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Contentieux successoral - la qualification de la nature des donations entre vifs en avancement d'hoirie ou par preciput et hors part - à propos du pouvoir de qualification du juge sur le caractère préciputaire d'une donation consentie a un heritier reservataire.
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La Veille - n°10 - Septembre 2008
La première partie du titre du pré-sent article est empruntée à la trèsintéressante réflexion proposée parMaître PRUNIAUX dans la Veillede janvier 2008 (n° 5 p. 7).A cette occasion, notre Consœur
observait que :
« Le rôle du Juge semble donc se
limiter de plus en plus à un simple
choix entre une des règles de droit
proposées par les parties.
Les parties proposent et le Juge dis-
pose… ».
Cf. article Me Fabienne PRUNIAUXprécité
Force est de constater que le pouvoir
créateur de droit des Magistrats, à
tout le moins des Juges du fond, est
toujours susceptible de surprendre
les parties et d’affecter la prévisibilité
de l’issue du litige.
Ainsi, dans une espèce soumise à
notre Tribunal de Grande Instance en
matière successorale, la partie défen-
deresse relatait le bénéfice d’une
donation qui lui avait été consentie en
nue-propriété, aux termes d’un acte
authentique dans lequel le caractère
de cette donation n’avait pas été
expressément stipulé.
S’agissait-il dans ces conditionsd’un avantage préciputaire ou enavancement d’hoirie ?
Pour les parties en présence, laquestion n’avait initialement pasprêté à polémique, et ce à la lumière
des dispositions de l’article 1077 duCode Civil1 portant il est vrai sur les
donations partages, mais suscep-
tibles de fournir une clef d’interpréta-
tion analogique en matière de dona-
tion entre vifs :
« Les biens reçus par les descendants
à titre de partage anticipés consti-tuent un avancement d’hoirie impu-
table sur leur part de réserve, à moinsqu’ils n’aient été donnés expressé-ment par préciput et hors part ».
La partie donataire défenderesse
avait elle-même conclu d’emblée
qu’en l’absence de précisionscontraires, cette donation devaitêtre a priori réputée faite en avance-ment d’hoirie.
Pourtant, de manière inattendue, lespremiers Juges ont pris l’initiatived’analyser attentivement cettedonation et de procéder à sa quali-fication, ce nonobstant l’absenceavérée de querelle entre les partiessur ce point.
Ils ont pour cela retenu que la défun-
te, donatrice, avait préalablement
rédigé un testament olographe por-
tant mention d’un legs consenti à ladonataire, portant sur les biens etdroits immobiliers objet de la dona-tion ultérieurement formalisée.
La donation était donc en quelquesorte annoncée aux termes du testa-
ment olographe, sous la forme d’unlegs qui ne trouvera finalement pas à
s’appliquer puisque devenu caduc en
l’état de la donation postérieurement
intervenue.
Les premiers Juges ont tout d’abord
relevé qu’en application de l’article843 alinéa 2 du Code Civil2, les legsfaits à un héritier sont consentis parpréciput et hors part.
Ils en ont alors déduit par analogie
que la donation formalisée sur lesbiens et droits immobiliers objet
dudit legs devait également s’analy-ser comme ayant été consentie «parpréciput et hors part».
Alors que la partie donataire, défen-
deresse, s’était résignée à ne pas
invoquer ni soutenir le caractère pré-
ciputaire de la donation, les premiersJuges ont d’eux-mêmes confirméqu’il s’agissait d’un avantage préci-putaire et par conséquent imputable
dans un premier temps sur la quotité
disponible avant, le cas échéant, de
s’imputer pour le reliquat sur la part
réservataire de la donataire.
Cette analyse s’est trouvée confirmée
dans une décision rendue par la Courd’Appel d’AIX EN PROVENCE le 17janvier 20083, sur laquelle à ce jour il
n’a pas été formé de pourvoi en
Cassation.
Cette décision récente confirme si
besoin était que le rôle du Juge ne
saurait être cantonné seulement «à
un simple choix entre une des règles
de droit proposées par les parties» et
qu’il convient d’être vigilant en rappe-
lant à nos clients la vitalité ainsi et
encore vérifiée de «l’aléa judiciaire»…
L’évolution du rôle respectif des parties et du Juge dans
le déroulement du procès civil :le Juge créateur de droit
Agnès PROTONAvocat au Barreau de Grasse
1/2 - Formulation identique avant et après l’entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités.
3 - A ce titre, les Conseillers ont aussi relevé que « le legs particulier du terrain… aux termes de ce testament anticipait la donation de ce même terrain consentie
ultérieurement et que l’absence de mention dans l’acte de donation du caractère préciputaire et hors part de celle-ci n’est pas déterminante dès lors que l’in-
tention de la testatrice et donatrice résulte des termes mêmes de son testament… » : cf. Arrêt 1ère Chambre B CA AIX EN PROVENCE 17 janvier 2008 précité
4 - Cf. article de Me PRUNIAUX précité