourd’hui!

Le Message évangélique, par sa nature-même, ne peut jamais être complété par aucune culture. Une telle idée semble insinuée dans le texte de GS: les diverses cultures aident à répandre et exposer... le message du Christ, à mieux Le découvrir et mieux L’approfondir, pour l’exprimer plus parfaitement dans la célébration liturgique comme dans la vie multiforme de la communauté des fidèles. Mais si c’est la culture qui aide la liturgie, qui est l’expression de la foi, à s’exprimer, on n’inverse pas l'ordre des choses plaçant le moyen, la culture, au dessus du but, la connaissance, dont la Révélation est la suprême expression. C’est elle que enrichit les cultures, non le contraire. La vérité enseignée par Dieu ne saurait être considérée comme susceptible de meilleures expositions par des expédients humains sans être aussi considérée comme imparfaite et inculte. Mais le texte ne se contente pas seulement de son exaltation de la culture mais fait allusion au fait que le Seigneur, dans Sa sagesse, trouvait Ses délices parmi les enfants des hommes. Puisque on ne parle pas de foi mais de culture il faut en déduire que ce serait pour des raisons culturelles. Sur GS 62b et la culture moderne, voir Atila (In the murky waters… Vol. I, p. 212. Mais après avoir mélangé foi et culture, religion et science entre

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la cité céleste et la cité terrestre, cette Constitution pastorale de Vatican II a voulu spécifier quel serait le rôle de Eglise conciliaire (Ec).

76. L'Eglise qui, en raison de sa charge et de sa compétence, ne se confond d'aucune manière avec la communauté politique et n'est liée à aucun système politique, est à la fois le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine.

La sollicitude fondamentale de l’Eglise de Vatican II sera déclarée par Jean-Paul II dans Redemptor hominis (13b): ”afin que la vie en ce monde soit [et citant GS]: ‘plus conforme à l’éminente dignité de l’homme’ (91) à tous points de vue, pour la rendre ‘toujours plus humaine’ (GS, 38). Cette sollicitude est celle du Christ lui-même, le bon Pasteur de tous les hommes”.

“Malgré l’intérêt qu'elle porte à une organisation toujours plus humaine de la «vie en ce monde», l’Ec ne veut pas être confondue avec les communautés et systèmes politiques qui ont aussi pour mission l’organisation de l’existence temporelle. Ce risque n'est pas chimérique, vu sa sollicitude fondamentale pour les affaires temporelles” (cf. Théo, p. 171).

Mais le vrai risque c’est de devoir expliquer une évidente mutation cléricale. En effet dans Rh la sollicitude du bon Pasteur est tout à fait humanitariste. Et un tel signe dévoile l’intention d’inverser la vision transcendante catholique, théandrique, de Dieu vers l’homme, en un signe pastoral, réduit à un humanisme.

“L’homme est décidément la mesure de toutes choses dans cette œuvre de formation d’un monde plus humain. Il s’agit d’un anthropocentrisme purement terrestre! Et cette sollicitude de l’Eglise pour le bien de l’homme en ce monde serait la sollicitude du Christ, celle du bon Pasteur de tous les hommes (Rh, 13b) ! Il est évident que la route principale de l’Eglise qui conduisant du Christ à l’homme est une perversion du théocentrisme de l’Evangile en un anthropocentrisme essentiellement étranger au christianisme” (ib. p. 170). Ensuite, dans GS 78, on trouve la confirmation que de telles raisons religieuses et culturelles dérivent de l’utopie humanitariste (v. modernisme): de l’union mondiale pour la paix:

78. La paix terrestre qui naît de l'amour du prochain est elle-même image et effet de la paix du Christ qui vient de Dieu le Père. Car le Fils incarné en personne, prince de la paix, a réconcilié tous les hommes avec Dieu par sa croix, rétablissant l'unité de tous en un seul peuple et en un seul corps. Il a tué la haine dans sa propre chair et, après le triomphe de sa résurrection, il a répandu l'Esprit de charité dans le coeur des hommes. C'est pourquoi, accomplissant la vérité dans la charité, tous les chrétiens sont appelés avec insistance à se joindre aux hommes véritablement pacifiques pour implorer et instaurer la paix.

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Peut-on affirmer simplement que la paix terrestre naît de l'amour du prochain? Quel prochain? Les compatriotes, les étrangers, ou toute l’humanité? Dans la réalité du monde imparfait il y a des disputes continuelles entre des ‘prochains’. La phrase que la paix naît de cet amour est aussi abstraite que dire que l’amour du prochain naît de la paix, ou qu’en vue de leur utilité publique il faut les rendre obligatoires. Le Seigneur a bien distingué: “Je vous donne ma paix! Je ne vous la donne pas comme le monde la donne” (Jn 14, 27).

Pourtant l’idée utopique de l’amour général est déjà passée ici à la conclusion de l’union mondiale. Mais que signifie l'unité de tous en un seul peuple et en un seul corps? “Signifie-t-elle l'unité de l'Eglise et de l'humanité? Les hommes véritablement pacifiques ne se sont-ils pas rassemblés à Assise pour implorer et instaurer la paix? Il ne fait aucun doute que ces «ébauches susceptibles d'évolution» des documents conciliaires, sans aucun fondement dans l’Ecriture et la Tradition, ont été déterminantes pour l'évolution postconciliaire. En revanche l'affirmation que les documents du Concile - dans leur ensemble et interprétés à la lumière de l’Ecriture et de la Tradition - se trouvent en continuité ininterrompue avec la Tradition de l'Eglise et devraient servir de ligne directrice pour le renouvellement postconciliaire, apparaît étrangère à la réalité. Le fait que de telles «ébauches susceptibles d'évolution» se soient trouvées dans les documents conciliaires et y aient été introduites à dessein a été décisif pour l'évolution postconciliaire. La réalité est que les documents conciliaires présentent eux-mêmes un mélange de foi traditionnelle et de nouvelles «ébauches susceptibles d'évolution» indiquant l'avenir au sens de la théologie moderne. Ce n'est que sur la base de cette considération que l'évolution postconciliaire de l'Eglise est compréhensible” (Etr. p. 40).

Les textes conciliaires cachent le programme moderniste sous “un mélange de foi traditionnelle et de théologie moderne. Même celui qui est persuadé de l'intégrité et de la continuité dogmatiques des documents conciliaires, doit constater que se trouvent dans ces textes volumineux des phrases et des formulations qui sont «susceptibles d'interprétation et de développement» dans le sens du dialogue interreligieux effectivement conduit après Vatican II. Elles ont été utilisées en conséquence, jusqu'à dresser finalement à la face du monde entier leurs intentions cachées dans un événement comme celui d'Assise” (Etr. p. 39).

La cérémonie des grandes religions à Assise, en effet, a été mise en

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acte pour implorer des cieux la paix, comme si Dieu n’avait jamais révélé la voie de salut et de paix aux hommes. Dans GS se trouve le germe de cette incroyable prière aliénée à la Foi. Il ne peut donc surprendre qu’elle soit porteuse d’autres nouveautés contradictoires, comme l’idée d’un désarmement pour ‘éviter la guerre’ étrangère à la réalité et un ’aggiornamento’ sur la procréation:

79c) Il semble équitable que des lois pourvoient avec humanité au cas de ceux qui, pour des motifs de conscience, refusent l'emploi des armes, pourvu qu’ils acceptent cependant de servir sous une autre forme la communauté humaine. 87a) La coopération internationale et la croissance démographique... La coopération devient tout à fait indispensable lorsqu’il s’agit des peuples qui, assez souvent aujourd’hui, en plus de tant d’autres difficultés, souffrent particulièrement de celles qui proviennent de la croissance rapide de la population. Il est urgent d’étudier comment, grâce à la collaboration entière et assidue de tous, surtout des nations riches, on peut préparer ce qui est nécessaire à la subsistance et à l’instruction convenable des hommes, et en faire bénéficier l’ensemble de la communauté humaine. c) Il faut que les populations soient judicieusement informées des progrès scientifiques réalisés dans la recherche de méthodes qui peuvent aider les époux en matière de régulation des naissances, lorsque la valeur de ces méthodes est bien établie et leur accord avec la morale chose certaine.

Ce sont des textes qui font la révision des questions très délicates alléguant comme références magistérielles deux passages génériques de Pie XII, mais en vérité appuyés seulement sur trois passages de la Ptr de Jean XXIII et sur le discours de Paul VI à l'ONU (4.X.65).

Or, sur la susdite objection de conscience, Pie XII (Rms.10.11.56, non cité par GS) dit: "Si une représentation populaire ou un gouvernement... en extrême besoin, avec de légitimes moyens de politique externe et interne, établit des mesures de défense et exécute les dispositions selon son jugement nécessaires, il agit de façon non immorale, de sorte qu’un citoyen catholique ne peut pas en appeler à sa propre conscience pour refuser de prêter les services et remplir ses devoirs fixés par la loi".

Si GS ne justifie pas ouvertement l’objection de conscience au service militaire, c’est-à-dire au principe du devoir général de défendre sa patrie, les chefs conciliaires le feront. Bien entendu, le problème regarde le respect d’un principe social, non ses possibles exceptions. En effet, quand la défense d’un bien commun implique le risque de mort, tous sont également appelés à l’affronter. Le contraire porte au désordre et à l’inégalité, où c’est une question de justice. Le fait de cerner de façon démagogique un tel principe peut créer un déséquilibre social dans les domaines militaire, économique et du travail, qui tôt ou tard va démontrer ses effets négatifs dans les consciences et sur la morale

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sociale. La défense générale déléguée à une classe ou à des mercenaires est dans un certain sens démobilisée, ou même inversée. C’est à l’histoire de l’enseigner.

Mais Jean-Paul II, en visite à la paroisse romaine de Saint Hippolyte le 12 février 1984, a exprimé aux jeunes sa vive préoccupation à cause de la multiplication des guerres et des armes et aussi à cause de la distance toujours plus accentuée entre riches et pauvres, ajoute: "L’Eglise est aujourd’hui très préoccupée pour le futur de l'humanité, pour sa survivance, à cause de plusieurs raisons. Elle est menacée par la guerre et spécialement par la spirale des armements nucléaires. Quant au problème de l'objection de conscience je pense que les Etats qui sont capables d’accepter une autre forme de service public pour les jeunes qui ne soit pas le service militaire, démontrent une maturité certaine". (Il Giornale, 13.2.84)

Sont proposées indirectement deux idées: - que le temps est mur pour un désarmement unilatéral; - que la réduction du service militaire peut réduire le risque de guerre. C’est comme si on pouvait s’attendre à une baisse de la délinquance par la réduction des agents, ou des maladies par celle des services sanitaires. Il est de toute façon licite de se demander si un tel conseil - émis justement dans un de ces pays de l'Occident chrétien où l’on écoute encore de telles opinions cléricales - pouvait être donné dans la Pologne menacée par Hitler? Est-ce que les menaces de guerre sont une chimère? Or, quand on écrivait GS on craignait encore de voir se déchaîner l’expansion armé du communisme dans le monde et ce conseil date du temps que le mur de Berlin causait beaucoup de victimes. Mais ces nouveautés semblent plus liées aux applaudissements qu’à la logique ou à la réalité.

Humanae vitae - Par rapport à l’étude et à la recherche de méthodes de régulation des naissances, (ensuite dénommées éducation sexuelle, planification familiale, paternité responsable etc.), il faut dire que la réserve faite sur la morale certaine de telles méthodes, n’a plus représenté depuis lors un obstacle au renversement radical du comportement moral par rapport au sexe et au concept catholique du mariage, par laquelle l’Eglise réprouve tout comportement qui se base sur la valeur propre de la sexualité, ou de sa relation avec les seules valeurs de la personne, et toutes les théories qui ne respectent pas la subordination des autres buts du mariage au but principal.

“Pour traiter le problème du contrôle des naissances et de la pilule,

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Jean XXIII a créé une commission en 1963. Paul VI en accroissait les compétences, mais ôtait à Vatican II toute discussion sur le contrôle de la natalité... exigeant pour lui seul l’étude de la question. Or, admettre qu’une question doit être reconsidérée correspond à admettre qu’elle peut être changée, [...] mais dans la commission les ‘curiales’ résistaient, même s’ils étaient peu nombreux. Le card. Heenan, qui en était membre, préparait déjà ses collaborateurs aux dramatiques changements en matière de contrôle des naissances [les divers prélats américains et canadiens en faisaient autant]. Dans l’entre temps le card. Ottaviani mobilisait à Rome une campagne contre les décisions de la commission... jusqu’à en appeler à la conscience de Paul VI - afin qu’il ne change rien à la loi de Jésus-Christ -" (The Making of the Popes, A. M. Greeley, Futura publish., Londres, 1979, p. 45).

En effet, "Paul VI était favorable à la pilule et a changé d’avis en matière de contraception en disant: "il ne s’agit pas d’une question dogmatique, mais elle est pratiquement irréformable" (card. Alfons Stickler, The Latin Mass, Summer 95). Après tant d’incertitudes, et d’une massive contribution du card. Wojtyla sur 60% de ses concepts (cf. ‘João Paulo II’, Tad Szulc, Ed. Notícias, Lisbonne, 1995, p. 258), fut finalement, le 25.7.68, publiée l'hamlétique encyclique Humanae vitae:

Dans tous les temps l'accomplissement de ce devoir a posé à la conscience des époux des problèmes sérieux, mais avec la récente évolution de la société, se sont produites des telles mutations au point de faire surgir de nouvelles questions, que l’Eglise ne peut ignorer […]. 2. I) Les changements intervenus sont en effet notables et de genre varié. Il s’agit avant tout du rapide développement démographique. Plusieurs ont manifesté la crainte que la population mondiale ne s’accroisse plus rapidement que les ressources à disposition, avec une croissante angoisse de tant de familles et de peuples en voie de développement, de sorte que la tentation des autorités est grande d’opposer à ce danger des mesures radicales [...] A la fin et surtout, l'homme a réalisé des progrès surprenants dans le domaine et dans l'organisation rationnelle des forces de la nature, de telle façon qu’il est enclin à étendre cette domination à son propre être global: au corps, à la vie psychique et sociale et jusqu’aux lois qui règlent la transmission de la vie.

Malgré une telle apologie du progrès le document finit par confirmer en grandes lignes l'enseignement catholique, qui pour Paul VI semble être une tâche "difficile ou même impossible" (20). Il parle de la "paternité responsable" et d’une ambiguë "honnête régulation de la natalité" (19), et conclut que "la vraie solution peut être rejointe seulement dans le développement et le progrès social" (23). Le malheur

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a été le fait que sans attendre de telles raisons, maladroitement éclairées, des multitudes aient déjà adhéré à l’emploi de la pilule, en donnant la préséance à leur propres jugements sur tout ce que l’Eglise avait auparavant enseigné .

"Les valeurs de la personne et la nécessité de les respecter est un thème qui depuis vingt ans occupe toujours plus les écrivains. Selon plusieurs de leurs élucubrations l'acte spécifiquement sexuel a sa place assigné au service des époux... Or, si cette appréciation relative ne faisait que mettre l'accent sur la valeur de la personne des époux plutôt que sur celle de la progéniture, on pourrait à la rigueur laisser tel problème de côté: mais ici il s’agit au contraire d’une grave inversion de l'ordre des valeurs et des fins placées par le Créateur-même. On se trouve devant la propagation d’un complexe d'idées et d’affections, directement opposées à la clarté, à la profondeur et au sérieux de la pensée chrétienne" (Pie XII, Discours alle Ostetriche)

“Il est évident que la sollicitude pastorale du Christ qui se soucie de la vie éternelle des hommes n'est pas celle du bon Pasteur de Rh axée sur une organisation toujours plus humaine de la «vie en ce monde» selon la mesure de l’homme. Il est tout aussi évident que la sollicitude fondamentale de l'Eglise, soucieuse tout comme le bon Pasteur de l’Evangile de la vie éternelle de l’homme et du surnaturel, n'est pas la sollicitude fondamentale de l'Ec de Rh qui se soucie de «la vie en ce monde», et donc de ce qui est temporel. (Théo, p. 170).

“On notera que Rh n'arrive à déduire de la sollicitude du bon Pasteur que la prérogative humaniste d'être «à la fois le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine». Au nom de cette sollicitude on pourrait parler de manière plus élevée et vraiment chrétienne. (Théo, p. 171).

Il est évident aussi que le Bon Pasteur de l’Evangile qui connaît et conduit les siens et qui, par le sacrifice de sa vie, donne à ceux qui croient en lui une participation à son étroite union avec le Père (cf. Jn 10,1-21), n'est pas le «bon Pasteur de tous les hommes», sans distinction comme le prétend l’encyclique (Rh). La raison en est que pour appartenir à son troupeau il faut y adhérer. Il est donc nécessaire de répéter la question cruciale: l’idée que la «route principale de l’Eglise» «conduit du Christ à l’homme» est l’inversion de la Religion théandrique de l’Evangile en un anthropocentrisme temporel en opposition au christianisme. Ce qu’on a appelé précédemment un

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androthéisme.

Le procès de la laïcisation générale avalée par GS - Alain Savary, ancien ministre français de l’Education: «(Le concile Vatican Il) avait notamment abordé les problèmes d'éducation. Pour la première fois l'Eglise a placé le principe de la liberté en matière religieuse au-dessus de l'obligation de connaître et de répandre la vraie religion. Cela vaut pour les jeunes comme pour les adultes.

En proclamant la "juste autonomie des réalités terrestres", (Gaudium et spes), on peut estimer que le concile a justifié le principe de la laïcité, c'est-à-dire de la distinction de deux ordres du savoir: celui de la foi et celui de la raison Le domaine de la culture et des sciences est régi par ses lois propres qui sont indépendantes de la foi et de la théologie. Les conséquences pour l’enseignement sont évidentes: formation de l'intelligence et recherche de la "vérité" des sciences et des disciplines profanes n 'ont ni lumière à demander, ni compte à rendre au magistère ecclésiastique» (En toute liberté, p. 71, Hachette, 1985, cit. AFS, n. 80).

L’interprétations de GS faite par J. Ratzinger (‘Les principes de la théologie catholique’): “Si on cherche un diagnostic global du texte, on pourrait dire qu’il est [avec les autres sur la liberté religieuse et sur les religions du monde] la révision du Syllabus de Pie IX, une sorte de contre-Syllabus. On sait que Harnack a interprété le Syllabus de Pie IX simplement comme un défi à son siècle; ce qu’il y a de vrai c’est qu’il a tracé une ligne de séparation entre les forces déterminantes du XIXème siècle: les conceptions scientifiques et politiques du libéralisme. Dans la controverse moderniste, telle une double frontière a été encore une fois renforcée et fortifiée (...). Contentons-nous de constater que le texte de GS joue un rôle de contre-Syllabus dans la mesure où il représente une tentative de réconciliation officielle de l’Eglise avec le monde tel qu’il est devenu depuis 1789 [...]. Par monde on entend, l’esprit des temps modernes...".

Et voilà l’asservissement conciliaire, plus qu’aux hommes, aux idéologies du monde moderne: un anti-Syllabus d’aspect catholique pour imposer aux fidèles la nouvelle évangélisation du nouvel ordre global.

Mais la vraie interprétation de GS, qui va dans le même sens que celle de Ratzinger, est celle de Jean-Paul II avec sa Lettre Redemptor hominis. Qui cherche encore une démonstration peut la trouver dans la teneur de sa philosophie existentialiste, où l’acte est l’action développée dans

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‘Personne et Acte’ de K. Wojtyla, selon l’idée que «l’homme se réalise dans son action». Et l’action demandée est de bâtir un nouvel ordre au monde. Ce qu’il fallait démontrer.

Conclusion: Le but poursuivi par ces documents révolutionnaires était

la fusion de l’Eglise avec le monde. On devait donc réduire ce qui a toujours été enseigné comme immuable, parce que divin, en mouvant, parce que selon les besoins humains. Comme on peut voir il s’agit d’un nouveau concept de ce qui est bon pour l’être humain: non plus l’ordre divin, mais un nouvel ordre, fruit du progrès et de la sagesse des hommes. Ce procès d’hommes qui décident de la base d’une nouvelle théorie philosophique de ce qui est bon pour la société humaine et l’imposent à fer et à feu, a l’âge des révolutions modernes. La révolution religieuse provient du début de l’histoire, mais elle a été mortellement blessée par Jésus-Christ. Pourtant aujourd’hui ce qui résonne dans Sa propre Eglise par la bouche-même d’une légion de prélats c’est le "vous serez comme des dieux". Le problème concernant ces prélats n’est pas tant celui de leurs idées et opinions, dont l’ambiguïté les rendent pires que des hérésies, mais que ceux-ci sont présentés comme inspirés par l’Esprit-Saint, au nom de l'autorité divine, et dont les fidèles attendent l'enseignement des principes universels. Cependant ils fournissent des opinions comme des principes, appuyés sur un pseudo-magistère, produit d’une douteuse assemblée conciliaire préoccupée plus de plaire au monde qu’à Dieu.

Pour Vatican II la Révolution avait raison. GS en pratique dit que la vocation humaine est mondaine et la vie de l’homme trouve son salut dans le monde, parmi le monde, avec le monde. Un procès par lequel l’esprit évolue dans la matière pour déboucher sur le divin, le point Omega de Teilhard de Chardin, qui serait le Christ cosmique déduit du progrès de l’esprit humain, de la foi dans l’ascèse de l’homme vers le divin. Voilà alors que la solution des problèmes humains serait l’ouverture de l’Eglise au monde, tout en renonçant à l'universalité et à la nécessité de sa doctrine dogmatique, de laquelle découlent les principes à l’égard de l'origine et de l'exercice de la justice et du pouvoir politique. Y suivrait un recyclage de l’obsolète Eglise traditionnelle qui, avec ses dogmes, s’est révélée l'obstacle principal sur la voie vers le progrès d’un nouveau monde uni dans un village global de concorde et de paix. Elle resterait réservée aux catholiques qui l’excusent de s’être

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déclarée au passé comme obligatoire pour le salut de tous les hommes. Et la nouvelle Eglise serait instaurée dans le laps d’une génération,

pour franchir le seuil du troisième millénaire en proclamant sur le Sinaï l’union des grandes religions. Mais le fidèle, peut-il ignorer que telle entité, fruit d’un plan humain, n’est pas l’Eglise de Dieu? Quel sens peut avoir une religion privée des immuables principes divins?

“GS est le document qui marque le changement préparé pour défigurer l’Eglise, la marque de l'apostasie prophétisée par St Paul pour les derniers temps. Dans GS, l'ethos de la Weitfremdheit, caractéristique du Catholicisme, a été substitué par l'ethos du Weltbejahung, propre au protestantisme. Populorum progressio et Octogesima adveniens de Paul VI en sont la confirmation. La confusion entre l’ordre naturel et surnaturel est achevée" (Pacheco Salles).

Quand on essaie de réduire l’autorité divine de l’Eglise à une présence, une sorte de sacrement ou ferment, et on le fait à travers sa propre autorité, l’intention paradoxale de bâtir une nouvelle Eglise avec une super-autorité déplacée du plan spirituel au social, dévient implicite.

La nouvelle Rome pourrait alors choisir une direction moins romaine et plus protestante de l’Eglise! Mais telle autorité, peut-elle être conforme à celle de l’Eglise, pierre immuable? À qui s’appliqueraient alors les paroles de Jésus: "Quiconque tombera sur cette pierre s’y brisera, et celui sur qui elle tombera, sera broyé” (Mt 21, 44)?

Dans l’Eglise catholique règne l’Esprit divin qui à travers elle éloigne les hommes de l’esprit rebelle à Dieu. On ne peut pas se réconcilier avec le monde révolutionnaire sans abdiquer la guide divine. Or, l’"Eglise du concile" ne s’est pas seulement réconciliée avec l’esprit du monde, elle va outre, elle suit le monde.

A l’époque de la Télé, du spectacle global et de l’espace virtuel, du triomphe de l’apparence sur l’essence, la tromperie religieuse a été acceptée par les consciences et par la société. Pour en arriver à une telle involution historique l’œuvre de Vatican II s’est démontrée décisive.

Mais une génération n’est pas encore passée que l’espoir rapporté à la vie du monde, spécialement par GS, est considéré comme caduc même par les synodes conciliaires.

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7 - Vatican II : perfidie d’un ‘aggiornamento’ moderniste

Il y a une vision immanente qui veut s’appliquer à tout ce qui vient de Dieu, comme son Eglise, sa Révélation, son Autorité.

C’est ainsi que l’immanentisme conciliaire déclara, au nom de la Religion, le droit de l’homme au sommet de ces jugements. S’agissant de la liberté de choisir sa propre religion. Dignitatis humanae le fait en déclarant ce droit, comme révélé par Dieu, puisqu’il:

- a son fondement dans la dignité même de la personne humaine telle que l’a fait connaître la Parole de Dieu et la raison elle-même (cf. Ptr). Ce droit de la personne humaine à la liberté religieuse dans l’ordre juridique de la société doit être reconnu de telle manière qu’il constitue un droit civil (DH l, 2).

La liberté dans le for intérieur de chacun de croire ce qu’il veut n’est pas en question; ici il ne s’agit pas de cela, mais du droit à l’erreur dans le for extérieur, selon l’Eglise: de se concrétiser dans des entités publiques. Et cela signifie séparer dans la société humaine la vérité du droit, et ensuite d’un droit d’enseigner l’erreur. Pour la pensée catholique cela signifie la primauté de l’immanent sur le transcendant. Selon cette déclaration, ou toutes les religions sont équivalentes et aucune n’est fausse, ou, même si cette idée est fausse, le Vatican II a le pouvoir de déclarer le droit des fausses religions.

Dans la première hypothèse, qui affirme l’équivalence de toutes les religions se disqualifie comme autorité catholique, dont la propre raison d’être est d’enseigner l’unique Religion véritable. Or comme n’existe pas le droit d’autoriser ni d’activer le faux, dans le deuxième cas on inverse la raison du pouvoir religieux déclarant le faux. Et puisque le pouvoir de l’Eglise est fondé sur la Vérité, qui oppose à l’erreur et au faux, tel pouvoir ne pourrait jamais autoriser ou favoriser le faux. Donc cette justification d’un faux droit s’appuie également sur un faux pouvoir. Par conséquent une telle déclaration conciliaire, étant donné le principe logique d’identité et de non contradiction, cela équivaut à la dissociation de l’identification catholique; et à une auto-renonciation tacite de se fonder sur le droit de l’Eglise de Dieu.

"Manzoni écrit: ... Le Concile de Trente s'est appliqué a réformer la discipline de l’Eglise... avec autant d’ardeur, quant à empêcher toute réforme dans sa foi... Aucun catholique pourra exprimer avec plus de précision et force... la fermentée des Pères de ce Concile... de rejeter toute réforme de la foi... (qu’est) impossible, serait une réforme

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contradictoire ... non moins qu’impie, parce qu’elle serait équivalente à renier l’autorité catholique, le même sur laquelle on s’appuie. Equivaudrait à dire: ... croyez a moi... qui ne crois a moi!... je vous apprenne une vérité,... tout en me réservant de vous avertir... en temps opportun... qu’est un erreur. " (Taccuino).

Ecoutons le témoignage du prince Paul Scortesco. “L’homme à la place de Dieu est l'œuvre de la Révolution

maçonnique. parce que cette culbute de l’Eglise fut inspiré dans les Hautes Loges, par Lucifer lui-même (je vous vois sourire tant mieux!). Mais. effectivement, le mauvais grain n’en avait pas moins été semé par Jean XXIII et Paul VI: on récolte aujourd’hui le fruit de ces funestes semailles d’un bout a l’autre de l’Eglise... On peut même les récolter dans la messe de Paul VI: la valeur suprême donnée à l’Assemblée tend vers un christianisme purement humain qui ne serait pas bien éloigné de l’humanisme marxiste ou maoïste, et encore moins de la déesse-Humanité instaurée par la Révolution...

“Ainsi cette hiérarchie, avec sa messe, pousse hors de l'Eglise les fidèles qui la suivent, et les conduit, par paliers, vers la pire espèce d'arianisme, vers la plus grande apostasie.

“Après un travail souterrain, sous les Papes précédents, quand la subversion n’osait pas se montrer, sa présence dans l’Eglise éclata en plein jour sous Paul VI: elle se manifesta avec aplomb et insolence parce qu’elle savait qu'il n'y aurait plus d'anathème pour elle; que, bien au contraire, elle pourrait envahir le Vatican et faire éliminer tout ce qui pouvait lui résister, les cardinaux traditionalistes, le Saint Office, etc... et qu'elle régnerait donc en maîtresse sous le règne actuel. Or, écrit Léon de Poncins (Préface de ‘La Révolution Liturgique’, J. Vaquié) «ce qui donne à cette crise un caractère d’exceptionnelle gravité, c'est que toute la manoeuvre progressiste se déroule sous le patronage de Paul Vl, avec son appui tacite ou agissant, mais toujours bienveillant». Et l’on sait ce qui se cache sous le progressisme la même subversion, maçonnique dans sa première phase, marxiste dans la seconde.

“Jusqu'à la mort de Pie XII, le clergé catholique pensait que ses propres péchés faisaient obstacle aux grâces répandues par l’Eglise dans ses sacrements, et que l’Eglise en souffrait. A partir de Jean XXIII et surtout de Paul VI, le même clergé accusa l’Eglise de ses propres péchés et pensa donc qu'il fallait la rénover, la réformer... Pas eux, l'Eglise!

“L’Eglise ‘Mère-et-Maitresse’ fut traînée devant le tribunal des

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nouveaux théologiens; elle fut mise en accusation et on lui imposa comme pénitence, de ne plus affirmer ses dogmes avec autorité, et de se faire ‘PASTORALE’... Qu'elle efface donc en Elle son passé peccamineux, son insupportable "triomphalisme constantinien”...

“Alors rien ne leur résista! Les théologiens mirent tout ‘en recherche’, non seulement ses dogmes, mais ses sacrements, sa messe même: causes certaines de ses égarements d’autant plus que la messe n'était pas en accord avec le monde moderne... L'Eglise, bouc émissaire de tous les péchés, - alors que son clergé est si immaculé! aussi pur que l’agneau qui vient de naître...Cette tendance a s’innocenter et a repousser ses propres responsabilités rappelle la fameuse boutade: ‘Ce ne sont pas les conducteurs qui tuent, c'est la route’. La route c’est l’Eglise.

“L’Eglise pécheresse, voilà l’ennemie qu’il faut abattre! Et l’on trouva le moyen... deux moyens! Son aggiornamento et l’œcuménisme! Et l’on est en bonne voie... A l’heure présente il n’en reste plus grand chose à démolir... (op. cit. p. 7)

“Saint Pie X, dans l'encyclique Pascendi: “les modernistes mettent queue en tête. et a la servante ils assujettissent la reine.”

“Et ce renversement n’a-t-il pas été imposé par Paul VI au cardinal Mindszenty parce qu’il «assujettissait la servante à la Reine, la politique à la religion, parce qu’il représentait la résistance de l’Eglise au communisme et que cela dérangeait beaucoup la politique vaticane, qui est celle de la subversion [renversement].

“Et pour couronner le ‘Grand Œuvre’ de la subversion qui a envahi l’Eglise, voici la déclaration du 7 novembre 1971 de Mgr Benelli, porte-voix de Paul VI aux Affaires étrangères du Vatican: «Il faut prôner un renouveau de l'enseignement catholique dans la convergence de l'UNESCO et de Vatican Il pour la promotion de l'humanité‚ conviant à ce grand projet les croyants de toutes les familles spirituelles, chrétiennes ou non, et aussi ceux qui, sans religion, croient en l'HOMME et consacrent leurs forces à sa promotion». Voilà la «Nouvelle Religion» - aussi nouvelle que la révolte luciférienne - religion dans laquelle l'Eglise de Jésus-Christ doit se fondre et disparaître... Comment expliquer ce projet, exprimé en termes si clairs, par un haut Prélat du Vatican? Il n'y a qu’une seule explication: ce rêve bien lointain, caressé depuis des siècles par la Franc-maçonnerie, est en train de se réaliser.

“Nubius, pseudonyme d'un haut maçon chef de la «Haute Vente», donnait cette consigne le 3 avril 1844 à son ‘frère’ Volpi: "Nous devons

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arriver par de petits moyens bien gradués, au triomphe de la Révolution par un Pape" (Cité par Léon de Poncins, in «Christianisme et Franc-maçonnerie; ed. de l’Ordre Français, p. 12). Paul Scortesco en plusieurs publications a décrit l’action de Paul VI: “des faits qui désolent les fidèles profondément attachés au Siège de Pierre et qui ne voudrait pour rien au monde s’en séparer; mais ce sont hélas, des faits incontestables; de gros faits”, à cause de lui et de son entourage.

“Et cela peut aller plus loin: cette maffia insatisfaite de le voir avancer doucement selon le principe sacro-saint de ‘deux pas en avant et d’un pas en arrière’ peut prendre un jour une décision brutale, comme celle qui a mis fin au règne de Pie XII.

“Ce qui serait plus facile à l’heure présente: les ennemis de l’Eglise sont montés jusqu’à son sommet, ils règnent au Vatican; c’est bien ce qui explique la facilité avec laquelle ‘La Congrégation romaine du Culte divin’ approuve les pires aberrations, les outrages aux Sacrements, les falsifications des Evangiles, le bouleversement du calendrier qui déroute et désole les fidèles: les saintes et les saints honorés depuis des siècles, éliminés, pour plaire aux protestants qui n’en n’ont pas.

“L’hérésie au sommet explique le changement du roc de Pierre en sables mouvants; changement qui fait chanceler les fidèles et leur fait perdre les certitudes qui ont constitué la solide armature de l’Eglise durant presque deux mille ans, ces certitudes qui ont attiré les incroyants et amené tant de conversions, jusqu’à la mort de Pie XII.

“En vérité l’Eglise s’enfonce dans les sables mouvants parce que la Subversion qui la plonge dans les bas-fonds glissants du temporel, n’a jamais rencontré une véritable et active opposition de la part de Paul VI; bien au contraire, les mesures prises au début de son règne - et que j’ai cité plus haut - l’ont aidé à atteindre son but: l’abolition de la foi en Notre Seigneur! (Décl. de Paul VI le 9.7.65: ‘En matière de foi que personne ne soit empêché, que personne ne soit contraint’... Donc, liberté totale à ceux qui l’attaquent: mais malheur à ces êtres méprisables qui la défendent: ils empêchent la liberté de l’exercer!) FILS DE DIEU, DIEU LUI MEME!

“N’oublions pas qu’on peut être hérétique si l’on refuse de combattre l’hérésie, comme Honorius Ier qui fut condamné au VIème Concile de Constantinople. Et rappelons encore les paroles du célèbre théologien, le cardinal Cajetan: «L'axiome, où est le Pape là est l’Eglise, vaut lorsque le Pape se comporte en chef de l’Eglise; si tel celle n’est pas le cas, ni

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l'Eglise n’est en lui, ni lui dans l’Eglise». “Le théologien bien connu qui fut directeur du ‘Courrier de Rome’,

l'abbé Raymond Dulac, a écrit ces lignes: “prisonnier de mystérieux engagements au moment du Conclave où il fut élu, il ne condamne pas et par là il renonce à exercer «le pouvoir des Clefs» qui est essentiel à l’autorité pontificale.

“En vérité, Notre Seigneur a confié à Pierre le soin de défendre les vérités qu’il nous a révélées et de condamner, sans hésitations, ceux qui les attaqueraient; or depuis que Paul VI a lancé son fameux, DIALOGUE, dans l’encyclique Ecclesiam suam, la porte fut ouverte aux compromissions, le dialogue étant incompatible avec la condamnation. Et tout Vatican II fut dirigé dans ce sens, n’ayant rien condamné ni clairement affirmé de ce qu’il faut croire et ne pas croire...

“C’est l’impéritie hissée au niveau d’une Règle d’Or! règle héritée de Jean-Jacques Rousseau: l’homme, étant né bon, se corrigera tout seul, par sa propre conscience ‘éclairante’; c’est l'homme sur lequel se fonde la Révolution.

“Voilà encore une des causes du trouble qui règne dans l’Eglise: c’est le fidèle qui doit choisir ce qu’il comprend de tout ce que Dieu lui a révélé... L'Esprit divin doit s’agenouiller devant la jugeote de l’homme et non pas celle-ci devant l’esprit de Dieu! Voilà la mentalité des nouveaux théologiens: ils rompent avec l’homme agenouillé devant Dieu, parce que, dans ce cas, selon la promesse luciférienne, ils seront comme des dieux! D'ou l'inversion infernale ce n'est pas l'amour humain qui découle de l'amour de Dieu, c'est l’amour de Dieu qui n'est plus qu'une projection imaginaire de l'amour humain...

Et l'on arrive ainsi, dans l'Eglise, à l'athéisme total ! “Pourquoi? Parce qu’on se permet de discuter de tout, de contester

tout, de réfuter tout! Parce qu'on a oublié que la théologie chrétienne n'est pas d'ordre humain qu’elle est fondée sur des vérités d’ordre divin, qui existent hors de nous. qui ne dépendent pas de nous!

“L'Eglise dispense des certitudes et non des problèmes; elle n’a pas pour vocation de répandre des doutes de se mettre comme la philosophie et la science, en état de ‘recherche’ ce mot qui dans la bouche des théologiens, me fait bondir! - mais de proposer une doctrine divine et de la faire respecter au moins par le clergé! Et, en ne le faisant pas. elle sème la désolation et l'anxiété parmi les fidèles autant que parmi les incroyants; car ils souffrent tous, non seulement de l'agressivité de notre

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civilisation matérialiste mais aussi de la ruine des valeurs morales que l'Eglise ne défend plus sous le pontificat actuel. Bien au contraire elle exalte l’agressivité de cette civilisation en se fondant sur les mêmes principes; ils sont à la base des déclarations de Paul VI; en voici une:

Discours de clôture de Vatican II par Paul VI (7.12.65)

“L’Eglise du Concile ne s’est pas contentée de réfléchir sur sa propre nature et sur les rapports qui l’unissent à Dieu; elle s’est aussi beaucoup occupée de l’homme, de l’homme tel qu’en réalité il se présente à notre époque: l’homme vivant, l’homme tout entier occupé de soi, l’homme qui se fait non seulement le centre de tout ce qui l’intéresse, mais qui ose se prétendre le principe et la raison dernière de toute réalité. Toute l’homme phénoménal […], s’est comme dressé devant l’assemblée des Pères conciliaires […]. L’humanisme laïque et profane enfin apparu dans sa terrible dimension et a, en un certain sens, défié le Concile. La religion du Dieu que s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion - car c’en est une - de l’homme qui se fait Dieu. Qu’est-il arrivé? Un choc, une lutte, un anathème? Cela pouvait arriver; mais cela n’a pas eu lieu. La vieille histoire du Samaritain a été le modèle de la spiritualité du Concile. Une sympathie immense l’a envahi tout entier. La découverte des besoins humains […], a absorbé l’attention de notre Synode. Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous humanistes modernes, qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez reconnaître notre nouvel humanisme: nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme”.

“Un courant d'affection et d'admiration a débordé du Concile sur le monde HUMAIN moderne... la religion catholique et la vie réaffirment ainsi leur alliance en une seule réalité‚ elle est pour l'HUMANITE. Pas la moindre trace d’une réalité qui dépasse l’homme dans cette déclaration!

“Mettons-là en parallèle avec une autre déclaration, celle d'un pontife marxiste Gilbert Mury dans ‘Les Cahiers du communisme’ de mai 1964: «Le marxisme est un humanisme radical, c'est-à-dire, qu'il exclut l'hypothèse selon laquelle le développement de notre espèce. dans sa lutte pour la domination de la matière, serait ordonné à quelque providence extérieure et supérieure au monde humain».

“Evidemment. cette déclaration est plus nette, plus limpide, et légèrement plus brutale que la déclaration de Paul VI; mais comment s’y prendre pour les faire parfaitement coïncider? C’est simple, ON VA DESACRALISER L'EGLISE; et jusque dans ses fondements: ON VA S'ATTAQUER A LA DIVINITE DU CHRIST...

Le prince Scortesco, était cousin du prince Borghese, de la cour pontifie. Il non seulement avait une position d’accusation par rapport à

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l’Eglise conciliaire de Paul VI, il a déclaré d’avoir des preuves d’une affiliation maçonnique de Montini. Peut de temps après il est mort brûlé dans sa chambre à Paris, dans des circonstances fort étranges. Son corps était entièrement carbonisé en position droite dans son lit; comme s’il brûlais sans bouger. Autour du lit il n’y avait d’autres choses brûlés, mais à une certaine distance, son bureau et tout ses papiers étaient complètement détruites par le feu.

On rend hommage ici à son courageux témoignage qui était arrivé au point crucial: la question de la Voix et de la vrai autorité catholique.

Qui a muni Vatican II d’autorité? L’esprit du concile!

Paul VI parle de l’autorité de Vatican II et de la qualification théologique qu’il a voulu attribuer à ses enseignements, sans se prononcer sur ‘des dogmes’: ‘Etant donné le caractère pastoral du concile, celui a évité de prononcer de façon extraordinaire des dogmes dotés de la note d’infaillibilité, mais il a toutefois muni ses enseignements de l’autorité du suprême magistère ordinaire, le quel magistère ordinaire et ainsi clairement authentique doit être accueilli docilement et sincèrement par tous les fidèles, selon l’esprit du concile et selon la nature et les buts de chaque document’.[…] Vraiment l’esprit du concile veut être l’Esprit de Vérité. (12.1.66).

