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É DITORIAL 2 LA LETTRE - N° 7 S OMMAIRE RENDEZ-VOUS AVEC ANDRÉ MIQUEL page 24 PARCOURS DUN CHERCHEUR page 28 LEÇONS INAUGURALES page 3 CRÉATIONS DE CHAIRES page 5 NOMINATIONS DE PROFESSEURS page 5 ACTUALITÉ DES CHAIRES page 5 ACTUALITÉ DES PROFESSEURS INVITÉS page 9 RÉFLEXIONS SUR LES LOIS DE BIOÉTHIQUE page 11 L’EUROPE DE LA RECHERCHE page 12 RESTAURER FRANÇOIS I er page 15 ACTUALITÉ LITTÉRAIRE page 16 Actualité Dossier Histoires Manifestations SYMPOSIUM page 18 COLLOQUES page 20 CONFÉRENCE page 23 AGENDA page 32 Il y a quelques semaines, le Congrès américain s’est engagé à doubler d’ici 5 ans le budget de la National Science Fundation (NSF) ( Science, 22 nov. 2002, p. 1537). Ceci a déjà été réalisé dans les dernières années pour les National Institutes of Health (NIH) dans le domaine des sciences de la vie. Face à la vigueur extraordinaire du support américain à la recherche scientifique, l’attitude des gouvernements européens est terriblement frileuse ; de très nombreux scientifiques s’émeuvent que ce découplage des moyens financiers aboutisse à un retard irrattrapable de notre continent dans bien des domaines. La situation est d’autant plus grave qu’à ce problème s’ajoute un autre peut-être encore plus sérieux : la désaffection croissante pour les études scientifiques dans la plupart des pays occidentaux, à l’heure où se profile à l’horizon une vague très importante de départs à la retraite chez les chercheurs en activité. Ce désamour des jeunes pour la science n’est pas moins vif outre-Atlantique ; mais l’Amérique, conforme à sa vocation, y remédie en recrutant à tour de bras Russes, Chinois, Coréens, Indiens … et Européens. Ces problèmes avaient été évoqués avec le Président de la République Jacques Chirac lorsque nous l’avions accueilli à déjeuner au Collège de France. Il nous avait alors demandé de réfléchir à une initiative sur ces questions. C’est ainsi qu’en 2004 sera organisé au Collège un colloque “Science et Conscience Européennes” ; les multiples facettes de la crise y seront analysées et des pistes de solutions explorées. L’écart de moyens financiers avec les États-Unis ne se situe pas seulement au niveau de l’argent public ; il y a en Amérique une tradition de mécénat qui, dans un environnement fiscal extrêmement favorable, draine vers la culture et la science une manne sans commune mesure avec les ruisseaux français et européens. Certes, pour garantir une recherche fondamentale libre et indépendante, l’argent public doit demeurer le support principal de l’entreprise scientifique. Mais en ces temps économiques difficiles, plutôt que de voir réduits à la portion congrue des projets ambitieux, il vaut mieux essayer d’y associer des partenaires privés. C’est ainsi que la propre Fondation Hugot du Collège de France est née de la générosité d’un couple ami du Collège. Pour développer le mécénat, le Collège de France souhaite se doter d’un Comité Financier International ; celui-ci aurait pour rôle de faciliter nos contacts avec les milieux économiques dans l’espoir de les intéresser à certains projets spécifiques du Collège. Souhaitons que ces projets, dont le premier pourrait être le prochain aménagement de la nouvelle Bibliothèque du Collège, en soient enrichis et améliorés. Jean-Christophe Yoccoz Secrétaire de l’Assemblée des Professeurs titulaire de la chaire d’Équations différentielles et systèmes dynamiques À L ORIGINE DE LA FONCTION DADMINISTRATEUR page 29

Lettre du Coll¨ge de France n° 7

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ÉD I TO R I A L

2 LA LETTRE - N° 7

SO M M A I R E

RENDEZ-VOUS AVEC ANDRÉ MIQUEL page 24PARCOURS D’UN CHERCHEUR page 28

LEÇONS INAUGURALES page 3CRÉATIONS DE CHAIRES page 5NOMINATIONS DE PROFESSEURS page 5ACTUALITÉ DES CHAIRES page 5ACTUALITÉ DES PROFESSEURS INVITÉS page 9RÉFLEXIONS SUR LES LOIS

DE BIOÉTHIQUE page 11L’EUROPE DE LA RECHERCHE page 12RESTAURER FRANÇOIS Ier page 15ACTUALITÉ LITTÉRAIRE page 16

Actualité

Dossier

Histoires

Manifestations

SYMPOSIUM page 18COLLOQUES page 20CONFÉRENCE page 23

AGENDA page 32

Il y a quelques semaines, le Congrès américain s’est engagéà doubler d’ici 5 ans le budget de la National Science Fundation(NSF) (Science, 22 nov. 2002, p. 1537). Ceci a déjà été réalisédans les dernières années pour les National Institutes of Health(NIH) dans le domaine des sciences de la vie.

Face à la vigueur extraordinaire du support américainà la recherche scientifique, l’attitude des gouvernementseuropéens est terriblement frileuse ; de très nombreuxscientifiques s’émeuvent que ce découplage des moyensfinanciers aboutisse à un retard irrattrapable de notrecontinent dans bien des domaines.

La situation est d’autant plus grave qu’à ce problèmes’ajoute un autre peut-être encore plus sérieux : la désaffectioncroissante pour les études scientifiques dans la plupart despays occidentaux, à l’heure où se profile à l’horizon une vaguetrès importante de départs à la retraite chez les chercheurs enactivité. Ce désamour des jeunes pour la science n’est pasmoins vif outre-Atlantique ; mais l’Amérique, conforme à savocation, y remédie en recrutant à tour de bras Russes,Chinois, Coréens, Indiens … et Européens.

Ces problèmes avaient été évoqués avec le Présidentde la République Jacques Chirac lorsque nous l’avionsaccueilli à déjeuner au Collège de France. Il nous avaitalors demandé de réfléchir à une initiative sur cesquestions. C’est ainsi qu’en 2004 sera organisé au Collègeun colloque “Science et Conscience Européennes” ; lesmultiples facettes de la crise y seront analysées et des pistesde solutions explorées.

L’écart de moyens financiers avec les États-Unis ne sesitue pas seulement au niveau de l’argent public ; il y a enAmérique une tradition de mécénat qui, dans unenvironnement fiscal extrêmement favorable, draine versla culture et la science une manne sans commune mesureavec les ruisseaux français et européens.

Certes, pour garantir une recherche fondamentale libreet indépendante, l’argent public doit demeurer le supportprincipal de l’entreprise scientifique. Mais en ces tempséconomiques difficiles, plutôt que de voir réduits à laportion congrue des projets ambitieux, il vaut mieux essayerd’y associer des partenaires privés. C’est ainsi que la propreFondation Hugot du Collège de France est née de lagénérosité d’un couple ami du Collège. Pour développer lemécénat, le Collège de France souhaite se doter d’unComité Financier International ; celui-ci aurait pour rôlede faciliter nos contacts avec les milieux économiques dansl’espoir de les intéresser à certains projets spécifiques duCollège. Souhaitons que ces projets, dont le premierpourrait être le prochain aménagement de la nouvelleBibliothèque du Collège, en soient enrichis et améliorés.

Jean-Christophe YoccozSecrétaire de l’Assemblée des Professeurs

titulaire de la chaire d’Équations différentielles et systèmes dynamiques

À L’ORIGINE DE LA FONCTION

D’ADMINISTRATEUR page 29

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LEÇONS INAUGURALES

Christine PETIT

a donné sa leçon inaugurale le10 octobre 2002.Sa chaire a été créée parl’Assemblée des Professeurs du26 novembre 2000 enremplacement de la chaired’Embr yo log i e c e l lu la i ree t m o l é c u l a i r e d eMme Nicole Le Douarin.

Extrait de la leçon inaugurale :«La création d’une chaire de Génétique et

Physiologie Cellulaire répond, me semble-t-il, àla vocation du Collège de France, depuis safondation, de se saisir du savoir en évolution et dele transmettre au moment même où il s’élabore.

Je souhaite dire ma reconnaissance à Jean-Pierre Changeux et Pierre Corvol, qui ont pensé quecet enseignement pourrait m’être confié. À vous,mes chers collègues, je veux exprimer ma gratitudepour l’honneur que vous me faites en m’accueillantparmi vous. Je remercie les membres de l’Académiedes Sciences qui ont appuyé votre choix. Mesremerciements s’adressent aussi à tous ceux qui, dansla tradition de liberté de la recherche à l’InstitutPasteur, m’ont permis d’explorer un domainenouveau, celui de la physiopathologie cellulaire etmoléculaire des atteintes sensorielles et, plusparticulièrement, de la surdité héréditaire.

Avec Jean Weissenbach, j’ai eu le plaisir devivre les premiers pas d’un cheminement vers laconnaissance des gènes impliqués dans les maladiesde l’homme. Je le remercie de ses encouragementset du soutien de sa chaleureuse amitié.

L’intitulé de la chaire, Génétique et PhysiologieCellulaire, renvoie à Gregor Mendel, Claude Bernard,Theodor Schwann et Rudolf Virchow, ainsi qu’à uneépoque, le milieu du XIXe siècle. En 1865, GregorMendel communique à la Société des SciencesNaturelles de Brno les résultats de ses expériences sur latransmission de caractères observables dans la

descendance d’hybrides végétaux. Il découvreque cette transmission obéit à certaines règles,qu’il parvient à formaliser en lois probabilistes,et confère ainsi à l’étude de l’hérédité son statutde science, la génétique. La même année,Claude Bernard, dans l’Introduction à lamédecine expérimentale, s’attache à caractériser

la physiologie en tant qu’étude des fonctions du vivant,et à la distinguer de la physico-chimie et de l’anatomie.Quelques années auparavant, Rudolf Virchow avaitcomplété les découvertes de Matthias Schleiden etTheodor Schwann démontrant la structure cellulaire detous les organismes vivants, par l’identification del’origine des cellules : “Omnis cellula e cellula” (Toutecellule dérive d’une autre cellule). Virchow, qui se livreà une analyse morphologique et fonctionnelle descellules et des tissus, normaux ou pathologiques, fondeconjointement en 1855, la physiologie et laphysiopathologie cellulaires. Les démarches scientifiquesde Claude Bernard, Mendel, Schwann et Virchow serejoignent dans une même reconnaissance de l’unitédu vivant. Elles sont aussi marquées d’une mêmeambition : parvenir à une représentation théorique dusavoir. D’emblée, Gregor Mendel généralise lesconclusions de ses travaux et attribue aux “facteurs”d’hérédité, qui seront ultérieurement appelés gènes, unepuissance explicative “de l’histoire de l’évolution desêtres organisés”. De même, Claude Bernard voit dansla fonction qui sollicite l’activité de plusieurs organes, unprincipe unificateur des êtres vivants. TheodorSchwann, de son côté, dira qu’il a conçu le principe dela structure cellulaire universelle du vivant avant d’enavoir éprouvé expérimentalement la généralité. Quantà Rudolf Virchow, il met un terme à l’hypothèse del’origine exogène des cellules et rattache la formation detout animal au développement d’une cellule unique,l’œuf. La formulation par Charles Darwin, en 1859, deson hypothèse fondamentale sur l’origine des espècesporte plus loin encore l’audace conceptuelle de labiologie du milieu de ce siècle. De ses observations,Darwin déduit la continuité du processus de spéciationchez les animaux. Ainsi, une singularité est reconnue àla matière vivante : elle évolue. L’œuvre de Louis Pasteur,contemporaine elle aussi, s’inscrit dans cette découvertedu continuum du vivant. En 1864, lors d’unedémonstration publique à la Sorbonne, Pasteur tranchela question de la génération spontanée desmicroorganismes. Un milieu de culture préalablementstérilisé ne génère pas de bactérie ; les bactéries, ellesaussi, proviennent d’autres bactéries. À cette idéefondatrice de l’unité du vivant, s’en ajoute une seconde.Toute tentative pour comprendre le fonctionnement etl’évolution des êtres vivants est vaine sans référence àl’étroite relation qui les unit à leur environnement...»

Texte intégral de la leçon inauguraledisponible sous le n° 169 et en vidéo

GÉNÉTIQUE ET PHYSIOLOGIE CELLULAIRE

Professeur àl’Institut Pasteur

depuis 1996 etDirectrice dulaboratoire deGénétique des

Déficitssensoriels.

Membre del’Académie des

Sciences (2002),Membre del’Academia

Europae (1998).

Quelques titulaires :François Jacob (1965-1991)Génétique cellulaireFrançois Morel (1967-1993)Physiologie cellulaire

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4 LA LETTRE - N° 7

Édouard BARD

a donné sa leçon inaugurale le 7 novembre 2002.Sa chaire a été créée par l’Assemblée desProfesseurs du 26 novembre 2000 enremplacement de la chaire de Physique statistiquede M. Philippe Nozières.

Extrait de la leçon inaugurale :«Je vous remercie vivement de m'accueillir

parmi vous. La chaire que vous avez créée à monintention témoigne de votre intérêt pour l'étudede l'environnement dont l'évolution peut êtred'origine naturelle ou liée à l'activité humaine. Jesuis conscient de la responsabilité qui m'incombecar il s'agit là de problèmes qui intéressent nonseulement la communauté scientifique spécialiséemais aussi la société dans son ensemble.

Je formule ces remerciements à titre personnelmais aussi au nom d'une discipline ou plutôt d'undomaine éminemment interdisciplinaire, à la croiséedes sciences de la Terre, de la biologie, de la physiqueet de la chimie. La création de cette nouvelle chairedédiée à l'étude du climat et de l'océan et à leurévolution dans le temps, constitue aussi lareconnaissance des travaux de toute une communautéscientifique, la participation française étant de toutpremier plan. Ma reconnaissance se tourneparticulièrement vers Xavier Le Pichon qui vous aprésenté le projet de chaire d'évolution du climat et del'océan. Ma présence parmi vous ce soir doit beaucoupà sa force de persuasion et à sa large vision des sciences.

Bien que la chaire d'évolution du climat et de l'océansoit nouvelle au Collège de France, elle s'intègrecependant dans le cadre plus large d'une série de chairesen sciences de la Terre et de l'Homme. Les travaux deXavier Le Pichon sur la tectonique des plaques ne sontpas aussi éloignés de mes préoccupations qu'il y paraîtde prime abord. En effet, le climat mondial évolue aussià très long terme suivant des rythmes dictés par ladynamique interne du Globe terrestre. L'étude del'aridité progressive et de l'évolution de la végétation

africaine au cours des derniersmillions d'années, a permis à YvesCoppens de proposer un cadrelogique à l'évolution des premiershommes et à la colonisation desautres continents. Avec le regard del'historien, Emmanuel Le RoyLadurie a pu reconstituer leschangements climatiques depuisl'an mil et notamment leur impactsur les sociétés depuis le Moyen Âge.

En remontant encore le temps, j'ajouterai lesnoms de Léonce Elie de Beaumont, Lucien Cayeuxet Paul Fallot au début du vingtième siècle maissurtout celui de Georges Cuvier, nommé en l'an1800 dans la chaire d'Histoire Naturelle. GeorgesCuvier est surtout connu et célébré pour avoir fondéla paléontologie. Bien que s'opposant farouchementaux théories naissantes de l'évolution, Cuviercherchait à expliquer la disparition des espècesd'animaux disparus qu'il décrivait. Selon lui, lescauses principales de ces changements étaient degrandes catastrophes environnementales. Dans son"Discours sur les Révolutions de la surface du Globe"Cuvier écrivait alors "Des êtres vivants sans nombreont été victimes de ces catastrophes : les uns,habitants de la terre sèche, se sont vus engloutis pardes déluges ; les autres qui peuplaient le sein deseaux, ont été mis à sec avec le fond des merssubitement relevé". Au sujet des fossiles desmammouths et rhinocéros laineux découverts enSibérie, il écrivait que la dernière grande catastrophe"a laissé encore, dans les pays du Nord, des cadavresde grands quadrupèdes que la glace a saisis, et qui sesont conservés jusqu'à nos jours avec leur peau, leurpoil, et leur chair. S'ils n'eussent été gelés aussitôtque tués, la putréfaction les aurait décomposés."..."C'est donc le même instant qui a fait périr lesanimaux, et qui a rendu glacial le pays qu'ilshabitaient. Cet événement a été subit, instantané,sans aucune gradation, et ce qui est si clairementdémontré pour cette dernière catastrophe ne l'estguère moins pour celles qui l'ont précédée."

En citant Cuvier, mon souhait est de me placerdans cette tradition d'étude d'une histoire naturelle quis'applique aux climats aussi bien qu'aux espècesbiologiques. Après avoir revendiqué cet aspecthistorique et descriptif de nos recherches surl'évolution de l'environnement, je veux aussi soulignerque ceci ne saurait suffire pour élucider les mécanismesdes changements de milieux complexes commel'atmosphère et l'océan. Le spécialiste de l'histoire duclimat se change donc en véritable climatologue dupassé dont les compétences doivent être multiples àl'interface de la climatologie, de la météorologie, del'océanographie et de la géologie. Ce sont aussi laphysique et la chimie qui seules peuvent nouspermettre de quantifier les changements climatiqueset les comprendre en tentant de les modéliser. Lechercheur se tourne alors vers la mécanique des fluidesou des milieux continus, la thermodynamique et lachimie des gaz ou des solutions aqueuses.»

Texte intégral de la leçon inauguraledisponible prochainement sous le n° 170 et en vidéo

ÉVOLUTION DU CLIMAT ET DE L’OCÉAN

Professeur àl’Université Aix-

Marseille III,Responsable de

l’équipe de«Géochimieorganique et

isotopes stables»au CentreEuropéen

de Recherche etd’Enseignement

de Géosciences del’Environnement(CEREGE, Aix-

en-Provence).

Quelques titulaires :Léonce Élie de Beaumont (1798-1874)Histoire naturelle des corps inorganiquesGeorges Cuvier (1800-1832)Histoire naturelleLucien Cayeux (1912-1936)Géologie Paul Fallot (1938-1960)Géologie méditerranéenne

5N° 7 - LA LETTRE

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Dans un film intitulé Alexandre le Grand,M. Pierre Briant retrace l’existenced’Alexandre le Grand de son enfance à samort.

Il analyse en particulier l'enfanced'Alexandre et son éducation, il s'attarde surl'histoire de la conquête, et il insiste plusparticulièrement sur la politique adoptée parAlexandre vis-à-vis des Perses et des éliteslocales.

Il rappelle les conditions de sa mort et ilévoque le lieu de son inhumation. Il estaujourd'hui admis par les historiens et lesarchéologues que sa tombe a été édifiée àAlexandrie. Malgré des recherchesnombreuses et passionnées, elle n'a pas étéretrouvée : mais l'espoir demeure qu'elle lesoit un jour. �

Pr. Pierre Briant

HISTOIRE ET CIVILISATION DU MONDE ACHÉMÉNIDE

ET DE L’EMPIRE D’ALEXANDRE

Alexandre le Grand

ACTUALITÉ DES CHAIRES

CRÉATIONS DE CHAIRES

Lors de l’Assemblée des Professeurs du 24 novembre 2002,deux chaires ont été créées :

� La chaire d’ÉPIGRAPHIE ET HISTOIRE DES CITÉS GRECQUES,en remplacement de la chaire de Rhétorique et société en Europede M. Marc Fumaroli.

� La chaire de GÉNÉTIQUE HUMAINE, en remplacement dela chaire de Génétique moléculaire de M. Pierre Chambon.

� Mme Mireille DELMAS-MARTY, Professeur à l’UniversitéParis I, a été nommée Professeur, titulaire de la chaire d’Étudesjuridiques comparatives et internationalisation du droit. Sa leçoninaugurale aura lieu le 20 mars 2003.

� M. Pierre-Louis LIONS, Professeur à l’Université de Paris-Dauphine, a été nommé Professeur, titulaire de la chaired’Équations aux dérivées partielles et applications. Sa leçoninaugurale aura lieu le 22 mai 2003.

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NOMINATIONS DE PROFESSEURS

Film de 26 minProduit par : Gédéon Programmes, Histoire,CNRS Images mediaAuteur : Nassera ZaïdAuteur scientifique : Pierre BriantRéalisateur : Serge Tignères, 2001

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France Culture, partenaire du Collège de France, soutient les missions du Collège de France en radiodiffusant lescours des professeurs. Ainsi les enseignements dispensés sont accessibles à un plus large public.

Pour les semaines à venir, du lundi au jeudi, dans l’émission «L’éloge du savoir», vous retrouverez :du 3 au 6 février, le Professeur Jean Kellens

du 10 au 13 février, le Professeur Daniel Rochedu 17 au 20 février, le Professeur Philippe Kourilsky

du 3 au 6 mars, le Professeur Christine Petit.

