Leurs guerres... Nos morts

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  • 8/19/2019 Leurs guerres... Nos morts

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      LE LOT EN ACTION n° 96 - vendredi 27 novembre 2015 P 15 

    ment pas plus bandant que de vivre sous le jougde Daech, surtout si vous êtes une femme, unintellectuel ou un artiste. Et si vous cumulez cestrois qualités, sachez alors que votre espérancede vie sera très limitée… Ce charmant pays(l'Arabie Saoudite) punit de mort l'homicide, leviol, le vol à main armée, le trafic de drogue,la sorcellerie, l’adultère, la sodomie, l’homo-sexualité, le sabotage, et l’apostasie (renonce-ment à l'islam). 27 exécutions en 2010, 82 en2011, 76 en 2012, 79 en 2013, 90 en 2014 etdéjà 146 depuis le début de l'année 2015…par décapitation au sabre et crucifixion pourles hommes, par lapidation pour les femmes.

    Mais l'Arabie et le Qatar sont des intouchables,des pays trop importants en ce qui concerne leursréserves pétrolières et monétaires pour que l'onse risque à les mettre à l'Index. Au contraire, onles courtise. Pas plus tard qu'en octobre dernier,Manuel Valls a organisé un voyage d'affaire enArabie Saoudite et annonçait fièrement à sonretour que les pingouins cravatés qui l'avaientaccompagné avaient signé pour 10 milliardsde contrats concernant les infrastructures, lasanté, l'agro-alimentaire et… l'armement  (2).On peut légitimement poser la question de lapertinence de vendre des armes à des pays quinon seulement ne respectent pas les droits de

    l'Homme, mais qui en plus jouent un double jeu. À titre d'exemple, en mars dernier la Suèdea mis fin à sa coopération militaire avec l'Ara-bie Saoudite en raison de la question des droitsde l'homme (3). En 2014, cette coopération re-présentait un modeste marché de 34 millionsd'euros. Alors imaginez combien ces chiffrespeuvent représenter pour la France, dont lechiffre d'affaire des ventes d'armes à l'expor-tation était de 8 milliards d'euros en 2014 (4).

    Et voici un autre volet qu'il est nécessaire d'abor-der si l'on souhaite avoir une grille de lecturequi nous permette de comprendre la situationet d'être en mesure de participer à une réflexionpour répondre à la question du « pourquoi

    cette guerre ? ». Les armes. La France est le qua-trième exportateur d'armes du Monde, justederrière la Russie, les États-Unis et la Chine. Lecinquième est l'Angleterre. Notez au passageque ces 5 pays sont les seuls qui ont un siègepermanent à l'ONU, et donc un droit de veto…

    Les dépenses militaires dans le monde sont co-lossales, 1 630 milliards de dollars en 2010 (5),et représentent 2,5 % du PIB mondial (en 2010la France a investi 61 milliards de dollars dansles dépenses militaires). Et devinez qui sont lesplus gros acheteurs de ces armes ? Dans l'ordre :l'Arabie Saoudite, l'Inde, les Émirats-Arabes-Unis, la Chine, l'Égypte, le Pakistan et Israël…

    Voilà posées les bases préalables à une ré-flexion, que nous ne mènerons pas ici tant cha-cun de ces sujets nécessite de développements,de discussions contradictoires et de débats.En revanche le spectacle terrible auquel nousavons assisté « en direct » grâce aux chaînesde télévision m'interpelle. Si l'émotion ressen-tie par de nombreux citoyens est légitime (et je la partage), comment ne pas s’interroger surle fait qu'ils ne découvrent qu'aujourd'hui quenous sommes en guerre ?

    L'attentat contre Charlie a plongé la société française dans la stupeur. L'émotion qu'il a suscitée, partagée par la plupart des habi-tants de notre pays, aurait logiquement dû amener les citoyens à constater que nous sommes en guerre et à poser aux femmes etaux hommes politiques, à l’État, les questions qui s'imposent. Pourquoi cette guerre ? Doit-on la mener et si oui comment ? Avecqui ? Pour obtenir quoi et quel en sera le prix, en termes de sécurité et de démocratie ? Ces questions n'ont pas été posées et aucundébat n'a eu lieu. Les attentats du vendredi 13 novembre à Paris ne sont qu'un acte de guerre de plus et il est malheureusementfort probable qu'il y en ait beaucoup d'autres en France et en Europe dans les mois, voire les années à venir, et certainement beau-coup plus meurtriers. Après le 13 novembre, ces questions se posent avec encore plus d'acuité et d'insistance, mais toujours pas deréponse et encore moins de débat… Les médias de masse déversent leur flot d'images renforçant les peurs, surfant sur l'émotion,les politiques s'accordent presque à l'unanimité pour s'engager sur la voie de réponses sécuritaires : état d'urgence (voir l'article« Émotion, colère… État d'urgence ! » de ce dossier), mise en place d'outils de surveillance, contrôle des frontières, renforcementdes bombardements en Syrie.