Pie X, saint Pape, démasquant les loups sillonnistes et modernistes, parle avec l’autorité divine. Paul VI, insinuant que Vatican II est plus important que le Concile de Nicée, veut qu’une assemblée ‘pastorale’ soit plus digne de foi qu’un Concile œcuménique dont les "définitions sont infaillibles car données sous l’inspiration de l’Esprit Saint". Un vrai Concile et son autorité n’existent que pour l'orthodoxie; si celle-ci n’y est pas, il n’y a ni Concile, ni autorité, dans un tel événement.

Voyons l’analyse du théologien Johannes Dörmann (‘La Théologie de Jean-Paul II et l’esprit d’Assise, pub. Courrier de Rome, 1995).

“La nouvelle conscience conciliaire n'est évidemment pas la même que la conscience de l'Eglise d'avant le concile. Cette dernière doit justement «malgré les inquiétudes momentanées», atteindre, selon le principe de l'accommodata renovatio Ecclesiae le niveau de la nouvelle conscience conciliaire.

“La nouvelle conscience conciliaire est tout simplement décrite comme la «conscience contemporaine de l'Eglise» dont le pape Paul V1 a fait «le thème de son encyclique fondamentale Ecclesiam suam». La conscience «contemporaine»? Comment une encyclique de 1964 peut-elle avoir pour thème la «conscience contemporaine de l’Eglise» dont

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traite l'encyclique inaugurale Redemptor hominis (1979) promulguée quinze ans plus tard? La difficulté est levée: dans le texte latin l'adjectif, «contemporain» traduit l'expression hac aetate. Cette conscience est donc caractérisée par l'époque, le temps où nous vivons.

“Pourtant, comment Paul VI a-t-il pu exposer dans Ecclesiam suam cette «conscience conciliaire de l’Eglise»? car quand il a promulgué cette encyclique (6.8.64) il ne connaissait encore ni le texte définitif de Lumen gentium (21.11.64), ni celui de Gaudium et spes (7.12.65), de Nostra aetate (28.10.65) ou de Dignitatis humanae (7.12.65), ni l'effet révolutionnaire exercé par le Concile sur la conception que l’Eglise a de sa foi et de sa mission décrites par Jean-Paul II dans son encyclique inaugurale en 1979. Comment Paul VI a-t-il pu faire de la «conscience conciliaire» le thème d'Ecclesiam suam, avant que le Concile n'ait formulé et voté définitivement les documents décisifs? Comment faut-il comprendre cette conscience contemporaine conciliaire de l'Eglise? Il ne peut s'agir d'une conscience contemporaine de l'Eglise universelle constatable de manière empirique, ni d'une conscience conciliaire de l’Eglise basée sur les documents conciliaires après leur vote. C'est donc une abstraction, derrière laquelle se cache une certaine idée de l’Eglise qui doit prendre forme. Il en est de même de l'esprit du Concile sous lequel chacun peut comprendre ce qu'il veut (p.72-73).”

L’esprit du concile peut être l’Esprit de Vérité? Paul VI nous dit que Vatican II, choisissant un caractère pastoral, a évité de donner des définitions dogmatiques solennelles engageant l’infaillibilité du magistère ecclésiastique. Mais le catholique ne peut éviter l'évidente contradiction entre l'unique Eglise catholique et une nouvelle église moderniste. Vatican II en évitant la note d’infaillibilité dans ses document ne cacha-t-il pas cette incroyable audace sous le voile d’une apparente humilité, dont parle St Pie X traitant des modernistes? L’audace ne consiste-t-elle pas dans la contradiction d’appuyer la propre autorité sur l’absolue de l'ordre de l'Etre, d’où découle aussi la papauté comme l’infaillibilité, et en même temps la méconnaître quand la foi est en jeu?

Peut-on reconnaître l’esprit conciliaire? Or, suivant le Magistère on a vu que le ‘langage pastoral’ cache la révolution sémantique; que l’Eglise avait condamné le modernisme et Vatican II l'a recyclé. Pour conclure la part qui regarde Paul VI, écoutons Sainte Pie X dans la

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Lettre Notre charge apostolique (25.8.1910) sur le ‘Sillon’ et les ‘sillonnistes’. Si aujourd’hui on change ces noms par ‘Vatican II’ et ‘conciliaires’ on sera étonné par la justesse de la description de leurs sentiments et intentions. Mais on n’est pas moins étonné de voir comme ils ont réussi, malgré un tel avertissement.

Résumé de la Lettre sur le Sillon de St Pie X

“Notre charge apostolique nous fait un devoir de veiller à la pureté de la foi et à l'intégrité de la discipline catholique, de préserver les fidèles des dangers de l'erreur et du mal, surtout quand l'erreur et le mal leur sont présentés dans un langage entraînant, qui, voilant le vague des idées et l'équivoque des expressions sous l'ardeur du sentiment et la sonorité des mots, peut enflammer les coeurs pour des causes séduisantes mais funestes. Telles ont été naguère les doctrines des prétendus philosophes du XVIIIème siècle, celles de la Révolution et du libéralisme tant de fois condamnées; telles sont encore aujourd'hui les théories [sillonistes du Vatican II], qui, sous leurs apparences brillantes et généreuses, manquent trop souvent de clarté, de logique et de vérité.

“C'était au lendemain de l’Encyclique Rerum novarum de Léon XIII ... , sur la condition des ouvriers, que les fondateurs du Sillon vont écrire un programme de restauration de l’ordre et de la justice dans notre société sur de nouvelle bases et sous le signe du salut pour les individus et les nations au nom de Jésus-Christ, tant que leur ferveur religieuse a pu voiler le vrai caractère du mouvement et leur tendances inquiétantes, ouvertes aux infiltrations libérales et protestantes, qui l’ont emportés dans une voie aussi fausse que dangereuse.

Le rapport avec l’autorité - Ils suivent la nouvelle ‘vocation’ des hommes qui “évoluent sur un terrain qui n’est pas celui de l'Eglise; qu'ils ne poursuivent que des intérêts d’ordre temporel et non d'ordre spirituel ; que le sillonniste est tout simplement un catholique voué à la cause des classes laborieuses, aux œuvres démocratiques, et puisant dans les pratiques de sa foi l’énergie de son dévouement; que, ni plus ni moins que les artisans, les laboureurs, les économistes et les politiciens catholiques, il demeure soumis aux règles de la morale communes à tous, sans relever, ni plus ni moins qu'eux, d'une façon spéciale, de l'autorité ecclésiastique.

“La réponse à ces subterfuges n'est que trop facile. A qui fera-t-on

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croire, en effet, que les [conciliaires] n'ont en vue, dans leur activité sociale, que les intérêts temporels des classes ouvrières? La vérité est [qu’ils] se proclament des idéalistes irréductibles, qu'ils prétendent relever les classes laborieuses en relevant d'abord la conscience humaine, qu'ils ont une doctrine sociale et des principes philosophiques et religieux pour reconstruire la société sur un plan nouveau, qu'ils ont une conception spéciale de la dignité humaine, de la liberté, de la justice et de la fraternité, et que, pour justifier leurs rêves sociaux, ils en appellent à l'Evangile, interprété à leur manière, et, ce qui est plus grave encore, à un Christ défiguré et diminué. [Mais ils se présentent comme professeurs d’éthique, de morale sociale, civique et religieuse]. Nous avons le droit de dire que [leur] but, caractère, action ressortissent au domaine moral, qui est le domaine propre de l’Eglise, et que, en conséquence, [ils] se font illusion lorsqu'ils croient évoluer sur un terrain aux confins duquel expirent les droits du pouvoir doctrinal et directif de l'autorité ecclésiastique [qu’ils veulent transformer plutôt en pastoral]. Mais le mal est plus profond,... emporté par un amour mal entendu des faibles, [le conciliarisme] a glissé dans l’erreur. En effet, [il] se propose le relèvement et la régénération des classes ouvrières. Or, sur cette matière, les principes de la doctrine catholique sont fixés, et l'histoire de la civilisation chrétienne est là pour en attester la bienfaisante fécondité. Notre prédécesseur les a rappelés dans des pages magistrales, que les catholiques occupés de questions sociales doivent étudier et toujours garder sous les yeux. Il a enseigné notamment que la démocratie chrétienne doit «maintenir la diversité des classes, qui est assurément le propre de la cité bien constituée, et vouloir pour la société humaine la forme et le caractère que Dieu, son auteur, lui a imprimés». Il a flétri «une certaine démocratie qui va jusqu'à ce degré de perversité que d’attribuer dans la société la souveraineté au peuple et à poursuivre la suppression et le nivellement des classes» […].

“Or, qu'ont fait les [conciliaires]? Non seulement ils ont adopté un programme et un enseignement différents de ceux de Léon XIII (ce qui serait déjà singulièrement audacieux...); mais ils ont ouvertement rejeté le programme tracé par Léon XIII, et en ont adopté un diamétralement opposé; de plus, ils repoussent la doctrine rappelée par Léon XIII (GC) sur les principes essentiels de la société, placent l’autorité dans le peuple ou la suppriment à peu près et prennent comme idéal à réaliser

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le nivellement des classes. Ils vont donc, au rebours de la doctrine catholique, vers un idéal condamné.

“Nous savons bien qu'ils se flattent de relever la dignité humaine et la condition trop méprisée des classes laborieuses, de rendre justes et parfaites les lois du travail et les relations entre le capital et les salariés, enfin de faire régner sur terre une meilleure justice et plus de charité, et, par des mouvements sociaux profonds et féconds, de promouvoir dans l'humanité un progrès inattendu. Et certes, Nous ne blâmons pas ces efforts, [s’ils] n’oubliaient pas que le progrès d'un être consiste à fortifier ses facultés naturelles par des énergies nouvelles et à faciliter le jeu de leur activité dans le cadre et conformément aux lois de sa constitution, et que, au contraire, en blessant les organes essentiels, en brisant le cadre de leur activité, on pousse l'être non pas vers le progrès mais vers la mort. C'est cependant ce qu'ils veulent faire de la société humaine; c'est leur rêve de changer ses bases naturelles et traditionnelles et de promettre une cité future édifiée sur d'autres principes, qu’ils osent déclarer plus féconds, plus bienfaisants, que les principes sur lesquels repose la cité chrétienne actuelle.

[11]“Non, vénérables Frères - il faut le rappeler énergiquement dans ces temps d'anarchie sociale et intellectuelle, où chacun se pose en docteur et en législateur, - on ne bâtira pas la cité autrement que Dieu ne l’a bâtie; on n'édifiera pas la société, si l’Eglise n’en jette les bases et ne dirige les travaux; non, la civilisation n'est plus à inventer ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été. elle est; c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. Il ne s'agit que de l'instaurer et la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins contre les attaques toujours renaissantes de l'utopie malsaine, de la révolte et de l’impiété: omnia instaurare in Christo.

Vatican II a le souci de la dignité humaine. “Mais, cette dignité, il la

comprend à la manière de certains philosophes dont l’Eglise est loin d'avoir à se louer. Le premier élément de cette dignité est la liberté, entendue en ce sens que, sauf en matière de religion, chaque homme est autonome. De ce principe fondamental il tire les conclusions suivantes: Aujourd'hui, le peuple est en tutelle sous une autorité distincte de lui, il doit s'en affranchir: ‘émancipation politique’. Il est sous la dépendance de patrons qui, détenant ses instruments de travail, l’exploitent. l’oppriment et l’abaissent; il doit secouer leur joug: ‘émancipation

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économique’. Il est dominé enfin par une caste appelée dirigeante, à qui son développement intellectuel assure une prépondérance indue dans la direction des affaires: il doit se soustraire à sa domination: ‘émancipation intellectuelle’. Le nivellement des conditions à ce triple point de vue établira parmi les hommes l'égalité et cette égalité est la vraie justice humaine. Une organisation politique et sociale fondée sur cette double base: la liberté et l'égalité (auxquelles viendra bientôt s'ajourer la fraternité), voilà ce qu'ils appellent Démocratie.

“Néanmoins, la liberté et l'égalité n'en constituent que le coté, pour ainsi dire, négatif. Ce qui fait proprement et positivement la Démocratie c'est la participation la plus grande possible de chacun au gouvernement de la chose publique. Et cela comprend un triple élément, politique, économique et moral.

“D'abord, en politique, le [conciliarisme] n'abolit pas l'autorité: il l'estime, au contraire, nécessaire; mais il veut la partager, ou pour mieux dire, la multiplier de telle façon que chaque citoyen deviendra une sorte de roi. L'autorité, il est vrai, émane de Dieu, mais elle réside primordialement dans le peuple et s'en dégage par voie d’élection ou, mieux encore. de sélection, sans pour cela quitter le peuple et devenir indépendante de lui; elle sera extérieure, mais en apparence seulement; en réalité, elle sera intérieure, parce que ce sera une autorité consentie.

“Proportions gardées, il en sera de même dans l’ordre économique. Soustrait à une classe particulière, le patronat sera si bien multiplié que chaque ouvrier deviendra une sorte de patron. La forme appelée à réaliser cet idéal économique n'est point, affirme-t-on, celle du socialisme, c'est un système de coopératives suffisamment multipliées pour provoquer une concurrence féconde et pour sauvegarder l'indépendance des ouvriers qui ne seront enchaînés à aucune d’entre elles.

“Voici maintenant l'élément capital, l'élément moral. Comme l'autorité, on l’a vu, est très réduite, il faut une autre force pour la suppléer et pour opposer une réaction permanente à l’égoïsme individuel. Ce nouveau principe, cette force, c'est l’amour de l'intérêt professionnel et de l’intérêt public, c'est-à-dire de la fin même de la profession et de la société. Imaginez une société où, dans l’âme d'un chacun, avec l'amour inné du bien individuel ou du bien familial. régnerait l'amour du bien professionnel et du bien public, où, dans la conscience d'un chacun, ces amours se subordonneraient de telle façon

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que le bien supérieur primât toujours le bien inférieur; cette société-là ne pourrait-elle pas à peu près se passer d’autorité et n'offrirait-elle pas l'idéal de la dignité humaine, chaque citoyen ayant une âme de roi, chaque ouvrier une âme de patron? Arraché a l’étroitesse de ses intérêts privés et élevé jusqu'aux intérêts de sa profession et, plus haut, jusqu'à ceux... de l’humanité..., tous les hommes. Et voilà la grandeur et la noblesse humaine idéale réalisée par la célèbre trilogie: Liberté, Egalité, Fraternité.

“Or, ces trois éléments, politique, économique et moral, sont subordonnés l'un à l’autre, et c'est l’élément moral, nous l’avons dit, qui est le principal. En effet, nulle démocratie politique n'est viable si elle n'a des points d’attache profonds dans la démocratie économique. A leur tour, ni l’une ni l’autre ne sont possibles si elles ne s'enracinent pas dans un état d'esprit où la conscience se trouve investie de responsabilités et d'énergies morales proportionnées. Mais supposez cet état d'esprit, ainsi fait de responsabilité consciente et de forces morales, la démocratie économique s'en dégagera naturellement par traduction en actes de cette conscience et de ces énergies; et de même, et par la même voie, du régime corporatif sortira la démocratie politique; et la démocratie politique et économique, celle-ci portant l’autre, se trouveront fixées dans la conscience même du peuple sur des assises inébranlables.

“Telle est, en résumé, la théorie, on pourrait dire le rêve, du [Vatican II], et est à cela que tend son enseignement [Pp, OA, Rh, TM...] et ce qu’il appelle l’éducation démocratique du peuple, c'est-à-dire à porter à son maximum la conscience et !a responsabilité civiques de chacun, d'où découlera la démocratie économique et politique, et le règne de la justice, fraternité.

Ce rapide exposé montre clairement que Vatican II “oppose doctrine à doctrine, qu’il bâtit sa cité sur une théorie contraire à la vérité catholique et qu'il fausse les notions essentielles et fondamentales qui règlent les rapports sociaux dans toute société humaine. Cette opposition ressortira davantage encore des considérations suivantes.”

“La nouvelle théologie [de la hiérarchie de Vatican II] place

primordialement l'autorité publique dans le peuple, de qui elle dérive ensuite aux gouvernants, de telle façon cependant qu’elle continue a

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résider en lui. Or, Léon XIII, a formellement condamné cette doctrine dans son Encyclique Diuturnum illud du Principat politique, où il dit: «Des modernes en grand nombre, marchant sur les traces de ceux qui, au siècle dernier, se donnèrent le nom de philosophes, déclarent que toute puissance vient du peuple. qu’en conséquence ceux qui exercent le pouvoir dans la société ne l'exercent pas comme leur autorité propre, mais comme une autorité à eux déléguée par le peuple et sous la condition qu'elle puisse être révoquée par la volonté du peuple de qui ils la tiennent. Tout contraire est le sentiment des catholiques, qui font dériver le droit de commander de Dieu, comme de son principe naturel et nécessaire».

“Sans doute [Vatican II] fait descendre de Dieu cette autorité qu'il place d'abord dans le peuple, mais de telle sorte qu'elle remonte d'en bas pour aller en haut, tandis que, dans l'organisation de l’Eglise, le pouvoir descend d’en haut pour aller en bas. Mais outre qu'il est anormal que la délégation monte, puisqu’il est de sa nature de descendre, Léon XIII a réfuté par avance cette tentative de conciliation de la doctrine catholique avec l’erreur du philosophisme. Car il poursuit: «Il importe de le remarquer ici; ceux qui président au gouvernement de la chose publique peuvent bien. en certains cas, être élus par la volonté et le jugement de la multitude, sans répugnance ni opposition avec la doctrine catholique. Mais si ce choix désigne le gouvernant, il ne lui confère pas l'autorité de gouverner, il ne délègue pas le pouvoir, il désigne la personne qui en sera investie».

Le pouvoir par rapport à la Doctrine est clairement précisé par les Pères du Concile Vatican Ier: "Le Saint-Esprit n'a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu'ils fassent connaître, sous sa révélation, une nouvelle doctrine, mais pour qu'avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la révélation transmise par les Apôtres, c'est-à-dire le dépôt de la foi" (Dz.1836).

Et Pie XI écrit (MA): "Le Magistère de l'Eglise, établi ici-bas d'après le dessein de Dieu pour garder perpétuellement intact le dépôt des vérités révélées et en assurer la connaissance aux hommes, s'exerce chaque jour par le Pontife Romain et les Evêques en communion avec lui"

“Au reste. si le peuple demeure le détenteur du pouvoir, que devient l’autorité? Une ombre, un mythe; il n'y a plus de loi proprement dite, il n'y a plus d'obéissance. [Vatican II] l’a reconnu puisqu'en effet il

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réclame, au nom de la dignité humaine, la triple émancipation politique, économique et intellectuelle, la cité future à laquelle il travaille n'aura plus de maîtres ni de serviteurs, les citoyens y seront tous libres, tous camarades, tous rois. Un ordre, un précepte, serait un attentat à la liberté, la subordination à une supériorité quelconque serait une diminution de l'homme, l'obéissance une déchéance. Est-ce ainsi que la doctrine traditionnelle de l’Eglise nous représente les relations sociales dans la cité même la plus parfaite possible?

“Est-ce que toute société de créatures dépendantes et inégales par nature n'a pas besoin d’une autorité qui dirige leur activité vers le bien commun et qui impose sa loi ? Et si dans la société il se trouve des êtres pervers (et il y en aura toujours), l’autorité ne devra-t-elle pas être d'autant plus forte que l’égoïsme des méchants sera plus menaçant? Ensuite, peut-on dire avec une ombre de raison qu'il y a incompatibilité entre l'autorité et la liberté, à moins de se tromper lourdement sur le concept de la liberté? Peut-on enseigner que l'obéissance est contraire à la dignité humaine et que l'idéal serait de la remplacer par ‘l'autorité consentie’? Est-ce que l’apôtre saint Paul n'avait pas en vue la société humaine à toutes ses étapes possibles, quand il prescrivait aux fidèles d'être soumis à toute autorité? Est-ce que l'obéissance aux hommes en tant que représentants légitimes de Dieu, c’est-à-dire en fin de compte l’obéissance à Dieu, abaisse l’homme et le ravale au-dessous de lui-même'. Est-ce que l’état religieux fondé sur l’obéissance serait contraire à l’idéal de la nature humaine? Est-ce que les saints, qui ont été les plus obéissants des hommes, étaient des esclaves et des dégénérés? Est-ce qu'enfin on peut imaginer un état social où Jésus-Christ revenu sur terre ne donne plus l'exemple de l’obéissance et ne dise plus: Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu?

La justice et l'égalité selon Vatican II. “Il travaille, dit-il, à réaliser une ère d'égalité, qui serait par là même une ère de meilleure justice. Ainsi, pour lui, toute inégalité de condition est une injustice ou, au moins, une moindre justice! Principe souverainement contraire à la nature des choses, générateur de jalousie et d'injustice et subversif de tout ordre social. Ainsi la démocratie seule inaugurera le règne de la parfaite justice! N’est-ce pas une injure faite aux autres formes de gouvernement, qu'on ravale, de la sorte. au rang de gouvernements de pis-aller impuissants?”

Vatican II se heurte à l’enseignement de Léon XIII. “Il aurait pu

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lire dans l'Encyclique déjà citée du Principat politique que «la justice sauvegardée, il n'est pas interdit aux peuples de se donner le gouvernement qui réponde le mieux à leur caractère ou aux institutions et coutumes qu'ils ont reçues de leurs ancêtres»; et l'Encyclique fait allusion à la triple forme de gouvernement bien connue. Elle suppose donc que la justice est compatible avec chacune d'elles. Et l'Encyclique sur la condition des ouvriers n'affirme-t-elle pas clairement la possibilité de restaurer la justice dans les organisations actuelles de la société, puisqu'elle en indique les moyens? Or, sans aucun doute, Léon XIII entendait parler non pas d'une justice quelconque, mais de la justice parfaite. En enseignant donc que la justice est compatible avec les trois formes de gouvernement qu'on sait, il enseignait que, sous ce rapport, la Démocratie ne jouit pas d'un privilège spécial. Les sillonnistes, qui prétendent le contraire, ou bien refusent d'écouter l'Eglise ou se forment de la justice et de l'égalité un concept qui n’est pas catholique.

“Il en est de même de la notion de la fraternité dont ils mettent la base dans l’amour des intérêts communs, ou, par delà toutes les philosophies et toutes les religions, dans la simple notion d'humanité, englobant ainsi dans le même amour et une égale tolérance tous les hommes avec toutes leurs misères, aussi bien intellectuelles et morales que physiques et temporelles. Or, la doctrine catholique nous enseigne que le premier devoir de la charité n'est pas dans la tolérance des convictions erronées, quelque sincères qu’elles soient, ni dans l'indifférence théorique ou pratique pour l'erreur ou le vice où nous voyons plongés nos frères. mais dans le zèle pour leur amélioration intellectuelle et morale non moins que pour leur bien-être matériel. Cette même doctrine catholique nous enseigne aussi que la source de l'amour du prochain se trouve dans l'amour de Dieu, père commun et fin commune de toute la famille humaine et dans l'amour de Jésus-Christ, dont nous sommes les membres au point que soulager un malheureux c'est faire du bien a Jésus-Christ lui-même. Tout autre amour est illusion ou sentiment stérile et passager.

“Certes, l’expérience humaine est là, dans les sociétés païennes ou laïques de tous les temps, pour prouver qu'à certaines heures la considération des intérêts communs ou de la similitude de nature pèse fort peu devant les passions et les convoitises du cœur. Non, il n'y a pas de vraie fraternité en dehors de la charité chrétienne, qui, par amour

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pour Dieu et son Fils Jésus-Christ notre Sauveur, embrasse tous les hommes pour les soulager tous et pour les amener tous à la même foi et au même bonheur du ciel. En séparant la fraternité de la charité chrétienne ainsi entendue, la démocratie, loin d'être un progrès, constituerait un recul désastreux pour la civilisation. Car si l'on veut arriver, et Nous le désirons de toute Notre âme, à la plus grande somme de bien-être possible pour la société et pour chacun de ses membres par la fraternité, ou comme on dit encore, par la solidarité universelle, il faut l'union des esprits dans la vérité, l'union des volontés dans la morale. l'union des cœurs dans l'amour de Dieu et de son Fils, Jésus-Christ. Or, cette union n'est réalisable que par la charité catholique, laquelle seule, par conséquent, peut conduire les peuples dans la marche du progrès, vers l'idéal de la civilisation.

Le modernisme de Vatican II, “à la base de toutes les falsifications des notions sociales fondamentales, place une fausse idée de la dignité humaine. D'après lui, l'homme ne sera vraiment homme, digne de ce nom, que du jour où il aura acquis une conscience éclairée, forte, indépendante, autonome, pouvant se passer de maître, ne s'obéissant qu'à elle-même et capable d'assumer et de porter sans forfaire les plus graves responsabilités. Voilà de ces grands mots avec lesquels on exalte le sentiment de l'orgueil humain; tel un rêve qui entraîne l'homme, sans lumière, sans guide et sans secours, dans la voie de l'illusion, où, en attendant le grand jour de la pleine conscience, il sera dévoré par l'erreur et les passions. Et ce grand jour, quand viendra-t-il? A moins de changer la nature humaine (ce qui n'est pas au pouvoir du Vatican II), viendra-t-il jamais? Est-ce que les saints, qui ont porté la dignité humaine à son apogée, avaient cette dignité-là? Et les humbles de la terre, qui ne peuvent monter si haut et qui se contentent de tracer modestement leur sillon, au rang que la Providence leur a assigné, et remplissant énergiquement leurs devoirs dans l'humilité, l'obéissance et la patience chrétiennes, ne seraient-ils pas dignes du nom d'hommes, eux que le Seigneur tirera un jour de leur condition obscure pour les placer au ciel parmi les princes de son peuple?

“Il y aurait encore à parler d'autres points également faux et dangereux. par exemple, sur la manière de comprendre le pouvoir coercitif de l’église. Il importe maintenant de voir l’influence de ces erreurs sur la conduite pratique du [conciliarisme] et sur son action sociale.

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“Les doctrines du Sillon [et de Vatican II] ne restent pas dans le domaine de l'abstraction philosophique. Elles sont enseignées à la jeunesse catholique. et, bien plus, on s'essaye à les vivre. [Vatican II] se regarde comme le noyau de la cité future; il la reflète donc aussi fidèlement que possible.

En effet, la notion de hiérarchie a changé pour Vatican II. La collégialité, le sacerdoce des laïcs, le rôle de la femme dans la liturgie, les communautés de base, en sont l’exemple.

“Dans ces habitudes démocratiques et les théories sur la cité idéale qui les inspirent, vous reconnaîtrez, vénérables Frères, la cause secrète des manquements disciplinaires... la sourde opposition [au Magistère de l’Eglise]. Vous êtes le passé, eux sont les pionniers de la civilisation future. Vous représentez la hiérarchie, les inégalités sociales, l'autorité et l'obéissance: institutions vieillies, auxquelles leurs âmes, éprises d'un autre idéal, ne peuvent plus se plier... Eh quoi! on inspire à votre jeunesse catholique la défiance envers l’Eglise, leur mère; on leur apprend que, depuis dix-neuf siècles, elle n'a pas encore réussi dans le monde à constituer la société sur ses vraies bases; qu'elle n'a pas compris les notions sociales de l'autorité, de la liberté, de l'égalité, de la fraternité. et de la dignité humaine, que les grands évêques et les grands monarques, qui ont créé et si glorieusement gouverné la France, n'ont pas su donner à leur peuple ni la vraie justice, ni le vrai bonheur, parce qu'ils n'avaient pas l’idéal du Sillon!

“Le souffle de la Révolution a passé par là, et nous pouvons conclure que si les doctrines sociales du Sillon sont erronées, son esprit est dangereux et son éducation funeste.

“Mais alors, que devons-nous penser de son action dans l'Eglise, lui dont le catholicisme est si pointilleux que d'un peu plus, à moins d'embrasser sa cause, on serait à ses yeux un ennemi intérieur du catholicisme et l'on ne comprendrait rien à l'Evangile et à Jésus-Christ?[…] D’abord, son catholicisme ne s’accommode que de la force du gouvernement démocratique, qu’il estime être la plus favorable à l’Eglise, et se confondre pour ainsi dire avec elle; il inféode donc sa religion à un parti politique. Nous n’avons pas à démontrer que l’avènement de la démocratie universelle n’importe pas à l’action de l’Eglise dans le monde... Ce que Nous voulons affirmer encore une fois après Notre prédécesseur, c’est qu’il y a erreur et danger à inféoder, par principe, le catholicisme à une forme de gouvernement; erreur et

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danger qui sont d’autant plus grands lorsqu’on synthétise la religion avec un genre de démocratie dont les doctrines sont erronées.

“Et voyez une étonnante contradiction. C’est précisément parce que la religion doit dominer tous les partis, c’est en invoquant ce principe que le Sillon s’abstient de défendre l’Eglise [unique] attaquée. Certes, ce n’est pas l’Eglise qui est descendue dans l’arène politique; on l’y a entraînée et pour la mutiler et pour la dépouiller. Le devoir de tout catholique n’est-il donc pas d’user des armes politiques qu’il tient en main pour la défendre, et aussi pour forcer la politique à rester dans son domaine et à ne s’occuper de l’Eglise que pour lui rendre ce qui lui est dû? En face de l’Eglise ainsi violentée, on a la douleur de voir les [conciliaires] se croiser les bras, si ce n’est qu’à la défendre ils trouvent leur compte; on les voit dicter ou soutenir un programme qui nulle part ni à aucun degré ne révèle le catholique.

Un moment vint où [le conciliaire] se ravisa. Il laissa à chacun sa religion ou sa philosophie. Il cessa lui-même de se qualifier de «catholique», et à la formule «La démocratie sera catholique», il substitua cette autre «La démocratie ne sera pas anticatholique, pas plus d’ailleurs qu’antijuive ou antiboudhiste» ... On appela à la construction de la cité future tous les ouvriers de toutes les religions et de toutes les sectes. On ne leur demanda que d’embrasser le même idéal social, de respecter toutes les croyances et d’apporter un certain appoint de forces morales.

Les chefs conciliaires mettent leur foi religieuse au-dessus de tout? “Mais peuvent-ils ôter aux autres le droit de puiser leur énergie morale là où ils peuvent? En revanche, ils veulent que les autres respectent leur droit, à eux, de la puiser dans la foi catholique. Ils demandent donc à tous ceux qui veulent transformer la société présente dans le sens de la démocratie de ne pas se repousser mutuellement à cause des convictions philosophiques ou religieuses qui peuvent les séparer, mais de marcher la main dans la main, non pas en renonçant à leurs convictions. mais en essayant de faire sur le terrain des réalités pratiques la preuve de l'excellence de leurs convictions personnelles. Peut-être sur ce terrain de l'émulation entre âmes attachées à différentes convictions religieuses ou philosophiques l'union pourra se réaliser.» (Marc Sangnier, discours de Rouen, 1907).

L’humanisme de Vatican II «reste toujours une âme, un esprit, qui

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se mêlera aux groupes et inspirera leur activité». Et tous les groupements nouveaux, devenus en apparence autonomes: catholiques, protestants. libres-penseurs, sont priés de se mettre à l'œuvre. «Les camarades catholiques travailleront entre eux dans une organisation spéciale à s'instruire et à s'éduquer. Les démocrates protestants et libres-penseurs en feront autant de leur côté. Tous, catholiques, protestants et libres-penseurs auront à coeur d’armer la jeunesse non pas pour une lutte fratricide, mais pour une généreuse émulation sur le terrain des vertus sociales et civiques» (Marc Sangnier, Paris, mai 1910).

Ces déclarations et cette nouvelle organisation religieuse appellent de bien graves réflexions. “Voici, fondée par des catholiques, une association interconfessionnelle, pour travailler à la réforme de la civilisation, œuvre religieuse au premier chef, car pas de vraie civilisation sans civilisation morale, et pas de vraie civilisation morale sans la vraie religion: c'est une vérité démontrée, c'est un fait d'histoire. Et les nouveaux sillonnistes ne pourront pas prétexter qu'ils ne travailleront que «sur le terrain des réalités pratiques» où la diversité des croyances n'importe pas. Leur chef sent si bien cette influence des convictions de l’esprit sur le résultat de l'action qu'il les invite, à quelque religion qu'ils appartiennent, à «faire sur le terrain des réalités pratiques la preuve de l'excellence de leurs convictions personnelles». Et avec raison, car les réalisations pratiques revêtent le caractère des convictions religieuses, comme les membres d'un corps jusqu'à leurs dernières extrémités reçoivent leur forme du principe vital qui l'anime.

“Ceci dit, que faut-il penser de la promiscuité où se trouveront engagés les jeunes catholiques avec des hétérodoxes et des incroyants de toute sorte dans une œuvre de cette nature? N'est-elle pas mille fois plus dangereuse pour eux qu'une association neutre? Que faut-il penser de cet appel à tous les hétérodoxes et à tous les incroyants à prouver l'excellence de leurs convictions sur le terrain social, dans une espèce de concours apologétique, comme si ce concours ne durait pas depuis dix-neuf siècles dans des conditions moins dangereuses pour la foi des fidèles et tout en l'honneur de l’Eglise catholique? Que faut-il penser de ce respect de toutes les erreurs et de l’invitation étrange, faite par un catholique à tous les dissidents, de fortifier leurs convictions par l'étude et d'en faire des sources toujours plus abondantes de forces nouvelles? Que faut-il penser d'une association où toutes les religions et même la

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libre-pensée peuvent se manifester hautement à leur aise? Car les sillonnistes, qui, dans les conférences publiques et ailleurs, proclament fièrement leur foi individuelle, n'entendent certainement pas fermer la bouche aux autres et empêcher le protestant d'affirmer son protestantisme et le sceptique son scepticisme. Que penser, enfin, d'un catholique qui, en entrant dans son cercle d'études, laisse son catholicisme à la porte, pour ne pas effrayer ses camarades qui, «rêvant d'une action sociale désintéressée, répugnent de la faire servir au triomphe d’intérêts, de coteries ou même de convictions quelles qu'elles soient»? Telle est la profession de foi du nouveau Comité démocratique d’action sociale, qui a hérité de la plus grande tâche de l'ancienne organisation..., est ouvert à tous les hommes «respectueux des forces morales et religieuses et convaincus qu'aucune émancipation sociale verbale n'est possible sans le ferment d'un généreux idéalisme».

“Oui hélas! l’équivoque est brisée; l'action sociale [conciliaire] n'est plus catholique, le [conciliaire] ne travaille pas pour une coterie, et «l'Eglise, il le dit, ne saurait à aucun titre être bénéficiaire des sympathies que son action pourra susciter». Etrange insinuation vraiment! On craint que l'Eglise ne profite de l'action sociale de [Vatican II] dans un but égoïste et intéressé, comme si tout ce qui profite à l'Eglise ne profitait pas à l'humanité! Etrange renversement des idées: c’est l'Eglise qui serait la bénéficiaire de l'action sociale, comme si les plus grands économistes n'avaient pas reconnu et démontré que c'est l'action sociale, qui, pour être sérieuse et féconde, doit bénéficier de l'Eglise.

[38]”Mais, plus étranges encore, effrayantes et attristantes à la fois, sont l'audace et la légèreté d'esprit d'hommes qui se disent catholiques, qui rêvent de refondre la société dans de pareilles conditions et d’établir sur terre, par-dessus l’Eglise catholique, «le règne de la justice et de l'amour», avec des ouvriers venus de toute part, de toutes religions ou sans religion, avec ou sans croyances, pourvu qu'ils oublient ce qui les divise: leurs convictions religieuses et philosophiques, et qu’ils mettent en commun ce qui les unit: un ‘généreux idéalisme’ et des forces morales prises «où ils peuvent».

[58] “Quand on songe à tout ce qu'il a fallu de forces, de science, de vertus surnaturelles pour établir la cité chrétienne, et les souffrances de millions de martyrs, et les lumières des Pères et des Docteurs de l'Eglise, et le dévouement de tous les héros de la charité, et une

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puissante hiérarchie née du ciel, et des fleuves de grâce divine, et le tout édifié, relié, compénétré par la Vie et l'Esprit de Jésus-Christ, la Sagesse de Dieu, le Verbe fait homme; quand on songe, disons-Nous, à tout cela, on est effrayé de voir de nouveaux apôtres s'acharner à faire mieux avec la mise en commun d'un vague idéalisme et de vertus civiques. Que vont-ils produire? Qu'est-ce qui va sortir de cette collaboration? Une construction purement verbale et chimérique, où l'on verra miroiter pêle-mêle et dans une confusion séduisante les mots de liberté, de justice, de fraternité et d'amour, d'égalité et d'exaltation humaine, le tout basé sur une dignité humaine mal comprise. Ce sera une agitation tumultueuse, stérile pour le but proposé et qui profitera aux rumeurs de masses moins utopistes.

“Oui, vraiment, on peut dire que le [modernisme de Vatican II] convoie le socialisme, l'œil fixé sur une chimère.

“Nous craignons qu’il n’y ait encore pire. Le résultat de cette promiscuité en travail, le bénéficiaire de cette action sociale cosmopolite ne peut être qu’une démocratie qui ne sera ni catholique, ni protestante, ni juive: une religion (car le sillonnisme, les chefs l’ont dit, est une religion) plus universelle que l’Eglise catholique, réunissant tous les hommes devenus enfin frères et camarades dans «le règne de Dieu» - «On ne travaille pas pour l’Eglise, on travaille pour l’humanité».

“Nous Nous demandons ce qu’est devenu le catholicisme du Sillon... ce fleuve a été capté dans sa marche par les ennemis modernes de l’Eglise et ne forme plus dorénavant qu’un misérable affluent du grand mouvement d’apostasie organisée, dans tous les pays, pour l’établissement d’une Eglise universelle qui n’aura ni dogmes, ni hiérarchie, ni règle pour l’esprit, ni frein pour les passions et qui, sous prétexte de liberté et de dignité humaine, ramènerait dans le monde, si elle pouvait triompher, le règne légal de la ruse et de la force, et l’oppression des faibles, de ceux qui souffrent et qui travaillent.

“Nous ne connaissons que trop les sombres officines où l’on élabore ces doctrines délétères qui ne devraient pas séduire des esprits clairvoyants […]: l’exaltation de leurs sentiments, l’aveugle bonté de leur cœur, leur mysticisme philosophique, mêlé d’une part d’illuminisme, les ont entraînés vers un nouvel Evangile, dans lequel ils ont cru voir le véritable Evangile du Sauveur, au point qu’ils osent traiter Notre-Seigneur Jésus-Christ avec une familiarité souverainement

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irrespectueuse et que, leur idéal étant apparenté à celui de la Révolution, ils ne craignent pas de faire entre l’Evangile et la Révolution des rapprochements blasphématoires qui n’ont pas l’excuse d’avoir échappé à quelque improvisation tumultueuse.

“Nous voulons attirer votre attention sur cette déformation de l’Evangile et du caractère sacré de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dieu et Homme, pratiquée dans le Sillon et ailleurs. Dès que l’on aborde la question sociale, il est de mode, dans certains milieux, d’écarter d’abord la divinité de Jésus-Christ, et puis de ne parler que de sa souveraine mansuétude, de sa compassion pour toutes les misères humaines, de ses pressantes exhortations à l’amour immense, infini, et il est venu sur terre souffrir et mourir pour que, réunis autour de lui dans la justice et l’amour, animés des mêmes sentiments de charité mutuelle, tous les hommes vivent dans la paix et le bonheur. Mais à la réalisation de ce bonheur temporel et éternel il a mis, avec une souveraine autorité, la condition que l’on fasse partie de son troupeau, que l’on accepte sa doctrine, que l’on pratique la vertu et qu’on se laisse enseigner et guider par Pierre et ses successeurs. Puis, si Jésus a été bon pour les égarés et les pécheurs, il n’a pas respecté leurs convictions erronées, quelque sincères qu’elles parussent; il les a tous aimés pour les instruire, les convertir et les sauver. S’il a appelé à lui, pour les soulager, ceux qui peinent et qui souffrent, ce n’a pas été pour leur prêcher la jalousie d’une égalité chimérique. S’il a relevé les humbles, ce n’a pas été pour leur inspirer le sentiment d’une dignité indépendante et rebelle à l’obéissance. Si son cœur débordait de mansuétude pour les âmes de bonne volonté, il a su également s’armer d’une sainte indignation contre les profanateurs de la maison de Dieu, contre les misérables qui scandalisent les petits, contre les autorités qui accablent le peuple sous le poids de lourds fardeaux sans y mettre le doigt pour les soulever. Il a été aussi fort que doux: il a grondé, menacé, châtié, sachant et nous enseignant que souvent la crainte est le commencement de la sagesse et qu’il convient parfois de couper un membre pour sauver le corps. Enfin, il n’a pas annoncé pour la société future le règne d’une félicité idéale, d’où la souffrance serait bannie; mais par ses leçons et par ses exemples, il a tracé le chemin du bonheur possible sur terre et du bonheur parfait au ciel: la voie de la croix. Ce sont là des enseignements qu’on aurait tort d’appliquer seulement à la vie individuelle en vue du salut éternel: ce sont des enseignement

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éminemment sociaux, et ils nous montrent en Notre-Seigneur Jésus-Christ autre chose qu’un humanitarisme sans consistance et sans autorité. […].