Ce film est disponible en cassettes VHS, PALou SECAM (Prix : 27,84 euros TTC)Vous pouvez adresser vos commandes à : CNRS Diffusion Vidéothèque Photothèque Sophie DESWARTE Tel : 01 45 07 56 91 Fax : 01 45 07 58 60 E-mail : [email protected]

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Quel l e s sont l e s conséquences desnouvelles techniques procréatives sur la naturede l’homme ? Les sociétés libérales ont-elles enelles-mêmes les ressources éthiques suffisantespour tracer une ligne de démarcation entre desinterventions dont la finalité médicale estsuffisamment claire et celles qui nous feraiententrer dans un nouvel eugénisme ? La possibilitéde déterminer les caractères génétiques des êtreshumains à venir n’est-elle pas contradictoire avecles principes fondamentaux d’une sociétédémocratique (autonomie et égalité despersonnes) ? À partir de quel moment la libertéofferte aux parents de choisir ces caractèresrisque-t-elle de s’opérer aux dépens de celle desenfants, comprise comme possibilité des’autodéterminer ? Comment penser le

déplacement problématique de la frontière entrece que nous héritons de la nature et ce que noussommes désormais capables de faire de cettenature ? Telles sont quelques-unes desinterrogations soulevées par le livre de JürgenHabermas.

Pour en débattre le GTEPS a réuni unedizaine de ses membres et invité Jean-PierreChangeux et Monique Canto-Sperber. Ontégalement assisté à la séance Éric Vigne, deséditions Gallimard, qui avait obligeamment misà la disposition des participants des exemplairesdu livre de Habermas, les traducteurs ChristianBouchindhomme et Rainer Rochlitz, et lephilosophe Bertrand Saint-Sernin (membre del’Académie des sciences morales et politiques).

Jean-Paul Amann

PHILOSOPHIE DES SCIENCES BIOLOGIQUES ET MÉDICALES

Le GTEPS s’est constitué en 2001dans le cadre de la chaire dePhilosophie des sciences biologiqueset médicales du Pr. Anne Fagot-Largeault, sous la responsabilité de sonassistant Jean-Paul Amann. Il réunittrente étudiants et chercheurs(philosophes, mais aussi biologistes,juristes, psychologues, sociologues) surdes thèmes de philosophie et d’éthiquedes sciences.

le Pr. Anne Fagot-Largeault et quelquesmembres du GTEPS

Marc Kirsch et le Pr. Jean-Pierre Changeux

Le Pr. Jürgen Habermas et le Pr. Anne Fagot-Largeault

Jean-Paul Amann etBertrand Saint-Sernin

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Le mercredi 4 décembre, le Groupe de Travail sur l’Éthique et la Philosophie des Sciences(GTEPS) a organisé une séance de séminaire avec le philosophe Jürgen Habermas, sous laprésidence de Mme le Professeur Anne Fagot-Largeault.

Jürgen Habermas a répondu à des questions sur L’Avenir de la nature humaine (Gallimard,2002), le livre dont il venait présenter à Paris la traduction française.

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Le Laboratoire de Physique Corpusculaire etCosmologie s’est réuni pour ses journéesbiennales à Dieppe du 19 au 21 novembre 2002.Les divers projets et activités ont été passés enrevue dans tous les domaines.

Ces journées étaient en partie coupléesavec celles de la Fédération de Recherche APC(Astroparticules et Cosmologie), FR 2562,dont le Laboratoire est membre à part entièreavec des équipes du CEA/DAPNIA, de

l’Observatoire de Paris et du départementSPM du CNRS.

Cette Fédération de Recherche préfigure leLaboratoire APC de l’UFR de Physique deParis 7 qui s’installera sur le site de Tolbiac-Grands Moulins au début de 2005.

Les trois axes de recherche sont la cosmologieobservationnelle, les neutrinos et les phénomènescosmiques de haute énergie, avec une fortesynergie entre l’expérimentation et la théorie.

PHYSIQUE CORPUSCULAIRE ET COSMOLOGIE

Pr. Marcel Froissart

L’appareil en train de décoller et de larguerson ballon auxiliaire.

La carte du trajet suivi par l’expérience en février 2002,en cours d’exploitation.

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Le décollage de l’appareil,encore maintenu par les physiciens.

En vue de loin, le décollage majestueux du ballon principal.

Archeops sonde les confins de l’univers

L’expérience Archeops vient de publier lesmesures les plus précises jamais obtenues sur unegrande gamme d’échelles angulaires durayonnement fossile émis par l’Univers. Cesmesures ont été effectuées le 7 février 2002, lorsd’un vol en ballon stratosphérique assuré par leCNES depuis la base de Kiruna (Suède).

Les résultats obtenus confirment quel’Univers est spatialement plat et apportent des

précisions sur le contenu de l’Univers en matièreordinaire, en parfait accord avec la théorie duBig-Bang.

L’équipe du laboratoire de PhysiqueCorpusculaire et Cosmologie qui participe à ceprojet a apporté des contributions importantes,tant sur l’aspect instrumental que sur celui del’analyse des données.

Le PCC se réunit et prépare sa migration à Tolbiac.

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L’Inde contemporaine, pourdes raisons politiques et religieuses,s’intéresse de plus en plus à sonlointain passé. Elle s’interroge surdeux moments de son histoire,tout à fait distincts pour lesOccidentaux et de nombreuxsavants indiens, tout à faitindissociables selon beaucoupd’hindous. La civilisation urbainedite de l’Indus parce que ses deux

plus grandes villes,Harappa etMohenjo-Daro,s’élevaient dans lavallée de l’Indus,datée par desméthodes physico-chimiques assezsûres de c. 3.200

avant n.è. à 1800 avant n.è., esttraditionnellement considéréecomme prévédique, c’est-à-direcomme antérieure à l’arrivée en Inde des Aryas et àl’introduction de leur langue, le sanskrit. Des hindousnationalistes considèrent au contraire que cettecivilisation, l’une des plus brillantes que l’Inde ait connue,est aryenne, hindoue et qu’on y parlait et écrivait lesanskrit.

Deux séminaires de la chaire d’histoire du mondeindien ont été consacrés à ces problèmes. De nombreuxsavants français et étrangers nous ont fait l’honneur d’yparticiper ou de donner conférences et cours sur ce sujet.

Mais aucun n’avait la doubleexpérience de fouilles au Pakistanet en Inde. La venue deM. Gregory Possehl, Professeurà l’Université de Pennsylvanie,permettra de combler cettelacune. M. Possehl, auteur etéditeur de plusieurs ouvrages desynthèse sur la civilisation del’Indus, après avoir dirigé desfouilles dans la vallée de Quetta,au Baluchistan pakistanais, a eu lerare privilège d’être autorisé parles autorités indiennes à fouillersur le sol indien. Il a dirigé lesfouilles d’Oriyo, Rojdi et BabarKot au Gujarat. Il estactuellement le directeuraméricain des fouilles indo-américaines de Gilund auRajasthan.

Cette expérience demultiples terrains en Inde et au

Pakistan, probablement unique chez les archéologuescontemporains, inspirera les quatre leçons qu’il donnerasur la civilisation de l’Indus sous le titre général de «TheIndus Civilization : A Contemporary Perspective». Ellesauront lieu salle 2, de 14 heures 30 à 15 heures 30, lesmardis 18 février («The Foundations of the IndusCivilization»), 25 février («The Ideology of the IndusCivilization»), 4 mars («The Indus Civilization and theThird Millenium Middle Asian Interaction Sphere») et11 mars 2003. �

HISTOIRE DU MONDE INDIEN

Pr. Gérard Fussman

M. Gregory Possehl a été invité parl’Assemblée des Professeurs du 30juin 2002, sur la proposition duPr. Gérard Fussman, à venir donnerun enseignement de quatre leçonsau Collège de France. La pièce la plus célèbre de l’activité artistique

harappéenne est sans doute ce buste enstéatite d’un personnage masculin appelé«roi-prêtre», découvert en 1927 parl’archéologue K.N. Dikshit.

PALÉOANTHROPOLOGIE ET PRÉHISTOIRE

Le documentaire «L’odyssée del’espèce» a été projeté en avant-première au Collège de France, le18 décembre 2002.

Ce film co-produit parFrance 3 et réalisé par JacquesMalaterre sous la directionscientifique du Pr. Yves Coppens.

Ce documentaire, d’une duréed’une heure trente, est le fruit d’un travailde plus de deux ans. Traiter de l’originede l’homme à la télévision constitue undéfi pour de multiples raisons car parlerà la télévision d’une période sans imagesest une véritable gageure, et un triple défiartistique, technologique et financier. �

Pr. Yves Coppens et Pr. Jacques Glowinski,Administrateur.

Mme Patricia Boutinard Rouelle, Directrice de l’unitédocumentaire de France 3 et M. Marc Tessier, Président deFrance Télévisions..

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ACTUALITÉ DES PROFESSEURS INVITÉS

J’ai eu l’honneur d’être invitée au Collègede France grâce à la longue collaboration quiunit depuis plus de vingt ans le Départementde Sciences Archéologiques de monUniversité à l’équipe toulousaine dirigée parJean Guilaine. Dès 1980 en effet le Centred’Anthropologie et les Universités de Pise etde Lecce débutaient un programme derecherches sur les débuts du néolithique dansle Sud-Est de l’Italie, sous la directionconjointe de Jean Guilaine et de GiulianoCremonesi. L’intérêt des deux spécialistespour ce problème les a conduits à ouvrir,pendant douze ans, des chantiers de fouillesarchéologiques dans deux sites clés pour lacompréhension de cette période enMéditerranée occidentale : Torre Sabea(Lecce) et Trasano (Matera). Cettecollaboration n’a pas pris fin après le décèsde G. Cremonesi : relations intellectuelles etéchanges constants entre les membres desnos deux équipes n’ont pas cessé. Aujourd’huiencore nos étudiants continuent de travaillerensemble et peuvent approfondir lesméthodologies appliquées dans chaquecentre par les chercheurs qui y travaillent.

Dans le cadre de cette collaboration, j’aidonc eu l’occasion de donner deux leçonsau Collège de France, institution de laquelle,je dois l’avouer, je me faisais une fausse idéeremontant à mes souvenirs de lycéenne : jela percevais comme une académie de poèteset de philosophes, liée au nom deFrançois Ier, une sorte d’entité abstraite dontje suivais de très loin certaines activités.

La réalité que j’ai rencontrée anaturellement été bien différente et j’ai pume rendre compte de la modernité et de lacomplexité de la structure, de la diversitédes matières que l’on y enseigne, des débatssur le grands thèmes de la recherche

contemporaine, mais aussi de la courtoisieet de l’accueil que l’on réserve auxchercheurs qui participent aux activités del’institution ou au public que l’on y reçoit.

Les arguments que j’avais choisisd’aborder concernaient plus particulièrementdeux périodes cruciales de la préhistoire del’Italie centrale : le Néolithique ancien et ledébut des Âges des métaux.

La première leçon s’insérait dans lecadre plus ample des colloques organiséspar J. Guilaine sur le problème de ladiffusion de l’économie agricole dansl’Europe occidentale au cours du6e millénaire avant J.C. Le Néolithiqueancien de la région tyrrhénienne s’intègreen effet dans un large courant culturel, celuide la céramique cardiale qui se développeen Sardaigne, en Corse, dans la régionligure et provençale pour finalementatteindre la péninsule ibérique : il faut doncanalyser les analogies des céramiques, desindustries lithiques, les typologies deshabitats mais aussi les parentés touchant àla sphère idéologique (sépultures,manifestations artistiques) aussi bien queles échanges de matières premières –silex,obsidienne, roches vertes– qui nouspermettent de reconnaître les voies dediffusion et les parcours terrestres etmaritimes.

La deuxième leçon a traité desdébuts de la métallurgie, technique quise manifeste en Occident avec un certainretard par rapport aux civilisations duProche Orient, et ne se généralise iciqu’au 3e millénaire avant J.C.

Cette période présente en Italie denombreux problèmes dus à des lacunesdans la documentation, très abondantepour ce qui concerne les sépultures mais

encore trop peu fournie dans le domainedes habitats et de la vie quotidienne.

En Italie du Sud et du Centre, lessépultures sont pratiquées dans des petitshypogées. On y remarque la présenced’individus mâles pourvus de poignards et dehaches en cuivre, de pointes de flèches àarmatures en silex, de parures en pierre, os,coquillages ou métal, et, parfois, de bâtons decommandement en pierre. Ces données nousfont entrevoir une idéologie tout à fait nouvellepar rapport à celle du Néolithique, période aucours de laquelle les références symboliquesféminines paraissent dominantes. Poignards,haches et colliers sont également présents surles statues stèles et sur les gravures rupestresdes Alpes. On peut donc supposer quequelque chose a changé dans la structuresociale, désormais marquée par l’apparition dechefs guerriers dans une société agricole detradition néolithique. On peut enfinremarquer, parmi les nouveautés, la présenced’éléments égéens dans le mobilier funéraire,vestiges qui font défaut dans les villages. C’estalors qu’apparaît aussi le cheval domestique.

La circulation du cuivre accentue lesrapports avec les pays d’Europe occidentaleet les régions italiennes riches en métaux,comme la Toscane et la Sardaigne. Celles-cijouent un rôle déterminant dans les contactsavec la France et la péninsule ibérique.

Cette rencontre a donc confirméqu’il nous est possible de pratiquer à lafois échanges documentaires et débatsd’idées entre la France et l’Italie,relations dont je souhaite qu’ellespuissent continuer encore longtemps.

Renata Grifoni Cremonesi

Les revues : ARCHEO et ARCHEOLOGIAVIVA, à large diffusion conseillent chaque moisles livres et les sites Internet concernantl’archéologie préhistorique italienne.

Renata GRIFONI CREMONESI

Professeur à l’Université de Pise, elle a été invitée par M. Jean Guilaine à venir donnerun enseignement au Collège de France, en 2002.Ses conférences ont porté sur :- Le néolithique de l’Italie centrale,- L’âge du Cuivre de l’Italie centrale. D

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À la fin du 19e siècle, des archivescontenant près de 380 tablettes d’argilefurent découvertes en Egypte, à El-Amarna.Écrites en akkadien, en caractèrescunéiformes, elles représentent une partiede la correspondance diplomatique despharaons Aménophis III et Aménophis IV(Akhenaton), au 14e siècle av. JC. La plupartsont des lettres adressées à l’Égypte par desétats d’Asie occidentale, tels que la Babylonieet Hatti ou par des cités-états cananéennesvassales, comme Jérusalem et Megiddo.D’autres semblent être des copies de lettresenvoyées par l’Égypte. Nombre de cestablettes sont fragmentaires, ne révélant nileurs auteurs ni leur provenance. Après unsiècle de recherche, les méthodes historiquestraditionnelles ont abouti à une impasse etde nombreuses énigmes demeurent.

Récemment, une approche totalementdifférente de ce matériel a été proposée partrois chercheurs de l’Université de Tel Aviv :Yuval Goren, archéologue spécialiste depétrographie, Nadav Naaman, historienspécialiste des archives el-amarniennes, et moi-même, archéologue spécialiste du Levant auxépoques du Bronze et du Fer. Notre idée futd’appliquer à l’argile des tablettes les analysesminéralogiques et chimiques utilisées jusque-là pour d’autres types de trouvaillesarchéologiques. Plus de 300 tablettes,conservées au musée Vorderasiatisches à Berlin,au British Museum, au Ashmolean Museumà Oxford et au Musée du Louvre, furentexaminées, afin d’en déterminer la provenanceet d’aider à résoudre certaines des énigmesrelatives à la géographie historique du ProcheOrient ancien. Je prendrai ici pour exemple laquestion d’Alashiya.

La localisation d’Alashiya, l’un des plusimportants royaumes de la Méditerranéeorientale au second millénaire av. JC., fait

l’objet d’un débat depuis près d’un siècle. Lesévidences textuelles soulignent sa puissancenavale et sa force économique, fondée sur laproduction de cuivre. La majorité desscientifiques identifie Alashiya avec Chypre etfait d’Enkomi - site archéologique importantdu Bronze Récent situé sur la côte orientale -sa capitale. Une minorité de vues la situe enCilicie au sud de la Turquie, ou dans le nord-ouest de la Syrie.

Les méthodes traditionnelles n’ayant paspermis de trancher entre ces vues, nousavons appliqué l’analyse pétrographique àquatre lettres d’Alashiya trouvées à El-Amarna et conservées à Londres et à Berlin.Elle nous permit de déterminer de façonprécise leur origine géologique etgéographique. Les caractéristiquespétrographiques de l’argile et des inclusionsdes tablettes indiquent une région à la limited’un assemblage ophiolitique et d’une zonesédimentaire. Ironiquement, il se trouve quetoutes les régions proposées pourl’identification d’Alashiya sont au voisinaged’assemblages ophiolitiques ! Toutefois, seulela région au sud-ouest de la chaîne desTrodoos dans l’île de Chypre allie toutes lesspécificités pétrographiques des tablettes.

Les résultats furent si inattendus que nouscherchâmes à les vérifier par l’analyse d’unelettre du 13esiècle, adressée par le roi d’Alashiyaau roi d’Ougarit sur la côte syrienne. Cettelettre, (RS L.1), examinée lors de mon annéesabbatique à la Sorbonne en 1999, estconservée au Musée du Louvre. Les résultatsfurent sans appel : les lettres d’El-Amarna etcelle d’Ougarit étaient faites de la même argileet des mêmes inclusions. Cette similarité, à unsiècle d’écart, renforce notre sentiment que lesquatres lettres n’ont pas été envoyées par hasardde cette région sud-ouest. La capitaled’Alashiya, au 14e siècle tout comme au

13e siècle, était bien située dans cette régiondu sud-ouest au piémont des Troodos.

Dans cette région, seuls deux sitesarchéologiques peuvent prétendre, par lamonumentalité de leurs vestiges, au statutd’important centre administratif à l’époquedu Bronze Récent : il s’agit de Kalavasosdans la vallée du Vasilikos et Alassa dans lavallée du Kouris au piémont des Troodos.Entre les deux possibilités, mes collègues etmoi optons pour la dernière : sa situationgéographique à mi-chemin entre la côte etles mines de cuivre sur les hauteurs desTroodos, est idéale pour l’exploitation et lacommercialisation de la production decuivre. D’ailleurs, près d’Alassa, nous avonsdécouvert la présence de couches d’argile entout point similaire à celle des tablettes.

Alashiya est donc bien Chypre, mais sacapitale ne se situait pas sur la côte orientale àEnkomi. Elle était établie dans le sud-ouest del’île, au pied des monts Troodos, probablementà Alassa. Cette localisation permettraitégalement de comprendre un terme évoquédans une autre lettre d’Alashiya trouvée àOugarit, dans laquelle le préfet d’Alashiyaprévient le roi d’Ougarit que des ennemis ontaccosté, mais ont poursuivi leur chemin sanstenter d’atteindre «les montagnes». Ces«montagnes» pourraient bien faire référence àla capitale, située au piémont des Troodos.

Israel Finkelstein

Je tiens à remercier A. Caubet et B. Andre-Salvini du Musée du Louvre pour leur précieuseassistance.Références bibliographiques

Goren, Y., Bunimovitz, S., Finkelstein, I. andNaaman, N. In Press. The Location of Alashiya :New Evidence from Petrographic Investigation of theAlashiyan Tablets from El-Amarna and Ugarit.American Journal of Archaeology. 2002.Site Internet

http://www.tau.ac.il/humanities/archaeology/projects/index.html

Israel FINKELSTEIN

Professeur à l’Institut d’Archéologue de l’Universitéde Tel Aviv, il a été invité par M. Javier Teixidor àvenir donner un enseignement au Collège de France,en 1999.Sa conférence a porté sur :«The rise of early Israel : archaeology and ethnicity».

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Une énigme de l’époque du Bronze récent :la localisation du royaume d’Alashiya

L’équipe «Amarna» en train d’examiner une tabletted’Amarna au Musée de Berlin. De gauche à droite :Prof. Nadav Naaman, Israel Finkelstein et Yuval Goren.

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Des Professeurs du Collège de Franceréunissant biologistes, médecins, philosopheet juriste, conscients de l’importance desenjeux éthiques et scientifiques du débatdémocratique en cours à l’occasion de larévision des lois de bioéthique, pensentjouer pleinement leur rôle de citoyens enrendant publiques les conclusions de leurréflexion commune.

