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4 L’ETAT D’ETRE DU THERAPEUTE DANS LA PRATIQUE OSTEOPATHIQUE La présence Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme en Ostéopathie Soutenu le 29 septembre 2007 à Lognes Maître de mémoire : Hug VERBE Pierre LARCHEVEQUE

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L’ETAT D’ETRE DU THERAPEUTE DANS LA

PRATIQUE OSTEOPATHIQUE

La présence

Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme en Ostéopathie

Soutenu le 29 septembre 2007 à Lognes Maître de mémoire : Hug VERBE Pierre LARCHEVEQUE

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REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier Hug Verbe pour l’aide et le soutien qu’elle m’a apporté tout au long de ce travail.

Merci également à Pierre Tricot de m’avoir suggéré cette idée, d’avoir mis à ma disposition les traductions des textes de Rollin Becker, Viola Frymann et Hugh Milne ; merci enfin pour son aide, ses conseils et son enseignement.

Merci à Guillaume Brard pour sa traduction de l’ouvrage de Hugh Milne, pour

ses conseils avisés, merci.

Merci à Alain Andrieux, Jean-Marie Benmussa, Thierry Chatel, Bruno Conjeaud, Gilles DeCoux, Marie Fourmont, Jean-Hervé Frances, Fabienne Glock, Florence Hélary-Guillard, Dominique Jacquin, Hélène d’Hennezel, François Laurent, Gilles Vanneau et Jean Vergnaud d’avoir accepté de répondre à mon questionnaire ; merci pour la confiance, la disponibilité, et la sincérité dont ils ont fait preuve. Merci aussi pour cette bouffée d’Amour qui émanait parfois de leurs propos.

Enfin, merci à Isa, Co et JM, et Manu pour leurs nombreuses relectures, leurs conseils, leur soutien et leur présence…

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SOMMAIRE

1. INTRODUCTION

2. RESUME

3. CONCEPTS ET APPLICATIONS

3.1. William Garner Sutherland

3.2. Rollin E. Becker

3.3. Harold Ives Magoun 3.4. Viola Frymann 3.5. Pierre Tricot

3.6. Hugh Milne 3.7. Thierry Dubois & Philippe Hansroul

3.8. Une lecture par l’approche scientifique 3.9. Pour conclure

4. LA PRATIQUE DES OSTEOPATHES : Entretiens

4.1. à 4.14. Entretiens 4.15. Réflexions sur les entretiens

5. COMMENT EDUQUER LA PRESENCE ?

5.1. Les pistes de Pierre Tricot 5.2. Méthode Vittoz 5.3. La voie de l’exercice – Karlfried Graf Dürckheim

6. CONCLUSION 7. TABLE DES MATIERES ANNEXES

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1. INTRODUCTION

La mise en pratique des techniques ostéopathiques permet à l’étudiant, lors de

l’apprentissage, d’avancer vers une maîtrise technique, mais est aussi l’occasion de

découvrir des perceptions nouvelles, inattendues. Un questionnement naît alors sur le

crédit que l’on peut accorder à ces dernières, qui diffèrent parfois des sensations telles

qu’elles sont référencées. Ces informations nouvelles proviennent-elles du système

corporel du patient ou sont-elles créées d’une quelconque façon par le praticien ?

Les perceptions ne sont bien sûr pas le seul paramètre conditionnant la réussite

thérapeutique. D’autres éléments entrent en jeu : la maîtrise d’une technique, l’ « état »

des tissus du patient (toxines, stress…), ce que le patient propose au travail, ce qu’il

accepte de découvrir…

Néanmoins, il semble évident que l’état dans lequel se trouve le praticien influe

sur les techniques employées, que la relation entre thérapeute et patient, que la

compréhension par le thérapeute du cas du patient et la dynamique de transfert et

contre-transfert entre patient et thérapeute ont également une incidence sur l’issue du

traitement.

Ainsi, la rencontre avec des praticiens qui ont développé des qualités

perceptives très fines en faisant appel à la fois à leurs sensations, à leur intuition m’a

permis d’entrevoir une interaction entre le faire et l’être, entre l’exécution de

techniques et la manière d’être du thérapeute. Recherchant ce qui avait été publié dans

la littérature ostéopathique sur cet état d’être, il m’est alors apparu que des ostéopathes

parlaient d’une manière d’être là particulière en modélisant un concept de présence et

que celle-ci paraissait avoir un rôle essentiel aussi bien dans la perception que dans la

qualité de la relation thérapeutique.

Cette notion est plus souvent évoquée comme quelque chose allant de soi. Elle

est souvent présentée comme une évidence qui s’impose. Le thérapeute débutant est

alors confronté à une injonction paradoxale (« sois détendu, sois présent… »), sans que

soient précisées les conditions nécessaires à sa mise en place.

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L’objectif de ce mémoire est de tenter de comprendre ce qu’est la présence,

quelle place elle occupe et ce qu’elle peut apporter dans la pratique. Il analysera

comment les ostéopathes l’ont modélisée et quelle application en fait chacun.

Mais aussi, il semble essentiel de cerner les moyens de mettre en place et

d’exercer cette disponibilité, cette écoute perceptive. Quels sont-ils et quelle place est-il

possible de leur réserver dans le cursus de formation ostéopathique ?

La première partie du mémoire est consacrée à l’étude bibliographique de la

modélisation de la présence qu’ont faite des ostéopathes de référence comme William

Garner Sutherland, Rollin Becker, Harold Ives Magoun, Viola Frymann, Pierre Tricot,

Hugh Milne, Thierry Dubois et Philippe Hansroul. Chacune de ces modélisations

n’emploie pas systématiquement le terme de présence ; toutefois de nombreux points

communs semblent les rapprocher et choisir un terme unique m’a paru plus facile pour

rendre compte de la description de chacun. Ainsi, le terme d’ « état de présence »

regroupera l’ensemble des états particuliers dans lesquels s’immergent les thérapeutes

lors des séances de soins.

La seconde partie est constituée d’un recueil de quatorze entretiens réalisés dans le but

de comprendre quelle est la mise en pratique du concept de présence faite par les

praticiens eux-mêmes dans le quotidien de leur cabinet

Enfin, la troisième et dernière partie analyse quelques démarches susceptibles de

développer et d’exercer cet état de présence. Elle répertorie des exercices pouvant

permettre d’aider le thérapeute à améliorer la qualité de sa présence. Les approches

étudiées sont celles de Pierre Tricot, Roger Vittoz et Karlfried Graf Dürckheim.

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2. RESUME

Devant un questionnement sur les moyens d’amélioration de l’efficacité

thérapeutique dans la pratique ostéopathique (autres que purement techniques), il est

apparu que la manière d’être là du thérapeute joue un rôle important dans l’issue du

traitement. La Présence du thérapeute influe sur plusieurs niveaux : elle lui permet de

s’ouvrir à un domaine perceptif plus large et de créer un climat de confiance et de

sécurité dans la relation thérapeutique.

L’objectif de ce mémoire, au travers de publications relatives à ce sujet et d’entretiens

avec des ostéopathes, est d’analyser ce qu’est la Présence dans la pratique

ostéopathique et quels sont les moyens dont le thérapeute dispose pour la développer.

Mots-clés : Ostéopathie, Présence, Centrage, R.E. Becker, P. Tricot

ABSTRACT

Wondering about the means of improving the therapeutic efficiency (other than

technical ones) in osteopathic practice, the way of being “here and then” of the

practitioner seems to play a major role in the treatment issue. The Presence of the

practitioner has an influence upon several levels: it allows to open one’s mind to a

wider field of perceptions and to establish an atmosphere of confidence and security in

the therapeutic relationship.

The aim of this work, through publications about this subject and talks with

different osteopaths, is to analyse what the presence is in concrete terms in the

osteopathic practice and how practitioners can develop it.

Keywords: Osteopathy, Presence, Focusing, R.E. Becker, P. Tricot.

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3. CONCEPTS ET APPLICATIONS

Cette partie est consacrée à l’étude de la modélisation de la présence qu’ont

publiée des ostéopathes de « référence », ainsi qu’à une lecture possible par l’approche

scientifique. Sont exposés pour chacune des approches, modèle théorique et application

concrète. L’ordre chronologique a été privilégié.

3.1. W.G. Sutherland

William Garner Sutherland (1873-1954) a conceptualisé les fondements du

Mécanisme Respiratoire Primaire et a ensuite consacré sa vie à tenter de répandre son

concept crânien.

W.G. Sutherland n’a pas ou très peu laissé d’écrits sur l’état que doit adopter

l’ostéopathe lorsqu’il dispense ses soins. Les seules allusions à ce sujet proviennent de

citations ou de retranscriptions de conférences. On peut penser que la priorité de

l’époque concernait plutôt la description et l’explication du Mécanisme Respiratoire

Primaire, et sa reconnaissance auprès de la communauté scientifique. Néanmoins, dans

le texte ‘les doigts qui pensent’, Adah Sutherland, sa femme, décrit des moments où son

mari semblait se plonger dans une sorte de méditation :

« Plusieurs fois par jour, il se mettait dans ce qu’il appelait un « moment de silence »,

temps de calme sans activité apparente. Il faisait cela avec la plus grande simplicité et

le plus grand naturel. C’est à partir de ces oasis de contemplation que surgirent les

raisonnements et les résultats les plus fructueux. C’est pourquoi il disait avec la plus

grande sincérité : « la réflexion crânienne n’est pas la mienne. » Il aimait cette

phrase : « Ecouter le silence » et utilisait l’analogie du compositeur qui fait usage

avisé des silences autant que des sons – les « silences communicatifs ». Deux

aphorismes lui servaient à nourrir ses ressources intérieures : « Be still and know » et

« Closer is He than breathing ». Lorsqu’arriva le moment d’enseigner, il s’y référa

avec un naturel non affecté parce qu’elles faisaient partie intégrante de sa philosophie

et de sa vie quotidienne. Le Dr Sutherland ne suivait aucune voie connue, mais il en

suivait une ! » (Sutherland, 2002, 82)

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Il apparaît donc qu’il éprouvait le besoin de se recueillir en lui-même, d’« écouter le

silence », pour accéder à un état de conscience l’ouvrant sur un champ de connaissance

plus vaste. Il semble que Sutherland ait tenté de modéliser ce qu’il contactait lors de ces

moments, en reconnaissant une Puissance Supérieure, transcendante, qu’il nomme

‘Créateur’ ou ‘Grand Architecte’ :

« Plus proche de moi qu’un souffle est le Créateur du mécanisme crânien... Plus proche

du patient est le Créateur de son mécanisme crânien… Mes doigts qui pensent, sentent,

voient et savent sont guidés intelligemment par le Grand Architecte qui a conçu ce

mécanisme. L’interprétation que j’en donne importe peu, pourvu que mon trolley

mental demeure en contact avec le Fil. » (Becker, 1997, 38)

Rollin Becker rapporte également ces propos: « J’ai souvent dit que nous avions perdu

une notion en ostéopathie que le Dr Still avait essayé de transmettre : la part du

Spirituel qu’il incluait dans la science ostéopathique. » (Becker, 1997, 25.) Et

s’adressant à un groupe de proches élèves : « Dans un patient, trouvez d’abord le

fulcrum spirituel » (Becker, 2000, 231)

« Vous remontez à la Cause » disait le Dr Sutherland, et il poursuivait : « Si vous

comprenez le mécanisme, votre technique est simple. » Réfléchissez un instant aux

nombreuses implications découlant, pour le praticien, de ces deux affirmations.

(…) Quelle profonde perspicacité dans ces quelques mots : « Si vous avez compris le

mécanisme ». Ils résument tout ce dont nous avons parlé. Le praticien se doit d’avoir

une conscience clairvoyante du Créateur présent en lui-même et chez son patient. »

(Becker, 1997, 34-35)

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3.2. Rollin Becker : Le Partenaire Silencieux

Rollin E. Becker D.O. (1910-1996) fût l’un des plus proches élèves de W.G.

Sutherland et fit partie de son équipe enseignante. Tout au long de sa vie, il pratiqua

l’ostéopathie en cherchant à comprendre et approfondir les concepts édictés par W.G.

Sutherland.

3.2.1. Le Partenaire Silencieux

Rollin Becker voit dans le système corporel de chaque être, des forces de Vie

naturelles, autorégulatrices et physiologiques, s’exprimant par le mécanisme crânio-

sacré, puis s’étendant à l’ensemble du corps. Il leur donne le nom de forces bio

dynamiques. Autocorrectives et involontaires, elles oeuvrent pour la Santé au sein de

l’organisme. Et Rollin Becker voit dans ce qui se manifeste par l’involontaire, l’origine

de la vie et de la santé. Ces forces sont, chez chacun, identiques : celles du thérapeute

sont exactement les mêmes que celles du patient. Elles s’organisent et circulent autour

et au travers d’un Fulcrum (d’un point d’appui), que R. Becker nomme le ‘Partenaire

Silencieux’. C’est en fait Le point d’appui. Il est pur potentiel : c’est-à-dire qu’il est

totalement immobile tout en étant à la source de toute énergie et tout mouvement. C’est

dans son immobilité que se trouve la Puissance. Pour expliquer cette notion, Rollin

Becker propose l’image du cyclone : l’œil de l’ouragan est une zone calme, que l’on

pourrait même qualifier d’immobile au regard des vents violents qui soufflent à sa

périphérie. Dans cette zone, il n’y a pas de mouvements et pourtant, elle est la source de

la puissance des vents qui se déchaînent autour d’elle. Le Partenaire Silencieux est cet

œil ; il est immobile mais n‘est pas figé. Il a en son sein la puissance des vents…C’est

d’ailleurs, selon R. Becker, la seule source de Puissance qui existe ; c’est la Cause.

Rollin Becker dit : « c’est », et dans son approche, le travail de présence consiste à

l’accepter comme étant, et à s’en remettre à lui pour le traitement des patients. Ce

modèle de la présence implique d’accepter l’existence d’un médecin intérieur, un

‘maître mécanicien’, en qui résideraient toutes les ressources dont l’individu a besoin

pour sa santé. « Je peux entrer en contact avec mon médecin inhérent et avec les

médecins au sein des patients et apprendre à me taire et à écouter. À mon avis, le

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patient est le seul professeur. La science de l’ostéopathie et la physiologie corporelle

du patient sont les professeurs, et je suis un étudiant. » (Becker, 1997, 144). Le travail

consiste donc à s’accorder et s’abandonner à cette puissance, ce mécanisme et de le

suivre dans son processus d’autorégulation.

Rollin Becker affirme qu’il ne peut dire ce qu’est le Partenaire Silencieux oeuvrant en

chacun de nous : il est, dit-il, plus facile de l’expérimenter que de parler de sa nature. Il

en dit cependant ceci : « C’est le pur « Je » représentant qui je suis réellement. »

(Becker, 2000, 35) Jacques Andréva Duval donne cette définition : « selon Rollin

Becker, le Partenaire Silencieux représente l’individualisation du Divin en chacun de

nous. Le Partenaire Silencieux n’a pas d’ego, pas de ‘personnalité’, mais il a une

« individualité ». « L’individualité » est une manifestation locale de la totalité. »

(Becker, 2000, 234)

Le potentiel inhérent qui résulte du Partenaire Silencieux, se manifeste par la Santé.

C’est pourquoi R. Becker invite le thérapeute à se tourner vers lui. Il conseille de ne pas

se focaliser sur les problèmes, mais vers la santé : la santé est maintenant, dit-il (Becker,

1997, 247). Selon lui (et il s’inspire là de Still), tout système vivant est fait pour

exprimer la santé. C’est son mécanisme de base. De plus, il affirme que la maladie n’est

pas le problème, mais qu ‘elle n’est qu’un effet. Avec son raisonnement, le plus logique

paraît être de contacter la source de santé (le Partenaire Silencieux) et de lui permettre

de s’exprimer pleinement au sein de la physiologie corporelle du patient.

3.2.2. Fulcrums

Un fulcrum est un point d’appui. Il détient en son sein l’immobilité et la

puissance. L’immobilité n’est pas rigide, froide, sans puissance. Au contraire, elle est

fluctuante, elle « balance ». J. A. Duval compare une barre fixe à une eau calme,

immobile ; une foule humaine importante peut être immobile sans pour autant être

figée. De même, le visage de la Joconde n’est pas fixe mais immobile. C’est en

l’immobilité que réside la Puissance du mouvement. Et Rollin Becker citant W. G.

Sutherland : « Le Dr Sutherland nous a appris que pour être efficace, une force motrice

doit s’appliquer près du point d’appui d’un levier et non à son extrémité. » (Becker,

1997, 29)

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Pour expliquer l’importance pour le thérapeute d’« être » fulcrum, R. Becker déclare

qu’en restant à la périphérie, le praticien ne sera qu’aspergé, fouetté par le souffle de

l’ouragan. Or s’il parvient à aller directement au centre « et s’il porte les bonnes

lunettes », il aura une vision claire et pourra discerner le schéma du malade (Becker,

2000, 122). Le thérapeute doit se tenir immobile et tenter de rejoindre un fulcrum plus

élevé : un point à partir duquel sa vision sera plus claire. C’est cela que R. Becker

affirme lorsqu’il dit que le thérapeute doit rejoindre son Partenaire Silencieux. Le

praticien contacte l’immobilité et la puissance en lui-même et peut alors constituer un

fulcrum stable pour le patient. Il doit être fulcrum avec tout son corps.

Plusieurs types de points d’appui sont mis en place dans cette approche : des points

d’appui physiques et spirituel:

• Fulcrums matériels

1. Celui du thérapeute qui place ses mains sous le corps du malade et se sert de ses

coudes comme points d’appui. J. A. Duval parle également du point d’appui-contact :

c’est le contact entre les mains du thérapeute et les tissus des patients. La physiologie

corporelle du patient se sert immédiatement de la puissance disponible dans ces

fulcrums, pour entamer ses processus d’autorégulation, et parvenir à un still point

intérieur (fulcrum des fulcrums).

2. Le point d’équilibre atteint à l’intérieur du corps du malade et provoqué par le

point d’appui-contact du praticien et le fulcrum de ses coudes par exemple. Rollin

Becker compare ce fulcrum à celui qui apparaît lorsque l’on imprime des vibrations à

un verre d’eau. Sa recherche est l’objectif du traitement : amener la physiologie

corporelle à un point d’équilibre. Et c’est, selon lui, à ce moment, lorsque cet équilibre

est atteint, que le processus de transmutation peut se produire : les schémas lésionnels

vont se dissoudre et le malade retrouver la santé. C’est le principe de guérison

qu’emploient les forces de santé oeuvrant en chaque être vivant.

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• Fulcrum immatériel

C’est le Partenaire Silencieux : le fulcrum spirituel. Rollin Becker ne se servait

plus des points d’appui mécaniques en tant que tels, mais simplement comme des

outils. Il affirmait travailler à partir de son fulcrum spirituel vers celui de son patient.

Sutherland exhortait ses élèves à trouver d’abord le fulcrum spirituel chez leurs patients

(Becker, 2000, 231). Ce fulcrum, comme vu précédemment et selon J. A. Duval, est

l’individualisation de l’énergie divine. C’est en son sein que réside la tranquillité,

l’immobilité. Et Rollin Becker déclare que celle-ci ne peut être atteinte qu’à des points

fulcrums et ne peut être perçue par notre appareil sensitif classique : « En développant

mon toucher, je peux passer à un niveau supérieur. À travers le point d'immobilité du

fulcrum et la profondeur de mon contact digital, je peux développer une conscience

connaissante du potentiel inhérent et de la structure-fonction au sein des tissus du

corps du patient. Cette conscience me vient au-delà des sensations physiques de mes

cinq sens. » (Becker, 2000, 148) Et c’est pour cela, pour cette perception, qu’un autre

état doit être recherché et atteint par le thérapeute.

3.2.3. Mise en place de la présence

Dans cette mise place, Rollin Becker insiste lourdement sur la posture que doit

adopter le participant. Il fait référence à la position du lotus entier (Kekka fuza) utilisée

dans le Za-Zen (= assise en silence) : cette position amène le participant à s’asseoir sur

les tubérosités ischiatiques, la colonne vertébrale bien droite, le poids du corps reposant

sur les ischions et sur les cuisses. Assis ainsi, selon Rollin Becker, l’ensemble du

mécanisme respiratoire primaire est littéralement suspendu dans l’espace, permettant

alors à la force du mécanisme de s’exprimer pleinement et librement dans toutes ses

composantes. « Lorsqu’ils [les participants] se trouvent dans cette position, ils sont

littéralement dans un état d’auto traitement et ils font de ce mécanisme un facteur

vivant de fonction. » (Becker, 1997, 71) Il insiste également sur l’importance pour le

thérapeute de laisser aller sa respiration, de façon naturelle, sans effort conscient

A propos de ce qu’il appelle les effets physiques, émotionnels et mentaux qui

surviennent lors de ce type de travail, Rollin Becker conseille de les considérer comme

des nuages dérivant dans un ciel clair, de les laisser être, sans pour autant porter

l’attention dessus. De plus, dès que le praticien essaie de poser une image mentale sur

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le principe du Partenaire Silencieux, il perd le contact avec l’état qui s’y rapporte. « Je

n’ai aucune idée de ce qu’est ce quelque chose, et cela n’a aucune importance. Il s’agit

simplement d’identifier un mécanisme qui existe en chacun de nous et de le mettre au

travail ». (Becker, 1997, 17-18) J. A. Duval dit également: « Ne laissez pas votre

cerveau et vos mains prendre le contrôle. » (Becker, 2000, 234)

Si le thérapeute consacre une partie de son attention à essayer de poser un nom sur ces

choses que Rollin Becker nomme ‘mécanisme’, il reste à la lisière de la situation et en

conflit avec elle. (Becker, 2000, 85) Il s’agit de vivre avec ce mécanisme, en temps

réel, sans l’analyser.

• Ecoute du mécanisme involontaire

Une des premières étapes est de prendre conscience de son propre mécanisme

involontaire. Rollin Becker propose de ressentir successivement tous les composants

du mécanisme respiratoire primaire.

1 Ce travail débute par une écoute de la fluctuation du liquide céphalo-

rachidien. En fait, il importe peu de la ressentir réellement : il suffit d’être simplement

conscient de l’existence de ce liquide en tant que fluide dynamique qui fluctue de façon

rythmique, entrant et sortant de notre mécanisme crânio-sacré, selon un flux/reflux

comparable à celui de la marée de l’océan.

2 L’écoute se porte ensuite au niveau du fulcrum de Sutherland et consiste à

suivre les différents mouvements de la membrane dure-mérienne, de la faux du cerveau

jusqu’au sacrum.

3 Rollin Becker propose ensuite de regarder le système nerveux central

s’enrouler et se dérouler de façon rythmique, d’écouter l’enroulement des lobes

temporaux et pariétaux vers les lobes frontaux, « vers une sorte de point de fulcrum. »

(Becker, 1997, 70) Puis le déroulement et le mouvement du tronc cérébral et de l’axe

médullaire.

4 Il propose enfin de prendre conscience de ces trois composants qui balancent

doucement la synchondrose sphéno-basilaire vers la flexion et l’extension, les

temporaux, les pariétaux, les frontaux, et les os de la face en rotation externe/rotation

interne ; puis la traction de la dure-mère sur le sacrum et les mouvements de celui-ci

lors des flexion/extension.

Pour terminer, Rollin Becker étend le champ d’attention à tout le corps et propose de

ressentir « la totalité du mécanisme qui travaille. » (Becker, 1997, 70)

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• Contacter le Partenaire Silencieux

La présence, c’est la conscience, l’éveil au Partenaire Silencieux. Sur cette

partie du travail, R. Becker reste très évasif, si bien qu’il est difficile d’extraire de ses

propos, une mise en pratique et une méthodologie précise. Le plus simple est peut-être

d’abord de le laisser en parler :

« Accordez-vous à votre Partenaire Silencieux, puis au Partenaire Silencieux du

patient, abandonnez-vous et par ce moyen, devenez un participant au processus déjà

engagé... L’acte d’abandon en tant que participant vers le non-connu fait tout le

travail. » (Becker, 2000, 202)

« Quant à évoquer la manière dont on y recourt, je vous ai donné la meilleure réponse

possible, et lorsque je contacte le mien, je n’ai pas plus d’idée sur ce que je contacte

que sur l’homme dans la lune. Parce que si je le savais, ce ne serait plus le Partenaire

Silencieux. Cela le ferait être une partie de même nature que le monde limité ou tout ce

que notre mental peut appréhender. Je le contacte, je m’en remets à lui et c’est aussi

simple que cela. Si vous compliquez cela, vous êtes mort. Rien ne se produit. C’est tout

ce qu’il y a à faire. C’est ce qu’évoquait A. T. Still lorsqu’il parlait de Dieu, l’esprit de

la nature. C’est à cela qu’il se référait. » (Becker, 2000, 28-31)

Pour J. A. Duval, il y a fondamentalement deux choses à ‘faire’ :

1. S’abandonner

2. Apprendre à se mettre à l’écoute du Partenaire Silencieux

Rollin Becker travaille avec les forces bio dynamiques et bio cinétiques de

l’Être. Les forces bio cinétiques sont les forces pathologiques extérieures intégrées au

système; alors que les forces bio dynamiques sont les forces oeuvrant pour la Santé.