“Que ces prêtres ne se laissent pas égarer, dans le dédale des opinions contemporaines, par le mirage d’une fausse démocratie; qu’ils n’empruntent pas à la rhétorique des pires ennemis de l’Eglise et du peuple un langage emphatique plein de promesses aussi sonores qu’irréalisables. Qu’ils soient persuadés que la question sociale et la science sociale ne sont pas nées d’hier: que de tous temps l’Eglise et l’Etat, heureusement concertés, ont suscité dans ce but des organisations fécondes; que l’Eglise, qui n’a jamais trahi le bonheur du peuple par des alliances compromettantes, n’a pas à se dégager du passé et qu’il lui suffit de reprendre, avec le concours des vrais ouvriers de la restauration sociale, les organismes brisés par la Révolution et de les adapter, dans le même esprit chrétien qui les a inspirés, au nouveau milieu créé par l’évolution matérielle de la société contemporaine: car les vrais amis du peuple ne sont ni révolutionnaires ni novateurs, mais traditionalistes.

Le cri d’alarme de Saint Pie X au début du siècle est donc plus actuel que jamais. “Aucun évêque n’ignore, croyons-Nous, qu’une race très pernicieuse d’hommes, les modernistes, même après que l’enc. Pascendi eut levé le masque dont ils se couvraient, n’ont pas abandonné leurs desseins de troubler la paix de l’Eglise. Ils n’ont pas cessé, en effet, de rechercher et de grouper en une association secrète de nouveaux adeptes, et d’inoculer avec eux, dans les veines de la société chrétienne, le poison de leurs opinions” (SaA).

Avertissement nécessaire - Inutile de chercher à justifier les documents conciliaires pour ce qu’ils peuvent contenir d’orthodoxe. Leurs auteurs eux-mêmes déclarent que Vatican II n’apportera rien de nouveau à la doctrine catholique, mais ils prétendent que c’est un aggiornamento dans la façon de l’exposer. C’était la grosse manœuvre pour introduire la nouvelle formule moderniste décrite dans Pascendi, autrement dit: infiltrer l’hérésie dans des formules traditionnelles d'aspect infaillible. Déjà, depuis un siècle, les modernistes:

"Continuent leur chemin, bien que censurés et condamnées, cachant une incroyable audace sous le voile d’une apparente humilité [...] car ils ont pris pour règle que l’autorité doit être poussée et non pas renversée; car il leur est nécessaire de ne pas sortir du cercle de

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l’Eglise, de manière à pouvoir changer peu à peu la conscience collective.

Rien n’est mieux démontré que le péché originel, par ses propres effets, et aussi à la lumière des sciences psychologiques et sociales. Mais la mentalité révolutionnaire veut effacer cette trace atavique afin de libérer la conscience de l’homme du sens de la faute. A cet effet, elle a recours au sophisme qui consiste à prétendre que le fait du péché originel imprimé dans la conscience humaine soit inexistant pourvu qu’on le nie! Elle affirme, au contraire, le fait de l’auto-perfectionnement des consciences, déduit de la capacité cognitive de l’homme actuel.

Mais, puisque contre les faits il n’y a pas d’arguments, elle se voit obligée d’inventer des succédanés à la faute originelle et à la responsabilité personnelle, tels que les péchés sociaux et la responsabilité face à une société qu’elle prétend être au stade évolutif. Cette mentalité, dérivée de la théorie de l’évolution de l’intellect humain, est présente dans les documents de Vatican II qui s’adressent au ‘chrétien majeur’, celui qui, pour les rationalistes, est capable de lire la Bible et de comprendre ce que d'autres moins "cultivés" n'ont pas compris. “D'où l'échange qu'ils font, en tant que même signification, entre conscience et révélation.”

Une telle confusion va se répercuter dans une relativisation de tout; non seulement de la religion, mais de la morale, de la loi et de toute autorité.

L'inévitable résultat religieux de l’acceptation par l’autorité ecclésiale de compromis aussi abominables dans le domaine social ne pouvait être qu'une tentative de contrefaçon doctrinale dans une ouverture catholique aux idées du monde: l’aggiornamento appliqué à la vie politique et sociale, à l’éducation et à la justice. L’exemple donné ici est celui de la démocratie chrétienne italienne (DC), dont les rapports avec Paul VI étaient très étroits et terriblement emblématiques.

Le parti de l’unité des chrétiens, majoritaire grâce à une Italie encore catholique, noua des alliances de toute nature. Sous Paul VI, il alla jusqu'au compromis historique avec les communistes, compromis interrompu seulement par les actions terroristes qui culminèrent avec l’assassinat d'Aldo Moro, ami de Montini et principal artisan de cette entente. La DC, qui se vantait d'être la représentante par excellence de la

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démocratie et qui se trouvait dès lors dans l’embarras de gouverner sans alliances, fut mise ironiquement à l'épreuve, précisément à l’occasion de l’approbation de la loi sur l’avortement.

Elle était alors en effet seule à gouverner, et fut donc seule à mettre en oeuvre cette loi inique, sous un ministère composé seulement de démochrétiens. Le président de la République, Leone, était alors lui aussi démochrétien, avec à ses côtés Andreotti le premier ministre. Tous deux seront peu après directement impliqués dans des processus infamants. L'idée de faire étalage de valeurs subalternes au détriment des principes immuables avait donc abouti à un résultat politique qui en confirmait la nocivité. Mais si la légalisation de l’avortement marqua clairement de la part du législateur l’aboutissement de la transgression de la Loi divine, le pire fut l’alignement de l’Eglise conciliaire sur la praxis du parti chrétien, à l’occasion des référendums successifs sur cette question, en Italie. La Conférence épiscopale italienne, avec l’accord tacite de l’évêque de Rome, soutint un projet "minimum" d'avortement, comme si une telle formule fût moins contraire à la Loi divine. La DC voulait ainsi sauver l’apparence chrétienne, et conserver le pouvoir civil. Mais quel principe Paul VI, Jean-Paul II et la Conférence épiscopale italienne pouvaient-ils invoquer pour justifier un tel forfait? La sacralité de la démocratie?

"En tant que Docteur, enseignant au nom de l'Eglise universelle, St Pie X avait raison de dire: ‘Ce que nous voulons affirmer encore une fois après Notre prédécesseur, c’est qu’il y a erreur à inféoder, par principe, le catholicisme à une forme de gouvernement... [une erreur et un danger encore accrus lorsqu’on unit la religion avec un genre de démocratie dont les doctrines sont fausses]’. Mais il le dit ici en français, s'adressant à la France, pour condamner le mouvement socio-politique qui prétendait inféoder en France, les principes de la démocratie avec le catholicisme, fustigé sous le nom de modernisme social". (Adrien Loubier, in ‘Démocratie cléricale’, ed. Ste Jeanne d'Arc, 1992, Villegénon, p. 95). Le Pape avait condamné le Sillon. Qu'aurait-il dit alors d’un parti démo-chrétien qui prétendait inféoder partout le catholicisme aux principes de la démocratie? Mais qu'aurait-il dit surtout d'une initiative prétendant inféoder la Religion aux principes œcuméniques d'une démocratie des religions sous le nom de panchristianisme?

Les échecs révolutionnaires actuels, qui ont coûté la vie à des

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dizaines de millions de personnes, sans apporter autre chose que souffrance et misère, ont obligé la Révolution à changer de tactique: non plus le goulag et le paredón, mais dorénavant la condamnation-même de la peine de mort, assimilée à une extermination.

Dans la planification idéologique le trait principal est le changement; non pas des moyens matériels, ce qui serait naturel, mais des principes, ce qui est démentiel. Au fil du temps, de même qu’ils ont changé le bonnet phrygien par le chapeau bourgeois, la Révolution pourra se présenter sans mitraillette, mais avec le scapulaire, comme l’a fait en son temps Fidel Castro. Une telle mise à jour sera le moyen séduisant qui permettra de dominer aussi la cité de Dieu. C’est ce que fait le modernisme dans le domaine politico-social, exaltant une libération humanitaire par l’Eglise qui, de la catharsis libératoire des peuples et du repentir de son passé, fera surgir une nouvelle lecture de la Parole divine et une nouvelle liturgie. C’est la ‘nouvelle conscience conciliaire”.

Jean-Paul II déclare ce projet irréversible - Il fait d'Ecclesiam suam le point de référence de sa propre encyclique, en déclarant que la «conscience contemporaine de l'Eglise» illuminée et soutenue par l'Esprit-Saint la rend inviolable.

“Si nous demandons quel est le rôle de cette conscience conciliaire contemporaine dans la foi du peuple chrétien, nous obtiendrons la réponse suivante: elle «est et doit rester la première source de l’amour de cette Eglise», et «cet amour» qui découle de la «conscience contemporaine de l’Eglise» (!) contribue à son tour «à consolider et à approfondir cette conscience». Ainsi cette «conscience contemporaine de l’Eglise», (qu’il déclare) produite, éclairée et soutenue par le Saint-Esprit, est donc le principe et la norme permanente de l'amour pour l’Eglise. En raison de son origine divine elle possède un caractère normatif absolu.

“Comment, pour le catholique, la «conscience contemporaine de l’Eglise» peut-elle être la source première et permanente de son amour pour l’Eglise? Cette source est pour lui tout simplement sa foi au Christ et à l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique qu'Il a fondée. Son amour pour l’Eglise ne provient pas d'une «conscience conciliaire», mais de la foi en cette vérité révélée, objective et indépendante de toute conscience, qui s'appelle l’Eglise” [... issue de Vatican II]. (Théo, p. 74)

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Comment une telle révolution cléricale est-elle possible ? Si le processus révolutionnaire vise à éradiquer l’idée de Dieu de la

société, comment pourrait-il contaminer le clergé? Ce n'est cependant pas une nouveauté dans l'Histoire que toutes les hérésies et les schismes sont issus précisément de personnes consacrées. Certes on objectera que ces hérésies et ces schismes cherchaient à éradiquer de la conscience, non pas l’idée de Dieu, mais celle de faute originelle. En vérité le paradigme de la rébellion et de la révolution est toujours la rapine d'un bien prohibé et impossible: la dignité absolue de l’homme, le "vous serez comme des dieux!” Or, les dieux peuvent-ils être assujettis au mal? Non, certainement pas. D'où, le renversement de l’origine du mal est le point de départ nécessaire de la nouvelle religion, où l’homme passe de l’état d’infracteur (Rm 3, 10; Ps 14, 1) à celui de victime. Et si la Révélation répète du début à la fin la gravité de l’incroyance volontaire la nouvelle religion va l’absoudre même à son défaut et indifférence.

La révolution par le modernisme conciliaire renverse les principes divins de la religion révélée et entreprend de séduire toutes les consciences, au titre même de l’autorité catholique. Alors en quoi est-ce une réalité obscure? Mais le fait est que l’autorité spirituelle qui retenait l’ennemi de l’homme (Ts 2, 2) n'est plus, et qu'une fois les pasteurs frappés, les brebis se dispersent.

La révolution conciliaire a un aspect terminal.

8 - ‘Populorum progressio’ : asservissement idéologique

L’analyse de cette encyclique de Paul VI a été faite et publié par l’Abbé

Georges de Nantes au n° 245 des Lettres à mes amis, d’avril 1967, un mois après la publication de la Lettre Populorum progressio (sigle Pp). L’analyse est représentée ici par un ample résumé, dont les abréviations, les titres et reliefs sont de notre rédaction.

“De son interprétation de la «nouvelle histoire», Paul VI nous assure

que la Résurrection du Christ est le signe prophétique.

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«La résurrection du Christ inaugure un ordre nouveau et universel! Une énergie nouvelle est infusée dans la création et une renaissance libératrice se prépare!... C'est le moment de présenter au monde notre humble et cordiale parole d'espérance non seulement religieuse mais sociale, non seulement spirituelle mais terrestre, non seulement pour ceux qui croient au Christ mais pour tous les hommes. A la lumière qui nous vient de la foi nous allons publier prochainement une encyclique sur le progrès des peuples, leur développement et les obligations résultant d'un programme que nul ne peut repousser aujourd'hui, d'équilibre économique, de dignité morale, de collaboration universelle entre toutes les nations». Paul VI, Pâques 1967.

«Le mythe du développement va agir comme un ferment purificateur et rénovateur de toutes les civilisations». P. Lebret, OP, ultima verba, 66.

“Une sorte de Marché commun des religions abaisserait les barrières dogmatiques et substituerait aux rivalités séculaires une généreuse émulation. Les discours au Concile ont quêté l'adhésion de l'opinion catholique à cette mutation de l'apostolat: désormais, «au-delà des divergences religieuses» (au roi de Suède, 16.3.67), tous les hommes de bonne volonté, chrétiens sans le savoir, se retrouveraient unis à nous au service du Monde dans un même culte de l'Homme.

“C’était la proclamation d'une nouvelle religion universelle en laquelle les autres s'agrégeraient, retrouvant vitalité, utilité et unité”.

C’était l’institution du MASDU, mouvement d’animation spirituelle de la démocratie universelle. La gérance des opposés par Paul VI est là:

“Un programme de démocratie populaire universelle, tout emprunté au progressisme chrétien français... «ce qui est très naturel sinon très réjouissant!» Inconséquence? Balancement? Contradiction? Ou plénitude nouvelle et synthèse supérieure?... il exalte tour à tour la Tradition de la Foi et le Progrès de la Révolution sociale”.

Le mondialisme montinien. “La Paix à instaurer dans le monde fut le premier objectif donné par Paul VI à cette collaboration nouvelle des religions. En travaillant à éliminer la guerre, elles aideraient l'humanité à dépasser toutes les divisions infantiles, tous les antagonismes scandaleux de races, de nations, de religions, pour former sous l'autorité mondiale de l'ONU une nouvelle société, construction politique et idéologique fondée sur la conscience humaine universelle. Le discours de Manhattan du 4 Octobre 1965 est la proclamation de ce grand dessein, humanitaire et déiste...”

“Populorum Progressio (Pp), de Pâques 1967, désigne sans attendre, le deuxième objectif de cette grande réforme humaniste et évangélique:

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le Développement. «La croissance des jeunes nations» est, en effet, un élément essentiel du «dessein de Dieu», «tout récemment perçu et revendiqué par la conscience universelle» (La Croix, édito. 29 mars). C'est l'étape moderne de «l’Histoire du Salut», révélée par «les signes des temps» interprétés «à la lumière de l’Evangile». Religions et idéologies doivent appliquer toutes leurs énergies spirituelles, d'un même effort, pour obliger l'opinion publique internationale à entrer dans cette lutte planétaire contre la faim et cette «construction d'un monde plus humain».

“Paul VI fait aujourd'hui pour la FAO et l'UNESCO ce qu'il faisait l'autre année pour l'ONU. «Expert en humanité», il prétend exercer une magistrature mondiale, fixant infailliblement les droits et les devoirs nouveaux des personnes et des Etats, déterminant tout l'idéal et le programme d'une réforme sociale universelle qui doit compléter la réforme politique décidée naguère, «pour le développement intégral de tout l'homme, de tous les hommes».

Pp “revêt l’apparence d'un acte du Magistère apostolique romain mais cette apparence est trompeuse”. On va voir qu’il est en contradiction avec le “Magistère ordinaire du Siège Apostolique selon la Révélation de Jésus-Christ, en matière de dogme et de morale, pour l'instruction des fidèles de l'Église universelle”. Or, “notre droit et notre devoir n'ont pas changé d'écouter St Pie X condamner en termes formels, dans la Lettre sur le Sillon du 25 Août 1910, comme des erreurs éternelles ce que Paul VI nous propose comme sa vérité d'aujourd'hui.”

“L'examen des 69 citations de cette encyclique, consacrée au progrès des peuples, ôterait d'ailleurs toute hésitation sur sa valeur catholique. Totalement ignorante, et pour cause! des Autorités de la Tradition, elle repose essentiellement sur les théories d'auteurs vivants dont elle cite les ouvrages et qui tous appartiennent à ces écoles françaises de sociologie et de théologie frappées par Pie XII. C'est l'indication d'une rupture, c’est la consécration d'une rébellion.”

“Sans doute 15 références se rapportent à l'Écriture Sainte, 1 aux Pères de l'Eglise, mais aucune aux grands scolastiques et moralistes ni à d'autres Conciles et à d'autres Papes que modernes; 1 à Pascal; 9 aux Papes Léon XIII, Pie XI, Pie XII [Saint Pie X est exclu de la liste des Papes sociaux; comme toujours par les modernistes]. En revanche 35 larges citations sont de Jean XXIII, de Paul VI et de Vatican II; et 8 des chefs de file contemporains du modernisme doctrinal et social. 4

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citations sur 69, donc, fondent toute la construction sur les Autorités d’un christianisme qui date de 1958. Etudions la valeur de ces citations:

la cassure est plus saisissante encore. L'Écriture Sainte est invoquée 15 fois mais de cette manière très, très libre à laquelle nous a habitués Paul VI. Souvent à titre ornemental, parfois en contresens, dans une extrapolation que rien ne signale ou même en flagrante transposition du spirituel au charnel, du mystique au politique! Le même traitement est infligé à St Ambroise, à Léon XIII, à Pie XII. Leurs enseignements sont arrachés au domaine où ils faisaient autorité, pour servir de sources apparentes à des affirmations tout à fait nouvelles. Cet apparat critique est donc tout en trompe-l'oeil. Au contraire, les renvois aux auteurs modernes sont pleinement justifiés. Ils témoignent d’une véritable tradition nouvelle qui, depuis les écoles de théologie et de sociologie tenues en suspicion avant 1962, passe par Jean XXIII et Vatican II, pour prendre figure d’orthodoxie dans les Lettres et Discours de Paul VI.

“L'analyse de la situation économique et sociale est due au dominicain Lebret, fondateur d'Économie et Humanisme, à l'Arbresle, dont la plus illustre parure fut le Père Desroches, autre dominicain, qui apostasiait en 1950 par fidélité à son marxisme militant. La théologie du travail, qu'on ose dire «créateur du monde surnaturel» (Pp 28)! est l'invention du Père Chenu, maître des Congar, Liégé et autres dominicains du Saulchoir, le «Prophète» du progressisme cryptocommuniste français. L'idée du développement harmonieux de l’humanité dans l’histoire est de Domenach, et de Mounier l'identification du mouvement de libération des peuples avec l’accomplissement de l’Evangile; L’union des hommes de bonne volonté dans ce but est entre autres, de Mandouze, tous trois progressistes.

La menace d'une ruine de la société bourgeoise comme d'un jugement de Dieu est du Père Montuclard, apostat de 1953, et de ses cahiers «Jeunesse de l’Église» qui prônaient (déjà) tout ce système de rénovation de l'Eglise, évangélique et socialiste. Et tous en appelaient à St Paul, comme Paul VI. La solution rêvée, d’un Humanisme nouveau, profane et pluraliste, est toute de Maritain, rééditant Lamennais et Sangnier. L’encyclique cite avec complaisance un discours de lui prononcé à l'UNESCO (cf. I.C.I., 15.5.66) qui avait retenu mon attention par son faux mysticisme proprement hérétique. Le Père de Lubac a droit lui aussi à une citation, sans doute comme chef de file de l'École de théologie de Fourvière, dispersée par Pie XII, l’avocat de Teilhard de

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Chardin et, avec Daniélou, Riquet et autres Jésuites, le grand promoteur de la réconciliation des religions dans une biblique fraternité. La citation du défunt Mgr Larrain disciple des mêmes et théoricien de la révolution sociale en Amérique Latine, apporte un renfort inouï à mgr Helder Camara.”

Ce n'est pas le monde qui a changé depuis 1960, mais le pouvoir du prophétisme moderniste. “En 1960, le P. Fessard, leur vieux compagnon de route à ‘Témoignage Chrétien’, mit en évidence l'erreur marxiste fondamentale de tous ces «sages» que nous retrouvons aujourd'hui à l'origine de l'Encyclique, dans son livre décisif «De l’actualité historique» (t. II, Desclée). Il y expliquait pourquoi les plus logiques d'entre eux et les prêtres ouvriers leurs dupes apostasiaient alors en série, préférant le réel apparent des solutions communistes à l'apparente réalité du progressisme demeuré chrétien. Malgré la conjuration du silence faite sur lui, ce livre demeure et réfute tout le prophétisme de Pp comme d’un évangélisme bâti en porte-à-faux sur une vision marxiste de la lutte des classes.”

3. Les peuples de la faim interpellent aujourd'hui de façon dramatique les peuples de l’opulence. L'Eglise tressaille devant ce cri d'angoisse et appelle chacun à répondre avec amour à l’appel de son frère. 4... les très graves difficultés qui assaillent les peuples d‘antique civilisation aux prises avec le problème du développement, se fait devant l'assemblée des peuples neufs ‘l'avocat des peuples pauvres’.

“Une analyse marxiste-léniniste de la situation sociale mondiale. La faim qui accable, dit-on, les deux-tiers de l'humanité, malgré la prospérité de l'Occident, forme la trame voyante de l'Encyclique, mais sa chaîne moins visible est la lutte des classes étendue au monde entier”.

“Conjurer les nations de faire la paix entre elles, appeler au secours des affamés ceux qui ne manquent de rien et tendre la main pour eux relève pleinement du ministère sacré de l'Église. S'autorisant de l’Evangile (n°s 21, 48, 52? 54! 61, 62), la Lettre parle au Nom du Seigneur et réveille en toute conscience le sens d'une solidarité humaine fondamentale, et mieux, le mouvement d'une vraie charité surnaturelle. Mais plaider pour la paix exige d'abord de ne pas prendre le parti de l'agresseur, et de même implorer pour les pauvres impose de ne pas les exciter au même moment à la révolte...

“Un sermon de charité qui prend les allures d'un ultimatum. Le ton de cette encyclique n'a en effet rien d’évangélique. Jésus pouvait clamer son ‘Malheur aux riches’ parce qu'il avait d'abord exalté la pauvreté des humbles, non leur révolte. Il ne disait pas: Allez les

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misérables! Gare à vous, les nantis! mais «Heureux les pauvres». Aux uns et aux autres, Seigneur Pacifique, il montrait le Ciel comme le seul objet de leur crainte et de leur espérance. Dans l'Esprit de son Fondateur, l'Église s'était bien gardée jusqu'à ce jour, à la différence des hérésiarques, d'associer comme fait l'Encyclique «le jugement de Dieu et la colère des pauvres aux imprévisibles conséquences» (49). Rappelant aux possédants leur devoir, elle ne voulait à aucun prix exciter, ce faisant, la révolte des indigents. Elle se gardait d'assortir son enseignement de charité de la trop claire menace d'un châtiment immédiat, comme on lit ici avec une sorte d'horreur: ‘Que les riches du moins sachent que les pauvres sont à leur porte et guettent les reliefs de leurs festins’. (chantage dix fois répété (11, 44, 49, 53, 55, 57, 73, 76, 80, 83).

“Ce ‘la bourse ou la vie’ nous rappelle l'autre avertissement sinistre «la valise ou le cercueil» et, comme lui, annonce des torrents de sang innocent. On dira que Paul VI ne va pas jusqu'à louer la révolte des pauvres ni excuser leurs violences, qu'il déconseille même fortement le terrorisme. Certes! Il se contente de signaler à l'attention des peuples riches leur exaspération et leur probable et prochaine insurrection. Mais, en l’annonçant, il y aide! comme l'affiche qui s'étale en ce moment sur nos murs, d'une foule squelettique sur fond noir de peste et rougeoyant d'incendie, avec la légende: «Menace sur le monde, la colère de la faim». Ne pas réprouver également la révolte des pauvres et l'égoïsme des riches n'est ni évangélique ni humain.

«Le développement est le nouveau nom de la paix»? “Rien de moins sûr, loin de là! En enflant la voix de cette menace qui plane sur la race blanche d’un soulèvement général des peuples de couleur, Paul VI court le risque de tarir un effort altruiste qui se décourage en maints endroits: «A quoi bon nourrir et industrialiser ces peuples si déjà ils cherchent des armes pour lutter contre nous et s'enfièvrent de pensées révolutionnaires?» ··· De cette prédication menaçante je crains que les peuples pauvres soient finalement les seules victimes!”

Un ton injuste et trompeur. “L’Encyclique impose progressivement la conviction que les peuples riches sont les responsables principaux, uniques même, de la «misère imméritée» (9, 67) des peuples pauvres. Elle considère, «en ce tournant décisif de l'histoire de l'humanité» (1), que «la question sociale est devenue mondiale» (3). La même oppression, dénoncée par Léon XIII dans le contrat de travail en pays capitaliste-libéral de l'époque, serait maintenant celle de l'Occident tout

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entier vis-à-vis des autres peuples prolétarisés! Il les aurait injustement dépouillés du nécessaire, jetés dans les affres de la faim et empêchés de vivre indépendants!”

Est-ce que «le progrès des uns» est «un obstacle au développement des autres» (44)? Pp le suppose démontré. “Alors que le contraire est évident. Il est trop clair que les peuples de couleur ne nous donnent tant de tablature depuis vingt ans qu’en raison de leur accession trop rapide au bien-être, à la puissance, aux grandeurs de notre civilisation. Eriger les défauts de l'oeuvre en crime constant, en injustice systématique, est fort éloigné de l'esprit évangélique et de la doctrine sociale de l'Eglise, mais rejoint les appels à la guerre sainte qui s'élèvent un peu partout et le zèle communiste à dénoncer comme des tares essentielles les « contradictions internes de la société capitaliste»...”.

“L'a priori fondamental d’une guerre sociale mondiale. A travers le P. Lebret, l'analyse économique est ici tributaire de la dialectique du Maître et de l’Esclave de Hegel, de la théorie de la lutte des classes de Marx, transformée en antagonismes raciaux des luttes coloniales par Lénine. La situation où Paul VI voit le monde est celle d'une absolue contradiction d'intérêts entre deux catégories de peuples. C'est exactement du matérialisme dialectique. Sans doute dissuade-t-il les opprimés de s'engager -sauf exceptions(31)- dans les voies de la révolution violente et totalitaire (11, 30), mais il n'en prône pas moins des transformations audacieuses, profondément novatrices, réformes urgentes, nécessaires, indispensables (32, 81) pour briser la maudite sujétion du tiers-monde aux peuples d'Occident”.

Du marxisme,... ou de la démagogie? “Déjà ils ont conquis l’indépendance politique (6), qui paraît ici plus précieuse que le pain! Depuis Pacem in terris, l'Église ose se flatter de les y avoir encouragés et aidés. Ils aspirent maintenant au bien-être, à l'autonomie économique, à la promotion culturelle. Tout cela doit leur être donné «avant qu’il ne soit trop tard» (53), ou bien ils l'arracheront à leurs oppresseurs”.

“L'Occident capitaliste a beaucoup péché, certes! «II faut reconnaître que les puissances colonisatrices ont souvent poursuivi leur intérêt, leur puissance ou leur gloire» (7). Elles ont laissé de leur domination trop d'«amertumes» (52), et «beaucoup de rancoeurs à la suite de réelles injustices» (63). La brutalité d'un «certain capitalisme» a provoqué «trop de souffrances, d'injustices et de luttes fratricides aux effets encore durables» (26).

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La loi d'airain du libre échange a écrasé les peuples sous-développés (58); les fluctuations, les effondrements du cours mondial des produits agricoles et des matières premières les ont acculés à la faillite (57). La liste est longue des «méfaits d’un certain colonialisme» (7). Il est de fait que la loi de la jungle, individualiste, matérialiste, a prévalu en Occident quand la Révolution de 1789, anarchique et antichrétienne, eut brisé les fortes autorités politiques et religieuses capables de la juguler. De tels désordres, et bien d'autres, pouvaient être rappelés ici et donner lieu à une étude des lois morales à rétablir, des systèmes sociaux protecteurs à restaurer ou à fonder”.

L’alibi des abus “d'«un certain colonialisme» et d'«un certain capitalisme» sert ici d'argument à la condamnation de tout l'ordre actuel. Pas un instant Paul VI ne signale que les administrations coloniales apportèrent de notables atténuations à ces violences, à cette hégémonie dominatrice (52), à cet impérialisme international de l'argent (26). Pas davantage il ne mentionne l'ambition de «l'exercice du pouvoir» et la soif d'une égale «jouissance des biens» (9) qui, en nous chassant, ont privé les peuples autochtones de toute institution protectrice”. La décolonisation louée a considérablement aggravé les mêmes maux qu’elle a dénoncé!

Le coup de grâce porté à l'œuvre des missions. “Pas plus que la colonisation, la Mission ne paraît ici une institution civilisatrice adaptée pour la solution des difficultés mondiales actuelles. S'il salue en passant les efforts des missionnaires, «pionniers du progrès matériel comme de l'essor culturel», Paul VI leur reproche d'avoir mêlé à leur œuvre «trop de manières de penser et de vivre de leur pays d'origine» (12)...

Et s'ils ont «souvent protégé les indigènes de la cupidité des étrangers», de toutes façons de telles «initiatives locales et individuelles ne suffisent plus».

Paul VI écarte l’ordre ancien... et les missions... “colonisation et missions sont de toute évidence pour Paul VI, comme pour les socialistes de toutes obédiences, des systèmes radicalement insuffisants, eux-mêmes entachés de capitalisme, de racisme et de nationalisme, donc dépassés”. Il a Son programme... “en vue de «l'action d'ensemble que la situation présente du monde exige» (13). D’ici-là, le Tiers-Monde est abandonné chaque jour davantage aux excès d'un capitalisme sans frein, à la régression de l'anarchie démocratique, au malheur d'un autre colonialisme missionnaire, affameur et dégradant, celui du communisme mondial”.

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L’Occident est-il le principal responsable de la misère mondiale? “Pp ne connaît pas d'autre cause au sous-développement des peuples que les abus du capitalisme.[…] Pourquoi taire les vices des autochtones, pires que ceux des colonisateurs: la polygamie, l’anthropophagie, les cent visages de la barbarie! Il eût été important de souligner l'influence désastreuse des fausses religions, les systèmes arriérés des lois et des moeurs, les luttes tribales, le servage, la traite. Pourquoi taire les extrêmes difficultés de nature et les méfaits de la sauvagerie indigène?”

“Paul VI a choisi de mettre en accusation le capitalisme, afin d'imposer au monde le plan grandiose d'une organisation internationale nouvelle qui ne sera ni traditionnelle ni hiérarchique, ni occidentale ni catholique, mais démocratique et socialiste... Solve et coagula.” Il ignore entièrement “le bienfait définitif de la Rome Impériale et Catholique antérieur au capitalisme mercantile et qui lui survivra, ce bienfait qu'apportèrent aux barbares nos soldats, nos colons et nos missionnaires, heureusement associés: l'Ordre des Lois et la Vérité de la Foi.

Devant ces deux principes de civilisation, les injustices et les méfaits d'un certain colonialisme ne comptent pour rien”.

“Deux silences qui sont une trahison. L’Empire communiste est totalement absent de cette analyse de la situation mondiale. Alors que les mécanismes de l’économie occidentale sont démontés pour en faire apparaître les défauts et les vices, la constante faillite du collectivisme, aggravant la faim et la misère des peuples, n'est jamais signalée. Alors que les sujétions de l’ordre politique colonial sont formulées en termes d’oppressions insupportables, les tares essentielles du système socialiste et sa destruction de toutes les libertés humaines ne sont signalées qu'en passant (31, 39). Bien plus, ce socialisme étatique et révolutionnaire est partout suggéré, plutôt que mentionné, comme la solution radicale et la grande tentation des peuples opprimés de se libérer de l’emprise capitaliste et de sortir une bonne fois de l'ornière du sous-développement! Mais Paul VI ignore le fait communiste, cet impérialisme, pillard trafiquant d’armes et propagandiste de haine [...] Il cache au Tiers-Monde, impuissant... le joug terrible de la barbarie communiste où il tombera inéluctablement”.

Paul VI excite les peuples “à revendiquer pain, paix, liberté, justice, fraternité, mais il n'a aucun pouvoir de les protéger du grand

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impérialisme sino-russe qui ne leur donnera que l'esclavage, la famine et la guerre! On reconnaît ici où conduit la sociologie du P. Lebret, son anticapitalisme passionnel, sa manie socialisante: au service actif du communisme mondial! Le miracle chrétien, catholique, est lui aussi oublié. Cette sociologie classe les religions, quelles qu'elles soient, parmi les...

40. institutions culturelles, les manifestations supérieures de civilisation: artistiques, intellectuelles et religieuses.

41. Les peuples pauvres ne seront jamais trop en garde contre cette tentation qui leur vient des peuples riches.

“D’un côté le «progrès» qui vient de l'Occident et auquel on ne peut renoncer, mais de l'autre «les institutions et croyances ancestrales» qu'il faut garder (10). Paul VI loue indistinctement «les valeurs spirituelles qui se rencontrent souvent, comme un précieux patrimoine, dans les civilisations» (68), «civilisations reçues des ancêtres, que possède chaque pays» (40).

Pas un mot ne blâme “tant de formes aberrantes de religions et de mœurs, premières responsables du malheur terrestre (et éternel) des hommes! A lire l'Encyclique, on penserait que toutes les religions se valent et que toutes les civilisations sont également vénérables, aux seuls titres de leur antiquité et de leur génie propre. Un même conflit les oppose toutes de la même manière au progrès technico-social, comme les cadres anciens et les vieilles outres au vin nouveau d'un nouvel humanisme.

C'est du Lamennais! Le «monde nouveau à construire» n'exclut aucune religion (47). Tous les «hommes de bonne volonté» sont appelés à le créer de toutes pièces, chacun selon sa foi ou son athéisme, sans qu'on puisse déceler dans le langage de l'Encyclique la moindre différence de valeur et d’efficacité entre les uns et les autres du fait de leurs croyances (81-86)!”

Pas un mot de “préférence pour le patrimoine catholique, à exalter la valeur de la civilisation chrétienne, à rapporter enfin au seul Jésus-Christ et à son Eglise l'extraordinaire avance philosophique, politique, scientifique, et par suite économique de l'Occident sur tous les peuples de l'univers! Ni conforme au génie latin, ni explicitement catholique, cette analyse de la situation sociale mondiale, empruntée par Paul VI à l'école progressiste française, est: matérialiste, par son absence totale de mesure des réalités politiques; dialectique, par sa préoccupation exclusive d'opposer les aspirations des peuples indigènes aux forces

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d'oppression capitalistes; athée, par sa réduction moderniste du fait religieux à de simples superstructures héritées du passé; antichrétienne, par la trop évidente dépréciation du miracle chrétien et de la puissance civilisatrice incomparable de l'Église dans le monde. Sur une telle analyse, comment pourra-t-on édifier un autre programme de salut que celui de la Révolution Communiste?”

«Une vision globale de l'homme et de l'humanité». La thèse, c'est la société capitaliste coloniale. L'antithèse, d’hier et d'aujourd'hui, c'est le Tiers-Monde qui a déjà conquis son indépendance politique et aspire à l'autonomie totale de la possession et de la gérance des biens de la terre. Ici avarice et là immenses appétits. Que sera la synthèse? Paul VI la connaît d'avance. Il l'a lue dans l’Evangile:

13. l’Église, experte en humanité,... doit scruter les signes des temps et les interpréter à la lumière de l’Evangile. Communiant aux meilleures aspirations des hommes et souffrant de les voir insatisfaites, elle désire les aider à atteindre leur plein épanouissement et c'est pourquoi elle leur propose ce qu'elle possède en propre: une vision globale de l'homme et de l'humanité.

“Jamais jusqu'ici l'Église n'avait émis une telle prétention. Dans un «cléricalisme» modéré et légitime, elle enseignait les dogmes de la Vie éternelle et, pour les affaires temporelles, les lois de sa divine morale. Mais elle ne prétendait pas connaître d'avance le cours de l’histoire ni assurer aux hommes leur épanouissement terrestre.”

Si l'analyse marxiste de la crise mondiale est le point de départ pour la synthèse d'un nouveau christianisme, capable de combler toutes les aspirations des hommes, au delà et mieux que le communisme, cette synthèse passe par le communisme et va “concurrencer le Communisme dans ses prétentions les plus excessives, touchant l'avenir de l'humanité et la résolution de ses luttes historiques dans «la société sans classes». Domenach écrivait en 1959: «Au-delà du stalinisme, le communisme garde quelque chose de créateur: l'idée hégélienne que le socialisme est une construction rationnelle qui doit servir à la totalité des hommes et qui vise à l'égalisation des hommes... C'est le développement d'un ensemble mondial dont le sens actuel (quels que soient les crimes commis) est le développement technique harmonieux d’une totalité» (Express, 30.4.59).

En face des désordres, contradictions et méfaits de la société capitaliste (et religieuse), le Communisme se prétend un humanisme intégral, développement scientifique des possibilités humaines. C'est cela même que Paul VI annonce comme «le propre» de la vision chrétienne: l'avènement d’un «humanisme nouveau et plénier, le

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développement intégral de l'homme et de tous les hommes» sont à chercher dans la direction qu'il indique et non ailleurs.

42. «Pour un développement intégral de l'homme». 6. Etre affranchis de la misère, trouver plus sûrement leur subsistance, la santé, un emploi stable, participer davantage aux responsabilités, hors de toute oppression, à l'abri des situations qui offusquent leur dignité d'hommes, être plus instruits; en un mot, faire, connaître, et avoir plus, pour être plus, telle est l'aspiration des hommes d'aujourd'hui», et «ce désir est légitime». Bien plus «cette croissance humaine constitue un résumé de nos devoirs». 15. «Dans le dessein de Dieu chaque homme est appelé à se développer, car toute vie est vocation» (?). Oui, «le Créateur propose à chacun une destinée», laquelle consiste en ceci: «grandir en humanité, valoir plus, être plus», aussi chacun est-il «responsable de sa croissance («comme de son salut»)... et l’artisan principal de sa réussite ou de son échec.

“Nouvelle «vision globale de l'homme», qui concilie, on le voit, l'utile et l'agréable, le devoir avec la volupté. Il ne s'agit plus de conversion, de renoncement, de combat spirituel, mais de «croissance personnelle et communautaire», d'abord dans «l'avoir» et puis dans «l'être». Plus de sacrifices ni de croix, mais une «harmonie de nature enrichie par l'effort personnel et responsable» (16). Les contradictions de l'homme déchiré selon St Paul vont disparaître dans l'homme nouveau selon Paul VI. D’abord, acquérir le nécessaire par son travail. Mais en évitant toute avarice ou toute cupidité qui enferment dans «un matérialisme étouffant», sorte de «sous-développement moral» (17).

“Progresser dans «l'échelle des valeurs», par l'acquisition des biens de la science et de la culture, le sens de la dignité humaine et l'esprit de pauvreté, la coopération au bien commun, la volonté de paix (21). Bref, «assumer les valeurs supérieures d'amour, d’amitié, de prière et de contemplation» (20). Le dernier luxe, le couronnement de cet enrichissement harmonieux de la personne, sera de «reconnaître les valeurs suprêmes, et Dieu qui en est la source et le terme» (20), ou équivalemment, accueillir la foi et entrer dans la charité du Christ (21). L'homme s'enrichit, se perfectionne, en tous biens matériels et spirituels, heureux enfin de se dépasser:

Par son insertion dans le Christ, l'homme accède à un épanouissement nouveau, à un humanisme transcendant qui lui donne sa plus grande plénitude: telle est la finalité suprême du développement personnel.

Les étapes de ce développement matériel, social et culturel donné pour programme à tous les hommes (34-42) sera fixé par Paul VI. “On y trouve fortement souligné l'élément politique d'émancipation démocratique. Le progrès social doit engrener sur l'enrichissement. Le développement économique et technique:

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34. Car tout programme, fait pour augmenter la production, n'a en définitive de raison qu’au service de la personne. Il est là pour réduire les inégalités, combattre les discriminations, libérer l'homme de ses servitudes, le rendre capable d'être lui-même l’agent responsable de son mieux-être matériel, de son progrès moral, de son épanouissement spirituel. [...Car] l'homme n’est vraiment homme que dans la mesure où, maître de ses actions et juge de leur valeur, il est lui-même auteur de son progrès, en conformité avec la nature que lui a donnée son Créateur et dont il assume librement les possibilités et les exigences. “Tel est bien «le Culte de l'homme» proclamé par Paul VI au

Concile! […] «le développement de tout homme et de tous les hommes» (42). Tout doit concourir à son bien-être, à sa pleine indépendance, enfin à son ouverture spirituelle. Alphabétisation, assouplissement des cadres sociaux étouffants, maîtrise de la natalité, pluralisme doctrinal des associations professionnelles, promotion de la culture capitale pour «la réussite du développement» conservation des valeurs spirituelles au même moment où s'accroît la prospérité matérielle. […]

Ici encore, la religion apparaît au sommet de l'œuvre d'auto-déification de l'homme. Voici en quels termes, dont l'obscurité décourage tout commentaire:

42. Vers un «humanisme plénier qu'il faut promouvoir». Un humanisme clos, fermé aux valeurs de l'esprit et à Dieu qui en est la source, pourrait apparemment triompher. Certes l'homme peur organiser la terre sans Dieu, mais sans Dieu il ne peut en fin de compte que l'organiser contre l'homme. L'humanisme exclusif est un humanisme inhumain [sic! cit. de Lubac]. Il n'est donc [!] d'humanisme vrai qu'ouvert à l'Absolu, dans la reconnaissance d’une vocation, qui donne l'idée vraie de la vie humaine. Loin d'être la norme dernière des valeurs, l'homme ne se réalise lui-même qu'en se dépassant. Selon le mot si juste de Pascal: l'homme passe infiniment l'homme.