Ils ont soumis au Ministre de la Santé,au Premier Ministre, et au Président de laRépublique, le texte suivant qui appellel’attention sur cinq points :

1 Le clonage humain n’est pas uneméthode de reproduction

admissible, pour les raisons éthiquesdéveloppées dans le rapport (n° 54,1997) du Comité consultatif nationald’éthique en réponse à une question duPrésident de la République, ainsi quedans le rapport (RST n° 14, 2002) del’Académie des Sciences, et enapplication des principes juridiquesinternationaux auxquels la France asouscrit.

2 Les thérapies cellulaires offrentpour la médecine un avenir

prometteur, en rendant possible letraitement, par greffe cellulaire, du

diabète, des cardiopathies, des cancers,des lésions de la moelle épinière, desmaladies neurodégénératives, etc. Ilconvient toutefois d’éviter que ne sedéveloppent des applicationsthérapeutiques précipitées, avant queles indispensables recherchesfondamentales, y compris sur desmodèles animaux, aient été réalisées.

3 Une recherche de niveauinternational (comme elle se fait

déjà en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Israël, en Suède) doit doncêtre autorisée et encouragée, sur lespotentialités comparées de différenteslignées de cellules souches :- lignées cellulaires issues de cellulessouches prélevées sur des tissusadultes, - lignées cellulaires provenantd’embryons surnuméraires voués à ladestruction, et cultivées in vitro pourune durée limitée, - lignées cellulaires issues de cellulessouches pluripotentes, obtenues partransfert dans un ovocyte d’un noyaucellulaire somatique immunologiquementcompatible avec le bénéficiaire éventuelde la greffe, et cultivées in vitro pour unedurée limitée.

4 Pour éviter le détournement destechniques de recherche vers des

applications éthiquement contestables,il est nécessaire que toute recherche surdes cellules souches humaines fassel’objet d’un contrôle public régulier.

5 Face aux incertitudes de lamondialisation, il paraît urgent de

mettre en place une instanceinternationale - un comité mondiald’éthique - qui soit le lieu d’élaborationd’un nouveau contrat social sur l’éthiquedes sciences de la vie et de la santé, et deleurs applications technologiques etmédicales. �

Ce texte a été publié dans Le Monde dumercredi 29 janvier 2003.

RÉFLEXIONS SUR LES LOIS DE BIOÉTHIQUE

Professeur Alain BERTHOZ - Chaire de Physiologie de la Perception et de l’ActionProfesseur Jean-Pierre CHANGEUX - Chaire de Communications CellulairesProfesseur Pierre CORVOL - Chaire de Médecine ExpérimentaleProfesseur Mireille DELMAS-MARTY - Chaire d’Études Juridiques Comparatives et Internationalisation du DroitProfesseur Anne FAGOT-LARGEAULT - Chaire de Philosophie des Sciences Biologiques et MédicalesProfesseur Jacques GLOWINSKI - Chaire de NeuropharmacologieProfesseur Christine PETIT - Chaire de Génétique et Physiologie CellulaireProfesseur Armand de RICQLÈS - Chaire de Biologie Historique et Évolutionnisme

Professeurs Honoraires du Collège de France : Étienne-Émile BAULIEU, Pierre CHAMBON, Jean DAUSSET, François GROS, François JACOB, Pierre JOLIOT,Yves LAPORTE, Nicole LE DOUARIN, François MOREL.

QUESTIONS D’ACTUALITÉ

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Que pensez-vous de la place donnée à larecherche scientifique en France ?

J’ai l’impression que la recherche n’a pasdu tout été une priorité pour lesgouvernements qui se sont succédé depuisun certain nombre d’années en France. DansLe Monde du 14 novembre dernier, ontrouve un graphique représentant lacroissance annuelle moyenne entre 1995 et2000 de l’effort de recherche : sur 17 pays(les Quinze plus les États-Unis et le Japon),la France arrive en dernière position avecune croissance annuelle négative, c’est-à-direen fait une diminution de l’ordre de 1,5 %.Si les chiffres sont exacts, c’est évidemmentconsternant. On voit mal comment onatteindrait l’objectif affiché de consacrer 3 %du PNB à la recherche. Nous sommes à vraidire dans une situation un peucatastrophique par comparaison avecd’autres pays, comme les États-Unis, quiinvestissent massivement dans la rechercheet l’enseignement supérieur.

Que la France se classe derrière tous lespays européens du point de vue de l’effortde recherche est inquiétant. Et c’estinjustifié, dans la mesure où nous avons deschercheurs de très grande qualité, brillantset motivés, qui mériteraient un effort plussoutenu de la part des gouvernements.

En dehors de ces données budgétaires,quelle est la place réelle de la France dansl’Europe de la recherche ?

Nous vivons aujourd’hui sur l’acquis desgrands efforts d’investissement réalisés dansles années 1960. En physique, des équipes derecherche de grande qualité se sontconstituées et ont exercé un fort pouvoird’attraction sur les jeunes étudiants. Lacréation des enseignements de troisième

cycle a eu un effet très positif pour laformation de ces étudiants. Ajoutons-yl’enseignement donné au Collège de France.Il s’est créé ainsi un vivier très important dechercheurs de qualité, de niveauinternational. Nous continuons sur notrelancée parce que des équipements existent etque nous avons des chercheurs extrêmementmotivés, mais à long terme je suis inquiet :si la tendance actuelle au désengagement sepoursuit, nous décrocherons nécessairement.Les budgets de fonctionnement de monéquipe sont aujourd’hui dix fois inférieurs àceux de nos concurrents américains,allemands ou japonais.

Même dans un centre d’excellencecomme le Collège de France, les créditsconsacrés à la recherche proprement dite ontdiminué au cours des 10 dernières années.Certes, le Collège de France a dû consacrerdes crédits importants à la rénovation de seslocaux, et c’est une réussite magnifique. Maiscela induit des frais nouveaux, et pour lapremière fois depuis près de 30 ans, unepartie des crédits de recherche scientifique aété prélevée pour faire face à ces dépensessupplémentaires. J’espère que le ministèrede la Recherche saura remédier très vite àcette situation désastreuse.

Bien sûr, pour soutenir la recherche, laFrance dispose d’autres institutions qui ontjoué un rôle essentiel. Le CNRS,notamment, a permis à des chercheurs dese consacrer à temps plein à leur activité. Ila eu un effet extrêmement positif, et grâceà lui la recherche française a gardé sa vitalité.Mais le CNRS est devenu très gros : près de80% de ses crédits sont consacrés auxsalaires, et il lui reste très peu de latitudepour soutenir les actions de recherchefondamentale. Trop lourd à gérer, il n’a pas

la souplesse et la réactivité nécessaire poursoutenir, par exemple, une ligne derecherche émergente à laquelle il faudraitconsacrer rapidement des efforts.

Autre souci : de plus en plus, lescrédits sont attribués à des programmessoi-disant prioritaires, mais à court terme.Je trouve qu’on perd de vue, en Francecomme ailleurs, le fait que la rechercheest une entreprise de long terme. Qu’elleexige de l’ambition. Les idées qui ferontles technologies de demain, celles quenous utiliserons dans 20 ans, naissent dela recherche fondamentale d’aujourd’hui.C’est donc aujourd’hui qu’il faut prendrel’engagement de la développer ensoutenant les centres d’excellence, sans lesobliger à travailler sur tel ou tel thèmesoi-disant prioritaire.

Il faut donc aussi un effort de formation ?Bien entendu, et il faut rappeler, à cet

égard, l’importance des grandes écoles, quijouent un rôle particulier en France du faitde la sélection qu’elles opèrent à l’issue desclasses préparatoires. Même si la plupartdes grandes écoles préparent à des métiersprécis plutôt qu’à la recherche, il serait bonqu’elle donnent à leurs étudiants uneculture générale de haut niveau, quipermette éventuellement à certains d’entreeux de rejoindre la recherche active et decontribuer au progrès des connaissances.

Le Professeur Claude Cohen-Tannoudji, titulaire de la chaire de Physiqueatomique et moléculaire, a bien voulu nous accorder une interview et donnerson point de vue sur l’article intitulé :«L’Union européenne accroît et élargit son effort de recherche»de M. Pierre Le Hir, paru dans «Le Monde» du 14 novembre 2002.

L’EUROPE DE LA RECHERCHE

Pr. Claude Cohen-Tannoudji

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En ce qui me concerne, trois des meilleurschercheurs que j’aie jamais recrutés aucours des 20 dernières années sont desélèves de l’école Centrale. Cette écoleprépare à des métiers d’ingénieurs, maisproposait autrefois une option « physique »qui visait à donner aux étudiants une visionglobale de la physique actuelle et desgrandes tendances de son évolution. Lesétudiants intéressés par cette filière, 10 ou20 par an, venaient visiter des laboratoireset, parmi ceux qui ont finalement optépour la recherche, certains ont eu uneréussite remarquable parce qu’ils avaientun grand talent pour l’expérience, un sensconcret, une habileté expérimentale quen’avaient pas d’autres élèves de grandesécoles plus théoriques. Malheureusement,cette option a été supprimée et remplacéepar d’autres, plus spécialisées. C’est unesource de recrutement qui disparaît. C’estgrave. En effet, il faut que les lycéens etles élèves de classes préparatoires sachentque, quelle que soit la filière qu’ils ontchoisie, ils peuvent toujours s’orienter versune carrière de recherche s’ils en ont ledésir. C’est très important, parce que lestechnologies de pointe actuelles, s’il fautévidemment les développer et les soutenir,n’en seront pas moins obsolètes dans 20ans – et avec elles les chercheurs qui ensont les spécialistes. En revanche, c’est derecherches fondamentales effectuéesaujourd’hui que sortiront les technologiesqui auront cours dans 20 ans. Concentrer

tous les efforts sur des recherches appliquéesaux besoins et aux techniques d’aujourd’huiest donc une politique à courte vue.

Ajoutons, sur ce point, que l’une desinstitutions françaises les plus aptes à réagir età explorer de nouvelles voies est le Collègede France, où les professeurs ont toute libertéde choisir des thèmes qui leur semblentporteurs et prometteurs, de les explorer et deles présenter à leurs auditeurs, au fur et àmesure de l’avancement de leurs travaux. Ilfaut absolument préserver et favoriser cetteinstitution, qui est un ferment de progrès.Or je crains que les moyens qu’on lui accordene soient pas à la mesure de ses ambitions.

Les politiques de recherche privilégient desorientations stratégiques liées aux besoinsimmédiats de l’économie, et négligent lelong terme ?

Je pense qu’il y a place dans notrepays pour une recherche «dedéveloppement». Quand une technologieest bien identifiée, il faut la faire passerdans l’industrie. Cela nécessite un effortde recherche et développement qu’il fautsoutenir. De ce point de vue, je ne suispas opposé à l’affichage de certainssecteurs prioritaires. Mais ce n’est pas enconcentrant l’essentiel de l’effort financiersur des politiques de développementqu’on résoudra tous les problèmes. Si onpasse en revue la plupart des inventionsqui conditionnent notre vie actuelle, qu’ils’agisse du laser, du transistor, de l’IRM,

ou d’autres techniques omniprésentes, ons’aperçoit qu’elles ne sont pas le résultat derecherches planifiées : elles sont nées derecherches fondamentales dont ellesn’étaient pas l’objectif initial.L’application vient après coup : ce n’estqu’à la suite de découvertesfondamentales – une fois qu’unphénomène biologique ou physique estmieux compris – qu’on prend consciencedes applications possibles. Ainsi, leschercheurs ont essayé de comprendrecomment la lumière pouvait êtreamplifiée dans un milieu atomique, et cen’est qu’ensuite qu’est venue l’idée dulaser. Autre exemple : c’est en essayant decomprendre comment les électrons sepropagent dans les semi-conducteursqu’est apparue l’idée du transistor.

Un volontarisme à courte vue ne suffitpas. Ce n’est pas en disant : «je vais résoudrele problème du sida, de l’énergie ou del’environnement», qu’on parvienteffectivement à des solutions. Celles-ciapparaîtront vraisemblablement àl’occasion de découvertes fondamentalesconcernant des mécanismes, des processusbiologiques, par exemple, dont ons’apercevra qu’ils jouent un rôle essentieldans le développement du sida. À partir dela compréhension de tels phénomènes debase, on trouvera le moyen de développerdes stratégies de lutte contre ces maladies.C’est pourquoi il est indispensable depréserver la recherche fondamentale.

Source : Le Monde du 14 novembre 2002

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Les politiques de la recherche ont du malà s’adapter à la fois à la politique et à larecherche.

Il y a là deux temporalités difficiles àconcilier. Mon idéal serait que la rechercheet, de manière plus générale, l’éducation etl’enseignement supérieur soient considéréscomme des priorités nationales. Il faudraitqu’elles échappent aux aléas de la politique,c’est-à-dire que les gouvernementss’engagent à prendre des décisions à longterme sur ces secteurs prioritaires, avecl’assurance que les orientations ne serontpas remises en cause au gré deschangements d’alliance ou de majorité. Dedroite ou de gauche, nous sommes tousconcernés par l’éducation et par l’avenir dela recherche parce que la vie de nos enfantsen dépendra en grande partie. Ce sont desobjectifs qui ne dépendent pas d’unecouleur politique. Il faut dire clairementque la recherche, pour être efficace etproductive, suppose une planification àlong terme. Il faut 10 ou 20 ans pourformer une équipe de rechercheperformante sur le plan international. Leshommes politiques ont peu d’intérêt pourle long terme, la durée d’un mandatpolitique n’excédant guère 4 ou 5 ans. Cestemporalités sont incompatibles. C’est decela que nous souffrons. Pour engager desprogrammes ambitieux, il faudrait deshommes politiques qui aient une visionambitieuse à très longue portée qui dépasseleur intérêt propre ou celui de leur proprecamp, des hommes soucieux de l’intérêtfondamental du pays et même, de manièreplus générale, de l’humanité.

L’Europe de la recherche apporte-t-elle dessolutions nouvelles ?

L’Europe de la recherche a des aspectsextrêmement positifs. L’un des premiers estle fait que les chercheurs ont l’impressionappartenir à une même communauté :l’Europe est perçue comme un ensemblecohérent. Il y a eu des réussitesexceptionnelles, comme le CERN. Lescontrats de recherche européens et lesréseaux qui se sont mis en place ont permisune circulation beaucoup plus grande deschercheurs. Dans mon laboratoire, plus dela moitié des chercheurs sont des européens(non français), venus pour une thèse, unpost-doc ou une année sabbatique. Cebrassage favorise les échanges culturels et

les contacts personnels, il renforcel’impression d’appartenir à une mêmecommunauté. Sur le plan scientifique, ilfacilite la transmission de l’information etl’établissement de liens durables entre leséquipes de recherche. C’est très positif.

En revanche, on aurait pu espérer quel’Europe permette de développer descentres d’excellence pour la recherchefondamentale, et lui donne une ambitionvigoureuse. Or, selon le graphique publiépar Le Monde, la répartition des11,3 milliards d’euros du 6e programmecadre de recherche et développementconcerne uniquement des problèmes trèsprécis : de l’aéronautique à la génomique,des écosystèmes aux nanotechnologies, etc.Ce sont autant de secteurs effectivementtrès importants, mais j’aurais vraimentsouhaité qu’on donne aussi sa place à larecherche fondamentale, qui sembleoubliée. Elle pourrait prendre la formed’une incitation à déposer des projets nonfinalisés, qu’on prendrait l’engagement desoutenir pourvu qu’ils soient reconnus dequalité excellente. C’est cette ambition etcette motivation qui permettra derassembler des chercheurs européens surdes idées nouvelles, sans les assujettir à desobjectifs à court terme.

L’Europe peut-elle rivaliser avec les États-Unis, en matière de recherche scientifique ?

L’Europe a beaucoup d’atouts : ellereprésente une force et une capacitéintellectuelle considérable, tout à faitcomparable à celle des États-Unis. Il luifaudrait simplement un peu plusd’ambition, de dynamisme, desouplesse, pour permettre aux talents des’épanouir, aux réflexions de s’exprimer.

Aux États-Unis, la recherche et lesgrandes universités disposent d’importantessources de financement provenant dumécénat, des fondations privées,d’héritages, etc. En outre, les départementsdes universités sont réellement autonomes :ils ont leur propre budget, gèrent beaucoupmoins de personnel, etc. Cela permet unegrande souplesse de fonctionnement et desréactions rapides devant l’apparition dedomaines nouveaux. Quand undépartement décide de renforcer sonactivité dans un domaine prometteur, il luiest plus facile de créer une chaire, de trouverdes crédits et des locaux. Il peut chercher les

meilleurs spécialistes dans le monde entieret négocier les salaires.

En France, le statut public impose uncadre très rigide : un chercheur étranger nepeut être recruté qu’au niveau le plus bas –ce qui est évidemment décourageant. Deplus, les procédures sont lentes : pour fairevenir un chercheur étranger et démarrerune nouvelle recherche, il faut souvent 4 à5 ans – même au Collège de France. AuxÉtats-Unis, c’est 4 mois – au moins dans lesuniversités les plus prestigieuses commeHarvard, Stanford et quelques autrescentres d’excellence.

Enfin, nous courons le risque de voirnos meilleurs éléments se laisser tenterpar l’expatriation : le brain-drainaméricain commence à se faire sentiraussi en physique, où il était resté discretjusqu’ici, à la différence de ce qui sepasse en biologie et en médecine.

Ce que je souhaite, en fin de compte,c’est que l’Europe consacre une partie deson budget à des recherches non finalisées,pourvu qu’elles soient d’excellente qualité.Qu’elle s’efforce de fédérer ces recherchesfondamentales en donnant l’occasion auxchercheurs de coopérer au sein de réseauxd’excellence. Cela existe déjà, mais ilfaudrait laisser davantage aux chercheurs lapossibilité d’explorer librement lesdomaines qui leur paraissent intéressants. Jesouhaiterais aussi beaucoup, et c’estprobablement un vœu que partagent tousles chercheurs, que les contraintesadministratives et bureaucratiques soientallégées.

Je redoute aussi les conséquences del’élargissement de l’Europe. On peutcertes se réjouir de ce processus à d’autreségards, mais je ne peux pas m’empêcherde craindre que cela ne se traduise par unplus grand saupoudrage des crédits. Larecherche est avant tout une question dequalité. Bien sûr, il faut donner unsupport minimal aux différents acteursde la recherche, mais il est très importantde privilégier les centres d’excellence,c’est-à-dire de favoriser les lieux où denouvelles idées importantes ont deschances de voir le jour. �

Interview réalisée par Marc Kirsch, Maître deconférences, associé à la chaire de Philosophie ethistoire des concepts scientifiques.

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Durant la nuit du 3 au 4 décembre2002, un incident technique déplorablea ravagé la salle d’Assemblée desProfesseurs du Collège de France : unefuite dans un radiateur a provoqué laformation d’un jet de vapeur d’eau souspression à 70°, nuage brûlant qui aenvahi la pièce à 2 heures du matin…Malgré la vigilance et la vitesse desréaction des gardiens puis l’interventionefficace des personnels d’astreinte, lesdégâts ont été spectaculaires, surtoutpour les trois magnifiques tableaux quiornaient les murs. (Les livres anciens dela bibliothèque ont été miraculeusementépargnés : une surveillance suivie aconfirmé par la suite qu’aucuneinfiltration d’humidité n’était àcraindre). Au matin, le spectacle offertétait consternant : dans cette superbesalle qui venait d’être rénovée par Jean-Michel Wilmotte, les toiles n’étaientpresque plus lisibles. François Ier avaitlittéralement disparu de nos murs !

Immédiatement sollicités grâce à laprécieuse intervention du ProfesseurMarc Fumaroli, les experts enrestauration envoyés par le Louvre ontheureusement prononcé un diagnosticqui, s’il reste encore réservé, n’est paspour autant définitivement alarmant. LeProfesseur Jacques Thuillier, au chevetde ces œuvres, a également émis unjugement assez optimiste : la pâteblanche qui recouvre les tableaux est uneréaction du vernis, mais sous ce «chanciprofond», tous les espoirs restentpermis…

Il a fallu néanmoins prendre desmesures conservatoires d’urgence :arrachage de la moquette encore gorgéed’eau, maintien constant de conditionsde température et d’hygrométrieadaptées, et, surtout, «dépose» de cestoiles, de façon à favoriser la circulationde l’air et l’évacuation de l’humidité enévitant au maximum l’apparition demoisissures. Le format imposant des

tableaux, ainsi que la complexité et laqualité de leur encadrement, ont rendunécessaire, là encore, l’interventionrapide des équipes techniques duLouvre, après que notre service intérieurait protégé au mieux les 40 chaises et lagrande table d’Assemblée. La présenced’un spécialiste des bois dorés a étéindispensable. Les experts sont ensuitevenus très régulièrement suivrel’évolution des toiles qui sont, de parleur taille et leur état, difficilementtransportables. Ils ont établi des constats,effectué des prélèvements d’écailles devernis, et procédé à des examens divers.(Certains experts sont spécialistes dessupports, d’autres plutôt des couchespicturales : cette spécialisation des tâchesest typiquement française et existedepuis le XVIIIe siècle). Au cours duséchage, des soulèvements «en cloquesindurées» et des fissures sontprogressivement apparus. Sur le tableaude François Ier, le vernis forme, selon les

1. Henri IV décidant la construction du CollègeRoyal (par Charles Thévenin [1764-1838] en1827).

2. Portrait de Louis XIV. (On a longtemps cru, dufait de la datation du costume, qu’il s’agissait deLouis XIII. Ce tableau du XVIIe siècle n’a pasd’attribution connue pour l’instant).