    Pourquoi cette guerre ? Répondre à cettequestion simple est compliqué, voire com-plexe, parce que nous parlons de Daech

    et d'Al Qaïda, et donc du Moyen-Orient. Et sil'on souhaite comprendre ce qu'il se passe dansle gigantesque merdier qu'est devenue cetterégion, il convient de comprendre le conflitisraélo-palestinien (voir l'article « Le prix desinconséquences de la politique française auMoyen-Orient »). Certains remontent même ceniveau d’exigence aux croisades (voir notre der-nière de couverture « Le fantôme de Belcastel »).Il est aussi nécessaire de comprendre les enjeuxque représente cette région du Monde, quioffre la particularité d'avoir un sous-sol gorgéde pétrole… Et si l'on parle de pétrole, on parle

    d'intérêts stratégiques qui préoccupent au plushaut point les États-Unis et l'Europe, mais égale-ment la Russie, la Chine et l'Inde. Du coup ce nesont plus seulement les lieux de production quifocalisent ces convoitises, mais également lesmoyens de faire transiter ce pétrole (oléoducs,gazoducs, voies maritimes), d'où l'importancede pays comme l’Afghanistan, l'Iran, la Syrie,la Turquie, le Turkménistan, le Tadjikistan...  (1)

    Répondre à cette question nécessite égale-ment de comprendre comment les « grandesnations », USA et Europe en tête, défendentleurs intérêts géostratégiques depuis des dé-cennies. Nos cultures de nations colonialistesnous ont permis de développer de réelles com-pétences en matière de coups tordus, qui per-mettent de sauvegarder nos intérêts ou ceuxde nos multinationales en finançant des dic-tateurs, en déstabilisant des régimes qui de-viennent trop indépendants ou ne répondentplus à nos exigences, faisant ainsi les rois dedemain et les futurs ennemis d'après-demain.C'est ce qui s'est passé, faut-il le rappeler, avecAl Qaïda, soutenu par les États-Unis lors de lapremière guerre en Afghanistan… D'ailleurs le

    pompon en la matière est à attribuer à Bush,qui en mettant les pieds en Irak a sciemmentdéclenché cette troisième guerre mondiale.Sarkozy aussi a été plutôt bon sur le sujet enintervenant en Libye. S'il n'est pas contestable

    que Kadhafi était une véritable ordure, avantl'intervention sarkozienne la Libye avait leplus haut niveau de revenus par tête de toutel’Afrique, les femmes y bénéficiaient du niveaud’éducation le plus élevé de tout le continent,le pays accueillait 3 à 4 millions de travailleursétrangers et participait à nos côtés à la luttecontre les djihadistes. Aujourd'hui le pays n'estplus que ruines et les interventions françaisesau Sahel (opérations Serval, puis Barkhane)ne sont que les conséquences de l’erreur stra-tégique qu’a été notre action en Libye…

    Répondre à cette question nécessite aussi decomprendre ce que sont le salafisme djihadisteet le wahhabisme. Si le premier est né durantla première guerre d'Afghanistan, idéologie is-

    lamiste hybride développée par des islamistesengagés volontaires, il n'a pu se développerque parce qu'il a ensuite été soutenu et finan-cé par l'Arabie Saoudite et le Qatar , et donc lewahhabisme, qui n'est autre qu'un mouvementpolitico-religieux fondé au XVIIIème  siècle (issude l'islam sunnite), puritain et rigoriste. Vivreen Arabie Saoudite ou au Qatar n'est probable- Suite du dossier >

    Dossier préparé par la rédaction

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    Les barbares qui ont semé la mort et ladésolation vendredi soir à Paris sont desmonstres. Personne ne le conteste. Mais

    s’en tenir à ce constat et à la compassionpour les familles martyrisées ne suffit pas. Cesmonstres ont été enfantés par le désordremondial enclenché par les guerres menées aunom de la « démocratie » par les Bush, Sar-kozy, Cameron et quelques autres.Des questions de bon sens n’obtiennentétrangement aucune réponse. D’où vient

    l’argent ? D’où viennent les armes ?L’organisation terroriste dispose de moyensfinanciers considérables. L’argent (en partie)provient de plusieurs pays du Golfe alliés deWashington et de Paris, et du commerce dupétrole en direction, dit-on sans obtenir dedémenti, de pays européens ainsi que du pil-lage d’antiquités vendues au prix fort en Occi-dent par des réseaux mafieux.D’où viennent les armes ? Un grand merci augrand Sam et à ses copains de Londres et de Paris. Le matériel fourni aux opposants à Ba-

    char el Assad est passé à 90% entre les mainsdes djihadistes avec en prime les reliquats desarsenaux libyens ainsi que des blindés, destanks et de l’armement lourd de fabricationUS pris à l’armée irakienne.Les talibans en Afghanistan avaient été arméspar Reagan au nom de la défense du "mondelibre" avec les résultats que l’on connaît. Les"contras" au Nicaragua avaient bénéficié des

    mêmes largesses.En accueillant les dictateurs latino-américainsen retraite dorée à Miami, les officiels nord-américains ont pour habitude de dire : « Cesont des fils de pute, mais ce sont nos fils depute ». Les dirigeants occidentaux peuventdire eux aussi à propos des barbares : « ce sontdes monstres, mais ce sont nos monstres ».