“Telle est cette fameuse «vision globale de l'homme» que nous avons «en propre», - quoiqu'elle n'ait rien de spécifiquement chrétien -, et que Paul VI révèle aujourd'hui comme la solution définitive de tous les conflits et de tous les échecs de nos vies humaines: enrichissez-vous, émancipez-vous, prémunissez-vous contre une encombrante natalité, cultivez les sciences, les arts, la sagesse.

Enfin ouvrez-vous aux valeurs spirituelles et à Dieu en sorte de vous surpasser. Telle est votre «vocation» d'homme, et votre droit, au service desquels se rangent la société, et l'Église, et Dieu même!”

“Pour un développement solidaire de l'humanité.

Des aspirations similaires soulèvent (6) ... les peuples parvenus depuis peu à l'indépendance nationale. Ils éprouvent la nécessité d'ajouter à cette liberté politique une croissance autonome et digne, sociale non moins qu'économique, enfin

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d'assurer à leurs citoyens leur plein épanouissement humain et de prendre la place qui leur revient dons le concert des nations.

L'Eglise encourage cette promotion des peuples car sa «vision globale de l'humanité» lui révèle le progrès continu qui, de civilisation en civilisation, porte la famille humaine vers son «développement plénier»:

17. Comme les vagues à marée montante pénètrent chacune un peu plus avant sur la grève, ainsi l'humanité avance sur le chemin de l'histoire.

Le mythe du développement soulevé d'un coeur nouveau: “Toute la famille humaine va prendre le chemin de la conciliation et non plus de la contestation et de la guerre, réalisant ainsi:

«dès ici-bas le royaume des cieux». «Combattre la misère et lutter contre l'injustice, c'est promouvoir, avec le mieux-être, le progrès humain et spirituel de tous, et donc le bien commun de l'humanité» (76). C'est, en effet, «l'ordre voulu de Dieu» que «règne une justice plus parfaite entre les hommes». Le monde était «malade», malade d'un «manque de fraternité entre les hommes et les peuples» (66).

“Le secret de la VISION de Paul VI: dans l'oeuvre du développement matériel à laquelle tous les peuples vont prendre part, l'homme, qui était un loup pour l'homme, lui sera désormais un frère:

42... L'homme doit rencontrer l'homme, les nations doivent se rencontrer comme des frères et sœurs, comme les enfants de Dieu. Dans cette compréhension et cette amitié mutuelles, dans cette communion sacrée (?), nous devons également commencer à oeuvrer ensemble pour édifier l’avenir commun de l'humanité [et, par une meilleure répartition des richesses], réaliser ainsi une véritable communion entre toutes les nations.

“Telle est la solution miracle aux déchirements de l'humanité depuis l'âge de Caïn et d’Abel. Au nom de la «fraternité humaine et surnaturelle», que les peuples riches obéissent dès maintenant à leurs devoirs de solidarité, de justice, de charité universelle, et ce sera:

44...la promotion d'un monde plus humain pour tous, où tous auront à donner et à recevoir, sans que le progrès des uns soit un obstacle au développement des autres. 47. Il s’agit de construire un monde où tout homme, sans exception de race, de religion, de nationalité, puisse vivre une vie pleinement humaine, affranchie des servitudes qui lui viennent des hommes et d’une nature insuffisamment maîtrisée; un monde où la liberté ne soit pas un vain mot et où le pauvre Lazare puisse s'asseoir à la même table que le riche. Cela demande à ce dernier beaucoup de générosité, de nombreux sacrifices et un effort sans relâche. “Un tel programme...”

“Merveille! le temps du colonialisme mercantile ne sera plus, où les uns gagnaient ce qu'ils arrachaient aux autres, mais en perdant leur valeur spirituelle. Paul VI renverse ce système et voilà qu'en donnant de leurs richesses, les riches combleront les pauvres de biens matériels mais s'enrichiront ainsi de trésors spirituels. Un tel programme: ‘dépasse les perspectives de la croissance économique et du progrès social: il donne sens et valeur à l'œuvre à réaliser. En aménageant le monde, il valorise l'homme’ (50).

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L'avènement d'une société évangélique mondiale, de liberté, d’égalité et de fraternité: “Le tableau qu'on nous faisait précédemment ne laissait guère augurer de la part des pays capitalistes oppresseurs, cette belle, cette héroïque générosité qu'on attend d'eux maintenant. Les riches seront donc assujettis aux pauvres, selon l'interprétation révolutionnaire du Magnificat, mais ce sera dans l’Amour...

65. Car c'est là qu'il faut en venir. La solidarité mondiale, toujours plus efficiente, doit permettre à tous les peuples de devenir eux-mêmes les artisans de leur destin. Le passé a été trop souvent marqué par des rapports de force entre nations: vienne le jour où les relations internationales seront marquées au coin du respect mutuel et de l'amitié, de l'interdépendance dans la collaboration, et de la promotion commune sous h responsabilité de chacun. Les peuples plus jeunes ou plus faibles demandent leur part active dans la construction d'un monde meilleur, plus respectueux des droits et de la vocation de chacun. Cet appel est légitime: à chacun de l'entendre et d'y répondre.

“La nouvelle Terre Promise vers laquelle Paul VI guide l'humanité. Cette sainte démocratie internationale doit exercer sur les peuples la même fascination, jouer dans leur conscience collective le même rôle, qu'exerçait autrefois dans la pensée chrétienne le Paradis promis, et de nos jours, dans l'idéologie marxiste, le mythe prolétarien de la «Société sans classes». Conquis par ces sublimes perspectives, tous...

82. Nous en sommes sûr, voudront amplifier leur effort commun et concerté en vue d'aider le monde à triompher de l'égoïsme, de l'orgueil et des rivalités, à surmonter les ambitions et les injustices, à ouvrir à tous les voies d’une vie plus humaine où chacun soit aimé et aidé comme son prochain son frère. 85...vie plus fraternelle dans une communauté humaine vraiment universelle.

Cet «Humanisme Nouveau» est donc aussi une sotériologie, c'est-à-dire une mystique de rédemption du monde par lui-même, triomphant enfin aujourd’hui de tous ses ennemis pour ressusciter à une vie nouvelle, libéré de toute tare, de tout péché, de toute injustice...

“Mais qu’il s’agisse du Ciel, du Paradis d'Allah promis aux musulmans, de la Société sans classes annoncée au communistes ou de ce «Monde meilleur» qui miroite de tous ses feux dans les visions de Paul VI, la difficulté est toujours la même: avant d'avoir vu, il faut croire et puiser dans cette foi une espérance assez ferme pour tout sacrifier d'abord de ses intérêts immédiats, afin d'entrer en possession des biens promis. Aux riches, aux peuples capitalistes (et oppresseurs), qu’il sait pourtant réalistes, Paul VI demande de modifier toutes leurs manières d'agir et jusqu'aux principes fondamentaux de leur prospérité, comme s'ils étaient assurés, dès maintenant, d'une conversion universelle sans laquelle leur générosité tournerait en lamentable fiasco. Pour consentir à désarmer, il faut être sûr que l'adversaire ne profitera pas d'une si bonne

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occasion et que lui aussi jettera ses armes sans arrière-pensée. Pour concourir au développement des autres peuples, il faut être sûr que tous feront désormais passer la générosité et l'entraide avant leurs intérêts privés et leurs ambitions”.

79. Certains estimeront utopiques de telles espérances. Il se pourrait que leur réalisme fût en défaut et qu'ils n'aient pas perçu le dynamisme d'un monde qui veut vivre plus fraternellement et qui, malgré ses ignorances, ses erreurs, ses péchés même, ses rechutes en barbarie et ses longues divagations hors de la voie du salut, se rapproche lentement, même sans s'en rendre compte, de son Créateur. Cette voie vers plus d’humanité demande efforts et sacrifices, mais la souffrance même, acceptée par amour pour nos frères, est porteuse de progrès pour toute la famille humaine.

L’Encyclique demande à tous d'avoir foi en tous. L’utopisme annoncé de Paul VI, “ce programme ambitieux qu'il propose à l'humanité ressemble trop au «Messianisme prometteur et bâtisseur d'illusions» qu'il dénonçait un peu plus haut dans les idéologies totalitaires contemporaines (11), pour qu'économistes et hommes d'État ne le mettent en doute. […] Et surtout, elle fonde cette foi nouvelle en une humanité nouvelle, cette foi en la mutation soudaine et simultanée de la société humaine [...], la plus grande mutation que puisse jamais accomplir l’humanité”. A la parole d'un seul, il faut se lancer dans le vide.

Il y a là une mise à l'épreuve de la Papauté, une sorte de défi prodigieux à la nature des choses et à la condition humaine... “Non comme Vicaire de Jésus-Christ, - lequel n'a jamais annoncé rien de tel, au contraire! - mais comme «expert en humanité», Jean-Baptiste Montini voit ce que nous ne voyons pas, ce que tout ce que nous voyons contredit: actuellement, dans le monde, une force de régénération universelle, plus puissante que tout, mieux enracinée que la loi de nature et que le péché originel, capable d’opérer dans le sacrifice et la générosité de tous, une transfiguration décisive de la société temporelle.”

L’Internationale qui promet de changer le genre humain, avec un projet de substitution de l'ordre ancien. “Car nous allons le voir, pour accéder à ces Iles fortunées, Paul VI entend nous contraindre d’abord à la plus grande révolution de tous les temps: La vision trompeuse, selon la parole de Saint Pie X ... «convoie le socialisme, l'oeil fixe sur une chimère», (Lettre sur le Sillon, n° 38). “Cette chimère d'un paradis sur terre obtenu par révolution, dont Pie XI disait, il y a juste trente ans,

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qu'elle «a pour moteur une contrefaçon de la rédemption des humbles». Et ce qu'il en ajoutait, visant les communistes, ne vaut-il pas également du rêve paulinien: «une idée fausse de justice, d'égalité, de nécessaire et universelle fraternité dans le travail, imprègne d'une mystique feinte leurs pensées et leurs efforts, a tel point qu'elle enflamme violemment, comme par une passion contagieuse, les foules qu'attire le mensonge des promesses» (DR). la vision de Paul VI attire les flammes de cet incendie qui dévore notre planète. c'est Lamennais le visionnaire sur le trône de Saint Pierre.

“L'établissement d'un socialisme mondial, vécu dans l'amour fraternel. «L'heure de l'action a maintenant sonné», déclare Paul VI (80). «L'ampleur du drame, l'urgence de l'oeuvre à accomplir» exigent l'engagement solidaire de tous les hommes, de tous les peuples. Comme déjà pour la paix le Discours à l'ONU, l'Encyclique est le coup d'envoi, l'ouverture de cette oeuvre grandiose du développement. [... Paul VI] précise avec autorité, jusque dans l'ordre économique et politique, les mécanismes défectueux qu'il faudra modifier, les remèdes obligatoires aux maux dont souffre la société, enfin tout le programme de rénovation de l'ordre temporel, à restaurer sur de nouvelles bases.

“Programme politique s'il en fut jamais, son obligation est-elle d'essence ecclésiastique? Paul VI affirme sans doute que l'Eglise n'a pas à «s'immiscer dans la politique des Etats»; avec Léon XIII, il rappelle la distinction des deux pouvoirs, ecclésiastique et civil, souverains chacun en son ordre (13). C'est pour contredire aussitôt cette affirmation, de manière étourdissante: «MAIS, vivant dans l'histoire, l'Église doit... scruter les signes des temps et les interpréter à la lumière de l’Evangile» (13, Eglise et Monde), ailleurs il dira: «... à la lumière qui nous vient de la foi», et voilà la justification d'une politique théocratique! A un autre moment il récuse, de manière radicale, l'autorité et la compétence de la hiérarchie ecclésiastique en de telles matières, pour la reconnaître de plein droit aux laïcs [enseignement du Vatican II] (Admirez le postulat révolutionnaire: non la conservation mais le renouvellement de l'ordre temporel. Nous sommes aux antipodes de Saint Pie X!):

81... les laïcs doivent assumer comme leur tâche propre le renouvellement de l'ordre temporel. Si le rôle de la Hiérarchie est d'enseigner et d'interpréter authentiquement les principes moraux à suivre en ce domaine, il leur appartient, par leurs libres initiatives et sans attendre passivement consignes et directives, de pénétrer d'esprit chrétien, la mentalité et les moeurs, les lois et les structures de leur communauté de vie. Des changements sont nécessaires, des réformes profondes, indispensables: ils doivent s'employer résolument à leur insuffler l'esprit évangélique.[…] d’être au

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premier rang de ceux qui travaillent à établir dans les faits une morale internationale de justice et d’équité.

L’animation spirituelle. Après quatre ans de Concile et plusieurs actes relatifs à cette fermentation révolutionnaire évangélique confiée au laïcat, on ne sait pas encore en quoi consiste cette activité qui se loge, en cheville, entre la fonction souveraine des pouvoirs politiques et la fonction moralisatrice du Magistère ecclésiastique. Or, nouvelle contradiction, c'est précisément la fonction bâtarde d'«ANIMATION SPIRITUELLE», réservée aux laïcs et déniée aux Episcopats conservateurs qui prétendraient la contrôler. Les commissions «Justice et Paix» vont en être, par toute la terre, les «vigoureux Comités de vigilance» (Perroux, La Croix 18/4).

Une question d'autorité: “J. B. Montini parle à ses frères les hommes comme «expert en humanité» et prophète des «desseins de Dieu». Il entend les conduire infailliblement, d'une infaillibilité qui lui est toute personnelle, vers une société sans distinction de classes et de nations, de races et de religions, par les voies conjuguées du socialisme totalitaire et de la fraternité humaine retrouvée. “Un expert le dit avec enthousiasme: «L'encyclique est exigeante à un

degré qui échappe au lecteur superficiel: elle l'est par ce qu'elle dit explicitement, davantage encore par ce qu'elle implique» (François Perroux, L'Encyclique de la Résurrection et les abus du pouvoir des superbes, La Croix 22 Avril). Considérant avec une cruelle lucidité les impuissances congénitales de «cette espèce d'être collectif, cancéreux et délirant, qu'est la société des hommes»(!), il se demande qui pourra réaliser le miracle de l'amour escompté par Paul VI, et en s'appuyant sur quoi: «Mais celui qui a souci de l'incarnation du message, sur quelles forces va-t-il miser?»

“L'explicite de la Pp, c'est l'appel à la fraternité universelle, à la générosité, aux sacrifices. […] L'implicite, suggéré plus qu'affirmé, c’est l'appel à la Puissance qui doit assurer CETTE NUIT DU 4 AOUT MONDIALE: non plus les autorités politiques traditionnelles, pas davantage la violence communiste mais en chaque nation, un Etat technocrate et démocratique, et, les coiffant tous, un Super-État d'autorité mondiale. Ecoutons encore F.Perroux: «La propriété et le commerce sont ou service de tous. Par conséquent, les monopoles collectifs que les Etats exercent sur leurs ressources nationales et le monopole d’un propriétaire sur les moyens de produire sont mis radicalement en question... L'ordre national, international ou mondial est un et indivisible pour une pensée universaliste avide de cohérence» (21

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Avril). Sous le masque de la charité fraternelle, c'est la mise en place du grand Léviathan totalitaire.

“«L'effort concerté pour lutter contre l'injustice afin de sauver la paix» (Paul VI à la Commission Justice et Paix), consistera donc en fait à ôter aux particuliers et aux nations la gestion de leurs intérêts pour la remettre entièrement à des autorités supérieures considérées a priori comme plus justes, plus efficaces et désintéressées: l'Etat au-dessus des propriétaires, l’Autorité mondiale au-dessus des nations. Ce ne sera plus la puissance de l'argent, ce ne seront pas les violences populaires qui décideront de la vie économique, mais de hautes administrations doublant les gouvernements démocratiques. Et tous les problèmes seront résolus par la caste des Sages!

“A la recherche du développement intégral de l'homme.

33. II ne faut pas risquer d'accroître encore la richesse des riches et la puissance des forts, en confirmant la misère des pauvres et en ajoutant à la servitude des opprimés. Des programmes sont donc nécessaires pour stimuler, encourager, coordonner, suppléer et intégrer l'action des individus et des corps intermédiaires. Il appartient aux pouvoir publique de choisir, voir d’imposer les objectifs à poursuivre, les buts à atteindre, les moyens d’y parvenir...

“A l'État d'intervenir et de régler «la collectivisation des biens et la planification, économique... Cette fonction étatique sera dominée par le grand principe de «la destination universelle des biens»; elle contribuera sans cesse à redistribuer à tous ce que quelques-uns s'approprient, de manière à laisser à tous les mêmes chances de développement personnel (22). Voilà ce qui est caché sous cette notion d'«exigences communautaires primordiales» auxquelles, selon l'Encyclique, «le droit de propriété et tous les autres droits» sont subordonnés. Et voilà ouverte toute grande la voie à l'expropriation, à la «réforme agraire», à la nationalisation des industries, au blocage des capitaux et à leur emploi forcé, puis à leur pillage sous le couvert de l'inflation, bref, à toutes les mesures de totalitarisme économique en usage dans les pays socialistes avec le succès que l'on sait!”.

Dénonçant l’immoralité du «libéralisme sans frein», et de «l'impérialisme international de l'argent» (26)... il faut proposer la solution.

La solution? “Une société régénérée par le travail, fortement étatisée et capable de mobiliser toutes ses ressources naturelles et financières dans de vastes plans de développement et d'industrialisation. «Le profit, la concurrence, la propriété privée» (28) le cèdent à «la mystique du travail», l'organisation, la redistribution des terres, le plein emploi social des

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capitaux. Mais en réalité cette maquette d'une société juste, rationnelle, réconciliée, reporte sur «les pouvoirs publics», et eux seuls, toute la puissance économique auparavant répartie inégalement sur les propriétaires. En langage imagé, les têtes d'oeuf sont appelées à remplacer partout les têtes de lard. Recommander ensuite aux nouvelles administrations technocratiques de «servir l'homme» (34), «d'associer à cette oeuvre les initiatives privées et les corps intermédiaires» afin «d'éviter ainsi le péril d'une collectivisation intégrale ou d'une planification arbitraire» (33), c'est les supposer composées d’hommes parfaits. L'apparente excellence du système socialiste pontifical repose sur cet étrange a priori selon lequel les propriétaires ne paraissent capables que d'injustices, tandis que les gestionnaires n'auraient jamais d'autre mobile que raisonnable, juste et désintéressé. C'est en vertu de cet énorme postulat, partout controuvé, que sont désintégrées nos sociétés économiques traditionnelles pour être remises à la gérance de la nouvelle classe dominante, celle des fonctionnaires, technocrates et idéologues.”

“Enfin, et pour comble, voilà cet État-Providence appelé à maîtriser et régler la croissance démographique.

37. Le volume de la population s'accroît plus rapidement que les ressources disponibles et l'on se trouve apparemment enfermé dans une impasse. La tentation est grande de freiner l'accroissement démographique par des mesures radicales. Il est certain que les pouvoirs publics, dans les limites de leur compétence, peuvent intervenir, en développant une information appropriée et en prenant les mesures adaptées, pourvu qu’elles soient conformes aux exigences de la loi morale et respectueuses de la juste liberté du couple...

“Mais là où contre tout malthusianisme, les Papes chrétiens répondaient fermement que Dieu y saurait pourvoir, notre Pape socialiste se prononce pour l'intervention de l'Etat... s’adressant à tous les peuples, la restriction de cette propagande et de cette prophylaxie anticonceptionnelle aux bornes étroites d'une morale catholique, qu’il retarde indéfiniment de préciser, est donc toute théorique. En pratique, voilà le droit reconnu aux Etats, selon leurs propres conceptions morales et en toute liberté religieuse, d'organiser l'initiation sexuelle, les campagnes de contrôle des naissances, la distribution des stérilisants. La pharmacopée contraceptive et abortive rentre dans l'appareil de l'État au titre de la prévention démographique, élément capital des plans de «développement intégral de l'homme»!

“La grande Fête de la République universelle. «Dans les sociétés évoluées» affirme F. Perroux, le propriétaire se trouve déclassé au profit du gestionnaire qui assure sa fonction «au service du peuple,... à la limite,

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au service de tous les hommes». Admirable! De la même manière, les nations doivent être dépassées au profit d'organismes internationaux: «Le découpage en nations, telles que nous les connaissons - produit d'une histoire tourmentée - est tout à fait irrationnel dans l'ordre économique». En marche donc vers une communauté économique mondiale pleinement «rationnelle»! Et voici le dilemme où nous enferme l'Encyclique aux dires de J. Boissonnat (La Croix, 29/3): «La vocation des chrétiens, que la nouvelle Enc. rappelle solennellement, rejoint ici celle de la France. De deux choses l'une: ou bien la terre est une patrie dont les nations ne sont que les provinces et les hommes des citoyens égaux en droit et en dignité; ou bien l'humanité n'est qu'un mythe, chacun se bat pour soi, écrasant au passage ceux que, par dérision, il continue d'appeler ses semblables. Le choix est là... Il a des conséquences pratiques. Si l'on choisit de traiter l'humanité comme un tout, il faut aller, partout, jusqu'au bout de son choix».

43. Le «développement solidaire de tous», la «communion sacrée», l'«oeuvre commune en vue d'un avenir commun»... [impose] «la recherche de moyens concrets et pratiques d'organisation et de coopération pour mettre en commun les ressources disponibles».

Le mondialisme. “Là encore, selon la manie socialiste, Pp court aux organisations les plus vastes, aux administrations internationales, comme si à de tels sommets, en des postes si cosmopolites devaient se trouver immanquablement la plus parfaite justice, la sagesse la plus rationnelle, le désintéressement le plus grand... au service de tous! Alors que le contraire a été cent fois éprouvé et démontré!

Qui débarrassera notre génération de cette hantise de vastes organisations sans visage, et de cette phobie des communautés historiques comme de leurs autorités personnelles? Mais non, tout est facile: IL N’Y A QU'A créer pour chaque «problème» un «organisme mondial» adéquat, et voilà le monde nouveau!

47. S'agit-il d'assister les faibles? «Les investissements publics et privés réalisés. les dons et les prêts consentis, ne sauraient suffire». 49. Il faut que «le superflu des pays riches» aille «à la totalité des nécessiteux du monde». 50. Planifions! «Ces efforts, pour atteindre leur pleine efficacité, ne sauraient demeurer dispersés et isolés, moins encore opposés pour des raisons de prestige et de puissance: la situation exige des programmes concertés. 51. Il faudrait encore aller plus loin. Nous demandions à Bombay la constitution d'un FONDS MONDIAL alimenté par une partie des dépenses militaires pour venir en aide aux plus déshérités... Seule une collaboration mondiale, dont un fonds commun serait à la fois le symbole et l'instrument, permettrait de surmonter les rivalités stériles et de susciter un dialogue fécond et pacifique entre les peuples».

La constitution d'une Autorité mondiale. “Comme on voit, il suffit de s'élever au plan des organisations mondiales pour sortir de la zone des contestations et des rivalités! Ce sera mondial, donc parfait! Dépassés

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les nationalismes et leurs vaines querelles (52), l'universalisme de telles institutions permettra le désarmement général (53) et ouvrira l'ère des dialogues enrichissants et harmonieux (54)”.

“S'agit-il de maintenir l'équité dans le commerce international? IL N’Y A QU'A instituer «un ordre juridique universellement reconnu»! L'Encyclique évoque en effet «la distorsion croissante» et «l'injustice» que la loi du libre-échange provoque dans les relations commerciales des pays industrialisés avec les pays pauvres. Le jeu de l'offre et de la demande s'exerce au détriment de ceux-ci (58). Or le même déséquilibre apparaît entre ville et campagne dans certains pays, ou entre zones économiques d’un même continent (60). Dans ces derniers cas, les pouvoirs publics y remédient par des aménagements fiscaux ou des conventions internationales”.

61. On ne saurait user ici de deux poids et de deux mesures. Ce qui vaut en économie nationale, ce qu'on admet entre pays développés, vaut aussi dans les relations commerciales entre pays riches et pays pauvres... Les situations sont trop disparates et les libertés réelles trop inégales. La justice sociale exige que le commerce international, pour être humain et moral, rétablisse entre partenaires au moins une certaine égalité dans les discussions et négociations. Ici encore des conventions internationales à rayon suffisamment vaste seraient utiles.

“On le sait bien! On le veut bien! Mais ce mercantilisme injuste sévit, surtout depuis la décolonisation, faute des autorités politiques capables d'imposer au commerce la loi supérieure d'un intérêt commun et de dispositions à longue portée. Il n’y a qu’a en créer! Et voilà le rêve d’une meilleure justice en travail d'enfantement d'un dirigisme mondial sans limites! Il faudra «régulariser certains prix, garantir certaines productions, soutenir certaines industries», mais l'engrenage de la planification est sans fin (cf. Bourgine, Un angélisme économique, Valeurs Actuelles 18.4.67).

“Qui donc sera investi d'une telle autorité? Quelle force armée assurera à cette bureaucratie d'être obéie? On a follement détruit les empires coloniaux, mais on parle de tout soumettre à un Empire technocrate cosmopolite! Cela fait peur. L'Encyclique réprouve le nationalisme et le racisme (62-63). Mais ces cadres historiques, réels, parfois bons parfois exécrables, fournissaient du moins à la coopération des groupes humains des horizons rassurants, des garanties tangibles et le fondement de liens charnels ou moraux. La constitution d'organismes internationaux, gestionnaires de l'économie universelle, mènera, sous prétexte de justice suprême, à la suprême injustice d'un esclavage

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inhumain sans limites. Là encore, que seront les nouveaux Seigneurs du Monde?

78. Cette collaboration internationale à vocation mondiale requiert des institutions qui la préparent, la coordonnent et la régissent, jusqu'à constituer un ordre juridique universellement reconnu. De tout coeur, Nous encourageons les organisations qui ont pris en main cette collaboration au développement et souhaitons que leur autorité s'accroisse... Qui ne voit la nécessité d'arriver ainsi progressivement a instaurer une autorité mondiale en mesure d'agir efficacement sur le plan juridique et politique?.

“S'agit-il enfin d'organiser les relations humaines entre les peuples et d’instaurer la paix perpétuelle? Cela sera possible en poussant à son comble l'organisation rationnelle et juste de la planète: il faut:

«poursuivre un ordre voulu de Dieu, qui comporte une justice plus parfaite entre les hommes». L'objectif de tous, désormais, ne doit être autre que le bien commun de l'humanité (76)! De proche en proche, les peuples doivent sceller des accords de coopération pour aboutir à un monde unifié.”

“Voilà bien le dernier degré de l'internationalisme: l'organisation économique impose un ordre juridique, qui lui-même requiert une autorité politique, dont les décisions demeureraient nulles si une force de coercition financière et militaire ne venait l'épauler. Pour que règne la justice absolue, en avant donc vers le despotisme absolu!

“Tel est donc ce beau programme, non plus sous son vêtement léger de fraternité, de respect, d’amour, mais dans sa réalité nue de despotisme sans espoir. La conciliation du bonheur individuel avec ce socialisme totalitaire est toute rhétorique. C’est JEAN-JACQUES ROUSSEAU qui conduit à ROBESPIERRE. Et si ses efforts aboutissent, non au chaos mais a l'organisation mondiale dont il rêve, PAUL VI aura bâti de ses mains un trône pour l’Antéchrists.

Pp, la Morale et la Religion. «La lettre encyclique que nous saluons est l'un des plus grands textes de l'histoire humaine, écrit sérieusement F. Perroux; il rayonne d'une sorte d'évidence rationnelle, morale et religieuse». Cette «encyclique de la résurrection... propose un programme d'action exempt de toute ambiguïté; elle scelle, avec une force souveraine, l’alliance d'universalismes qui se sont historiquement engendrés: celui du Décalogue, celui de l’Evangile et celui de la Déclaration des droits» (19/4).

Le Pape est l’interprète infaillible et le gardien de la Foi. C’est pourquoi une question se pose dès lors et ne peut pas ne pas se poser: celle du rapport de l'Encyclique et de son auteur avec la foi catholique.

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“Cette analyse des contradictions du monde occidental, en soi criminelle, cet humanisme transcendant annoncé pour demain; ce programme de révolution froide, ont-ils leur source dans le Décalogue et dans Karl Marx, dans l'Evangile et dans les Paroles d’un croyant, dans nos Dogmes Catholiques comme dans la Déclaration des Droits de l'Homme? Sans doute trouve-t-on de tout cela, mêlé, dans l'Encyclique. Mais les lois morales et les paroles évangéliques paraissent introduites de force, tronquées ou défigurées, dans un contexte qui leur est étranger. C'est comme un réemploi de fûts de colonnes grecques et de chapiteaux romans dans le hall de gare d'une maison de la culture moderne. Les anciens marbres, arrachés à leur site, sont là pour donner valeur et cachet à l'ensemble nouveau, mais ils y jurent au contraire. Il vaudrait mieux, en toute vérité, qu'ils en soient totalement absents”.

“Un réemploi abusif de lambeaux de morale chrétienne. A première vue, l'Encyclique paraît solidement fondée sur les principes certains de la morale naturelle. On y rencontre des allusions aux théories classiques du droit de propriété et de ses limites, du droit à l'insurrection, du devoir d'assistance aux nécessiteux, de la justice commutative dans les relations internationales des exigences de la charité, etc... Ces rappels de points de doctrine communément acceptés n'auraient, en eux-mêmes, rien que de bon. Mais la perspective dans laquelle ils sont situés et qui en détermine l'application les fausse complètement. Arrachés à leur contexte pondéré, lois et préceptes ne paraissent appelés et grandi que pour servir les intérêts d'un groupe humain contre un autre, et renforcer d'une obligation de conscience la contrainte d'un programme de subversion mondiale.

“Du coup, ces emprunts à la morale chrétienne, bienfaitrice séculaire des hommes, deviennent des leurres pour enfermer les peuples dans le filet d'une politique totalitaire où ils refuseraient d'entrer!

a) D'une morale personnelle à une contrainte politique collective. “La morale chrétienne est amie de chacun de nous. Elle nous dirige vers la béatitude éternelle par les voies de la perfection des vertus, selon la double loi de notre nature et de la grâce. Elle nous redit: Cherchez le royaume de Dieu et sa justice. Le reste vous sera donné par surcroît». Et depuis des siècles le reste est venu, plus ou moins, à la grâce de Dieu: civilisation, paix, connaissances humaines, ordre et prospérité... Chacun s'efforçant au bien, par amour de soi-même et de son prochain et de Dieu. Cette morale ouvrait pour les meilleurs, sur une mystique aux

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générosités héroïques. Ici, on nous impose a priori, comme une fin ultime et un bien absolu, une certaine forme de société, au bien-être égalitaire, dans la liberté démocratique et la fraternité internationale. C'est ce but à atteindre qui impose ses exigences absolues aux individus et aux nations, tout spécialement aux riches et aux puissants. nul ne saurait se soustraire au couperet de cette révolution: «La situation présente exige... le développement exige... la justice sociale exige...» (13, 32, 50, 61, etc..). Les obligations de l'ancienne morale ne sont retenues ici que dans l'exacte mesure où elles renforcent d'une nécessité de conscience ce plan d'asservissement des personnes au programme du collectivisme le plus insoucieux, en pratique, de la liberté personnelle qui est toute faite de situations acquises, de droits héréditaires et de privilèges. Ici, le Dieu qui oblige c'est l'Humanité, et sa Loi répercutée par l’Encyclique est le produit d'une «Conscience collective» dont les exigences sont infaillibles.

b) Déformation de la loi chrétienne au service de la Révolution mondiale. “Ce Moloch exige le nivellement des peuples comme des individus. Il suffira, pour y ramener frauduleusement la loi naturelle de justice et l’Evangile de la charité, de retenir certains préceptes et d'en omettre d'autres qui leur sont complémentaires; ou de déformer leurs circonstances et leurs conditions d'application; ou de les enfler sans mesure. Le moraliste dépiste facilement ces viols de la loi morale, mais le commun des fidèles en demeure pour longtemps abusé.

“Ainsi le droit de propriété est arbitrairement opposé à «la destination universelle des biens», dont il est précisément un corollaire! Les «exigences communautaires primordiales», aux frontières élastiques, servent alors de justification aux expropriations du collectivisme étatique”.

“L'assistance au prochain nécessiteux ne connaît plus de nuances ni de limites. La confusion y est totale entre les obligations de justice et les conseils de la charité, entre les exigences de la conscience et les élans du mysticisme. Tout est devoir pour les riches seuls, et sans contrepartie! «Devoirs de solidarité, de justice sociale, de charité universelle» (44), tout s'impose pêle-mêle au nom de la fraternité humaine et de la «communion sacrée» (?) des peuples. On passe sans transition de l'aide aux affamés à l'impôt pour le développement, à l'achat surpayé des produits indigènes, à l'expatriation même, consentie pour aider à «la croissance des jeunes nations» (46-47)! Plus loin, la solidarité des peuples tourne à l'assujettissement des riches, dans un étonnant renversement du cours

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naturel des choses (48)! L'obligation classique de la distribution du superflu donne lieu aux mêmes exagérations (49). Et quand il s'agit enfin de «charité universelle», il est demandé à tous comme «normal», ce qu'à peine des Saints, des Anges mêmes sauraient accomplir. Le «devoir de solidarité humaine» ne fait alors plus qu'un avec «le devoir de charité chrétienne» (67), et voilà nivelée l’humanité comme la Communauté primitive de Jérusalem ... ou la Commune révolutionnaire!

“La sagesse, la discrétion, les prudentes distinctions de notre morale classique disparaissent ici sous le jet violent d'une autre passion que celle du service de Dieu et du salut des âmes. Le système totalitaire dont on rêve étouffe toute liberté personnelle et détruit toute justice réelle. Le nivellement apparaît à la fois obligatoire et spontané, exigé par l'Humanité et consenti d'enthousiasme par tous. La morale se mue en contrainte collective et en mystique terrestre. Mais elle ne découle plus qu'en apparence de la religion chrétienne ni des élans de la conscience personnelle. C'est même la faillite de notre morale classique...

Les rares allusions à la foi catholique, “dont l'Encyclique est clairsemée suffisent à prouver, par leur travestissement, que ce messianisme terrestre est contradictoire avec la Révélation de Jésus-Christ. Déjà le Père Fessard le notait (De l'actualité historique, p.70), à propos des maîtres en sociologie de Paul VI: «Comment ne pas voir que la théologie progressiste aboutit à une perversion radicale de la foi?» Le Pasteur Richard-Mollard le remarque, avec un certain sourire: «Le second grief est celui qu'on a déjà fait au schema XIII. A savoir qu'il repose sur une pensée théologique artificielle - selon le mot d'un théologien catholique français - et que la contrainte technique, économique, sociale et morale de ce nouveau Moyen Age oblige, non seulement Rome mais l’Église universelle, à retrouver sa source, à faire un catégorique retour à la parole de Dieu qui, seule, peut faire toute chose nouvelle. Y compris les structures de coopération internationale, d'organisation des marchés, de distribution équitable des richesses, etc...».

“Quelques traces de religion subsistent ici et là. Il est rappelé incidemment que l'Église est «fondée pour instaurer dès ici-bas le royaume des cieux et non pour conquérir un pouvoir terrestre» (13). Si une nouvelle vocation est donnée à l'homme, celle de sa croyance, l'Encyclique ajoute qu’il en est «responsable... comme de son salut» (15). Mais de ce salut et de ce royaume il ne sera plus question, à part

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une incidente menace du «jugement de Dieu» (49). - L’Encyclique recommande une fois de prier. Mais cette prière n'a rien de spécifiquement chrétien; elle ne vise d'ailleurs pas à obtenir les biens divins mais le déclenchement des énergies naturelles de l’humanité, suffisant au but terrestre recherché: «La prière de tous doit monter avec ferveur vers le Tout-Puissant, pour que l'humanité, ayant pris conscience de si grands maux, s'applique avec intelligence et fermeté à les abolir. A cette prière doit correspondre l'engagement résolu de chacun...» (75)”.

Dans Pp on «supplie le Dieu Tout-Puissant» d'accorder son aide à «tous les hommes de bonne volonté» (83) et aux athées mêmes auxquels il ne craint pas de dire: «A la suite du Christ, Nous osons vous prier avec instance: Cherchez et vous trouverez, ouvrez les voies qui conduisent par l'entraide, l'approfondissement du savoir, l'élargissement du coeur, à une vie plus fraternelle dans une communauté humaine vraiment universelle» (85). “C'est une grande hardiesse d'user d'une parole de Jésus-Christ, précisément pour affirmer aux hommes qu’ils peuvent très bien se passer de Lui. C'est un blasphème”.

“Quelques mots du langage chrétien, banalisés. La Charité n'est plus ici une vertu théologale, mais un altruisme, un amour universellement répandu. L'Apostolat est une vertu sociale et non plus religieuse:

... Evangile du Christ ou de Satan? «Vous tous qui avez entendu l'appel des peuples souffrants, vous tous qui travaillez à y répondre, vous êtes les apôtres du bon et vrai développement... l'économie au service de l'homme, le pain quotidien distribué à tous comme source de fraternité et signe de providence» (86).

“L'Espérance est là tout humaine (74, 79) et l'œuvre à promouvoir est «centrée sur l'homme» (73). Quant à L’Evangile, son message devient celui de l'exaltation de l'homme: les évêques qui distribueront leurs terres «répondront ainsi à l'attente des hommes et seront fidèles à l'Esprit de Dieu, car c'est le ferment évangélique qui a suscité et suscite dans le coeur des humains une exigence incoercible de dignité» (32)”.

“L'erreur fondamentale de cette politique religieuse. On la retrouve dans tous les discours sur la paix..., comme le principe du renouveau attendu: tous les hommes sont frères parce qu'ils ont tous Dieu pour Père. Ils en ressentent une solidarité et une charité mutuelle dont les devoirs et les élans doivent aboutir naturellement, normalement, irrésistiblement, à la reconstitution de la grande «famille humaine»”.

La nouvelle formule de Paul VI, “s'adressant aux non-chrétiens, déistes ou idolâtres, a une très habile tournure: oeuvrez de toutes vos

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forces au développement, (82) «pour que tous les enfants des hommes puissent mener une vie digne des enfants de Dieu». L'idée est de Mandouze, et consiste à réduire la différence entre païens (communistes) et chrétiens à ceci près que tous sont enfants de Dieu, mais les uns le savent tandis que les autres l'ignorent. Le Père Fessard en disait qu'elle est «la perversion de la dialectique paulinienne» (De l'actualité historique, p. 29). De fait, c'est la négation radicale de notre religion, seule capable de faire des fils d'Adam, «par nature fils de colère», des «Fils de Dieu par adoption, par grâce».

“Dire de tous qu'ils sont indistinctement des frères parce que fils de Dieu, c'est nier la grâce originelle et le péché, la contradiction des fils de Dieu et des fils du Diable, c'est identifier l'Église à l'Humanité entière, confondre la nature et la grâce, l'œuvre humaine et l'action sacramentelle, c'est nier la Croix de Jésus-Christ et rendre vaine toute notre sainte religion. En fait, tous sont appelés, mais, hélas! peu sont élus...

“Deux textes paraissent formellement hérétiques. Paul VI vient de résumer la «mystique du travail» du P. Chenu et ajoute:

28. Le labeur des hommes, bien plus, pour le chrétien, a encore mission de collaborer à la création du monde surnaturel, inachevé jusqu'à ce que nous parvenions tous ensemble à constituer cet Homme parfait dont parle Saint Paul qui réalise la «plénitude du Christ».

“Avec Teilhard de Chardin, Paul VI vient d'affirmer l’utopie:

79... le monde se rapproche lentement, même sans s'en rendre compte, de son Créateur. Malgré péchés, irréligion et crimes, tout converge, dans l'effort et le sacrifice car... la souffrance même, acceptée par amour pour nos frères est porteuse de progrès pour toute la famille humaine. Les chrétiens savent que l’union au sacrifice du Sauveur contribue à l'édification du Corps du Christ dans sa plénitude: le peuple de Dieu rassemblé.

“Malgré la soigneuse équivoque, deux fois voulue et calculée, l'Encyclique affirme bien que les hommes, comme tels, par leur labeur et leurs souffrances sont tous engagés ensemble dans l'œuvre universelle de leur salut. Seule différence: les uns le savent, les autres l'ignorent... Mais tous participent à cette montée humaine que forme le Peuple Nouveau, le Christ Total, le Royaume de Dieu.

“C’est l'hérésie de Teilhard, une gnose Antéchrist! «Cette Encyclique est un Acte de Foi en l'Homme», proclame Montaron. “Mais il est écrit: «Malheur à celui qui met sa foi en l'homme» (Jr 17,

5).

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Ecoutons le Pape Pie XII qui parle de ce trésor dans MC: "Certes, comme l'observe l'Apôtre, ‘un seul est Notre Seigneur, une

seule notre foi’ (Eph 4,5), cette foi c'est à dire celle avec laquelle nous adhérons à Dieu et à Celui qu'Il envoya, Jésus-Christ (cf. Jn 17,3). Les paroles du disciple préféré, nous enseignent combien nous restons liés à Dieu par cette foi: ‘Quiconque confessera que Jésus-Christ est Fils de Dieu, Dieu habite en lui et lui en Dieu’ (cf. I Jn 4,15) […].

