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L'Exploit de Cléobis et Biton et la Véracité d'HérodoteAuthor(s): B. A. van GroningenSource: Mnemosyne, Third Series, Vol. 12, Fasc. 1 (1944), pp. 34-43Published by: BRILLStable URL: http://www.jstor.org/stable/4427054 .
Accessed: 09/10/2013 15:57
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L'EXPLOIT DE CL?OBIS ET BITON
ET LA V?RACIT? D'H?RODOTE
B. A. VAN GRONINGEN
Au chapitre 31 du premier livre des Histoires, H?rodote rapporte comment Solon raconte ? Cr?sus le haut fait des deux fr?res
Cl?obis et Biton1)? ?Us ?taient de race argienne, jouissaient de
ressources suffisantes et, de plus, d'une force corporelle dont
voici les preuves: tous deux pareillement avaient remport? des
prix dans les concours, et on raconte d'eux cette histoire. Un
jour de f?te d'H?ra chez les Argiens, il fallait absolument que leur m?re f?t port?e au sanctuaire par un attelage ; et leurs b?ufs
n'?taient pas arriv?s des champs en temps voulu; emp?ch?s d'attendre faute de temps, les jeunes gens se mirent eux-m?mes
sous le joug et tra?n?rent le char, le char o? leur m?re avait pris
place; ils la transport?rent pendant quarante-cinq stades et arri-
v?rent au sanctuaire. Cet exploit accompli ? la vue de l'assembl?e, ils termin?rent leur vie de la meilleure fa?on; et, dans la circon-
stance, la divinit? fit bien voir que, pour l'homme, il vaut mieux
?tre mort que vivant. Les Argiens, entourant les jeunes gens, les
f?licitaient de leur force; les Argiennes f?licitaient leur m?re
d'avoir de semblables enfants ; elle, charm?e de leur action et de
l'?loge qu'on en faisait, debout en face de la statue divine, pria la d?esse d'accorder ? Cl?obis et ? Biton, ses fils, qui l'avaient
grandement honor?e, ce que l'homme peut obtenir de meilleur.
A la suite de cette pri?re, apr?s le sacrifice et le banquet, les
jeunes gens s'endormirent dans le sanctuaire m?me; et ils ne se
relev?rent plus, mais trouv?rent l? leur fin. Les Argiens firent
aire d'eux des statues qu'ils consacr?rent ? Delphes comme celles
1) J'emprunte la traduction de M. Ph.-E. Legrand, Paris 1932 (coll. des Univ. de France).
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L'EXPLOIT DE CL?OBIS ET BITON ET LA V?RACIT? D'H?RODOTE 35
d'hommes excellents". Ailleurs !) nous lisons que la m?re s'appelait
Cydipp? et ?tait pr?tresse d'H?ra.
Or, les fouilles de Delphes ont remis au jour, en 1893 et puis encore en 1907?12, deux statues archa?ques de jeunes gens, datant du d?but du Vie si?cle et sans aucun doute jumelles. M. Homolle les a aussit?t identifi?es ? celles dont H?rodote fait
mention et, dans une communication substantielle de 19102), M. von Premerstein a mis cette identification hors de doute par la pr?cision avec laquelle il a lu et interpr?t? l'inscription. En
effet, sur le socle et entre les pieds des statues il parvint ?
distinguer deux phrases: sur la base A [??????S KAI BI]TON ;
TAN MATAPA, sur la base ? ??G?G??: TOI ??G??3) et ensuite
[???]?????S ?????? ???G???S. Voici le dessin qui marque la place des lettres entre les pieds:
Fig. 1
Plus tard M. Homolle a cru lire encore davantage4); selon lui
on aper?oit au-dessus de l'inscription A et sym?triquement par
rapport ? ???a??? t?l bvy?i le mot S?????S; il y a peut-?tre encore d'autres vestiges de lettres, mais ils sont trop vagues pour affirmer leur r?alit?. Toujours est-il qu'il arrive ? la restitution
1) Plut. cons. Apoll. 14 p. 108E; mu?. erud. 7; Luc. Charon 10; Cic. Tuse. I 47, 113.
2) Kleobis und Biton, Jahresh. d. ?st. Inst. XIII 1910 p. 41?49.
3) La lecture t?! d* ???? de Pomtow (Ditt. Sylt? 5) est mauvaise.
4) Une preuve nouvelle d. I. v?racit?.. .d'H?rodote, C-R. Acad. Inscr. 1924 p. 149?54.
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36 L'EXPLOIT de CL?OBIS ET BITON ET LA V?RACIT? d'h?rodote
suivante: ??????? ?a? ??]t?? x?v ?at??a stad??? [tet??9??ta ?]