Elles sont en chacun et il faut ‘devenir elles’ le temps du traitement. « Nous devons

apprendre à travers [ce mécanisme] ; nous devons fonctionner comme il fonctionne »

(Becker, 2000, 199) Il convient donc de créer une réelle connexion entre deux Êtres,

une « coopération dynamique avec la physiologie corporelle du patient. » (Becker,

2000, 78) Pour rejoindre cet état, Rollin Becker parle alors d’abandon, d’un abandon

dynamique. S’abandonner au Partenaire Silencieux consiste à s’en remettre à une

conscience plus vaste, plus large, et à se donner à sa puissance. « Abandonnez-vous de

plus en plus haut, de plus en plus profond. » (Becker, 2000, 234) Une fois l’immobilité

reconnue en lui, le thérapeute cherche à la contacter au sein de son patient. Et alors,

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immédiatement, le praticien devient un participant, et la relation une fusion des deux

Partenaires Silencieux.

Pour Rollin Becker, l’acte d’abandon consiste également au renoncement de l’ego : le

praticien ne fait rien en tant que lui-même. Il ne doit rechercher aucun résultat. « Les

buts doivent disparaître, comme tout le reste. » (Becker, 200, 34-35) Le Dr Harakal cite

une analogie proposée par R. Becker : le patient, que le thérapeute approche pour son

traitement, est comme un ‘bateau de vie’ qui vogue depuis bien longtemps avant

l’intervention du thérapeute et qui voguera encore bien après son travail. L’intervention

du praticien consisterait à monter à bord de ce bateau et à l’aider à se sortir de quelques

mauvais bancs ou passes, de manière « qu’il ne se heurte pas trop violemment »

(Becker, 2000, 85)

« [R. Becker] indique par ailleurs clairement que le praticien doit s’abandonner

jusqu’au point d’accepter de ne pas savoir, et ce malgré toutes ses études et toutes ses

années d’expérience professionnelle. » (Tricot, 2006, 4)

Rollin Becker propose une approche plus subjective, plus profonde de la

relation médecin-patient : amener le médecin et le patient à ne devenir qu’une seule

unité :

« Le praticien est un mécanisme respiratoire primaire involontaire au sein d’une

physiologie corporelle volontaire vivante. Son patient est doté des mêmes qualités,

c’est-à-dire qu’il est un mécanisme respiratoire primaire involontaire au sein d’une

physiologie corporelle volontaire vivante. Par conséquent, la palpation devient un

échange vivant entre deux corps vivants. » (Becker, 1997, 138.)

La mise en place de paramètres de palpation prend alors tout son sens. Selon R. Becker,

le seul moyen de créer ce canal de communication est de rejoindre son Partenaire

Silencieux puis celui de son patient. C’est par ce biais que le thérapeute peut devenir

conscient de cet échange dont parle R. E. Becker. Etant participant dans cette relation,

les informations lui parviennent de façon directe et naturelle.

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3.3. Harold Ives Magoun

H.I. Magoun, D.O. a permis le développement de l’ostéopathie crânienne en

Europe : « Sur son lit de mort [W.G. Sutherland] a fait promettre à Magoun de

répandre le concept et le traitement crâniens en Europe (…) [et], fidèle à sa

promesse », Harold Magoun accompagné de V. Frymann et T. Schooley se rendit en

France afin d’y dispenser les enseignements de William Sutherland (Issartel, 1983, 95).

« Lors du traitement, l’ostéopathe qui n’arrive pas à rester détendu, aggrave la

fixation en essayant de forcer le mouvement. (…) L’ostéopathe, tout en poursuivant la

direction de moindre résistance, doit rester mentalement alerte pour utiliser le plus

intelligemment possible ses mains et physiquement en alerte pour déterminer le moment

le plus favorable pour que le relâchement se fasse. » (Magoun, 1994, 104)

H. Magoun fait état ici de l’influence de l’état d’être du thérapeute sur le

traitement. Il recommande un état qui est à la fois détente et vigilance et qui concerne

en un tout le physique et les dispositions mentales du thérapeute. Ces deux qualités

assurent la fluidité des gestes et du traitement et permettent, par une écoute attentive, de

rétablir le mouvement au sein de la physiologie corporelle du patient

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3.4. Viola M. Frymann – Compassion

Viola Frymann, diplômée en ostéopathie en 1949 (Los Angeles), a développé une

approche s’adressant préférentiellement aux enfants porteurs de problèmes complexes.

Le principe de présence est, pour elle, un préambule à toute communication.

C’est une manière d’être qui favorise la création d’une relation thérapeutique basée sur

la confiance, la sérénité et l’écoute. Viola Frymann ne décrit cependant pas de moyens

précis pour parvenir à ce type de relation. Elle propose simplement d’adopter une

attitude compatissante, empreinte d’Amour, grâce à laquelle le patient puisse

déposer une ‘partie de son fardeau’ et exprimer ses besoins profonds. Afin de pouvoir

capter la demande fondamentale du patient, le cas du thérapeute ne doit pas interférer.

Le médecin, pour connaître le patient, doit se connaître lui-même car la compréhension

qu’il a du patient est directement proportionnelle à celle qu’il a de lui-même. Le

thérapeute qui est limité dans son propre système ne pourra saisir que de façon très

limitée les informations émanant du patient. Viola Frymann avance même que le

patient ressent cela de façon inconsciente, et qu’il ne livre que des problèmes à la

portée du praticien. Le thérapeute doit apprendre à se connaître pour pouvoir créer une

harmonie avec le patient. Selon V. Frymann, la compassion est la première qualité

requise du praticien pour constituer ce climat d’harmonie. C’est elle qui crée ce pont

entre praticien et patient, et qui permet à ce dernier de pouvoir partager ses besoins

réels ; elle joue le rôle de catalyseur dans la relation thérapeutique. Viola Frymann la

définit comme étant « le fait de reconnaître les sentiments d’une autre personne et de

les partager » (Frymann, 1998, 73) Mais, toujours selon elle, cela implique également

que le praticien reconnaisse et s’investisse dans les problèmes du patient, qu’il lui offre

stabilité et sécurité. Cela ne signifie pas qu’il absorbe sa souffrance1 ou qu’il la vive

mais simplement qu’il en mesure la nature et l’intensité en la comprenant. La

compassion ne peut pas se créer artificiellement. Il paraît difficile de l’exercer. Il

s’agirait plutôt d’un mode de vie, d’un système de valeurs.

1 A ce propos, V. Frymann décrit l’existence d’une enveloppe vibratoire, entourant l’être humain, qui absorbe ou rejète tout ce qui parvient au thérapeute et qui n’est pas harmonie.

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De plus, Viola Frymann inclut l’Amour dans la relation médecin/malade. La

Vie, « c’est l’amour vibrant selon une longueur d’ondes et une intensité définies. »

(Frymann, 1998, 114) Selon elle, le thérapeute doit fournir un mode d’expression, une

sortie à ce flux pour lui permettre d’agir au sein de la relation thérapeutique. Le rapport

praticien/patient devient un courant bidirectionnel : ce sont deux personnes qui

deviennent réellement attentives l’une à l’autre. Cette relation serait « une interaction

compatissante entre un praticien global et un patient global avec la présence

consciente du Grand Guérisseur. » (Frymann, 1998, 18) Ainsi, sur le mode de la

contagion de la maladie, elle croit à la contagion de la santé.

Dans cet état de compassion, l’intention du thérapeute pourrait se formuler telles ces

quelques phrases : « Laisse-moi partager ton problème, un problème partagé est deux

fois plus petit. Je veux t’aider à déposer ton fardeau. » (Frymann, 1998, 70) Ces

quelques phrases formulées intérieurement facilitent la mise en pratique de ces

concepts. Cette simple intention du thérapeute aide le patient à se sentir capable de

décharger son fardeau. C’est seulement en construisant une relation profonde, que peut

se créer un véritable canal de communication entre l’aidant et l’aidé. Et c’est ainsi que

le thérapeute s’ouvre à un domaine de perceptions auquel il n’a d’ordinaire pas accès.

V. Frymann compare le praticien qui doit appliquer les paramètres de palpation

pour rejoindre le monde du patient, son ‘réel’, à la personne qui souhaite monter dans

un tram déjà en route. Pour monter à bord, il lui est impératif de se synchroniser à la

vitesse du tram. « Si l’ajustement automatique fonctionne bien, vous accorderez

rapidement votre vitesse à celle du tram et vous partirez avec lui. Vous sentirez le

mouvement inhérent du véhicule quand il tournera dans les virages, vous sentirez ses

tensions s’il gravit une côte raide, ou la baisse de tensions s’il descend le long d’une

pente. Le mouvement est tout aussi actif chez le passager que dans le véhicule. »

(Frymann, in clinique ostéopathique dans le champ crânien, 2000, 61-62) Dans cette

image, elle parle des paramètres de palpation, mais il est possible d’étendre l’analogie à

l’état d’être du thérapeute : il doit en effet s’accorder au fonctionnement du patient pour

pouvoir saisir les informations nécessaires au traitement.

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Pour endiguer ce qu’elle appelle une ‘disette spirituelle’ (condition étiologique

la plus répandue selon elle) et pouvoir soigner avec cette attitude compatissante, V.

Frymann invite les jeunes praticiens à se « mettre à l’écoute de la calme petite voix de

la sagesse intérieure » (Frymann, 1998, 18). C’est une claire invitation à la méditation

et au travail sur soi.

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3.5. Pierre Tricot : La présence

Pierre Tricot D.O. fait partie des premiers ostéopathes français ; il a, dans les

années 70, reçu une formation par les pionniers français F. Peyralade et R. Quéguiner.

Au fil de sa pratique, il a créé le modèle de l’Approche tissulaire qu’il enseigne

aujourd’hui au sein de séminaires post-gradués.

Pierre Tricot a développé une pédagogie, une méthodologie précise afin

d’atteindre l’état de ce qu’il appelle la présence (c’est le fait d’être là, d’occuper

l’espace et le temps présents.) Le point de départ de ce travail semble avoir été les

difficultés de palpation qu’il a rencontrées au début de sa pratique, et que rencontre la

majorité des étudiants en ostéopathie. Ceux-ci peuvent parfois être troublés par le

décalage existant entre les perceptions qu’ils ressentent, et ce qu’il faut ressentir.

Sortant de la liste des sensations cataloguées, ces perceptions sont, au début, le plus

souvent invalidées.

C’est ensuite en s’interrogeant sur la variabilité des résultats de techniques selon les

praticiens, et chez un même praticien selon les jours, qu’il prît conscience de

l’importance ‘d’être là’.

Il a ainsi bâti une approche dans laquelle le fait d’être là conditionne l’efficacité du

travail du thérapeute. Son modèle considère le système corporel comme conscient,

donc communicant. Le thérapeute et le patient sont tous les deux des systèmes

conscients, communicants. P. Tricot affirme ainsi que le thérapeute, en se syntonisant

au ‘réel’ du patient, peut entretenir un véritable dialogue avec les consciences du

malade. Trouver ce réel consiste à la mise en place de différents paramètres objectifs

(densité, tension et vitesse), et subjectifs (présence, dont découlent attention et

intention). L’état de présence consiste à rechercher ce réel afin que thérapeute et

malade soient sur une même ‘longueur d’onde’. La méthodologie employée pour

rejoindre cet état est un travail de centrage du thérapeute sur lui-même, par deux

paramètres que sont enracinement et lâcher prise. Il devient alors fondamental de

comprendre en quoi, selon ce modèle, le système corporel est communicant.

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C’est une autre façon d’aborder le corps humain : le thérapeute ne peut plus considérer

le corps humain comme un objet sur lequel agir, mais plutôt comme un sujet avec

lequel communiquer. La mise en place de la présence découle de cette compréhension.

3.5.1. Conscience

Conscience : principales propriétés

Notons tout d’abord que pour P. Tricot, la cellule peut être envisagée comme

une conscience, centrée par un fulcrum, je, et délimitée par une membrane.

La notion de conscience est indissociable de celle de Vie, d’Être. La conscience est

définie comme étant la conséquence de la décision d’être. Tout être vivant est donc

conscient. Il va ensuite tout faire pour conserver sa conscience, son état d’être. Il

cherchera sans cesse à vérifier sa sensation d’exister. Une personne plongée dans un

bain chaud et immobile depuis un certain temps, perd la sensation physique qu’elle a

d’elle-même. Le seul moyen pour elle de la retrouver, est de bouger afin de créer un

courant d’ondes sur la surface de sa peau. C’est bien lorsqu’un échange se crée entre la

conscience (la personne dans son bain) et son environnement (l’eau du bain), que la

sensation d’être peut apparaître.

Selon Pierre Tricot, la conscience va échanger de l’énergie avec son environnement.

Cette énergie est définie comme de l’information en mouvement. A l’échelle d’une

simple conscience, l’information échangée reste simple. Mais, telle une cellule du corps

humain qui se joint à d’autres pour former des tissus, organes puis organisme, la

conscience va s’agréger à d’autres pour former des systèmes, puis des systèmes de

systèmes. L’information échangée puis traitée2 devient alors de plus en plus complexe

au fur et à mesure de cette évolution. Devant la complexité de cette organisation, la

mise en place de la présence devient primordiale, comme préalable à une

communication fiable et juste : « La présence est bien entendu un préalable à toute

communication. » (Tricot, 2002, 116)

2 La cellule-conscience établit ainsi des cycles d’échanges successifs avec son environnement : elle crée autant de ‘présents’ successifs, lors desquels de l’information a été échangée et stockée. Lorsqu’elle expérimente ensuite l’instant présent, l’énergie échangée est immédiatement comparée aux informations stockées antérieurement. C’est ainsi que P. Tricot modélise le phénomène de mémoire.

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3.5.2. Fulcrums

Un fulcrum est défini comme centre, immobile, par rapport à une périphérie en

mouvement. C’est un point d’appui. Dans ce modèle, je est le fulcrum centrant la

conscience. Les consciences s’agrègent les unes aux autres pour former des systèmes.

Ces mêmes systèmes sont eux aussi centrés par un fulcrum… et ainsi de suite jusqu’au

niveau de l’organisme qui lui, serait centré par Je, le Fulcrum de l’individu, la

Conscience. Une partie de la recherche de l’état de présence consiste à reprendre

contact avec ce Je.

Pierre Tricot citant Aivanhof, explique ainsi que le travail de présence consiste à

rejoindre le Fulcrum (Je), le centre d’un cercle : celui-ci par projection correspond au

somment d’un cône. « Du sommet, il n’y a plus d’obstacle pour le regard ; quand on

est au sommet d’une montagne, on voit tout alentour, on est donc plus lucide, (…) on se

sent paisible, dilaté, (…) on devient puissant. » (Tricot, 2002, 77)

Il existe, dans l’approche tissulaire, deux types de fulcrums : matériels ou mécaniques,

et immatériels, relatifs aux consciences. Être présent revient donc ici à rejoindre chacun

des deux types de fulcrums, et à les réunir ; l’enracinement tendant plutôt vers la

matière, le lâcher prise vers l’immatérialité, et le centrage en serait la réunion.

Fulcrums matériels : organisation mécanique

Il existe ainsi une multitude de fulcrums mécaniques, objectifs, eux-mêmes centrés par

un fulcrum, le fulcrum de Sutherland. L’enracinement permet de se relier à ces

fulcrums plutôt matériels.

Fulcrums de conscience : fulcrums spirituels

Il a précédemment été vu que la conscience détermine un espace, centré sur un fulcrum

(subjectif). Les consciences s’agrègent entre elles jusqu’à former des formes, des

systèmes. C’est la pratique du lâcher prise qui permet de se relier à ce type de fulcrums.

A cette classification, il est possible d’en juxtaposer une autre : P. Tricot décrit

des fulcrums physiologiques (intégrés au système) et des fulcrums non-physiologiques

(extérieurs, perturbateurs, importés de force dans le système, le contraignant à les

intégrer.)

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3.5.3. « Pour communiquer, il faut trouver le réel »

Trouver le réel de l’entité consciente avec laquelle on désire communiquer,

revient à se placer sur la même longueur d’ondes qu’elle : la rejoindre dans sa propre

réalité, sur son propre terrain. C’est alors lui montrer qu’on l’accepte, telle qu’elle est.

• ‘Syntonisation’

P. Tricot prend l’exemple de deux personnes se rencontrant : avant d’entamer

un dialogue sur ‘le fond’, elles vont débuter la conversation sur un sujet qu’elles ont en

commun, leur prouvant en quelque sorte qu’elles expérimentent une seule et même

réalité. Elles vont parler de sujets banals : le temps qu’il fait, l’actualité du moment…

Une fois ‘syntonisées’, elles pourront entamer la partie de leur dialogue portant sur ‘le

fond’. Les paramètres de palpation objectifs et subjectifs sont ces préambules à la

communication.

• Paramètres subjectifs

Ainsi, ce modèle développe l’idée d’une structure vivante avec laquelle il est

possible de communiquer, même de dialoguer. L’état de présence serait une voie

permettant d’établir un contact avec ces consciences. P. Tricot propose l’utilisation de

paramètres objectifs (densité, tension et vitesse) et subjectifs (présence, attention,

intention) pour se syntoniser au réel de la structure vivante. Le paramètre de présence

gouverne la qualité des deux autres paramètres subjectifs : si la présence n’est pas de

bonne qualité, attention et intention, lui étant consécutifs, ne le seront pas non plus.

Le travail sur l’attention et l’intention ne vise en fait qu’à rendre conscient des

mécanismes que chacun utilise quotidiennement mais de façon inconsciente. Lors d’une

conversation entre deux personnes dans un environnement bruyant, chacune d’elles

dirige son attention sur l’autre, négligeant volontairement les bruits l’entourant. Ces

personnes concentrent alors leur attention l’une vers l’autre.

L’attention : c’est la projection de l’être (Je), de la conscience vers l’espace physique.

L’être crée ainsi un espace virtuel, un champ d’attention, spécifiant les informations qui

l’intéressent.

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L’intention : c’est une modulation de l’attention. C’est lui donner un sens. Par

l’intention, une information est envoyée dans le champ virtuel bien limité créé par

l’attention.

La présence : c’est le fait d’être là, d’occuper le temps et l’espace présents. Elle

correspond au paramètre de base pour toute communication. Elle gouverne la qualité

des deux paramètres précédents.

• Intuition et présence

La racine latine du mot intuition est intueri qui signifie ‘regarder

attentivement’. L’intuition correspond à la réception d’information dont on ignore la

provenance. La prise de conscience de ces informations nécessite un certain état de

présence. L’homme est conditionné, distrait par le monde extérieur. Il se place en état

d’émissivité, se coupant alors de ce qui se passe à l’intérieur de lui, et dont la prise de

conscience nécessite un état de réceptivité3. N’étant plus à l’écoute de son monde

intérieur, il n’a plus accès aux informations qu’il reçoit de son environnement. En se

recentrant, en devenant plus présent au patient et à la relation thérapeutique, le praticien

peut à nouveau retrouver la conscience de toutes les informations qu’il reçoit.

Cependant, pour que ces informations aient un sens, il faut qu’elles fassent écho chez le

thérapeute à des informations déjà rencontrées. Le praticien ne pourra les interpréter

que s’il en a déjà eu une expérience. P. Tricot parle alors de l’importance du savoir

comme la partie immergée de l’iceberg. Il est fondamental d’avoir intégré ce qu’est une

torsion crânienne ou l’existence de tel ou tel élément anatomique pour pouvoir en

percevoir l’expression dans le système corporel du patient. Ce savoir est indispensable

mais doit trouver sa place juste, cachée.

3 Ces concepts sont plus largement développés dans le chapitre consacré à la méthode Vittoz (4.2. La méthode Vittoz).

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3.5.4. Mise en pratique

Par ces exercices, le thérapeute peut expérimenter le principe de la structure

vivante consciente, communicante, sur lui-même puis avec un patient.

1. Expérimenter sur soi

Les exercices proposés ici consistent à ce que le thérapeute se mette à l’écoute

de sa propre impulsion rythmique tissulaire (IRT) en portant l’attention sur son

système corporel. Le participant est bien assis (support dur), se tient droit sur ses

ischions ; il tient un ballon gonflé entre ses mains, placées en opposition l’une de

l’autre. La description la plus fréquente des perceptions est une succession de cycles

d’alternance d’expansion/rétraction (variabilité de rythme, d’amplitude, et de symétrie).

La sensation d’un mouvement si ample semble pouvoir s’expliquer par la position des

deux mains, en opposition, répercutant ainsi le mouvement de l’IRT. Il est aussi

possible que les qualités élastiques du ballon augmentent la perception des mouvements

de l’IRT. Outre l’amplification des perceptions, le travail avec le ballon permet d’avoir

à chaque instant un retour sur les informations ‘lancées’ au système corporel.

En plus des informations apportées par le ballon, le participant peut ressentir les

modifications qui surviennent en lui-même ; il pourra ainsi retrouver l’état de présence

sans avoir besoin de tenir un ballon entre les mains.

• La présence à soi

Il est d’abord proposé au thérapeute de mettre en place la présence selon ses

habitudes et à l’aide du système qui lui est propre. Pierre Tricot souligne également que

les paramètres qu’il propose lui sont propres et témoignent de son parcours. Ainsi, il

encourage toutes les personnes à qui ce modèle ne convient pas (ou moins bien que le

leur) à développer leur propre approche de la présence.

Dans ce modèle, la mise en place de la présence comporte trois paramètres :

enracinement, lâcher prise et centrage.

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1. L’enracinement consiste à se laisser attirer vers le sol ou le centre de la

Terre. Il est important que ce processus soit ‘passif’ : il ne s’agit pas d’un effort ou

d’une concentration, mais bien d’un ‘laisser-aller’ dans l’enracinement ou l’ancrage. Le

principe est de ressentir le corps devenir de plus en plus pesant, lourd. « Dans

l’enracinement, Je porte délibérément son attention vers la matière, le pesant et s’y

relie volontairement. On pourrait dire aussi qu’il met sa conscience dans la matière. »

(Tricot, 2006, 8)

2. Une fois qu’un certain confort dans la sensation de lourdeur a été atteint, la

seconde étape consiste à se laisser aller vers le lâcher prise, « comme si l’être

abandonnait le corps, passivement aspiré vers le haut. » (Tricot, 2002, 75) C’est le

processus de lâcher prise. « Dans le lâcher prise, il porte délibérément son attention

vers sa nature d’être spirituel. La partie lâcher prise peut alors s’interpréter comme le

renouement conscient à notre être profond, notre Je. » (Tricot, 2006, 8)

3. Une fois atteinte la sensation d’un certain confort dans le lâcher prise, il

conviendra ‘d’ajuster le curseur’ entre lâcher prise et enracinement, afin de permettre à

Je de trouver sa place juste, afin de synchroniser ces deux parties. C’est le centrage4.

Cela permet « d’être à la fois relié à son être profond et en contact avec le réel

corporel physique. » (Tricot, 2006, 8)

Bien sûr, la position de ce curseur dépend de chacun et du moment…

De plus, P. Tricot décrit un centrage dans la relation thérapeutique. Schématiquement,

il voit en chacun des deux acteurs de cette relation, un couple guérisseur/blessé. Chez le

thérapeute, c’est le pôle guérisseur qui est actualisé, alors que le patient actualise sa

‘part de blessé’. L’objectif du thérapeute est de stimuler, de faire grandir et d’amener à

la conscience du patient la part de guérisseur qu’il a en lui. Chez le thérapeute, la part

de centrage dans cette relation consiste à reconnaître son pôle blessé (resté dans

l’ombre) et de trouver l’équilibre entre ces deux parties de lui-même. L’équilibre est

subtil : s’il actualise trop ce pôle, s’il s’implique trop, les problèmes du patient risquent

de devenir les siens. Mais au contraire, s’il n’actualise pas suffisamment cette partie, il

n’adoptera pas l’attitude de compassion et d’empathie nécessaire pour que le pôle

guérisseur du patient s’actualise.

4 Pierre Tricot avance que l’homme serait double : Je, qui serait son être véritable ; et son corps, animé par Je. Le travail de présence par le centrage reviendrait à tenter de réunir ces 2 pôles. On retrouve un modèle similaire dans les philosophies orientales : l’image du cocher et de son attelage…

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Interprétation

L’état de présence s’exprime toujours, dans le ballon, par un ralentissement du

rythme et une augmentation de l’amplitude, et ce, qu’elle que soit la voie empruntée par

le participant pour accéder à cet état. Il est important de noter que c’est la perception de

l’IRT qui est modifiée et non l’IRT elle-même. Les différents rythmes que le thérapeute

peut percevoir continuent probablement d’exister sans qu’il en ait pour autant

conscience. En fonction du niveau de conscience sur lequel le thérapeute se placera, il

‘accrochera’ tel ou tel rythme.

La recherche de l’état de présence consiste donc à rejoindre un état de conscience plus

élevé. Cela explique le changement de perception de l’IRT dans le ballon. « Lorsque le

Je accepte de lâcher prise, il se désolidarise en partie du véhicule corporel, il cesse

d’être le corps et ne se syntonise plus aux rythmes corporels. Il se relie à d’autres

fulcrums, (…) de nature moins matérielle. (…) Il induit inconsciemment d’autres

rythmes sur le corps et assume un point de vue plus causal. » (Tricot, 2002, 76)

Tout comme Rollin Becker, Pierre Tricot voit le centrage comme un abandon à une

puissance supérieure :

« Pour tenter de mieux comprendre ce qui se produit dans cette relation, on pourrait

voir le praticien comme une sorte de plénipotentiaire des consciences ou de La

Conscience. Ainsi, dans cette action, il se transcende, potentialise son ego qu’il met au

service d’une conscience plus vaste, il s’abandonne, comme le dirait Becker à plus

vaste conscience, devenant une sorte de missionnaire de La Conscience. C’est un

lâcher prise parce qu’il abandonne une partie de lui-même pour s’en remettre à plus

vaste, à plus puissant, etc.