“Mais si les liens de la foi et de l'espérance par lesquels nous sommes unis à notre divin Rédempteur dans son Corps Mystique, sont d'une très grande importance, les liens de la charité ne sont pas de moindre importance et de moindre efficience. En fait, si même dans la nature l'amour duquel naît la vraie amitié est une chose excellente, que doit-on dire de cet amour surnaturel qui est infusé dans nos cœurs par Dieu lui-même? «Dieu est charité: et qui est dans la charité est en Dieu et Dieu en lui (I Jn 4,16). Cette charité, presque par une loi instituée par Dieu, fait en sorte que Lui nous redimant descende en nous qui l'aimons, conformément aux paroles divines: "Si quelqu'un m'aime... mon Père l'aimera aussi et nous viendrons à lui et ferons notre demeure près de lui» (Jn 14,23).”

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9 - ‘Octogesima adveniens’ : consécration de la rébellion

La présente analyse de la Lettre ’Octogesima adveniens (OA) est un résumé du travail de Mgr Antonio de Castro-Mayer, remise le 25.1.74 à Paul VI avec trois autres: sur la liberté religieuse, sur le novus ordo missae et sur la possibilité qu’un pape tombe en hérésie. Ces deux derniers, réalisés ensemble avec le Dr. Arnaldo Vidigal Xavier da Silveira, ont été publiés en France (La nouvelle messe de Paul VI: qu'en penser?). L’étude sur OA est restée dans le silence, en vue de la décision de l’illustre Evêque de ne pas la publier en attendant la réponse de l’intéressé direct, qui n’est jamais arrivée; et pour cause! Suivant le texte on comprend que la réponse était impossible.

La traduction française de ce travail a été réalisée par les moines du Barroux. La disposition des matières, les reliefs typographiques, les abréviations et l’insertion des notes (*) dans le texte sont nôtres.

La Doctrine Sociale Catholique et l’égalité sociale

“Depuis toujours, un des points fondamentaux de la doctrine sociale catholique a été l'affirmation d'une inégalité juste et proportionnée entre les individus, les familles, les groupes et les classes sociales comme trait essentiel de la société chrétienne.

“Citons Léon XIII dans l'encyclique ‘Rerum novarum’: Le premier principe à mettre en avant, c'est que l'homme doit prendre en patience sa condition; il est impossible que, dans toute société civile, tout le monde soit élevé au même niveau. C'est sans doute cela ce que poursuivent les socialistes; mais contre la nature, tous les efforts sont vains. […] l’inégalité, d’ailleurs, se tourne au profit de tous,[…]: car la vie sociale requiert un organisme très varié et des fonctions fort diverses. (v. GS)

Saint Pie X dans NChA sur ‘le Sillon’: “travaille, dit-il, à réaliser une ère d'égalité, qui serait par là-même une ère de meilleure justice. Ainsi, pour lui, toute inégalité de condition est une injustice ou, au moins, une moindre justice! Principe souverain contraire à la nature des choses, générateur de jalousie et d'injustice et subversif de tout ordre social.(n° 23).

Pie XII, Rms Noël 1944: Dans un peuple digne de ce nom, toutes les inégalités, qui dérivent non du libre caprice, mais de la nature-même des choses, inégalités de culture, de richesses, de positon sociale, sans préjudice, bien entendu, de la justice et de la charité mutuelle, ne sont nullement un obstacle à l'existence et à la prédominance d'un

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authentique esprit de communauté et de fraternité. Bien au contraire, loin de nuire aucunement à l'égalité civile, elles lui confèrent son sens légitime, à savoir que chacun a le droit, en face de l'état, de vivre honorablement sa propre vie personnelle, au poste et dans les conditions où l'ont placé les desseins et les dispositions de la Providence. (Traduction française des Actes de S. S. Pie, XII, t. VI).

“Les papes ont donc enseigné traditionnellement l’existence entre les hommes d'une égalité essentielle accompagnée de plusieurs inégalités accidentelles. L'égalité essentielle a ce corollaire que tous les hommes jouissent de certains droits fondamentaux comme la connaissance et la louange de Dieu, le respect de sa propre vie, de son honneur, de son intégrité physique, le droit de fonder une famille etc. Sans aucun préjudice de cette égalité essentielle, les inégalités accidentelles doivent être très étendues - bien que toujours justes et proportionnées - comme on a vu dans les textes des papes que nous venons de citer. Les socialistes, eux, par une conception de la vie sociale naturaliste, mécanique et rivée sur l'économie luttent pour la suppression de ces inégalités accidentelles qui donnent à la société son caractère hiérarchique. Encore qu'ils reconnaissent les inégalités d'ordre biologique, fonctionnelles, techniques etc., ils nient les ‘inégalités de condition’ enseignées par Léon XIII: ils nient les principes d'inégalité venant de la naissance, de la position sociale, des classes sociales etc. Désirant donc instaurer une société sans une vraie hiérarchie, ils s'opposent radicalement à la doctrine catholique.

“En plusieurs passages, OA présente l'égalité sociale comme une chose bonne et louable. Elle ne fait cependant aucune distinction entre égalité essentielle, commune à tout homme, et inégalité accidentelle. D'où l'impression chez le lecteur que la société idéale serait celle sans ces inégalités accidentelles, malgré l'enseignement des papes qui les considéraient comme nécessaires pour une bonne ordonnance de la vie sociale. En d'autres termes, OA souhaiterait une société sans différences de naissance, de condition sociale etc. qui donnent à la vie en société son caractère hiérarchique. Examinons les textes. Le n.22 présente l'égalité comme une des aspirations de l'homme moderne:

22. En même temps que le progrès scientifique et technique continue à bouleverser le paysage de l'homme, ses modes de connaissance, de travail, de consommation et de relations, s'exprime toujours, dans ces contextes nouveaux, une double aspiration plus vive au fur et à mesure que se développent son information et son éducation:

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aspiration à l’égalité, aspiration à la participation; deux formes de la dignité de l'homme et de sa liberté.

“OA non seulement enregistre l'existence de cette aspiration fondamentale d'égalité, mais encore elle l'approuve en y reconnaissant une forme ‘de la dignité de l'homme et de sa liberté’. Cette approbation - toujours dépourvue de la distinction entre égalité essentielle et inégalité accidentelle - devient encore plus claire dans les textes suivants.

23. Pour inscrire dans les faits et les structures cette double aspiration (à l'égalité et à la participation), des progrès ont été accomplis dans l’énoncé des droits de l'homme et la recherche d'accords internationaux pour l'application de ces droits. Cependant les discriminations - ethniques, culturelles, religieuses, politiques... renaissent toujours.

“C'est une chose connue que les principes qu'on appelle ‘droits de l'homme’ dans les législations contemporaines et les accords internationaux sont formulés en des termes qui méritent la censure des papes. Cette erreur remonte au XVIII siècle. Pie VI en 1791 qualifiait les ‘droits de l'homme’, proclamés par la révolution française, de ‘contraires à la religion et à la société’ (Encyclique ‘Adeo nota’ dans La paix intérieure des nations, ‘Les enseignements pontificaux’ par les moines de Solesmes, Desclée et Cie, n° 8). Et Benoît XV a condamné comme une des erreurs de la révolution française le fait de ‘prétendre que l'égalité de nature entre les hommes conduit à l'égalité de droit’ (Lettre Anno jam exeunte (7.3.1917, AAS, 1917, p. 172).

“Ainsi OA adopte une position au moins ambiguë quant aux enseignements traditionnels sur les inégalités qui existent entre les hommes. Car si l'intention avait été de réaffirmer les principes des papes antérieurs sur cette matière, il aurait été nécessaire de le faire très nettement en indiquant dans quel sens précis certaines législations ou certains accords internationaux représentent un progrès d'une légitime aspiration à l'égalité. Le même n. 23 poursuit en affirmant que très souvent la législation se montre insuffisante pour l'instauration des véritables relations de justice et d'égalité. Et plus loin il ajoute:

Si, en effet, au-delà des règles juridiques, manque un sens plus profond du respect et du service d'autrui, même l'égalité devant la loi pourra servir d'alibi à des discriminations flagrantes, à des exploitations maintenues, à un mépris effectif. Sans une éducation renouvelée de la solidarité, une affirmation excessive de l'égalité peut donner lieu à un individualisme où chacun revendique ses droits sans se vouloir responsable du bien commun.

“Comme on peut le voir, ce texte continue à proposer l'égalité de tous les hommes comme un idéal sans faire les distinctions et sans apporter

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les réserves voulues. Il évite même les considérations qui pourraient la limiter. Ainsi il ne dit pas quelles discriminations et quelles exploitations sont mauvaises. Serait-ce seulement celles qui portent atteinte à l'égalité essentielle? La lettre ne dit rien à ce propos.

“D'autre part, l'emploi des expressions ‘discrimination’ et ‘exploitation’ comme choses corrélatives et sans précision du sens nous rappelle le langage des propagandes actuelles de la gauche. En outre il convient de rappeler que ce même paragraphe dans le passage cité antérieurement blâme les discriminations ethniques, culturelles, religieuses et politiques. Sans doute le texte latin porte ‘iniqua discrimina’; mais le contexte insinue nettement l'idée que toute inégalité culturelle, religieuse et politique est mauvaise. Cela est contraire à la doctrine traditionnelle:

"C'est une erreur grave de prétendre que tous les citoyens auraient des droits politiques égaux et qu'il n'existerait point de hiérarchies légitimes dans la société civile." (Pie XI, DR, AAS, 1937, p. 81, n 33, trad. J. Madiran).

“D'un autre côté, la simple condamnation d'une ‘affirmation excessive de l'égalité’ qui pourrait conduire à un individualisme éloigné du bien commun ne suffit pas. D'ailleurs la lettre elle-même considère ce danger comme occasionnel car elle préconise pour sa correction une ‘éducation renouvelée’. OA donc propose l'égalité sociale comme un bien, sans d'autres réserves (*1). Cela dénote une nette différence de ton entre la lettre de Paul VI et les documents de ses prédécesseurs, ce qui ne peut manquer de favoriser l'esprit égalitaire dans ses diverses formes et en particulier dans le socialisme.

“Attentifs au contexte historique, les papes antérieurs ont fait une distinction très précise entre l'égalité véritable et la fausse, ou entre la liberté véritable et la fausse. Ils se sentaient poussés par l'audacieuse persévérance des libéraux et des socialistes dans leur tentative d'attirer les catholiques dans leur parti par une interprétation libérale ou socialiste de la doctrine de l’Eglise.

“OA abandonne la prudence des expressions caractéristiques des papes antérieurs, allant ainsi du clair à l'ambigu précisément quand la lutte entre le monde communiste et le monde chrétien prend les proportions les plus dramatiques et aussi quand, de concert avec une certaine propagande marxiste, plusieurs d'entre les plus influents courants ‘catholico-socialistes’ ou ‘catholico-communistes’ travaillent dans les milieux catholiques de tous les pays du monde à faire accepter une

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conception égalitaire de la société. (*1) Voilà les termes sur la situation de la femme dans la société:

OA, 13. De même, dans beaucoup de pays, un statut de la femme qui fasse cesser une discrimination effective et établisse des rapports d'égalité dans les droits et le respect de sa dignité est l'objet de recherches, parfois de revendications vives. Nous ne parlons pas de cette fausse égalité qui nierait les distinctions établies par le Créateur lui-même et qui serait en contradiction avec le rôle spécifique, combien capital, de la femme au cœur du foyer aussi bien qu'au sein de la société.

L'évolution des législations doit au contraire aller dans le sens de la protection de sa vocation propre en même temps que de la reconnaissance de son indépendance en tant que personne, de l'égalité de ses droits à participer à la vie culturelle, économique, sociale et politique.

“Ce texte parle d'une ‘fausse égalité’. La Lettre, du moins quant au rôle de la femme dans la société, exprime-t-elle la doctrine traditionnelle des papes antérieurs sur l'inégalité sociale?

“Le texte en effet semble ne considérer que les différences naturelles (d'ordre psychologique, biologique etc.) et ses conséquences nécessaires dans la vie familiale et sociale (‘au cœur du foyer aussi bien qu'au sein de la société’). Cette interprétation est confirmée par le texte lui-même quand il affirme que la vocation de la femme est compatible avec ‘l'égalité de ses droits à participer à la vie culturelle, économique, sociale et politique’. Par conséquent, le texte ne reflète pas la pensée des papes antérieurs sur la structure de la société répartie en classes, sur la diversité des conditions sociales, sur les inégalités de naissance etc. Au contraire, tout en qualifiant de ‘fausse égalité’ celle-là seule qui nie ‘les distinctions établies par le Créateur’ et qui contredit ‘le rôle spécifique’ de la femme dans le foyer et la société, le texte, encore une fois, insinue que les catholiques peuvent considérer comme périmé l'enseignement des papes antérieurs sur les inégalités sociales.

“Il serait difficile d’exagérer l'importance prise par le changement de langage du document de Paul VI - d'ailleurs applaudi par les milieux de gauche, catholiques ou non catholiques - quand on l'applique dans la pratique. Le numéro 24 commence ainsi:

La double aspiration vers l'égalité et la participation cherche à promouvoir un type de société démocratique (‘quodquam popularis societatis genus).

“La lettre ajoute qu'aucun des divers ‘modèles’ de société démocratique actuellement présentés ne donne ‘complète satisfaction’. C'est ainsi que dans ce domaine la recherche reste ‘ouverte’ et le chrétien a le devoir d’y participer.

“Donc pour OA, l’égalité démocratique - sans autre distinction - est en soi un bien. D’autant plus que les chrétiens doivent collaborer dans la

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recherche d'un modèle de société démocratique (sur le rapport entre la démocratie et l’égalitarisme socialiste, voir la NChA de S. Pie X).

“D'autre part, dans le texte cité, il n'y a pas de condamnation formelle du ‘modèle’ socialiste, lui aussi appelé ‘démocratique’ par ses adeptes. Le lecteur est donc induit à comprendre que le ‘modèle’ socialiste est un de ceux qui, sans toutefois donner une ‘complète satisfaction’, permet du moins dans ses bases ‘l’aspiration vers l'égalité’.

“En parlant de l'attrait exercé par les courants socialistes sur les ‘chrétiens’ aujourd'hui, OA explique:

31. Trop souvent les chrétiens, attirés par le socialisme, ont tendance à l'idéaliser en termes d'ailleurs très généraux: volonté de justice, de solidarité et d'égalité.

“En enregistrant les faits tels qu'ils sont, révélant un attrait malsain et absurde exercé sur certains catholiques, les papes antérieurs s'exprimaient autrement; ainsi Pie XI dans QA: Que si le socialisme, comme toutes les erreurs contient une part de vérité (ce que d'ailleurs les souverains pontifes n'ont jamais nié), il n'en reste pas moins qu'il repose sur une théorie de la société qui lui est propre et qui est inconciliable avec le christianisme authentique. (...) Cela étant, vénérables frères, vous pouvez penser avec quelle douleur nous voyons, dans certaines régions surtout, de nos fils en grand nombre qui, gardant encore, nous ne pouvons pas ne pas le croire, leur vraie foi et leur volonté droite, ont abandonné cependant le camp de l'Eglise pour passer dans les rangs du socialisme. (...) Pour nous dans les anxiétés de notre sollicitude paternelle, nous nous demandons et cherchons à comprendre comment il a pu se faire qu'ils en arrivent à une telle aberration...

“OA voit la question différemment. Elle ne condamne pas cette prétentieuse, fausse et dévoyée ‘volonté de justice, de solidarité et d'égalité’ qu'elle signale dans le socialisme. Il suffit d'après elle de distinguer les ‘divers niveaux d'expression du socialisme’ pour que le chrétien puisse ‘envisager le degré d'engagement possible dans cette voie’ (n. 31).

“En bref, dans ce §31, après la mention sympathique du ‘désir d'égalité’ en raison duquel plusieurs chrétiens idéalisent le socialisme, OA n'a pas un mot pour réprouver l'égalitarisme socialiste. Ainsi elle inculque dans les esprits l'idée que l'égalité (sans autre distinction) serait un bien per se, mais encore que cette égalité socialiste est acceptable pour les catholiques, peut-être même comme une exigence fondamentale de l'ordre naturel des choses. Nous lisons dans le n° 37:

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Aujourd'hui d'ailleurs, les faiblesses des idéologies sont mieux perçues à travers les systèmes concrets où elles essaient de se réaliser. Socialisme bureaucratique, capitalisme technocratique, démocratie autoritaire manifestent la difficulté de résoudre le grand problème humain de vivre ensemble dans la justice et l'égalité.

“Encore une fois, la lettre ne fait pas ici le discernement nécessaire entre l'égalité essentielle et les inégalités accidentelles bonnes ou mauvaises. Tout en présentant comme ‘le grand problème humain’ celui de ‘vivre ensemble dans la justice et l'égalité’, elle insinue encore une fois que la doctrine catholique a modifié son jugement quant aux inégalités accidentelles que les papes antérieurs approuvaient. Car ces derniers ont toujours flétri ceux qui “prennent comme idéal à réaliser le nivellement des classes" (St Pie X, NChA, n° 9).

“Observons encore comment ce paragraphe condamne le ‘socialisme bureaucratique’ non pas parce qu'il est socialiste mais parce qu'il est bureaucratique et par là source d'injustices et d’inégalités.”

La Doctrine Sociale de l’Eglise “Après avoir reproché au mouvement hétérodoxe du ‘Sillon’ d'avoir

changé les ‘bases naturelles et traditionnelles’ de la civilisation chrétienne par la promesse d'une ‘cité future édifiée sur d'autres principes’, St Pie X écrivait: [NChA, 11] on ne bâtira pas la cité autrement que Dieu ne l'a bâtie: on n'édifiera pas la société si l'Eglise n'en jette les bases et ne dirige les travaux; non, la civilisation n'est plus à inventer ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées... c'est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. Il ne s'agit que de l'instaurer et la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins... Dans cette lettre apostolique sur le ‘Sillon’, St Pie X nous enseignait encore:

[44]“Qu'ils soient persuadés que la question sociale et la science sociale ne sont pas nées d'hier; que, de tous temps, l'Eglise et l'état, heureusement concertés, ont suscité dans ce but des organisations fécondes; que l'Eglise, qui n'a jamais trahi le bonheur du peuple par des alliances compromettantes, n'a pas à se dégager du passé et qu'il lui suffit de reprendre... les organismes brisés par la Révolution et de les adapter, dans le même esprit chrétien...

“Dans le même sens, Pie XI déclarait la doctrine sociale de l’Eglise ‘immutata prorsus atque immutabilis’. Et parlant de l'enseignement social de Léon XIII, il réaffirmait les ‘æternas veritates quas cl. mem. praedecessor noster tam alte proclamabat’ (QA, AAS 1931, p. 183, Actes de S.S. Pie XI, Maison de la bonne presse, t. VII, p. 98, 99). [… Mater et magistra].

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“Dans toute l’OA, on ne trouve pas trace d'une notion explicite et définie d'une doctrine sociale catholique inaltérée et inaltérable au cours des temps. En effet, elle déclare que les chrétiens (on remarquera que la lettre ne parle jamais des catholiques) peuvent dans leurs options politiques, économiques et sociales ‘s'engager concrètement’ (n° 36) avec le libéralisme, le socialisme, le marxisme etc. (ns. 26-36), pourvu que ces mouvements ne refusent pas Dieu, la liberté, la solidarité humaine et l'égalité entre les hommes.

“On voit bien que ces textes laissent dans nos esprits l’impression pénible que l'Eglise donne aux hommes un idéal transcendant de dignité, de liberté, de solidarité etc. mais aucunement une doctrine sociale proprement dite, c’est-à-dire une doctrine avec des principes spécifiques et bien déterminés sur la propriété privée, sur le droit à l'héritage, sur les impôts excessifs, sur l'inégalité des classes sociales exigée par la nature-même, sur la légitimité des différences de condition de naissance et de culture etc. Ainsi la continuité historique entre l'action des catholiques d'aujourd'hui et d'hier n'existerait plus; au contraire, il y aurait une véritable rupture, ce qui s’oppose au principe énoncé par S. Pie X que les catholiques ne doivent être ‘ni révolutionnaires ni novateurs, mais traditionalistes’.

“L’impression pénible suscitée par ces textes laisse place à la perplexité quand on lit explicitement dans d'autres passages de la lettre qu’il n’existe pas de doctrine sociale catholique dans le sens que nous venons de voir. C'est ce que nous lisons au n° 27:

Est-il besoin de souligner l’ambiguïté possible de toute idéologie sociale? (Numquid est opus quæ subesse possint in sociali qualibet doctrina ambiguitates explicare?).

“Nous ne voyons pas comment on peut parler d'une ‘ambiguïté possible’ de ‘toute idéologie (doctrina) sociale’ s’il existe une doctrine sociale catholique. Si toutes les doctrines sociales n'étaient que des idéologies chimériques, de simples produits de la pensée sans contenu, privés de toute valeur objective, il serait compréhensible qu'on parle à leur sujet d’ambiguïté possible’. Mais il existe une doctrine sociale catholique, vécue par l'Eglise depuis vingt siècles, exposée avec ampleur par Léon XIII et développée selon la tradition par S. Pie X, Pie XI, Pie XII et par tant de moralistes et sociologues catholiques. On ne voit donc pas comment on pourrait dire que dans toute doctrine sociale il y a une ‘ambiguïté possible’. Nous lisons encore dans le n° 36:

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Dans cette approche renouvelée des diverses idéologies, le chrétien puisera aux sources de sa foi et dans l'enseignement de l'Eglise les principes et les critères opportuns pour éviter de se laisser séduire, puis enfermer dans un système dont les limites et le totalitarisme risquent de lui apparaître trop tard s'il ne les perçoit pas dans leurs racines. Dépassant tout système, sans pour autant omettre l’engagement concret au service de ses frères, il affirmera, au sein-même de ses options, la spécificité de l'apport chrétien pour une transformation positive de la société.

“Jusqu'ici le terme ‘système’ ne nous donne pas de motif de nous méfier, on peut comprendre que seuls les systèmes totalitaires sont condamnables. Mais la phrase suivante rejette explicitement tout ‘système’ (système politique, économique et social comme le contexte l'indique clairement).

“Quel sens faut-il donner au mot ‘système’ dans ce contexte pour qu'on puisse affirmer que le chrétien doit ‘dépasser tout système’ (is enim quolibet systema prætergressus)? La doctrine sociale catholique ne constitue-t-elle pas un système, c'est-à-dire un ensemble ordonné, organique, cohérent et complet des principes concernant l'ordre économique, politique et social? Encore une fois nous constatons que OA non seulement passe sous silence l’existence d'une doctrine sociale de l’Eglise, mais la nie manifestement.

“La lettre ne nie pas le fait historique que les papes antérieurs ont enseigné une doctrine sociale catholique. Mais les textes cités, pris dans leur sens naturel, affirment que, analysée aujourd'hui, cette doctrine n'échappe pas aux ambiguïtés propres à toute doctrine sociale. D'où l'indépendance des catholiques quant à l'application de cette doctrine (exception faite de certaines valeurs ‘transcendantes’ qu'elle véhicule comme des accessoires, telles que la dignité humaine, la liberté etc., dont nous parlerons plus loin). Dans ces conditions, logiquement, l'interdiction de tout engagement avec le socialisme et avec le communisme, si fortement accentué dans la doctrine sociale catholique, n'existe plus. Ainsi les catholiques peuvent se joindre au communisme s’ils le désirent (il suffit qu'ils maintiennent les éléments accessoires transcendants), car ils ne seraient plus obligés à suivre la doctrine sociale d'avant Paul VI.

“La partie finale de ce texte (‘il affirmera, au sein-même de ses options, la spécificité de l’apport chrétien’) ne serait-elle pas une déclaration de l'existence d'une doctrine sociale de l'Eglise? Il ne nous semble pas. Cet élément spécifique n'est jamais présenté dans la lettre comme étant le droit à la propriété privée des biens de production ou le droit à l'héritage, la légitimité et la nécessité des inégalités sociales etc.

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Il est au contraire présenté comme étant l'ensemble des valeurs transcendantes (*1) présentées en catégories non pas spécifiquement temporelles, sociales, politiques et économiques, mais plutôt spirituelles et génériques comme la liberté, la dignité, la solidarité etc. (*2). Le renvoi à la constitution GS fait en ce passage n'apporte pas davantage de lumière, car il n'y a là rien de spécifique sur la doctrine sociale catholique.(GS n.11).

(*1) “Nous lisons au numéro 27: Est-il besoin de souligner l’ambiguïté possible de toute idéologie sociale? Tantôt elle ramène l'action, politique ou sociale, à être simplement l'application d'une idée abstraite, purement théorique; tantôt c'est la pensée qui devient un simple instrument au service de l'action comme un simple moyen d’une stratégie. Dans les deux cas, n'est-ce pas l'homme qui risque de se trouver aliéné? La foi chrétienne se situe au-dessus et parfois à l'opposé des idéologies dans la mesure où elle reconnaît Dieu, transcendant et créateur, qui interpelle, à travers tous les niveaux du crée, l'homme comme liberté responsable.

“Remarquons comment ce texte insinue que ce qu'on appelle doctrine sociale catholique tend à ramener ‘l'action politique ou sociale à être une simple application d'une idée abstraite, purement théorique’. “Remarquons encore ces mots: ‘la foi chrétienne se situe au-dessus et parfois à l’opposé des idéologies’. OA admet pourtant l'existence d'idéologies qui ne soient pas opposées à la foi chrétienne, mais implicitement elle nie l'existence d'une idéologie (ou mieux: d'une doctrine) de l'Église sur l'ordre politique, économique et social.

(*2) 23. Qui ne voit l’apport capital, dans ce domaine, de l’esprit chrétien qui va d'ailleurs à la rencontre des aspirations de l’homme à être aimé? L’amour de l’homme, première valeur de l'ordre terrestre, assure les conditions de la paix, tant sociale qu'internationale, en affirmant notre fraternité universelle. 37. Animé par la puissance de l'Esprit de Jésus-Christ, sauveur des hommes, soutenu par l'espérance, le chrétien s’engage dans la construction d'une cité humaine, pacifique, juste et fraternelle, qui soit une offrande agréable à Dieu. 25. L'action politique - est-il besoin de marquer qu'il s'agit d'abord d'une action et non pas d’une idéologie? (non autem de composita quadam doctrina) - doit être sous-tendue par un projet de société per adumbratam societatis figuram est suffulcienda), cohérent dans ses moyens concrètes et dans son inspiration qui s'alimente à une conception plénière de la vocation de l'homme et de ses différentes expressions sociales. Il n'appartient ni à l'état, ni même à des partis politiques qui seraient clos sur eux-mêmes, de chercher à imposer une idéologie, par des moyens qui aboutiraient à une dictature des esprits, la pire de toutes. C'est aux groupements culturels et religieux - dans la liberté d'adhésion qu'ils supposent - qu'il appartient, de manière désintéressée et par leurs voies propres, de développer dans le corps social ces convictions ultimes sur la nature, l'origine et la fin de l’homme et de la société.

“Ici encore, l'existence d'une doctrine sociale de l’Eglise est implicitement niée. Car si l'existence d'une telle doctrine - basée sur le

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droit naturel, nécessaire, immuable, comme Léon XIII et ses successeurs n'ont cessé de le répéter - n'était pas exclue, pourquoi un parti politique catholique ne pourrait-il pas l'‘imposer' par des moyens qui n'aboutiraient pas à une ‘dictature des esprits'? On ne voit pas non plus pourquoi une 'action politique’ catholique (et non pas seulement chrétienne) ne pourrait pas être fondée sur une véritable idéologie, ou plutôt sur le système cohérent des principes de droit naturel enseigné par l’Eglise sous la dénomination de ‘doctrine sociale catholique”.

“Le passage suivant d’OA nous paraît inconciliable avec l'enseignement traditionnel sur l'existence d'une doctrine sociale catholique:

40 .... la morale sociale chrétienne, qui verra sans doute son champ se limiter lorsqu'il s'agit de proposer certains modèles sociaux (de aliquibus exemplis socialibus), tandis que sa fonction de critique et de dépassement se renforcera en montrant le caractère relatif des comportements et des valeurs que telle société présentait comme définitives et inhérentes à la nature-même de l'homme.

“Une analyse précise de ce passage vient confirmer tout ce que nous avons déjà dit. N'est-il pas vrai que les papes, surtout depuis Léon XIII - auteur de l'encyclique “Rerum novarum” qu’OA se proposait de commémorer - nous ont présenté des ‘modèles sociaux’ déterminés comme meilleurs que d'autres? Remarquons le pluriel ‘modèles sociaux’ qui semble indiquer que d’après OA le caractère ‘transcendant’ de la morale chrétienne la prive de tout droit de se prononcer sur la valeur intrinsèque de telle organisation sociale.

“Quel est le sens exact de l'affirmation que la fonction de la morale sociale chrétienne est ‘de critique et de dépassement’? Le sens est clair dans le contexte: elle ne doit pas se mêler des affaires temporelles, comme si les principes catholiques sur le droit de propriété, sur le droit d'héritage, sur la malice intrinsèque du socialisme etc. n'étaient que de nature exclusivement temporelle. Il ne lui revient qu'une fonction de critique, c’est-à-dire juger les divers ‘modèles sociaux’ d'après certains principes ‘transcendants’ - qui se réduisent, d'après OA, aux notions génériques de liberté, de solidarité humaine etc., comme nous l'avons déjà vu. Ce qu'on appelle ‘morale sociale chrétienne’ est ‘transcendant’ au même titre que les valeurs de liberté, de solidarité etc., valeurs qui se trouvent également dans le libéralisme, le néolibéralisme, le socialisme et même le communisme marxiste: on comprend que la lettre OA ouvre les portes à un engagement catholique dans un de ces mouvements.

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“Mais la fin du texte examiné est encore plus importante et significative; elle affirme ‘le caractère relatif des comportements et des valeurs que telle société présentait comme définitifs et inhérents à la nature-même de l'homme’.

“De quels comportements et de quelles valeurs s'agit-il? Quelle est cette société qui ‘présentait’ (remarquez le passé) ces valeurs et ces comportements comme définitifs et inhérents à la nature humaine? Il est possible que ces expressions soient appliquées à d'autres doctrines, mais étant donnée leur formulation générique, on ne peut s'empêcher de les appliquer à la doctrine sociale catholique. Cette application nous semble même très juste, car la doctrine sociale catholique a toujours présenté et présente encore aujourd'hui (et pas seulement ‘présentait’) plusieurs moyens d'être et de vivre (‘comportements’) joints à tout un corps de principes (‘valeurs’) comme absolus (et non ‘relatifs’) et ‘inhérents à la nature-même de l'homme’.

“Quant à l'expression ‘telle société’, l'Eglise a toujours enseigné que la chrétienté en tant que société animée par la culture et la civilisation chrétiennes est fondée sur des principes absolument vrais et éternels et qu'elle représentait aussi un modèle, perfectible certes, mais authentique, pour tous les peuples non chrétiens. Nous lisons encore dans OA:

37. L'Esprit du Seigneur, qui anime l'homme rénové dans le Christ, bouscule sans cesse les horizons où son intelligence aime trouver sa sécurité et les limites où volontiers son action s'enfermerait; une force l'habite qui l'appelle à dépasser tout système et toute idéologie.

“Encore une fois nous demandons: quel est le système par excellence, quelle est la doctrine sociale qui s'est toujours présentée comme sûre, certaine, garantie par l'autorité-même de l'Eglise? Quelle est l’idéologie sociale qui s'est toujours affirmée permanente, valide en tous temps et en tous lieux, pour dégradés que soient les horizons de ce monde instable où nous vivons (*3)? Comment nier que ce texte renonce à la doctrine sociale catholique enseignée par l’Eglise tout au long des siècles et en particulier par les papes des quatre-vingt dernières années? (*3) “L'Eglise a toujours enseigné que les principes de sa doctrine sociale sont valides en tous temps et en tous lieux. L'application sera sans doute adaptée aux circonstances. Toutefois cette adaptation ne consiste pas à en abolir ou en déformer les principes, mais plutôt à déterminer l'orientation d'une certaine réalité sociale conformément à ces principes.

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“OA montre du moins une certaine cohérence avec elle-même lorsque, déliant les catholiques de tout engagement avec la doctrine permanente en matière sociale et économique - non dans l'ordre transcendant mais dans l'ordre concret des faits -, elle les présente toujours dans une attitude de ‘recherche’, de ‘découverte’ ou de ‘réflexion’:

37. Au cœur du monde demeure le mystère de l'homme qui se découvre (*4) fils de Dieu au cours d'un processus historique et psychologique où luttent et alternent contraintes et libertés, pesanteur du péché et souffle de l'Esprit (*5). 7. Dans les mutations actuelles, si profondes et si rapides, chaque jour l'homme se découvre (se cotidie denuo detegitj nouveau et il s’interroge sur le sens de son être propre et de sa survie collective. 24. La double aspiration vers l'égalité et la participation cherche à promouvoir un type de société démocratique. Divers modèles sont proposés, certains sont expérimentés; aucun ne donne complète satisfaction et la recherche reste ouverte entre les tendances idéologiques et pragmatiques. Le chrétien a le devoir de participer à cette recherche et à l'organisation comme à la vie de la société politique. 42. Devant tant de questions nouvelles, l’Eglise fait un effort de réflexion pour répondre, dans son domaine propre, à l'attente des hommes (*6).

“Certains commentateurs de la lettre sont arrivés à cette conclusion: l’inexistence d'une doctrine sociale catholique applicable à tous temps et à tous lieux. C'est ainsi que J. Daoust et R. Bourdon, résumant pour ‘Esprit et vie’ (‘L’ami du clergé’) un article du père Jarlot, professeur à l'Université grégorienne de Rome ont écrit:

“Voir dans les documents pontificaux une sorte de code mi-juridique, mi-moral, immuable et valable pour tous les temps et tous les lieux, c’est en prendre le contre-pied. La Lettre parle du dynamisme de l'enseignement social de l’Eglise qui ‘se développe par une réflexion menée au contact des situations changeantes de ce monde, sous l'impulsion de l'Evangile’. Elle invite à ‘l’innovation hardie et créatrice que requiert la situation présente du monde. l'Eglise est en recherche et invite ses membres à y participer" (n.38, le 23.9.71, p. 523). (*4) “Le texte latin dit ‘agnoscit’, c'est-à-dire ‘reconnaît’, ce qui l'exempte de cette critique qu'appelle la traduction portugaise parue dans l'Osservatore Romano. Toutefois nous la maintenons, d'abord en raison de la grande autorité de l'Osservatore Romano, sa traduction semble être la seule parue en portugais; ensuite parce que tout au long da la lettre "0ctogesima adveniens" , la position du chrétien est marquée par cette 'attitude de "découverte". La version française de la Polyglotte vaticane dit "se découvre" et confirme la critique faite à partir de la version portugaise (note du traducteur). (*5) “Un commentaire particulier à côté du sujet traité s'impose ici. Que signifie cette expression ‘au cœur du monde’? Pourquoi est-il dit dans la

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version portugaise de l'Osservatore Romano’ que l'homme ‘se découvre fils de Dieu au cours d'un processus historique et psychologique’? N'est-il pas vrai que c'est depuis les origines du christianisme que les hommes savent par la révélation divine que, rachetés par Jésus-Christ, ils peuvent par le baptême devenir fils de Dieu?” [Les mêmes expressions étranges figurent dans la version française de la Polyglotte vaticane, NdT].

(*6) “Cette même attitude de 'recherche' et de 'réflexion" est manifeste dans d'autres passages de la lettre, comme aux numéros 4, 48 et 52.

“Sans doute, on trouve l'expression ‘doctrine sociale de l’Eglise’ dans certains passages de la lettre. Toutefois dans leur contexte, en dehors de l'affirmation d'une existence purement nominale d'une doctrine sociale catholique, ils nient nettement le centre de la doctrine sociale enseignée par les papes antérieurs. Lisons le n. 4 de la lettre:

Face à des situations aussi variées, il nous est difficile de prononcer une parole unique, comme de proposer une solution qui ait une valeur universelle (arduum profecto nobis est unam enuntiare sententiam qua solutio omnibus locis congruens proponatur). Telle n'est pas notre ambition, ni même notre mission.

“En effet, il ne revient pas au pape de résoudre toutes les particularités contingentes présentées par chaque cas concret. En revanche, ne lui revient-il pas, comme vicaire du Christ, de condamner le socialisme qui dans toutes ses formes nie le principe de la propriété privée? N'est-il pas vrai qu'il lui revient d'affirmer la valeur universelle du droit à l'héritage? Et de la constitution hiérarchique de la société en classes? Et du mariage monogamique et indissoluble? Et ainsi de suite pour tant d'autres principes de la doctrine sociale catholique. Une fois énoncée cette ‘parole unique’ et énoncée cette ‘solution qui ait une valeur universelle’, nous aurions, appliqués à notre temps, les principes permanents de la civilisation chrétienne, qui n'ont pas à être inventés d'après saint Pie X, mais qu'il suffit de reprendre et d’adapter ‘dans le même esprit chrétien qui les a inspirés’. La lettre poursuit ainsi:

4b) Il revient aux communautés chrétiennes d'analyser avec objectivité la situation propre de leur pays, de l'éclairer par la lumière des paroles inaltérables de l'Evangile, de puiser des principes de réflexion, des normes de jugement et des directives d'action dans l'enseignement social de l’Eglise tel qu'il s'est élaboré au cours de l'histoire et notamment, en cette ère industrielle, depuis la date historique du message de Léon XIII sur ‘la condition des ouvriers’ dont nous avons l'honneur et la joie de célébrer aujourd'hui l'anniversaire. c) A ces communautés chrétiennes de discerner, avec l'aide de l'Esprit Saint, en communion avec les évêques responsables, en dialogue avec les autres frères chrétiens et tous les hommes de bonne volonté, les options et les engagements qu'il convient de prendre pour opérer les

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transformations sociales, politiques et économiques qui s'avèrent nécessaires avec urgence en bien des cas.

“Remarquons qu'on ne parle d'aucun point concret de l'enseignement social de l’Eglise. Il y est présenté comme réduit à des principes génériques, plus spirituels qu’économiques, politiques et sociaux, dans le sens déjà indiqué. Elle est présentée comme en cours d'élaboration, elle semble n'avoir pas encore d'existence en tant que corps doctrinal, systématique et scientifique, elle semble ne pas avoir ces caractéristiques définies par exemple par Pie XI (et Jean XXIII).

“Aussi dans la suite (4c), rien n’est dit sur les principes concrets qui forment le patrimoine de la véritable doctrine sociale de l'Eglise; au contraire, de nouvelles affirmations viennent s’y opposer radicalement à l'enseignement des papes antérieurs.

“Pourquoi la lettre dit-elle ‘les options et les engagements qu'il convient de prendre pour opérer les transformations sociales, politiques et économiques qui s’avèrent nécessaires avec urgence en bien des cas’? Même si on fait abstraction du langage, si courant chez les progressistes et les communistes (‘transformations sociales...qui s’avèrent nécessaires avec urgence’) (*7), nous ne devons pas oublier que les catholiques ne doivent pas toujours transformer les choses. Ils doivent aussi, et très fréquemment, lutter pour la préservation des institutions chrétiennes encore debout de nos jours: par exemple, en plusieurs pays:, les lois contre le divorce, contre l'avortement, la protection de la propriété privée, l'opposition au communisme et au socialisme, la reconnaissance de l'Eglise catholique comme religion d'état etc. N'est-ce pas la négation des principes fondamentaux de la doctrine sociale de l'Eglise, l'insinuation que cette même doctrine favorise les ‘transformations’? Une telle insinuation n'est-elle pas à l'opposé de l'enseignement de saint Pie X selon lequel ‘les vrais amis du peuple ne sont ni révolutionnaires ni novateurs, mais traditionalistes’? (*7) Voyez par exemple: ‘D. Antonio de Castro Mayer: Carta Pastoral sobre Cursilhos de Cristandade?, deuxième édition p. 81 § 38.

“Le texte poursuit:

4d) Dans cette recherche des changements à promouvoir, les chrétiens devront d'abord renouveler leur confiance dans la force et l'originalité des exigences évangéliques. L'Evangile n'est pas dépassé parce qu’il a été annoncé, écrit, vécu dans un contexte socioculturel différent. Son inspiration, enrichie par l'expérience vivante de la tradition chrétienne au long des siècles, reste toujours neuve pour la conversion des hommes et le progrès de la vie en société sans que, pour autant, on en vienne à

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l'utiliser au profit d'options temporelles particulières, en oubliant son message universel et éternel.

“Ce qui nous montre que, d'après la lettre, prendre une position opposée au socialisme, favorable à la propriété privée, au droit à l'héritage etc. est une de ces ‘options temporelles particulières’ condamnables. Pour cette même raison, la lettre admet qu'un catholique soit socialiste. Or soutenir que la doctrine sociale de l'Eglise, basée sur l'Evangile, ne s'étende pas à ces questions-là, c'est la ruiner en privant de fondement l’allusion à la doctrine sociale de l’Eglise que nous avons déjà soulignée.