[jt?vtje ??a??? ?d? d???? [?p?d??te??]. [???]???de? ?p??ee ????e???. L'exactitude de ces nouvelles donn?es reste douteuse, tant qu'elles n'ont pas ?t? confirm?es; seule une enqu?te sur les originaux
pourrait ?
peut-?tre ? donner un r?sultat. Mais cette incertitude
n'influe gu?re sur les consid?rations qui suivent.
Les statues et les inscriptions ont donn? lieu ? de longues discussions. Il ne semble pas inutile d'en reprendre l'examen ?
divers points de vue.
Il y a d'abord la question du dialecte. Le sculpteur est originaire
d'Argos; les statues se trouvent ? Delphes. Logiquement on n'a
donc le choix qu'entre les dialectes de ces. deux villes. Les
inscriptions sont courtes et les mots sont peu nombreux. Toujours est-il que ?at??a appartient au groupe des dialectes du nord-
ouest (Bechtel, Griech. Dial. II ? 9 p. 102) et est donc une forme
phoc?enne; d???? pour ????? est un ph?nom?ne inconnu tant ?
Delphes qu'? Argos; on trouve des cas semblables en B?otie, en
Thessalie, en Elide, m?me en Laconie et en Cr?te (Bechtel ? 14
p. 105); il est donc impossible de se prononcer avec certitude, mais il est plus probable que d???? est phoc?en qu'argolien;
???a??? (si tant est qu'il faut lire cette forme) reste en tout cas
une anomalie inexpliqu?e de part et d'autre; la erase ????e??? et
la forme non contracte ?p??ee sont plut?t argoliennes: en effet
la contraction de e + e en e? est r?guli?re dans les textes de
Delphes (Bechtel ? 6 p. 96 s.); en Argolide elle est normale, mais
non point absolue (? 9 p. 448 s.). Or la phrase dans laquelle ces
deux formes paraissent est pr?cis?ment celle qui nomme le
sculpteur Polym?d?s, Argien de naissance. Des indications pareil- les sont normalement de la main de l'artiste en personne: il est
logique qu'il a parl? et ?crit comme cela se faisait chez lui. Au
point de vue linguistique nous pouvons donc dire que l'inscription A + Bl est delphique, l'inscription B2 argienne1).
Examinons en second lieu la pal?ographie. Il convient de ne
pas oublier que les caract?res sont excessivement douteux ?
1) Ceci est d'ailleurs l'opinion d?j? d?fendue par Premerstein p. 49 et par Bechtel p. 88 et 438.
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L'EXPLOIT DE CL?OBIS ET BITON ET LA V?RACIT? D'H?RODOTE 37
titilli admodum oblitterati, dit Pomtow1). ? Pour autant que le
dessin permet d'en juger, il n'y a aucune lettre dont la forme
appartienne plut?t ? un alphabet sp?cifiquement phoc?en qu'? un alphabet strictement argien et inversement; toutes les formes
se retrouvent aussi bien dans les inscriptions anciennes de Delphes
que dans celles d'Argos2). La pal?ographie n'affecte donc en rien
la conclusion ? laquelle l'?tude des formes dialectales nous a
men?s. Il y a m?me un d?tail qui la confirme: l'inscription du
sculpteur est continue; l'autre s?pare des groupes de mots au
moyen du quadruple point3). La diff?rence n'est logique que si
les deux inscriptions n'ont pas ?t? grav?es en m?me temps ni
de la m?me main.
Observons encore la place qu'elles occupent. Si B2 est en
argolien et A + B 1 en phoc?en, B 2 est la plus ancienne des
inscriptions; elle peut encore avoir ?t? grav?e ? Argos, tandis
que l'autre a certainement ?t? pos?e ? Delphes. Ceci est confirm?
par la position respective qu'elles occupent. Si l'inscription del-
phique ?tait la plus ancienne, son auteur aurait continu? sur la
base B au m?me endroit et dans la m?me direction que sur la
base A, c'est-?-dire ? la place o? se trouve en r?alit? l'autre
texte. Dans l'?tat actuel des choses la deuxi?me partie de l'in-
scription a ?t? grav?e ? l'endroit o? il y avait encore de la place4). Il est donc pratiquement certain qu'il y a deux inscriptions
diff?rentes sur les socles: Tune, en argolien, est l'?uvre du
sculpteur; l'autre est plus r?cente: elle a ?t? pos?e ? Delphes et est ?crite dans le dialecte phoc?en.
Passons maintenant ? l'?tude de la teneur des inscriptions.