L’être praticien lâche ce qui n’est pas son essentiel (pas fondamentalement lui) pour

rejoindre sa nature profonde, celle d’un être. Il reprend contact avec La Conscience et

en même temps, il peut reprendre connaissance... Ainsi relié, ce n’est plus lui, ego qui

agit, mais les consciences ou La Conscience, avec en même temps une puissance

décuplée. » (Tricot, 2006, 17)

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• L’attention

- Le thérapeute est confortablement installé et a mis en place tous les paramètres

lui permettant d’être présent. L’attention est portée sur l’ensemble du système corporel

(ou sur le ballon).Une fois la perception de l’impulsion rythmique tissulaire dans le

ballon bien établie, le thérapeute porte son attention sur une région de son corps. Il ne

s’agit pas de se créer une image mentale de la zone concernée mais simplement de

focaliser l’attention dessus (cela peut être la région du foie, du cœur…) ; il note alors la

perception qu’il obtient et place à nouveau son attention sur le système corporel.

P. Tricot déclare qu’il est décrit, chez tous les participants, une modification de l’IRT

lorsque l’attention est focalisée sur une partie spécifique du corps. Ces changements

varient en fonction de la région concernée et des individus : il peut s’agir de variations

de rythme et/ou d’amplitude, et aller vers l’augmentation comme vers la restriction.

-Une fois la perception d’une alternance de cycles réguliers

d’expansion/rétraction revenue, le thérapeute pense à une personne avec qui la relation

est difficile ou tendue. Il note alors la perception qu’il obtient et laisse revenir au neutre

en plaçant son attention sur l’ensemble du système corporel. Il répète l’exercice mais

cette fois avec une personne avec qui la relation est particulièrement harmonieuse et

note la perception correspondante.

- Le même exercice est maintenant réalisé avec une situation. Sont

successivement évoquées des situations positives puis négatives (ou posant problème)

avec un retour au neutre entre les deux s’exprimant par une perception stable de l’IRT.

Lorsque le participant porte son attention sur la situation négative ou sur la personne

avec qui la relation est problématique, la description la plus fréquemment donnée des

perceptions alors obtenues va dans le sens de la restriction de l’IRT, qui est aussi

parfois accompagnée d’un mal-être corporel. A l’inverse, l’évocation des relations et

situations positives provoque une augmentation de l’amplitude et une diminution du

rythme.

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• L’intention

Le thérapeute est comme précédemment confortablement assis et a mis en place

tous les paramètres lui permettant d’être présent. La perception stable de l’IRT est bien

établie.

- Le thérapeute débute l’exercice en demandant verbalement mais mentalement,

avec une forte détermination, à sa structure corporelle une expansion et écoute la

réponse dans le ballon. Le thérapeute, après retour au neutre, réitère l’injonction mais

cette fois vers la rétraction.

Il est toujours décrit une tendance à la réponse à cette injonction. La réponse peut en

revanche être plus franche vers l’un des deux paramètres. Il est important de noter que

ce qui importe n’est pas le mot employé mais bien l’information, le sens qu’il véhicule.

- Le même exercice est proposé avec la verbalisation mentale d’une torsion de

la SSB. Le thérapeute induit d’abord un côté (au choix) puis l’autre.

Il est toujours décrit l’apparition d’une torsion dans le ballon en réponse à l’injonction ;

il peut cependant exister une asymétrie dans ces mouvements. Il faut noter que la

structure vivante va répondre à l’injonction lancée par le thérapeute mais dans les

limites de ses possibilités du moment. Ceci peut expliquer l’asymétrie de la réponse

lors de l’induction de la torsion.

- Le thérapeute peut maintenant effectuer un empilement des différents

paramètres de lésions de la synchondrose sphéno-basilaire. Il induit, toujours

verbalement mais mentalement, successivement chacune des dysfonctions de la SSB

(flexion/extension, torsions, SBR, strains) et maintient le ballon dans la position

privilégiée... Le thérapeute s’aperçoit alors qu’un mouvement, né de cet empilement,

s’opère ; il le suit jusqu’à l’obtention d’un still point et d’une grande expansion, parfois

accompagnée d’un profond relâchement corporel.

Cette pratique montre bien comment le thérapeute, par une juste maîtrise des

paramètres subjectifs, peut agir sur et avec la structure vivante. Les changements

entraînés dans la structure du praticien semblent cependant transitoires et son système

corporel retourne alors vers une direction et un rythme qui lui sont propres.

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Il semble également primordial de conscientiser ces phénomènes afin de les

comprendre et de les maîtriser le mieux possible ; ceci dans l’intérêt du patient. Les

négliger amènerait le thérapeute à courir le risque de voir se multiplier des échanges

d’informations à son insu.

2. S’exercer avec un sujet

• L’attention avec un sujet

Le thérapeute se place à la tête du sujet allongé, met en place la prise de mains

utilisée en approche crânienne classique, et applique tous ses paramètres de présence.

- Une fois perçue l’IRT, il accompagne le plus fidèlement possible les

mouvements d’expansion/rétraction, puis focalise son attention sur une région du corps

du sujet. Il note les changements survenus et, avant de passer à une autre région, laisse

le système revenir au neutre en plaçant son attention sur l’ensemble du système

corporel.

Il est rapporté, comme lors de l’expérimentation sur soi avec le ballon, que chaque

évocation entraîne une modification de la perception de l’IRT (changements vers une

amélioration ou une dégradation…).

- Maintenant, le sujet va successivement et mentalement évoquer une situation

difficile et harmonieuse, puis une personne avec qui la relation est problématique et une

avec qui la relation est harmonieuse. Pour faciliter l’exercice, le sujet attendra, avant

chacune de ses évocations, que le thérapeute lui ait confirmé la bonne synchronisation

avec son IRT. Il sera donc également nécessaire de laisser les tissus revenir ‘à leur

neutre’ entre chaque évocation.

P. Tricot rapporte que presque tous les participants savent à quel moment le sujet

évoque une situation douloureuse ou au contraire heureuse.

• L’intention avec un sujet

Le thérapeute se trouve à la tête du sujet et l’aborde comme il le ferait lors de

l’approche crânienne classique.

- Une fois la communication bien établie avec le système corporel du sujet, le

thérapeute verbalise mentalement avec détermination à la structure corporelle de son

sujet d’entrer en expansion. Il note les effets et laisse les tissus revenir au neutre.

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- Le thérapeute répète l’exercice en induisant maintenant successivement les

différentes dysfonctions de la SSB. Il commence par verbaliser les dysfonctions de

flexion/extension et note le sens de plus grande facilité. Il encourage alors la structure à

aller au maximum vers cette direction et l’y accompagne. Sans « donner de mou », il

verbalise ensuite une torsion de chaque côté (au choix) et garde le côté de plus grande

liberté, etc…

Le thérapeute s’aperçoit alors qu’un mouvement, né de cet empilement, s’opère ; il le

suit jusqu’à l’obtention d’un still point et d’une grande expansion. Le sujet ressent

parfois un grand bien être corporel et la sensation d’un profond relâchement.

Les réponses suivant les inductions réalisées par le thérapeute sont très rapides. A peine

est évoquée la demande que les tissus la suivent. Ces mêmes expériences ont été

menées mais les inductions étaient réalisées cette fois par le sujet. Elles montrent des

résultats tout aussi significatifs mais ne correspondant pas à la relation thérapeutique

réelle, cette voie n’a pas été plus explorée. Cela signifie que le sujet aussi, en fonction

de son attention et de son intention, peut modifier la perception de l’IRT au cours du

traitement

3. Avec les holons

Dans le second tome de l’approche tissulaire, P. Tricot complète la mise en

place de la présence. Il y ajoute la prise de conscience des différents niveaux de

conscience dont, selon lui, le système corporel est constitué. Pour comprendre cette

partie de la pratique, il est essentiel d’entrevoir la notion de ‘holon’.

• Holons

A partir du modèle de la conscience, P. Tricot s’inspire du travail d’Arthur

Koestler, qui apporte la notion de « holon ». Il s’agit d’un néologisme formé à partir du

préfixe ‘holos’ (tout) et du suffixe ‘on’ désignant une particule, une partie. Un holon est

un concept sans réalité matérielle : il peut s’appliquer aux systèmes vivants comme aux

systèmes sociaux, et concrets comme abstraits. Voici ce qu’en dit Koestler : les holons

se comportent « partiellement comme une totalité ou totalement comme une partie,

selon la manière dont on les regarde » (Tricot, 2005, 58) Donc, toujours selon

Koestler, touts et parties n’existent pas. C’est en fonction du niveau hiérarchique sur

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lequel on se place et selon le point de vue que l’on adopte, qu’un holon assure son ‘rôle

de partie’ ou son ‘rôle de tout’. Il n’assure bien sûr jamais ni tout l’un, ni tout l’autre,

mais toujours une association des deux. De plus, un holon a une double tendance :

« conserver et affirmer son individualité en tant que totalité quasi autonome (assertion,

affirmation), et (…) fonctionner comme partie intégrante d’une totalité plus vaste,

existante ou en cous d’évolution (participation). » (Tricot, 2005, 70) Il actualise sans

cesse l’une de ces deux tendances, l’une ‘au détriment’ de l’autre : lorsque sa tendance

à l’affirmation s’actualise (actualisation = passage de l’état virtuel (potentiel) à l’état

manifesté (Tricot, 2005, 247)), la participation au système se potentialise. P. Tricot

applique les propriétés des holons aux consciences : le holon va, comme la conscience,

s’agréger à d’autres pour former des systèmes, puis des systèmes de systèmes. Cet

agrégat constitue alors une hiérarchie (ou holarchie). Il est possible de déterminer dans

une hiérarchie, une profondeur et une envergure (la profondeur correspondant au

nombre de niveaux, et l’envergure au nombre d’éléments sur chaque niveau). Plus on

descend dans la profondeur, plus l’envergure augmente. C’est en utilisant ce concept

d’holarchie que Pierre Tricot développe plus profondément la troisième partie du travail

sur la présence qu’il nomme centrage.

• Mise en pratique

La pratique de la présence appliquant le principe d’holarchie, s’incorpore à celle

vue plus haut :

Ainsi P. Tricot propose, une fois atteinte une certaine harmonie dans

l’enracinement, de reconnaître, de s’adresser aux holons constituants les différents

niveaux hiérarchiques corporels. Le participant, son attention placée sur l’ensemble du

système corporel, débute par le niveau hiérarchique le plus bas en formulant

verbalement mais mentalement : « Je m’adresse aux micro-particules qui constituent

mon système corporel. » Sa seule intention est de s’adresser à ce niveau de consciences.

Il note alors les changements perçus dans le ballon et s’il évalue que la réponse n’est

pas assez franche, il réitère l’injonction. Ceci jusqu’à l’obtention d’un retour au neutre,

still point et d’une expansion franche et ample, accompagnée d’un bien-être évident. Il

est important de répéter l’opération jusqu’à ce qu’elle n’entraîne plus de réponse dans

le ballon. Une fois cette communication établie, le participant envoie un accusé de

réception aux consciences de ce niveau, destiné à reconnaître leur existence (« merci »

ou « merci pour le service rendu »…). De la même façon, il convient de répéter cette

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formule jusqu’à ce qu’elle n’amène plus de réponse dans le ballon, et que le participant

ressente une grande paix intérieure. Le niveau le plus profond traité, il est demandé à la

personne participante de monter d’un cran dans la hiérarchie des holons corporels, et

d’établir la communication avec les macro-particules en procédant de la même façon

que pour le premier niveau : mise en communication, accusé de réception puis

possibilité de ressentir d’un grand bien être et d’un mouvement ample et calme dans le

ballon. Le participant poursuit sa remontée dans la hiérarchie en reconnaissant

successivement ‘les corps chimiques complexes’, ‘les molécules simples et complexes’,

‘les virus et monocellulaires’, ‘les cellules’, ‘les tissus’, ‘les organes’, ‘les systèmes’, et

enfin ‘le système corporel’ en tant que « véhicule » de Je.

Dans cette partie, Je établit une communication consciente avec ses holons les plus

matériels. La seconde partie du travail va consister à reconnaître les holons plus subtils.

Cette partie intervient alors que le thérapeute a atteint un certain confort dans le

processus de lâcher prise. De la même manière que pour l’enracinement, le participant

peut remonter de niveau en niveau, en s’adressant à des consciences de plus en plus

subtiles, et en reconnaissant leur existence et l’aide qu’elles apportent. Ceci en suivant

la même méthodologie que précédemment.

A partir des pratiques d’enracinement et lâcher prise, le participant effectue

deux types de centrages : horizontal et vertical.

- Le centrage horizontal concerne la reconnaissance des holons sur chaque niveau

hiérarchique : « A chaque niveau traité, Je, le patron du système corporel, rencontre les

holons de ce niveau pour établir avec eux une communication. » (Tricot, 2005, 130)

- Le centrage vertical correspond, lui, à la remontée dans la pyramide hiérarchique de

niveau en niveau et crée ainsi un lien vertical. « Par rapport à cette relation verticale,

nous utilisons l’image d’une ligne virtuelle reliant haut (lâcher prise) et bas

(enracinement) et sur laquelle Je peut se déplacer, comme le ferait un curseur. »

(Tricot, 2005, 131)

• Affirmation et participation

Les perceptions de paix intérieure lors de la reconnaissance des différents

niveaux hiérarchiques, peuvent être interprétées par le concept des holons. En effet,

lorsque le participant reconnaît l’existence d’un niveau de conscience, il reconnaît sa

tendance d’affirmation : « c’est le reconnaître en tant que Je. Cette reconnaissance fait

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partie de son objectif de base : se sentir exister.» (Tricot, 2005, 129) Reconnaître

ensuite le service qu’il rend, revient à reconnaître « la seconde partie de son être, la

participation ». (idem.) P. Tricot parle alors de la création d’un unisson de présence : il

imagine que les consciences ne sont plus seulement présentes à elles-mêmes

(partiellité), mais aussi à l’ensemble du système (totalité).

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3.6. Hugh Milne – « Passer en glamour »

Après une formation d’ostéopathe classique et plusieurs séjours en Inde, Hugh

Milne développe son modèle qu’il nomme thérapie crânio-sacrée visionnaire. Il exerce

aujourd’hui aux USA et propose des séminaires post-gradués entre l’Europe et les

USA.

• « Passer en glamour »

« La présence est plus importante que la technique. » (Milne chp 8 p.1) Hugh

Milne ajoute que la technique ne peut pas provenir d’un manuel ou d’un enseignant :

c’est le corps du patient qui le communique au thérapeute. Il est alors fondamental pour

le praticien de se trouver dans un état de réceptivité particulier, permettant une écoute

pure. « Passer en glamour » revient à rejoindre un état de conscience particulier, élargi,

une sorte de transe consciente où la personne est totalement immergée dans son

activité, où elle est uniquement et simplement là. Selon H. Milne, c’est en rejoignant

cet état durant ses soins que le thérapeute pourra percevoir les changements profonds et

subtils qui interviennent au sein du patient. « Passer en glamour » demande une

préparation et une pratique : elles sont appelées centrage ou enracinement.

• ‘Prendre son espace’

Pour réaliser ce centrage, Hugh Milne invite avant tout chacun à trouver ses

propres dispositions pour établir le calme en soi. Il décrit cependant son rituel de

centrage personnel. Il commence par s’asseoir dans le calme, puis rentre légèrement le

menton, allongeant ainsi la nuque, afin d’ouvrir un point énergétique nommé ‘Palais du

vent’ (16 VG). Il cherche ensuite par de très fins mouvements l’ouverture juste du canal

entre ce point énergétique et la glabelle. Il détend enfin sa mâchoire et ses épaules.

C’est par ce rituel que H. Milne parvient à ‘prendre son espace’ : c’est-à-dire qu’il

occupe pleinement la portion espace-temps présente. H. Milne poursuit en portant son

attention sur sa respiration. Il instaure entre chaque cycle respiratoire, des still points,

dans lesquels un silence intérieur peut s’installer et sur lesquels il peut se reposer. Il

trouve ainsi son still point interne. L’intention de ces exercices respiratoires est orientée

vers l’expansion : à chaque inspiration, il repousse ce qu’il nomme son champ un peu

plus vers l’extérieur jusqu’à ce qu’il perçoive qu’il entre en état de glamour.

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Une fois la tranquillité installée en lui, Hugh Milne invite le patient à s’asseoir en

silence quelques instants. Il profite de ces moments pour étendre encore son glamour :

c’est son ‘moi élargi’. Il parle alors de vision grand angle : cela permet de préparer aux

perceptions à partir de ‘l’œil intérieur’ (canal perceptif extra-sensoriel). « Être sensible

à l'œil intérieur signifie avoir la capacité de voir ou d'entendre l'autre côté du

voile. » (Milne, chp 8) Pour ‘voir’, il faut porter attention à tout : voir avec l’œil

intérieur nécessite de ne faire que voir : sans analyser, interpréter, juger. C’est une

attention sans mental.

Cette préparation permet d’accueillir le patient tel qu’il est, sans jugement ni a priori.

Afin de renforcer ce climat de confiance et d’accueil, H. Milne invite le thérapeute à

toucher dans un état de révérence. Le toucher révérenciel consiste à contacter le patient

avec le plus grand respect envers son intégrité ; ainsi aucun contact ne peut être mal

interprété.

• Méditer

La méditation est l’occasion pour l’homme de se ressourcer auprès de son être

profond, de se mette à l’écoute de l’œil et de l’oreille intérieurs. C’est aussi rechercher

la tranquillité, l’immobilité à partir de laquelle un travail efficace est possible. La

méditation est l’art d’être présent ici et maintenant, de ne faire qu’un avec soi et

l’environnement. Durant l’exercice de méditation, les ondes alpha s’approfondissent et

s’enracinent peu à peu. Concernant les pensées qui surviennent lors de la méditation, H.

Milne, reprenant un vieil adage indien, conseille simplement ceci : « Si une pensée

vient, souhaitez-lui la bienvenue – mais ne l'invitez pas à rester prendre le thé » (Milne

chp 2) Leur souhaiter la bienvenue montre selon lui, que les pensées n’appartiennent

pas à l’homme, qu’elles sont étrangères à lui, résultats de ses conditionnements, de ses

stratégies de soutien de la pression de la vie quotidienne. Rester présent lors de ces

exercices peut également être facilité par la focalisation sur la respiration.

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• Le pacte thérapeutique

Hugh Milne évoque un contrat implicite passé entre thérapeute et patient, et par

le thérapeute envers lui-même. Le praticien se doit de tenter de comprendre le plus

profondément possible le problème qui agite le patient. De plus, le thérapeute centré qui

a compris ses propres besoins en tant qu’individu et guérisseur, pourra plus facilement

gérer la dynamique de transfert et contre-transfert. « Notre capacité à travailler avec

les autres est limitée si nous entretenons des jugements sévères et des peurs profondes.

Acceptez et tolérez avec compassion ce qu'il y a de pire en vous, afin d'en faire autant

envers les autres. » (Milne chp6)

Une des facettes de ce pacte est la disponibilité que le thérapeute doit apporter afin que

le patient puisse se sentir écouté et reconnu. Selon H. Milne, se rendre disponible

demande d’exclure la création d’une quelconque protection de la part du thérapeute. Le

fait de se centrer, de se relier à son être profond de chercher à se comprendre en tant

qu’individu, suffit à créer un climat positif plus puissant que des énergies négatives.

Hugh Milne parle alors de la création d’un espace sacré. En fait, le thérapeute centré

n’a pas besoin d’ériger des barrières quelconques.

Le thérapeute doit sans cesse chercher sa propre homéostasie, reconnaître et respecter

l’équilibre entre ses besoins intérieurs et extérieurs.

« « Celui qui agit à partir d’une telle profondeur ne commet pas de faute » est une

citation du Yi King » (Milne chp2).

Le texte suivant, intitulé Motifs, est exposé par H. Milne en introduction à son ouvrage. Il résume parfaitement ses principes.

« Motifs

- Apprenez à être assis, tranquilles, à attendre jusqu'à ce que votre poussière soit

retombée, et que votre air se soit éclairci. Attendez la profonde tranquillité. Alors,

commencez.

- Par-dessus tout, allez lentement.

- Développez une perception et une compréhension intuitives de chaque chose. Prêtez

attention à toute chose, particulièrement aux petites. Changer les petites choses permet

souvent de grandes améliorations.

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- Traitez chacun et chaque partie de chacun de la même manière. Chaque cellule du

corps possède une conscience. Chaque minuscule structure du corps est un

hologramme.

- Plus nous focalisons notre conscience dans le présent, plus notre perception du temps

ralentit, plus grande devient notre perception du mouvement crânien. Cela est une

expansion de conscience, un « élargissement du moi ». Dans cet état, vous voyez ce qui

trouble chacun. Ne tentez même pas cela en état de conscience ordinaire.

- La présence est beaucoup plus importante que la technique. Les débutants veulent

apprendre toujours plus de techniques. Lorsque vous deviendrez un maître, une seule

technique suffira.

- C'est merveilleux de voir combien peu peut faire beaucoup.

- Demandez la permission de toucher la tête du patient. Alors, placez vos mains et

attendez. Attendez que la tête vous dise quoi faire. Si elle vous dit de ne rien faire, ne

faites rien.

- Vous ne pouvez pas aller trop profond, seulement trop vite.

- Demandez de l'aide spirituelle après que vous avez fait de votre mieux. Lorsque vous

ne savez pas quoi faire, allez boire une tasse de thé.

- Méditez, vivez simplement, soyez en repos, et faites votre travail avec maîtrise.

- Faites votre travail, puis retirez-vous. »

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3.7. Thierry Dubois et Philippe Hansroul –

Centrage et relation thérapeutique empathique

Thierry Dubois et Philippe Hansroul sont deux ostéopathes belges, co-auteurs

d’un ouvrage traitant de la thérapie somato-émotionnelle incluse dans la pratique

ostéopathique. Ce livre insiste sur l’état d’être que le thérapeute adopte lors de ce type

de travail, ainsi que sur les moyens qu’il a à sa disposition pour améliorer la qualité de

son centrage, et approfondir et stabiliser la relation thérapeutique.

3.7.1. Centrage et empathie

La thérapie somato-émotionnelle demande de posséder, de la part du thérapeute,

une grande disponibilité et une bonne qualité d’écoute. T. Dubois et P. Hansroul

affirment que c’est de la qualité du centrage du praticien que va dépendre l’issue de

la séance. Et ceci par deux phénomènes : le thérapeute centré percevra plus facilement

les informations, notamment émotionnelles, émanant du système corporel du patient, et

il trouvera naturellement le canal de communication correspondant au fonctionnement

du patient. Le premier permettant le second, une relation stable et sereine s’établit entre

patient et praticien. Se centrer, c’est également permettre à chacun de trouver sa juste

place dans cette rencontre. Cette démarche demande une implication et une

transformation de la personne entière : « le passage de l’homme qui a un titre

d’ostéopathe à l’ostéopathe qui accepte son statut d’homme » (Dubois-Hansroul, 2006,

9)

L’état de centrage est la recherche de la paix intérieure. Il permet au praticien

de posséder la disponibilité et l’écoute requises pour le travail somato-émotionnel. Une

qualité d’écoute très éveillée permet, en plus de la création d’un climat calme et

sécurisant pour le patient, de capter ses signaux émotionnels. C’est un affinement de la

sensibilité du thérapeute : cela lui permet de percevoir les émotions sans en être affecté

pour autant. Le thérapeute se trouve alors dans un état de sérénité. Thierry Dubois en

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parle ainsi : « Nul besoin ni envie de prouver ou justifier quoi que ce soit. Je suis

simplement là en train d’être présent. Ce que j’ai fait la veille et ce qui m’attend

demain ne traverse même pas mon esprit. » (Dubois-Hansroul, 2006, 145)

Il est fondamental, dans cette approche, que le patient puisse prendre confiance

et se détendre ; éléments que l’attitude du thérapeute va conditionner. L’attitude juste

du soignant permet également de focaliser la relation thérapeutique sur « l’unité

patient/symptôme plus que sur la relation thérapeute/patient ou

thérapeute/symptôme ». (Dubois-Hansroul, 2006, 147) Le praticien peut ainsi recadrer

la relation thérapeutique s’il perçoit que les mécanismes de défense du patient vont

l’éloigner de la résolution de son problème. L’attitude du thérapeute doit tendre vers la

création d’une relation thérapeutique empathique. C’est le centrage du thérapeute qui

lui permet de conserver le caractère empathique de la relation thérapeutique et de ne

pas glisser dans la sympathie. L’empathie est ici définie comme consistant à se mettre à

la place du patient sans pour autant éprouver ses émotions. Par l’attitude empathique du

thérapeute, le patient doit pouvoir se sentir écouté, « reconnu dans son identité, dans

son histoire, ses croyances et ses souffrances » (Dubois-Hansroul, 2006, 158), sans

jugement ni interprétation. A l’inverse, la sympathie serait le fait d’éprouver les

émotions du patient sans forcément se mettre à sa place. Elle ne peut pas constituer un

préalable à une relation juste et constructive. L’empathie « est une attitude d’écoute

qui permet de comprendre ce que peut vivre le patient au plus profond de lui. »

(Dubois-Hansroul, 2006, 153) Par le centrage, le thérapeute est donc à la fois

pleinement recueilli en lui et totalement disponible et ouvert aux sollicitations

provenant de l’extérieur.