3. François 1er décidant la fondation du CollègeRoyal (par Guillaume Guillon-Lethière [1760-1832]). Ce tableau aurait été commandé par leMinistère de l’intérieur vers 1824).

RESTAURER FRANÇOIS Ier...

Les trois tableaux de la Salle d’Assemblée avant l’incident...

après l’incident...

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termes-mêmes de l’expert, «un pelliculageimpressionnant… qui s’est fractionné enécailles qui n’adhèrent plus à leur supportet tombent au souffle et au toucher…».

Après la phase de réactiond’urgence, c’est la longue, patiente etminutieuse période de restauration quis’ouvre devant nous : la salled’Assemblée va devenir provisoirementun atelier de restauration, pour deuxau moins des toiles, car Louis XIV vasans doute faire un petit séjour àVersailles (ce qui, à tout prendre, n’estpas un destin totalement illogique...).Le Laboratoire des Musées de Francey dispose en effet de tous leséquipements (éclairages, sondages,infra-rouges, etc.), pour s’attacher, àcette occasion, à élucider l’attributionde ce tableau, qui n’est pas encoreconnue(1).

Le calendrier de ces restaurationsreste difficilement prévisible, car lesrestauratrices demeurent très réservées àce sujet : elles ne peuvent pas anticiperavec certitude l’ampleur des dégâts quiseront découverts sous le chanci. Bienentendu toutes les démarchesconcernant l’établissement desresponsabilités, des dysfonctionnementset des malfaçons à l’origine de cetaccident sont menées parallèlement.

Cet épisode malheureux aura été aumoins l’occasion de constater, une foisde plus, l’efficacité de tout le personnelqui a réagi remarquablement lors detoutes les étapes successives, etd’apprécier comme il se doit l’exemplairesolidarité dont a fait preuve l’institutiondu Louvre.

Reste à attendre, patiemment, lanouvelle renaissance de François Ier.

Florence Terrasse-Riou

1. Voir l’article de Mme Tits dans La Lettre du

Collège n°6 (pp. 33-35) et l’article de

Mme Kirsten Ahrens, «Honorari Praevia Virtus,

une interprétation de l’architecture à l’arrière-

plan du portrait officiel de Louis XIV peint par

Rigaud en 1701», Gazette des Beaux-Arts,

1990, pp. 213-226.

En lumière rasante, les déformations de surfacedu tableau représentant François Ier, (cloques,

gonflements des matériaux et écaillages duvernis), sont très présentes.

ACTUALITÉ LITTÉRAIRE

�La vérité dans les sciencesÉditions Odile Jacob, janvier 2003.Recueil réunissant les actes du symposium2002 du Collège de France, réalisé sous ladirection de Jean-Pierre Changeux.

La science réussit-elle vraiment àatteindre une forme de vérité et de réalitéobjective ?

Les vérités de la science ne sont-ellespas simplement des croyances ?

N’existe-t-il pas des vérités supérieures ?La recherche de la vérité n’est-elle pas

elle-même un objectif illusoire, tropsurestimé ?

En bref : quelle place la vérité peut-elleoccuper dans notre culture ?

� La décisionAlain BerthozÉditions Odile Jacob, janvier 2003.

Comment prend-on une décision ?En calculant le pour et le contre ? En

gardant la tête froide pour évaluer seschances de succès ou ses risques d’échec ?En faisant taire ses passions ?

Et si la décision n’était rien de toutcela ? Si la décision n’était pas raison maisaction ? Et si ce que nous appelonsaujourd’hui «les décideurs» étaient avanttout des «hommes d’actions» ?

Ce livre renouvelle entièrement nos

idées sur la prise de décision en étudiantau plus près comment notre cerveau s’yprend pour décider. On y découvrira uncerveau parieur. Un cerveau joueur. Uncerveau qui dialogue avec le corps sensibleet son double. Un cerveau ému.

� L’homme de véritéJean-Pierre ChangeuxÉditions Odile Jacob, 2002.

L’homme neuronal était un formidablevoyage. Non pas autour du monde, ni dansdes contrées lointaines, mais en un paysplus étrange encore : un voyage au cœurde nous-mêmes. Petit pays que le cerveau :il tiendrait presque dans la main. Au fil despages, il prenait les dimensions de l’univers.Dans L’homme de vérité, Changeux nous lemontre dans la plus étonnante d’entre sesœuvres : la recherche et la création deconnaissances vraies.

Fidèle à lui-même, il ne s’embarrassepas de mystères. Que le cerveau humainsoit capable de comprendre l’univers etses lois, Einstein s’en étonnait :Changeux y voit un effet de «ladynamique bien terre-à-terre qui, aucours de l’évolution des espèces, a permisau cerveau des espèces qui nous ontprécédés d’explorer le monde de manièreà la fois plus vaste et plus précise

jusqu’au cerveau de l’homme».Terre-à-terre, peut-être, mais

complexe, d’une complexité sédimentéeen plusieurs strates évolutives. Le travaildu neurobiologiste est d’intégrer cesniveaux de complexité pour comprendreà la fois comment le cerveau humainapparaît au cours de l’évolution, commentil est fabriqué au cours de l’embryogenèse,comment il se développe. Comment,ensuite, le cerveau crée des représentationset des connaissances, les confronte au réel,les valide ou les modifie. Comment, enfin,les sociétés humaines produisent dessciences et des vérités scientifiques.J.P. Changeux apporte des éléments deréponse et propose, entre génétique etépigenèse, des modèles pour essayer decomprendre, en naturaliste, la«physiologie de la vérité» qui sous-tend lagenèse du savoir.

La morale de l’histoire, en fin decompte, c’est que pour tous les êtresvivants, de l’unicellulaire aux membresdes sociétés humaines les mieuxorganisées, la vérité est toujours lameilleure solution pour vivre et pourvivre bien. Pour Changeux, c’est unelogique sélective qui conduit à ce résultat :le cerveau et la pensée sont des

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instruments de survie, et c’est leurefficacité en tant que tels qui leur a valud’être sélectionnés au cours de l’évolution.C’est pourquoi les fonctions supérieuresdu cerveau sont en quelque sortenaturellement des instruments derecherche de connaissances vraies. Decette contrainte de survie, formulée defaçon très simple, dans le langage de lasélection naturelle, la science, en tantqu’entreprise rationalisée et méthodiquede recherche des connaissances vraies, estle produit sophistiqué, apparu au termed’une histoire qui, chemin faisant, a cesséd’être simplement naturelle, puisqu’ellea créé un monde de culture qui estdevenu une seconde nature, où les modesde sélection ne sont plus uniquementceux de la sélection naturelle.

En esquissant une explicationnaturalisée des fonctions cérébrales,J.P. Changeux veut surtout donner unaperçu de la complexité dont le cerveauest le résultat, de la prodigieuse créativitédont il est capable, et avec lui les sociétéshumaines qui ont toujours à inventer lesconditions de la vie bonne.

Marc Kirsch� Petit Point

Pierre-Gilles de GennesÉditions du Pommier, 2002.

Pierre-Gilles de Gennes a eu plus de40 ans pour observer le monde scientifique-son secteur universitaire et aussi sonsecteur industriel. Il en a tiré une trentainede portraits satiriques, regroupés dans lelivre «Petit Point» (Éditions du Pommier).Le titre est une référence à la Tapisserie : ilne s’agit pas d’une image d’ensemble, maisde petits personnages. Les héros ne sontpas choisis pour leur grandeur, mais plutôtpour leurs égarements.

Beaucoup de scientifiques ont cru sereconnaître et l’ont dit à l’auteur : mais,presque toujours, il apparaît qu’ils se sonttrompés : chaque exemple n’est pas unique,et représente un type assez répandu.

Ce livre est limité à un domaine(assez spécialisé) de physique et dechimie. On rêverait de voir des textesanalogues paraître à propos des critiques(de théâtre, de littérature, d’art…) oudes journalistes (presse, radio,télévision…) ou plus généralement desintellectuels. Qui en aura le courage ?

� La naissance de la monnaieGeorges Le RiderPUF, 2001.

Pourquoi, en Asie Mineureoccidentale, au début du VIe siècle av. J.C.,éprouva-t-on le besoin de créer unenouvelle monnaie ? Jusqu’alors, pendantplus de deux millénaires, des sociétés aussiévoluées et brillantes que celles desMésopotamiens, des Phéniciens, desÉgyptiens s’étaient parfaitementaccommodées, comme moyens d’échange,de morceaux de métal ou d’objets ouvragés(anneaux, bijoux), dont la caractéristiqueétait d’être complètement anonymes. Audébut du VIe siècle avant notre ère, on eutl’idée, en Asie Mineure, d’imprimer sur undisque de métal un type, bientôtaccompagné d’une légende, qui permettaitd’identifier sans ambiguïté la puissanceémettrice.

Ce changement a marquél’appropriation de la monnaie par l’État.Les cités d’Asie Mineure n’avaient pas larichesse des rois mésopotamiens ni despharaons. Elles ne possédaient qu’untout petit territoire et se trouvaienttoujours à court d’argent. Quelqu’un degénial dans le domaine financier acompris que la mainmise de l’État surla monnaie apporterait un revenuappréciable et régulier parl’intermédiaire d’une taxe à la fabrication(ce qu’on appela au Moyen-Âge le«seigneuriage»), d’une taxe au change etde manipulations diverses (altérationsdu métal, dévaluation, etc.).

Cette nouvelle monnaie, source deprofit pour l’État, eut un succèsimmédiat et durable. Depuis deux millesix cents ans, les principes fondateursn’ont pas été modifiés et notre monnaieactuelle, l’euro, n’a pas manqué de s’yconformer.

� Philosophie des sciencesAnne Fagot-Largeault, Daniel Andler etBertrand Saint-Sernin - Gallimard, 2002.

Anne Fagot-Largeault a publié en 2002aux éditions Gallimard une Philosophie dessciences en deux volumes, en collaborationavec Daniel Andler - mathématicien etspécialiste des sciences cognitives - etBertrand Saint-Sernin - longtemps recteurd'académie, intéressé à la politique dessciences - tous deux professeurs d'histoire etde philosophie des sciences. À la fois tour

d'horizon de la pensée scientifique -essentiellement aux XIXe et XXe siècles - etréflexion sur les sciences, l'ouvrage est lerésultat d'un travail de longue haleine, nourrid'une collaboration de plusieurs années pourl'organisation d'un séminaire interuni-versitaire d'histoire et de philosophie dessciences d'une grande vitalité.

Composé à trois mains, l'ouvrages'enrichit de la différence des approches etde la complémentarité des points de vue etdes spécialités de chaque auteur. Il trouve sacohérence dans certains partis prisfondamentaux qui leur sont communs.C'est par exemple le recul à conserver parrapport à la diversité des disciplinesscientifiques - sans négliger la nécessitéd'approfondissements spécialisés etd'épistémologies régionales. C'est aussi lechoix d'une stratégie internaliste qui metl'accent sur les développementsintrinsèques des sciences plutôt que sur lesconditions sociologiques, politiques, etc.,de leur développement. L'aspect social dela science est traité sous l'angle de «laconstruction intersubjective de l'objectivitéscientifique». De même, les trois auteurs serejoignent sur certaines grandes questionspropres à la philosophie générale dessciences : «celle de l'unité du réel,expliquant, sans la garantir, une éventuelleunité des sciences». Ils défendent «uneinterconnexion des sciences sansréduction», et un réalisme scientifique«fondé sur un critère repris de Cournot : lesinterventions sur la nature que nousinspirent nos théories scientifiques sontaptes, dans certaines circonstances, àrejoindre les processus naturels».

À partir de ces fondements, le livredéploie une réflexion foisonnante, multiplieles approches, classiques ou transversales,sans se limiter à la tradition del'épistémologie française. Il applique enphilosophie le mode de productioncommunautaire du savoir scientifique, sansfavoriser un modèle, mais en questionnantles modèles. Éclairer les problèmes, sansimposer de réponse, expliquer ce qu'on peutpenser, des sciences, mais aussi du monde,sans dire ce qu'il faut croire - ou ne pascroire : plus qu'une leçon de philosophiedes sciences, c'est une leçon de pensée.

Ajoutons que le livre est un bel outilde travail : notes et bibliographie fournies,index des noms et des matières très riche.

Marc Kirsch

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SYMPOSIUM ANNUEL DU COLLÈGE DE FRANCE

GÈNES ET CULTURE

Enveloppe génétique et variabilité culturelle

Après «La vérité dansles sciences», dont les actesviennent de paraître chezOdile Jacob, le Collège deFrance avait retenucomme sujet de débat«Gènes et culture» pource second symposium.

Comme l’a soulignéle Pr. J.P. Changeux enintroduction, ces symposiumssont un moment privilégiéd’échange entre des professeursdu Collège de France, deschercheurs extérieurs et le public.Cet esprit de rencontre, cher àl’institution, revêt une très grandeimportance : les disciplines onttendance à se spécialiser et leschercheurs à travailler seuls, sanslien avec les autres domaines. Lethème, délibérément choisi pourles différentes représentations, lesdébats, les confrontations voireles erreurs auxquels il a donnélieu, a permis de nouer et derenouer le dialogue entre lesdiverses disciplines représentées.

Cette rencontre a remporté unvif succès et provoqué desdiscussions très animées.

Nous vous proposons quelquesextraits des interventions de certainsconférenciers que vous pourrezretrouver dans l’ouvrage qui serapublié prochainement dans lamême collection.

L’évolution des animaux et l’originedu cerveau par Guillaume Balavoine(CNRS)

(...) Le cerveau est généralement citécomme l’une des caractéristiques majeures quidifférencient les vertébrés du reste desanimaux. C’est un organe de structurecomplexe qui assure toute une série defonctions : l’interprétation des signauxsensoriels, la coordination des mouvements, lamémoire, etc. L’efficacité avec laquelle cesfonctions sont remplies a souvent étéconsidérée comme une explication du succèsévolutif des vertébrés. En particulier, le cerveauaurait permis aux ancêtres des vertébrés dedevenir des prédateurs très actifs. Notre bonneconnaissance de l’arbre généalogique desvertébrés nous permet de comprendrecomment le cerveau a évolué de façon diverseau sein des vertébrés. Par exemple, chez lesmammifères, le cortex s’est développé de façonconsidérable en corrélation avecl’augmentation des facultés cognitives.

Par contre, nous ne connaissonspratiquement rien sur l’origine évolutive ducerveau. L’encéphale est présent sous uneforme anatomiquement très élaborée cheztous les vertébrés, y compris chez ceux qui

sont les plus éloignés des mammifères sur leplan généalogique, les lamproies et lesmyxines. On ne trouve pas parmi lesvertébrés actuels de véritable «stadeintermédiaire» qui pourrait aider àcomprendre comment cet organe complexea évolué. Traditionnellement, on a considéréque le cerveau avait évolué progressivementchez les ancêtres directs des vertébrés et queles organes de type cérébral que l’onrencontre chez d’autres animaux n’ont pasde rapport direct avec l’encéphale desvertébrés. Cette théorie semble êtresolidement établie par le fait qu’on ne trouvepas de cerveau chez les animaux qui sont lesplus proches parents des vertébrés, c’est-à-dire les ascidies et les amphioxus. Cesanimaux sont généralement désignés sous leterme de «procordés». Ils forment avec lesvertébrés le groupe des cordés. Les ascidiessont des animaux fixés en forme de sac, sanstête, qui se nourrissent en filtrant l’eau demer. En guise de cerveau, ces animaux n’ontqu’un petit ganglion neural innervantcertains muscles. Les amphioxus, desanimaux ressemblant vaguement à de petitspoissons, vivent enfouis dans le sable marinet filtrent eux aussi les particules organiquesde l’eau. (...)

De gauche à droite : MM. Jean-Pierre Bourgeois, Armand de Ricqlès, Jean-Louis Mandel, Éric Crubézy,Jean Gayon, Jean-Pierre Changeux et Gérard Fussman.

Les intervenants de gauche à droite : MM. Jean Gayon, Jean-Louis Mandel, Guillaume Ballavoine, Jean-Pierre Bourgeois, Jean-Jacques Hublin, Éric Crub

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Évolution culturelle : le spectre despossibles par Jean Gayon (Paris I)

(...) Le mot «culture» est pris ausens conventionnel moderne qu'il adans le vocabulaire de la sociologie etde l'anthropologie. Margaret Mead l'adéfini avec précision au milieu dusiècle dernier : «Par “culture”, nousentendons l'ensemble des formesacquises de comportement qu'ungroupe d'individus, unis par unetradition commune, transmettent àleurs enfants». Margaret Meadillustrait cette définition par une listenon limitative d'exemples, incluant,«non seulement les traditionsartistiques, scientifiques, religieuses etphilosophiques d'une société, maisencore ses techniques propres, sescoutumes politiques et les mille usagesqui caractérisent la vie quotidienne :modes de préparation et deconsommation des aliments, manièred'endormir les petits enfants, modede désignation du président duconseil, procédure derévision de laConstitution, etc.»Ainsi comprise, laculture consiste en unensemble d'habitus quiont en commun troiscaractères : ces habitussont des formes typiques decomportement social, ils sonttransmissibles, et cette transmissionse fait par apprentissage ou imitationdans un contexte de communicationsociale. Cette caractérisation de laculture exclut les comportementsayant valeur d'idiosyncrasiesindividuelles ainsi que les schémasinnés de comportement social. (...)

Babillage et culture par Bénédicte deBoysson-Bardies (CNRS)

(...) La première définition donnée parle Larousse du mot «Culture» est action decultiver. En proposant le titre «Babillage etculture», je voudrais montrer comment,très tôt, la langue maternelle «cultive» lecerveau génétiquement disposé au langagedu jeune enfant.

Toutes les langues possèdent unestructure phonétique et prosodique,toutes les langues sont des systèmesfonctionnels transportant du sens en liantde façon arbitraire les sons aux sens. Enfinles langues humaines dressent du mondedes cartes différentes transmises par unentourage social et culturel. Au cours des18 premiers mois de vie, l'écoute de salangue maternelle permet à l'enfantd'effectuer trois «récoltes» à partir desentrées linguistiques :- il extrait un modèle de la structurephonétique et prosodique de la langue,- il découvre l'existence de «mots» avecl'arbitraire du lien sons -sens

- il repère des modes deproductions appropriés à salangue et à son entourage.Le cerveau n'est pas uneterre vierge

Mais ces récoltes ne sefont pas sur une terrevierge. Le cerveau de

l'enfant est nanti de neurones et de dons !Ces trente dernières années d'études

sur les capacités biologiquement inscritesdes nourrissons pour le langage ontmontré qu'ils possédaient la capacité defaire des discriminations fines sur lesdimensions phonétiques. Ainsi, lesnouveau-nés sont sensibles à la plupartdes contrastes phonétiques que l'ontrouve les langues. (...)

Les bases cérébrales d'uneacquisition culturelle : La lecture parStanislas Dehaene (INSERM)

(...) Lorsque nous lisons un texte, nousn'avons pas conscience de la difficulté etde la complexité des opérations qui sontréalisées par notre système visuel. En unefraction de seconde notre cerveau reconnaîtles mots et accède à leur sens. Cetteopération est plus complexe qu'il n'y paraît.D'une part, notre système visuel s'adapteaux multiples variations de forme des mots.Ainsi, nous savons reconnaître le mot«quatre», que celui-ci soit présenté enmajuscules ou en minuscules, dans unepolice inhabituelle, et quelle que soit sataille. Nous sommes même capables de liredes mots dans lesquels une lettre sur deuxapparaît en MiNuScUlEs. D'autre part,nous sommes étonnamment sensibles auxminuscules différences qui, parfois,distinguent deux mots très différents, telsque «deux» et «doux». Il est clair, enfin, quecette capacité résulte d'un longapprentissage. Ce qui distingue deux motsdans une langue peut n'avoir aucuneimportance dans une autre. L'apprentissagede la lecture semble inculquer à notrecerveau un sens nouveau, celui depercevoir, en un clin d'oeil, les traits visuelsqui sont pertinents pour la lecture et ceuxqui ne sont pas. Selon que nous apprenionsà lire le chinois, l'hébreu ou leshiéroglyphes, notre cerveau saurareconnaître sans hésitation ces caractères,ou au contraire n'y verra que des formesabstraites et impossibles à décoder.