“La doctrine sociale de l’Eglise est encore mentionnée dans le texte suivant qui constitue une claire négation des véritables fondements de la doctrine sociale traditionnelle:

42. C'est avec tout son dynamisme que l'enseignement social de l'Eglise accompagne les hommes dans leur recherche. S'il n'intervient pas pour authentifier une structure donnée ou pour proposer un modèle préfabriqué, il ne se limite pas non plus à rappeler quelques principes généraux: il se développe par une réflexion menée au contact des situations changeantes de ce monde, sous l'impulsion de l'Evangile comme source de renouveau, dès lors que son message est accepté dans sa totalité et dans ses exigences.

“Ce texte dispense de commentaires. Ce ‘enseignement social de l’Eglise’, qui ressemble à une suggestion constructive pour des réflexions plutôt qu'à une doctrine proposée au nom de celui qui enseignait avec autorité, n'authentifie aucune ’structure donnée’ et ne propose aucun ‘modèle préfabriqué’ (*8). Encore une fois, OA ne se contredit pas: elle admet que les catholiques soient socialistes parce qu'elle nie la doctrine sociale de l'Eglise dans les termes enseignés traditionnellement par les papes.

“Nous nous demandons donc avec beaucoup d'inquiétude quel sera le résultat de ces ‘recherches’, de ces ‘efforts de réflexions’ auxquels la lettre invite les ‘chrétiens’. En imaginant le résultat de ces dialogues et de ces recherches - on n'a même plus besoin de les imaginer, nous les voyons se répandre de tous côtés - , nous ne pouvons nous empêcher de méditer ces paroles lumineuses de saint Pie X (NChA, n.58, v. p.xx) ... on est effrayé de voir de nouveaux apôtres s'acharner à faire mieux avec la mise en commun d'un vague idéalisme et de vertus civiques... le [sillonisme de Octogesima adveniens] convoie le socialisme, l'œil fixé sur une chimère."

“La ‘Revista Eclesiastica Brasileira’ dans la chronique déjà citée du n. 123 de septembre 71 reproduit l'opinion d'un chef du parti catholique hollandais et celle d'un journal de gauche italien sur OA. Tous deux

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affirment que d’après la lettre, l'Eglise n’a aucune doctrine sociale. Le journal relève que c'est ‘la première fois que l’Eglise cesse d'affirmer qu'elle a une doctrine sociale’. Le leader catholique hollandais, Norbert Schmelzer, de son côté, ignore la conception traditionnelle de la doctrine catholique en affirmant que la lettre est un stimulant pour la recherche de nouvelles solutions basées sur l'analyse des faits”.

(*8) “Dans le contexte de la lettre apostolique, on voit mal la portée de cette affirmation du n° 7 selon laquelle Paul VI n'oublie pas les "problèmes permanents", déjà abordés par ses prédécesseurs.

La Doctrine Sociale Catholique et les ‘Idéologies’

"Le lecteur peu familiarisé avec la terminologie des ‘sciences humaines’ contemporaines aura bien sûr trouvé étrange l’utilisation du mot ‘idéologie’ et des autres du même genre dans les textes d’OA cités au chapitre précédent. En effet, incompréhensible paraît l’expression d'un point de vue qu'on est invité à qualifier de ‘dépassement’ de la doctrine sociale enseignée par les papes quand on lit dans le texte: ’L’ambiguïté possible de toute idéologie sociale’ (27). Ou encore: ’dépassant tout système’ (36). Ou encore: ’le caractère relatif des comportements et des valeurs que telle société présentait comme définitives et inhérentes à la nature-même de l’homme’ (40).

Nous pourrions multiplier les exemples, soit parmi les phrases que nous avons citées, soit parmi d'autres que nous avons omises.

‘Dépasser tout système et toute doctrine’? "La perplexité du lecteur distrait s’accroît encore quand il se rend compte que le mot ‘idéologie’ des versions en langues modernes correspond en latin à doctrina. Parler de ‘l’ambiguïté possible de toute doctrine sociale’ (in sociali qualibet doctrina) et de ‘dépasser tout système et toute idéologie’ (ut omne systema rationemque doctrinæ praetergrediatur) ne suggère-t-il pas une critériologie différente de celle que l’Eglise a toujours enseignée?

"La vue se clarifie quand nous considérons que le mot ‘idéologie’ a dans les ‘sciences humaines’ contemporaines un sens bien particulier: - Système plus ou moins cohérent d'idées, d'opinions ou de dogmes, qu'un groupe social ou un parti présentent comme une exigence de la raison, mais dont le ressort effectif se trouve dans le besoin de justifier des entreprises destinées à satisfaire des aspirations intéressées et qui est surtout exploité pour la propagande - (P. Foulquié et R. Saint-Jean: Dictionnaire de la langue philosophique, Paris, 1969, au mot idéologie;

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dans le même sens, Enciclopedia Filosofica, Florence, 1967, au mot ideologia; et Ferrater Mora: Diccionário de Filosofia, Buenos Aires, 1968, au mot ideologia).

"Il serait sans doute téméraire de soutenir tout simplement que la lettre OA applique cette notion d'idéologie à la doctrine sociale catholique telle qu'elle a été conçue par les papes antérieurs. D'autant plus que le mot lui-même n'apparaît pas dans l’original latin. Néanmoins la question se pose toujours, car tout s'éclaircit en supposant que cela soit vrai. Il y a ainsi une ‘ambiguïté possible’ dans toute doctrine sociale, économique ou politique car, sous une apparence scientifique, elles sont toutes nées d'aspirations ‘intéressées’; pour cette raison, on doit vivre dans la société en ‘dépassant tout système’, ‘dépasser tout système et toute idéologie’ et surtout on doit reconnaître ‘le caractère relatif des comportements et des valeurs que telle société présentait comme définitives et inhérentes à la nature-même de l’homme’.

"Grâce à cette même supposition, d'autres passages de OA qui paraissaient obscurs s'éclaircissent. Entre autres celui-ci qui s’applique aux ‘chrétiens qui ont choisi le régime de la propriété privée:

50. Il est vrai que beaucoup, insérés dans les structures et les conditionnements modernes, sont déterminés par leurs habitudes de pensée, leurs fonctions, quand ce n'est pas par la sauvegarde d'intérêts matériels.

"Cette interprétation des ‘doctrinæ sociales’ comme de simples ‘idéologies’ ne serait-elle pas par hasard en accord avec l’étrange conception de ce qu'on appelle les ‘sciences humaines’ impliquées dans OA?

“En effet nous lisons au n° 38:

Dans ce monde dominé par la mutation scientifique et technique qui risque de l’entraîner vers un nouveau positivisme, un autre doute se lève, plus essentiel. Après s’être appliqué à soumettre rationnellement la nature, voici que l’homme se trouve comme enfermé lui-même dans sa propre rationalité; il devient à son tour objet de science."

"Cette conception des sciences humaines ne s'accorde pas avec l’enseignement traditionnel de l’Eglise. Celle-ci a toujours enseigné que la théologie et la philosophie dans leurs diverses branches sont de véritables sciences. Ainsi, dans la mesure où elles parlent de l’homme, elles seront authentiquement des sciences humaines (*). Ce serait introduire un conflit entre la foi et la science que de nier cette vérité comme le faisaient les modernistes. En effet, nier le caractère scientifique de la théologie scolastique, de la morale, de la psychologie philosophique, de la théologie et de la philosophie de l’histoire etc.,

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c’est tomber dans l’opposition moderniste entre la foi et la science décrite par saint Pie X dans l’encyclique Pascendi.

(*1) "Dans sa lettre NChA.38, S. Pie X se réfère à 'tout ce qu'il a fallu de forces, de science, de vertus surnaturelles pour établir la cité chrétienne’. Un peu plus loin, il dit encore au sujet des prêtres qui se dévouent aux problèmes sociaux: 'Qu'ils soient persuadés que la question sociale et la science sociale ne sont pas nées d'hier’. “Et Pie XI dans QA écrit: ‘Cependant, tandis que, à la suite des recherches scientifiques, les principes de Léon XIII se répandaient dans les esprits, on en venait à la pratique" (AAS, 1931, p. 184, voyez encore p. 182-183; Actes de sa sainteté Pie XI, Maison de la Bonne presse, Paris, t. VII, p. l00).

Le n°38 poursuit:

Les sciences humaines connaissent aujourd'hui un essor significatif. D'une part elles soumettent à un examen critique et radical les connaissances admises jusqu'ici sur l’homme, parce qu'elles leur apparaissent ou trop empiriques ou trop théoriques.

"On sait que c’est une accusation très fréquemment dirigée contre l’Eglise à l’heure actuelle que de qualifier la scolastique de ‘trop théorique’, c'est-à-dire de négliger l’individu au profit d'une systématisation cérébrale, de surenchérir l’abstrait au détriment du concret etc. C'est la raison pour laquelle Pie XII a écrit dans l’encyclique Humani generis qu’il est téméraire de reprocher à la ‘philosophia perennis’ de n'être ‘qu'une philosophie des essences immuables, tandis que l’esprit d’aujourd’hui doit considérer l’existence des êtres singuliers et la vie toujours fluente’ (AAS, 1950, p. 573).

La censure à la scolastique. "Or ce n°38 d’OA paraît consentir à ce reproche adressé à la scolastique. Il dit que les sciences humaines contemporaines soumettent ‘à un examen critique et radical’ (à remarquer comment le contexte insinue que ce radicalisme critique est opportun et indispensable) ‘les connaissances admises jusqu'ici sur l’homme’ (il est évident que la scolastique y est inclue), ‘parce qu’elles leur apparaissent ou trop empiriques ou trop théoriques.

"Remarquons l’indétermination de l’expression leur apparaissent, seraient-elles ainsi de fait? La lettre ne le dit pas. Toutefois, étant donné le nombre des écoles et par suite le nombre des conclusions, l'expression indéterminée d’OA pousse le lecteur à considérer cette critique comme justifiée pour toutes les écoles. Et ainsi justifiée également pour la scolastique. En outre, les paragraphes suivants adressent des critiques aux sciences humaines, mais elles sont toutes accidentelles et il n'y a pas un mot pour défendre la scolastique.

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"Au contraire, d'autres passages de la lettre refusent implicitement à la scolastique le caractère de science véritable. Par exemple:

40. Certes, chaque discipline scientifique ne pourra saisir, dans sa particularité, qu'un aspect partiel mais vrai de l’homme; la totalité et le sens lui échappent.

"Echappent-ils à la raison humaine, à la philosophie, à la théologie (qui est science non moins que sagesse)? Ou bien au contraire la philosophie et la théologie sont-elles sur un terrain non scientifique?

"Nous savons bien que dans le langage courant on emploie le mot science pour désigner les sciences naturelles et expérimentales. Assurément un tel langage peut être toléré en maintes circonstances. Cependant dans le texte analysé le mot science comprend les systèmes économiques, politiques et sociaux. Malgré l’emploi de notions empruntées aux sciences naturelles ces systèmes ont une portée beaucoup plus ample. Et cette portée s'engage profondément dans le terrain de la philosophie, soit implicitement, soit explicitement (*2 NChA, n.38). Or la philosophie et la théologie - nous devons l’affirmer sous peine de capitulation devant le danger moderniste qui nous guette de tous côtés - sont des sciences suprêmes, supérieures aux autres par leurs objets, par leurs méthodes de démonstration, par le degré plus élevé de certitude auquel elles nous conduisent."

Le Magistère condamne toutes formes de socialisme

"Au siècle dernier, dès qu'il a commencé à prendre une importance particulière, le socialisme a été condamné par les papes. A partir de Pie IX qui l’a qualifié de «système criminel» (enc. Nostris et nobiscum) en passant par Léon XIII (enc. QApM, DI, HG, Libertas, RN, e GC, par saint Pie X (NChA) et Benoît XV (AB). Jusqu'à Pie XI, les papes ont déclaré plusieurs fois qu'entre le catholicisme et le socialisme il y a une incompatibilité intrinsèque et irréductible.

"Néanmoins, au temps de Pie XI sont apparues plusieurs tentatives d’adoucissement du socialisme sur le terrain politico-social à tel point que dans les milieux catholiques aussi bien que socialistes on a proposé un socialisme avec une opposition des classes si atténuée qu'il apparaissait comme une exigence de la justice sociale chrétienne. De même, les restrictions à la propriété privée étaient tellement mitigées qu'elles se présentaient comme une simple mise en valeur de l’aspect social de la propriété.

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"Malgré ces nuances apportées, Pie XI a bien déclaré le socialisme incompatible avec la doctrine catholique à cause de la structure économico-sociale préconisée par les socialistes, toujours fondée sur des principes contraires à la doctrine révélée. (Voir l’encyclique Quadragesimo anno, p.xx). (*1)

"Pie XI a voulu donner une grande répercussion à cet enseignement en faisant peu après au sujet de ces doctrines déjà proclamées par ses prédécesseurs la déclaration suivante: ‘Tout ce qui vient d'être rappelé par nous et confirmé solennellement de notre autorité doit également s'appliquer à une forme nouvelle du socialisme, encore peu connue en vérité, mais qui actuellement se répand dans un très grand nombre de groupements socialistes’. (trad. AAS, 1931, p. 216, ib.).

(*1) Pie XII a lui aussi réprouvé l’ordre économique préconisé par les socialistes en raison de ses principes inacceptables pour les catholiques. Voyez le radiomessage au Katholikentag de Vienne le 14 septembre 1952, texte allemand dans les AAS, 1952, p. 789.

"La conclusion est donc simple et claire: le socialisme, sous toutes ses formes, même les plus mitigées, est absolument incompatible avec la doctrine catholique. OA, toutefois, ne prend pas cette position.

31. Entre les divers niveaux - expression - socialisme - une aspiration généreuse et une recherche - une société plus juste, des mouvements historiques ayant une organisation et un but politiques, une idéologie prétendant donner une vision totale et autonome de l'homme - des distinctions sont à établir qui guideront les choix concrets. Toutefois ces distinctions ne doivent pas tendre à considérer ces niveaux comme complètement séparés et indépendants. Le lien concret qui, selon les circonstances, existe entre eux, doit être lucidement repéré, et cette perspicacité permettra aux chrétiens d'envisager le degré d’engagement possible dans cette voie, étant sauves les valeurs, notamment de liberté, de responsabilité et d'ouverture au spirituel, qui garantissent l'épanouissement intégral de l'homme.

"Ce texte, malgré des passages obscurs et même hermétiques (*2) est toutefois clair dans son sens fondamental: de façon plus ou moins prononcée, le catholique peut participer à des mouvements socialistes. Car le texte, interprété dans son sens naturel, indique que le socialisme, en soi n’est pas incompatible avec les valeurs (...) de liberté, de responsabilité et d'ouverture au spirituel, qui garantissent l'épanouissement intégral de l'homme. Cette interprétation est corroborée par l'affirmation qu'il existe dans le socialisme une ‘aspiration généreuse’ (*3) pour une ‘société plus juste’.

(*2) "Remarquons en passant la caractère particulier de ce passage. La référence à la ‘perspicacité’ nécessaire aux catholiques pour discerner le degré

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d'engagement dans la cause socialiste nous paraît énigmatique. Il ne manquera pas d'interprètes pour voir sous-entendue l’affirmation que ces divers terrains de développement du socialisme sont les ‘divers niveaux d’expression du socialisme’. Il nous semble aussi qu'en bonne logique on pourrait arriver à des conclusions nombreuses et graves devant l’affirmation que le socialisme naît d'une aspiration généreuse et conduit à une soigneuse ‘recherche d'une société plus juste’. Remarquons encore l’obscurité de l’affirmation que ces distinctions ne doivent pas toucher à l’extrémisme par le fait de considérer ces ‘divers niveaux - expression du socialisme’ comme ‘complètement séparés et indépendants’. Il reviendra aux futurs historiens de déterminer le sens de ces expressions qui manquent de clarté dans OA ainsi que dans d’autres documents récents. Et aussi d'en déterminer les conséquences pastorales.

(*3) L’aspiration généreuse “attribuée par OA au socialisme comparé avec la critique faite par S. Pie X au caractère prétendu généreux du mouvement le ‘Sillon’: ‘(...) les théories du Sillon, qui, sous leurs apparences brillantes et généreuses, manquent trop souvent de clarté, de logique et de vérité’. (NChA, 1). ‘Nous devons la vérité à nos chers enfants du Sillon qu'une ardeur généreuse a emportés dans une voie aussi fausse que dangereuse’ (ib. n.5).

"L'ouverture de la doctrine catholique au socialisme est claire dans ce texte qui milite en faveur du ‘passage de l’économique au politique’:

46g. (l'activité économique) souvent terrain d'affrontement et de domination, peut ouvrir des dialogues et susciter des coopérations. Pourtant elle risque d'absorber à l'excès les forces et la liberté. C'est pourquoi le passage de l’économique au politique s’avère nécessaire. Certes, sous le terme ‘politique’, beaucoup de confusions sont possibles et doivent être éclairées, mais chacun sent que, dans les domaines sociaux et économiques, tant nationaux qu'internationaux, la décision ultime revient au pouvoir politique.

"Selon ce contexte, la lettre propose tout simplement comme nécessaire le transfert de la direction de la vie économique à l'état (Hæc ergo est causa, cur necesse sit, ut res oeconomica ad rem politicam transeat,(*4). Ceci, qui n’est qu'un desideratum fondamental du socialisme, vient favoriser la gauche et la tendance à la nationalisation sous toute ses formes, même dans les pays dits de capitalisme privé, où l'intervention systématique des pouvoirs publics est en train d'établir, dans des proportions toujours croissantes, un capitalisme d'état qui, de fait, ne se distingue guère du socialisme.

(*4) "Dans tout transfert ou passage (transeat, transitus) il y a nécessairement un terme a quo et un terme ad quem. Le texte analysé indique ce dernier puisqu'il déclare nécessaire le passage de l'économique au politique (ad rem politicam). Quel est le terme ‘a quo’? La lettre ne le dit pas explicitement, mais

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le contexte ne laisse aucun doute: c'est du domaine privé, c'est-à-dire que l’économie doit passer du domaine de l’initiative privée au domaine politique.

"OA ne craint pas ce danger contre lequel Pie XII nous a mis en garde dans son radiomessage au Katholikentag de Vienne, en 1952, quand il a prononcé cette exhortation adressée tout spécialement à notre temps: 'Il faut empêcher la personne et la famille de se laisser entraîner dans l'abîme où tend à la jeter la socialisation de toutes choses, socialisation au terme de laquelle la terrible image de Léviathan deviendrait une horrible réalité. C'est avec la dernière énergie que l’Eglise livrera cette bataille où sont en jeu des valeurs suprêmes: dignité de l'homme et salut éternel des âmes'.

Le principe de fonction supplétive de l’état adapté au socialisme. OA, à la suite du texte cité plus haut, affirme ce qu'on appelle le principe de fonction supplétive de l’état, déjà défendu par Pie XI et Pie XII. Cependant Mgr Castro-Mayer observe:

"1. Le texte, que nous allons citer, ne contrarie en rien l'affirmation que l'économique doit passer au politique. D'où, en bonne logique, ce même texte doit être compris comme nullement opposé à cette affirmation antérieure. 2. Il n'y a aucune mention de l'application du principe de subsidiarité au domaine économique. 3. Par conséquent, OA conçoit la possibilité de sauvegarder le principe de fonction supplétive dans une économie socialiste. Voici ce texte:

46b) (Le pouvoir politique), qui est le lien naturel et nécessaire pour assurer la cohésion du corps social, doit avoir pour but la réalisation du bien commun. Il agit, dans le respect des libertés légitimes des individus, des familles et des groupes subsidiaires, afin de créer, efficacement et au profit de tous, les conditions requises pour atteindre le bien authentique et complet de l'homme, y compris sa fin spirituelle. Il se déploie dans les limites de sa compétence qui peuvent être diverses selon les pays et les peuples. Il intervient toujours avec un souci de justice et de dévouement au bien commun dont il a la responsabilité ultime. Il n'enlève pas pour autant aux individus et aux corps intermédiaires leur champ d'activité et leurs responsabilités propres, qui les conduit à la réalisation de ce bien commun.

"Ce passage, comme nous l'avons déjà dit, laisse les portes ouvertes pour l'acceptation d'un ‘socialisme catholique’. En effet, les expressions ‘respect des libertés légitimes des individus, des familles et des groupes subsidiaires’, ‘le bien authentique et complet de l'homme, y compris sa fin spirituelle’, ‘un souci de justice et de dévouement au bien commun’ et autres semblables peuvent parfaitement se concilier avec un régime catholico-socialiste. Le caractère systématiquement vague de ces expressions jointes à l'affirmation tout aussi vague que les limites de la compétence

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de l'état ‘peuvent être diverses selon les pays et les peuples’ nous montre clairement que ce passage de la lettre apostolique n'entre point en conflit avec celui cité plus haut. Rien dans sa formulation n'exclut la conception selon laquelle les organisations économiques seraient simplement des compartiments du corps de l'état. OA, tout en jugeant possible la liberté économique ou sociale sans la liberté économique, conçoit le principe de fonction supplétive dans un sens formellement différent de celui qu'ont exprimé Pie XI et Pie XII, [et même] Jean XXIII”.

"Après avoir déclaré quelles sont les valeurs considérées comme positives dans le socialisme et le libéralisme ainsi que leurs dangers respectifs, la lettre admet comme licite une option du catholique en faveur du socialisme:

36. Dépassant tout système, sans pour autant omettre l’engagement concret au service de ses frères, il (le chrétien) affirmera, au sein-même de ses options, la spécificité de l’apport chrétien pour une transformation positive de la société (cf. GS 11).

"Comme dans ce passage, la lettre nous parle exactement des options économiques, politiques, sociales (libéralisme, socialisme etc.), il est clair que selon ce document le socialisme n'est pas incompatible avec ‘la spécificité de l’apport chrétien pour une transformation positive de la société. (Les mots dépassant tout système qui pourraient à première vue avoir un sens différent de celui que nous avons donné seront analysés plus loin).

“Une particulière attention doit être accordée à ce passage d’OA qui, malgré de graves réserves, admet la possibilité d'une option marxiste pour le catholique:

34. Si à travers le marxisme, tel qu'il est concrètement vécu, on peut distinguer ces divers aspects et les questions qu'ils posent aux chrétiens pour la réflexion et pour l’action, il serait illusoire et dangereux d'en arriver à oublier le lien intime qui les unit radicalement, d'accepter les éléments de l’analyse marxiste sans reconnaître leurs rapports avec l’idéologie, d'entrer dans la pratique de la lutte des classes et de son interprétation marxiste en négligeant de percevoir le type de société totalitaire et violente à laquelle conduit ce processus.

"Ce passage nous paraît d'une extrême importance. Car il permet, même au catholique ‘d'entrer dans la pratique de la lutte des classes et de son interprétation marxiste’, pourvu qu'on n'oublie pas que ce processus - d'une façon toutefois non nécessaire, insinue le contexte (*5) - conduit au totalitarisme et à la violence (*6).

(*5) "Nous serions forcés, pour être précis, de considérer que le contexte insinue ou plutôt déclare que l’‘option marxiste’ peut être légitime malgré les dangers que le texte-même indique. Comment? Serait-il possible que ces dangers

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puissent être évités par les esprits perspicaces? Ou bien que ces menaces de totalitarisme et de violence, bien qu'inévitables, puissent être de moindres maux? Ou encore que ces maux, même pouvant être évités, viennent en quelque sorte favoriser l’établissement d’une société plus juste (31)? Le texte n'éclaircit point cela.

(*6) "Si les restrictions contenues dans ce passage sont euphémiques, elles signifient que le marxisme est indissociable de ces dangers et doit être rejeté par les catholiques en toutes circonstances. Le texte et le contexte ne semblent pas permettre cette interprétation.

"Le §32 établit les circonstances et les précautions de la part des catholiques pour une option marxiste à la suite du §31 qui avait fait de même pour le socialisme: 'D'autres chrétiens se demandent si une évolution historique du marxisme n'autoriserait pas certains rapprochements concrets’ (utrum historica marxianæ doctrinæ explicatio jam permittat certum aliquem ad eam accessum). (32).

"Après avoir établi au §33 les 'divers niveaux d'expression' du marxisme, le §34 donne les conditions pour que ce 'certus aliquid ad eam accessus' puisse être réalisé. L'analyse du §34 indépendamment de son contexte conduit aux mêmes conclusions; il affirme que: 1) Le chrétien doit considérer la doctrine marxiste telle qu'elle existe concrètement (qualis in ipsius vitæ actionem traducitur); 2) Les nuances que le chrétien doit apporter à cette doctrine ont pour but non seulement un jugement spéculatif, mais encore ‘la réflexion et l’action’ (tum ad deliberandum tum ad agendum); 3) évitant les pierres d'achoppement signalées.

"La conclusion s’impose: pour la lettre OA le marxisme dans son essence contient des éléments utiles. Cela est cohérent avec l’affirmation que dans le socialisme se trouve une ‘aspiration généreuse’ pour 'une société plus juste’ (31). La lettre veut-elle dire qu'en abandonnant cette ‘aspiration généreuse’ nous renoncions ipso facto à cet idéal d'une ‘société plus juste’?

L'animation socialiste dérive de la Gaudium et spes:

50. Dans les situations concrètes et compte tenu des solidarités vécues par chacun, il faut reconnaître une légitime variété d'options possibles. Une même foi chrétienne peut conduire à des différents engagements (*7). L'Eglise invite tous les chrétiens à une double tâche d'animation et d'innovation afin de faire évoluer les structures pour les adapter aux vrais besoins actuels (*8). Aux chrétiens qui paraissent, à première vue, s'opposer à partir d'options différentes, elle demande un effort de compréhension des positions et des motivations de l’autre (*9); un examen loyal de ses comportements et de leur rectitude suggérera à chacun une attitude de charité plus profonde qui, tout en reconnaissant les différences, n'en croit pas moins aux possibilités de convergence et d'unité. Ce qui unit les fidèles est en effet plus fort que ce qui les sépare (GS 93).

“Le sens du texte est clair. Les ‘options possibles’ dont il est question présentement comprennent le libéralisme, le socialisme, le marxisme etc.

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comme la lettre l’a déjà dit. C'est donc dans ce champ et avec une telle amplitude que ‘une même foi chrétienne peut conduire à des engagements différents’.

(*7) “Nous étudierons plus loin le sens transcendantal donné par la lettre OA à la foi et à la morale chrétiennes qui permet dans l’ordre social des 'engagements' et des 'options' divers et même opposés.

(*8) “Nous avons vu l’étrange façon dont la lettre conçoit l’action des catholiques dans l’ordre social comme orientée vers le changement des structures actuelles et non vers la défense et la restauration des institutions chrétiennes qui, selon S. Pie X, n'ont pas à être inventées.

(*9) “Nous attirons l’attention du lecteur sur cette curieuse conception selon laquelle le vrai catholique et le catholique socialiste ou même marxiste n'auraient pas choisi des ‘options’ vraiment opposées et selon laquelle le catholique marxiste n'est pas hérétique car sa ‘position’ et sa ‘motivation’ peuvent être logiquement saisies par un ‘effort de compréhension’.

“Cette façon de parler des doctrines et des ‘options’ politiques et sociales nous montre clairement une conception dialectique qui ignore le droit naturel, objectif et immuable, base de tout ordre économique politique et social; au contraire cet ordre serait assujetti à une perpétuelle évolution en raison du choc, parfois violent, des thèses et des antithèses qui tendent à se dépasser dans une nouvelle synthèse.

“Certains ont invoqué à l’encontre de l’interprétation que nous venons de donner d’OA qui manifeste une ouverture de la doctrine de l’Eglise à l’égard du socialisme un texte déjà bien connu de Jean XXIII dans Ptr repris intégralement par Paul VI dans OA. Ils affirment que selon ce texte Paul VI comme déjà Jean XXIII auraient autorisé les catholiques à suivre les mouvements restés nominalement socialistes mais qui, de fait, poussés par des contingences d'ordre politique, auraient abandonné toutes trace de socialisme.

"Une première remarque s'impose: cet argument implique une opposition précise entre ce texte de Ptr et QA, puisque dans cette dernière Pie XI déclare que le socialisme et le catholicisme sont des termes contradictoires, tandis que Jean XXIII et Paul VI auraient enlevé la condamnation du terme 'socialisme' en permettant l’adhésion des catholiques à un mouvement qui ne serait socialiste que nominalement”. [Sans analyser la Ptr, qui “dépasse les limites de cette étude”, l’Evêque se demande quel sens lui donne la lettre OA lorsqu'elle la cite]. Voici le n° 30:

On ne peut identifier, écrit-il, de fausses théories philosophiques sur la nature, l’origine et la finalité du monde et de l’homme, avec des mouvements historiques fondés dans

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un but économique, social, culturel ou politique, même si ces derniers ont dû leur origine à ces théories et puisent encore leur inspiration en elles. Une doctrine, une fois fixée et formulée, ne change plus, tandis que des mouvements ayant pour objet des conditions concrètes et changeantes de la vie ne peuvent pas ne pas être largement influencées par cette évolution. Du reste, dans la mesure où ces mouvements sont d'accord avec les sains principes de la raison et répondent aux justes aspirations de la personne humaine, qui refuserait d'y reconnaître des éléments positifs et dignes d'approbation?.

"Cependant le sens littéral du texte de Jean XXIII n'est pas celui-là. En effet, il ne s'agit point de mouvements qui auraient abandonné les 'fausses théories philosophiques sur la nature, l’origine et la finalité du monde et de l’homme', mais bien plutôt des mouvements qui 'puisent encore leur inspiration en elles'. De plus, il ne s'agit pas de 'mouvements historiques fondés dans un but économique, social, culturel ou politique' qui seraient 'largement influencés' par les 'conditions concrètes et changeantes de la vie', peut-être jusqu'au point d'altérer substantiellement cette finalité économique sociale, culturelle ou politique. Non. Ce qui est dit dans le texte tel qu’il est cité par 0A, c'est que 'dans la mesure où ces mouvements (l’intention de se référer ici au socialisme est très nette) sont d'accord avec les sains principes de la raison (cette conformité existait certainement depuis longtemps, mais les papes antérieurs, surtout Pie XI ne l'avaient pas perçue) et répondent aux justes aspirations de la personne humaine' (selon l'OA 31, le socialisme naîtrait des 'aspirations' généreuses et d'une recherche de la justice), on ne peut refuser d'y reconnaître des éléments positifs et dignes d'approbation (cf. 30)

"En d'autres termes, une analyse attentive de la lettre OA dans son ensemble et de ce texte de la Ptr en particulier inviterait un catholique progressiste à formuler la théorie suivante: renfermés, certainement pas par leur faute, dans les 'idéologies' dominantes de leur époque, Pie IX, Léon XIII, St Pie X, Pie XI, Pie XII et peut-être même Jean XXIII, ne se sont pas rendu compte que le socialisme naissait d'aspirations profondes fondamentalement chrétiennes, malgré une déviation accidentelle due à une fascination par des conceptions philosophiques achrétiennes. Mais une fois qu’ils ont été purifiés de toutes les influences étrangères, on s’aperçoit aujourd'hui que, du point de vue exclusivement économique, politique et social, les mouvements socialistes incarnent des aspirations fondamentalement généreuses, justes et chrétiennes. Ainsi le catholique peut adhérer à ces mouvements, dès qu'il rejette les fausses conceptions philosophiques auxquelles ils restent éventuellement attachés (**).

(**) QA interdit tout engagement, tandis que OA le permet.

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"Ces textes de l’encyclique Quadragesimo Anno, de la Ptr telle qu'elle a été citée par Paul VI et de l’OA, considérés dans leur sens objectif - ‘uti jacent’ sont nettement distincts:

1 - L'enc. QA déclare que le socialisme sous toutes ses formes est incompatible avec le catholicisme. Elle affirme encore que le terme même de ‘socialisme' s'oppose à 'catholicisme' (n.117).

2 - La Ptr, du moins dans la citation de l'OA, déclare que des mouvements inspirés par de fausses théories philosophiques peuvent comprendre ‘des éléments positifs et dignes d'approbation’; elle ne dit rien sur la possibilité d'adhésion des catholiques aux mouvements socialistes.

3 - L’OA reconnaissant dans le socialisme 'une aspiration généreuse et une recherche d'une société plus juste' déclare que la perspicacité permettra aux chrétiens d'envisager le degré d'engagement possible dans la cause socialiste (31).

"On peut voir que la présence d'éléments bons et mauvais dans le socialisme a déterminé des jugements différents chez Pie XI et Paul VI.

"D'autre part, certains principes de la doctrine sociale de l’Eglise, étant donné leur importance et les constantes attaques dont ils sont l’objet de la part des courants révolutionnaires, ont été maintes fois réaffirmés par les papes qui se sont occupé de la question sociale en ces dernières décennies. Ainsi le droit à la propriété privée, apanage de l’individu et de la famille, qui est antérieur à la formation des états; ou encore le droit à l’héritage, qui assure la continuité de la famille. Ces principes ne sont point réaffirmés par OA, ou du moins elle laisse des doutes à leur sujet: la doctrine catholique aurait peut-être évolué dans ce domaine. Une telle attitude d'OA ne manque pas de favoriser le courant socialiste.

L'évidente contrariété entre OA et les documents antérieurs du magistère*** “laisse notre conscience perplexe”, déclare Mgr Mayer.

(***) A propos de ce rapport le P. Gonçalo Higuera Udias, s.j. a remarqué dans l'article, ‘Primer encuentro con la «Octogesima adveniens»', dans "Sal terræ", 1971, p. 406: 'la lettre ne cite aucun document paru durant les quarante ans écoulés de la publication de ‘Rerum novarum’ à celle de QA. D'ailleurs cette dernière encyclique n’est citée que deux fois: à propos du principe de fonction supplétive (46) et dans une référence historique sans importance doctrinale (5). Aucun document des trente années suivantes de Quadragesimo anno (1931) qui n'est cité non plus, malgré tout le pontificat de Pie XII; jusqu’à Mater et magistra (1961) dont on trouvera des dizaines de citations ainsi que des documents des dix années suivantes'.

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"La revue brésilienne ‘Revista Eclesiastica Brasileira’, la plus importante publication de sciences ecclésiastiques dans le pays, a manifesté cette façon de voir dans le n° 123 de septembre 1971 consacré à la lettre OA avec trois pages bien remplies (746-749) et fait connaître au public brésilien l’impression causée par OA dans la presse d'Europe et d'Amérique. Ces textes choisis nous montrent bien qu'OA porte à la collaboration avec le marxisme et, plus explicitement, avec le socialisme, en opposition avec les normes papales dictées aux fidèles. Voici des textes caractéristiques:

Dans le ‘Times’ de Londres: ‘Paul VI laisse au bon sens et à la conscience des chrétiens de décider dans quelle mesure ils peuvent collaborer avec des mouvements politiques opposés à la foi chrétienne. C'est un pas de plus pour éloigner l’Eglise romaine de son dirigisme habituel, encore qu'il soit motivé par la prudence devant la sympathie marxiste de plusieurs prêtres et laïcs des pays en voie de développement’.

Le 'New York Times' qualifie l'OA de pragmatisme chrétien et écrit: 'L'attitude de Paul VI face au marxisme et au socialisme semble être plus nuancée et plus pragmatique que celles de tous ses prédécesseurs, sauf Jean XXIII, abondamment cité dans la lettre’.

Le leader socialiste hollandais Joop den Uyl ‘voit dans cette lettre une prudente ouverture vers la gauche et, bien que le communisme soit toujours condamné, le pape laisse aux chrétiens la possibilité d'apprécier favorablement un régime comme celui d'Allende au Chili, par exemple’.

En Italie, les journaux de droite montrent un certain malaise devant l’ouverture à gauche de Paul VI. Par contre, les organisations laïques de gauche applaudissent le pluralisme d'options.

Dans l’Osservatore Romano Mgr. Ferrari-Toniolo a noté que dans la pratique, on fait des distinctions entre une idéologie prise dans sa totalité et ses points inacceptables pour la conscience chrétienne’.

En France, l’organe communiste 'L'humanité' a d'abord critiqué la 'dénonciation sans équivoque' faite par Paul VI de l’idéologie marxiste. Il ajoute des critiques dirigées vers l’'idéologie libérale' apparaissant dans le contexte comme une fausse fenêtre pour la symétrie. Ce qu'on appelle 'idéologie libérale' n'exerce qu'un attrait relatif chez les catholiques des pays du tiers monde, par exemple'. Toutefois, deux jours après, le ton du journal s'est modifié quand son directeur Etienne Fajon, membre du comité central du Parti communiste français, félicite Paul VI

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de sa 'nouveauté de langage' en comparaison avec les papes antérieurs. Et il conclut: 'Malgré l’irréductibilité sur le plan philosophique entre le matérialisme scientifique et le principe religieux, l’harmonie (entre les travailleurs communistes et les catholiques) est indispensable et féconde pour la démocratie, le socialisme et la paix'.

Et le journal 'La Croix': 'Plutôt que de voir dans la lettre de Paul VI, comme l’ont fait certains commentateurs politiques, une troisième voie, il nous semble honnête de respecter le caractère très ferme de l’ensemble et de ne pas publier l’appel fait aux chrétiens et aux communautés chrétiennes pour une étape d'imagination sociale'.

Octogesima adveniens et l'interconfessionalisme

“Quand l’Eglise n'enseigne plus les lignes générales d'un idéal de la société et de l’état, les catholiques peuvent penser avoir libre option pour choisir entre les divers modèles présentés par d'autres courants, sans crainte de blesser leur propre conscience.

“Cette situation les invite tout naturellement à un programme économique, politique et social non seulement laïc mais aussi ouvert à l’interconfessionalisme. En effet la collaboration avec les fidèles de toutes les religions pour cet idéal de tonalités laïques ouvre aux catholiques la possibilité d'une communion des idéaux et des efforts.

“Pour les papes qui se méfiaient toujours de cette communion, cela était inadmissible. *(‘Mais plus étranges encore, effrayantes et attristantes à la fois, sont l’audace et la légèreté d'esprit d'hommes qui se disent catholiques, qui rêvent de refondre la société dans de pareilles conditions et d'établir sur terre, par-dessus l’Eglise catholique le règne de «la justice et de l’amour», avec des ouvriers venus de toute part, de toutes religions ou sans religion, avec ou sans croyances, pourvu qu'ils oublient ce qui les divise: leurs convictions religieuses et philosophiques, et qu'ils mettent en commun ce qui les unit: un généreux idéalisme et des forces morales prises où ils peuvent’ St Pie X, NChA, n. 38). Dans les perspectives d’OA au contraire c'est admissible [et même désirable].

"Ceci peut se déduire de ce que nous avons déjà vu de la lettre et est encore appuyé par les passages consacrés à ce sujet en particulier. Non seulement ils ne contiennent rien qui puisse démentir ces conclusions

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logiques, mais aussi leur langage conduit le lecteur à accepter sans difficulté la collaboration au niveau supra-confessionel avec les adeptes des autres religions pour la construction de la cité extra-confessionelle.

"D'une part, OA ne parle jamais des ‘catholiques’, mais, comme nous l’avons remarqué, elle dit toujours les ‘chrétiens’. Elle fait croire ainsi aux lecteurs que tous les chrétiens, même les non-catholiques, peuvent connaître suffisamment la morale sociale dans leurs églises particulières pour travailler fructueusement à l’édification de la société chrétienne etc. D'autre part, de nombreux passages de la lettre insinuent que l’action du chrétien dans l’ordre social est une collaboration avec les autres hommes pour la construction de la cité humaine, encore que la collaboration apportée par les 'chrétiens' soit irremplaçable en raison de sa transcendance.

"Et encore l’insistance à affirmer que tous les hommes ou ‘tous les hommes de bonne volonté’ doivent bâtir la cité temporelle' insinue fortement que même les athées - pourvu qu'ils soient des ‘hommes de bonne volonté’ - peuvent apporter une collaboration positive à cette tâche commune. Une conclusion logique s'impose de façon absolue: si les athées peuvent bâtir la cité temporelle, ils peuvent aussi connaître et pratiquer la loi morale, car il est inconcevable que la rectitude de l’ordre social ne dépende pas de l’ordre moral”.

Mais quel sera le sens transcendantal donné par la lettre OA à la foi et à la morale chrétiennes qui permet dans l’ordre social des 'engagements' et des 'options' divers et même opposés?

Voir quelques textes au sujet de 'dialogue et recherche avec les autres frères chrétiens et tous les hommes de bonne volonté, pour les options et les engagements vers des transformations sociales, politiques et économiques d'un nouvel ordre’ dans les §4, 21, 24.

"Mais un texte de la lettre OA affirme d'une façon particulièrement claire et explicite que chacune des religions a sa contribution à apporter pour bâtir la cité temporelle. Aprés avoir refusé aux partis politiques et à l’état le droit d'imposer une "idéologie" de façon dictatoriale, le §25 déjà cité nous dit: C'est aux groupements culturels - religieux (...) qu'il appartient (...) de développer dans le corps social ces convictions ultimes sur la nature, l’origine et la fin de l’homme et de la société

"En affirmant que cette mission revient aux groupements culturels et religieux et non pas seulement à l’Eglise catholique, OA admet que:

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"1) l'influence religieuse est indépendante des doctrines sociales et celles-ci, réciproquement, sont indépendantes de la religion.

"2) les diverses religions ont une contribution positive et importante à apporter à l’édification de la société temporelle. Elles ont, dans cette matière, une mission et les moyens de la remplir."