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T. Dubois et P. Hansroul décrivent trois grands types de patients, définis selon

leur mode relationnel dans la situation thérapeutique : les patients dits de type passif,

ceux dits de type relationnel et ceux dits ‘fermés’5. Selon ce modèle, le thérapeute

devra en tenir compte et ajuster son attitude en fonction de chacun de des trois types. La

relation thérapeutique n’est qu’un aspect particulier de la relation humaine. « Si la

relation humaine n’est déjà en soi pas quelque chose de facile, la relation

thérapeutique d’empathie tient parfois de la jonglerie. » (Dubois-Hansroul, 2006, 153)

Le praticien appartient lui aussi de façon préférentielle à l’un des ces types relationnels.

Le centrage lui permet alors d’éviter de briser la relation d’empathie construite jusque

là, en tombant dans un processus de transfert/contre-transfert négatif qui ne sera

bénéfique à aucun des deux participants. Il permet au thérapeute de pouvoir choisir de

façon juste la position de communication adaptée au type relationnel du patient, de

cerner son référentiel et de s’exprimer et d’agir en fonction de lui. Autrement dit, le

centrage permet de trouver le réel du patient. En pratique, l’ouverture d’un canal de

communication stable peut être renforcée par une technique de PNL : la technique de

synchronisation consiste à adopter les gestes et attitudes de l’interlocuteur. Le

thérapeute peut par exemple ajuster son débit de parole, le ton et l’intensité de sa voix à

ceux du patient.

5 Voici, selon cette approche et très schématiquement les trois grands types de patients et l’attitude relationnelle et thérapeutique qui leur correspondrait : Le patient passif : il donne au thérapeute le pouvoir exclusif de la guérison. Il s’en remet à lui et attend d’être totalement pris en charge. De plus, il entretient une relation d’objet avec son corps : c’est un instrument qui doit lui obéir. Il serait conseillé d’amener le patient à se recentrer sur lui-même et à redécouvrir ses sensations corporelles oubliées. Le patient relationnel : à l’inverse du patient passif, c’est la relation thérapeutique qu’il prend pour objet : il cherche à tisser une relation dans laquelle il détient le pouvoir. Il est souvent qualifié de séducteur, manipulateur ou plaintif. Le plaintif a constamment besoin d’être réassuré : le thérapeute adoptera préférentiellement une position haute (sans tomber dans une relation de pouvoir). Les patients manipulateurs ou séducteurs nécessiteront plutôt une position basse de la part du thérapeute. Le patient fermé : il porte généralement un vécu d’agressions ou d’abus. Le recadrage est à effectuer au niveau de l’intention que le thérapeute place dans sa main. La position à adopter serait plutôt celle de l’accompagnement.

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3.7.2. Mise en pratique

T. Dubois et P. Hansroul propose de travailler sur deux plans :

- hygiène de vie : commencer par soigner la qualité du sommeil et l’équilibre

diététique.

- exercices de centrage

Les exercices de centrage proposés ont tous en commun la prise de conscience des

sensations corporelles avec ou sans mouvement et celle de la respiration. Ils ont pour

objectif l’amélioration de la présence du thérapeute à lui-même ainsi que dans la

relation thérapeutique. L’état de présence auquel ils permettent d’aboutir, facilite la

création de la relation thérapeutique empathique. Il est conseillé de pratiquer ces

exercices de façon quotidienne. Par ailleurs, T. Dubois et P. Hansroul proposent des

exercices adaptés à chacun des trois types constitutionnels de la médecine ayurvédique

(Vata, Kapha, Pita). Les exercices peuvent être nuancés pour toucher plus précisément

chacune des constitutions.

• La marche et la course méditatives

Le principe d’écoute des sensations corporelles évoqué ci-dessus est applicable

à toutes les actions que l’homme entreprend dans sa vie quotidienne : la marche en fait

partie. L’exercice débute en écoutant, à chaque pas, la façon dont les pieds reposent sur

le sol, et comment le poids du corps s’y répartit. Une fois que la sensation d’une égale

répartition du poids sur le sol paraît homogène, l’écoute se déplace au niveau des

genoux puis des hanches, et se focalise sur le mouvement de ces articulations lors de

chaque pas. Enfin, l’attention est portée sur le bassin et sur le mouvement de torsion au

niveau des sacro-iliaques. C’est la première phase : l’enracinement.

L’exercice se poursuit en portant successivement l’attention sur la colonne vertébrale,

le thorax, la ceinture scapulaire, les membres supérieurs et les temporaux : leur

mouvement est semblable à celui de torsion entre les ailes iliaques.

La marche est entrecoupée d’arrêts durant lesquels la personne pratiquante s’éveille à

ses sensations. Une plus grande sensation de présence à soi et au monde peut

apparaître.

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La course méditative correspond au même principe que la marche méditative.

L’objectif est de prendre conscience des sensations corporelles lors du mouvement. Elle

présente un avantage supplémentaire par la respiration spontanée qui se met en place

durant la course.

• La technique du corps-axe

La personne est allongée sur le dos, et confortablement installée dans un

environnement calme.. Elle laisse peu à peu les perceptions intérieures parvenir à sa

conscience. Une fois un certain calme établi, elle imagine une ligne allant du sommet

de son crâne jusqu’entre ses deux pieds ; son corps est comme divisé en deux. En

commençant par les pieds, elle cherche à créer une symétrie de chaque côté de la ligne :

« Il faut se poser la question : ‘Est-ce que ce pied est plus rapproché ou éloigné de cet

axe ?’ Si oui, on rapproche le pied éloigné ou on écarte le pied trop près de l’axe. »

(Dubois-Hansroul, 2006, 245) Après les corrections, la sensation d’une symétrie

parfaite doit apparaître. La personne passe ensuite au bassin, au thorax et termine par la

tête. Il suffit ensuite de rester quelques instants dans cette position pour percevoir la

sensation d’être centré. Celle-ci peut parfois s‘exprimer par une grande inspiration.

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3.8. Une lecture par l’approche scientifique

C’est à partir des années 70 que les premières études sur l’état dans lesquels

se plongent les praticiens exerçant le toucher thérapeutique ont été menées. Il semble

cependant que les phénomènes que cet état engendre aient déjà été décrits notamment

par Mesmer en 17796, mais il a fallu 200 ans pour que la communauté scientifique

reconnaisse la valeur de ses hypothèses. Lorsqu’il dispensait des soins, Mesmer a décrit

des phénomènes similaires aux expériences menées par J. Zimmerman et Seto.

3.8.1. Les ondes cérébrales

Chaque organe du corps émet un train d’ondes. Elles sont caractérisées par une

fréquence qui est propre à chaque organe. L'intensité de l'activité cérébrale se manifeste

donc par des ondes ou rythmes et il est possible de les mesurer par des électrodes

posées sur le cuir chevelu et reliées à un EEG. Ces vibrations oscillent sans cesse et

reflètent l’état dans lequel se trouve la personne. On distingue quatre principales

catégories d’ondes définies par leur fréquence :

- le rythme delta (0,5 à 3 cycles par secondes) caractéristique du sommeil lent et

profond,

- le rythme thêta (4 à 7 c/s) qui apparaît dès l'installation du sommeil, et lors de

méditation profonde,

- le rythme alpha (8 à 12 c/s), qui caractérise l'état de veille calme ou la relaxation

légère, les yeux fermés,

- le rythme bêta (12 à 50 c/s) qui apparaît dans des conditions d'éveil actif et de

sommeil paradoxal.

6 Mesmer A, 1948, mesmerism. Macdonald, London.

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3.8.2. Champs bio magnétiques chez les thérapeutes manuels

James Oschman décrit, dans son livre ‘Energy medecine, the scientific basis’, les

expériences menées par John Zimmerman, au cours des années 807, sur les champs bio

magnétiques émanant des thérapeutes manuels lors de séances de soins. La mesure de

ces champs est effectuée par un supra conducteur à interférence quantique nommé

SQUID. La particularité de cet appareil est d’être sensible à des champs magnétiques

très fins. Il est classiquement utilisé dans la mesure des champs bio magnétiques

produits par le cerveau et le cœur.

L’expérience débute lorsque le praticien approche ses mains près du corps du patient :

l’enregistrement montre alors un tracé de base de faible intensité. Le thérapeute rejoint

ensuite un état méditatif, un état d’écoute, caractéristique des approches utilisant le

toucher thérapeutique. Le SQUID détecte immédiatement un signal d’intensité bien

supérieure. L’amplitude des fréquences mesurées varie de 0.3 à 30 Hz, avec cependant

une stabilisation autour de 7-8 Hz. Il est à noter qu’au cours des expériences antérieures

de John Zimmerman, les sujets non-thérapeutes étaient incapables de produire de telles

intensités : il semble donc qu’elles soient dues à l’état dans lequel se placent les

praticiens.

Au Japon, des expériences similaires ont été menées8 avec des pratiquants d’arts

martiaux (QiGong, yoga, méditation, zen…). L’intensité des ondes enregistrées était

très nettement supérieures à celles émises par le cœur et le cerveau. Leur fréquence

était, comme dans les expériences de Zimmerman, centrées autour de 7-8 Hz.

La fréquence autour de laquelle les ondes oscillent (7-8 Hz) correspond à la jonction

entre ondes alpha (8-12 Hz) et thêta (4-7 Hz). L’état dans lequel se plongent les

thérapeutes qui ont participé à cette étude est donc à la frontière entre l’état de

relaxation légère et celui retrouvé lors de profondes méditations.

7 Zimmerman J, 1990, laying-on-of-hands healing and therapeutic touch: a testable theory. BEMI currents, Journal of the bio-electro-magnetics institute. 8 Seto A, Kusaka C, Nakazato S et al., 1992, detection of extraordinary large bio-magnetic field strength from human hand. Acupuncture and electro-therapeutics research international journal.

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3.8.3. Effets de l’exercice sur les ondes cérébrales

Certains musiciens décrivent que, lorsqu’ils jouent de leur instrument, ils

rejoignent un état particulier, dans lequel la perception de l’espace et du temps semble

modifiée. Tout devient alors plus fluide et les facultés intuitives peuvent s’exprimer

pleinement, permettant au musicien de réaliser des improvisations qu’il ne lui serait pas

ordinairement possible d’effectuer. Cet état semble se rapprocher de celui dans lequel

glisse le thérapeute lors de ses séances de soins. Il est également semblable à la

préparation que mettent en place certains sportifs avant une épreuve.

Une étude portant sur un groupe d’instrumentistes à corde a été menée par Elbert et al

en 19959. Il a alors été démontré qu’il y avait une corrélation entre le nombre d’années

d’exercice de l’instrument et l’intensité des ondes émises par le cerveau. Chez les

musiciens expérimentés, le nombre de cellules des régions cérébrales motrice et

sensitive impliquées dans l’action de jouer semble être plus important que chez le non

pratiquant. J. Oschman avance que ce phénomène est transposable aux praticiens

exerçant le toucher thérapeutique : après plusieurs années d’exercice, le thérapeute

émet des ondes d’intensité plus forte. Une des explications consiste à ce que, comme

pour les musiciens, la pratique de soins manuels active des zones cérébrales

spécifiques, augmentant ainsi l’intensité des ondes perçues par le SQUID.

Il semble, en définitive, que l’augmentation de l’intensité du signal émis par

le cerveau des praticiens exerçant le toucher thérapeutique soit explicable par deux

phénomènes. Le premier est l’état dans lequel ils se placent pour favoriser une écoute

attentive. Le second est l’entraînement qui accroît le nombre des cellules corticales

impliquées dans l’acte de traiter, et augmente ainsi l’intensité du champ. Il est donc

clair que le praticien souhaitant renforcer la qualité de sa présence possède dans

l’entraînement (la méditation quotidienne, par exemple) un outil efficace.

9 Elbert T, Pantev C, Weinbruch C, Rockstroh, Taub E, 1995, Increased cortical representation of the fingers of the left hand in string players. Science.

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3.9. Pour conclure

Dans toutes les approches étudiées, il est fait une part importante à l’état

d’être du thérapeute. Dans la description de cet état d’être, de cette « présence », des

points communs apparaissent.

La plupart de ces ostéopathes cherche à se relier aux forces de santé ou

d’auto guérison, à une Force ou Conscience qui les dépasse. Rejoindre l’état de

présence implique, selon certains des ostéopathes cités, de reconnaître une Intelligence

du vivant, à laquelle le thérapeute se remet et par laquelle il se laisse guider lors des

séances de soins. Il s’agit du Partenaire Silencieux, de la Conscience, du Grand

Architecte, du Créateur, ou du Grand Guérisseur… Ces dénominations sont propres à

chacun, mais il semble s’agir d’un seul et même phénomène. Cela nécessiterait

toutefois une étude complémentaire.

Toutes ont en commun de considérer le corps comme un système communiquant,

système dont il faut trouver le mode de communication et auquel il faut s’accorder.

L’état de présence facilite fortement cet accord.

Passer en état de présence signifie rejoindre un état de conscience élargie où

l’activité rationnelle du mental est réduite laissant la place à une disponibilité entière et

à une écoute attentive. D’un point de vue pratique, tous ces thérapeutes visent le même

but : chacun cherche à se constituer fulcrum, base stable à partir de laquelle une relation

thérapeutique profonde pourra se développer. Le thérapeute peut alors recevoir des

informations plus subtiles et ainsi trouver le mode de fonctionnement propre au patient.

En plus d’un affinement des perceptions, cet état permet de créer un climat de

confiance et de sécurité dans lequel le patient se sentira accepté pour ce qu’il est. C’est

cette présence qui permet à la fois la « compréhension du mécanisme » (Sutherland) et

l’ouverture optimale.

En revanche, les moyens pour y parvenir varient en fonction de chaque

modèle, mais des notions communes apparaissent cependant. Les pratiques

d’enracinement, de lâcher prise ou d’abandon ainsi que les rituels de centrage sont

récurrents. L’attitude compassionnelle ou empathique est également souvent citée.

Enfin, chacun des ostéopathes cités ci-dessus insiste sur l’importance du travail que le

thérapeute doit effectuer pour se connaître, pour reconnaître ses limites, sa part

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d’ombre. La relation thérapeutique n’en sera que facilitée et rendue plus sereine. La

plupart invite également à l’exercice de la méditation dont l’« objectif » est d’être

simplement et uniquement présent. Certains comparent même l’état de présence à un

état méditatif. La partie suivante va tenter d’analyser la mise en pratique de la présence

faite par les ostéopathes eux-mêmes dans leur pratique quotidienne.

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4. LA PRATIQUE DES OSTEOPATHES – Entretiens

Cette partie rassemble quelques illustrations du concept de présence dans la pratique

ostéopathique. Le but est d’enrichir le mémoire en rassemblant ce que d’autres

praticiens disent de la présence et d’observer les similitudes ou les divergences avec les

concepts développés dans la partie précédente ; la diversité de ces pratiques permet

d’ouvrir à d’autres pistes. Les thérapeutes questionnés sont tous ostéopathes D.O. sauf

l’un d’entre eux, sage-femme, qui a développé le toucher ostéopathique dans le cadre

de sa pratique. Les « interviews » qui ont permis de récolter ces informations ont été

réalisées soit en présence du thérapeute, soit par téléphone, soit par mail. Dans cette

partie, les citations entre guillemets correspondent aux paroles du praticien à qui le

chapitre est consacré.

Le questionnaire qui a servi de base aux entretiens se trouve en Annexe II.

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4.1. Praticien 1

4.1.1. L’état de présence

Dans sa pratique, le principe de présence est fondamental sous plusieurs

aspects :

Pour le thérapeute : se centrer lui donne accès à un champ de perceptions plus

vaste. L’état qui découle du centrage est nommé présence constante. Il permet au

thérapeute de créer une interface avec le patient, un courant de communication

privilégiée. Il est également nommé ‘contact aimant’ : cette expression regroupe la

notion de contact rapproché particulier, bienveillant mais aussi et surtout celle de don

d’Amour.

Dans la relation thérapeutique : dans ce modèle, le thérapeute ne doit absolument

pas imposer un traitement préconçu au patient. « Il doit refuser le projet

thérapeutique. » Selon lui, si le thérapeute aborde le patient avec une intention, il

sentira ce qu’il cherche. Le thérapeute se refuse à l’interprétation et se place

simplement dans une attitude de réception. Alors, se constituer fulcrum neutre revêt

toute son importance. Il convient ici de chercher et de trouver le neutre relatif au

patient ; autrement dit, de se syntoniser au patient en acceptant ce qu’il est réellement.

Pour cela, le thérapeute doit d’abord prendre conscience de qui il est vraiment, avant de

pouvoir aider le patient. Sachant qui il est, le thérapeute sait également qui il n’est pas :

il peut ainsi, dans ses perceptions, différencier s’il s’agit d’une projection de sa part ou

d’une information provenant du système corporel du patient.

4.1.2. Le centrage du thérapeute

Reconnaître sa mobilité : Le thérapeute, en se centrant, prend conscience des

forces bio cinétiques et bio dynamiques qui l’animent ( c’est-à-dire des zones en lui qui

lui semblent hypo-mobiles et celles qui au contraire lui apparaissent pleines de vie).

Ainsi, il doit reconnaître le mouvement qui l’anime : « Comment je me mobilise ?

Comment je peux me situer en dedans de moi pour pouvoir ensuite mobiliser cette

force ? » En reconnaissant sa mobilité physiologique et ses mécanismes lésionnels, en

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sachant ce qu’il est, le praticien diminue grandement les risques de projection. De la

même façon, sur un autre plan, il ‘dépose’ en quelque sorte ses effets émotionnels.

Trouver le neutre en soi : cela signifie reconnaître l’immobilité en soi. L’objectif

est ainsi de devenir neutre dans le regard et dans la façon d’être. Concrètement, la

technique employée est appelée regard postérieur : cela consiste à laisser aller le regard

dans le vague, à regarder sans regarder, en laissant s’installer une divergence oculaire

(l’œil droit regarde vers la droite, le gauche vers la gauche) ; puis le thérapeute laisse

son regard intérieur partir vers l’arrière, jusqu’à pouvoir ‘visualiser’ la distance entre

ses yeux et l’occiput. Alors, intervient comme une impression de se poser en soi, de

descendre dans son bassin. Ce rituel de centrage correspond également à une activation

du cerveau droit au détriment du cerveau gauche (activé lorsque le regard est fixe) et du

lobe frontal.

Tout ceci revient à trouver la longueur d’onde du patient pour s’y accorder et

pouvoir ainsi lui donner la chance de vivre ce qu’il a besoin de vivre. Dans cet état

d’esprit, le thérapeute crée toutes les conditions d’un accueil des informations que le

patient lui transmet.

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4.2. Praticien 2

4.2.1. L’Amour dans la relation thérapeutique

Le thérapeute cherche ici à créer une interrelation profonde et intime avec le

patient. Son objectif est l’accueil de ce que donne et de ce qu’est le patient. La

disposition qui permet de créer ce climat est l’Amour.

Selon lui, le patient livre son problème ou dévoile son besoin le plus profond grâce à

deux éléments :

- le traitement ostéopathique, en lui-même, qui lui permet de reconquérir une certaine

homéostasie, de retrouver une cohérence, et d’être de nouveau présent à lui-même ;

- la qualité d’écoute du thérapeute qui découle du principe de don d’Amour permet au

patient de sentir qu’il peut se confier sans être jugé.

Un tel degré d’ « intimité » dans la relation thérapeutique permet de passer à un niveau

de communication infra-verbale. Ainsi, le travail de présence permettrait d’amener à la

conscience du thérapeute les modifications qui s’opèrent au sein du patient et qui lui

étaient jusqu’alors inaccessibles.

4.2.2. Le centrage du thérapeute

Le praticien a pour objectif de permettre au patient de retrouver sa cohérence. Pour

cela, il doit lui-même être dans un état traduisant cette cohérence. Cela implique qu’il

fasse un certain travail sur lui pour tenter d’établir en lui cet équilibre. Alors, une fois la

stabilité ancrée en lui et intégrée dans sa vie quotidienne, travailler avec ce principe de

soin ne relève plus d’un effort, mais revient à laisser s’exprimer naturellement sa façon

d’être profonde.

Se centrer réellement sur le patient, créer une communion avec lui tout en gardant

une barrière souple, permet de faire abstraction de l’environnement ; celui-ci s’élimine.

L’extérieur s’organise pour ne pas troubler la relation créée entre thérapeute et malade.

Au-delà du fulcrum que le thérapeute crée pour la stabilité de la relation avec le patient,

c’est la relation elle-même qui devient un fulcrum à partir duquel l’environnement va

s’organiser.

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4.2.3. Place de la présence dans le cursus ostéopathique

Selon ce praticien, ce travail relève de la démarche personnelle. Ainsi, chacun ne

pourra l’entamer que lorsque la prise de conscience de l‘importance de cet état sera le

fruit de son expérience. Proposer ce type de travail dès le début du cursus risquerait

donc, selon lui, de dérouter quelques étudiants trouvant cette approche au mieux

rébarbative, au pire ‘détournante’.

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4.3. Praticien 3

4.3.1. Conditions d’une relation thérapeutique empathique

L’état d’être du thérapeute nécessaire à l’établissement d’une relation stable et

profonde est conditionné par trois éléments : l’empathie, l’état de dynamique vitale et

l’esprit de l’ostéopathe.

• Une attitude empathique :

C’est le pôle mental du centrage du thérapeute. Elle est la donnée de base de la

relation thérapeutique. L’empathie, « c’est se mettre à la place du patient », pour

entrevoir sa souffrance, sans pour autant l’absorber. Se mettre en relation avec le niveau

de douleur du patient peut permettre au thérapeute de trouver la force d’aller, avec le

patient, puiser cette souffrance.

Avec l’établissement du lien empathique dans la relation thérapeutique, le patient sera

mieux disposé à lever ses mécanismes de défense (revendication, masque social,

séduction, inhibition…). Il se sentira accueilli par le thérapeute et pourra percevoir la

sécurité dans ce lien. Cette attitude fait que le patient se sent écouté. Il sait par un canal

infra-verbal qu’il est entendu à tous les niveaux de son être. Le patient pourra alors

pleinement prendre part à la relation thérapeutique en s’incluant dans le processus de

guérison.

Par cette attitude, le thérapeute constitue un point d’appui pour le patient, une référence

de constance, de connaissance, de sécurité et de vacuité (la vacuité étant ici la capacité

à être disponible pour recevoir et entendre).

De plus, afin de favoriser ce climat de confiance, il est important de noter que la pièce

de consultation joue le rôle d’une enveloppe : la façon dont le thérapeute l’habite est

donc primordiale.

Avec certains patients, la mise en place de l’attitude empathique est immédiate et facile.

Avec d’autres, elle est plus difficile : cela semble s’expliquer par la notion de contre-

transfert négatif de la part du thérapeute. « L’ombre masque l’empathie. » Le travail sur

soi du thérapeute semble pouvoir permettre d’améliorer la qualité de son centrage, et

faciliter la mise en place de la relation empathique : « L’important, c’est d’être vrai. »

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• Une bio dynamique vitale

C’est l’état corporel du thérapeute. Avant de prendre soin du corps des autres, il

paraît fondamental de prendre soin de son propre corps. Plusieurs éléments sont

proposés pour améliorer ou maintenir cet état à un niveau élevé :

Le traitement ostéopathique régulier

L’arrêt des toxiques

L’exercice d’une pratique corporelle équilibrante (art martial…)

• L’esprit du thérapeute

« L'esprit se réfère au " sens ", au symbolique, à l' infini, contrairement à la psyché

et au corps qui sont de l'ordre du fini. » Ce thérapeute ne décrit aucune méthodologie

d’ancrage sur ce niveau, évoquant le risque de schématisation et de réduction : « Tout

est une question de personne et de vécu, d'expérience et de pratique personnelle. » Il

propose cependant une formule qui lui semble résumer cette notion : « (…) je dirais

qu'il s'agit de rester dans l"OUVERT". »

4.3.2. Distance juste et écoute attentive

• Distance juste

Plusieurs qualités sont associées à l’attitude juste que ‘devrait’ adopter tout

thérapeute : équanimité, stabilité, mesure, concentration, point d’appui, disponibilité.

Elles lui permettent de trouver la distance juste. Il existe trois pôles dans la relation

thérapeutique : celui du patient, du praticien et celui qui constitue l’équilibre entre les

deux, formé par leur alliance (c’est la relation en elle-même). Cette alliance devient un

fulcrum mobile, non fixé, pour le couple praticien/patient. « Cet entre-deux permet à

autre chose de circuler. » Trouver la distance juste, c’est trouver l’équilibre entre deux

attitudes, entre être recueilli en soi et basculer dans le patient, être dans le patient. Il est

possible d’illustrer cette notion par l’équation : 1 + 1 = 3 : la rencontre du thérapeute et

du malade forme une troisième entité, correspondant à un espace de latence, et qui

permet la circulation allégée d’énergie. Cette mise en mouvement facilitant les

échanges énergétiques libère alors intuition et lâcher-prise. La création du troisième

pôle implique également le patient : se sentant porté par cette circulation et envahi par

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la présence du praticien, il laissera lui aussi plus de place à la créativité et à l’intuition.

Par la mobilité qu’ils entraînent, les échanges qui s’effectuent ont, chez les deux

protagonistes de la relation, des effets curatifs.

« Si la distance juste entre praticien et patient est trouvée, s’établit une troisième entité,

un vecteur de rencontre au-delà de la notion de bienveillance. »

La notion de 3ème pôle est également applicable au centrage du thérapeute : une

difficulté peut être, au début, de porter attention au système corporel du patient tout en

conservant la qualité du centrage. Trouver l’équilibre entre les deux apporte une

solution à ce problème : de la même façon que le thérapeute trouve l’espace juste entre

lui et le patient, il cherche l’équilibre entre ses mains et son Hara. Cela revient en

quelque sorte à diviser l’attention entre ces deux éléments de façon à ce qu’aucun n’en

soit privé.