    « À  menace globale il faut une riposteglobale », déclare un responsabletunisien après les attentats de Tunisvenant après ceux de Paris, de Copenhague,de Tunis... Certes, mais encore faut-il ne passe tromper de menace si l’on ne veut pas quela riposte soit inadaptée ou pire contre-pro-ductive. Car si à l’évidence, nous sommes enprésence d’un conflit mondial qui peut tou-cher n’importe quel pays à n’importe quelmoment, qui concerne tout autant l’échelle

    planétaire que l’échelle locale de nos cités, il ya deux approches radicalement différentes del’analyse et de la stratégie à mettre en œuvre.La première est celle de la guerre de civilisa-tion théorisée il y a quelques années par lepenseur conservateur américain Samuel Hun-tington. C’est celle qui a conduit le gouver-nement Bush à réagir par la guerre, le men-songe, la torture, et la restriction massive desdroits à travers le Patriot Act.Cette logique, si elle s’imposait aujourd’hui enEurope, nous mènerait droit vers des régres-sions comparables ou même pires et pourraitdevenir source de guerre civile, ce qui signe-rait d’ailleurs la victoire de la logique terroristedont c’est l’objectif à terme.L’autre voie c’est au contraire celle qu’avait

    indiquée le premier ministre norvégien aprèsl’attentat meurtrier d’un fanatique d’extrêmedroite dans l’île d’Utoya en juillet 2011 : "J’aiun message pour celui qui nous a attaquéset pour ceux qui sont derrière tout ça : vousne détruirez pas la démocratie et notre tra-vail pour rendre le monde meilleur (...) Nous

    allons répondre à la terreur par plus de dé-mocratie, d’ouverture et de tolérance." Cetteseconde voie est celle de la logique de vie, dudialogue de civilisation, du refus de confondreviolence et conflit. C’est celle de la Liberté faceaux régressions sécuritaires, de l’Égalité faceà l’explosion des inégalités et bien sûr de laFraternité, cette grande oubliée de la Répu-blique, face aux fanatismes et aux racismes detoute nature.Tel est l’enjeu de ce conflit mondial qui n’est

    pas pour autant une guerre mondiale car sonobjet est précisément, dans un travail sur lapaix, de substituer la logique du conflit entreadversaires à celle de la violence entre ennemis.

    Il y a des actes barbares,

    il n’y a pas de BarbaresSimple nuance de vocabulaire dira-t-on ?Pas le moins du monde. La logique de la vio-lence entre ennemis est celle de l’éradication.L’Autre est identifié substantiellement commeextérieur au genre humain. Il est le Mal incar-né, le Barbare, le Terroriste. Le détruire, l’éra-diquer, c’est alors une opération de purifica-tion, purification ethnique comme le disaientles milices serbes contre les bosniaques, de« nettoyage » comme le disait l’armée fran-

    çaise pendant la guerre d’Algérie.Remarquons que cette posture est parfaite-ment symétrique, interchangeable. Aux yeuxde Ben Laden hier, de Daesh aujourd’hui,c’est l’Occident qui fait figure d’axe du mal.Cette absolutisation autorise à utiliser tous lesmoyens, en particulier celui de l’élimination

    physique.La logique du conflit est toute autre. Il y a desactes barbares, il n’y a pas de Barbares. La bar-barie est un dérapage dans l’inhumanité quimenace tout individu, tout groupe humain.C’est une aliénation, une altération d’huma-nité qui n’est pas réservée à certains. L’Europea payé le prix lourd pour comprendre que labarbarie pouvait naître au cœur de grandescivilisations. La patrie de Kant et de Beethovenpouvait aussi enfanter le nazisme. La patrie

    de Dante pouvait enfanter le fascisme, celledes droits de l’homme le colonialisme, cellede Cervantès le franquisme, celle de l’habeascorpus l’impérialisme, celle de la libération dutsarisme, la terreur stalinienne, celle de la sta-tue de la liberté organiser un système interna-tional de torture.. La liste est infinie.Le fait d’avoir été victime ne constitue en rienune garantie de ne pas devenir soi-mêmebourreau. L’holocauste dont ont été victimesles juifs ne justifie pas la politique d’apartheiddu gouvernement israélien. Et le drame quevivent les palestiniens ne justifie pas plus lesactes meurtriers qui sont commis régulière-ment contre des juifs.

    La barbarie est intérieure, 

    pas extérieureDès lors que l’on a compris cela, on comprendque la barbarie n’est pas du côté de la dia-bolisation de l’altérité mais de l’absolutisationde l’identité. Nous retrouvons alors ce que necessent de nous dire depuis des millénairesles traditions de sagesse : la barbarie est inté-

    rieure et non extérieure. Elle n’est pas étran-gère à l’humanité, elle en constitue la facesombre, celle de sa propre inhumanité. S’il ya un djihad, une guerre sainte, c’est en réalitéun conflit intérieur, un travail sur soi individuelet collectif contre cette barbarie intérieure.