La lecture pose au neurobiologiste unparadoxe. Cela ne fait que quelques milliersd'années que l'humanité a inventél'écriture. L'architecture de notre cerveaun'a donc pas eu la possibilité de s'adapteraux difficultés particulières que pose lareconnaissance des mots. (...)

Les actes du symposiumparaîtront aux

Éditions Odile Jacoben octobre 2003.

bézy, Peter R. Marler, Mme Bénédicte de Boysson-Bardies, MM. Georges Guille-Escuret, Daniel Shulz, Stanislas Dehaene, Bernard Walliser, Dan Sperber.

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Le colloque «Aux frontières de la physique» s’est déroulé les 4 et 5 octobre 2002 enhommage à Jean Trân Thanh.

Ces conférences ont permis de réfléchir à l’avenir de la recherche en physiquedes particules et en astrophysique. Cinq titulaires du Prix Nobel en ont été

orateurs et ce sont de jeunes physiciens français qui ont exposé l’étatactuel de la recherche et ses perspectives à long terme.

AUX FRONTIÈRES DE LA PHYSIQUE

COLLOQUES

Quatre Prix Nobel :1. Jérome I. Friedman(1990),2. Sheldon L. Glashow(1979),3. Carlo Rubbia(1984)4. Georges Charpak(1991)

Né en 1937 auViêt-nam, Trân ThanhVân arrive en France à l’âge de 17 ans.Quelques mois plus tard, il devient titulairedu baccalauréat, puis d’une licence èssciences en 1957. Sous l’impulsion duprofesseur MauriceLévy, il s’oriente vers laPhysique des particules,et entame à l’ÉcoleNormale Supérieure dela rue d’Ulm une thèsede Physique théoriquesur la structure duneutron, sous ladirection du professeurMichel Gourdin.

Ce Physicienthéoricien des particules est devenu unspécialiste des interactions nucléaires fortes.Il a effectué l’essentiel de sa carrière auLaboratoire de Physique Théoriqued’Orsay, ce qui ne l’a pas empêché dedévelopper un incroyable réseau d’amitiéssincères et profondes dans toute lacommunauté internationale des Physiciensdes particules, mais aussi avec desastrophysiciens, des physiciens du solide etdes biologistes.

En tant que physicien émérite, TrânThanh Vân pourra consacrer encore plusde temps à son action humanitaire en faveurdes enfants orphelins du Viêt-nam, par lebiais de l’association «aide à l’enfance du

Viêt-nam» que sa femmeet lui ont fondée en 1970.

En 1966, il organiseà Moriond (village desAlpes) un colloquescientifique auquelparticipent unetrentaine de sescollègues. Il réitèrel’opération chaqueannée depuis lors, et cerendez-vous annuel

devient rapidement l’une des principalesoccasions de présenter et de débattre derésultats nouveaux en Physique desparticules.

En 1980, la variété des sujets àaborder le conduisent à organiserplusieurs colloques regroupant unecentaine de chercheurs chacun, enparallèle ou lors de deux semainesconsécutives. On y traite d’interactionnucléaire forte, d’interactions électro-

faibles, d’astrophysique, de cosmologie,de physique mésoscopique (la physiquedes solides de petites dimensions), dephysique atomique, de biologie.

En 1973, Trân Thanh Vân fonde les«éditions Frontières», dans le but principald’éditer convenablement les actes desconférences qu’il organise. Cela permet dediffuser ces actes dans un grand nombrede bibliothèques, et de faire mieuxconnaître les résultats qui y ont été discutés.

En 1989, il organise une conférencedans le cadre prestigieux du Château deBlois, à l’occasion du 25e anniversaire de ladécouverte de la violation de «CP». Àquatorze reprises depuis cette date, TrânThanh Vân a organisé des conférencesprestigieuses au Château de Blois.

En 1995, au prétexte que l’éclipse desoleil y est totale, il organise une conférenceet une école d’été au Viêt-nam. Il réitèrel’opération (sans éclipse de soleil cette fois)en 1997, 1999 et 2001.

L’apport principal de Trân ThanhVân consiste en une réflexion trèsapprofondie sur les actions concrètes quipermettent à la connaissance scientifiquede progresser.

Jean Trân Thanh Vân, un scientifique humaniste et fédérateur

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21N° 7 - LA LETTRE

HENRIK ABEL, AUJOURD’HUI

Le bicentenaire de lanaissance du grandmathématicien norvégienNiels Henrik ABEL(1802-1829) a donnélieu à plusieursinitiatives importantesprises par sescompatriotes. Ils ontorganisé en particulierun grand colloqueinternational dédié à lamémoire d’Abel qui s’esttenu à Oslo en juin 2002.Au cours de ce colloque lacréation d’un prix annuel demathématiques, le “prix Abel”, a étéannoncée. Ce prix sera décerné à la mêmedate que le prix Nobel de la paix et devraitpallier à l’absence d’un prix Nobel enmathématiques.

Les mathématiciensnorvégiens ont égalementdécerné à l’occasion dubicentenaire d’Abel, dixdoctorats Honoris Causade l’Université d’Oslo àdes mathématiciensmondialement reconnuspour leurs travaux. Parmieux se trouve Jean-PierreSerre, professeur auCollège de France dèsl’âge de 29 ans. Enconjonction avec la remisedu doctorat de M. Serre,le Collège de France etl’Ambassade de Norvègeont organisé un colloque en l’honneurd’Abel et Serre. Les trois exposés de l’après-midi du 26 novembre 2002 ont chacunmontré une facette de l’éclatante aventuremathématique de Niels Abel. Laconférence de G. Ellingsrud a bien montré,documents à l’appui, les difficultés d’Abeldans son séjour à Paris pour pouvoir faireconnaître ses découvertes dans le cercle trèsfermé des mathématiciens français del’époque. Les exposés de J.-B. Bost etJ.-F. Mestre ont mis en évidence l’influencetoujours si présente des idées d’Abel et ontmontré les liens étroits qui les relient avecdeux thèmes principaux de l’œuvre de

J.-P. Serre : la symbiose entre lagéométrie analytique et la

géométrie algébrique, et lelien entre fonctionselliptiques et la théorie“de Galois” (largementanticipée par Abel).

La cérémoniede nomination deJ.-P. Serre commedocteur Honoris Causa

de l’Université d’Oslo,qui a eu lieu en présence

de Rolf. T. Andersen,Ambassadeur de Norvège et

de J. Glowinski, Administrateurdu Collège de France, fut sobre et

émouvante. Mme Anne-Brit Kolstø, vice-présidente de l’Université d’Oslo, en togeacadémique, a évoqué les activités et lesprojets de cette université et l’importance

d’Abel comme sourced’inspiration pour lesjeunes scientifiquesnorvégiens, et a ensuiteprésenté l’œuvre deJ.-P. Serre. Celui-ci,invité à s’exprimer aprèsla remise de son diplômea expliqué, dans son styleinimitable, qu’il étaitdifficile au récipiendaired’un tel honneur derépondre puisqu’onn’avait à cette occasionque le choix entrecritiquer les éloges quel’on venait d’entendre et

les approuver, ce qui est pire…La cérémonie a été suivie

par une réception offerte parl’ambassadeur de Norvègedans les salons du Collège deFrance. �

Alain Connes et Don ZagierProfesseurs

Pr. Jean-Pierre Serre, titulaire de lachaire Algèbre et géométrie, de 1956à 1994.

Niels Henrik Abel1802-1829

Né le 5 août 1802 à Finnøy(Norvège)1818 : Ses aptitudes enmathématiques se révèlent, il estqualifié de «génie des mathématiques»1821 : Début des étudesuniversitaires1823 : Première publications de sestravaux1826 : Il envoie son mémoire àl’Institut de France1827 : Perte de son mémoire1828 : Nommé professeur à laHaute École Militaire, puis àl’Université.1829 : Il rédige les grandes théoriesde son «mémoire parisien», lesauvant pour la science, etmeurt le 6 avril, à l’âge de 26 ans.

M. Rolf T. Andersen, Ambassadeur de Norvègeen France et Mme Anne-Brit Kolstø, Vice-Présidente de l’Université d’Oslo

Mme Anne-Brit Kolstø, Vice-Présidente de l’Université d’Osloet le Pr. Jean-Pierre Serre

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22 LA LETTRE - N° 7

Les Journées Scientifiques de la Sectionde Recherche de l’Institut Curie, session2002-2003, se sont tenues les 9 (dans legrand amphithéâtre de l’InstitutOcéanographique) et 10 (dansl’amphithéâtre Marguerite de Navarre duCollège de France) janvier 2003. Cesjournées sont l’occasion pour leschercheurs, personnels et médecins del’Institut de présenter leurs travaux etprojets de recherche, toutes disciplines ettous intérêts confondus. Comme chaqueannée, ces journées ont été l’occasion defaire progresser la longue traditiond’interdisciplinarité de l’Institut, et deréfléchir en commun sur un ensemble dethématiques scientifiques ayant pourl’essentiel en commun de façon directe ouindirecte la lutte contre le cancer. Lamatinée du 10 janvier a été consacrée à laprésentation des «programmes IncitatifsCoopératifs» ou «PIC» : Ces programmesréunissent, sur une base pluriannuelle, deschercheurs de disciplines différentes(biologistes, physiciens, chimistes etcliniciens) autour de problématiquesciblées. Jean-François Joanny et PascalSilberzan ont présenté le PIC «Physique àl’échelle de la Cellule», GenevièveAlmouzni le nouveau programme«Paramètres épigénétiques dans la réponse aux

agents génotoxiques et le contrôle du cyclecellulaire», et Christian Bonnerot leprogramme «Imunothérapie antitumorale».L’ADIC (association des doctorants etpostdoctorants de l’Institut), qui œuvre àfavoriser la coopération entre étudiants etjeunes chercheurs et leur insersionprofessionnelle, a été présentée par saprésidente, Nathalie Delgehyr. Enfin, lamatinée s’est terminée par un passionnantdébat sur les interactions possibles etsouhaitables entre recherche fondamentaleet prise en charge médicale dans ledomaine du cancer. Les contributions desProfesseur Souhami, Directeur du ClinicalResearch Development and Training -Cancer Research U.K.-Londres,Pierre Pouillard (Section Médicale del’Institut) et Michel Bornens (Section de

Recherche) ont en particulier montrél’importance d’une typologie moléculaireindividualisée des cancers, pour unemeilleure prise en charge, mais aussi lesdifficultés que cette nouvelle approche poseau niveau des protocoles, et insisté sur lesbesoins d’organiser les essais cliniques surune très grande échelle pour pouvoir entirer des conclusions significatives. Aprèsun buffet délicieux et convivial organisédans le cadre somptueux du hall, l’auditoires’est à nouveau réuni pour une sessionintitulée «Pathologies et diagnostics», aucours de laquelle ont été présentés etdiscutés de nouvelles stratégies et denouveaux outils pour le traitement et lediagnostic, dans le domaine du cancer maiségalement d’autres maladies telles que leSIDA et la maladie d’Alzheimer. �

JOURNÉES SCIENTIFIQUES DE LA SECTION DE RECHERCHE DE L’INSTITUT CURIE

Pr. Robert Souhami

MM. Michel Bornens et Pierre Pouillard

En 2000, le Ministère de laRecherche a lancé un programmenational de soutien de la recherche dansles domaines de la Biologie duDéveloppement et de la PhysiologieIntégrative sous la forme d’une ActionConcertée Incitative, qui a étéreconduite en 2001 et 2002. L’objectifprincipal du programme est derapprocher les deux champs thématiquesqui ont évolué séparément, mais qui onten commun de placer l’organisme entierau centre de leurs préoccupations. Ainsi,l’action, qui est chapeautée par uncomité scientifique internationalcomposé de physiologistes et debiologistes du développement, a pour

but de privilégier les démarchespluridisciplinaires de biologie intégrativeappropriées dans l’ère post-séquençage.

Afin de favoriser les échanges entreles laboratoires participant à ceprogramme et pour faire le point de cequi a été accompli, aussi bien sur le plandes résultats individuels que del’interpénétration des deux thématiques,un colloque s’est tenu les 24-25 janvier2003 dans l’amphithéâtre Marguerite deNavarre au Collège de France. Il a réuniles responsables des projets qui ont étéfinancés et leurs collaborateurs. Leprogramme comprenait, en dehors de173 communications affichées,5 conférences plénières représentant les

différents champs disciplinaires, unsymposium mettant en exergue desprojets situés à l’interface entre laphysiologie et la biologie dudéveloppement, et une table ronde. �

ACTION CONCERTÉE CONSULTATIVE DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE

Mme Elisabeth Giacobino, Directrice dela Recherche au Ministère de la Recherche

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23N° 7 - LA LETTRE

AUTRES

JOURNÉES

� 18 octobre 2002 : Journée duRéseau des Sciences cognitives d’Ile-de-France� 21 octobre 2002 : Journée franco-italienne de Neurosciences de l’Action.� 8 novembre 2002 : Journée de

l’Institut de Biologie.� 29 novembre 2002 : Réunion de laSociété d’Histoire littéraire de la France.� 7 février 2003 : Symposium«Cold atoms and quantuminformation» (Pr. C. Cohen-

Conférence donnée le 15 octobre 2002Le mode de développement scientifique,

technique et économique du mondeindustriel souffre d’une contradictionrédhibitoire. Il se veut, il se pense commeuniversel. Et pourtant il sait désormais queson universalisation se heurte à des obstaclesinternes et externes inévitables.

Nous sommes au pied du mur. Nousdevons dire ce qui compte le plus pour nous :notre exigence éthique d’égalité, quidébouche sur des principes d’universalisation,ou bien notre mode de développement. Oubien le monde industriel s’isole, ou bien,s’invente un autre mode de rapport aumonde, à la nature, aux choses et aux êtres,qui aura la propriété de pouvoir êtreuniversalisé à l’échelle de l’humanité.

Mais nous avons le «principe deprécaution». Malheureusement, lorsque leprincipe de précaution énonce quel’incertitude scientifique ne doit pas retarder lamise en œuvre d’une politique de prévention,il se trompe complètement sur la nature del’obstacle qui nous empêche d’agir. Ce n’estpas l’incertitude, scientifique ou non, qui estl’obstacle, c’est l’impossibilité de croire que le

pire va arriver. Il y a de la naïveté à fairedépendre la mise en œuvre du principe deprécaution de «l’absence de certitudes, comptetenu des connaissances scientifiques ettechniques du moment», ainsi que le fait laloi Barnier sur l’environnement. Il est ainsisous-entendu qu’un effort de la recherchescientifique pourrait venir à bout del’incertitude en question, qui ne serait là quede façon purement contingente. Or, dans lecas des écosystèmes comme dans celui dessystèmes techniques, l’impossibilité de prévoirles conséquences lointaines de nos actes n’estpas due à l’insuffisance temporaire de nosconnaissances. C’est une impossibilité deprincipe qui résulte de la complexitéintrinsèque de ces systèmes. Les cas ne sont

pas rares où la recherche scientifique accroîtl’incertitude, au lieu de la réduire, précisémentparce qu’elle nous fait découvrir descomplexités inattendues.

La question de la catastrophe futureengage toute une métaphysique de latemporalité. La catastrophe, commeévénement surgissant du néant, ne devientpossible qu’en se réalisant. C’est bien là lasource de notre problème. Car s’il faut prévenirla catastrophe, on a besoin de croire en sapossibilité avant qu’elle se produise. Si,inversement, on réussit à la prévenir, sa non-réalisation la maintient dans le domaine del’impossible, et les efforts de prévention enapparaissent rétrospectivement inutiles. Onpropose une voie pour sortir de l’impasse. �

CONFÉRENCE M.U.R.S.Principe de précaution et catastrophisme éclairépar Jean-Pierre Dupuy

TOURNAGES

� La série «Mémoire du Collège deFrance» vient de s’enrichir d’un troisième

document tourné vendredi13décembre2002. Cette fois, c’est EmmanuelLe Roy Ladurie qui a retracé sa carrière devantla caméra de Ramdane Issaad et de son équipe.En une matinée et trois heures de rushes bétanumérique, M. Le Roy Ladurie a relaté sacarrière d’historien, fabriquant ainsi unearchive, ce qui n’est pas dans ses coutumes.

Gilles L’Hôte� La BBC est venue interviewer

M. Xavier Le Pichon, le 21 novembre 2002,à la suite de la remise du Prix Balzan qu’il a reçule 13 novembre à l’Accademia dei Lincei

(Rome), du Président de la Républiqueitalienne M. Carlo Azeglio Ciampi.

Une autre conférence a été donnéele 10 décembre 2002 par

M. Michel Callon,Professeur à l’École des Mines

sur le sujet suivant :«Science et société,

les trois traductions».Deux autres conférences sont prévues

les 22 avril et 10 juin 2003(voir l’agenda).

Pr. Emmanuel Le Roy Ladurie, titulaire dela chaire d’Histoire de la civilisation modernede 1973 à 1999.

Pr. Xavier Le Pichon, titulaire de la chaire deGéodynamique depuis 1986.

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24 LA LETTRE - N° 7

RENDEZ-VOUS AVEC ANDRÉ MIQUEL

Extraits de l’interview réalisé parLucien Bitterlin pour le journal«France Pays Arabes» de juin 2002

France-Pays Arabes : André Miquel, vous êtesagrégé de grammaire, Docteur ès Lettres, vousavez fait vos études à Montpell ier, lycée etuniversité, puis à l’École normale supérieure.Pourquoi avez-vous aussi décidé d’apprendrel’arabe en 1950 ?

André Miquel : De 1950 à 1952, j’aifait de l’arabe pour mon plaisir, sans tropsavoir où cela me mènerait, hors de touteidée de carrière universitaire. J’ai suiviquelques cours de Régis Blachère auxLangues O. (aujourd’hui INALCO), maisj’ai commencé seul, avec un étudiantmarocain qui me corrigeait mes versions etmes thèmes. À la fin de l’année universitaire50-51, je suis allé présenter à Régis Blachèreune traduction de la version arabe du«Cantique des cantiques». Gérard Troupeau,mon vieil ami, m’a dit plus tard :«Normalement Blachère aurait dû terenvoyer sèchement». Or il m’a très bienreçu, m’a fait parler de moi et m’a déclaré :«Tout cela est très joli, mais je vous attendsà la rentrée, et je vous mettrai un texte arabequ’il faudra me lire et me traduire». Pendantles quatre mois qui ont suivi, j’ai fait del’arabe, pendant dix heures par jour. C’estainsi que j’ai réussi mon examen de passageavec Régis Blachère, à l’automne 1951. J’aifait un diplôme supérieur d’arabe, qui étaitdéjà une traduction, partielle, d’ungéographe arabe du Moyen-Âge.

Vous pensiez que l’arabe vous serait utile pourvotre carrière ?

Pas du tout. J’avais envie d’êtrediplomate. Je suis allé ensuite en Syrie, entant que boursier de l’Institut Françaisd’Études Arabes de Damas, l’IFEAD, quedirigeait Henri Laoust, pour me familiariserun peu plus avec le monde arabe et salangue. Ensuite, je suis rentré en Francepour faire mon service militaire. Et comme

il n’y avait pas de poste dans les Institutsde l’étranger au Caire ou Damas, je me suisretrouvé archéologue en Éthiopie, par lessoins du ministère des Affaires étrangères.

Vous avez été secrétaire général de la sectiond’archéologie de l’Institut éthiopien d’études et derecherches d’Addis-Abéba en 1955 et 1956.

Comme je n’avais pas la foiarchéologique, car j’étais loin de mes bases,bien qu’en territoire sémitique par leslangues éthiopiennes, je suis rentré enFrance. Après un an d’enseignement aulycée de Clermont-Ferrand, j’ai été appeléau Quai d’Orsay, à la Direction généraledes Affaires culturelles et techniques, sous-direction de l’Afrique et l’Asie, au service del’enseignement.

Vous voilà arrivé à la diplomatie, c’est ce quevous désiriez ?

En effet. J’avais terminé une thèsecomplémentaire. Ma carrière allait m’amener

au Caire, où je devais faire une thèseprincipale sur «cinéma et littérature dansl’Égypte contemporaine». Ensuite au boutde quelques années passées dans les postesculturels à l’étranger, je pensais demander mamutation à la carrière diplomatique au tourextérieur. C’est l’Égypte qui a été le tournantde ma vocation.

C’était l’époque de la guerre d’Algérie. Votrearrivée en Égypte se situe en 1961 ?