• Silence intérieur

L’écoute nécessite un retrait de soi et un état de silence intérieur, préalables au

centrage. Ces paramètres apportent stabilité et neutralité au thérapeute. Il est de plus,

primordial de stopper le flot de pensées, qui constitue un véritable écran entre

thérapeute et patient, mais également pour le thérapeute lui-même : il atteindra plus

difficilement l’intériorité nécessaire à une écoute attentive. Le phénomène est identique

avec les paroles du patient. Le silence intérieur respecté mène à des états dans lesquels

la vigilance et la créativité sont accrues aux deux pôles de la relation. Cela se traduit,

pour le praticien, par une intuition plus développée, par la sensation d’une plus grande

transparence et même parfois d’une clairvoyance dans ses perceptions.

Il peut être difficile de passer d’un flux de pensées à un silence intérieur stable. Un pont

entre ces deux états peut être la focalisation : placer le mental sur un point (l’anatomie

par exemple) constitue un état intermédiaire entre agitation et silence.

Cet ostéopathe utilise, comme exercices de centrage permettant d’accéder au silence

intérieur, le yoga et la méditation de façon quotidienne.

Enfin, il n’y a pas de sensations particulières qui signent l’état de présence. Le manque

de fluidité et la fatigue signent à l’inverse l’absence de cet état. Ce qui prouve, selon ce

thérapeute, qu’instaurer un certain état d’être est indispensable au travail palpatoire, est

que sans lui, il n’y a rien.

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4.4. Praticien 4

Pour ce D.O., au cours du traitement, il existe un déclic, un passage d’un état à un

autre, qui traduit une plus forte implication du praticien dans la relation. Toute son

attention est alors focalisée sur le patient et ses problèmes. La mise en place de cet état

ne nécessite pas un effort ni une préparation particuliers (sauf lorsque le thérapeute se

décentre : la notion d’effort intervient alors pour retrouver l’état de présence). De plus,

dans cet état, la perception de l’espace et du temps est modifiée, souvent dans le sens

du ralentissement.

Dans certains cas, ce déclic n’intervient pas ou l’intensité de la présence est moins

importante. Ceci semble pouvoir s’expliquer par l’intérêt que peut susciter le cas du

patient pour le thérapeute. Certains patients réclament une plus grande attention, une

présence de meilleure qualité. La plus ou moins forte implication du thérapeute dans la

séance dépend de deux éléments : elle peut s’expliquer sur un plan physique, par

l’importance de la fixation des dysfonctions du patient, mais également sur le niveau

relationnel : certains patients nécessitent que le thérapeute élève son niveau d’empathie,

qu’il s’investisse davantage « humainement ». Quand le déclic s’opère, l’investissement

que nécessite cet état entraîne plus de fatigue après la séance : le praticien est plus

fatigué, « plus vidé d’énergie. »

Au début de sa pratique, le débutant doit exercer et mobiliser consciemment l’état de

présence et sa capacité à faire le vide pour se centrer sur le souci du patient. La routine

développée avec l’expérience peut devenir un obstacle dans la mesure où elle peut

dispenser le praticien de cette recherche.

Enfin, ces notions ont été abordées durant son cursus d’études ostéopathiques,

notamment par l’enseignement de Pierre Tricot.

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4.5. Praticien 5

L’état de disponibilité correspond à un centrage du thérapeute sur lui-même. La

première étape est d’assurer une assise stable, par un processus d’enracinement des

appuis dans le sol, base sur laquelle l’état nécessaire à l’accompagnement du malade

pourra se développer. Cet état est caractérisé par la détermination du thérapeute à

comprendre en profondeur comment il va pouvoir aider le patient. Il s’agit de se rendre

disponible en laissant « le reste là où il se trouve », de faire disparaître toute

préoccupation extérieure. Cela se traduit par la sensation que le praticien se rassemble

en lui puis dans l’espace du patient. La perception d’écoulement du temps est

également modifiée. Les changements qu’engendre l’état de présence se situent au

niveau de la rapidité des relâchements et de l’efficacité du traitement, et des sensations

éprouvées.

Le travail sur soi du thérapeute est, selon ce praticien, fondamental et a « tout changé »

dans sa pratique.

La facilité que le thérapeute éprouve à travailler est directement proportionnelle à la

présence du patient à lui-même et aux changements qui s’opèrent au fur et à mesure du

traitement.

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4.6. Praticien 6

L’investissement du thérapeute dans la séance varie en fonction de chaque

patient et est difficilement produit de façon artificielle. Il semble que l’histoire, le vécu

(notamment, ici, 15 ans d’expérience en psychomotricité) du thérapeute soit un facteur

plus important que des exercices réguliers. L’état de communion surgit de façon

spontanée, en fonction de la souffrance qu’exprime le patient, du moment et de l’état du

thérapeute, de ce qu’évoque le cas du patient (« s’il fait vibrer ou non »). La création de

cet état nécessite cependant quelques conditions :

- la posture du praticien : être assis sur les ischions et le plancher pelvien afin de trouver

la juste verticalité du tronc.

- « aimer la personne » : ceci permet de recevoir de façon directe des informations sur

son caractère, sa façon de fonctionner, et même des images de scènes du vécu du

patient.

Ces deux éléments posent une base à l’état de communion. L’expérience du thérapeute

agit également de façon importante : l’accès à ces informations n’était pas possible au

début de sa pratique.

La conscience que le patient a de son corps et la présence qu’il dégage durant la séance

modifient les perceptions du thérapeute en les rendant plus claires, plus simples. Aider

le patient à conscientiser ses sensations corporelles permet de pousser plus loin et de

façon plus rapide les relâchements lors du traitement. Cet état engendre également une

modification de la perception de l’espace et du temps.

Ces notions ont été abordées durant le cursus d’études ostéopathiques de ce thérapeute

par l’un de ses enseignants, Franck Gilly.

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4.7. Praticien 7

L’état de présence correspond ici à une prise de conscience de la position du

thérapeute entre ciel et terre. Le praticien est comme attiré vers ces deux pôles ; comme

un corps situé entre deux aimants, il est étiré selon une verticale. Rejoindre cet état

pourrait également s’exprimer par un zoom arrière ; une prise de recul qui permettrait à

l’homme de se retirer pour qu’il ne reste plus que le thérapeute dans la relation. Cet état

correspond de plus, à un centrage du praticien par rapport à son environnement.

Cependant, il est presque impossible de maintenir, dans le temps, un tel niveau de

présence. En effet, les exigences existentielles (emploi du temps trop chargé…) et

parfois le cas de certains patients empêchent la personne de se retirer totalement lors de

la séance.

Proche de l’état de la personne dans la vie quotidienne, l’état de présence s’atteint, ici,

de façon relativement spontanée ; il nécessite cependant quelques conditions. Une fois

une verticale trouvée, le centrage entre terre et ciel réalisé, le thérapeute adopte un état

d’esprit particulier : avoir la volonté de comprendre ‘où est le chemin du patient’. C’est

chercher à comprendre le besoin profond du patient.

Un travail sur soi est indispensable pour proposer un appui stable dans la relation

thérapeutique. Les ‘épreuves de la vie’ et l’expérience semblent être des facteurs

importants dans l’amélioration de l’état de présence.

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4.8. Praticien 8

4.8.1. Centrage

Toute pratique est introduite par un moment de centrage. Il est constitué de

rituels personnels acquis, pour la plupart, au cours des expériences d’accompagnement

à la naissance à domicile. C’est dans ces moments que la nécessité d’une présence à

100% du thérapeute est apparue. Le centrage s’effectue par une attention totale

focalisée sur le patient, ainsi qu’une intention neutre : sans désir de guérison.

L’intention du thérapeute est de ne constituer qu’un point d’appui. Avant chaque

séance, une mise à niveau est effectuée par quelques phrases : Vais-je être pleinement

neutre ? Puis-je travailler dans mon état ? L’état de présence s’exprime par la

sensation d’être vraiment présent de tout son corps. Cette sensation est accompagnée

d’impression d’harmonie et d’accord. Cet état requiert un silence intérieur, un

recueillement en soi, et sa qualité ne dépend pas du patient, mais bien de la capacité

qu’a le thérapeute à se centrer.

L’état de présence s’est affiné avec l’expérience. Il a pris une part de plus en plus

importante dans la pratique et, en parallèle, dans la vie quotidienne. Son exercice est

très lié à une recherche spirituelle, et est constitué de moments de méditation.

4.8.2. Perceptions

Rejoindre cet état est ici indispensable pour pratiquer et avoir accès à un domaine

perceptif plus large. Cela permet en effet des perceptions intuitives extra-sensorielles,

dont la nature varie selon chaque patient (scènes, images, odeurs, sensations corporelles

de ce que ressent le patient…) L’état de présence agit comme un stimulant des sens.

L’état de présence permet de percevoir où le patient en est dans l’instant et ainsi

d’adapter le traitement à ses possibilités du moment. Cela permet d’éviter d’aller en

force et d’aborder des éléments que le patient n’est pas prêt à travailler. Cela revient à

rejoindre le réel du patient et s’y adapter pour un plus grand respect de sa personne…

La présence que dégage le patient et la conscience qu’il a de lui-même permet de

conforter les pistes pressenties intuitivement et de travailler plus en profondeur.

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4.9. Praticien 9

4.9.1. L’état de présence

L’état de présence correspond ici à une attention élargie, à laquelle n’échappe

aucun détail, de sorte qu’il augmente grandement la finesse des perceptions reçues par

l’ostéopathe. De plus, il n’y a pas d’intention particulière mais tous les sens sont en

éveil de façon à ce que le thérapeute soit prêt à accueillir toutes les informations en

provenance du système corporel du patient. Il s’agit paradoxalement d’une sorte

d’ « absence » : le praticien « laisse traîner » ses sens, comme on laisserait traîner les

yeux sur un paysage. Cette ‘absence’ semble correspondre à un lâcher-prise dans lequel

le thérapeute est totalement disponible, ouvert à la perception.

Il n’y a pas de paramètres précis concernant la mise en place de l’état de présence : il

semble que ce soit plutôt l’expérience et diverses rencontres qui aient permis à ce

praticien de travailler et de renforcer cet état. Quelques conditions apparaissent pourtant

nécessaires : instaurer un silence intérieur (et travailler dans un environnement calme

peut y aider), adopter une posture juste et droite.

4.9.2. Place dans le cursus ostéopathique et exercices

La rencontre avec certaines personnes (entre autres, Alexandre Lagoya, Alberto

Ponce, Pierre Tricot, Viola Frymann, James Jealous, Masamichi Noro, Franck Gilly) a,

dit-il, aidé à la prise de conscience de l’importance que peut prendre l’état de présence

dans la pratique ostéopathique. Toutefois, les paramètres de mise en place de la

présence lui semblent trop complexes et subtils pour être décrits ou modélisés.

Dans cette approche, la présence du patient, son investissement peuvent faciliter le

traitement. S’adapter à lui, l’admettre tel qu’il est, est donc important : « Franck Gilly,

merveilleux enseignant, disait du patient : « il est le thérapeute absolu de notre

relation… » ». Et toujours à propos du patient : « Sur la mer le seul élément stable est

le vent, puisque c’est par rapport à sa force, sa direction, son absence ou sa présence

que l’on établit le programme du bateau, rien de plus aléatoire, n’est-ce pas ? Pourtant

sans lui rien ne se passe, on peut faire les meilleurs réglages du monde, agiter la barre

dans tous les sens, pas de vent pas de vie ! Je ressens le patient comme ce vent que l’on

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ne contrôle absolument pas, mais sans qui l’on ne peut rien faire. Essayez de travailler

sur une bûche, vous verrez la différence ! »

La musique et la pratique de l’Aïkido sont deux des éléments qui semblent avoir un

impact sur l’état de présence de ce thérapeute, constituant peut-être en quelque sorte

des exercices. Ce thérapeute met en parallèle la pratique instrumentale et celle de

l’ostéopathie : les deux nécessitent une parfaite maîtrise technique « oubli[ée] » à partir

de laquelle peut croître une écoute « de l’éphémère, du volatile, de l’impalpable ».

C’est sur une base technique stable que peut se développer une écoute intuitive.

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4.10. Praticien 10

4.10.1. L’état de présence

L’état de présence est nommé, par ce thérapeute, état de reliance ou de

présence thérapeutique. Cet état signifie davantage que de se relier simplement au

patient : c’est chercher à l’aider à dévoiler son besoin le plus profond. Pour cela, il

s’agit de mettre à la disposition du patient, savoir, patience et compassion. Et c’est

selon lui plus que de la simple empathie. Rejoindre cet état pourrait revenir à trouver la

juste place entre concentration et distance.

Traiter selon ces dispositions occupe, dans sa pratique, une place importante. Par

l’expérience, il parvient à rendre l’état de reliance quasiment permanent. Et le seul fait

d’accepter, de se « pardonner » d’avoir, quelques instants, quitté l’état de reliance suffit

immédiatement à replonger en totale disponibilité.

Selon lui, une phrase peut résumer ce qui lui permet de rejoindre cet état : « Si c’est

possible, je le ferai… » Un autre élément paraît accroître la facilité qu’il possède

aujourd’hui à rejoindre cet état : c’est l‘Amour qu’il porte à son travail. Et cela semble,

chez lui, primordial.

L’état de reliance lui procure une grande clarté d’esprit, une profonde tranquillité et la

capacité de ressentir ce que le patient veut profondément ou inconsciemment

communiquer. Ses perceptions sont, de plus, clairement facilitées par une bonne qualité

de présence.

4.10.2. Le travail sur soi du thérapeute L’exercice et la répétition permettent d’améliorer la qualité de présence du praticien.

Mais un autre élément entre en jeu : la connaissance et la compréhension que le

thérapeute a de sa part d’ombre. Les qualités que cet état requiert demandent donc de

la part du praticien un travail sur lui pour lui permettre d’« être en quelque sorte

dénudé, complètement épuré, débarrassé de ses problèmes personnels, qu’ils émanent

de [son] passé, de [sa] vie courante ou d’une certaine peur de ne pas résoudre le

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problème du patient ». Plusieurs thérapies ont permis à cet ostéopathe de prendre

conscience de sa part d’ombre et de la comprendre.

« Il convient avant de désirer oeuvrer pour les autres de travailler quelque peu sur soi-

même : « Médecin, guéris-toi toi-même… ». Je crois que c’est une phrase de la Bible

attribuée à Jésus. »

4.10.3. Place dans le cursus ostéopathique et exercices

Sa rencontre essentielle sur ce thème a été celle avec Pierre Tricot. C’est par elle

qu’il affirme avoir pris conscience de l’importance de la présence : c’est, selon lui, de la

qualité de cet état que dépend la réussite de la séance. Le travail d’ « ancrage du

praticien » réalisé avec P. Tricot lui a permis d’acquérir « constance, stabilité et

permanence » dans sa façon d’être là.

Ce praticien insiste sur la nécessité d’apaiser le rythme de la vie quotidienne : il

pratique en effet « une demi-heure de méditation quotidienne depuis plus de 20 ans,

plus une heure de marche et assez souvent du Taï Chi ou du Qi kong ». La pratique de

la sophrologie lui a également beaucoup apporté en matière de concentration

4.10.4. L’aide des patients

La plus ou moins grande qualité de présence des patients et la conscience qu’ils

ont d’eux-mêmes modifient de façon sensible la facilité qu’a le thérapeute à rejoindre

cet état. Les patients qui portent de grandes colères ou des sentiments très négatifs en

eux créent un véritable écran, une projection magnétique entre eux et le thérapeute. Ces

relations deviennent coûteuses en énergie car elles demandent de la part du praticien un

effort supplémentaire pour dépasser ces barrières, ce transfert. « Avancer avec ce type

de patient demande énormément de recul, d’expérience, de patience et de

compassion. » Se formuler intérieurement la phrase suivante peut aider à surmonter

l’écran constitué par des réactions négatives : « Ce n’est pas à moi qu’ils en veulent, et

c’est à moi qu’ils demandent aide. » A l’inverse, les patients ayant déjà réalisé un

travail sur eux s’avancent vers le thérapeute en « s’offrant à son ressenti », se laissant

déchiffrer par sa palpation. Ce praticien en déduit de façon schématique et globale deux

grands types de patients : les centrifuges et les centripètes, « ceux qui acceptent d’aller

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vers l’extérieur et ceux qui se retirent en eux-mêmes en tentant d’interposer cuirasse et

résistances. (La célèbre tactique du bigorneau) »

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4.11. Praticien 11

4.11.1. Le centrage vers la disponibilité

L’état de présence s’exprime chez ce thérapeute par une mise en disponibilité

d’esprit et physique dans le but d’affiner les capacités perceptives. Se rendre

disponible correspond à se mettre au service du patient ; cette disposition inclut la

notion de bienveillance. Rejoindre cet état nécessite de se donner un temps

préparatoire, durant lequel le praticien va chercher à s’apaiser pour mieux s’accorder

au patient : c’est par la volonté, l’intention de se rendre disponible, à accueillir, que le

thérapeute s’accorde au patient. Trouver la posture juste facilite la mise en place de cet

état : se tenir assis de façon droite, sans crispation, en se relâchant dans les trapèzes, par

exemple, lors de l’expiration. De plus, assurer une posture juste permet de libérer la

mobilité des doigts, de les rendre aussi disponibles aux changements qui s’opèrent au

sein du patient que l’est l’esprit du thérapeute.

Rejoindre cet état facilite entre autres une communication fine infra verbale avec le

système corporel du patient (interrogation tissulaire mentale). L’état d’apaisement a

également une incidence sur la qualité de la relation thérapeutique : il permet une plus

grande profondeur et une stabilité accrue. Le patient livre alors plus facilement son

besoin le plus profond.

4.11.2. Développement de la présence

Ces notions ont été évoquées durant sa formation ostéopathique, l’accent étant

mis sur l’intérêt du contrôle de l’attention et de l’intention.

Une psychothérapie a permis à ce praticien d’atteindre l’état d’apaisement vu plus haut

dans sa pratique ostéopathique ainsi que dans sa vie quotidienne. Il considère par

ailleurs l’épanouissement auquel peut conduire ce type de travail psychothérapeutique

comme fondamental dans sa pratique ; ces deux notions d’épanouissement de la

personne et d’apaisement étant étroitement liées. Enfin, la thérapie lui a également

permis de diminuer la dynamique de contre-transfert, atténuant ainsi l’impact que le

patient pouvait avoir sur son état de disponibilité.

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Le chant et l’écriture pratiqués de façon régulière participent eux aussi à cet

épanouissement : ils peuvent en cela constituer des champs d’exercice pour cultiver la

présence.

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4.12. Praticien 12

4.12.1. L’état de présence

Ce praticien définit l’état de présence comme « un état dans lequel l’attention

est entièrement disponible à une perception, à une impression, à une information. » Il

parle également de vacuité, proposant l’image d’un coffre vide, « capable d’accueillir

le contenu que l’on veut y mettre ». Il s’agit selon lui d’un état de conscience différent

de celui de la vie quotidienne ; son modèle explicatif est alors emprunté à KG

Dürckheim. Celui-ci différencie deux types de consciences : la conscience flèche et la

conscience coupe. La première correspond à l’état dans lequel l’homme se trouve au

quotidien, lorsqu’il recherche un objectif, un résultat : c’est la conscience du faire. Par

opposition, la conscience coupe est celle du non-faire : « Le non-faire est le choix

indispensable pour être disponible à la perception. Celle-ci est recueillie par la

conscience coupe (le coffre vide). » De plus, Dürckheim localise la conscience flèche à

l’avant de la tête et la conscience coupe à l’arrière ; ce thérapeute ajoute que l’os frontal

pourrait figurer la conscience flèche, l’os occipital la conscience coupe.

Ce praticien considère l’immersion dans cet état comme primordiale dans sa pratique.

Avec l’expérience, le rejoindre s’avère plus facile. Un rituel de centrage lors du premier

contact (toucher) avec le patient s’est mis en place et s’effectue maintenant de façon

quasi-automatique. La sensation d’avoir atteint l’état juste s’exprime lorsqu’il perçoit

une sensation de détente physique et d’amplification.

Concernant les paramètres précis de la mise en place de l’état de présence, le plus

simple est tout d’abord de laisser ce praticien en parler :

« (…) je vous invite à faire l’expérience suivante, sans réfléchir.

1- Quelle partie de votre tête percevez-vous spontanément, de la façon la plus

évidente ? Pour que la démonstration soit réussie j’aimerais que vous répondiez

le front, le visage ou en tout cas la partie antérieure de la tête. C’est sûrement

le cas si vous êtes au moment de l’essai dans le mode de fonctionnement le plus

habituel, qui nous concerne tous, particulièrement dans la société où nous

vivons.

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2- Pour la deuxième partie de l’expérience, sans analyser davantage, essayer de

projeter cette sensation à l’arrière de votre tête et si vous y parvenez, essayez

d’enregistrer les sensations qui accompagnent ce transfert. Quelles sont-elles ?

Sur le plan corporel, vous devriez éprouver de la détente, une grande détente.

3- Si c’est le cas, alors, remerciez, remerciez sincèrement de tout votre cœur et

enregistrez ce qui se passe dans votre corps. »

Il décrit de plus, différentes intensités de présence : à partir d’un état de présence

considéré comme moyen et en fonction des besoins qu’a le patient avec lequel il

travaille, le praticien pourra s’enfoncer plus profondément dans cet état de perception,

dans la conscience coupe.

Le silence intérieur est le résultat de cette démarche ; il sert également à prendre de la

distance avec le mental, en action dans l’état de conscience ordinaire. L’agitation

mentale constituerait un obstacle à la présence. Ainsi, tout ce qui n’est pas en lien avec

la relation thérapeutique, toute émotion, préoccupation persistante ou fatigue qui

pourraient gêner tout praticien dans sa phase de centrage, pourront être éloignés.

Enfin, la posture revêt un rôle important : rejoindre l’état de présence est plus facile si

le praticien se tient assis, le dos droit, les épaules relâchées et la respiration calme et

circulant librement. Fermer les yeux peut également faciliter la mise en place de cet

état.

4.12.2. Prise de conscience et exercices

Ce thérapeute affirme que la pratique d’un art martial (le Kung fu) lui a permis

de prendre contact avec ce que les Japonais nomment le Hara10, selon lui, le principal

fulcrum de l’homme. Il ajoute qu’ « être présent implique une perception assez claire

du Hara ». De plus, selon ce thérapeute, toute forme de psychothérapie, pourvu qu’elle

permette de prendre de la distance avec le mental, peut être bénéfique au praticien qui

recherche une meilleure qualité de présence. Enfin, « la conscience de son propre corps

est une aide indispensable apportée par certaines pratiques physiques ou encore la

pratique de la relaxation ou d’une approche de la méditation. »

10 Voir chapitre 4.3. La voie de l’exercice – KG Dürckheim

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Il affirme que le début de sa pratique était guidé par la volonté de faire alors que c’est

par le non-faire que, selon lui, le thérapeute peut se placer dans de bonnes conditions

pour accueillir les perceptions. L’état de présence « (…) est quelque chose qui s’est

éduqué peu à peu, par nécessité, tout d’abord pour être ou essayer de trouver un

accord avec [son] « guide suprême » : « la vérité est dans les tissus ». Suivre les tissus

imposait l’écoute sans volonté de faire. » C’est l’amplification des perceptions qui a

permis la véritable prise de conscience de l’importance de cet état. C’est, dit-il, la

rencontre avec le potentiel, cette forme de présence en chacun, qui permet au thérapeute

de comprendre que c’est cette ‘réunion’ qui fait tout le travail, que Cela fait tout le

travail. Il ajoute : « Et Cela se fait d’autant mieux que le praticien accepte justement

que ce ne soit pas lui qui transforme ; il accompagne simplement cette transformation.

Essayez aussi « d’accepter », de dire les yeux fermés aussi sincèrement qu’il vous est

possible de le faire : « oui à ce qui est. » »

L’attitude de certains patients peut renvoyer le praticien à ses propres difficultés, créant

alors un obstacle à la mise en place d’une présence de qualité. Le travail sur soi du

thérapeute pour se libérer de son cas prend encore une fois tout son sens. Le patient

apporte d’autant plus d’aide qu’il se relâche dans son corps, qu’il en prend conscience,

acceptant d’être là où il est. L’attitude inverse se traduit par une forme de résistance

(involontaire ou non).

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4.13. Praticien 13

Ce praticien nomme l’état de présence passage en onde alpha et est pour lui

fondamental. Sa mise en place s’effectue au premier contact avec le patient, dès

l’anamnèse, puis se prolonge tout au long du travail. Il parvient à cet état par une

pratique corporelle personnelle et en installant un silence intérieur. Il soigne pour cela

sa posture corporelle à la fois intérieurement et extérieurement, les yeux fermés

facilitant également la mise en place de l’état de présence.

Lors d’une rencontre précédente avec cet ostéopathe, j’ai pu découvrir un moyen de

centrage particulier : l’exercice commençait en se tenant debout, droit. Une fois un

certain silence intérieur atteint, ce praticien proposait d’accepter de laisser tomber le

bas-ventre en le relâchant. Il proposait ensuite d’imaginer et de ressentir le

développement d’une queue partant du coccyx et allant jusqu’à reposer sur le sol, en

arrière. Il s’agissait enfin de chercher l’équilibre entre les deux, par de légères

oscillations antéro-postérieures. Peut alors survenir l’impression de reposer, de

s’asseoir dans le bassin.