    Et c’est là que nous saisissons l’enjeu de la fra-ternité. Car le frater, étymologiquement c’estle genre humain. Et l’esprit de fraternité dontparle la Déclaration universelle des droits hu-mains nous pouvons le définir comme le tra-vail sur lui-même que doit faire « le peuple dela terre », notre fragile famille humaine pourapprendre à s’humaniser, pour apprendre àmieux s’aimer. Faute de ce mouvement vers

    une qualité supérieure d’humanité et de fra-ternité nous risquons comme le notait MartinLuther King dans une phrase célèbre de « pé-rir comme des idiots » !Il y a en effet un lien étroit entre la brutalité etla bêtise comme le signale la fameuse expres-sion : « bête et méchant ». Et il y a au contraireun lien étroit entre l’intelligence et l’espritde fraternité n’en déplaise aux cyniquesqui hurlent aux « bisounours » dès que l’onévoque ce lien. Car l’intelligence se nourrit del’interdépendance, du lien, donc de l’écoutede la différence et de la divergence dès lorsque celle-ci ne dérape pas en violence.Oui, il est temps de revisiter les valeurs-forcesde vie qu’exprime la tension dynamique entreliberté, égalité et fraternité à condition de re-

    donner toute sa force à la dernière, de cesserd’en faire non la cerise sur le gâteau mais lacerise dans le gâteau, non un simple supplé-ment d’âme mais l’anima, le souffle même quipermettrait de revisiter les deux autres valeursclefs et même les trois autres si l’on y ajoute laLaïcité.

    Comment ne pas s'indigner devant le fait quesi peu de monde se soit insurgé contre lescentaines de milliers de victimes civiles et in-nocentes en Palestine (15 000), en Afghanis-tan (20 000), en Irak (650 000), en Syrie (200000), en Libye (12 000) ?… Aujourd'hui nosrafales bombardent « chirurgicalement » descibles, officiellement sans dégâts collatéraux,

    entendez sans victimes civiles. Qui croira cela,sachant que Daech place systématiquementtous ses postes de commandement ou straté-giques au milieu de la population ? Commentne pas avoir peur des conséquences de la dé-rive sécuritaire à laquelle nous assistons, qui setraduit par des lois qui seraient à la dispositiond'une Marine Le Pen si elle arrivait au pouvoir ?

    Nous sommes dans une guerre capitaliste,

    entendez par là une guerre engendrée parnotre système de fonctionnement (le chaos dumonde ne naît pas de l'âme des peuples, desraces ou des religions, mais de l 'insatiable appé-tit des puissants). Les réponses sécuritaires quela France et l'Europe sont en passe d'apportern'empêcheront jamais des individus motivésde venir perpétrer des attentats sur notre ter-ritoire, y compris en faisant péter une centralenucléaire... Les vraies questions qui se posentsont celles de notre modèle de société et de ceque nous sommes devenus, à savoir une addi-tion d'individus qui ont un peu oublié que noussommes aussi un collectif, que le bien communexiste, que la Politique signifie gérer ce biencommun et implique certains devoirs de par-ticipation et de réflexion qui s'expriment au-

    trement que par des actes de consommation.

    Je vous engage à lire ce dossier que nousavons préparé collégialement, notamment surce qui se passe dans le Nord de la Syrie, dansla province kurde du Rojava. Car au-delà del'alternative politique qu'offre ce peuple qui sebat aujourd'hui, mais tente également de re-construire autrement, se pose la question dela trop timide assistance de la coalition à cescombattants, alors même que le premier benêtvenu sait que cette guerre contre Daech n'aurapas d'issue favorable sans troupes au sol... 

    Par Bluboux 

    Les articles que nous avons reçus étant trop nombreux pour ce

    dossier, qui comporte pourtant 6 pages, nous avons décidé de les

    mettre en ligne sur le site du LEA, à l'adresse suivante :

    http://bit.ly/1QG1Dif 

    Notes : (1) Lire à ce sujet l'article de Pepe Escobar, « La guerre du Pipeli- 

    neistan de la Chine » : http://bit.ly/1MxVAZ3 (2) Lire l'article du Nouvel Obs su 13 octobre dernier, « Arabiesaoudite : les indécents cocoricos de la France » :

    http://bit.ly/1TakKiN(3) Source : lire l'article du Monde dans son édition du 10 mars2015, « La Suède met fin à sa coopération militaire avec l'Arabie

    saoudite au nom des droits de l'homme » : http://bit.ly/1SfkmPq (4) Source : Le Figaro, 10 mars 2015, « L'Arabie saoudite, cham- 

    pionne du monde des achats d'armements » :http://bit.ly/1le1ipP(5) Source : Wikipedia http://bit.ly/1X93tfK 

    Il y a des actes barbares,

    il n’y a pas de BarbaresPar Patrick Viveret

    Ce sont des monstres,

    mais ce sont vos monstres !Par José Fort

    Ce texte a été publié sur Reporterre le 20 mars dernier, au lendemain de l'atten-

    tat du musée du Bardo à Tunis. Nous l'avions publié à notre tour dans le numéro

    d'avril. Il nous semble aujourd'hui nécessaire de le publier à nouveau...

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    Essayer de comprendre n’est pas absoudre.Le sang versé, surtout celui des innocents,entache pour toujours les mains de toutes

    les Lady Macbeth de la planète. Et ne s’efface jamais ! C’est non seulement celui des vic-times des attentats de Paris, mais bien aus-si celui de tous les massacrés du monde quireste indélébile !