C’est l’hiver 1961-1962, où se déroulele procès des «diplomates du Caire», où jeme suis retrouvé avec des collèguesdiplomates accusés de complot contrel’État. Dans ces cinq mois de prison, j’airéfléchi sur la voie que j’avais prise etconstaté que je n’étais pas fait pour ladiplomatie. J’ai alors estimé qu’il n’y avaitpas de plus beau métier que d’êtreenseignant, chercheur, et plus encoreécrivain.

L’Égypte, ce n’est pas seulement cette périodepénible pour vous. Vous y êtes retourné,notamment pour y faire des conférences,pourtant vous aviez été marqué par ce quevous avez vécu en prison ?

Oui, parce que j’étais arrivé enÉgypte à la fin septembre 1961, et quej’ai été emprisonné dès la fin novembre.Je n’ai connu l’Égypte que durant deuxmois. Nous avons été libérés en avril1962, après la libération d’Ahmed BenBella.

Le Président Nasser, après les accords d’Evianqui mettait fin à la guerre d’Algérie, vous afait libérer.

Le procès a été suspendu sine die. Nousavons été mis dans le premier avion enpartance pour la France. Et puis on n’en aplus entendu parler.

Après ce séjour en Egypte, vous serez maître-assistant d’arabe à la faculté des Lettres d’Aix-en-Provence de 1962 à 1964, puis de

M. André Miquel a été titulaire de la chaire de Langue et littérature arabes classiques de 1976 à1997 et Administrateur du Collège de France de 1991 à 1997.

André Miquel a été choisi commepremier lauréat du Prix Arabo-Français, pour l’année 2002.Ce prix est décerné par le Conseildes Ambassadeurs Arabes en France.

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25N° 7 - LA LETTRE

Sociologie de la Langue et de la Littératurearabe, à la VIe section de l’École pratique desHautes Études, 1964-1968, et maître deconférences à l’Université de Paris VIII(Vincennes 1968-1970). Vous êtes unesommité dans l’enseignement de la langue, dela culture, de la civilisation arabes. Vous avezfait beaucoup pour donner une autre imagedu monde arabe.

Quand je suis revenu à l’Université, monpremier projet était plutôt de retourner à lalittérature comparée. Je voulais montrer dequel apport la littérature classique pouvaitêtre dans le concert de la littératureuniverselle, autour des grands thèmes quifont la littérature universelle à savoir l’amour,la mort, l’inquiétude, l’au-delà, les sentimentshumains les plus banals, mais qui fontsouvent la plus grande littérature.

Le départ de Régis Blachère en1970, lorsqu’il prit sa retraite, a fait queje lui ai succédé dans sa chaire de langueet littérature arabe classiques. C’est celaqui a fait de moi un arabisant. De toutefaçon, littérature comparée ou littératurearabe, j’ai toujours pensé qu’une bonnepartie des conflits entre les civilisationsvenait d’une grande méconnaissance. Ilme semblait que notre pays, etl’Occident plus généralement, souffraitd’une grave carence en matière deconnaissance de ce monde. Sur un pointtrès précis : nous sommes très fiers enOccident, de notre Moyen-Âge, parceque nous estimons, à bon droit sansdoute, qu’une bonne partie de nosracines se situe là. Le raisonnement est afortiori valable pour les pays arabes, pourles pays du Proche-Orient puisque c’estlà, dans les grands siècles du Moyen-Âgearabe, que se place la grande civilisationqui s’exprime dans cette langue. Parcequ’il ne faut pas oublier qu’entre lesannées 750 et 1250, la civilisation arabea été l’une des plus grandes, et peut-êtrela plus grande de la civilisationuniverselle, sur le plan de la littérature,de l’expansion des sciences, et des arts,etc.

Vous devenez professeur au Collège de Francede 1976 à 1997. Quel est le public d’unprofesseur au Collège de France ? Que fait-il ?

Le Collège de France se situe à part del’Université. C’est l’occasion donnée à unprofesseur, comme le disait Braudel dans

une formule célèbre : «d’enseigner ce qu’ilcherche». Autrement dit, qu’aucun cours nepeut être distribué d’une année sur l’autre.C’est une obligation à une rechercherenouvelée en permanence. Il s’adresse à unpublic qui veut bien écouter votre cours,collègues, étudiants, mais aussi le grandpublic qui veut parfaire une culture générale,et également à tous ceux qui voudront lire leslivres que vous avez écrits, et qui serapportent au cours que vous prononcez.

Ces livres-là sont-ils largement diffusés, ou trèsmoyennement ? De toute façon la littératurearabe est aujourd’hui beaucoup mieux connuequ’elle ne l’était il y a trente ans.

C’est exact. II faut à ce sujet rappeler lerôle tenu par Pierre Bernard, le fondateurdes Éditions Sindbad, de la BibliothèqueArabe, dont Actes Sud a repris l’héritage.

En fait, ce que l’on peut produire en tantque professeur au Collège de France, ressortà deux types de littérature : la littératuresavante qui se publie dans des maisonsspécialisées, mais également, quand on lepeut, une littérature de vulgarisation.

En sus de certains livres de vulgarisationque j’ai écrits lorsque j’ai travaillé du pointde vue de l’histoire et de la sociologie, sur leshistoires d’amour de la vieille Arabie duVIIe siècle, j’ai publié chez Pierre Bernard lerésultat de mon cours au Collège de France,parallèlement une anthologie de ces poèmesd’amour, et en même temps, un roman dece poète tel que l’avait fabriqué la légendearabe du Moyen-Âge. C’est un cas un peuextrême portant sur un seul sujet, mais onpeut envisager, en effet, qu’un professeur auCollège de France, qui est parfaitementlibre, ait à côté de sa production proprementscientifique une production plus axée versla vulgarisation. Je n’aime pas ce mot, car ilest un peu dépréciatif, et il exprime mal lanécessité où nous sommes, s’agissant de lacivilisation d’expression arabe, d’une bonnevulgarisation.

Et ce tout autant pour le public qui, d’originearabe, en France, ne connaît pas toujoursl’histoire de sa propre civilisation.

C’est évident. Mes meilleurs souvenirsd’enseignant sont les années passées àParis VIII et Paris III (Censier),notamment dans les séminaires avec lesétudiants confirmés qui faisaient des thèses.J’ai vécu alors des échanges inoubliables

avec eux. J’apportais une certaine manièrede voir les textes, et je constatais que lesétudiants d’origine arabe n’étaient pashabitués à cette lecture. Mais ilsm’apportaient à moi, Français, venu tard àl’arabe, bien des éléments que je connaissaismal. Une bonne partie de mes recherchesest née de ces entretiens,

Le grand public ignore souvent ce que l’ondoit aux Arabes, dans le langage commun.Dans l’émission récente de Patrick de Carolis«Des racines et des ailes», Dominique Baudis,le président du C. S. A., et une historienne quivit en Syrie, ont énuméré toute une série denoms communs d’origine arabe : l’aubergine,les haricots, la jupe, l’alcool, l’alambic, etc.Vous avez souvent donné ces exemples devocabulaire de la vie courante d’origine arabe.

J’avais soumis à Le Roy Ladurie, à partird’un texte d’un géographe arabe de la findu Xe siècle, Palestinien d’origine, une listedes plantes qui poussent dans le jardin deson pays. Un mot, croyais-je, signifiait lechardon. Or Le Roy Ladurie m’a dit que cen’était pas le chardon, mais l’artichaut, lechardon sauvage acclimaté là, dans lesjardins de Palestine, prêt à entreprendre avecd’autres espèces, sa grande migration versles jardins d’Occident.

Vous avez été administrateur général de laBibliothèque nationale de 1984 à 1987, etadministrateur du Collège de France de 1991à 1997. Vous êtes membre également de laCommission de l’IFEAD, et vous avezappartenu à la Commission de l’InstitutFrançais d’Archéologie Orientale du Caire en1984, et ce pendant plusieurs années. Vousavez également été administrateur et vice-président de l’Institut du Monde arabe.

J’ai été heureux de participer à cetteentreprise de l’Institut du Monde arabe, àcette époque charnière où s’est décidé le choixdéfinitif du site de l’IMA en bord de Seine,ainsi que le projet architectural de JeanNouvel, et surtout la destination de l’Institut.Nous avions été d’accord, les ambassadeursarabes membres du Conseil et les membresfrançais du Conseil, pour estimer que cetInstitut avait vocation surtout à donner legoût du monde arabe à un très large publicfrançais. Je crois que le pari a été tenu quandon voit le succès des expositions qui s’ytiennent. Pour le travail de recherche plus enprofondeur, nous estimions que cet Institut

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devait être un lieu d’accueil pour leschercheurs sur le monde arabe contemporain.Nous convenions que du côté classique, c’étaitla responsabilité des universités, mais nousconstations qu’il manquait une institutionpour parler aux Français qui le souhaitaient,du monde arabe tel qu’il était aujourd’hui.Là aussi, le pari a été tenu.

Et l’INALCO, «Les Langues O» ?J’y ai passé une année. Mais c’est

surtout là où, je le répète, j’ai rencontré leprofesseur Régis Blachère. C’est un hommequi m’a toujours compris. Je lui disais quel’arabe m’intéressait, mais je ne savais pastrop comment l’utiliser. Il m’a réponduqu’il m’aiderait à progresser. Et plus tard,lorsqu’il m’a fait l’honneur de me tutoyer,il m’a dit que je ne l’avais pas déçu.

Nous n’avons pas encore parlé de vos livres.Combien en avez-vous publié ?

Je dois en être au cinquante-sixième, oucinquante-septième, dont une quinzained’ouvrages littéraires, romans et autres. J’ai écritune quarantaine de livres sur le monde arabe.

Je ne me considère pas comme unhistorien. Par contre, à la demande de Braudel,j’ai écrit «L’Islam et sa civilisation». Je lui avaisdit que je n’étais pas historien, et il m’avaitrépondu : «tu n’as que le devenir pour écrirece livre». Je sais le travail que cela m’a coûté.Cela a été une parenthèse dans ma vie. Dansla mesure où j’ai un peu flirté avec l’histoire,c’était à l’occasion de mon travail de«littérature». Ce que j’estime être mon travailscientifique, ce sont mes quatre tomes sur lagéographie humaine du monde musulmanautour de l’an mille. Ce qui m’intéressait, cen’était pas de faire un travail d’historien, desavoir si ce que les voyageurs voyaient étaitvrai, c’était de mettre sur la table, là, tel qu’ilsme le disaient, ce qu’ils voyaient. Et de faire lapart de la réalité, des rêves, des souhaits, deserreurs, des regrets. Autrement dit, de répondreà des questions simples. Exemple : «qu’est-cequ’un Chinois pour un Arabe des années neufcents-mille ? Pour le monde des hommes,qu’est-ce qu’une ville ? Qu’est-ce qu’unimpôt ?» Il fallait savoir comment ils yrépondaient. En clair ou par leurs sous-entendus. Autrement dit, c’est une façon devoir l’histoire que j’ai partagée avec de véritableshistoriens plus connus que moi, je pense àDuby, à Le Goff. Mais nous étions tous àpenser la même chose sur la façon dont nous

devons regarder «les autres». Non passeulement faire des constats de faits matérielsprouvés par l’histoire, mais aller plus avantdans ce qu’il était convenu d’appeler autrefois«l’histoire des mentalités».

Pouvez-vous nous parler un peu de Majnûn ?Ce qui se passe en Méditerranée orientale

m’interpelle quotidiennement. C’est peu direque j’en souffre. Je souhaite ardemment que lapaix revienne. Comment ? Je n’en sais rien. Jeviens d’achever de traduire mon cher Majnûn,mon «poète d’amour». Je me dis que par lestemps qui courent, ce sera mon message àmoi, de terminer ma carrière de savant sur unmessage d’amour et de paix.

Lorsque je suis allé aux études arabes, cen’était pas avec des idées préconçues sur l’Islamet les Arabes. Je voulais savoir si les arabespartageaient avec moi un certain nombre deréactions devant la vie. Au départ je fus assezdéçu car nos « vieux maîtres » pensaient quela poésie était faite de clichés. Comme si toutela poésie, de par le monde, n’était pas nourriede clichés, avec les mêmes thèmes : comme lanature, la mort, Dieu, l’espérance, larésurrection et le reste !

Après m’être plongé dans les traités desavants arabes du Moyen-Âge, quim’expliquaient ce qu’était leur poésie, j’y suisentré. J’ai compris que ces poètes arabesdisaient, à leur manière, les mêmes chosesque nous : qu’ils aimaient, qu’ils sedésespéraient, qu’ils étaient sujets à la colère,

à des violences et à des repentirs. Ce messagede Majnûn est dans l’amour d’un hommeet d’une femme et de ce que cela comportede regrets, de désillusions, d’espoirs forcenéset aussi d’espoirs dans l’au-delà, si après lamort nos âmes s’y trouvaient, comme il ledit dans un très beau vers. Que tout cela,finalement, a valeur éternelle. J’espère, quemoi disparu, j’aurai contribué à faireconnaître Majnûn et quelques autres.

Vous aurez contribué surtout à faire connaître,estimer et respecter le monde arabe.

J’ai essayé. Je ne suis pas thuriféraire.Quelques-uns m’ont reproché de voir en rosela grande civilisation arabe du Moyen-Âge.J’ai toujours dit, en ces temps du très longMoyen-Âge, qu’il y avait un pouvoir centralqui permettait aux gens d’autres religions, lesjuifs et les chrétiens, d’exercer leur culte entoute liberté, même si c’était moyennant unimpôt. Il est vrai qu’aujourd’hui, ce n’est pas detolérance, d’un acte octroyé par le pouvoir,que nous avons besoin, mais d’humanité, defraternité et de compréhension mutuelle. Ilreste qu’en ces hautes époques, dans un sièclequi émergeait à peine de la barbarie, il y a eulà, de l’Espagne jusqu’à l’Asie centrale, unempire qui a essayé de faire vivre dans la paixles communautés dont il avait la charge, àcommencer par celles qui ne partageaient pastout à fait sa religion, même s’il s’agissait desreligions abrahamiques. Il y a eu dans cettegrande civilisation arabe des déficiences, des«bavures», mais beaucoup plus de domainesqui lui donnaient sa grandeur.

Je suis persuadé, que dans d’autrescirconstances, notre «Renaissance» auraitpu se faire sur les bords du Tigre dans lesannées neuf cents - mille peut-être. �

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De quelle manière le projet des grandstravaux du Collège de France a-t-il débutésous votre mandat d’Administrateur ?

Il est né dans ma tête, bien sûr, maiss’est réalisé très vite grâce à l’appui deM. Émile Biasini qui était alorsSecrétaire d’État aux Grands Travauxde la Présidence de la République. Jelui ai demandé un jour si l’idéed’inscrire le Collège dans ces grandstravaux pouvait se justifier. Aprèsm’avoir demandé de lui expliquer cequ’était le Collège, M. Biasini m’a dit«N’allez pas plus loin, vous m’avezconvaincu». Je tiens à le dire : ÉmileBiasini fut la chance du Collège deFrance.

Après cette première entrevue, leschoses sont allées assez vite :préparation des projets, constitution desjurys d’architectes, programmationfinancière (la partie la plus dure). Toutcela, je tiens aussi à le dire, avec l’aideirremplaçable à mes côtés de JacquesGlowinski.

Le reste est connu : les fouillesarchéologiques, les grands travauxd’aménagement jusqu’à la grandejournée d’inauguration du18 septembre 1998.

Ce que l’on sait moins, c’est laterreur de l’Administrateur à la penséeque les fouilles pouvaient déboucher surd’immenses vestiges archéologiquesgallo-romains et durer sur des annéeset des années d’investigations et dereport des premiers travaux...

En tant qu’Administrateur, quelles sontles difficultés quotidiennes auxquelles vousavez été confronté ?

Les plus importantes sontévidemment d’ordre financier. Avantl’engagement des grands travaux, lebudget du Collège m’apparaissaitpresque dérisoire au regard de ce quel’on appellerait ailleurs le rapportqualité-prix. D’où les démarches sansfin pour obtenir des augmentations debout de chandelle. D’où la nécessitéd’adapter au jour le jour les règlesfinancières à la marche de la maison.

Bien sûr, l’administration même duCollège est là pour traiter cesproblèmes, il reste que l’Administrateurles porte comme une charge qui ne luirend pas toujours le temps heureux.Pour le reste, la vie même du Collège,et notamment les relations avec lespersonnels m’apparaissent différentesde celles que j’avais connues à ladirection de la Bibliothèque nationale.Ici, et fort heureusement, la maison estplus petite, l’Administrateur connaît àpeu près tout le monde et cela facilitebien les choses.

Et puis, comme pourl’administration, il y avait la relationindispensable en la personne de Jean-Pierre de Morant, qui était la mémoirevivante du Collège et dont les conseilsde retenue ou au contraired’engagement étaient toujoursmarquées d’un grand bon sens. Je veuxdire, en la circonstance, du sentimentdu maintien d’une tradition aussi bienque la nécessité d’aller de l’avant. �

Interview réalisée par P. Llegou

SOUVENIRS D’UN ADMINISTRATEUR

Quelques ouvrages d’André Miquel :

- Le livre de Kalila et Dimna (1957,rééd. 1980).- La Géographie humaine du mondemusulman (t. I, 1974 ; t. II, 1975 ;t. III, 1980 ; t. IV, 1988).- L’Islam et sa civilisation (1968).- La Littérature arabe (1976).- Sept contes des mille et une nuits (1981).

Récits et romans :- Le repas du soir (1964).- Le Fils interrompu (1971).- Les Lavagnes (1974).- Vive la Suranie (1978).- Propos de Littérature arabe ; Layla,ma raison (1984).- Ousâma, un prince syrien face auxCroisés (1986).- L’Inaccompli (1989).- L’Orient d’une vie (en coll., 1990), - Les Arabes, l’Islam et l’Europe (encoll, 1991.- Mille et un contes de la nuit (en coll.1991).- D’Arabie et d’Islam (1992).- Du Golfe aux océans (1994).- Six à sept saisons pour revivre (1995).- L’amour poème de Majnûn(3e édition 1998).- Du désert d’Arabie aux Jardinsd’Espagne (anthologie poétique,1992, avec Hamdane Hadjadji).- Les Arabes et l’amour (anthologiepoétique, 1999).- Poèmes de vie et de mort d’Abûl’Atâhiya (2000).- Du Monde et de l’ Étranger, Orient,an 1000 (2001).

MM. André Miquel et Émile Biasini lorsde l’inauguration des nouveaux espaces, le18 septembre 1998.

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Explorer, découvrir et innover dans ledomaine des Sciences biologiques, diriger uneéquipe, encadrer des étudiants et leur enseignerle savoir passé et présent, collaborer auxniveaux national et international, jeter despasserelles entre différentes disciplines, le toutavec un esprit enthousiaste, passionné, collectifet empreint de respect de l’autre. Tels étaientmes objectifs principaux lorsque je décidai, àl’issue de mon cursus universitaire suivi àl’Université Pierre et Marie Curie, de mediriger vers le domaine de la Recherche.

Si mon goût pour les Sciences de la Natureet de la Vie se révéla très tôt, tout commençaréellement en 1977. Particulièrement attirée parle Système Nerveux Central et sonfonctionnement, c’est dans le Laboratoire deNeurophysiologie Comparée dirigé par lePr.P.Buser, à l’Université Paris VI, que je fis mesdébuts d’abord comme étudiante de DEA, puiscomme doctorante de 3e cycle. Sous l’œilattentif, formateur et critique du maître, jem’initiai aux problématiques du système visuelet de sa plasticité chez le mammifère supérieur.Alors que la recherche sur le sujet était déjà trèsactive mais visait essentiellement à identifier lesfacteurs génétiques et épigénétiques quiconditionnent la plasticité de ce système aucours du développement, je me focalisai plusparticulièrement sur la plasticité qui s’opère chezl’adulte. Le sujet était à cette époque pour lemoins épineux, mais je pris le risque de m’yaventurer. A cette occasion, nous démontrionspour la première fois, au niveau cortical et àl’échelle cellulaire, qu’une plasticité fonctionnelledépendante de l’expérience visuelle existait chezl’adulte, comme chez le jeune, après unedéafférentation partielle du système visuel. Cesdonnées innovantes, obtenues par uneapproche électrophysiologique, furentconfirmées ultérieurement par d’autres chezdifférentes espèces de mammifères.