Certains éléments rendent plus difficile le passage en onde alpha pour ce

thérapeute : une fatigue personnelle et des patients entrant en résonance avec son propre

cas, par exemple. C’est la difficulté à différencier toutes les informations provenant du

système corporel du patient et à gérer certains patients ‘difficiles’ qui a permis la prise

de conscience de l’importance de cet état. Enfin, les patients possédant une conscience

d’eux-mêmes affinée apportent une aide en permettant un travail plus en profondeur ; la

notion de plaisir, de partage joue dans ce cas un rôle important.

L’état de présence a été développé par des exercices d’apprentissage de passage

en onde alpha. Cette notion étant absente de son cursus ostéopathique, son

développement lui a été possible par des rencontres avec d’autres thérapeutes et un

travail de développement personnel.

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4.14. Praticien 14

Les paramètres de présence occupent une place principale dans la pratique de

cet ostéopathe ; il les nomme « syntonisation ». C’est selon lui « la base de

garantie de pouvoir être ». Les principaux paramètres permettant d’accéder à

l’état de syntonisation sont enracinement et lâcher prise, aidés par la mise en

place de l’attention et de l’intention.

L’atteinte d’un bon niveau de présence s’exprime, pour lui, par une sensation

d‘ouverture au niveau du cœur. Un silence intérieur s’établit spontanément.

Des sensations émergent alors du système corporel du patient : « elles sont

multiples et variées (images, mots, couleurs). Leur perception est plus que

facilitée par l’état de présence, elle n’est possible que par l’état de présence. »

L’environnement ou la plus ou moins bonne conscience que le patient a de lui-

même ne semblent pas modifier la qualité de présence de ce thérapeute, ni rendre

plus ardue la mise en place de l’état de syntonisation.

L’importance de la mise en place de cet état lui est apparue progressivement

lorsqu’il débuta sa pratique en cabinet. Sa rencontre avec Pierre Tricot a

également facilité cette prise de conscience.

Cet ostéopathe affirme qu’un travail sur son ‘cas’ lui a permis d’améliorer la

qualité de sa syntonisation au patient. Il pratique des exercices de centrage à

l’aide de ballons…

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4.15. Réflexions sur les entretiens

Malgré la diversité des pratiques de la présence évoquées ci-dessus, il est

possible de repérer des constantes, des lignes de force ou au contraire des styles

différents dans la mise en place de l’état de présence. Il ne s’agit à aucun moment

d’installer une hiérarchie dans ces pratiques mais simplement de tenter de faire ressortir

les pôles d’opposition ou au contraire les propriétés communes.

4.15.1. Le centrage

Les effets positifs du centrage sont unanimement reconnus par les praticiens

questionnés – ce qui n’est en soi pas significatif puisque ceux-ci ont été contactés pour

l’importance présumée qu’ils accordaient à cet état d’être.

Mettre en place cet état de présence procure au thérapeute de nombreux

bénéfices. Le centrage modifie les perceptions du thérapeute en lui donnant accès à un

champ perceptif plus large – la notion d’élargissement étant souvent citée en ces

termes. Elle permet de recevoir les informations de façon plus directe et naturelle, voire

même d’accéder à une clairvoyance dans ces perceptions. Ainsi s’établit un canal de

communication infra-verbale libérant intuition et créativité. Se centrer entraîne, de plus,

chez le thérapeute une modification de la perception de l’écoulement du temps en

comparaison avec celle correspondant à l’état de conscience de la vie quotidienne : à

plusieurs reprises, l’accent est mis sur un ralentissement.

Le centrage permet de créer une interface, un courant de communication

privilégié dans lequel le patient se sentira écouté et reconnu : il pourra ainsi abaisser ses

mécanismes de défenses et lever son ‘masque social’ pour dévoiler son besoin profond.

Cette communion impliquera plus encore le patient dans la relation thérapeutique lui

permettant de s’investir entièrement dans son processus de guérison.

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4.15.2. La mise en place de la présence

1. Des attitudes différentes dans la relation thérapeutique

La rencontre thérapeutique peut se concevoir comme une relation triangulaire,

où chacun des trois pôles est régi par les deux autres et en même temps les influence.

Le patient, le thérapeute et la relation elle-même constituent les trois pôles de cette

rencontre.

Relation thérapeute -patient

Patient Thérapeute

Il est intéressant de voir que pour définir l’état de présence, les thérapeutes

privilégient l’un de ces pôles mettant l’accent préférentiellement sur la personne du

thérapeute lui-même, sur le patient, et/ou sur la relation thérapeute/patient. On peut se

demander si un tel positionnement ne correspond pas à des styles thérapeutiques

différents, question qu’il serait intéressant d’approfondir avec un nombre plus

important d’entretiens.

Une telle classification n’est absolument pas rigide : certains thérapeutes mêlent

plusieurs de ces orientations, mais des dominantes apparaissent clairement. En outre,

ces différents types de centrage semblent être les différentes étapes d’un seul et même

processus.

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• Le centrage sur le ‘pôle-thérapeute’ demande que le thérapeute « [fasse] le

plein » en lui. Se mettre dans un état de présence implique qu’il contacte d’abord sa

propre personne. Avant de s’ouvrir aux perceptions de l’autre, le thérapeute

intensifie les sensations liées à la présence à son système corporel : il se rend

présent à lui avant de s’ouvrir à l’autre. C’est par la prise de conscience de son

propre mécanisme que le thérapeute peut ensuite rencontrer et porter son attention

vers le système corporel du patient. Ainsi, les ostéopathes utilisant ce mode de

centrage insistent sur l’importance de créer une harmonie en soi, de percevoir la

mobilité de leur propre corps et d’y reconnaître les zones d’hypomobilité… Ceux

qui privilégient cette démarche insistent souvent sur la nécessité d’installer une

neutralité intérieure et même de projeter une intention neutre. Négliger cette

dernière étape risquerait, selon certains, de projeter sur le patient les conflits

internes du praticien ou de ne simplement pas lui procurer le point d’appui stable

dont il a besoin. C’est pour cela que ces thérapeutes insistent sur le travail,

notamment psychothérapeutique, que le praticien doit effectuer sur lui.

Se centrer de cette façon pourrait correspondre au processus d’enracinement.

• Focaliser le centrage sur le ‘pôle-patient’ de la relation demande d’éprouver de

l’empathie à son égard. Il s’agit, ici, de se mettre à la place du patient. Ceux qui

semblent privilégier ce pôle insistent sur la nécessité d’un retrait de soi lorsque le

thérapeute fait le vide pour rejoindre le système corporel du patient. Dans ce type de

centrage, l’état d’être du patient joue un rôle important : c’est en fonction de lui et

de l’empathie qu’éprouve le thérapeute que dépendra le niveau de présence du

praticien. Il est donc apparu que rejoindre cet état s’effectue, dans ce cas, de façon

relativement spontanée et qu’il semble difficile de le créer de façon artificielle –

ceci est d’autant plus marqué que les défenses du patient sont importantes.

On retrouve là le processus de lâcher-prise : une fois le thérapeute enraciné (style de

centrage précédent), une fois qu’il s’est retrouvé, il peut s’ouvrir et rejoindre le

patient.

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• Les ostéopathes qui, pour accéder à l’état de présence, mettent l’accent sur le

centrage sur la relation, utilisent les termes d’Amour et d’empathie et recherchent

la création d’une communion, avec le patient. De par le fait qu’ils se centrent sur un

« entre-deux », sur la relation elle-même, ils doivent rechercher la tension juste

entre eux-mêmes et le patient ; cette tension est en quelque sorte la distance qui les

sépare. L’équilibrer nécessite de trouver la distance juste, le centrage juste, partagés

qu’ils sont entre la nécessité d’être présent au système corporel du patient et le fait

de ressentir la présence de leur propre système. Cet équilibre revient à trouver le

juste milieu entre concentration et distance.

Cette phase pourrait enfin symboliser le centrage entre enracinement et lâcher prise.

2. Quelles démarches, quelles procédures sont mises en place ?

La mise en place de l’état de présence implique chez un certain nombre de

thérapeutes la mise en place de rituels.

• Un axe vertical ou un axe antéro-postérieur

Pour se centrer dans leurs corps, les thérapeutes utilisent deux axes différents :

vertical et horizontal antéro-postérieur.

Certains thérapeutes voient le centrage comme le fait de trouver sa place entre terre

et ciel (entre enracinement et lâcher-prise). Ils recherchent la verticalité de leur corps.

Lors des entretiens, et au moment où la position physique qu’ils adoptent est abordée,

on voit alors leur corps se redresser, en assurant de bons appuis sur les ischions (ou sur

le plancher pelvien) et au niveau des pieds, donnant l’impression de trouver

immédiatement et naturellement la verticalité juste. Se centrer, c’est donc retrouver sa

verticalité : on retrouve un exercice similaire chez R. Vittoz11 quand il propose à ses

patients de tracer un 1 mental.

D’autres préfèrent fonctionner sur un modèle de centrage antéro-postérieur selon un

axe horizontal (par ailleurs souvent localisé au niveau du crâne). Cela consiste la

plupart du temps à visualiser et prendre conscience de l’espace compris entre frontal et

occiput ; c’est un mouvement arrière, une prise de recul. Sa symbolique consiste à

prendre de la distance.

11 Voir l’exercice de concentration sur le « 1 » (4.2.2. Mise en pratique)

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Il serait intéressant de vérifier si ce mode de centrage corporel est en lien avec les

styles thérapeutiques ébauchés ci-dessus : le centrage vertical concernant plus ceux qui

privilégient le pôle thérapeute et l’axe horizontal ceux qui privilégient le patient. Mais

le nombre d’entretiens n’est pas suffisant pour confirmer cette hypothèse

• Le silence intérieur

De ces trois styles de centrage émergent des points communs : le silence intérieur

en fait partie. C’est l’une des conditions les plus souvent citées. Il consiste pour le

thérapeute à faire cesser le discours interne. Il est pour certains considéré comme un

résultat du centrage, pour d’autres comme une condition, un préalable à son succès. Les

notions de concentration et de disponibilité sont également récurrentes.

• Les absents

Il est intéressant de constater que le contrôle de la respiration comme moyen

d’apaisement et le lâcher prise à ce niveau sont très rarement cités. De même, rares sont

ceux qui insistent sur l’importance d’un enracinement et qui disent commencer par un

rituel qui implique une prise de contact avec le sol, un peu à la façon adoptée par

certains chanteurs pour prendre racine avant de chanter. Pour en tirer des conclusions

plus précises, il serait là encore nécessaire d’affiner un questionnaire en soumettant à

des thérapeutes une liste de propositions fermées de rituels adoptés pour privilégier la

mise en place de l’état de présence pour approfondir cette question.

3. Faire ou ne pas faire

Enfin, on peut faire ressortir une autre opposition : ceux qui privilégient le faire et

ceux qui se situent dans le non-faire.

Certains praticiens qui se centrent d’abord sur eux avant de rejoindre le patient

paraissent adopter une attitude de ‘non-faire’ : « ne pas vouloir guérir », se refuser à

adopter « un projet thérapeutique ». C’est peut-être là un moyen intéressant de se

libérer de la peur de ne pas réussir à guérir le patient, cette peur étant un obstacle à la

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présence. Eugen Herrigel12 développe une notion similaire et paradoxale dans l’art du

tir à l’arc dans la tradition zen bouddhiste japonaise : le souci de réussir l’action (la

volonté de mettre la flèche au centre de la cible) et son corollaire (la peur d’échouer),

conduisent à l’échec. C’est seulement lorsque l’homme s’est défait de l’emprise de son

Moi (qu’alors, Cela tire), que le désir de réussir ou la crainte d’échouer disparaît : alors,

l’action se fait, elle n’est plus faite.

4.15.3. Educable ou inné ?

De l’étude de cette question ressortent encore une fois plusieurs réponses possibles.

• Tout vient avec le temps et l’expérience

Selon certains des ostéopathes questionnés, l’état de présence se développe par

l’expérience aussi bien professionnelle que personnelle. C’est pour eux plutôt par la

répétition que la qualité de la présence s’affine. Ils font souvent partie des thérapeutes

pour qui la survenue de cet état s’effectue de façon spontanée et qui n’éprouvent pas la

nécessité de faire appel à un rituel.

Les thérapeutes pour qui la place de l’état de présence dans leur cursus d’études

ostéopathiques n’est pas mentionnée, n’ont pas reçu d’enseignement à ce sujet durant

ce cursus.

• La nécessité d’un travail sur soi du thérapeute

Pour quelques uns, une des démarches les plus efficaces pour le développement

de la présence est le travail sur soi du thérapeute : le praticien libéré de ses ancrages

personnels sera d’autant plus disponible à l’écoute du patient. Ceux-ci font alors

allusion à un travail guidé par un thérapeute (de type psychothérapeutique ou autre).

Pour d’autres, une des conditions est de soigner son propre corps : hygiène de

vie, soins ostéopathiques réguliers sur sa propre personne.

12 Eugen Herrigel (1884-1955), philosophe allemand, est parti au Japon pour étudier le Zen. Il lui est alors apparu que la façon la plus sûre de rencontrer le Zen était d’en faire l’expérience. Il a ainsi suivi l’enseignement d’un Maître de tir à l’arc, Kenzo AWA.

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• Exercer l’état de présence à travers des activités spécifiques

Enfin, pour une majorité, c’est l’exercice qui permet de cultiver et de

développer l’état de présence. Les moyens pour y parvenir sont variés : pratique de la

sophrologie, pratiques corporelles diverses, voire pratique artistique (musique,

écriture). A ceci est souvent couplé un travail plus spirituel à travers la pratique de la

méditation ou des arts martiaux.

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5. COMMENT EDUQUER LA PRESENCE ?

L’objectif de cette partie n’est en rien de tenter de donner une vision exhaustive de

ce qui peut permettre d’améliorer la qualité de présence du thérapeute. Il s’agit

simplement de présenter quelques approches travaillant sur le phénomène de présence

et pouvant constituer des pistes pour l’exercer. Il est évident que tout travail cherchant à

libérer la personne des ancrages de son vécu l’empêchant d’être totalement présente est

bénéfique.

5.1. Les pistes de Pierre TRICOT

P. Tricot affirme que deux éléments peuvent améliorer la présence : la répétition

(ou l’entraînement) et la libération du cas du praticien. L’entraînement est

indispensable mais ne permet pas forcément de dissoudre les attaches constituées par

les vieilles blessures non traitées du thérapeute.

5.1.1. Le cas du praticien

La conscience utilise la perception pour échanger et se savoir exister. Ainsi

n’est réel pour elle que ce qu’elle perçoit. Ce modèle postule que l’être humain est un

agrégat de consciences organisées, centré par un fulcrum Je. Je perçoit l’extérieur par

l’intermédiaire du système corporel, donc par le système sensoriel formant ainsi une

interface entre les mondes intérieur et extérieur. Si l’interface est faussée, elle va

modifier la perception que la personne a du monde, lui faisant croire que ce qu’elle

perçoit est la réalité.

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• De la rétention au cas

Ce modèle conçoit la rétention dans le système corporel conscient (source de la

dysfonction) comme étant causée par un trop plein d’influx d’énergie que le système

corporel n’a pas eu le temps de gérer13. Or l’énergie a été définie comme de

l’information en mouvement. Ainsi, le contenu de la rétention est de l’information,

relative à l’espace-temps passé : celui de la rétention. Lors des échanges ultérieurs, la

conscience va systématiquement comparer l’information actuelle avec celle déjà reçue.

Ainsi, peu à peu, de rétention en rétention, se crée le cas de l’individu. La perception du

réel est donc déformée, filtrée par le cas de la personne : l’information qui parvient à la

conscience de la personne est analysée et interprétée. Elle la voit non pas telle qu’elle

est, mais au travers de son propre cas. L’homme est « tiraillé, emprisonné dans un

réseau de vieux cycles non terminés qui le maintiennent en partie dans le passé. »

(Tricot, 2002, 246) Il ne peut pas être totalement disponible dans le présent car n’y vit

pas vraiment.

• Dans la relation thérapeutique

Le patient est en recherche de stabilité, de fulcrum car c’est au travers d’un point

d’appui que l’énergie de ses rétentions pourra s’écouler. Ainsi, un thérapeute fixé dans

son cas pourra aider des patients, leur procurant un fulcrum d’autant plus stable qu’il

est rigidifié dans son cas. Seulement, il ne pourra aider que les patients avec qui la

syntonie est naturelle. Plus le thérapeute est mobile et capable de s’adapter, plus

facilement il pourra rejoindre le réel du patient. De plus, travailler sur ses rétentions

permet à l’agrégat de consciences d’être pleinement présent : P. Tricot décrit que se

crée alors un unisson de présence entre praticien et patient. Une relation profonde est

constituée. Une solution pour devenir plus présent est donc de commencer par travailler

sur son propre cas.

P. Tricot propose plusieurs approches presque toutes centrées sur un processus de

régression consciente (rebirth, thérapie primale, approches somato-émotionnelles…). Il

insiste sur la nécessité de conscientiser ce travail. La décision de refuser de vivre une

13 La réponse de la conscience à un tel processus est la fermeture, le repli sur soi. En effet, le danger étant perçu comme provenant de l’extérieur, la conscience va réduire ses échanges avec lui : la rétention est caractérisée par le refus de communiquer.

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situation (ce qui est la source de la rétention) a été prise par le patient et lui seul est

donc capable de trouver les solutions à son problème. « Même dans le mental, ‘seuls les

tissus savent’. » (Tricot, 2002, 250)

En plus d’améliorer la qualité de sa présence, ce travail permettra au thérapeute d’éviter

les mises en résonance. En clarifiant les cycles non clos du passé, le thérapeute dissout

les points d’ancrage sur lesquels l’information contenue dans les rétentions du patient

pouvait entrer en résonance. La nécessité pour le thérapeute de mettre en place des

mécanismes de protection disparaît alors.

5.1.2. La maintenance du praticien

Une partie du travail que P. Tricot propose concerne le cas du thérapeute. Une

autre consiste en un travail de ‘maintenance’ du thérapeute. Pierre Tricot propose

quelques exercices que le praticien peut s’administrer lui-même.

• Auto-compression occipitale

Pierre Tricot propose de réaliser une auto-compression occipitale. La compression

occipitale est la technique de compression du 4ème ventricule qu’il a modifiée et

rebaptisée ainsi. Cela consiste à s’allonger sur un support assez rigide et à placer deux

balles de tennis ‘regroupées dans une chaussette et fermement collées l’une à l’autre

sous l’occiput. Le sujet assure alors présence, attention (placée sur l’ensemble du

système corporel) et intention (se recentrer). A partir des perceptions directes qu’il

reçoit de son corps, il place son attention sur les zones qui lui paraissent en rétention. Il

les laisse alors se dissiper (cela peut se traduire par tiraillement, traction, sensations de

chaud/froid…) jusqu’à ce qu’il ressente une libération souvent exprimée par une grande

inspiration. « La perception d’un bon relâchement et d’une fluidité dans l’ensemble du

corps » (Tricot, 2002, 249) signe la fin de la technique. Il est ensuite conseillé

d’effectuer un crâne-bassin-crâne pour recentrer la personne sur son axe dure-mérien.

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• Crâne-bassin-crâne

Dans ce modèle, l’organisation mécanique du système corporel est centrée sur l’axe

dure-mérien. Son relâchement permet donc une harmonisation de tout le système.

Le thérapeute est bien installé, et tient un ballon entre ses mains. Après avoir assuré la

mise en place des paramètres de présence, il place son attention sur le crâne de façon

globale et il suit les mouvements spontanés s’exprimant dans le ballon. L’exercice peut

aussi s’effectuer en réalisant un empilement de SSB. Une fois une sensation de

relâchement obtenue au niveau du crâne, l’attention est placée au niveau du bassin et le

processus est le même. La dernière étape est identique à la première.

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5.2. La méthode Vittoz

Le Dr Roger Vittoz (1863-1925) a créé cette méthode de soins, à l’origine, pour

le traitement de troubles d’origine psychique. C’est devant l’incapacité de la médecine

à percevoir ‘à l’extérieur’ les symptômes internes parfois intenses des malades

psychiques, que le Dr Vittoz a cherché un mode de diagnostic manuel. Il a ainsi mis en

place la palpation d’un pouls cérébral. Par cet outil, le thérapeute peut guider le patient

vers son unité dans le lieu et le moment.

5.2.1. La méthode

• Les bases

La méthode Vittoz aide le patient à retrouver « la fonction maîtresse de l’équilibre

psychique » (Bron-Velay, 1993, 9) : le contrôle cérébral. Il est, selon le Dr Vittoz,

l’origine de certaines névroses. Tous les individus souffrent un jour de troubles

psychiques mais ceux-ci sont le plus souvent absorbés et assimilés grâce à ce contrôle.

La pathologie intervient lorsque le contrôle cérébral est défectueux : le cerveau est alors

dans un état passif. La rééducation du contrôle va permettre à la personne de recouvrer

son « unité en elle-même, dans l’espace [ici] et dans le temps [maintenant] » (Bron-

Velay, 1993, 11). Elle agit par deux procédés simples : des actes de la vie quotidienne

rendus conscients, et des exercices mentaux auxquels des moments de la journée sont

consacrés. « Les exercices sont un entraînement, les actes conscients un mode de

vivre. » (Bron-Velay, 1993, 13)

Les actes conscients sont dits ‘sentis’ : lors de ces actions, toute l’attention du sujet doit

y être concentrée. C'est une prise de conscience des sensations éprouvées Il ne s'agit

pas de convertir tous les gestes de la journée en actes conscients mais par exemple, d'y

revenir toutes les heures. Peu à peu, ils permettent de recréer l’harmonie de la personne

en elle-même et avec le monde.

Les exercices sont, eux, destinés à retrouver les deux aptitudes fonctionnelles du

cerveau : la réceptivité et l’émissivité. La santé psychique s’exprime toujours par un

équilibre entre ces deux processus.

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- La réceptivité correspond à la réception de sensations par le cerveau. Pour expliquer

la manière par laquelle il ‘faut’ procéder, le Dr Vittoz invitait à regarder « comme

l’enfant au réveil ». Il s’agit là d’une réception gratuite, sans jugement, sans

comparaison, sans filtre. Sa rééducation revient à redonner au conscient sa

prépondérance sur l’inconscient ; autrement dit, à laisser le cerveau recevoir les

sensations sans filtre déformant. Cependant, la réceptivité n’est pas un état passif mais

bien actif, dans lequel la personne a une pleine conscience de tout ce qui l’entoure. De

plus, l’état de réceptivité correspond à une suspension des pensées, de l’émissivité.

- L’émissivité est l’émission de pensées par le cerveau. Elle peut être développée dans

des exercices sur la concentration, « l’élimination lucide d’idées et d’états négatifs (…)

et dans l’utilisation réfléchie de la volonté. » (Bron-Velay, 1993, 10)

• Le pouls cérébral

Le pouls cérébral permet au thérapeute de percevoir les mouvements du cerveau au

travers de la boîte crânienne : ils « se tradui[sent] par une série de chocs répétés,

donnant la sensation d’une ondulation ou d’une vibration particulière. » (Bron-Velay,

1993, 16) Dans cette méthode, le praticien place sa main, par un contact léger, sur le

front du patient (ou sur toute autre partie du corps du sujet ; sachant que plus il

s’éloigne du cerveau, plus le temps de réponse entre l’exécution de l’exercice et la

perception des vibrations sera important). Les ondes perçues reflètent le comportement

du cerveau, et varient selon le nombre, la vitesse, l’ampleur, la force et les formes chez

un même individu en fonction de l’ « état » de son cerveau.

Pour illustrer les principes de ce travail, Louise Bron-Velay14 prend l’exemple de

l’anxiété : lorsque le sujet anxieux accomplit un exercice de réceptivité, ses ondes

cérébrales s’harmonisent. En effet, l’anxiété est caractérisée par un déséquilibre vers

l’émissivité : elle est émissivité. Or il ne peut y avoir à la fois réceptivité pure et

émissivité. Cette dernière est donc interrompue durant l’exercice. Avec la répétition, la

courte interruption se prolonge par un train d’ondes normales, s’allongeant au fur et à

mesure du travail. La réceptivité pure inhibe le filtre du ‘petit moi’ déformant,

permettant alors d’appréhender la réalité sans préjugé ni interprétation personnelle. Une

pensée peut leurrer mais une sensation ne trompe pas. La réceptivité peut ainsi jouer

14 L. Bron-Velay est l’auteur d’un livre exposant le concept et la mise en pratique de la méthode Vittoz, respectant la description originale qu’en a faite R. Vittoz.

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son rôle actif de contrôle. De plus, l’état de réceptivité permet d’expérimenter la notion

d’abandon. Il ne s’agit ici ni de laisser-aller ou de dissolution. C’est au contraire un

processus actif qui conduit du connu vers l’inconnu : « il faut oser se quitter en quelque

sorte » (Bron-Velay, 1993, 43). Cela revient à se quitter pour mieux se retrouver. Cet

abandon actif semble très proche du processus de lâcher-prise vu jusqu’ici.

Cette approche n’étant pas analytique, elle réduit le rôle du thérapeute dans la cure. Le

traitement amène le sujet à reprendre conscience des forces positives qu’il possède mais

auxquelles il a perdu accès. Il s’agit d’une véritable auto-rééducation. Le thérapeute ne

joue alors que le rôle de guide ; il accompagne le patient en l’aidant à trouver les

exercices qui lui sont le plus adaptés.

5.2.2. Mise en pratique

• Exercices de réceptivité

Le but de ces exercices est de « sentir au lieu de penser » (Bron-Velay, 1993, 44).