    Les cris d’orfraie médiatiques n’y changerontrien ; ils ne venaient pas d’une autre planèteles tueurs fous de Paris. La plupart sont nés en

    Europe. Mais ont-ils été vivants en France ? Enquoi y étaient-ils des citoyens à part entière ?On découvre aujourd’hui, dans l’horreur et labarbarie, des noms, des visages, des vécus,des humains donc, mais restés aux portes dumonde des autres. Et pour cela, prêts à mou-rir ! Cela fait des décennies que la relégationbanlieusarde existe. Sociale dans un premiertemps, puis prenant presque un aspect racialensuite, c’était toujours les pauvres qu’onparquait dans ces mouroirs en béton. Aupa-ravant, ces ghettos avaient pu être le vivierd’engagements militants qui plaçaient leursespoirs dans un monde plus juste, et par là,donnaient un sens à un futur qui autrementeût été sans avenir. La disparition, délibé-rément planifiée, de ces espoirs, a laissé le

    champ libre à une idéologie mortifère, pro-pagée par des imams fanatiques et que laRaie-Publique a laissé faire. Tous les pouvoirspréférant leurs esclaves abrutis dans et par lareligion plutôt que contestataires cohérents etrationnels.

    Le chaos qui règne dans l’ère culturelle mu-sulmane n’est que le syndrome visible d’une

    crise d’identité qui traverse toutes ses com-posantes. Une partie de son discours est to-talement en inadéquation avec les diktatscomportementaux, soi-disant libérés, de lamodernité spectaculaire marchande. Inca-pable de surmonter cette contradiction, ac-centuée par la mondialisation impérialiste,une partie du monde musulman s’est réfu-giée dans la glorification d’un passé mythi-fié paradisiaque, et sombre alors dans unevéritable crise de schizophrénie paranoïde. Et

    c’est bien la rencontre des délires « des per-dus à l’humain » de Daech et d’al-Qaida, et ladéshérence existentielle des « même pas per-sonne » qui survivent dans la mort lente dontl’Occident paye aujourd’hui le prix.L’inextricable situation du Moyen-Orient n’ar-rangeant rien, s’y entre-égorgent depuis milleans une foultitude de factions, et il n’était nulbesoin que ce minus habens de Bush, avec lacomplicité active et passive de tous, aille y dé-verser des tombereaux de merde. L’arrogancede l’Occident est telle qu’Obama peut affirmer« ces gens-là veulent détruire la civilisation ».La dite civilisation étant bien entendu l’Occi-dent et donc, tous les autres, des barbares.L’Asie, l’Afrique, les Arabes, les précolombiensétaient porteurs d’une culture plurimillénaire

    que la géniale Europe, après les avoir extermi-nés, s’est empressée de récupérer.

    La propagande veut nous faire avaler le rôlecivilisateur des différentes interventions mi-litaires dans cette région (qui ne date pasd’hier). Le résultat patent n’en est qu’uneapocalypse sanglante, faite d’attentats meur-triers, de corps démembrés, de famines,

    d’exodes, de corruptions, et d’apartheid.Combien d’enfants morts ou mutilés à Bag-dad, à Beyrouth, à Gaza, dont on consommeles images à la télé, en rotant le soir entre lapoire et le fromage ? Et ce n’est que lorsquele ressac de cette tempête de sang et de bouetouche la France que le monde dit « civilisé »s’émeut. Si Daech et ses robots lobotomiséss’en sont pris à Paris c’est bien parce que dans

    leur imaginaire de malades, cette ville repré-sente tout ce qu’ils haïssent. Elle a été puniepour avoir affirmé, à de multiples reprises,que seules la Liberté, l’Égalité, la Fraternité, àquoi il faudrait ajouter la Justice et la Laïcité,sont des idéaux à faire vivre et pour qui il fautvivre. Mais la proclamation de l’état d’urgenceest bien la négation de tous ces principes, etdonc, une partie du piège tendu par Daechs’est déjà refermée.Le Moyen-Orient patauge dans un bourbierpolitique : où les Sunnites et les Chiites règlentleurs comptes depuis 661 ; où l’Arabie, notrealliée (démocratie heureuse) finance al-Nosra,branche syrienne d’al-Qaida contre Assad ;où la Turquie d’Erdoğan, membre de l’Otan,combat les Kurdes qui combattent Daech ;où l’Iran, chiite, combat Daech sunnite, touten étant l’ennemi d’Israël, allié des USA ; oùles USA, alliés de l’Arabie, combattent Daechmais ne bombardent pas al-Nosra, que com-bat Poutine, allié de Bachar. Les Kurdes sontseuls à combattre réellement Daech et al-Nos-ra, seuls à disposer d’un véritable programmedémocratique, mais l’Occident ne les arme

    pas pour ne pas faire de peine à notre grandami Erdoğan, le fasciste modéré, pardon, l’is-lamiste modéré. Comprenne qui peut !

    Vive le Kurdistan libre !

    Pour éclairer un tant soit peu notre lanterne,n’oublions surtout pas que flotte au-dessusde ce charnier le doux parfum du pétrole et lesdélicieuses fragrances du Dieu Dollar, le seulqui existe, et Wall Street est son prophète !

    Et c’est dans ce Moyen-Orient dément queHollande veut nous enliser avec des solutionssimplistes : « On bombarde tout le monde etAllah reconnaîtra les siens ».