Celle du sculpteur n'offre aucune difficult?. L'autre, au contraire,
a donn? lieu ? des controverses tr?s int?ressantes. Nous songeons
1) Dans l'introduction ? Ditt. Syll3 no. 5.
2) Voir Roehl, Imagines inscr. Gr. ant. p. 36 s. et 87 s.
3) Apr?s ??t??, apr?s ???a??? et, selon M. Homolle, encore apr?s d????. 4) Si les lectures de M. Homolle sont exactes, le raisonnement reste le
m?me. Il convient encore de noter que les deux statues ont probablement ?t? plac?es Tune ? c?t? et non Tune vis-?-vis de l'autre, et de telle fa?on que A se trouvait ? gauche et B ? droite, au point de vue du spectateur; elles occupaient peut-?tre un pi?destal unique. (Cf. infra p. 42 n. 1). Dans ce cas il est encore plus ?vident que l'inscription A + B 1 ne pouvait ?tre
grav?e que l? o? nous la lisons.
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38 L'EXPLOIT DE CL?OBIS ET BITON ET LA V?RACIT? D'H?RODOTE
sp?cialement ? la th?orie de M. C. Robert1), dont voici l'essentiel.
H?rodote rapporte une l?gende qui ne doit sa naissance qu'? une fausse interpr?tation de l'inscription. Celle-ci, en effet, est
des plus ?tranges: elle ne nomme pas les Argiens qui ont d?di?
les statues, si nous en croyons l'historien; l'emploi du dialecte
phoc?en nous ?tonne; ni le nom, ni le sacerdoce de la m?re de
Cl?obis et Biton ne sont indiqu?s; les deux fr?res ne sont pas
d?sign?s comme citoyens d'Argos, donn?e importante dans le cas
qui nous occupe; enfin et surtout, il est singulier que les statues
ont ?t? plac?es en ex-voto ? Delphes et non dans l'H?ra?on d'Argos.
Ensuite, que peut donc signifier ce transport d'une femme, f?t-elle
pr?tresse? Ce sont des divinit?s qu'on peut ??e?? sur un char, afin d'introduire leur culte en un endroit o? il ?tait inconnu
auparavant2). Afin d'?viter ces difficult?s, M. Robert propose
l'explication suivante: la m?re dont il est question, est une M?re
divine, soit L?to, soit Demeter spe???????3), soit une autre que nous ne connaissons pas et il propose de consid?rer le soi-disant
?Temple des Muses" (situ? au sud de l'opisthodome du grand
temple) comme le sanctuaire de cette d?esse4). Cl?obis et Biton
seraient les citoyens de Delphes, non d'Argos, qui auraient amen?
la M?re dans son sanctuaire nouveau; il n'y a donc rien de vrai
dans ce que l'historien grec rapporte ? ce sujet; il ne fait que raconter une l?gende; il n'a rien compris de ce qui s'est pass? en r?alit? et a r?p?t? machinalement et sans reflexion aucune la
version argolienne de la l?gende: ? Argos on se rappelait encore
l'existence d'un fameux athl?te Biton, qui avait port? un jeune taureau jusqu'au temple de Zeus ? N?m?e, sur une distance de
quatre kilom?tres5); leur fantasie chauviniste s'est amus?e ? com-
biner le r?cit conserv?, en faisant usage d'?l?ments divers.
Cette th?orie est ing?nieuse, ainsi que les arguments qui doivent
1) C. Robert, Kleobis und Biton, Sitz.-Ber. Bay. Akad. Ph.-H. Kl. 1916 II p. 3?9. Les arguments ont ?t? reproduits par F. J. de Waele, De legende der vrome broeders K. en B., Hermeneus VIII (1936) p. 157?62.
2) Il compare Paus. II 10, 3 (Sicy?ne) et IG. II 1649 (Ath?nes). 3) L?to, ?tant la m?re d'Apollon; Demeter spe??????? cf. Athen. Xp.416C. 4) Les deux statues ont ?t? trouv?es pr?s du tr?sor d'Ath?nes, ? environ
25 m de ce petit temple. 5) Cf. Paus. II 19, 5.
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L'EXPLOIT DE CL?OBIS ET BITON ET LA V?RACIT? D'H?RODOTE 39
la prouver. Mais elle est fausse, et j'esp?re en faire la d?mon-
stration.