* * * Conclusion - L'éminent Evêque conclut que "ces thèses sont

inadmissibles car finalement elles réduisent l’Eglise catholique au rang d'un message ou d'un signe, peut-être plus dense que les autres, mais de même nature. Selon cette conception, les diverses religions sont des entités de même genre participant toutes, bien qu'à des degrés divers, à une même mission divine d'annonce des valeurs transcendantes, comme la solidarité, la liberté, l’égalité". Mais une transcendance bonne pour toutes les croyances et incroyances est un ‘deisme’.

D’après cette étude et passé trente cinq ans d’application de la doctrine de Vatican II, on peut conclure avec certitude que de tels documents, et plus particulièrement la GS pour ce qui concerne la doctrine sociale, ont suscité le nouveau désordre mondial, qui a une origine religieuse.

Les gens ne le voient pas, et pour cause; le gens ne reconnaissent plus l’insurmontable importance et l’influence de la religion dans la vie des peuples.

OA a une part considérable dans un tel abandon subversif de la vision surnaturelle sur les questions humaines, vu qu’elle préconise la réduction des principes divins au niveau des valeurs révolutionnaires pour l'animation spirituelle d'un ‘nouvel ordre mondial’, selon l'humanitarisme et la désolante utopie du démocratisme moderniste.

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10 - L’apostasie organisée par la fausse obéissance

La Foi est la raison d'être de la Papauté: l'intégrité de la Foi est ce qui distingue un vrai Pape.

La Loi de l’Eglise nous guide dans cette distinction vitale. "Je mettrai Mes lois dans leur esprit et Je l’écrirai dans leur cœur. Je serai leur Dieu et ils seront Mon peuple" (Hb 8/10). C'est pourquoi nous devons retrouver la force qui nous vient du recours à la Loi de Dieu et tout ce qui en découle. C’est le cas de la Loi Canonique: elle a le sceau divin et s'occupe de ce qui se rapporte au but de l'Eglise. L’obéissance est due à Dieu et une autorité religieuse qui ne répond pas à l’intégrité de la Foi n’est pas ordonnée à elle et ne peut prétendre à la moindre fidélité. Aucun fidèle n’est obligé à recevoir une autorité fondée sur des compromissions contraires à la Foi, mais il doit l’affronter par amour de Dieu, pour l’honneur de l’Eglise et par charité envers ses frères. "Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes". L’autorité conciliaire, qui n’est pas ordonnée à Dieu, ne représente pas l’autorité divine. Or, entre l’Eglise et le monde s’interposaient des politiques totalitaires et des idéologies anti-chrétiennes. Avec sa Lettre Eclesiam suam, Paul VI avait institué un nouveau ‘dialogue’ et avec Populorum progressio et Octogesima adveniens il continuait cette coopération dans un même esprit, la gérance des opposés en vue d’un nouvel ordre mondial, qui demandait surtout le dialogue interreligieux pour le ‘village global’ de toutes les religions.

Et voilà qu’ensuite les prophètes conciliaires vont s’occuper de l’institution du MASDU: un mouvement d’animation spirituelle de la démocratie universelle. “Désunis sur le culte de Dieu, les peuples pourront enfin s’unir dans un même culte de l’Homme!”.

S’il y a une rupture avec les principes qui fondent l’autorité, selon la hiérarchie des valeurs révélées; s’il y a un révisionnisme de la Parole divine, sur laquelle s’appuie la foi humaine; s’il y a une rupture avec les vérités et les concepts qui découlent de cette Parole; alors, comment pourra-t-on ignorer que celui qui a permis de telles ruptures n’ait pas rompu lui-même avec l’Autorité divine? Etant donné que l’erreur n’a aucun droit: - Ce qui ne répond pas à la vérité et à la norme morale n’a objectivement le moindre droit ni à l'existence ni à la propagande ni à l'action - (Pie XII dans son allocution aux juristes catholiques), il est évident qu’encore moins peut subsister une autorité pour organiser

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l’apostasie ; pour déclarer ce qui est contraire à la vérité et ainsi organiser l’apostasie-.

L’Apostasie organisée, selon le témoignage de Frère Victor qui a travaillé au Vatican pendant le Pontificat de Pie XII et a été ‘congédié’ par Paul VI qui lui voulait faire fréquenter la Loge.

“Ouvrons la porte de la Vérité avec cette citation de St Athanase: “Les catholiques fidèles à la Tradition, même s’ils sont réduits à une poignée, voilà ceux qui sont la véritable Eglise”.

“Malgré le coup d’arrêt de St Pie X (voir St Pie X, p. 216 et sa NChA, p. 226), le naturalisme, le libéralisme, le modernisme et le progressisme ont été fort habilement introduits dans les séminaires, les maisons religieuses et les instituts catholiques. La secte maçonnique a profité d’une sorte d’inconscience à prétention diplomatique du Vatican pour investir la place. La ‘cavalerie de St Georges’ a continué l’œuvre de monsieur Bonaparte, les dollars, les roubles, les zlotys ont pris la suite. La manœuvre a été très simple: amener les Chrétiens à entrer dans le Système de la démocratie et du socialisme et les persuader qu’il est de leur devoir de voter ‘pour le moins mauvais’..., ce qui n’est guère fait pour avancer le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ! La Secte a pu, grâce à son système, pousser même ses louveteaux (on appelle ainsi les fils des initiés) vers les Ordres sacrés; le communisme y poussait ses faucons rouges! Le Pape Pie XII s’en plaignait amèrement. Certains Ordres Religieux, Jésuites, Prêcheurs, notamment, reçurent nombre de postulants plus que douteux, tel ce fameux Père Gy, qui joua un rôle important dans la composition de la ‘célébration’ qui devait supplanter la Ste Messe (ce qui donna lieu à la plaisanterie facile: ‘ci-git la Messe!’). Déjà, du temps de Pie XI, les cours de l’université Grégorienne, à Rome, n’avaient plus la fermeté doctrinale qu’on était en droit d’en attendre. Un exemple: le P. de la Taille S.J., réduisait la Messe à la seule offrande du sacrifice réalisé sur la croix, alors qu’elle est le ‘renouvellement non-sanglant de ce même Sacrifice’.

La révolution au Vatican? - “Nous savons que le communisme descend, par Marx des ‘Illuminés de Bavière’: grâce à une propagande mensongère, qui nous rappelle, mais en pire, ‘Liberté, Egalité, Fraternité’, les grands ‘Initiés’ transforment des peuples entiers en esclaves. Ces grands menteurs sont fort habiles et ils répondirent au quémandeur qu’en raison des indiscrétions possibles, il était préférable de prendre contact avec les ennemis de l’Eglise. Mgr Montini avait donné l’exemple en prenant contact avec Staline, par l’intermédiaire de

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Togliatti [voir Itinéraires nn. 72, 84 et 280, de fev. 84; CRC, n° 97, p.15; Sì sì no no, 15.9.84, au titre ‘Accord Montini-Stalin’].

“L'après-guèrre fut désastreux: La "Democracy" triomphante et le coude à coude avec les francs-tireurs partisans furent un désastre pour l'Eglise. Tout le monde sait que l'opération "Hitler", financée par les mêmes banques U.S.A. qui avaient aidé Lénine à prendre le pouvoir fut donc largement positive pour la grand-œuvre de la secte dont l’objectif est d'établir le culte mondialiste de Lucifer après destruction [ou mutation] de l’Eglise Catholique.”

“Un Mgr Helder Camara, fort compromis dans la direction du ‘Parti Intégraliste' brésilien (sorte de parti fasciste), changea de cap ‘au bon moment’, tandis que le cardinal Suhard se contentait de larmoyer parce que Degaulle ne lui avait pas serré la main. Les professeurs de Séminaire prirent le vent et c’est à qui se montrerait le plus fanatique contre le... pénible concile de Trente, contre ‘les rites et les formules’ contre le ‘dogmatisme’ et le Thomisme.

Pour le dialogue, pour l’ouverture au monde et son Œecuménisme... “- ‘Il ne faut pas maximiser le dogme’ s'écriait le cher Père Daniélou

S.J., devant l'élite des séminaristes français; son enseignement sur la Messe n’allait guère plus loin que cette définition: ‘On prend quelque chose de profane pour en faire quelque chose de sacré’, l’essentiel étant de faire ‘ami-ami’ avec les protestants. Le très érudit chanoine Osty avait pour bête noire (en 1915) les prières après la Messe... ‘cette histoire de diablotins’(sic)... ainsi que l'obligation de ‘ramasser les miettes’. Et tout ce beau monde d'aller au mur des lamentations pour pleurer le définition de l'Assomption de la Sainte Vierge!

Quant à la canonisation de Saint Pie X, cela fut considéré par les deux tiers des évêques français comme un acte ‘inopportun’(sic) et ils allèrent jusqu'à signer une honteuse pétition”.

“Etonnons-nous, ensuite, que 47% de nos évêques soient initiés dans la F. Maçonnerie et qu’un archevêque de Sens soit allé inaugurer la loge de sa cité!”

Les faits de la grande loge vaticane sont-ils vérifiables ? “Le 25-janvier 1967, la revue américaine ‘Look? (7 millions d’exemplaires) fait état de négociations secrètes menées à New-York par le card. Bea avec les Grands Maîtres du B’nai-Brith (Bea, ou plus exactement Behar était assisté par Mgr Baum et par Œsterreicher).

“Le 26 oct. 1967, le grand quotidien britannique ‘Times’ s’en prenait au Vte Léon de Poncins pour avoir cité des textes affirmant que le card. Bea avait reçu des sommes considérables, distribuées à bon escient à

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certaines membres de Vatican II au profit de la ‘Grande Mutation? et de l’élection de leur candidat, Jean-Baptiste Montini.

“L’officine polonaise ‘Pax’ du sieur Piesecky, rattachée au KGB, avait, de son côté, fait parvenir à Œsterreicher cent millions de zlotys... Merci pour le bénéficiaires, ils n’ont pas manqué de comprendre à qui devait aller leur vote dans un prochain conclave!”

“Revenons à Montini; il a eut l’audace de déclarer (30.6.74) dans son homélie pour la fête de St Paul: “Il faut que meurent toutes les communautés nationales, impériales, religieuses même, pour que l’internationale gagne le genre humain tout entier”. Montini exécute point par point le programme des illuminati...”

“Le 13 octobre 1969, l’organe officiel du Vatican pouvait annoncer: “La réforme liturgique a fait un pas notable en avant: elle s’est rapprochée des formes liturgiques de l’Eglise luthérienne”... “Dans une poésie intitulée ‘L’ébauche d’un serpent’, Paul Valéry fait dire à son serpent: ... «Je suis celui qui modifie, je retouche au cœur qui s’y fis d’un doigt sûr et mystérieux»... C’est ce qu’a fait le serpent avec son ‘ouverture au monde’.C’est l’Evolution... nouveau nom du Mensonge!”

La raison de Vatican II dévoilée - C’était le plan maçonnique réalisé avec un nouveau langage qui utilise les mêmes termes chrétiens, mais pour les subvertir. C’était un transfert de l’autorité divine à l’homme, de la Parole à son interprétation, de la Loi à la démocratie, de la Religion au sentiment religieux, de la réalité de l’Etre à l’utopisme d’une évolution pérenne. Et tout avec une manipulation sémantique et une application pastorale. Il faut faire bien attention à ce point, parce qu’étant donné que tous les effets désastreux ont une cause, si on excuse les pasteurs conciliaires de l’écroulement religieux postconciliaire, on accuse le Seigneur-même d’avoir soutenu le pouvoir qui a ravagé son Eglise.

Un manifeste clérical en faveur d'un présumé droit de l’homme à la liberté de religion et d'athéisme de par sa dignité absolue, négation implicite de son état de pécheur, est un véritable coup d 'état clérical: une révolution majeure lorsqu'elle prend un aspect papal et conciliaire comme ce fut le cas de Vatican II. Et c'est un coup de maître pour l’esprit de mensonge, celui qui, une fois séduite la sentinelle de l'Eglise veillant à la garde des principes divins, franchissant ses portes, l’a pénétrée sous l'aspect de l’agneau mais avec l'esprit rebelle" (Apl 13, 11). Il s’agit de la nouvelle prédication pour le bien de la solidarité et de

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l’union de toute l’humanité selon une ‘nouvelle conscience conciliaire’. Il ne s’agit plus de l’union pour le bien révélé, mais par le bien de l’union, elle-même érigée comme principe absolu.

Quel serait le contenu dogmatique de cette conscience contemporaine de l’Eglise conciliaire qui “marque notre époque et dans laquelle l'héritage des papes conciliaires a pris racine d'une manière nouvelle et inconnue jusqu'alors?

“Cette question trouve sa réponse dans la dernière phrase qui nous répète, après le Concile, que l’Eglise est «le sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain» (LG 1, 1). C'est dans cette affirmation conciliaire que la «conscience contemporaine de l’Eglise trouve son expression adéquate, et vice versa cette «conscience» est l’expression adéquate de cette affirmation dogmatique conciliaire (Théo, p.74 -75).”

On a commencé par nous étourdir avec la musique du faux concile, puis on nous a endormis avec des mots...‘de même nature’ a remplacé ‘consusbstantiel’... alors, là dedans, que devient la Sainte Trinité... et la personne divine de Jésus-Christ ?

La Réunion d'Assise de 1986 a inauguré une nouvelle ère qui prolonge et dépasse le modernisme, et dont le but prochain est le Jubilé de l’an 2000 au Sinaï et à Jérusalem. C'est la nouvelle fraternité qui, tout en s'instaurant sous le signe politique, implique une aliénation religieuse.

La vérité selon laquelle tous les hommes, fils du même Dieu, sont frères, implique une réponse filiale de reconnaissance et de soumission au Père suivant la manière dont Il s'est révélé. Pourrait-il être indifférent de prier Dieu: Père, Fils et Saint Esprit, ensemble avec ceux qui suivent des professions de foi entièrement différentes sur Sa Personne, par lesquelles ce qui est Vérité pour les chrétiens est abomination pour les juifs et les Musulmans, ignorance pour les Bouddhistes et obscurité pour les autres? Est-ce un sentiment filial sur lequel fonder un lien fraternel que d’ignorer la volonté de Dieu en abandonnant une partie de Sa parole?

Quelle est la logique d’exalter une unité religieuse dans le domaine de la vérité, qui exclut toute indifférence et toute erreur religieuse? Quel esprit a inspiré un tel œcuménisme?

La mission selon le décret Ad gentes de Vatican II (7.12.65)

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Ce décret démontre que, même dans les documents d'apparence plus traditionnelle prévaut le néo-œcuménisme anti-trinitaire de Vatican II, qui fausse de son projet l'œcuménisme catholique, au point d’embrasser même le Vaudou.

Lisons d’abord le § 9, d’apparence orthodoxe, et après le § 11, pour comprendre l’interprétation pratique qu’on va en tirer.

Ad Gentes (9,2): Tout ce qui se trouvait déjà de vérité et de grâce chez les nations comme par une secrète présence de Dieu, elle le délivre des contacts mauvais (a contagiis malignis liberat) et le rend (restituit) au Christ son auteur, qui détruit l'empire du diable et arrête la malice infiniment diverse des crimes. Aussi tout ce qu'on découvre de bon, semé dans le coeur et l'âme des hommes ou dans les rites particuliers et les civilisations particulières des peuples (quidquid boni... seminatum invenitur), non seulement ne périt pas, mais est purifié, élevé et porté à sa perfection (sanatur, elevatur et consummatur) pour la gloire de Dieu, la confusion du démon et le bonheur de l'homme.

Il paraît qu’on ne trouve ici cette estime dépourvue de sens critique manifestée à l'égard des «valeurs» des religions non chrétiennes qu’on trouve par exemple dans NAe et dans Rh de Jean-Paul II, qui prend NAe comme modèle. Avec son appréciation positive des religions non chrétiennes il invoque tout à fait à tort les Pères de l’Eglise, qui auraient vu «dans les diverses religions comme autant de chemins différents ou de reflets d'une unique vérité; comme des "semences du Verbe" conduisant tous vers Dieu. Mais au contraire, pour les Pères de l’Eglise (dont St Justin auquel a été empruntée cette expression), les ‘dieux des autres religions sont des démons’. Selon l’analyse de Christian Gnilka, Ad Gentes (9, 2) serait encore en conformité avec les principes des Pères de l’Eglise dans leur relation avec la culture antique: «La doctrine parle de ces "semences" du bien dans la culture préchrétienne que st Justin a essayé de développer à l'aide de concepts stoïciens; la vue d'ensemble sur une conversion interne ou externe, personnelle ou culturelle que l'on rencontre partout chez les Pères de l’Eglise; l'aspect théocentrique de l'utilisation missionnaire de ce qu'il y a de bon en vue de la gloire de Dieu; le principe bien connu des Pères, selon lequel tout bien appartient au Créateur et doit lui être rendu et que par conséquent le chrétien, en prenant et en employant les éléments de bonté et de vérité, ne s'approprie pas le bien d'autrui, mais ne fait que prendre ce qui lui appartient en tant qu'adorateur du vrai Dieu; la conviction des auteurs ecclésiastiques, fondée sur l'expérience, affirmant que l'usage correct des éléments de la culture préchrétienne doit

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comporter purification et libération, car il se rencontre dans ce qu'il y a de beau et de bon chez les peuples païens bien des choses mauvaises et impures; finalement la connaissance que ces bons éléments dispersés ne sont pas seulement conservés quand l’Eglise les rassemble et les ordonne au Christ, mais qu'ils sont "purifiés, élevés et portés à leur perfection" ou encore, comme il est dit ailleurs (Ad Gentes, 2), "éclairés": tels sont les principes directeurs de l'attitude des premiers chrétiens, et ils sont présents dans le texte cité, implicitement ou explicitement» (cité dans Théo. p.139-140). Passons au point 11:

11. Nécessité d’un témoignage de la vie et le dialogue sincère et compréhensif des Chrétiens dans la communion des hommes... ils doivent être familiers avec leurs traditions nationales et religieuses; découvrir avec joie et respect les semences du Verbe qui s’y trouvent cachées.

Les semences du Verbe, entendues comme ceux de la vérité sont présentes dans tout le connaissable. Il n'est pas possible de s'exprimer sans des rudiments de vérité. Cependant lorsqu'on se réfère à la Révélation du Verbe de Dieu, c'est une tromperie de parler des germes de la Parole de Celui qui s'est incarné dans la plénitude des temps pour La révéler dans sa dimension complète et parfaite. La Parole divine est voilée et en semences dans le coeur humain, mais c'est justement pour l'interpréter et la prêcher que le Seigneur a institué Son Eglise.

Le commerce des Papes et des Pères de l’Eglise avec la culture antique est fort critique. Certains éléments peuvent être purifiés et puis assimilés. Mais en tant que telles, les religions et traditions païennes sont rejetées avec leurs cultes! N'est-ce pas précisément dans le témoignage vivant de l'entière Vérité qu'est la mission et l'enseignement évangélique confiés à l’Eglise, son œuvre missionnaire, son rapport au monde à toute époque?

Qui est aujourd’hui l’interprète authentique de Vatican II?

Le terme «authentique» exprime l’identification d’un texte ou de son interprétation de la part de celui qui a reçu l’autorité, de la source ou de l’auteur du texte, pour l’effectuer. L’interprète «authentique» de Vatican II serait donc aujourd’hui Jean Paul II, non seulement chef reconnu de l’Eglise conciliaire, mais qui s’est révélé dans son livre ‘Aux sources du renouveau’, précédant son élection au Siège Pontifical, et coauteur aussi de plusieurs de ces textes et de ses propres interprétations.

Aujourd’hui c’est ce genre d’interprétation qui est donné à travers ses actes et ses documents, comme la Lettre Redemptor hominis où il

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confirme quelles sont les directives de Vatican II. Il impose notamment aux fidèles le devoir de suivre l’orientation conciliaire d’ouverture aux autres ‘traditions religieuses’, en suivant l’exemple de la cérémonie d’Assise. Dans le travail d’analyse de la Rh, le théologien Dörmann met en évidence ce que sont de telles directives. Nous illustrerons ici un de ses actes, moins connu, mais qui indique sa propre interprétation de ‘Ad gentes’, qui reste évidente lorsqu’il embrassa le Vaudou*.

Le 4.2.93 Jean-Paul II est en visite au Bénin et rencontre une délégation de dignitaires vaudou du temple fétichiste du python, qui trois jours après vont célébrer leur festival international à Ouidah. L’événement vaudou regroupera des participants venus de Brésil, Cuba, Haïti, Etats-Unis, France et beaucoup de pays africains; s’honorera de la présence du président haïtien en exil, le père salésien Aristide, Jorge Amado, Gilberto Gil, Harry Belafonte, Bill Cosby, Magic Johnson, Michael Jordan, Spike Lee, Coretta Luther King, Jean Rouch, Rhoda Scott, Stevie Wonder, Léon Sullivan, Jesse Jackson et Ronald Brown. Les manifestations seront animées par les prêtres vaudou, des orixàs, et du candomblé de partout et des rois des principales dynasties du Bénin (La Nation, Bénin, 9.2.93).

Jean-Paul II devance ces manifestations de prestige déclarant: ‘...C‘est légitime d’être reconnaissant aux plus anciens qui vous ont transmis

le sens du sacré, la foi dans un Dieu unique et bon, goût de la célébration, la considération pour la vie morale et l’harmonie sociale.

Le chef vaudou, avec une couronne en tête, répond à l’adresse de Jean-Paul II parlant des efforts pour la prière en commun des milliers d’animistes avec son église, vrai “chemin de Damas” (OR, 6.2.93, it.).

Le dialogue interreligieux de Jean-Paul II suit, comme celui du Sillon-noir, l’orientation pluraliste de Vatican II. Ecoutons ce qu’il adressa à cette occasion aux adeptes du Vaudou:

“Vous êtes fortement liés aux traditions que vous ont transmises vos aînés”. “Si nous remontons plus loin dans I'histoire, nous constatons que (des) missionnaires venus d'Europe avaient eux-mêmes reçu I'évangile alors qu'ils avaient déjà une religion et un culte. En accueillant le message de Dieu, ils n'ont rien perdu. Au contraire, ils ont gagné de connaître Jésus-Christ et de devenir en lui, par le baptême, fils et filles du Dieu d'Amour et de Miséricorde.”

Nous voyons comment est appliqué un tel «goût de la célébration». Le Sillon noir - ‘Vaudou, démocratie et pluralisme religieux’, dans sa

contribution aux cérémonies de Ouidah 92 (Cotonou, n° 9, Mars 1993) parle du: ‘dialogue récent inauguré par Jean-Paul II avec les

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représentants des religions traditionnelles, notamment le Vaudou’, qui ‘est dans la droite ligne de l’inculturation et du renouveau chrétien du Mewihwendo/Sillon noir, dirigé par l’abbé B. Adoukonou, selon la pensée de Durkheim et de son totémisme, qui fait de la société l’objet réel de la religion. Ils ont promu et préparé la rencontre historique de Jean-Paul II avec les adeptes du Vaudou avec le ‘geste hautement symbolique de l’échange de cadeaux. Après avoir reçu des responsables de la religion Vaudou la statue de la religieuse Vaudou portant avec dévotion la «Calebasse fermée de Hwegbaja», Jean-Paul II leur a donné en retour un tableau impressionnant d’une calebasse fermée au pied d’un arbre à trois branches dans l’intervalle desquelles se trouvent les deux parties d’une calebasse ouverte d’où se répandent du sang et de l’eau.

En commentaire sous les deux figures on peut lire le passage de l’Epître de Saint Paul aux Colossiens 1, 26-27.

Il est clair que tout cela avait été préparé auparavant et avec soin. C’est l’interprétation de manque de culture qui manifeste l’esprit de l’œcuménisme conciliaire. Et ainsi les missionnaires, qui avaient donné leur vie pour délivrer des peuples de leurs cultes idolâtriques, se sont trouvés complètement interdits par celui qui était installé comme leur chef romain, et qui les disculpait face aux chefs vaudou par ces paroles... et “tout dans la liberté”.

Le passage d’une religion à une autre serait par conséquent un progrès des connaissances, par lequel rien n’est perdu, ni ne doit être purifié, mais incorporé selon un enrichissement de la conscience dans la perception de la condition de fils de Dieu, encore obscure pour certains. Il s’agirait donc d’un pourcentage de nouvelles vérités acquises, de «germes» de vérité, mais toujours du même genre, qui se renforce avec l’introduction d’un dialogue interreligieux fondé sur la vision commune d’un Rédempteur de l’humanité.

La Religion de Jésus-Christ exige une conversion: naître de nouveau avec le Baptême dont le pouvoir vient du Sang de Jésus transpercé sur la croix pour le salut des hommes. Ce salut passe par le répudiement de tout péché et de toute erreur contre la Vérité divine, dont les fausses religions, croyances et cultes éloignant de la Foi intègre et pure confiée à l’Eglise par Dieu: “C’est Lui qui nous a libérés du pouvoir des ténèbres et qui nous transfères dans le règne de Son Fils bien aimé auquel nous devons la rédemption, la rémission des péchés” (Cl 1, 13-14). Le fidèle

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qui glisse dans l’apostasie ne sera pas excusé d’avoir suivi de faux pasteurs.

Dans la charité de la juste direction, théandrique, de Dieu à l’homme, dans cette foi et cette espérance, l’âme est attiré par Jésus-Christ. Enflammés alors par l’ardeur de Sa grâce, bien de fils de l’Eglise ont suivi la mission d’apporter l’Evangile dans le monde, acceptant, comme missionnaires bien des outrages et de douloureux sacrifices allant jusqu’à l’effusion de leur propre sang, pour libérer leur prochain des erreurs et des tromperies démoniaques de nombreuses idolâtries qui ont toujours infesté le monde non chrétien. Tout cela a été renversé - Jean-Paul II dans son discours a Cotonou (OR 6.2.93) interprète le Vatican II:

“... qui a tracé le chemin de l’Eglise pour la fin de ce millénaire, a reconnu que dans les diverses traditions religieuses il y a du vrai et du bon, des semences du Verbe”.

Il est contradictoire et étrange que, en même temps que s'introduisent dans l’Eglise des méthodes qui rendent les Saintes Ecritures passibles de critiques historiques, linguistiques, etc., on puisse inviter les chrétiens à aller découvrir des germes du Verbe dans les autres traditions et croyances. Comme si l'on pouvait prétendre sélectionner et distinguer de manière critique dans le dépôt de la foi un "Verbe sauveur", mais en même temps respecter et diffuser de manière non-critique “les semences du Verbe” à découvrir ailleurs.

St Paul met en garde les Colossiens: “Prenez garde que personne ne vous trompe avec sa philosophie et avec de vains détours inspirés par des traditions humaines selon les éléments du monde et non selon le Christ” (ib. 2, 8). Le contraire serait de revenir aux erreurs antiques, donc à la rechute en esclavage (Gl 4, 8s; 5, 1). Aujourd’hui tout cela vient implicitement décrit comme inutile, sinon carrément coupable. Alors il faudrait demander pardon pour l’intégrisme avec lequel furent détruites les cultures idolâtriques durant la diffusion du Christianisme.

Voici l’androthéisme à présent patronné par la ‘culture conciliaire’. C’est l’inversion de la direction chrétienne: la religion qui va des hommes à Dieu. Et ainsi l’interprète authentique du Vatican II révèle son hétérodoxie; non pas qu’il soit infidèle aux documents de l’assemblée conciliaire, au contraire, justement parce qu’il est informé dans la même pensée hétérodoxe. Sa pensée conciliaire est authentique lorsqu’elle est conforme à ces erreurs et hérésies, elle est de la même façon intrinsèquement moderniste, c’est à dire anticatholique.

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La grande révision de la Révélation consiste en ce que d’un côté on la restreint à des vérités salvatrices, de l’autre on l’ouvre à une diffusion des semences du Verbe partout.

De là vient la nécessité pour tout catholique de rester attentif à toutes les paroles du Seigneur. Ces paroles furent confiées par l'Autorité divine à une autorité humaine, l'Eglise catholique, avec à sa tête le Pape. Il n'existe pas d'interprétation authentique des Saintes Ecritures qui ne provienne de cette autorité, représentative du Seigneur. Mais cette autorité n'existe pas sans la Parole du Seigneur, parole qui fut toujours transmise et interprétée dans l’Eglise.

Les dépositaires des Saintes Ecritures tirent le fondement de leur autorité de la tradition orale et écrite. C'est pourquoi leur légitimité dérive de leur fidélité à transmettre cette Tradition selon la Foi de l'Eglise.

La mentalité moderne aime les choses du monde et même le Vaudou. On sait comment socialistes et libéraux, qui n’aiment pas l’Eglise, protègent les sectes. “Comme le Benin, exsangue, ne pouvait payer la facture (11 millions de francs CFA) de ces festivités très hautes en couleur, c’est la généreuse, la laïque et républicaine France de François Mitterand qui a été mise à contribution. […] Mais le plus effarant est à venir. Selon la Lettre de Magazine-Hebdo (5.2.93) plusieurs organisations humanitaires s’interrogèrent, à l’époque, sur les raisons qui avaient conduit la Fondation Danielle Mitterand-France-Liberté à parrainer le premier festival vaudou* de Ouidah.” (Sous la Bannière, n° 70, p.11, voir note 46, p.13).

*Vaudou est un terme africain désignant un dieu, un esprit, un objet chargé d’un

pouvoir divin. Dans certains pays d’Amérique Latine il indique un certain mélange entre le patrimoine traditionnel des Noirs, qui compte des nombreuses figures divines (loa) et le Catholicisme, en analogie avec les phénomènes d’adaptation et de contamination qui sont présents dans les mouvements religieux noirs brésiliens (v. Macumba).

Ainsi certains exemples de loa: le Legba, le dieu procréateur et fécondateur pluriphallique, qui constitue la voie entre le monde humain et le divin. Il a donc les “clefs” et on l’identifie avec St Pierre. Ses possédés manifestent leurs terrible pouvoir; l’Agwé, dieu de la Mer et des Eaux, ayant pour attribut un trident, est identifié avec St Ulric; le Damballah-wedo: le dieu serpent du Dahomey, seigneur des arbres, et son épouse Aida-wedo, sont représentés par un couple de serpents, forme emblématique de «l’union sexuelle donnant son origine au monde». L’obsession des cette divinité imite le serpent qui glisse, grimpe aux arbres, siffle, etc.. D’autres dieux aquatiques sont les Simbi, figures intermédiaires entre les poissons et les serpents, lesquels peuvent posséder

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les femmes, les obligeant à invoquer continuellement l’eau et à remuer la bouche comme celle des poissons; la Loa des phénomènes météorologiques, parmi lesquels diverses divinités tel que Agau, dieu des tremblements de terre, qui déclenche des crises particulièrement violentes de possessions, en obligeants ses fidèles à imiter le grondement du tonnerre et l’agitation de la tempête; comme Ogun-badagari (qui au Nigeria était le seigneur des éclairs, du feu et du pouvoir) maître de la magie, pouvant soulever en l’air ses fidèles, et qui, sous son aspect de Ogun Feraille, identifié avec St Jacques, donne à ses fidèles la force, en les frappant sur les bras ou sur le joues; le Loco, dieu de la végétation qui donne le pouvoir aux guérisseurs et qui est aussi le prêtre ayant tout pouvoir sur les sanctuaires; le Zaka est le loa des cultivateurs. Ses possédés assument des attitudes de haine à l’égard de la vie citadine et deviennent soupçonneux et chicaniers; l’Erzulie, déesse de l’amour, qui confère à ses possédés comportements bizarres, capricieux, exhibitionnistes et scandaleux. Elle peut s’amouracher de chaque dévot et le posséder. Elle est identifiée avec la Très Sainte Vierge Marie ou avec Sainte Marie-Madeleine; La famille des loa de la mort, les Guedé, qui est capable de terroriser et de dominer les autres esprits. Beaucoup d’entre eux se manifestent dans la période de la Toussaint à travers leurs possédés qui non seulement provoquent la terreur mais aussi le cynisme et le grotesque avec un langage et des danses obscènes. Sur certains de leurs autels est posé un phallus sculpté dans du bois. Ils s’habillent comme des cadavres et, durant la représentation, des barons portent comme emblème une croix noire sur une fausse tombe, couverte avec un haut-de-forme et un manteau noir; les Loa maléfiques et diaboliques du groupe petro. Ceux-ci s’honorent du titre de ‘diables’ et certains sont cannibales. Aux loa petro appartiennent des familles dont les fidèles possédés sont pris d’une terrible envie destructrice; les Marassa, sont des jumeaux qui, morts et déifiés, ont un pouvoir et une position égale ou supérieure à celle des loa et sont vénérés d’un culte particulier. De la même manière on traite aussi l’enfant né avec les pieds plats ou palmés, en présumant qu’il ‘a dévoré’ son jumeau dans le sein maternel. Ces figures sont chargées d’une terrible fureur, coléreuse et vindicative. Elles sont représentées par les images des saints Côme et Damien!

“Dans le Vaudou, la possession, qui dans les autres religions est un phénomène périphérique et occasionnel, constitue le mode normal de l’expérience religieuse”. C’est dans la danse que se réalisent les conditions adéquates à la ‘descente des dieux et à la ‘possession’. Le mélange avec la liturgie catholique est telle que des “cérémonies dédiées aux loa sont précédées d’une action de grâce durant laquelle le prêtre ou la prêtresse, face à l’autel couvert de cierges et d’images de saints, récitent le pater, le confiteor et les avemaries, suivis d’hymnes à la Vierge et aux saints.” Ils ont aussi un baptême et l’usage de l’eaux bénite ainsi que du sacrement de l’eucharistie... et tout cela pour le vaudou! “Avec le ‘service de l’offertoire et du sacrifice (mangers-loa), le fidèle pourvoit à l’alimentation de ses dieux et à leur transmettre la force. On immole généralement des poulets, mais souvent aussi des chèvres ou des bovins et, dans le cas des loa petro, des porcs.” (L’Encyclopedia of Religion and Ethics, Edinburgh, 1954, dit que l’offrande sacrificielle du vaudou “est constitué par une fillette à laquelle les initiés font référence en l’appelant ‘la chèvre sans cornes. Quand la fillette n’est pas disponible, à sa place on sacrifie une chevrette blanche”)

Il est impossible dans le Vaudou de séparer la pratique de la magie et de la sorcellerie de celle de la religion. L’on pratique ‘l’expédition des morts’, ‘transformations de l’âme d’un défunt en zombie, c’est-à-dire en spectre semivivant, assujetti à son patron, et qui

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peut lui faire accomplir toute action néfaste. “Lorsqu’il y a la crainte qu’un défunt soit transformé en zombie, les familiers procèdent à une seconde occision du cadavre, généralement par une injection de poison, par étranglement ou en lui enfonçant un clou dans la tempe.”

A tout objet (également propre aux catholiques, tel que l’hostie consacrée) est attribuée le nom de wanga. De tels objets “sont expressément traités et préparés par les pratiquants de la sorcellerie, surtout en vue de provoquer des maladies”. (Enciclopedia delle Religioni, Ed. Vallecchi, 1976 - ‘Vodu’, p. 201s.)

La légitimité d’un concile vient de l’approbation du Pape légitime. L’esprit du rencontre de prière d'Assise, représente l’abomination de l’indifférentisme clérical, allant de pair avec le rejet public de la nécessité universelle de la Rédemption. Et la révolution conciliaire a été dictée par l’esprit désolant qui a promu Vatican II.

Donc toute la question semble subordonnée à celle de l’élection d’un pape. A ce propos voyons le problème du conclave, c’est-à-dire si les fidèles ont le droit de contester la validité de l’élection d’un pape selon le card. Journet: (La validité et certitude de l’élection, CRC, dec/67).

“L'élection peut être invalide. Mais l'acceptation pacifique de l’Eglise universelle s'unissant actuellement à tel élu comme à son chef, auquel elle se soumet, est un acte où l’Eglise engage sa destinée. C'est donc un acte en soi infaillible, et il est immédiatement reconnaissable comme tel... L'acceptation par l’Eglise s’opère soit négativement, lorsque l’élection n'est pas aussitôt combattue; soit positivement lorsque l'élection est d'abord acceptée par ceux qui sont présents et progressivement par les autres” (t. l, p. 624).

Sainteté de l’élection - On ne veut pas dire par ces mots que l'élection du Pape se fait toujours par une infaillible assistance... On ne veut pas dire non plus que le meilleur sujet soit nécessairement choisi. On veut dire que, si l'élection est faite validement, même quand elle résulterait d'intrigues et d'interventions regrettables (mais alors ce qui est péché restera péché devant Dieu), on est certain que l'Esprit-Saint qui, par delà les papes, veille d'une manière spéciale sur son Eglise, utilisant non seulement le bien mais encore le mal qu'ils peuvent faire, n'a pu vouloir ou du moins permettre cette élection que pour des fins spirituelles..." (ib. p. 625).

Rappelons que le sens de l’Eglise hiérarchique relève de la Cause divine de l’Eglise et ne saurait être l’effet d’élections humaines. L’Eglise a besoin non seulement d’un chef, mais d’une autorité qui soit Vicaire de son Chef Jésus-Christ. Seulement de Lui vient tout le pouvoir

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de l’Eglise. C’est le sens de sa nature théandrique. Les cardinaux font le choix du représentant humain de l’autorité divine. La personne qu’ils proposent doit avoir une foi intègre pour l’enseigner et la confirmer chez les autres. Et puisque ce fait peut être obscur aux yeux des hommes, le Conclave est assisté par l’Esprit-Saint. Mais que dire si le choix assisté est détourné par l’influence des ennemis de l’Eglise?

Dans un de ses écrits, le prince Scortesco, cousin germain du Prince Borghese, Président du Conclave ayant élu Montini au Pontificat suprême, donne les renseignements suivants concernant le conclave du 21 juin 1963: "Pendant le conclave, un Cardinal sortit de la chapelle Sixtine, rencontra les représentants des B'nai Brith, leur annonça l'élection du Cardinal Siri. Ils répondirent en lui disant que les persécutions contre l'Eglise reprendraient de suite. Retournant au conclave, il fit élire Montini." (Sous la Bannière, n° 6 de Juillet-Août 1986, p.10).

La confirmation du message envoyé au Cardinal Siri a été donné par le Père Malachi Martin, présent au Conclave. L’on peut lire ce très important témoignage dans le livre ‘L’Eglise Eclipsée’ (ed. Delacroix).

Or, le Seigneur a dit: “Simon! Simon! voilà que Satan a demandé à vous passer au crible comme du froment. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point. Et toi, quand tu seras ressaisi, affermis tes frères” (Lc 22, 31-32). “En même temps que le Sauveur prédit à Pierre sa lamentable chute, Il lui annonce le glorieux privilège de sa future indéfectibilité dans la foi” (Chanoine Alfred Weber). Le Seigneur n’a pas assuré Pierre (et successeurs) de ne pas tomber dans des faiblesses humaines, mais de son infaillibilité dans la foi, ceci confirmé par le Concile du Vatican. Or, pour qui la foi de la personne élue pour être le successeur de Saint Pierre ne défaille point il est nécessaire qu’il ait la vraie foi. Sans quoi l’élection serait invalide.

La validité de l’élection d’un pape. Est-ce qu’alors, en conséquence, nul n'a aujourd'hui le droit de contester ni de mettre en doute la validité certaine de l'élection de Paul VI, même si celle-ci peut paraître malheureuse ou entachée d'intrigues et de préoccupations regrettables? L’acceptation de l’Eglise universelle peut-elle toujours rendre valide une élection, même invalide, d’un pape?

La réponse à cette question peut-elle venir de la même autorité acceptée comme l’Autorité de l’Eglise, c’est-à-dire du pape élu, qui est à

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l’origine d’un tel problème? Dieu dirige son Eglise à travers un Souverain Pontife; l’élu reçoit le pouvoir de représenter le Seigneur. L'importance transcendantale de ce fait oblige les fidèles à distinguer ce qui vient de Dieu, et dont la valeur est absolue, de ce que vient de l'homme, et que se fait passer pour 'divin'. La Foi est la raison pour laquelle le fidèle obéit à l'Autorité de l’Eglise; "Mais (Gl 1, 8), même si nous-mêmes, ou un ange du Ciel, venait vous annoncer un Evangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu'il soit anathème". Tout dans l’Eglise, depuis les Sacrements jusqu'au Pape, fut institué pour la Foi, par laquelle tout fidèle peut reconnaître l'hérésie et par là l'hérétique. Sinon, comment pourrait-il la défendre? L'impasse actuelle est dans le fait d'accepter, comme venant de Dieu, la fausse obéissance qui a trompé les hommes. Contre une telle tromperie le Pape Paul IV a promulgué avec toute son autorité Apostolique la Bulle, dont on offre ici un résumé (15.2.1559) [les titres sont nôtres].

Sommaire de la Bulle ‘Cum ex Apostolatus Officio’

Exorde - Le Pape est tenu de signaler et de repousser les ennemis de la Foi.

“En raison de la charge apostolique, à Nous confiée par Dieu pour le soin du troupeau du Seigneur, Nous sommes tenus de pourvoir à sa garde fidèle, de diriger salutairement et de veiller assidûment, afin que tous ceux qui s'insurgent contre la Foi et pervertissent l’interprétation des Saintes Ecritures et s'emploient à déchirer l'unité de l'Eglise et la tunique sans couture du Seigneur, soient repoussés de la bergerie du Christ et que ceux qui dédaignent d'être disciples de la vérité ne puissent continuer leur magistère d'erreur.