Ils sont basés sur la prise de conscience des informations parvenant au sujet et

empruntant ses canaux sensoriels. Il s’agit, quel que soit le sens qui sert de support à

l’exercice, de ne pas interpréter mais d’accepter, de recevoir la sensation telle qu’elle

vient.

- la vue : le principe de cet exercice est de recevoir l’image sans effort ni analyse,

comme si elle frappait le sujet pour la première fois. Louise Bron-Velay décrit cet

exercice en trois phases :

1. Ouvrir les yeux. Enregistrer l’image qui se présente comme le ferait un appareil à

photographier. Refermer les yeux.

2. Ouvrir les yeux. Les promener et les arrêter sur une couleur sans l’associer à l’objet,

mais considérée comme une tâche. Nommer cette couleur. Passer à une autre, à une

troisième, etc…

3. Ouvrir les yeux. Prendre conscience d’une image. Fermer les yeux. Rappeler l’image

qui doit revenir spontanément, telle qu’elle est apparue, non en la décrivant

mentalement. (Bron-Velay, 1993, 44)

- l’ouïe : le principe est le même. Pour obtenir une ouïe consciente, le sujet doit

recevoir le son, sans l’interpréter. Un exercice pourrait être d’écouter les bruits de

l’extérieur (de la rue par exemple) puis, à partir de cette sensation, d’écouter le silence

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relatif de la pièce dans laquelle le sujet se trouve.

- le toucher : le sujet ferme les yeux et touche un objet dont il ne découvre les formes

uniquement par sa palpation et non par l’idée qu’il s’en fait. Un autre exercice consiste

à ce que le sujet sente chaque point de contact avec le siège qui l’ « accueille » : pieds à

plat au sol, sensation des accoudoirs, du dossier…Puis il étend son attention à

l’ensemble de son corps. Enfin il y ajoute la réceptivité de la vue et de l’ouïe (= du

lieu), puis celle du moment. C’est alors que peut surgir la sensation d’unité.

- les exercices se déclinent avec les autres sens, en accueillant simplement les

sensations sans comparaison ni critique. Le même exercice se poursuit également avec

les mouvements, les actes et les sentiments et émotions : il s’agit de sentir une émotion

sans la penser. Ainsi le sujet peut observer sa colère, sa joie, sa tristesse…cela revient à

« les vivre, et non les subir. » (Bron-Velay, 1993, 46) Il devient alors possible d’étendre

ce concept à la relation à autrui…

- la prise de conscience qui résulte de ces exercices permet au sujet de prendre

suffisamment de recul sur ses attitudes pour, en quelque sorte, se détacher de son ‘petit

moi’. En redonnant aux évènements leur juste valeur (en les sentant), la qualité des

perceptions relatives aux relations au monde extérieur s’améliore nettement. L. Bron-

Velay affirme que la réceptivité est « le seuil de la sincérité. » (Bron-Velay, 1993, 46)

• Exercice sur l’émissivité

- Le contrôle de la volonté : Louise Bron-Velay définit la volonté comme une

force vitale qui, née du centre de l’être, le conduit avec énergie et contrôle jusqu’à

l’accomplissement de l’action sans tension ni effort (Bron-Velay, 1993, 74). Le

contrôle de la volonté permet une meilleure maîtrise de l’intention, en la focalisant de

façon bien précise sur un objectif, tout en maintenant son intensité dans le temps. Trois

conditions sont nécessaires pour la mise en place de la volonté : Savoir :

1. Ce que l’on veut : c’est la définition précise de l’objet à accomplir : que veux-je ?

2. Que c’est possible : le puis-je ?

3. Qu’on est sincère : suis-je sincère ?

Roger Vittoz propose un exercice pour entraîner la volonté. Il s’agit de commencer

par choisir un acte conscient. L’exemple pris par L. Bron-Velay est celui de se lever :

Il est proposé de se lever de façon consciente, en se sentant se lever ; puis, de

recommencer ce geste en répondant aux questions qui correspondent aux trois

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conditions : Que veux-je ? Me lever. Le puis-je ? Oui (je viens de le faire). Suis-je

sincère ? Si l’on se sent pleinement décidé, inspirer légèrement, répondre oui, je veux

me lever, puis se lever. Il est conseillé de débuter par un geste très simple, puis

d’étendre le concept aux gestes de la vie quotidienne : « Veuillez toutes choses qui vous

arrivent. » (Bron-Velay, 1993, 75) Alors, la personne écoute très attentivement son

corps obéir à ses ordres, et devient un avec lui.

- L’exercice de concentration sur le un (1) : il permet de rétablir l’unité au sein

de la personne. Cet exercice consiste « à rassembler mentalement toutes ses idées et de

les fixer pour ainsi dire sur le 1. » (Vittoz, 1992, 85) Louise Bron-Velay propose une

démarche facilitant l’exécution de cet exercice.

Il est proposé de commencer en tenant les deux index levés devant soi. La personne

les rapproche jusqu’à ce qu’ils se confondent, et qu’il soit possible de n’en voir plus

qu’un. Elle prononce alors oralement : « 1 ».

Elle trace ensuite sur une feuille de papier vierge un grand 1, prononçant

simultanément « un » et regardant le trait apparaître. Elle recouvre le 1 par une feuille

de papier vierge, et réitère l’exercice plusieurs fois.

La personne trace mentalement un 1 et, en état de réceptivité, sent le mouvement de

la main qui tracerait le un, voit le trait et s’entend prononcer le un.

Elle trace ensuite mentalement un 1, l’efface, et toujours en réceptivité, respire une

fois profondément. Elle renouvelle l’opération tant qu’elle ne se fatigue pas.

Enfin, elle remplace la respiration par un silence : ni réceptivité, ni émissivité. Cet

exercice se déroule au départ dans le calme et la solitude mais s’applique peu à peu

dans des environnements bruyants, avec des personnes, lors de relations difficiles… Il

permet donc d’installer l’unité en soi y compris sur le plan physique : il permet de

tendre vers une verticalité juste.

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5.2.3. Application à la pratique ostéopathique

La méthode Vittoz propose au thérapeute de (re-)trouver par lui-même sa

dynamique spatio-temporelle et de s’y maintenir par des exercices simples. Elle permet

d'être dans l'acte accompli, « de sentir son corps et son esprit en plein accord et de

vivre en unité dans le temps et dans le lieu » (Bron-Velay, 1993, 85): d'être présent.

Elle peut constituer un entraînement quotidien afin de développer la qualité de la

présence, et peut également servir de moyen de centrage et de syntonisation lors de la

séance en présence du patient.

L’état de réceptivité pure semble très similaire à celui qui est nécessaire pour obtenir

une écoute attentive dans la palpation. Il permet de recevoir les informations émanant

du système corporel du patient sans analyse ni interprétation. Cela favorise donc le

climat de compassion dont parle V. Frymann : climat dans lequel le patient ne se sent

pas juger et, confiant, peut ‘déposer son fardeau’. L’état de réceptivité allie donc à la

fois un état de recueillement en soi-même et une écoute d’une grande qualité.

Le travail sur le contrôle de l‘émissivité permet d’affiner l’utilisation de l’intention

dans la pratique ostéopathique. En contrôlant l’émissivité, par l’exercice sur la volonté

par exemple, le thérapeute peut contrôler de façon plus précise le paramètre d’intention

et peut ainsi maintenir plus longtemps les bases d’une communication fiable avec le

système corporel du patient.

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5.3. La voie de l’exercice – KG Dürckheim

Karlfried Graf Dürckheim (1896-1988) était un philosophe et psychologue

allemand. Il s’est initié, au cours de ses séjours au Japon, au bouddhisme zen en

pratiquant l’art du tir à l’arc et du za zen (assise en silence). A son retour, il a développé

un zen adapté à la culture et à la tradition occidentales et a mis en place les bases de ce

qu’il a appelé la ‘Personale Leibtherapie’.

Il propose de faire du quotidien un exercice sur la voie de l’épanouissement de

l’homme.

* En effet K.G.Dürckheim estime qu’en Occident la sagesse n’est qu’affaire de

philosophie, de pensée, alors qu’en Orient la sagesse est indissociable d’un travail

corporel continu qui fait du corps le médiateur et le support de la vie spirituelle.

L’approche du corps que propose Dürckheim fait du corps un sujet : le corps que

l’homme est. Dürckheim s’étonne de voir le rapport qu’entretient l’occidental à son

corps : c’est, selon lui, une relation d’objet, l’homme considérant le corps qu’il a.

* Il propose donc des « exercices » qui s’appuient sur un travail corporel pour

permettre à la personne de s’enraciner en elle-même et de s’ouvrir au moment-lieu

présent. Ils peuvent en cela intéresser le thérapeute qui est en recherche d’une meilleure

qualité de présence.

Mais il faut toujours garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas de simples exercices

physiques : l’objectif est la réalisation de la personne. Pour cela, il convient de les

réaliser selon un certain état d’esprit.

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5.3.1. Le Hara

• L’être essentiel et existentiel

K.G. Dürckheim conçoit l’être humain comme en constante tension entre son

être essentiel supra spatio-temporel et son être existentiel qui, lui, est soumis aux lois de

l’espace et du temps. Il appelle être essentiel, la part inconditionnée de l’homme, qui

est au-delà de l’espace et du temps et par laquelle l’Etre15 cherche à s’exprimer en

chacun. Il définit ensuite l’être existentiel comme étant la part de l’homme conditionnée

par sa famille, ses études, ses échecs, ses succès, ses tristesses et par la position qu’il

occupe dans le monde, son Moi. « L’être essentiel est le mode par lequel l’Être, en

l’homme, cherche à se manifester dans le monde. » (Dürckheim, 1997, 81) L’être

essentiel tend sans cesse à se manifester en cherchant à percer le carcan dans lequel

l’être existentiel, enclin à la fixation, tente de scléroser l’homme.

Entre ces deux pôles est l’ « ombre ». Il s’agit d’impulsions provenant de l’être

profond, traduisant ce que l’homme souhaite véritablement vivre et que les exigences

existentielles (ce que K.G. Dürckheim nomme l’éthique de comportement) ne

permettent pas. Ces pulsions, à force de refoulement, deviennent négatives. L’important

est de reconnaître cette part d’ombre et de l’accepter (ce qui ne signifie pas forcément

la vivre).

Le conflit qui naît entre ces deux pôles « est le problème central de l’homme. »

(Castermane, 2004, 52) Il va s’accentuer tout au long de sa vie sauf s’il le surmonte par

l’union du moi existentiel et de l’être essentiel. Et c’est par l’exercice que l’homme

peut se libérer de l’emprise de son moi, et qu’il peut exprimer l’Être dans son existence.

C’est, selon K.G. Dürckheim, le devoir de l’homme. Mais la transparence à l’Etre n’est

possible que pour celui qui possède le Hara.

15 L’Etre est la part de divin présente en chaque homme. Cela dit, le travail de Dürckheim n’est pas un travail religieux : « Ce travail n’est pas chrétien… mais n’est pas non chrétien; il n’est pas bouddhiste… mais il n’est pas non bouddhiste. » (Castermane, 2004, 30) Il s’intéresse à l’expérience religieuse qui est au-delà des religions. L’expérience de l’Etre est possible non pas parce que l’homme qui la vit est chrétien ou bouddhiste, mais bien parce qu’il est un homme.

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• Le Hara

K.G. Dürckheim différencie la force qui émane de l’homme et qui dépend de sa

volonté personnelle, force qu’il fabrique, et une force qui le dépasse et qu’il ne peut pas

contacter par un effort volontaire. Le Hara est le siège de cette force. « C’est une force

dont on participe, à laquelle on peut apprendre à accéder et dont on peut apprendre à

disposer » (Dürckheim, 2002, 20-21) Selon une métaphore classique, pas plus qu’on ne

peut tirer sur l ‘herbe pour la faire pousser, on ne peut se centrer, entrer en contact avec

le Hara de façon volontariste.

Le Hara correspond au centre de gravité et est situé juste en dessous de l’ombilic. Il

est le centre de la personne. L’homme, à travers son corps, exprime un certain rapport

avec le ciel et la terre : le hara constitue le lien entre ces deux pôles. C’est dans ses

fondements que l’homme peut puiser la force nécessaire, la sève pour suivre son attrait

vers le ciel ; et inversement. Il doit vraiment les relier. « L’homme ne peut pas voler

(…) mais n’est pas obligé de ramper. » (Dürckheim, 1997, 73) Il doit trouver le centre

qui relie ciel et terre ( : il doit trouver la juste ‘place du curseur’ entre enracinement et

lâcher prise.) K.G. Dürckheim affirme que l’occidental n’a pas conscience de cette

nature bipolaire et que son centre de gravité est le plus souvent déplacé vers le haut du

corps. Que le centre soit déplacé vers le haut, vers le bas ou soit absent, amène

l’homme à devenir la proie de forces intérieures comme extérieures menaçant une

dissolution de la personne entière. Travailler enracinement et lâcher prise revient donc à

chercher le centre juste.

Le Hara permet à l’homme de réaliser le véritable sens de la vie : manifester l’Être dans

l’existence. Celui qui possède le Hara accède à la force qui lui permet de maîtriser la

vie dans le monde. Autrement dit, l’accès à cette force témoigne que l’homme a établi

le contact avec son être essentiel. Cette force universelle et surnaturelle est nommée ki.

K.G. Dürckheim affirme que la transparence à l’Être ne peut être possible que si

l’homme réalise dans le monde sa forme, sa présence, sa façon d’être physiquement là,

de façon juste. Autrement dit, s’exercer à la posture juste permet de trouver peu à peu la

forme juste, la manière d’être (gestalt) juste, qui à son tour exprime l’être essentiel :

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« Favoriser l’enracinement conscient dans ce centre d’où peut alors surgir quelque

chose de nouveau, permettre sa réalisation, sa consolidation et en témoigner, tel est le

sens de la « pratique du Hara. » » (Dürckheim, 1997, 113)

Ancré dans son centre de gravité, dans le Hara, un homme peut difficilement être

soulevé ou poussé. Il se trouve ancré plus profondément dans le sol. Cet équilibre qui

lui permet de trouver l’aplomb – l’image du fil à plomb peut ici faire sens – permet

d’échapper à la fois aux crispations et au laisser aller et de trouver un juste équilibre

entre les deux.

Pour résumer, être présent signifie être présent à partir de son centre, de son être

essentiel, et cela n’est possible que si l’on possède le Hara.

Castermane exprime cela autrement : « Vous êtes dans une pièce vide. Si elle se

transforme en étable ou en temple, c’est votre façon d’être là qui en est la cause. »

(Castermane, 2004, 169)

• Hara et sens des exercices

Sérénité et confiance

L’exercice permet au moi dépendant du monde de lâcher prise et de s’ouvrir à

une réalité plus vaste. La pratique du Hara permet à l’homme de trouver en lui une

confiance qui dissout les tensions engendrées par la peur, et une attitude intérieure

sereine.

Condition nécessaire à la réussite de l’action humaine

« (…) On peut voir dans la condition nécessaire à la réussite de l’action

humaine le sens véritable de cette action ; celle-ci vise certes à un résultat concret,

mais le sens en est l’homme et plus précisément l’état intérieur dans lequel il se trouve

au moment où il accomplit son acte. » (Dürckheim, 2002, 74)

Ainsi, K.G. Dürckheim propose de commencer par les formes les plus simples : la

façon de se tenir droit, assis, de marcher afin d’acquérir l’attitude juste, le but étant

d’acquérir et de maîtriser parfaitement une technique dont on puisse faire usage dans la

vie courante.

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5.3.2. Mise en pratique

Cette partie apporte un autre éclairage sur la pratique de l’enracinement et du

lâcher-prise vue dans l’approche tissulaire. L’accent est ici mis sur le processus de

transformation de soi que ces exercices permettent d’engager.

Les trois fonctions fondamentales dans la recherche du centre juste

C’est le « geste pur » qui doit être recherché car il traduit la transparence à

l’Être, et sa réalisation est régie par trois éléments : respiration, attitude juste et rapport

entre tension et relâchement. Ce sont ces trois fonctions que l’exercice dirigé vers la

progression intérieure cherche à développer.

K.G. Dürckheim précise qu’un « organe nouveau » doit être développé : la perception

intérieure, servant à ressentir le corps intérieur, le corps que l’on est. Poser l’attention

sur la respiration et son mouvement de va-et-vient peut faciliter cette écoute.

Ces trois exercices sont interdépendants et indissociables. Il n’est pas possible de

pratiquer l’exercice de la respiration si tension et attitude justes ne sont pas ‘en place’ ;

et inversement, l’exercice de respiration retentit directement sur la détente et la posture

centrée sur le Hara.

Attitude de départ : Tout commence avec l’exercice du centre de gravité juste. Le sujet

se tient debout, droit, les jambes fermes et légèrement écartées, les bras ballants et le

regard porté vers l’infini. Dürckheim précise que toute pratique devra débuter par cet

exercice dans lequel le sujet doit prendre conscience qu’il est à la fois bien ancré en lui-

même et relié au monde. Le sujet peut, au début de sa pratique, poser un livre sur sa tête

afin de toujours garder un contrôle sur la verticale à respecter.

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1. Respiration

S’exercer à la respiration, c’est apprendre à la laisser venir, la laisser exprimer

son mouvement de va-et-vient sans contrôle de la volonté : Cela doit respirer ! C’est

retrouver une respiration diaphragmatique et donc réduire l’usage des muscles

respiratoires auxiliaires. Ce mouvement va alors pouvoir aller et venir simplement, au

niveau du bas ventre.

Une respiration ‘fausse’ est une respiration qui ne se situe pas dans le bas-ventre, ne

laissant pas toute sa place à l’expiration, permettant ainsi le léger temps d’arrêt duquel

pourra surgir, naturellement, l’inspiration. Elle traduit une mauvaise façon de respirer

physiquement, mais également une attitude fausse de la personne tout entière, « c’est à

dire qu’elle n’est pas dans la forme juste » (Dürckheim, 1997, 161) Ainsi, la

‘rééducation’ de la respiration de façon juste touche la personne sur tous les niveaux.

• Les différentes étapes de la respiration/transformation personnelle

La respiration est l’expression première du changement (abandon des

fixations du moi) : à chaque cycle respiratoire, l’homme laisse une forme pour en

trouver une nouvelle. Une respiration troublée devient alors un « obstacle au

mouvement de transformation de sa personne et l’[empêche] ainsi de devenir ce qu’il

est au fond de lui, dans son être essentiel. » (Dürckheim, 1997, 162) Les différentes

phases de la respiration peuvent être décrites ainsi : « se lâcher, se livrer, s’unir avec le

fond (s’abandonner), se retrouver dans une forme renouvelée, se lâcher de nouveau,

etc… » (Dürckheim, 1997, 173)

• L’exercice de la respiration

La première étape de cet exercice est un lâcher prise, une expiration profonde,

accompagnée par une descente vers le bas, vers l’enracinement, permettant ainsi

naturellement à l’inspiration de trouver sa place juste. Le lâcher prise dont parle K.G.

Dürckheim signifie que la personne ne doit pas respirer de façon volontaire : elle doit se

laisser respirer. Pour cela, il suffit de ne faire qu’écouter et ressentir le mouvement

respiratoire, sans chercher, dans un premier temps, à le modifier.

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Puis, peu à peu, l’expiration va prédominer sur l’inspiration jusqu’à l’obtention d’un

rapport de trois à un. La personne se trouve alors installée dans son bassin. Elle peut

entamer de façon consciente les différentes phases de la respiration, considérées comme

les différentes « étapes du mouvement de la transformation personnelle. » (Dürckheim,

1997, 174) : durant l’expiration, l’homme va se donner, s’abandonner, lâcher la ‘forme

ancienne’, en venant encore s’installer dans son bassin et ceci, jusqu’au bout de

l’expiration. A ce moment et avant l’inspiration, le « Moi s’étant totalement

abandonné, le sujet [étant] libéré de cette forme ancienne » (Dürckheim, 1997, 175), se

produit ce que Dürckheim nomme ‘l’union, la fusion avec le fond de l’être’. Cela se

traduit par un moment de silence où tout l’être est immobile. C’est de là, de ce ‘still

point’, que l’inspiration naît de façon naturelle. Par l’inspiration, se produit une

remontée de toute la personne, manifestant une forme nouvelle, qu’elle va de nouveau

lâcher lors du cycle suivant…

L’exercice consiste ensuite à compter les cycles respiratoires de un à dix. Dürckheim

décrit alors que le sujet est envahi par une vibration, un rythme qui dépasse le rythme

produit par le travail intellectuel qui consiste à compter. Ce mouvement remplace la

sensation d’écoulement du temps. C’est une façon d’être là qui est au-delà du temps et

de l’espace.

2. Détente/tension

Pour bien comprendre comment un exercice de détente peut permettre à la

personne d’être ‘plus là’, d’améliorer la qualité de sa présence, il est important de

définir ce qui est entendu par les termes tension et détente. K.G. Dürckheim oppose

deux ‘couples’ : d’un côté crispation (ou contraction) et laisser aller (ou dissolution) qui

s’opposent, et d’un autre tension et détente qui sont deux états complémentaires.

La tension sert et vise au mûrissement de la personne en chemin. Elle est l’expression

du processus qui relie une forme provisoire à son devenir ; elle est inhérente à la vie.

L’homme a cependant tendance à se fixer, à s’immobiliser dans l’état et la forme

acquis : ceci est nommé ‘tension de résistance’, et est bien différent de la tension juste.

Ainsi, toute crispation du corps constitue un barrage à l’épanouissement de la personne

entière. Selon K.G. Dürckheim, elle traduit en général, une fixation, une sclérose « due

à la volonté d’affirmation de soi et de sécurisation propre au Moi existentiel. »

(Dürckheim, 1997, 142) « Toute crispation, même partielle, affecte l’homme tout entier,

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car elle s’oppose au mouvement de transformations. » (Dürckheim, 1997, 145) Se

détendre signifie donc dissiper une tension physique mais aussi permettre à l’homme

d’avancer vers la transcendance à l’Être. Grâce à un état de détente totale, il peut faire

se dissiper les tensions fausses pour trouver la tension juste.

Exercer la détente consiste par exemple à porter toute son attention

alternativement sur chacun de ses membres et à ressentir toute la tension qui s’y est

accumulée. Selon K.G. Dürckheim, c’est seulement lorsque la personne s’exerçant a pu

se laisser glisser dans ses membres devenus lourds et alors écouter attentivement le

changement qualitatif de sa façon d’être là, que la détente peut prendre pour elle tout

son sens, sa réalité profonde. Cela implique que la personne puisse rester totalement

immobile un certain temps. Alors seulement, elle peut ressentir cette sensation d’être

portée par une force qui la dépasse « et grâce à laquelle [elle] ‘est là’ plus que

jamais. » (Dürckheim, 1997, 151) La personne peut revenir à l’existence par une grande

inspiration ou un bâillement, mais il est conseillé d’éviter de terminer l’exercice en

employant une tension issue de la volonté.

Cet exercice permet d’acquérir la conscience corporelle en dissipant les tensions

fausses au profit de la tension juste. C’est être particulièrement là et en même temps

profondément recueilli en soi, à l’écoute de soi.

3. L’attitude juste

• En position debout

Sans pour autant modifier son attitude de départ, le sujet se laisse doucement

glisser dans l’expiration, qui devient naturellement plus longue que l’inspiration. Ceci

jusqu’à ce que se produise le premier mouvement, ce que Dürckheim nomme le lâcher-

prise, qui signifie pour lui arrêter de résister :

1. Au début de l’expiration, le sujet se relâche alors dans les épaules16. Il ne

pousse pas les épaules vers le bas mais se relâche dans les épaules. Le sujet peut s’aider

avec l’image que ses doigts vont en quelque sorte se prolonger jusqu’au sol.

2. Ce premier mouvement s’accompagne immédiatement du second : l’assise.

Cela consiste, à la fin de l’expiration, à s’asseoir dans son bassin, à se laisser s’installer

16 La distinction est bien faite entre ‘relâcher les épaules’ et ‘se relâcher dans les épaules’. Les épaules ne sont ici pas un objet à relâcher : cette approche voit le corps que l’on est et non que l’on a.

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dans son bassin. Ces deux temps correspondent en fait à un seul et même mouvement,

de haut en bas.

3. Le troisième et dernier mouvement de cet exercice consiste à trouver

« l’acceptation juste du bas ventre ». Il ne s’agit pas de gonfler le bas ventre ou de le

laisser tomber, mais simplement de le libérer de toute tension. Il convient ensuite d’y

mettre un peu de force. Pour cela, K.G. Dürckheim propose un exercice simple :

enfoncer doucement son poing fermé au-dessous du nombril, puis tenter par la seule

force de la musculature du bas ventre de faire sortir le poing d’un petit coup brusque.

Dans cet exercice, une erreur serait de contracter l’épigastre qu’il faut plutôt conserver

détendu (tout en maintenant le bas ventre légèrement tendu, d’une tension consciente).

Jacques Castermane, qui fut l’un des plus proches élèves de K.G. Dürckheim,

apporte un éclairage différent sur cet exercice. Le travail consiste à être son poids, à

être soi-même. Peser son poids correspond, lors de chaque expiration, à descendre vers

l’enracinement dans le bassin, à se laisser attirer vers le centre de la terre. Peu à peu,

d’expiration en expiration, le sujet gagne en enracinement jusqu’à finalement avoir la

sensation que ses pieds pourraient laisser une profonde empreinte dans le sol.