Ma carrière de chercheur se poursuivitensuite au Collège de France. En 1981, aprèsl’obtention de ma Thèse de 3e cycle, lePr.Y.Laporte me proposa tout d’abord un postede Préparateur Temporaire dans son Laboratoire(Chaire de Neurophysiologie), poste quej’acceptai bien évidemment. En 1986, je fusnommée Assistante puis Maître de Conférencesen 1990, toujours dans ce même Laboratoire.Ma recherche principale s’effectua alors tout

d’abord sous la direction du Dr P. Buisseret,alors sous-directeur de la Chaire et ancien élèvedu Pr. M. Imbert. Elle se poursuivit ensuite sousmon propre contrôle. Elle concerna, pourl’essentiel, l’étude du rôle de la vision et desmouvements oculaires dans le développementdu cortex visuel du mammifère supérieur. Cetteseconde étape dans ma carrière fut tout aussidéterminante que la première puisqu’ellem’initia aux problèmes du développement dusystème visuel. Elle me permit de mener unecollaboration en Grande-Bretagne. Elle meconduisit aussi à établir des relations étroites etdurables avec les ophtalmologistes via descollaborations scientifiques et l’enseignement, età encadrer mes premiers étudiants. Cette étapese solda aussi en 1988 par l’obtention d’uneThèse d’Etat et d’une Habilitation à diriger desrecherches.

Parallèlement à ces étudesdéveloppementales, j’amorçai une nouvellesérie d’investigations électrophysiologiques encollaboration avec P. Buser. Elle portaitégalement sur les bases neurales de la perceptionvisuelle, mais était plus particulièrementfocalisée sur le rôle du corps calleux dans cetteperception. Nous démontrâmes alors qu’uneperturbation de la vision binoculaire chez lemammifère adulte pouvait modifier lacontribution de cette commissure cérébraledans la perception de la portion médianeverticale centrale du champ visuel, zoneperceptive hautement stratégique. Par là même,nous démontrions pour la première fois quel’intégration interhémisphérique chez l’adultepouvait être modifiée par l’expérience visuelle,suivant différents délais temporels. Nousétablissions aussi un pont entre neurosciences

intégratives et neurosciences cognitives. Pour lecôté novateur de cette découverte, je fus doubleLauréate de l’Académie des Sciences en 1996.Ces travaux nous permirent aussi d’élaborerun réseau européen impliquant 6 laboratoireset d’obtenir un contrat de la CEE cette mêmeannée.

En 1993, au départ en retraite duPr.Y.Laporte, j’intégrai la chaire de Physiologiede la perception et de l’action dirigée par lePr.A.Berthoz, étape également essentielle pourla suite de ma carrière. En effet, cette intégrationm’amena tout d’abord en 1996 à devenir chefde l’équipe «Développement et plasticité del’intégration interhémisphérique sensorielle chezles mammifères supérieurs». L’équipe étudie lescaractéristiques anatomo-fonctionnelles descartes corticales calleuses et les mécanismes deleur plasticité, au cours du développement etchez l’adulte. Cette entrée au LPPAs’accompagna également d’une ouverture del’équipe vers une approche pluridisciplinaire etde l’établissement de collaborations au seinmême de l’Institut de Biologie (en particulier laChaire de Neuropharmacologie), ainsi qu’auxniveaux national et international. Elle nous aamenés aussi à utiliser des techniquesinnovantes. La plus «révolutionnaire» est à n’enpas douter la technique d’imagerie optique, quipermet de suivre in vivo les caractéristiques descartes corticales chez l’animal avec unerésolution spatiale et temporelle incomparables(100 µm, 0.1 ms). Bientôt présente dans monposte expérimental, cette technique permettraà l’avenir d’ouvrir de nouvelles voies entrediverses disciplines, via des collaborationsinternes et externes, répondant ainsi à l’une desvocations premières de notre vénérableInstitution.

Ainsi, somme toute, ces années passées auCollège de France m’ont permis d’atteindreune grande partie de mes objectifs. L’avenirme permettra, je l’espère, de les atteindre tous.Quoi qu’il en soit, je ne saurais terminer ladescription de ce parcours sans remercierchaleureusement mes maîtres successifs sansqui tout ceci n’aurait pas été possible. Je tienségalement à exprimer à J. Glowinski,Administrateur du Collège de France, toutema gratitude pour m’avoir donnée icil’opportunité de le décrire.

Chantal MilleretMaître de Conférences au Collège de France

PARCOURS D’UN CHERCHEUR AU COLLÈGE DE FRANCE :

CHANTAL MILLERET

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29N° 7 - LA LETTRE

En dehors des revenus incertains etgénéralement médiocres procurés par lesintermédiats, le syndic était bien démuni pourfaire face aux dépenses communes. Ses seulsrecours étaient, semble-t-il, de dépenserle moins possible et de demander en find’exercice à ses co l l ègue s l eremboursement des débours que lescirconstances l’avaient contraint de faire. Lasituation s’améliora quelque peu en 1707,lorsque le Collège obtint enfin qu’une sommede 450 livres lui soit versée annuellement :c’était à vrai dire fort peu de chose, et leproblème des frais communs ne fut résolud’une manière à peu près satisfaisante qu’en1772. Toutefois, la solution trouvée, surlaquelle il n’y a pas à s’étendre ici, coûta auCollège son indépendance vis à vis del’Université de Paris.

En résumé, la tâche du syndic étaitlourde et difficile ; de surcroît, elle n’étaitaucunement rétribuée, semble-t-il. Aussin’est-il pas étonnant que les syndics successifsaient insisté pour être remplacés après deux,ou au plus trois réélections, malgré lespressions flatteuses de leurs collègues. Cecivalut jusqu’en 1689 : à partir de cette année-là, l’Assemblée des professeurs trouva en effetopportun de confier la charge de syndic àl’Inspecteur du Collège royal, dont le postevenait d’être créé en vertu d’une décisionroyale. C’est ainsi quela fonction de syndic,tout en restantélective, se mua encharge à vie commel’était celle del’Inspecteur, dont ilva être question àprésent.

Alors que ladésignation du Doyen et du Syndic étaitdu seul ressort de l’Assemblée des

professeurs, la nomination de l’Inspecteurdu Collège royal appartint toujours au roi,sans doute après consultation du Secrétaired’État de la Maison du Roi.

Le poste d’Inspecteur fut créé le23 janvier 1688 par un règlement royal,dont lecture fut donnée le 29 janviersuivant devant les professeurs réunis en uneAssemblée extraordinaire convoquée par lemarquis de Seignelay, Secrétaire d’État dela Maison du Roi. Le règlement prescrivaitque chaque professeur serait désormaistenu «d’escrire son nom dans un livreblanc» avant chacune des leçons qu’ildonnerait. Le livre en question serait remisau concierge du Collège par l’abbé Gallois,lui-même professeur royal, qui devrait leparapher chaque jour, et le présenter auSecrétaire d’État lorsque celui-ci aurait àrendre compte au roi de l’assiduité desprofesseurs pour décider en connaissancede cause de «la distribution des gages etrécompenses desdits professeurs». Commel’explique le préambule du règlement, leroi voulait en effet «estre informé del’assiduité avec laquelle les lecteurs etprofesseurs font leurs leçons au Collègeroyal de France, et mettre dans sa perfectionun Establissement si utile pour les belleslettres, pour lequel Sa Majesté fait unedespence considérable tant par les

appointements quepar les récompensesqu’elle fait distribuerausdits professeurs».

Est-ce à dire quele roi et son ministreavaient des raisonsspécifiques de seplaindre d’unmanque de zèle de la

part des professeurs ? Ce n’est pas certaincar, dans ce cas, le préambule du règlement

en aurait vraisemblablement fait état d’unemanière explicite. Aussi peut-on sedemander pour quelle raison le roi voulutalors être renseigné sur le zèle desprofesseurs. Laissons en suspens cettequestion à laquelle on ne peut pour l’instantapporter que des réponses hypothétiques etincomplètes. Constatons seulement quel’ordre donné par Louis XIV en 1688continue d’une certaine manière à êtrerespecté par les professeurs actuels et que,par ailleurs, il est à l’origine del’impressionnante et instructive série desregistres de signatures – reliés de parcheminblanc, soulignons-le – qui sont conservésactuellement dans le bureau del’Administrateur.

On remarquera que le premier de cesregistres date de 1689, et non de 1688comme on s’y serait attendu. Il est certespossible que le registre de 1688 ait été perdu,mais il n’est pas exclu qu’il n’ait jamais existé :non-existence qui serait l’expression muettedu refus initial des professeurs royaux face àl’introduction autoritaire d’un contrôle jugéabusif, et attentatoire à leur dignité et à leurindépendance. Comment d’ailleurs lesprofesseurs n’auraient-ils pas éprouvé del’amertume à l’évocation, dans le préambuledu règlement, de la «despence considérable»que faisait le roi pour leur verser«appointements» et «récompenses»(entendons : augmentations de gages pourancienneté) ? Et ce alors qu’ils n’obtenaientleurs gages qu’à grand peine et que, en outre,leurs rémunérations étaient très inférieuresaux gratifications perçues par d’autressavants, à savoir les membres de l’Académiedes Sciences !

Mais revenons aux tâches del’Inspecteur. Aux obligations stipulées dansle règlement de 1688 s’en ajoutèrentd’autres, sans doute au fil des conversations

À L’ORIGINE DE LA FONCTION D’ADMINISTRATEUR

DU COLLÈGE DE FRANCE (XVIIe-XVIIIe siècles) :

LES DOYENS, SYNDICS ET INSPECTEURS

DU COLLÈGE ROYAL (suite et fin)

par Mme Marie-Jeanne Tits-Dieuaide

La désignation du Doyen etdu Syndic était du ressort del’Assemblée des professeurs

mais la nomination del’Inspecteur du Collège royal

appartint toujours au roi.

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30 LA LETTRE - N° 7

que l’Inspecteur avait assez régulièrementavec le Ministre de tutelle. Le tout futprécisé par écrit en 1728 dans la lettre denomination de l’abbé Claude-LouisClément, qui fut le premier Inspecteur nonchoisi parmi les professeurs royaux. Nousnous bornons à énumérer ici, dans l’ordreoù ils se présentent dans la lettre denomination, les devoirs et prérogatives nonprévus en 1688 : l’Inspecteur devait assister«au moins une fois par mois» aux leçonsdes professeurs, pour informer le Ministre«du nombre des étudiants et del’exactitude des professeurs» ; à l’Assembléedes professeurs, l’Inspecteur avait «séances,voix et opinion délibérative»immédiatement après le doyen ; c’est lui

qui devait avoir la garde des«papiers, titres et mémoires»concernant le Collège ; enfin,il était tenu de faire rapporttous les mois au Ministre, quilui communiquerait les«intentions» du roi.

Le Collège royal était misainsi sous une surveillance plusétroite, dans la mesure, bienentendu, où les Inspecteurssuccessifs ont accompli plus oumoins strictement les tâchesprescrites – ce que les registresdes signatures devraientpermettre d’apprécier.

L’Inspecteur qui remplaçaà sa mort l’abbé Clément était,lui aussi, étranger au Collège,mais tous ses successeurs jusqu’àla fin de l’Ancien Régime furentdésignés parmi les professeursroyaux, à la grande satisfactionde tous ceux-ci.

Qu’il ait ou non fait partiedes professeurs royaux, toutInspecteur du Collège royalétait assuré a priori de labienveillance du pouvoir,puisqu’il en était en sommeune émanation. C’est ce quecomprirent vite les professeursqui, en avril 1689, un an aprèsla nomination du premierInspecteur du Collège, l’abbéGallois, prièrent instammentce dernier d’accepter la chargede syndic : comme le syndic enplace venait d’achever son

second mandat et demandait à êtreremplacé, «tous jettèrent les yeux surMonsieur l’abbé Gallois, dont les raresqualités, le crédit et l’accès qu’il a auprès despremières personnes de l’Estat, le rendenttrès propre à soustenir la réputation et lagloire de la Compagnie, et a travaillerutilement pour ses véritables intérests».L’abbé Gallois dut accepter la charge et parla suite, malgré ses efforts pour s’endébarrasser, il fut réélu constamment,jusqu’à sa mort en 1707, à l’âge de soixante-quinze ans. Le pli était pris, et tous lesInspecteurs qui succédèrent à Gallois furentsans discontinuer élus et réélus au poste desyndic, pour ainsi dire jusqu’à l’épuisementde leurs forces. Les syndics élus en 1689 et

après cette date semblent en effet n’avoirplus eu la possibilité de se démettre dusyndicat. Cela tient sans doute au fait qu’ilsavaient été d’abord nommés inspecteurs, etque certains émoluments étaient attachés àcette dernière fonction, ce qui n’était pas lecas de celles de syndic : aussi était-ilmoralement difficile à un inspecteur,surtout s’il était issu du corps professoral, derefuser la charge de syndic ou de la quitter.

Les deux derniers Inspecteurs-Syndics,tous deux par ailleurs professeurs royaux,furent d’une longévité qui les empêchad’exercer à la longue avec l’énergie vouluela charge de syndic, que l’Assemblée desprofesseurs finit par confier dans chaquecas à un suppléant. Tous deux conservèrenten revanche leur poste d’Inspecteur sansjamais chercher, semble-t-il, à s’endémettre. Et ce fut faute d’avoir prêtéserment à la Constitution civile du Clergéque l’abbé Garnier – à la ténacité duquel leCollège doit en grande partie le bâtimentChalgrin – vit la suppression de son posted’Inspecteur, le 30 avril 1791.

Au terme de cet aperçu sur le rôle duDoyen, du Syndic et de l’Inspecteur, ilconvient de dire brièvement comment ils’est fait qu’un Administrateur a été nomméà la tête du Collège de France en 1800.

Sans pouvoir entrer dans les détails,disons que, de 1789 à 1798, le Collège futtrès ébranlé par l’atmosphère généraled’instabilité et d’incertitude caractéristiquede cette décennie. Les professeurs ont alorsvisiblement vécu la plupart du temps aujour le jour, continuant obstinément leurenseignement tout en ne sachant pas s’ilspourraient achever l’année en cours etcommencer la suivante. Le Collège serait-il ou non supprimé ? Telle fut longtemps laquestion en suspens. Ce n’est qu’en 1798que le Collège fut enfin assuré de sa survie.

Entre-temps, son fonctionnement avaitdû être adapté aux conditions imposées parla Révolution. Tout d’abord, dès 1789, leSyndic fut chargé par la municipalité deParis «du travail important dessubsistances», ce qui l’empêcha de s’occuperconvenablement de la gestion du Collège.Puis, le 5 mai 1791, les professeurs

Nomination d’unAdministrateur en 1800.

Du dimanche des Rameaux 23e Mars 1687,Monsieur Doujat Doien Président

On résolut dans l’assemblée que les affichescommunes du semestre de Pasque seroientimprimées par les soins du Syndic quidonneroit ordre qu’on en attachat des copiesdans tous les lieux ou il est important qu’ellesparoissent.

Ensuitte les comptes du Syndic furent ouïset examinés par toute la compagnie. Ladépence estoit de 128 lb.12s. qui estantpartagées également entre dix huit, faisoientpour chacun 7 lb.2s.4d.

Monsieur du Pin Docteur en Sorbonneestant entré, il salua la Compagnie, et mit surle bureau les lettres de provision qu’il avoitabtenües du Roy en survivance de la Chaireque Monsieur Noël remplit si dignementdepuis plus de trente ans qu’il enseigne laPhilosophie au Collège Royal, après l’avoirenseigné plus de vingt années au Collège deHarcourt. Ces lettres furent leües par le Syndicet la Compagnie tesmoigna a Monsieur DuPin la joye qu’elle avoit de veoir entrer dansson corps une personne que sa profondeerudition et l’excellence de ses ouvrages ontrendu fameux parmy les scavans dans un aage,ou les autres pensent a peine à s’appliquer àla recherche de l’antiquité…

Signé : Tavernier syndicExtrait du Procès-verbal

de l’Assemblée du 23 mars 1687,Registre des Délibérations pour

les années 1674-1731, folios 56v°-57r°.

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31N° 7 - LA LETTRE

apprirent que, le 30 avril, le Directoire duDépartement de Paris avait supprimé «laplace d’inspecteur vacante par la nonprestation de serment de M. Garnier» ; enmême temps cependant, les professeursétaient autorisés «à choisir entre eux celuiqui sera chargé des fonctions ci-devantattribuées à l’inspecteur, mais sans y joindreles émoluments». L’Assemblée passaaussitôt au vote et élut l’astronomeLalande (titulaire de la chaire deMathématiques puis Astronomie de 1768à 1807) comme inspecteur.

Pour le Collège, ce fut sans doute unbon choix, car Lalande débordait d’énergie,

connaissait beaucoup demonde, et savait se montrerhabile ; en politique, il étaitprêt, semble-t-il, à acceptercertaines réformes, mais cen’était pas un révolutionnaire.

À partir de son électioncomme inspecteur, Lalandeparaît avoir été l’homme-orchestre du Collège, portantcertes le titre d’inspecteur, maisexerçant surtout les fonctionsde syndic, et parfois celles dedoyen. Attentif auxévénements politiques,guettant les informationsrelatives aux intentions desautorités en général et duComité d’Instruction publiqueen particulier en ce quiconcerne le maintien ou lasuppression des anciensétablissements d’enseigne-ment, Lalande aida beaucoupà la conservation et à la surviedu Collège. C’est du moins cequi ressort du registre desdélibérations que Lalanderédigea lui-même, il est vrai,depuis son élection commeinspecteur jusqu’au 10 frimairean VII (30 novembre 1798).

Cette date du 10 frimairean VII a marqué un tournantdans l’Histoire du Collège deFrance. Ce jour-là en effet,l’Assemblée délibéra «sur unenouvelle organisation duCollège». De sa petite écriturefine, Lalande rapporte dans leregistre des délibérations : «on

a été au scrutin sur la question : le Collègerestera-t-il tel qu’il est oui ou non ? 10 voixont été pour non, ainsi on procédera à unenouvelle organisation».

L’Assemblée mettait ainsi à exécutionun projet annoncé lors de sa réunion du20 brumaire an VII (10 novembre 1798) :annonce assez soudaine que les comptesrendus des Assemblées précédentes nelaissaient pas présager. Le moment étaitvenu, semble-t-il, de mettre le Collège deFrance «en harmonie avec les autresétablissements de même genre» du moinsen ce qui concernait la direction del’institution.

Il en résulta un système de directioncollégiale dont on dira seulement qu’il étaittrop lourd et compliqué pour donnersatisfaction. Aussi fut-il quelque peusimplifié. Survint le coup d’État du 18brumaire an VIII (9 novembre 1799) ; lenouveau gouvernement essaya d’imposerun administrateur choisi en dehors ducorps professoral et aidé d’un agentcomptable, mais le Collège repoussa cettesolution avec assez de conviction pour quele Ministre de l’Intérieur adresse auxprofesseurs la lettre suivante : «J’avaispensé, citoyens, faire une chose qui vousétait agréable en vous délivrant de toutecomptabilité ; mais puisque vous ne voyeznul inconvénient à ce qu’un de vous ensoit chargé, je m’empresse de confier cesoin au citoyen Le Febvre Gineau, votreprésident. Je vous salue, L. Bonaparte».Cette lettre, datée du 7 brumaire an IX(21 novembre 1800), n’utilise pasl’expression «Administrateur du Collège deFrance» mais ce sera cependant celle quisera utilisée désormais, en particulier dansles lettres adressées par le gouvernement àLefèvre-Gineau.

Le ton de la lettre de Lucien Bonaparteest un peu moqueur. Peut-être ne comprit-il pas que le Collège préférait au fondgarder le plus possible la haute main sur laconduite de ses affaires, et préserver par làau maximum son indépendance. �

Marie-Jeanne TITS-DIEUAIDEMaître de conférences, associée à la chaire

d’Histoire de la civilisation moderne

N.B. : À propos des sources utilisées dansl’article ci-dessus, nous devons nous borner icià dire qu’il s’agit, pour l’essentiel, des troispremiers « Registres des délibérations prises auxAssemblées des Professeurs ». Ce sont troisregistres manuscrits composés au fil du tempsentre 1674 et 1823, ils contiennent ce que nousappellerions aujourd’hui les procès-verbaux desAssemblées. D’autre part, nous avonsévidemment recouru aussi à l’Histoire du Collègede France d’Abel Lefranc, publiée à Paris en1893 ; à cette époque en tout cas, A. Lefrancignorait l’existence même des «Registres desdélibérations», si précieux pour l’étude dufonctionnement et de la vie interne du Collègeroyal (cf. la page 367 de son livre).

Le Collège de France pendant la Révolution

On a mis les scellés sur le citoyen Bouchaudpar ordre du Comité de Sureté générale. Il a étéarrêté.

J’ai présenté à la Commission exécutive del’Instruction publique un mémoire pour lesréparations du Collège, vitres, carreaux,couvert.