1 - plus haut est le pervertisseur de la foi, plus grave est le danger

“Si grave et dangereuse est la question que le même Pontife Romain, Vicaire de Dieu et de N. S. Jésus-Christ, revêtu de la plénitude du pouvoir sur terre, étant juge de tous les hommes et ne devant être jugé par personne, s'il dévie de la foi, peut être accusé; En effet, là où le danger est plus grand il faut agir avec plus de décision, afin que des faux-prophètes ne puissent séduire les âmes simples et entraîner avec eux à la perdition des peuples innombrables commis à leur soin; pour ne pas voir dans le Lieu-saint l'abomination de la désolation prédite par le prophète Daniel, autant que Nous le pourrons avec l'aide de Dieu

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selon notre devoir pastoral, et pour ne pas ressembler à des chiens muets ou à des mercenaires, et pour ne pas Nous perdre avec les mauvais vignerons, Nous désirons capturer les renards occupés à dévaster la Vigne du Seigneur et écarter les loups des bergeries.

2 - confirmation de toute mesure précédente contre tous les déviés

“Après mûre délibération à ce sujet avec les Cardinaux, sur leur conseil et avec leur assentiment unanime, de par notre Autorité Apostolique, Nous approuvons et renouvelons toutes et chacune des sentences, censures et peines d'excommunication, suspense, interdit et privation, ou autres, quelles qu'elles soient, portées et promulguées contre les hérétiques et les schismatiques par les Pontifes Romains, nos Prédécesseurs, ou en leur nom, soit par leurs instructions informelles, ou par celles des Saints Conciles approuvés par l'Eglise, soit par décrets et statuts de nos Saints Pères, soit par les Saints Canons, Constitutions et Ordonnances Apostoliques; Nous voulons et décrétons qu'ils soient observées perpétuellement, et soient rétablis en pleine observance au cas où ils ne le seraient pas. En outre, (1) quiconque serait trouvé, avouant ou convaincu d'avoir dévié de la foi catholique, tombé en hérésie ou dans le schisme, de l'avoir suscité ou d'y avoir adhéré, ou encore si quelqu'un devait à l'avenir s'insurger contre la foi comme susdit: (2) de quelque état, dignité, ordre, condition et prééminence qu'il soit, même Evêque, Archevêque, Patriarche, Primat, de dignité Ecclésiastique encore supérieure, honoré du Cardinalat, ou investi de la charge de Légat du Siège Apostolique, encourra les susdites sentences, censures et peines. (omis ce qui regarde les autorités civiles chrétiennes).

3 - privation ‘ipso facto’ des charges ecclésiastiques pour hérésie/ schisme

“Considérant que pour détourner du mal ceux qui ne s'en abstiennent pas par amour de la vertu il faut la crainte des peines, et que les Autorités(2), qui doivent guider les autres et leur servir d'exemple afin de les garder dans la foi catholique, s'ils viennent à prévariquer, pèchent plus gravement que les autres, puisque non seulement ils se perdent eux-mêmes, mais entraînent avec eux les peuples confiés à leur soin; Nous, sur le même conseil et assentiment des Cardinaux, en vertu de cette Constitution valide à perpétuité, en opposition à si grand crime, le plus grave et pernicieux possible dans l’Eglise de Dieu, dans la plénitude de notre pouvoir Apostolique, Nous décidons, statuons,

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décrétons et définissons, que les sentences, censures et peines susdites gardent toute leur force et leur efficacité, entraînant leurs effets sur tous et chacun des prélats susdits (2), qui comme il fut déclaré, se sont à ce jour insurgés, ou à l'avenir s'insurgeront contre la Foi (l); puisque leur crime les rend plus inexcusables que les autres, outre les sentences, censures et peines susdites, par le fait-même, sans recours à quelque autre droit ou fait, ils seront entièrement privés à perpétuité de leurs charges et de leur dignité, comme aussi de toute voix active et passive, et de toute autorité. Par ailleurs ils seront considérés comme inhabiles et impropres à de telles fonctions, tels des relaps et subversifs, et même s'ils avaient auparavant abjuré publiquement telles hérésies; jamais, à aucun moment, ils ne pourront être rétablis, replacés, réintégrés et réhabilités dans leurs précédentes autorités et prérogatives, fonctions et dignités ecclésiastiques, ou leur voix active ou passive. (omis: le pouvoir séculier chrétien). Ceux-ci, de quelque état, prééminence et dignité qu'ils soient, doivent être considérés par tout le monde comme des relaps et subversifs, et comme tels devant être évités.

4 - il faut bientôt mettre terme à la vacance des sièges ecclésiastiques

“Quiconque avance un droit de patronage ou de nomination de personnes aptes à gouverner les sièges ecclésiastiques devenus vacants à cause des susdites privations, afin de ne pas les exposer aux inconvénients d'une longue vacance, après les avoir arrachés aux hérétiques et afin de les confier à des personnes aptes à diriger dans les voies de la justice, celui-là sera tenu de présenter les dites personnes au Pontife Romain dans le limites du temps fixé par le droit canonique ou les accords statués avec le St-Siège; autrement, une fois écoulé le temps fixé, la libre disposition des sièges susdits sera dévolue de plein droit au Pontife Romain.

5- excommunication "ipso facto" pour tous ceux qui favorisent les déviés

“Encourra l’excommunication ‘ipso facto’, quiconque oserait sciemment accueillir, défendre et favoriser les susdits coupables (l), ou encore accréditer ou enseigner leurs doctrines, il sera tenu pour infâme, il perdra tout droit aux fonctions publiques ou privées, il ne sera donc pas admis aux Conseils, Synodes, Concile général ou provincial, Conclave des Cardinaux, assemblée des fidèles, élections. (omis: restrictions dans les sociétés civiles chrétiennes). Les clercs seront privés de toute et chacune de leurs dignités, Eglises ou Monastères,

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bénéfices et fonctions ecclésiastiques. (omis: les fonctions et bénéfices des laïcs).

6 - nullité de toutes les promotions ou élévations des déviés de la foi

“De plus, si jamais un jour il apparaissait qu'un Evêque, même faisant fonction d'Archevêque, de Patriarche ou de Primat, ou un Cardinal, même faisant fonction de Légat, ou élu Pontife Romain (3), avant sa promotion au Cardinalat ou son élévation au Pontificat, déviant de la foi Catholique, soit tombé en quelque hérésie ou schisme, ou qu'il les aie suscités, son élévation, même si elle a eu lieu dans la concorde et avec l'assentiment unanime des Cardinaux, est nulle, sans valeur, non avenue. On ne pourra prétendre que cette élévation est ou sera validée par son intronisation, "adoration", l'obéissance à lui jurée par tous, ou par le cours d'une durée de son entrée en charge, ou par sa consécration, son gouvernement ou son administration; elle devra être tenue pour illégitime en tous ses actes. Telles promotions ne peuvent être censées avoir reçu ou pouvoir recevoir aucun droit ni dans le domaine spirituel, ni temporel. Tous leurs dits, faits et gestes, leur administration et tous ses effets, tout est dénué de valeur et ne confère aucune autorité, aucun droit à personne. Ces hommes ainsi promus seront donc, sans besoin d'aucune déclaration ultérieure, privés de toute dignité, place, honneur, titre, autorité, fonction et pouvoir.

7 - les fidèles ne doivent pas obéir mais éviter le dévié quel qu'il soit

“A toutes les personnes assujetties, aussi bien clercs que laïcs, y compris les Cardinaux qui auraient participé à l’élection Pontificale susdite, de même qui auraient promis obéissance et fait obédience au susdit Pontife élu (3), y compris quiconque lui serai lié par serment ou caution; il est permis en tout temps de refuser l'obéissance aux personnes ainsi promues ou élevées, et de les éviter comme des magiciens, des païens et des hérésiarques. Les fidèles restent néanmoins assujettis à l'obéissance et fidélité aux futurs Prélats et Pontifes Romains canoniquement installés. (omis l'intervention du bras séculier chrétien)

Comment reconnaître un clerc déchu dans la foi? Par sa doctrine. “Un fidèle ne peut mettre en doute la conformité avec

la doctrine de la foi d’un rite sacramentel promulgué par le Pasteur

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suprême, surtout s’il s’agit du rite de la Messe qui est au coeur de la vie de l’Eglise’ (Let. du card. Seper à Mgr Lefebvre, 28.1.78).

Mgr Lefebvre a répondu (12.1.79) que le Novus ordo Missae (NOM) ne professe pas la foi catholique et qu’il est stupéfiant qu’un rite de ‘saveur protestante, et donc favens haeresim [qui favorise l’hérésie], ait pu être diffusé par la Curie romaine’ [avec la responsabilité de Paul VI ?].

“C’est parce que nous estimons que toute notre foi est en danger par les réformes et les orientations postconciliaires que nous avons le devoir de désobéir et de garder les traditions.”(Mgr Lefebvre cité par le card Seper, ib.). Il y avait donc une rupture dans une question de foi.

A ce point la contestation au NOM correspond nécessairement à la contestation de l’Eglise du Novus ordo et de son chef Paul VI, ou autrement de la doctrine catholique par laquelle “un fidèle ne peut mettre en doute la conformité avec la foi d’un rite promulgué par le Pasteur suprême, surtout s’il s’agit de la Messe qui est au coeur de l’Eglise’.

La rupture de la communion avec Paul VI a été demandée à Mgr Lefebvre par l’Abbé de Nantes: ‘Il faut qu’un Evêque, lui aussi Successeur des Apôtres, membre de l’Eglise Enseignante, Collègue de l’Evêque de Rome et comme lui ordonné au Bien Commun de l’Eglise, rompe sa communion avec Lui tant qu’il n’aura pas fait la preuve de sa fidélité aux charges de son Suprême Pontificat’.

Mais la réponse a été: ‘Sachez que, si un évêque rompt avec Rome, ce ne sera pas moi’ (Un évêque parle, p.273).

L’Eglise occupée. "Rien ni personne ne peut faire que l’erreur devienne vérité. La secte moderniste peut bien "occuper" l’Eglise, elle ne saurait prétendre être l’Eglise." (Jacques Ploncard d’Assac, ‘L’Eglise occupée’, Ed. De Chiré, 1975).

Le Seigneur a dit: "Mon joug est suave et Mon fardeau léger" (Mt XI, 30). La résistance au vouloir de Dieu avec l'abandon du Règne, porte le monde au conflit et à la ruine. Qu'ont fait les Catholiques pour le Règne de Dieu et Sa Justice? - Pour ne l'avoir pas honoré comme des fils dévoués, le pasteur fut frappé et les brebis dispersées.

Comment s'est manifesté ce châtiment? Avec la multiplication de pasteurs mercenaires dans l'Eglise et avec l'insidieux "aggiornamento"

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de sa mission, vraie persécution de la Tradition, et ouverture à la "nouvelle ère" mondiale.

Le châtiment n'a pas été une persécution extérieure, mais la démolition de la Foi et de la Charité catholique. "Parce que l’iniquité aura abondé, la charité d'un grand nombre se refroidira" (Mt 28, 12). Et la soumission à l'Eglise a dégénéré en aliénant cléricalisme, plus ruineux que l'anticléricalisme du temps de Pie IX ou de St Pie X.

Et en 1965 tous les pères de Vatican II signèrent des hérésies. Certains en étaient les auteurs, mais la majorité tomba dans l'erreur de l'«obéissance absolue» à qui était revêtu de la soutane blanche. Faisant passer l’obéissance humaine avant celle de la Foi, ils ont perverti la raison d'être de l'autorité ecclésiastique instituée pour la défense de la Foi. Avec cette fausse obéissance, Satan réussit un «coup de maître», qui amorça la dérive venant d'en haut, amenant “beaucoup de cardinaux, d’évêques et de prêtres. déjà sur le chemin de la perdition à y conduire beaucoup d'âmes” (Garabandal). Paul VI est allé à Fatima en 1967 pour commémorer le 50ème anniversaire de l’Apparition de Notre Dame dont le Message avertissait du grand danger des erreurs répandues par la Russie, en donnant la solution pour un retour universel à la Foi. Mais Paul VI avait un autre projet: celui de réformer l’Eglise pour l’ouvrir au monde selon le plan de Vatican II.

"Le Troisième Secret de Fatima", c’est le livre publié récemment par l'écrivain Marc Dem, où il conclut que le redoutable avertissement de la Sainte Vierge, qui devait être révélé - car plus clair - en 1960, concerne la révolution de Vatican II. Cette conclusion, cependant, néglige deux questions qui permettent de déterminer l'origine du fléau:

- que le personnage clef du Message de Fatima est le pape; - que le Troisième fléau ne pouvait être «plus clair» en 1960 que s'il

avait débuté auparavant. Désormais il est clair que le fait à l'origine du Secret fut le

conclave de 1958 avec l'élection de Jean XXIII. C'est lui, avec son «aggiornamento» qui embrassa les modernistes et

repoussa les «prophètes de malheur» (Fatima?), à l'opposé des Papes précédents qui défendirent le troupeau en accusant les hérésies avec leurs auteurs, car: "C'est charité que de crier au loup quand il est au milieu du troupeau" (St François des Sales).

Aujourd'hui, après plus de trente années de progression «conciliaire irréversible», aucune reprise ne se présente chez les catholiques; au

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contraire. nos divisions se multiplient et la diffusion des hérésies de Vatican II continue, à la mesure de la reconnaissance des hérétiques conciliaires comme légitimes autorités catholiques. D'ou l'autodémolition de l’Eglise», contradiction qui suscite l'hérésie de l'«Eglise imparfaite», dont la loi serait insuffisante pour la préserver des ennemis internes de la Foi; Elle ne saurait pas être l’Eglise de Dieu!

Rappelons encore: la Foi est la raison pour laquelle le fidèle obéit à l’autorité de l’Eglise; "(Gl 1, 8), même si nous-mêmes, ou un ange du Ciel, venait vous annoncer un Evangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu'il soit anathème".

"Dans le trésor de la Révélation il y a des points essentiels que tout chrétien, par le fait-même de l’être, doit connaître et nécessairement garder" D. Guéranger.

Tout dans l’Eglise, depuis les Sacrements jusqu'au Pape, fut institué pour la Foi, par laquelle tout fidèle peut reconnaître l'hérésie et par là l'hérétique. Sinon, comment pourrait-il la défendre?

L'impasse actuelle est dans le fait d'accepter, comme venant de Dieu. la fausse obéissance qui a trompé les hommes.

Le recours à la Loi Canonique de l’Eglise sera donc la défense des ses fils fidèles au but divin de l'Eglise. Le fidèle trouve sa défense en défendant avant tout la Foi de l’Eglise. Celle-ci, hélas! est dans une impasse à cause de la lamentable tendance a ignorer sa Loi.

M. l’Abbé de Nantes, accusateur combatif de la doctrine de Vatican II et des «papes conciliaires», après avoir décrit en termes théologiques la malice et les hérésies du nouveau «catéchisme» et des «encycliques wojtyliennes», fait appel, contre l'abus de pouvoir dans le fait de promouvoir l'hérésie, à Jean-Paul II, qu'il reconnaît soit comme juge absolu de la Foi, soit comme auteur d’hérésies gnostiques. Sur celles-ci l'Abbé réclame un jugement infaillible précisément à celui qui, par le fait de les promouvoir, fait preuve d'un jugement tordu dans les questions de Foi. Foi qui est séparée par un abîme infranchissable de l’hérésie, comme l'Abbé l'a bien vérifié dans son étude des hérésies wojtyliennes. Mais il se persuade qu’en faisant appel à lui, il aura la réponse du Vicaire de Jésus-Christ, car la Providence fera prévaloir la face de pape en Wojtyla pour condamner sa face hérétique. Mais, peut-il y avoir accord entre la Chaire de Pierre et un promoteur d'hérésies?

N'y a-t-il pas là une contradiction qui n'est pas seulement d'ordre logique, mais aussi canonique? Par elle-même l'hérésie est la

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renonciation tacite de la foi catholique. Pour le clerc elle est aussi la renonciation à la charge qui lui a été confiée pour la défense de la Foi. Voici ce qu'en dit le Droit Canonique (CIC, 1917), Canon 188: "Pour cause de renonciation tacite, tout office quelqu'il soit est rendu vacant ipso facto, sans nécessité de la relative déclaration -au cas où le clerc: 4 - aurait manqué publiquement à la foi catholique.”

Le pouvoir d'ordre est indélébile pour les Prêtres comme pour les Evêques, mais le pouvoir de juridiction, y compris celui du Pape, ne l'est pas: il cesse d'exister en cas de renonciation, mort, de démence ou d'hérésie; dans ce dernier cas le pasteur se révèle n'être qu'un loup. L'hérétique, en ayant falsifié la Foi s'est condamné par son propre jugement (Tt 3/11); il est "mort dans la Foi".

L'hérésie, même occulte est un délit contre la Foi. Elle est sa négation par le jugement de l'hérétique opiniâtre. Dans l’exercice de la charge de Juge suprême de l'Eglise. un jugement propre ne pourrait pas rester caché. Il révélerait l'opposition à la juridiction divine par le fait d'annoncer un Evangile différent. L'hérésie, même cachée, deviendrait manifeste et spécialement évidente venant de qui semble élevé pour défendre la Foi. Celui qui a perdu la Foi, même s'il est un bon acteur, ne peut pas davantage représenter le Seigneur que celui qui a perdu la raison. Tout cela s'applique à Jean-Paul II dont la déviation dans la Foi est démontrée aussi et spécialement par l'Abbé de Nantes.

On ne peut reconnaître un pape qui contredit la Foi, alors que la Foi est nécessaire pour qu'on appartienne à l'Eglise. Autrement on finit par s’appeller à celui qu'on identifie, soit comme souverain juge de la Foi, soit comme celui qui la pervertit. Cette identification de l'homme avec sa fonction, attribue un caractère de vérité absolue au conclave qui a élu Wojtyla à l'office de pape. Considérant comme absolu l'acte contingent, cette opinion relativise la cause absolue, car cet acte se produit: l'attribution d'une autorité divine - que Dieu veut accorder - pour la défense de la Foi. Exactement le contraire de ce qui se produit avec Jean-Paul qui veut changer l’Eglise en inversant l'autorité de représentation de Dieu.

La foi du Pape, afin de préserver l’Eglise des hérésies, est assuré de l'assistance de l'Esprit-Saint. Le catholique peut donc croire à l'erreur (humaine) d'un conclave, non au «pape hérétique», à l’«Eglise défective» et à une «contradiction divine» (Let. de Carême 94, Pro Roma Mariana).

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L’autodémolition de l'Eglise? Nous avons vu qu’une nouvelle classe de clercs veut moderniser l’Evangile à la lumière du présent; ces clercs veulent concilier l'ordre divine avec le monde, par l'avent d'une nouvelle foi et la pentecôte d'une nouvelle église. Il s’agit de l’avent de l’homme, du culte de l’homme porté dans le Lieu saint de Dieu.

Mais avec cet élan réformateur, la nouvelle classe cléricale a attenté à sa propre raison d'être d'autorité catholique, car celle-ci subsiste à titre de représentation, pour défendre l'ordre naturel en affirmant le primat des principes divins sur les valeurs humaines. C'est alors que les principes, et l’Eglise en tant que leur gardienne, demeurent immuables. N. S. Jésus-Christ n’était pas seulement le plus grand des prophètes et des docteurs, mais Dieu incarné. La Papauté n’a pas pour principe la sagesse, ou même la sainteté de papes, mais la représentation de l’Autorité divine; cette raison immuable est son principe.

Les membres de l'Eglise, même les grands prélats, peuvent changer leur survivance dans la grâce et dans la vérité divine; ils peuvent aussi changer leur fidélité en cachant leur abandon de l’Eglise. Mais ils ne peuvent même pas essayer de changer le principe de l'autorité de l'Eglise sans s’auto-désavouer. Ce qui est survenu, par conséquent dans ces cas, ce n’est pas une démolition de l’Eglise, mais en quelque sorte, le suicide religieux de toute une classe cléricale qui, en se plongeant dans les valeurs naturelles et en accueillant les utopies, a perdu toute perception des principes surnaturels.

L’autodémolition est personnelle - Comme les clefs de l’harmonie universelle sont dans l’ordre chrétien il est évident que le processus révolutionnaire ne peut pas détruire un ordre qu’il ne rejoint pas. Il ne peut non plus rien édifier et sa créativité se dirige à une expérimentation qui mène, tout au contraire, à une démolition. Mais il serait plus juste de dire qu’il détruit son propre ordre humain, qu’il détruit à soi-même.

Le philosophe Del Noce a décrit l’issue de ce processus. En détruisant l’ordre antérieur sans réussir à en instaurer un nouveau, la révolution s'auto-détruit; elle se suicide dans le totalitarisme et débouche sur le nihilisme, qui est la dévalorisation de ce qu’elle avait pris pour référence suprême. (Del Noce A. 1970, ‘Il Suicidio della Rivoluzione’, ed. Rusconi, Milan). Or, à cet égard , la dévalorisation la plus incroyable, le suicide le plus inouï est celui des valeurs spirituelles provoqué par la "révolution conciliaire", ce que l’on a pu appeler à juste titre le 1789 de

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l'Eglise catholique. Les fauteurs de cette révolution ont ainsi conquis l’audience du monde et ses applaudissements, mais aux dépens de leur propre religion et de leur âme. Du moment qu’un prêtre se détache du principe même de sa fonction qu’est celle de croire et faire croire selon le mandat de Dieu, il a coupé la branche où il s’assoit.

Le Syllabus de Pie IX condamne la proposition (n.80): “Le Pontife romain peut et doit se réconcilier et transiger avec les progrès, le libéralisme et la civilisation moderne”. Cette proposition dit par extension que l’Eglise ne peut pas se réconcilier et transiger avec le progrès et le libéralisme de la civilisation moderne et par conséquent ne peut pas avoir comme Pontife romain qui l’entraîne à cette conciliation.

Portae inferi non praevalebunt. "Aujourd’hui ce n’est plus l’hérésie, ce n’est plus le Martyre de sang que l’on fait contre l’Eglise pour la combattre, mais c’est, dirais-je, le martyre intellectuel et moral. Maintenant l’on ne fait plus la guerre à une partie de l’Eglise, à un côté de sa foi, à quelques un de ses dogmes. Maintenant l’on fait la guerre à l’Eglise entière. Maintenant, contre l’Eglise c’est l’Athéisme, le Matérialisme, l’incrédulité. Maintenant il n’y a plus à lutter (il faut le répéter) contre des hérésies qui n’existent pas, ou qui n’ont aucune importance; mais contre l’indifférence, avec l’impiété qui vise à arracher du coeur de chaque Catholique la foi; qui, vise à ruiner depuis ses fondements l’Eglise de Jésus-Christ, et cette Cité, devenue précieuse par le sang de tant de Martyrs, à la jeter de nouveau dans l’infection de l’antique corruption, en la réduisant comme sous les Nérons, ou plus exactement comme sous les ‘Julien-Apostats’. De sorte que Rome, siège vénéré de la vérité, deviendrait en somme une nouvelle fois centre de toutes les erreurs.

La conciliation avec l’erreur, voilà le dernier projet qui sort aujourd’hui des mêmes murs vaticans... au nom de l’union et de la paix.

L’opium du peuple? L'idée la plus nocive est celle de la ‘rédemption universelle’ selon laquelle tous, volens nolens, même ceux qui nient la Parole divine, bénéficieraient de la Promesse, en vertu de la dignité humaine. Devant une telle croyance, pourquoi devrait-on sacrifier et réprimer ses propres impulsions, puisque tous seront rachetés même sans croire ni agir en conformité avec la foi? Ce serait la grande liquidation des fautes, les grandes soldes de la responsabilité humaine.

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Nous en sommes à l'aliénation des consciences. C'est exactement le contraire de ce qui dignifie l'homme. Toute différente est la doctrine des indulgences, participation aux trésors accumulés dans la Communion des saints, dont la justification est liée au fait qu'ils assument ses responsabilités devant le Christ crucifié, en adhérant au sacrifice rédempteur! Mais voilà l'oeuvre de Vatican II: exempter les consciences de l'unique norme objective du vrai, comme si la volonté humaine n'avait pas à coopérer à son salut, comme le Seigneur l’a révélé.

Posé comme Pierre de la Vérité et de la Foi, le Pape est reconnu dans le continuel affrontement et jamais en conciliation avec l’erreur, à laquelle c’est l’ennemi de l’homme qui ouvre la porte de la conscience.

Conciliation? inutile d’en parler car l’Eglise ne pourra jamais se concilier avec l’erreur, et l’on ne peut séparer le Pape de l’Eglise"... "Soyez toujours plus unis, mes Fils: et ne vous laissez pas influencer par des voix mensongères vous entretenant d’une conciliation impossible” (387, Pie IX, 27.II.1871).

Là où il y avait l’étincelle de Dieu qui liait les consciences au bien, ils ont introduit les lumières d'une liberté qui dévoie les mêmes consciences dans le mal. Evidemment cette révolution cléricale n'approuve pas le divorce, la pilule et l'avortement, elle se réserve de les stigmatiser. Mais elle le fait en justifiant la liberté religieuse, dans laquelle est forcément incluse la liberté morale. Elle le fait en vue d’une valeur, d’un équilibre moral, qui est la conséquence et non pas la première loi du suprême Bien, du principe divin.

Il n'y a ni paix ni justice dans l'irénisme des compromis sur la Vérité, mais elles se trouvent au contraire dans la lutte. Le signe de la Croix ne fut rien d'autre, et l'intervention de Marie non plus. Au nom d'une fausse paix, les consciences où demeurait la Voix de Dieu furent en un éclair envahies par des légions d'assassins. Et il ne fait aucun doute que tous les crimes horribles qui se commettent dans le monde proviennent d'idées assassines, qui pouvaient sembler pacifiques et même quelque fois religieuses. Leurs promoteurs sont comme les mandants des délits accomplis, et le sont de même ceux qui leur ont ouvert la voie.

Quel est donc le mot qui explique la crise présente dans l’ordre des causes? Le mot Sedevacante a été prononcé par l’Archevêque Ngo-Dinh-Thuc en 1982, mais évité par Mgr Lefebvre et même par Mgr Castro-Mayer, qui préférait parler de l’antipape actuel. Ce mot décrit

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une réalité aussi simple que claire: quand on constate que les pasteurs conciliaires n’ont pas la foi catholique on sait qu’ils ne sont pas théologiquement papes, et qu’il faut les éviter comme des païens et des hérésiarques (Pape Paul IV). S’ils ne sont pas membres de l’Eglise ils ne peuvent en être la tête (St Robert Bellarmin).

Peut une vision si tranchante et simple être celle canonique devant la présente situation effrayante et inouï de l’Eglise? C’est ce qu’il faut considérer dans la continuation de ce travail, quand on étudiera la pertinacité des autorités conciliaires, devant les admonestations pour hérésie: par exemple celles publiques de Mgr Lefebvre, de Mgr Castro-Mayer et de l’Abbé de Nantes, et celle privée, comme la lettre de Mgr Antonio de Castro-Mayer à Jean-Paul II.

Mais à Fatima s'affronteront les visions de la terre avec la révélation du Ciel. Et par l’entremise du Cœur Immaculé de Marie le Seigneur va exorciser l’action de l’Ennemi de Dieu et de l’homme. La lettre de Mgr Antonio de Castro-Mayer à Jean-Paul II L'évêque, qui avait plus de 75 années, a écrit à Jean-Paul II, en disant en substance qu'il ne démissionnerait pas, et a rappelé que: L'œcuménisme, tel qu’il est mentionné par Votre Sainteté dans divers documents (par exemple Cattechesi tradendae, AAS. 71, p. 1304 / 5), en base à le Concile Vatican II, s’oppose au dogme de foi par lequelle dehors de l’Église «nullus omnino salvatur» (Concile de Latran IV, DS. 802), ce qui constitue un déni de cet qui est enseigné «ex-professio» dans l’Enc. «Mortalium animos» (06/01/1928) de Pie XI. En ce sens, l'affirmation selon laquelle l'Esprit Saint se sert également des confessions non catholiques pour guider les hommes au salut éternel, éliminant le besoin de l'Église catholique comme le seul moyen de salut, est contre la Foi. Avec tout le respect, je me permets de rappeler à V.S. que pour un prélat incider dans une hérésie signifie perdre ipso facto sa juridiction."

L’accusation de pertinacité dans l’hérésie des autoritées conciliaires etait implicite l. Pour la déclaration explicite Mgr Castro-Mayer attendait un moment très important. Il est allé aux sacres d’Ecône avec la préoccupation de porter ce grave témoignage.

Hélas, là on avait voulu d’autres idées! Dans les armes de l’Evêque est écrit Ipsa conteret. Justement la vérité

contesté par Jean-Paul II le 29.5.96, c’est-à-dire que c’est la Très sainte Vierge Marie qui écrase la tête de l’Ennemi. Mais les catholiques reconnaissent sa voix: à la fin Mon Cœur Immaculé triomphera.

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“Heureux ceux qui croient sans avoir vu!” (Jn 20, 29).

Notes et abréviations

Enc. = Encyclique; Let. = Lettre; Const. = Constitution; Ap. = apostolique; Disc. = Discours; Rms = Radiomessage. . AB = Enc. Ad Beatissimi (1/11/1914), Benoît XV AHG = Enc. Amantissimus (8/4/1862), Pie IX AIS = Enc. Annum ingressi sumus (15/3/1902), Léon XIII AJE = Let. Anno jam exeunte (7/3/1917), Benoît XV AN = Enc. Adeo nota (1791), Pie VI CQ = Enc. Caritas quae (13/4/1791), Pie VI CSA = Enc. Cum summi apostolatus (12/12/1768), Clément XIV DF = Const. Ap. Dei Filius (24/4/1870), Pie IX Concile Vatican I DI = Enc. Diuturnum illud, Léon XIII DIM = Enc. Divine illius Magistri (31/12/1929), Pie XI DR = Enc. Divini Redemptoris (1937), Pie XI EML = Enc. Etsi Multa (21/11/1873), Pie IX ExQ = Let. Ex Quo, nono labente (26/11/1910), St Pie X FD = Enc. Fidei Donum (21/4/1957), Pie XII GC = Enc. Graves de Communi, Léon XIII HG = Enc. Humanum Genus, Léon XIII HGe = Enc. Humani generis (12/8/1950), Pio XII ID = Let. Ap. Ineffabilis Deus (8/12/1854), Pie IX Lb = Enc. Libertas (20/06/1888), Léon XIII MA = Enc. Mortalium Animos (6/1/1928), Pie XI MC = Enc. Mystici Corporis Christi (29/6/1943), Pie XII MD = Enc. Mediator Dei (20/11/1947), Pie XII MV = Enc. Mirari vos (15/8/1832), Grégoire XVI Nab = Enc. Non abbiamo bisogno (29/6/1931), Pio XI NChA = Let. Notre charge apostolique, (25/8/1910), St Pie X NN = Enc. Noscitis et Nobiscum (8/12/1849), Pie IX PA = Exhortation Pastoris aeterni (2/7/1826), Léon XII PAe = Const. Ap. Pastor aeternus (18/7/1870), Pie IX Pascendi = Enc. Pascendi Dominici Gregis (8/9/1907), St Pie X PD = Enc. Providentissimus Deus (18/11/1893), Léon XIII PG = Epître Apost. Praeclara gratulationis (20/6/1894), Léon XIII

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PM = Const. Ap. Pia Mater (5/4/1747), Benoît XIV QA = Enc. Quadragesimo Anno (15/5/1931), Pie XI QApM = Disc. Quod haec Apostolici muneris (20/2/1903), Léon XIII QC = Enc. Quanta cura (8/12/1864) Pie IX Qc = Let. Apost. Quanto conficiamur (17/8/1863), Pie IX QPr = Enc. Quas Primas (11/12/1925), Pie XI QP = Enc. Qui pluribus (9/11/1846), Pie IX RN = Enc. Rerum Novarum (16/5/1891), Léon XIII RP = Let. Ap. Romanorum Pontificium (25/2/1916), Benoît XV SaA = Motu proprio Sacrorum Antistitum (1/9/1910, St Pie X SC = Enc. Satis cognitum (29/6/1896), Léon XIII SG = Enc. Ad Sinorum gentem (7/10/1954), Pie XII SP = Enc. Spiritus Paraclitus (15/9/19210), Benoît XV SPs = Enc. Summi Pontificatus (20/10/1939), Pie XII SQu = Allocution Singulari quadem (24/9/1912), Pie IX SSP = Enc. Super soliditate petrae (28/11/1786), Pio VI Syllabus, (8/12/1864), Pie IX TB = Let. au card.Gibbons, Testem benevolentiae (22/1/1899), Léon XIII UP = Enc. Ubi primum (5/5/1824), Leão XII AAS = Acta Apostolicae Sedis, Typographia Vaticana Dz = Denzinger EC = (Encyclopédie Catholique) Enciclopedia Cattolica, ed. 1954 OR = Osservatore Romano ST = Summa Teologica de saint Thomas d’Aquin

Documents conciliaires de Vatican II

DH = Décl. Dignitatis humanae personae DV = Const. dogmatique Dei Verbum GS = Const. pastorale Gaudium et spes LG = Const. dogmatique Lumen gentium Nae = Décl. Nostra aetate OA = Let. Octogesima adveniens, Paul VI Orientations sur Nae. 4 P.C.B. = Pontifie Commission Biblique Pp = Populorum progressio, Paul VI Ptr = Pacem in terris, Jean XXIII Rh = Redemptor hominis, Jean Paul II TM = Tertio millennio adveniente, Jean-Paul II UR = Décret Unitatis redintegratio

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DC = Diario del Concilio, Henri Fesquet, Mursia, Milan, 1967 Rhin = Le Rhin se jette dans le Tibre, Le Concile inconnu, Ralph Wiltgen, Ed. du Cèdre, 1976.

Bibliographie

AFS - Action Familiale et Scolaire, A. de Lassus, 31, rue Rennequin, Paris Athanasius = Mgr Rudolf Graber, ‘Sant’Atanasio e la Chiesa del nostro tempo’, Ed. Civiltà. 1974, Via G. Galilei, 121, I- 25123 Brescia Bonum Certamen, P. Henri Mouraux, 69, r. M.chal Oudinot, Nancy Chiesa viva, P. Luigi Villa, Via G. Galilei, 121, I- 25123 Brescia Counter-Reformation Association, William Morgan, Monks Kirky, Near Rugby, CV23 OQZ, UK CRC = Contre Réforme Catholique, P. Georges de Nantes, F-10260, Saint-Parres-les-Vaudes Crisi = ‘La Crisi della Chiesa moderna’, Carlo Alberto Agnoli, Ed. Civiltà De Rome et d’Ailleurs, Georges Salet, Bte post. 463, F-78004 Versailles Einsich, Eberhard Heller, D-80079 München, Posfach 100540 EPC = L’Eclisse del pensiero cattolico, A. Daniele, Ed. Europa, 1997 FA = ‘Entre Fátima e o Abismo’, A. Daniele, Ed. T.A. Queiroz, S. P., 1988 Figura = A Figura deste mundo... J. B. Pacheco Salles, S.Paulo, Brèsil IPc = Is the pope catholic?, Hutton Gibson, Groupacumen, Australie Ipm = L’intelligenza en péril de mort, Marcel De Corte, Dismas, Bruxelles Itinéraires, Jean Madiran, 4, rue Garanciestre, 75006 Paris IU = Iota Unum, Romano Amerio, Nouvelles Editons Latines, 1987 La Voie, Myra Davidoglou, 192-196 rue de Lourmel, 75015 Paris Etr - L’Etrange théologie de Jean-Paul II, P. Johannes Dormann, Fideliter, F-57230 Eguelshardt, 1992 Lettre à quelques Evêques, Soc. Saint-Thomas-d’Aquin, Paris, 1983 Mysterium Fidei, A. Denoyelle, av.Brigade Piron, 84-2, B-1080 Bruxelles Nuovo Osservatore Cattolico, Stefano Filiberto, Cas. Post. 514, 10100 Torino Centrale Philosophie et théologie de Karol Wojtyla, Prof. Wigand Siebel, SAKA, CH-4011, Bâle, POb. 51, 1988 Pierre m’aime tu? Daniel Le Roux, Fideliter, F-57230, Eguelshardt, 1989 Pour qu'Il règne, Jean Ousset, CLC, Paris Respondeo, Prof. Dr. Johannes Dörmann, Ed. Josef Kral, Postfach 1180, D - 93320 Abensberg Roma, Roberto Gorostiaga, rev. de la Tradición Católica, Buenos Aires Simple Lettre, P. Georges Vinson, Serre-Nerpol, F-38470 Sì sì no no, Sac. Emmanuel de Taveau, 00049 Velletri (Rome)

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Sodalitas S. Pius V, Dr. Walter Baisier, Tolstrasse, 87, B-2000 Anvers Sodalitium, P. Ricossa, Carbignano, 36, 10020 Verrua-Savoia (TO) Sous la Bannière, A-M Bonnet de Viller, F-18260 Villegenon Taccuino - Taccuino di Appunti, P. Clemente Bellucco, Stra, Venise, 1971 The = The enemy is here - Rome, Hutton Gibson, Christian Book Club of America, P.O. box 900566, Palmdale, CA 93590 Théo - La théologie de Jean-Paul II et l’esprit d’Assise, Prof. Johannes Dormann, Ed. Fideliter, F-57230 Eguelshardt, 1992 Tcc = ‘La Tradizione contro le concilio’, Mgr Francesco Spadafora, Ed. Volpe, 1992

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prochaine publication

L’Esprit désolant de Vatican II - t. 2

1 - Crise des valeurs ou reniement des principes? ............................

2 - Agonie du Christianisme? ...........................................................

3 - L’esprit de Vatican II dévoilé .....................................................

4 - ‘Unitatis redintegratio’ : associationnisme religieux .................

5 - ‘Lumen gentium’ : feu vert au démocratisme clérical .................

6 - ‘Nostra aetate’ : nouvel ordre œcuménique mondial ..................

7 - ‘Redemptor hominis’ : dialectique androthéiste ..........................

8 - Nouvelle théologie pour une nouvelle rédemption .....................

9 - Les ‘initiateurs’ du mondialisme pour le tertio millennio ..........

10 - Le paradoxe d’une autorité moderniste ....................................

11 - Le ‘Mysterium iniquitatis’ dans la Cité Chrétienne ..................

12 - Le Secret de la Très Sainte Vierge Marie ................................ qui a dit à Fatima le 13 mai 1917:

- Après, je reviendrai ici une septième fois -

- À la fin mon Cœur Immaculé triomphera -

Ed. Delacroix

B. P. 109, F - 35802 DINARD CEDEX

révision linguistique aux soins de Marcelo da Silva Lopes Indugrafica, Fátima, setembro 1997

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À temps et à contretemps...

Ce travail est une moisson de grands témoignages, dont l’étude inédite de Mgr

Antonio de Castro-Mayer sur la Lettre Octogesima adveniens, qui a été remise à Paul VI en 1974, mais a été étouffée dans le silence.

Silence! Le monde occidental ne parle jamais d’apostasie. Et pour cause: il a apostasié! Et au milieu de l’énorme vacarme de la communication de ce siècle une ruineuse apostasie des âmes advînt dans le silence catholique.

Et la vie des âmes est en danger. Sa nourriture, la Parole divine, est adultérée; sa maison, l’Eglise de Dieu, est toute grande ouverte aux perversions du monde; sa cité, la Chrétienté, est confondue avec les babels terrestres. Et sa vocation surnaturelle est réduite au champ unifié d’un panthéisme matériel.

Il s’agit des tentations constantes depuis le début de l’histoire, mais aujourd’hui on vit l’effrayante nouveauté: le nouvel ordre conduisant au plus grande désordre universel est évoqué par une nouvelle classe cléricale qui se présente comme catholique, comme déléguée par Dieu même.

Quel est le mot qui explique la crise présente dans l’ordre des causes? “Le Congrès d'Assise consomme la rupture des autorités romaines avec

l'Eglise Catholique. Il est bien évident que depuis Vatican II, [ils] s'éloignent toujours plus nettement de leurs prédécesseurs: «Haec est hora vestra et potestas tenebrarum».” C’est le royaume de Babylone.

“On a le droit de ne plus les considérer catholiques; [ils] rompent avec l'Eglise Catholique: se mettent au service des destructeurs de la Chrétienté et du Règne de N. S. Jésus-Christ. Nous considérons comme nul tout ce qui a été inspiré par cet esprit de reniement: toutes les réformes postconciliaires, et tous les actes de Rome qui sont accomplis dans cette impiété”.

“L’Eglise qui accepte formellement et totalement Vatican II (l’Eglise de Jean-Paul II) n’est pas et ne peut être l’Eglise de N. S. Jésus-Christ”.

Il manque pourtant de témoigner la portée actuelle à laquelle est arrivé l’esprit désolant qui a ravagé la ‘Vigne du Seigneur’. Et ici il faut être conscient que si l’on excuse les responsables humains, on accuse Celui qui est la cause de tout. Or, Dieu, même s’Il permet le mal et la grande Babylone, Il fait savoir: “Quittez-la, mon peuple, pour ne pas être solidaire de ses méfaits, ni recevoir ses châtiments” (Apl 18, 4). Et toujours plus, des consciences catholiques reconnaissent cette voix.