    Une seule chose de sûre dans ce merdier :le monde tout entier aura changé d’aspect

    quand cette crise finira, « si elle finit un jour ».Quant à cette pauvre France, déjà en lam-beaux, s’imaginant se sauver dans l’état d’ur-gence, elle ne pourra qu’y perdre les rares li-bertés individuelles qui lui restaient encore,elle qui s’est tant battue pour les conquérir(manifs contre la pantalonnade de la Cop 21déjà interdites, silence radio sur les pourpar-lers du Tafta, Notre-Dame des Landes relancéet contestation interdite, macronnerie bud-gétaire, on retrouve du fric, mais bien sûr cen’est pas pour le social, etc. etc.).

    Qu’un pouvoir d’État réponde par la violenceest dans sa nature ; lui qui se considère commedélégataire de la seule violence légitime. Pourle Peuple, non ! Il n’y aura pas de guerre ci-

    vile, pas de pogroms anti-musulmans, nousessaierons encore et encore de nous unirpour résister contre toutes les oppressions, etpourrons ainsi continuer à défier tous les fas-cismes, que ce soient l’islamo-fascisme ou letrès connement frontalement national.

    Plus jamais de massacres en

    notre nom !

    Soyons réalistes, demandons l’impos-sible, clamaient dans les rues de Parisles utopistes de mai 1968. Être réaliste

    aujourd’hui, c’est réclamer à ceux qui gou-vernent d’aller aux racines de ce mal qui, le13 novembre, a tué au moins 129 personnesdans la capitale française. Elles sont multiples,et il n’est pas question d’en faire ici l’inven-taire. Nous n’évoquerons ni l’abandon desbanlieues, ni l’école, ni la reproduction endo-gamique d’élites hexagonales incapables delire la complexité du monde. Nous mesuronsla multiplicité des causes de l’expansion del’islamisme radical.

    Comme nous savons à quel point l’étroitessedes rapports entretenus dans tout le mondearabe entre les sphères politique et religieusea pu faciliter son émergence, nous n’avonsaucune intention simplificatrice. Mais, au-

     jourd’hui, c’est la politique internationale d’uneFrance blessée, et de l’ensemble du monde oc-cidental, que nous voulons interroger.

    L'islamismeSur l’islamisme d’abord. Depuis le début de sa

    montée en puissance, dans les années 1970,les dirigeants occidentaux se sont convaincusqu’il devenait la force politique dominante dumonde arabo-musulman. Addiction au pé-trole aidant, ils ont renforcé le pacte faustien

    les liant aux États qui en sont la matrice idéo-logique, qui l’ont propagé, financé, armé. Ilsont, pour ce faire, inventé l’oxymore d’un «islamisme modéré » avec lequel ils pouvaientfaire alliance.

    Le soutien apporté ces derniers mois au ré-gime turc de M. Erdogan dont on connaît lesaccointances avec le djihadisme, et qui n’a paspeu contribué à sa réélection, en est une despreuves les plus récentes. La France, ces der-nières années, a resserré à l’extrême ses liensavec le Qatar et l’Arabie saoudite, fermant lesyeux sur leur responsabilité dans la mondiali-sation de l’extrémisme islamiste.

    Le djihadisme est avant tout l’enfant desSaoud et autres émirs auxquels elle se féli-cite de vendre à tour de bras ses armementssophistiqués, faisant fi des « valeurs » qu’elleconvoque un peu vite en d’autres occasions.Jamais les dirigeants français ne se sont poséla question de savoir ce qui différencie la bar-barie de Daesh de celle du royaume saoudien.On ne veut pas voir que la même idéologieles anime.

    Les morts du 13 novembre sont aussi les vic-times de cette cécité volontaire. Ce constats’ajoute à la longue liste des soutiens auxautres sanglants dictateurs moyen-orientaux– qualifiés de laïques quand cela convenait –

    de Saddam Hussein à la dy-nastie Assad ou à Khadafi –et courtisés jusqu’à ce qu’ilsne servent plus. La lourdefacture de ces tragiques inconséquences estaujourd’hui payée par les citoyens innocentsdu cynisme à la fois naïf et intéressé de leursgouvernants.

    La questionisraélo-palestinienne

    L’autre matrice du délire rationnel des tueursdjihadistes est la question israélo-palesti-nienne. Depuis des décennies, les mêmes diri-geants occidentaux, tétanisés par la mémoire

    du judéocide perpétré il y a soixante-dix ansau cœur de l’Europe, se refusent à faire ap-pliquer les résolutions de l’ONU susceptiblesde résoudre le problème et se soumettentaux diktats de l’extrême droite israélienne au-

     jourd’hui au pouvoir, qui a fait de la tragédie juive du XXème siècle un fonds de commerce.

    On ne dira jamais assez à quel point ledouble standard érigé en principe politiqueau Moyen-Orient a nourri le ressentiment, ins-trumentalisé en haine par les entrepreneursidentitaires de tous bords. Alors oui, soyonsréalistes, demandons l’impossible. Exigeonsque la France mette un terme à ses relationsprivilégiées avec l’Arabie saoudite et le Qatar,

    les deux monarchies où l’islam wahhabiteest la religion officielle, tant qu’elles n’aurontpas coupé tout lien avec leurs épigones dji-hadistes, tant que leurs lois et leurs pratiquesiront à l’encontre d’un minimum décent d’hu-manité.

    Exigeons aussi de ce qu’on appelle « la com-munauté internationale » qu’elle fasse im-médiatement appliquer les résolutions desNations unies concernant l’occupation israé-

    lienne et qu’elle entérine sans délai la créationtrop longtemps différée de l’État palestinienpar le retour d’Israël dans ses frontières du 4

     juin 1967.