J’ai présenté un mémoire pour préparer larentrée du Collège et être autorisé à faire suppléerles absens, les détenus.

Le citoyen la [illisible] nous promet touteassistance de la part de la Comission, Payan,Fourcade ; mais Payan a pris la fuite, Fourcadearrêté.

La Révolution du 9 thermidor et le supplicedes Tyrans ont empêché l’Assemblée du 10thermidor.

22 thermidor. Mauduit sorti de la maisond’arrêt où David l’avait fait mettre.

Le 1. fructidor, Cousin de retour chez luiaprès 81/2 mois de détention.

Le 3, Poissonnier doyen élargi.Daubenton a affiché un cours d’histoire

naturelle pour le Collège de France dont les leçonsse feront dans le Cabinet du Muséum en vertu dudécret du 10 juin 1793.

Bosquillon est mis en réquisition pour lespauvres, et revient malgré l’arrêté contre les ci-devant nobles qui le tenoit éloigné.

Registre des délibérations pourles années 1780 à 1823, p. 73 : il s’agit d’un

texte écrit par Lalande et inséré par lui entre ceuxqu’il a consacrés aux assemblées

du 10 messidor an 2 (28 juin 1794) et du 30brumaire an 3 (20 novembre 1794).

AG E N D ACONFÉRENCES

� M. Gregory Louis POSSEHLProfesseur à l'Université de Pennsylvanie (USA)The Indus Civilization : A Contemporary Perspective18, 25 février, 4 et 11 mars 2003,à 14h30.

� Mme Jacqueline RISSETProfesseur à l'Université deRome III (Italie)Traduction et mémoire poétique, de Dante à Rimbaud23, 30 avril, 7 et 14 mai 2003, à 16 heures.

� M. Antonio TABUCCHIProfesseur à l'Universitéde Sienne (Italie)Sélénophiles et sélénophobes dansla poésie européenne du XXe siècle5, 12, 19 et 26 mars 2003,à 15 heures.

� M. Franck BARTHEFondation Claude-Antoine PeccotChargé de Recherche au CNRSExtensions du théorème de Brunn-Minkowski, conséquences géométriques et entropiques5, 12, 19 et 26 mars 2003,de 14 heures à 16 heures.

� M. Maurizio CALVESIDirecteur du département d'Histoirede l'Art Université de Rome"La Sapienza" (Italie)1. Le Caravage : des œuvres de jeunesseaux succès de l'année jubilaire 16002. Le Caravage : les années difficiles du fugitif3 et 10 mars 2003, à 17 heures.

� M. Giuseppe CONTEÉcrivainSbarbaro, Ungaretti, Montale : le néant et l'âme dans la poésie italienne du XXe siècle6 mars 2003, à 16 heures.

� M. Werner ECK

La Lettre du Collège de FranceConception générale, rédaction et coordination : Florence TERRASSE-RIOU, Directrice des Affaires culturelles, Patricia LLEGOU, Danièle QUÉNÉHEN.

Conception graphique : Patricia LLEGOU. Crédits photos : © Collège de France, Cyril FRÉSILLON et Jean-Pierre MARTIN. Scan couverture : Jean-Jacques GUILBARD

ISSN 1628-2329 - Impression : CAPNORD

LEÇONS INAUGURALES

� M. Stuart EDELSTEINTitulaire de la chaire internationalejeudi 27 février 2003, à 18 heures.

� Mme Mireille DELMAS-MARTYTitulaire de la chaire intituléeÉtudes juridiques comparativeset internationalisation du droitjeudi 20 mars 2003, à 18 heures.

� M. Pierre-Louis LIONSTitulaire de la chaire intituléeÉquations aux dérivées partielles et

MANIFESTATIONS

� XXe anniversaire du ComitéConsultatif National d’Éthique

Prévu le 23 février 2003Organisateurs : Comité Consultatif Nationald’Éthique

� Présentation de la publication desactes du séminaire (janvier 2000) duPr. Marc Fumaroli :«Le siècle de Marie de Médicis»

Prévue le 11 mars 2003Organisateur : M. Francesco Solinas

� Conférence : Économie etcivilisation dans l’Allemagned’aujourd’hui par Roman Herzog

Prévue le 19 mars 2003Organisateur : Pr. Valentin (IUF)

� Colloque : Plasticité cérébraleet épilepsie

Prévu le 27 mars 2003Organisateur : Fondation Française pour laRecherche sur l’Épilepsie

� Conférences M.U.R.S.22 avril 2003 : Hominescence10 juin 2003 : Quelle éthique pour l’espace ?Organisateur : Mouvement Universel de laResponsabilité Scientifique

� Journée : Épilepsie, connaissancedu cerveau et société

Prévue le 28 mars 2003Organisateurs :Pr. Anne Fagot-Largeaultet O. Dulac (Paris V)

� Conférences du programme Histoire et Recherche

Prévues les 23 avril, 14 maiet 11 juin 2003Organisateur : Fondation pour la mémoirede la Shoah

� Colloque : Réveil des sciences : l’enjeu de l’avenir

Prévu le 25 avril 2003Organisateur : Conseil national desprogrammes, Ministère de l’ÉducationNationale

Professeur à l'Université de Cologne (Allemagne)L'Empereur Romain chef de l’arméeLe témoignage des diplômes militaires20 mars 2003, à 17 heures.

� M. Hans Ulrich GUMBRECHTProfesseur à l'Université de Stanford (U.S.A.)Les pouvoirs de la philologie13, 20, 27 mars et 3 avril 2003,à 17 heures,

� M. Henri ZERNERProfesseur à Harvard UniversityLes débuts difficiles de la peinture en France28 février, 7, 14 et 21 mars 2003,à 17 heures.

� M. Colin JONESProfesseur à l'Université de Warwich (Grande-Bretagne)Le monde médical parisien dans les années 178012, 19, 26 mars et 2 avril 2003,à 11 heures.

� M. Ariel GOMEZProfesseur à l'Université de VirginieDifferentiation of Kidney Vascular Cells : Implications forHomeostasis in Adult Life28 mars 2003, à 14 heures.

� M. Cyril MANGO

T O U T ET O U T E LL’’ A C T U A L I T ÉA C T U A L I T É S U RS U R W W WW W W.. C O L L E G EC O L L E G E -- D ED E -- F R A N C EF R A N C E .. F RF R

Et tous les matins , du lundi au jeudi , à par t i r de 6 heures :«L'Eloge du Savoir» di f fusé sur FRANCE CULTURE

Les réussites aux concours 2002 témoignent dela diversité des métiers présents au Collège :

Karen GAUTIER, Ingénieur Hygièneet Sécurité, Yves DUPRAZ, Assistant enConstruction Mécanique, DanielESPERANDIEU, Gestionnaire enAdministration Scientifique et Technique,Julien DEJONGHE, Technicien enOptique de Précision, Christian JULIEN etChristophe ROYAN, Menuisiers, PatriciaRIGOLE et Sophie MAUSSION, Aides enGestion Scientifique et Technique.

Sophie MAUSSION est affectée à lachaire de Physique corpusculaire.

Claudine AH-PET, Samir AOUABED,Lydie GUINGNIER et SébastienTONDELEIR ont été recrutés en qualité

d’Agent des Services Techniques.Claudine AH-PET est affectée à la

chaire d’Anthropologie de la nature.Samir AOUABED et Lydie

GUINGNIER sont affectés au Service intérieur.Sébastien TONDELEIR est affecté à la

chaire de Physiologie de la perception et del’action.Mouvement interne

Gordana JOAQUIM a rejoint lelaboratoire de Neuropharmacologie le1er novembre 2002.

Valérie JANICOT, auparavant à la chairede Sociologie, a été affectée à la chaire d’Histoireet civilisation du monde achéménide et del’empire d’Alexandre depuis le 15 octobre 2002.

Cyril FRÉSILLON est affecté au Service

Photographie depuis le 15 décembre 2002.Karima BOULHOUCHAT est affectée

au Service des Ressources humaines àcompter du 1er février 2003.

Didier JESTIN assure l’intérim duService des Études et des affaires financières.

Marion SUSINI a rejoint la Directiondes Affaires culturelles le 1er février 2003.Départs à la retraite

Nicole RANDAZZO, Service desTraitements, a pris sa retraite le31 décembre 2002.

Nicole KERGOUSTIN, chaire deMédecine expérimentale, est en congé de find’activité depuis le 1er janvier 2003.

Jean-Pierre MARTIN, Service Photo-graphie, a pris sa retraite le 2 février 2003.

CONCOURS….RECRUTEMENTS…..CONCOURS…RECRUTEMENTS...

Naissance- DAMIEN, né le 7 juillet 2002, fils deValérie Janicot.- ANTOINE, né le 28 novembre 2002,fils de Philippe Vasseur.

DécèsMme Martha SPITZER, née en 1915,

entrée en 1952 au Laboratoire de PhysiqueAtomique et Moléculaire de Francis Perrin, asoutenu sa thèse en 1960 sous la direction du Pr.P. Soleillet. Elle est restée active au Laboratoire

de Physique Corpusculaire jusque dans lesannées 90. Elle est malheureusement décédée le22 septembre 2002, après une longue vie dédiéeprincipalement à la structure des vitrauxmédiévaux (rouge au cuivre).

CARNET

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IVN° 7 - LA LETTRE

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I LA LETTRE - N° 7

Le rire et les chansons de Pakita "la fée rousseà lunettes" ont rempli, le 18 janvier 2003,

l'Amphithêâtre Marguerite de Navarre lorsde la fête des enfants offerte par le CLAS.Ce spectacle interactif a sufaire participer les parentscomme les enfants.C'est ainsi qu'un professeurde Paléoanthropologie s'estretrouvé en dragon et unesecrétaire des ressourceshumaines en sorcière. Aprèsla remise des cadeaux auxenfants, l'après-midi s’estterminé autour d'un goûterdans le foyer.

Françoise Crépin

Trois ans de Conseil d’Établissement...Le Conseil d’Établissement du Collège

de France, présidé par l’Administrateur, estcomposé de 9 professeurs élus, de 14représentants des personnels élus et de 4personnalités extérieures nommées par leministre chargé de l’enseignement supérieur.Il est consulté sur les projets de budget et dedécisions modificatives, le compte financier,les conventions, les questions d’hygiène etde sécurité, les questions relatives auxactivités sociales, la répartition etl’aménagement des locaux, le projet deRèglement intérieur de l’Etablissement ettoute autre question qui lui est soumise parl’Assemblée ou l’Administrateur.

A l’issue de leur dernier mandat (mars2000-mars 2003), les représentants despersonnels ont souhaité présenter, enquelques lignes, à tous ceux qui leur ont fait

la confiance de les élire les principalesdécisions obtenues par les élus.

Au terme de ce mandat ont notammentété retenues les propositions suivantes :- affichage et diffusion par mail de l’ordredu jour des séances du CE quelques joursavant la réunion ;- affichage et diffusion par mail du procèsverbal des réunions du CE ;- communication du procès verbal del’Assemblée des Professeurs aux membresdu CE, qui les tiennent à disposition del’ensemble des personnels ;- affichage et diffusion sur le site duCollège de France de l’ensemble despostes vacants et des postes ouverts auxconcours dans l’établissement.

Lors de la séance du 19 novembre 2002,M. l’Administrateur a souligné sa volontéd’élargir la collaboration des personnels au

fonctionnement scientifique du Collège deFrance, par l’intermédiaire, entre autres, duCE (actions de promotion et de valorisation dela recherche, communication scientifique...).

De leur côté, les membres sortants duCE expriment leur souhait que soitréellement pris en compte et développéle rôle consultatif de cette structure, quine saurait se cantonner à jouer le rôled’une chambre d’enregistrement. Le CEest en effet la seule instance statutaire oùest représenté l’ensemble des personnelsde l’établissement. Pour cette raison cetteinstance joue un rôle privilégié dans lefonctionnement de l’établissement, àtravers un dialogue que les élus doiventveiller à préserver dans l’intérêt de tous.

Soyez présents par votre candidatureou/et votre vote lors des prochainesélections qui auront lieu le 27 mars 2003. �

BILAN DE FIN DE MANDAT DES ÉLUS DES PERSONNELSAU CONSEIL D’ÉTABLISSEMENT

Le Conseil d’Établissement duCollège de France a été instituépar le décret du 5 octobre 1990.Il est présidé parl’Administrateur et compte 28membres, dont 23 membres élusreprésentant toutes les catégories depersonnels exerçant leur activité au Collège.

Le Conseil, qui se réunit deux fois par

an, est obligatoirementconsulté sur un certainnombre de questionsimportantes : le projet debudget, les questions

d’hygiène et de sécurité, les activitéssociales ou encore la répartition etl’aménagement des locaux.

Le présent Conseil doit être renouvelé

prochainement. La commission électoralequi s’est réunie le 13 janvier a élaboré lecalendrier des opérations et a fixé au 27 mars2003 la date du prochain scrutin.

L’importance de ce scrutin n’échapperaà personne. Tous les électeurs sont invités ày participer massivement.Alors, une fois encore, aux urnes…. !

Jean-François Rigoni

FÊTE DES ENFANTS

Jean-Pierre MARTIN, assistant-ingénieur,photographe du Collège de France, pendant28 ans, est parti en retraite le 2 février 2003.

Un hommage solennel lui a été rendu parl’Administrateur au cours d’une cérémonie,organisée en son honneur le 12 décembre 2002,au cours de laquelle la médaille du Collège luia été remise.

Après avoir évoqué les principales étapesde cette longue carrière, M. Glowinski a insistésur la qualité des réalisations de ce professionnel,qui, avec beaucoup de goût et un sens artistiquetrès développé, a travaillé aussi bien pour lacommunauté scientifique que pourl’Institution, dont il a su, par une utilisationsubtile et appropriée du noir et blanc, évoquer

l’histoire de ces trois dernièresdécennies et illustrer lesrécentes métamorphoses.Selon M. Glowinski cetteœuvre mériterait d’être exposéeau Collège.

Plus prosaïquement, onpeut ajouter que cecollaborateur, plutôt anti-conformiste, a toujours su,grâce à des liens d’amitié nouésau fil des ans avec de nombreuxCollégiens de tous horizons,s’accommoder des arcanesadministratives, en les évitantou en les contournant, pour aller à l’essentiel,

c’est-à-dire la satisfaction d’unedemande exigeante.

Tous ceux qui l’ont côtoyéau cours de ces nombreusesannées pourront témoignerque Jean-Pierre MARTIN étaitenfin une voix, tonnante ettonitruante, qui franchissaittous les obstacles et se jouait detous les pièges à son, une voixqui exprimait toujours la bonnehumeur, parfois la colère etsurtout signalait une présenceforte et amicale qui manquerabeaucoup.

Jean-François Rigoni

ÇA N’ARRIVE PAS QU’AUX AUTRES...

AUX URNES, COLLÉGIENS...

M. Glowinski, représentant le Collège deFrance et M. Thévenin, représentant la Recettegénérale des Finances ont signé uneconvention de partenariat au cours d’unecérémonie qui s’est déroulée le 18 décembre2002 dans le salon de réception du 1er étage.

Ce partenariat vise 4 grands objectifs :1. Donner aux ordonnateurs les instrumentsadéquats pour un pilotage de l’Établissement.Un module d’analyse financière élaboré par laDirection Générale de la ComptabilitéPublique a d’ores et déjà été porté à laconnaissance du Collège de France. Il

constitue, pour l’ensemble des gestionnairesun outil moderne de pilotage.D’autre part, la Mission d’ExpertiseÉconomique et Financière (M.E.E.F), placéeauprès du Trésorier-Payeur Général de Région,offre des prestations de conseil en matièred’investissement et établit des rapportsd’expertise sur les aspects économiques,financiers et juridiques d’un projet.2. Améliorer la gestion financière.3. Améliorer la technicité des personnelsaffectés dans les services financiers etcomptables, notamment par la mise en œuvre

d’un programme de formation adapté.4. Améliorer les prestations offertes par leteneur de comptes, en renforçant l’activité deconseil et en optimisant la gestion de latrésorerie.

Le Collège de France compte parmi lespremiers signataires de cette convention et s’estporté candidat comme Établissement pilote.

Des réunions de travail périodiques ontdéjà été programmées sur des thèmes bienciblés. La première aura lieu dans la dernièresemaine du mois de janvier 2003.

Jean-Paul Guigny et Jean-François Rigoni

UN NOUVEAU PARTENAIRE DU COLLÈGE DE FRANCE

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IIIN° 7 - LA LETTRE

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II LA LETTRE - N° 7

L E C O M I T É L O C A L D ’ A C T I O N S O C I A L E D U C O L L È G E D E F R A N C E

Le Comité Local d'Action Sociale est la structure qui tient lieu de «comité d'entreprise» au Collège de France. Il proposeaux personnels en fonction dans l'établissement des activités dans les domaines culturel, sportif et touristique.

Le CLAS est constitué en association de type loi 1901 et fonctionne grâce à deux subventions annuelles : - l'une du Collège de France : 6 860 euros en 2002 pour un effectif de 380 agents - l'autre du CNRS : 6 790 euros en 2002 pour un effectif de 214 agents CNRS et IN2P3.Le CLAS est composé d'une équipe de 12 bénévoles élus et d'une secrétaire salariée à mi-temps mise à disposition du CLAS

par le CAES du CNRS.

Le CLAS bénéficie d'un local du Collège de France qui se situe désormais au dernier étage du bâtiment de Biologie(ouverture : les mardis, mercredis et vendredis de 12h30 à 14h30).

Les activités du CLAS s'adressent à tous les personnels en activité au Collège de France quel que soit leur appartenanceadministrative : CDF, CNRS, INSERM, IN2P3, Stagiaires, Étudiants ……

Pour que ces activités puissent être accessibles à tous, le CLAS, dont la vocation première est l'action sociale, propose lesprix les plus justes en subventionnant toutes les activités, voire dans certains cas en offrant une totale gratuité.

Président du CLASLaboratoire de Physique corpusculaire et cosmologie - poste 15.37 Coordination de l’équipe et représentant du CLAS auprès des différentes instances (CAES du CNRS, Collège de France)

Vice-Président du CLASLaboratoire de Chimie des interactions moléculaires - poste 13.70Organisation des buffets autour des événements festifs et sportifs

Sahbi Selmane

Robert Méric

Trésorière du CLASService du Budget - Affaires administrativeset financières - poste 11.10Gestion financière de l’associationOrganisation des conférences du midi données par les Professeurs à l’intention des personnelsMartine Bernard

Trésorière adjointe du CLASLaboratoire de Médecine expérimentale -poste 16.50Organisation des séjours touristiquesAchat des livres de la bibliothèqueSélection du programme «Opéra»

Françoise Mongiat

Secrétaire du Bureau et chargéede la communication du CLASService des Ressources humaines - Affairesadministratives et financières - poste 11.27Organisation des activités liées à l’enfance : spectacle, sorties, billeterie

Françoise Crépin

Secrétaire adjointe du Bureau CLASStation d’Édition - Affaires culturelles etrelations extérieures - poste 11.42Mise en place d’une future chorale

Patricia Llegou

Laboratoire de Chimie des interactions moléculaires - poste 13.73Organisation d’activités sportives :Cross, tennis (cotisation 10 eurospar an),VTT

Michel Daehnens

Secrétaire du CLAS - CAES du CNRS - poste 11.64Accueil des personnels au local CLAS et Inscription aux activités proposées par chaque responsableGestion de la :- Bibliothèque (2 850 ouvrages, cotisation : 3 euros par an)- Médiathèque (397 CD, cotisation : 7,6 euros par an, chèque de caution 23 euros) - Billeterie : cinémas (UGC : 5,35 euros - Gaumont : 5,50 euros - MK2 : 4,60 euros), théâtre (carnet

de 4 places : 44 euros, valable dans 19 théâtres)- Activité piscine : vente de tickets pour Pontoise (2,30 euros) et Jean Taris (1,25 euro)

Meyre Maluf

Service Hygiène et Sécurité - Affairesadministratives et financières - poste 11.55Sélection et achat des CD

Jean Mangin

Service Hygiène et Sécurité - Affairesadministratives et financières - poste 11.28Sélection et achat des CDOrganisation des expositions culturelles

Karen Gautier

Service intérieur - Affaires administrativeset financières - poste 15.82Animation du cours de gym-toniqueet self-défense (les lundis au gymnase Amiot de 12h30 à 13h30 - cotisation : 15 euros par an)

Pierre Cheng Shao

Service des Ressources humaines - Affairesadministratives et financières - poste 11.25Sélection des pièces de théâtre proposées àtarif préférentiel

Karima Boulhouchat

Laboratoire de Neuropharmacologie -poste 12.78Organisation des activités liées àl’enfance : spectacle, sorties, billeterie

Gordana Joaquim