Cela revient à replacer le centre de gravité à sa juste place, dans le bas ventre, le bassin,

au centre de la personne. Le bassin est ici l’assiette de la personne. L’expression qui

parle d’être ou non dans son assiette, prend alors tout son sens…

Une fois le premier mouvement du haut vers le bas bien réalisé, de lui-même va naître

un mouvement du bas vers le haut.

Une fois une sensation de confort atteinte dans l’enracinement, J. Castermane

propose de se grandir, d’oser être soi-même, sans timidité. En gagnant sa taille, il

convient de conserver l’assise acquise jusque là : grandir sans perdre l’enracinement et

s’enraciner sans perdre la grandeur. J. Castermane explique que c’est là une expérience

de l’humilité : « ne pas se faire plus grand que l’on est (…) [mais] ne pas se faire plus

petit que l’on est non plus… » (Castermane, 2005, 74)

C’est parce que le sujet est bien enraciné dans son bassin que peut alors surgir cette

ouverture vers le haut, l’ouverture du corps mais aussi de la personne dans son

ensemble. K.G. Dürckheim affirme que l’on sent monter depuis le bassin, la force dans

le dos puis s’étendre dans tout le corps. La verticale ainsi créée n’est, selon lui, pas le

produit de la volonté, mais plutôt le fruit du Hara.

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Une fois la position juste trouvée, K.G. Dürckheim propose de « sentir encore plus

fort » la terre et le ciel, et de prendre conscience de l’espace qui entoure, puis de se

sentir soi-même au centre de tout cela. Alors, le sujet peut avoir la sensation qu’il peut

rester ainsi, immobile, pendant des heures ; et cela est vrai seulement dans la

position juste. L’objectif est de tenir le plus longtemps possible ces positions, en

restant totalement immobile. Et si l’attitude juste n’est pas trouvée, tenir la position

même quelques minutes devient vite impossible.

• L’assise

La position assise, comme toutes les manières d’être que l’homme manifeste par

son corps, peut être vue comme un exercice vers l’amélioration de la présence. Etre

assis de façon correcte signifie trouver l’attitude ‘juste’ dans la position assise, chercher

à la conserver en tout lieu et toute circonstance et enfin la pratiquer comme exercice.

Dans le bouddhisme zen, cet exercice constitue même la base de la pratique qui mène à

l’état de Satori (l’Illumination).

1. La première condition pour utiliser la position assise comme exercice est de

s’asseoir de façon à ce que les genoux soient en dessous du bassin. Si ce n’est pas le

cas, la force du Hara ne pourra pas s’ancrer et s’exprimer correctement dans le bassin.

De plus, oreilles, épaules, et os iliaque doivent former une verticale.

2. Une fois que le sujet a ainsi expérimenté sa verticale, sa véritable hauteur, il

va se « lâcher » dans son bassin. Il s’agit de se laisser aller dans l’enracinement, comme

si, attiré vers le centre de la terre, le sujet s’installait dans son bassin, sans pour autant

perdre la verticale constituée précédemment. Le bassin peut donner la sensation que,

s’élargissant, il devient lourd, très pesant ; le haut du corps paraît alors léger et semble

s’ouvrir. K.G. Dürckheim précise que c’est à ce moment toute la personne qui s’ouvre

et oscille à partir de ce centre. L’image utilisée est celle du brin d’herbe qui « vibre

autour d’un axe secret » (Dürckheim, 1997, 136), en opposition avec celle du bâton

planté en terre, rigide.

3. Pour s’exercer à la position juste, le sujet peut croiser les bras sur son thorax

et se balancer légèrement d’avant en arrière pour trouver l’alignement juste. Il réduit

peu à peu l’amplitude du mouvement jusqu’à atteindre la position juste. Suivant ces

indications, le sujet peut s’exercer à chaque fois qu’il prend cette position.

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4. A cet exercice de l’assise peut être couplé celui de la respiration. L’assise

juste donne le support à l’exercice de la respiration. La personne qui a trouvé la posture

juste dans l’assise peut alors pratiquer en tenant la position longtemps et sans douleur.

4. Autres exercices

• La voix

La voix trahit l’état intérieur. Elle est le témoin de l’ancrage de l’homme dans son

centre vital ou à l’inverse de l’envahissement plus ou moins important de son moi

existentiel sur sa personne. Elle exprime également sa part d’ombre. Ainsi une voix

trop haute, mal placée traduit généralement, selon K.G. Dürckheim, une respiration mal

centrée, bloquée dans le haut du corps. La voix, pour celui qui s’exerce, devient un

miroir de sa réalité intérieure et un support aux exercices méditatifs. L’exercer et la

corriger sans cesse peut lui permettre de trouver les conditions préalables à la

transparence de l’être.

• Le Kin-hin (ou marche méditative)

Cet exercice est utilisé en alternance avec le za zen, durant les sessions de

méditation. Il débute par la position debout juste ; le sujet place alors la main gauche, le

poing fermé, le pouce à l’intérieur, contre son plexus solaire, les jointures orientées vers

le haut. La main droite vient alors se placer de façon à juste reposer sur la gauche. Les

bras sont à l’horizontal et les épaules relâchées. L’exercice consiste à marcher à petits

pas, le plus lentement possible sans jamais marquer de temps d’arrêt afin d’être comme

entraîné par un rythme intérieur. Ce rythme est marqué par la respiration : au départ,

trois secondes pour une expiration, une pour une inspiration ; plus tard, la longueur du

temps expiratoire peut augmenter. Lors du début de l’expiration, le sujet contacte le sol

par son talon droit et répartit le poids du corps jusqu’aux orteils. A la fin de

l’expiration, il décolle le talon de l’autre pied et lorsque tout le poids est réparti sur le

premier pied (droit), il soulève le pied gauche en inspirant. Le talon gauche touche le

sol au moment où commence l’expiration suivante…

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• La Méditation

Chacun de tous ces exercices peut constituer un exercice de méditation. Le sens de

ce mot n’est pas exactement celui qu’on lui donne couramment. Méditer, c’est

demeurer, c’est exercer les sens en les orientant vers l’intérieur. Alors, l’espace et le

temps prennent une toute autre dimension, une qualité différente. Pour percevoir cette

‘supra qualité’, l’homme doit « se mettre à l’écoute, ce qui représente bien autre chose

que d’essayer d’entendre. (…) [C’est] la faculté de l’homme qui lui permet d’être en

contact avec l’Être. » (Castermane, 2004, 113) L’écoute n’est possible que si la

personne ‘demeure’ (ce qui est différent de l’arrêt). C’est en demeurant qu’elle peut se

syntoniser à l’Être présent au fond d’elle. K.G. Dürckheim explique que celui qui a

appris à demeurer, sait se mettre à l’écoute de la profondeur : « c’est comme si un

rideau se levait ou comme si un mur tombait. » (Castermane, 2004, 113)

La méditation est un travail permettant le développement de l’organe dont l’homme a

besoin pour ressentir cette qualité particulière. « Le son de l’Être est toujours là. Et il

dépend de l’homme de s’accorder lui-même en tant qu’instrument afin que résonne, en

lui, le son de l’Être. » (Castermane, 2004, 165) La phase qui mène à l’état méditatif

(dans lequel le moi objectivant donnant naissance aux concepts s’est retiré) importe

peu, pourvu qu’elle permette au sujet de trouver un état de concentration juste,

préalable à l’ouverture à une autre façon d’être.

Et l’exercice de la méditation amène l’homme à établir une paix intérieure et à prendre

conscience de son appartenance au ‘Grand Tout’, « à un ensemble dépassant les limites

de sa propre personne. » (Dürckheim, 2002, 80) Et c’est une des caractéristiques de la

façon juste d’être là. « La goutte sait bien qu’elle est dans l’océan, mais souvent, elle ne

sait pas que l’océan est également en elle-même. » (Dürckheim, 2002, 80-81)

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5.3.3. Application à la pratique ostéopathique

Le parcours que propose K.G. Dürckheim est initiatique. En cela il se rapproche

de celui de l’ostéopathe, toujours en recherche, et qui construit son expérience par lui-

même. Les exercices d’ancrage et de lâcher-prise proposés par K.G. Dürckheim

correspondent aux exercices d’enracinement/lâcher-prise de l’approche tissulaire et à

l’abandon au Partenaire Silencieux dont parle Rollin Becker.

Dans toutes ces approches, l’exercice s’adresse à toute la personne et l’objectif

est qu’elle trouve le centre juste. Ceci lui permet d’être présente dans l’instant et de

pouvoir ainsi être parfaitement consciente de l’échange qui s’opère dans la relation

thérapeutique. De plus, de même que P. Tricot insiste sur la nécessité pour le thérapeute

de travailler sur son cas, K.G. Dürckheim affirme que « l’ombre » de l’homme

l’empêche d’être totalement présent, d’exprimer la part de lui qui est au-delà de

l’espace et du temps. Par la recherche de l’attitude juste, le Moi s’efface et l’ombre qui

lui est associée peut alors être reconnue et négociée.

De son côté, Rollin Becker préfère insister sur l’immobilité, et la puissance

qu’il y puise. R. Becker différencie immobilité dynamique et immobilité froide, rigide,

dans une démarche analogue à celle de Dürckheim quand celui-ci distingue s’arrêter et

demeurer. Demeurer permet de se mettre à l’écoute de la profondeur.

Par ailleurs, Dürckheim voit le corps que l’homme est et non le corps que l’homme a.

C’est le passage du corps objet, outil, au corps sujet. Cette vision du corps est similaire

à une certaine vision ostéopathique du corps humain.

De nouveau, K.G. Dürckheim recommande de « demeurer », c’est-à-dire aussi de se

syntoniser avec l’Être. W.G. Sutherland lui-même ne suggérait-il pas de s’en remettre

au Grand Architecte, ne respectait-il pas de longues périodes de silence méditatif d’où

émergeaient des éclairs de génie ?

L’approche proposée par K.G. Dürckheim peut offrir, sous plusieurs aspects, une aide

précieuse à celui qui désire améliorer la qualité de son centrage et de sa présence.

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6. CONCLUSION

Au cours de ces lectures et de ces rencontres, l’état de présence du thérapeute

s’est précisé de même que son importance dans le travail de l’ostéopathe. Les mêmes

thèmes étaient repris par de nombreux ostéopathes : celui du centrage et de son apport

essentiel à la fois à la relation thérapeutique et aux perceptions, celui d’une force sur

laquelle le thérapeute s’appuie, enfin, celui d’une référence à un système d’explication

philosophique parfois spirituel.

La modélisation est utile à la compréhension d’un phénomène mais tant qu’elle

n’a pas été soumise à l’expérimentation, tant qu’elle reste au stade de théorie et non de

connaissance intérieure, elle ne présente que peu d’intérêt. « Rollin E. Becker croyait

fermement qu’une philosophie, aussi profonde qu’elle apparaisse, était inutile si elle ne

s’exprimait pas dans la pratique. Étant donné cette conviction, l’ostéopathie procura à

la réalisation de sa vie, un parfait terrain d’accomplissement. La philosophie de

l’ostéopathie est particulièrement profonde, et son application au traitement du patient,

directe. La compréhension ostéopathique, telle qu’elle est énoncée par son fondateur,

Andrew Taylor Still englobe toute chose allant de la structure physique du corps aux

forces universelles gouvernant la nature dans son ensemble. » (Becker, 2000, 11)

Une grande partie des thérapeutes interrogés ou étudiés affirment se plonger

dans un état de conscience particulier lors des séances de soins ; état souvent différent

de celui de la vie quotidienne. Ils décrivent une manière d’être définie par certaines

qualités : sérénité, écoute, disponibilité, détachement de soi… La notion de présence est

donc commune à tous les ostéopathes interrogés mais sa modélisation et sa mise en

place diffèrent en fonction de chaque thérapeute. Certains ont modélisé de façon précise

l’état qu’ils rejoignent alors que d’autres s’y plongent de façon relativement spontanée.

Ainsi, pour certains, sa mise en place nécessite des exercices et des rituels ; d’autres

privilégient une approche plus intuitive. Quel que soit le type de centrage utilisé, il est

apparu que travailler en état de présence était motivé par la volonté d’entrer en

communication avec le système corporel du patient. Cela implique une vision

particulière du corps, sujet ou conscience, qui fait pour certains référence, en définitive,

à une force de Vie à laquelle le thérapeute se connecte ; force qui le traverse sans pour

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autant dépendre de sa volonté. Et pour tous encore, la qualité de la relation

thérapeutique est alors améliorée de façon consciente ou non ; ceci grâce à l’écoute et à

la disponibilité inhérentes à l’état de présence.

Les techniques de centrage qui mènent à l’état de présence sont variées,

l’objectif étant systématiquement que le praticien se constitue fulcrum au service du

patient. Il a été possible de ressortir de cette étude un processus de centrage, composé

de plusieurs phases. Les thérapeutes mettent l’accent de façon privilégiée sur l’une ou

l’autre, ou sur plusieurs simultanément. Certains se centrent donc d’abord sur eux-

mêmes avant de rejoindre le système corporel du patient, d’autres se centrent sur la

relation thérapeutique, et enfin d’autres directement sur le patient. Les rituels qui

permettent d’accéder à l’état de présence sont également multiples.

Les éléments qui permettent l’exercice et le développement de l’état de présence

concernent essentiellement un travail que le thérapeute effectue sur lui-même. Ils

peuvent consister en un travail (de quelque nature qu’il soit) visant à libérer le praticien

des fixations de son cas, ou en des exercices pratiqués quotidiennement (Arts martiaux,

méditation et toute pratique équilibrante). Le but est de permettre au thérapeute d’être

pleinement ici et maintenant.

Serait-il judicieux d’insérer des éléments de centrage dans le cursus de

formation ostéopathique ? Certains répondent que ce ne serait pas le lieu de ce type de

travail. D’autres estiment que cet apprentissage faciliterait grandement la progression

de l’étudiant dans le domaine des perceptions. Sans aller jusqu’à encourager chaque

étudiant à entreprendre un travail personnel poussé, il serait peut-être intéressant de

proposer quelques techniques simples de pose, voire de centrage…

Les recherches que ce travail m’a demandées m’ont permis d’approfondir

certaines approches et de pouvoir ainsi mieux cerner la pensée de leurs auteurs. La

diversité des applications du concept de présence a été pour moi une source

d’enrichissement et de découvertes et m’a ouvert à des pratiques différentes. La

réflexion et la recherche sur le thème de la présence m’apparaissent aujourd’hui sans

limites.

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Ce mémoire a exploré le concept de présence à travers différentes pistes. Il

pourrait être prolongé par une étude plus approfondie sur la relation thérapeutique, ainsi

que sur les visions du corps que le concept de présence implique.

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7. TABLE DES MATIERES 1. INTRODUCTION...................................................................4 2. RESUME .................................................................................9 3. CONCEPTS ET APPLICATIONS .....................................10

3.1. W.G. Sutherland .............................................................................10 3.2. Rollin Becker : Le Partenaire Silencieux .....................................12

3.2.1. Le Partenaire Silencieux .............................................................................. 12 3.2.2. Fulcrums ...................................................................................................... 13 3.2.3. Mise en place de la présence........................................................................ 15

3.3. Harold Ives Magoun.......................................................................19 3.4. Viola M. Frymann – Compassion .................................................20 3.5. Pierre Tricot : La présence ............................................................23

3.5.1. Conscience ................................................................................................... 24 3.5.2. Fulcrums ...................................................................................................... 25 3.5.3. « Pour communiquer, il faut trouver le réel ».............................................. 26 3.5.4. Mise en pratique........................................................................................... 28

3.6. Hugh Milne – « Passer en glamour » ............................................38 3.7. Thierry Dubois et Philippe Hansroul – Centrage et relation thérapeutique empathique ....................................................................42

3.7.1. Centrage et empathie.................................................................................... 42 3.7.2. Mise en pratique........................................................................................... 45

3.8. Une lecture par l’approche scientifique .......................................47 3.8.1. Les ondes cérébrales .................................................................................... 47 3.8.2. Champs bio magnétiques chez les thérapeutes manuels.............................. 48 3.8.3. Effets de l’exercice sur les ondes cérébrales................................................ 49

3.9. Pour conclure ..................................................................................50 4. LA PRATIQUE DES OSTEOPATHES – Entretiens........52

4.1. Praticien 1........................................................................................53 4.1.1. L’état de présence ........................................................................................ 53 4.1.2. Le centrage du thérapeute ............................................................................ 53

4.2. Praticien 2........................................................................................55 4.2.1. L’Amour dans la relation thérapeutique ...................................................... 55 4.2.2. Le centrage du thérapeute ............................................................................ 55 4.2.3. Place de la présence dans le cursus ostéopathique....................................... 56

4.3. Praticien 3........................................................................................57 4.3.1. Conditions d’une relation thérapeutique empathique .................................. 57 4.3.2. Distance juste et écoute attentive................................................................. 58

4.4. Praticien 4........................................................................................60 4.5. Praticien 5........................................................................................61 4.6. Praticien 6........................................................................................62 4.7. Praticien 7........................................................................................63

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4.8. Praticien 8........................................................................................64 4.8.1. Centrage ....................................................................................................... 64 4.8.2. Perceptions................................................................................................... 64

4.9. Praticien 9........................................................................................65 4.9.1. L’état de présence ........................................................................................ 65 4.9.2. Place dans le cursus ostéopathique et exercices .......................................... 65

4.10. Praticien 10....................................................................................67 4.10.1. L’état de présence ...................................................................................... 67 4.10.2. Le travail sur soi du thérapeute.................................................................. 67 4.10.3. Place dans le cursus ostéopathique et exercices ........................................ 68 4.10.4. L’aide des patients ..................................................................................... 68

4.11. Praticien 11....................................................................................70 4.11.1. Le centrage vers la disponibilité ................................................................ 70 4.11.2. Développement de la présence................................................................... 70

4.12. Praticien 12....................................................................................72 4.12.1. L’état de présence ...................................................................................... 72 4.12.2. Prise de conscience et exercices ................................................................ 73

4.13. Praticien 13....................................................................................75 4.14. Praticien 14....................................................................................76 4.15. Réflexions sur les entretiens ........................................................77

4.15.1. Le centrage................................................................................................. 77 4.15.2. La mise en place de la présence................................................................. 78 4.15.3. Educable ou inné ? ..................................................................................... 82

5. COMMENT EDUQUER LA PRESENCE ? ......................84

5.1. Les pistes de Pierre TRICOT ........................................................84 5.1.1. Le cas du praticien ....................................................................................... 84 5.1.2. La maintenance du praticien ........................................................................ 86

5.2. La méthode Vittoz ..........................................................................88 5.2.1. La méthode................................................................................................... 88 5.2.2. Mise en pratique........................................................................................... 90 5.2.3. Application à la pratique ostéopathique....................................................... 93

5.3. La voie de l’exercice – KG Dürckheim.........................................94 5.3.1. Le Hara......................................................................................................... 95 5.3.2. Mise en pratique........................................................................................... 98 5.3.3. Application à la pratique ostéopathique..................................................... 106

6. CONCLUSION ...................................................................107 7. TABLE DES MATIERES..................................................110

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ANNEXE I

BIBLIOGRAPHIE Becker, Rollin, 1997. Life in Motion. Rudra Press, Portland. ISBN : 0-915801-82-5. Becker, Rollin, 2000. The Stillness of Life. Rudra Press, Portland. ISBN : 0-9675851-

1-2. Bron-Velay, Louise, 1993. Pratique de la méthode Vittoz. L.E.V., Lyon. ISBN: 2-

84051-002-2. Castermane, Jacques, 2004. Le centre de l’être, KG Dürckheim. Albin Michel, Paris.

ISBN : 2-226-06090-1. Castermane, Jacques, 2005. La sagesse exercée. La Table Ronde, Paris. ISBN : 2-

1703-2760-0 Dürckheim, Karlfrield Graf, 1980. Pratique de la voie intérieure – le quotidien

comme exercice. Le Courrier du Livre, Paris. ISBN : 2-7029-0093-3. Dürckheim, Karlfrield Graf, 1997. Hara, centre vital de l’homme. Le Courrier du

Livre, Paris. ISBN : 2-7029-0059-3. Dürckheim, Karlfried Graf, 2002. Exercices initiatiques dans la psychothérapie. Le

Courrier du Livre, Paris. ISBN : 2-7029-0049-6. Dubois, Thierry ; Hansroul, Philippe, 2006. Vivre l’émotion, retrouver l’énergie.

Satas, Bruxelles, ISBN : 2-87293-092-2. Duval, Jacques Andréva, 1976. Introduction aux techniques ostéopathiques

d’équilibre et d’échange réciproque. Maloine, Paris. ISBN : 2-224-00266-1. Feely, Richard Alan, 2000. Clinique ostéopathique dans le champ crânien. Frison-

Roche, Paris, ISBN : 2-87671-305-5. Frymann, Viola M., 1998. Papers of Viola Frymann. Legacy of osteopathy to

children. AAO, Ann Arbor (Michigan). ISBN : 0-940668-07-6PB Issartel, Lionelle ; Issartel, Marielle, 1983. L’ostéopathie exactement. Robert Laffont,

Paris. ISBN : 2-221-01278-X Magoun, Harold Ives, 1994. L’ostéopathie dans la sphère crânienne, Editions

Spirales, Montréal.

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Milne, Hugh, 1995. The heart of listenning – A visionary approach to craniosacral work (vol.1). North Atlantic Books, Berkeley (Californie). ISBN: 1-55643-280-1

Oschman, James L., 2006. Energy medecine, the scientific basis. Churchill

Livingston, ISBN: 0-443-06261-7 Sutherland, William Garner, 2002. Textes fondateurs de l’ostéopathie dans le champ

crânien. Sully, Vannes, ISBN : 2-911074-42-4. Tricot, Pierre, 2002. Approche tissulaire de l’ostéopathie - Livre 1. Sully, Vannes,

ISBN : 2-911074-40-8. Tricot, Pierre, 2005. Approche tissulaire de l’ostéopathie - Livre 2. Sully, Vannes,

ISBN : 2-911074-80-7. Tricot, Pierre, 2007. Partenaire Silencieux et approche tissulaire. Article paru sur le

site personnel de P. Tricot. Adresse : http://perso.orange.fr/pierre.tricot/ Vittoz, Roger, 1992. Traitement des psychonévroses par la rééducation du contrôle

cérébral. Téqui, Paris. ISBN : 2-7403-0073-5

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ANNEXE II

QUESTIONNAIRE SUR LA PRESENCE Comment nommez-vous cet état ? 1. L’état de présence S’agit-il d’un état particulier ? Quelle place occupe-t-il dans votre pratique ? Qu’est-ce qui vous permet d’être présent à votre patient ? Comment le ressentez-vous ? Par quel signe intérieur ressentez-vous que cette présence est en place ? Par quelle sensation corporelle ou autre signe ? Comment les sensations (émanant du patient) émergent en vous ? Images, phrases, sensations corporelles d’une partie du corps ? Et leur perception est-elle facilitée par l’état de présence ? 2. Les conditions de sa mise en place Comment parvenez-vous à créer cet état en vous ? Avez-vous besoin du silence, d’un silence intérieur ? Y a –t-il une attitude corporelle qui la favorise ? Position du corps ? Yeux ouverts, fermés ? Avez-vous besoin d’un contact particulier avec le patient ? Y a-t-il des jours, des circonstances, des patients qui rendent plus incertain ce sentiment de présence ? Lesquels ? 3. Sa place dans votre cursus personnel de formation Est-ce qq chose qui a été en place dès le début de votre pratique ? Ou est-ce qq chose que vous avez éduqué peu à peu ? Qu’est-ce qui vous a permis de prendre conscience de l’importance de cet état ? Ces questions sont-elles apparues dès le début de votre formation d’ostéo ou ont-elles surgi peu à peu ? A quelle occasion ? 4. Comment l’exercer ? Don ou résultat d’un exercice personnel Quelles démarches personnelles vous ont permis de développer ce sentiment de présence ?

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Avez-vous une pratique personnelle quotidienne qui vous permette de développer cette présence ? Ce travail personnel a t-il modifié la qualité de votre perception ? 5. Le rôle du patient Quelle « aide » le patient vous apporte-t-il ? La plus ou moins grande présence du patient à ses sensations corporelles modifie-t-elle cet état de présence en vous ?

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RESUME

Devant un questionnement sur les moyens d’amélioration de l’efficacité thérapeutique dans la pratique ostéopathique (autres que purement techniques), il est apparu que la manière d’être là du thérapeute joue un rôle important dans l’issue du traitement. La Présence du thérapeute influe sur plusieurs niveaux : elle lui permet de s’ouvrir à un domaine perceptif plus large et de créer un climat de confiance et de sécurité dans la relation thérapeutique. L’objectif de ce mémoire, au travers de publications relatives à ce sujet et d’entretiens avec des ostéopathes, est d’analyser ce qu’est la Présence dans la pratique ostéopathique et quels sont les moyens dont le thérapeute dispose pour la développer.

Mots-clés : Ostéopathie, Présence, Centrage, R.E. Becker, P. Tricot

ABSTRACT Wondering about the means of improving the therapeutic efficiency (other than technical ones) in osteopathic practice, the way of being “here and then” of the practitioner seems to play a major role in the treatment issue. The Presence of the practitioner has an influence upon several levels: it allows to open one’s mind to a wider field of perceptions and to establish an atmosphere of confidence and security in the therapeutic relationship.

The aim of this work, through publications about this subject and talks with different osteopaths, is to analyse what the presence is in concrete terms in the osteopathic practice and how practitioners can develop it. Keywords: Osteopathy, Presence, Focusing, R.E. Becker, P. Tricot.