    Ces deux mesures, dont riront les tenantsd’une realpolitik dont on ne compte plus lesconséquences catastrophiques, n’éliminerontpas en un instant la menace djihadiste, au-

     jourd’hui partout enracinée.

    Mais elles auront l’immense mérite d’en as-sécher partiellement le terreau. Alors, et alorsseulement, les mesures antiterroristes prisesaujourd’hui en l’absence de toute vision po-litique pourraient commencer à devenir effi-caces.

    Suite du dossier >

    La question israélo-palestinienneLe prix des inconséquences de la politique française au Moyen-Orient  

    « Faut qu’ça saigne ! » *Par Bill

    *Boris Vian Les joyeux bouchers 

    Sophie Bessis et Mohammed Harbi, deux historiens d'origine différente (juive et musulmane)  , signent un

    diagnostic sans complaisance sur « nos » politiques occidentales au Moyen-Orient. Ce texte a été publié

    dans le journal Le Monde du 17 novembre dernier.

      LE LOT EN ACTION n° 96 - vendredi 27 novembre 2015 P 17 

  • 8/19/2019 Leurs guerres... Nos morts

    4/4

    Le parti socialiste ne cessera donc jamaisde m'étonner. Déjà, leur politique écono-mique clairement libérale (le ministre Ma-

    cron préférant les réunions du Medef plu-tôt que l'université d'été de son propre parti)m'avait surpris, surtout quand on voit avecquelle arrogance le gouvernement assume cechoix.Après les attentats contre Charlie Hebdo, onpressentait la dérive sécuritaire.Un an après l'assassinat involontaire d'un pa-cifiste par un gendarme (avec une grenadeoffensive à Sivens), Bernard Cazeneuve pro-pose que les forces de police puissent utiliserleurs armes en dehors du cadre légal de la lé-gitime défense. Voilà un virage (à droite ?) sé-

    curitaire plus que discutable, quand on prenden considération les possibles dérapages quecela peut engendrer.Le vendredi 13 novembre 2015, des attentatsen série et d'une rare violence ont eu lieu à Pa-ris, et ont été clairement revendiqués par lesterroristes de Daech. Panique à l’Élysée, on dé-clare l'état d'urgence. Du coup, notre ministrede l'Intérieur propose en plus un projet d’ar-rêté pour autoriser de façon générale le portd'armes des policiers hors service. La boucleest bouclée, ça y est, j'ai peur !

    Mais revenons sur la notion d'état d'urgence :créé en avril 1955 suite à une vague d'atten-tats perpétrés en Algérie française, et appli-

    qué alors en 1958 et de 1961 à 1963 dansle contexte de la guerre d'Algérie. L’état d'ur-

    gence est un état d'exception qui confère auxautorités civiles, dans l'aire géographique à la-quelle il s'applique, des pouvoirs de police ex-ceptionnels portant sur la réglementation dela circulation et du séjour des personnes, surla fermeture des lieux ouverts au public, et surla réquisition des armes. Soit, une restrictionde nos libertés pour mieux nous protéger.Il ne peut être prolongé au-delà de 12 joursque par une loi qui doit en fixer la durée défi-nitive.

    À savoir qu'en dehors de la guerre rendantl’Algérie aux algériens, l'état d'urgence a été

    décrété à deux reprises : en décembre 1984,suite à la prise d'otages en Nouvelle-Calédo-

    nie, ainsi qu'en novembre 2005, suite auxémeutes dans les banlieues, afin que les pré-fets puissent établir des couvre-feux.

    Étant donné que le contexte actuel est diffé-rent de celui de 1955, il paraît donc logiquede modifier ou d'adapter la loi qui encadrel'état d'urgence. Mais alors pourquoi le faire àla hâte et dans la précipitation ?

    Prenons un exemple concernant l'assigna-tion à résidence, l'article 6 prévoyait que soitvisée « toute personne (...) dont l'activités'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordrepublics ». Après modification, ce sera « toute

    personne (...) à l'égard de laquelle il existe desraisons sérieuses de penser que son compor-tement constitue une menace pour la sécuritéet l'ordre publics ».

    Voilà qui est inquiétant, non seulement ausujet de l'interprétation, mais surtout sur lespectre beaucoup plus large des personnes vi-sées (quand on se rappelle de l'affaire Coupat,le soi-disant terroriste de Tarnac, permettez-moi de douter de ces modifications prises unpetit peu rapidement).

    Alors même que l'on peut s'interroger sur lesconditions de fond et de formes, vis-à-vis del'utilité d'utiliser la procédure d'état d'urgencepour prévenir d'attaques de terroristes suici-

    daires, pourquoi le prolonger de 3 mois ?Quand on sait que la colère est mauvaiseconseillère, pourquoi vouloir modifier laConstitution (garante de nos libertés fonda-mentales) sous le coup de l'émotion ?

    Élections régionales, future campagne prési-dentielle, organisation de la COP 21(sponsori-sée par les acteurs du nucléaire, soit dit en pas-sant) sur fond de crise des migrants, grandsprojets inutiles et j'en passe : tous ces sujets nedevraient pas faire écho à cette dérive sécuri-taire injustifiée à mon sens, et faisant preuved'un grand manque de sang-froid.

    L'état islamique s'attaque à nos libertés, alorspourquoi nous en priver ?

    C'était déjà dans les cartons

    Émotion, colère… État d'urgence !Par Louik

    P 18  LE LOT EN ACTION n° 96 - vendredi 27 novembre 2015

    maman de nous faire beaux, elle s’y escri-mait ce qui n’était pas toujours facile telle-ment nous étions vifs et pleins de vie, à 11heures tapantes tu nous amenais à la pâ-tisserie en nous recommandant de ne pasnous salir avant d’arriver, tu nous appre-nais déjà à nous contrôler, tu commandaisles gâteaux et là… quartier libre. Combiende fois maman m’a raconté que nous ren-trions pleins de crème, de chocolat … tonamour de la vie ne voulait pas gâcher notreplaisir… Encore une fois la réponse me

    vient quand je t’interroge… toi Pépé tu nevoulais pas gâcher notre plaisir, mais c’estcela la façon de résister à Daech, à l’obs-curantisme : vivre. Il faut choisir la vie avectout ce qu’elle a de plus beau pour chacund’entre nous, il faut que je, il faut que nousvivions comme nous le faisions au matindes massacres. Se renfermer sur nous,crier vengeance, regarder d’un œil torveles individus originaires d’Afrique du Nord,montrer du doigt tous les musulmans neferait qu’aller à la rencontre de ce que veutDaech. Pépé, je vais rire à gorge déployée,

     je vais boire mon verre de rouge, je vaisboire ma bière en terrasse, je vais danser,écouter de la musique, aller au spectacle,visiter les musées, porter des pantalons ou

    des jupes courtes, des décolletés, je vaiscontinuer à aimer la nature, les individus,la vie... oui Pépé je vais résister en conti-nuant à être moi et à vivre selon mon désir.

    Tu sais ce qui me fait le plus peur ?Bien sûr les terroristes m’effraient, maisce qui m’alarme, ce sont les politiques quisurfent avec talent sur la vague de la peur.

    L’opposition aiguise ses armes pour lesélections régionales de décembre, mais sur-tout pour les présidentielles de 2017, tous

     jouent avec l’émotion des français. Le gou-vernement va en profiter pour réduire noslibertés, tu te rends compte qu’ils veulentinscrire l’état d’urgence dans la constitu-tion, j’ai peur Pépé de ce que cela pour-rait devenir avec un Président du pays quiaurait des idées totalitaires. Ce qui m’in-quiète c’est que beaucoup de gens vontse laisser attirer tel Ulysse par le chant dessirènes. J’ai peur Pépé, j’espère que ma res-semblance avec toi pour la joie de vivre etla lutte pour des idées de société, écologieet citoyenneté ne vont pas voler en éclats,

     je me bats en temps de paix, ma liberté,mon intégrité physique, ma vie ne sont pasmenacées, mais… si le régime présidentielchangeait… J’ai peur Pépé.

    Pépé, mon Pépé tu es le seul qui puissem’aider à y voir clair. Les tueurs fa-natisés ont encore frappé. Et je crois

    que je prenais le problème à l’envers. J’en-tends, je lis à droite à gauche que ce sontdes attentats islamistes, que c’est une nou-velle guerre de religion, mais qu’est qu’unereligion ? Une religion n’est-elle pas unemainmise sur l’esprit des individus qui s’yraccrochent ? N’est-ce pas une mainmisepour contrôler ces esprits ? N’est-ce pas uncontrôle des esprits pour le pouvoir ? Mais

    qu’est-ce que le pouvoir sinon la domina-tion ?Pépé tout est confus dans mon cerveau,comment as-tu fait toi pendant l’occupa-tion allemande ? Comment as-tu pu conti-nuer à résister dans ton coin en restant jo-vial et un homme plein de vie comme tedécrivent des pilotes d’avion que tu ca-

    chais chez toi ? Comment as-tu réussi toi àrester simple, j’ai presque envie de te direhumble ? Pourquoi n’as-tu pas rejoint lamasse des personnes non agissantes quicourbent l’échine et attendent, pourquoin’as-tu pas rejoint la bande des collabora-teurs plus féroces que l’envahisseur ?

    Est-ce une question d’éducation ? Est-ceune question de circonstances ? Pépé, monPépé je regrette tellement que tu sois mortalors que j’étais encore toute petite et de-puis je te pose sans cesse des questions…

    et elles ne restent pas sans réponse, nonpas toujours, non, je ne fais pas parler lesmorts mais quand je suis à une bifurcationde la vie, de ma vie et qu’un choix s’im-pose… je réfléchis… et tu vois aujourd’huien « discutant » avec toi j’en viens à com-prendre que les puissants ne sont pas aussipuissants qu’ils le pensent puisqu’ils n’ar-rivent à utiliser que les êtres faibles…Quiun jour ont eu le choix… et se sont laissésaller à la violence, cette violence Pépé nel’as-tu pas parfois ressentie ? Moi oui, mais

     j’arrive à la contrôler parce que Mamanm’a inculqué des valeurs.

    J’ai de vagues souvenirs, que Jean-Pierreplus grand que moi de trois ans m’a sou-

    vent rappelés, le dimanche tu demandais à

    Dialogue solitairePar P. Arrieumerlou