Elle entra?ne d?j? une difficult? ? priori. Elle nous oblige ?
admettre qu'H?rodote, qui non seulement connaissait Delphes pour l'avoir visit?e, mais qui, de plus, a subi ? divers points de vue
l'influence des pr?tres d'Apollon, aurait n?gligl? de s'informer sur
place au sujet d'une tradition qu'il a trouv?e int?ressante, remar-
quable et m?me importante. On sait, en effet, que l'?pisode de
Solon ? la cour de Cr?sus a d? avoir une valeur de premier ordre aux yeux de son auteur1). Cette n?gligence serait d'autant
plus ?trange, s'il avait appris l'exploit des jeunes gens ? Argos m?me. Si, d'autre part, les traditions delphique et argienne ne
concordaient pas, pourquoi n'a-t-il pas, selon son habitude,
rapport? l'une et l'autre? Comment expliquer, en outre, que, cette
fois-ci, il n'a pas pr?f?r? la version delphique? Toujours dans
l'ordre d'id?es de M. Robert, l'accord des deux traditions n'est
possible que si l'on admet que le v?ritable motif de l'?rection
des statues, savoir l'introduction d'un nouveau culte, ?tait oubli?
? Delphes apr?s moins de cent-cinquante ans, malgr? la pratique d'un culte, malgr? l'existence d'un temple et la pr?sence de deux
statues. La nouvelle th?orie d?place les, difficult?s, mais ne les
?carte pas. Il y a m?me erreur manifeste quant ? l'emploi du
verbe ??e??: l'inscription ath?nienne ? Delphes, r??dit?e sous le
no. 728 / dans la Sylloge3 de Dittenberger2) honore un citoyen d'Ath?nes parce que e?a?e? t?? ?e??? t??p?da ?? ?e?f?? ?a?
?pe????se?, ?a? t?? p??f???? ??a?e?. Or on sait3) que la
p??f???? ?tait la femme qui portait le feu sacr? du sanctuaire
d'Apollon jusqu'? Ath?nes et qui faisait le voyage en voiture.
Passons donc ? l'?tude des objections qu'on a faites ? l'inter-
pr?tation ?orthodoxe" des donn?es.
Pourquoi les statues ont-elles ?t? ?rig?es ? Delphes et non
pas ? Argos, dans l'H?ra?on m?me? La valeur de l'argument r?side plut?t dans la seconde moiti?, d'ordre n?gatif, que dans
la premi?re, qui est positive. Le nombre de monuments de toute
1) Cf. F. Hellmann, Herodots Kroisos-logos, Berlin 1934 p. 37?58. 2) Elle date de 97-6. 3) Voir Ditt. Sylt.3 711 D, note 8.
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40 L'EXPLOIT DE CL?OBIS ET BITON ET LA V?RACIT? D'H?RODOTE
esp?ce dress?s ? Olympie, D?los et Delphes, est tellement con-
sid?rable, la vari?t? des occasions, auxquelles ils avaient ?t?
pr?sent?s aux sanctuaires, tellement grande qu'il est pratiquement
superflu de vouloir pr?ciser le motif pour un cas d?termin?.
C'est-?-dire qu'en principe le motif est toujours le m?me: c'est
l'insigne renomm?e des trois sanctuaires qui entre en ligne de
compte1). Reste la deuxi?me moiti? de l'argument: pourquoi n'a-
t-on pas choisi l'H?ra?on? Ouvrons Pausanias qui a visit? ce
sanctuaire au -deuxi?me si?cle de notre ?re; son compte-rendu
remplit tout un chapitre2): il pr?cise d'abord la situation g?n?rale et d?crit le paysage; ensuite il passe ? l'expos? de ce qu'il a vu
autour du temple et ? l'int?rieur de celui-ci3): devant l'entr?e
des statues de h?ros ? notamment un Oreste ? et de pr?tresses ; dans le pronaos, ? gauche, des images tr?s anciennes des Charit?s
et, ? droite, une klin? d'H?ra avec un bouclier, ex-voto, dit-on, de M?n?las; la grande statue de la d?esse est l'?uvre de Polycl?te; une petite, d'H?b?, se trouve tout pr?s et est due au g?nie de
Naucyd?s; l'antique image d'Hera est encore visible au haut d'une
colonne. En fait d'offrandes il y a un autel en argent avec, en
relief, les noces d'H?racl?s et H?b?; un paon en or rehauss?
de pierreries, don de l'empereur Hadrien; une couronne d'or et
un manteau de pourpre provenant de N?ron. L'autel et le paon se rapportent directement au mythe et au culte de la d?esse; les
troph?es de N?ron conservaient le souvenir de sa participation aux ??a?a de 67, lors de sa ?tourn?e d'artiste" en Gr?ce4). Mais ? part ces trois offrandes, Pausanias ne nomme rien; c'est
vraiment une p?nurie de monuments tr?s remarquable dans un
sanctuaire aussi c?l?bre, centre d'un culte v?n?rable et de con-
cours tr?s fr?quent?s. L'empereur N?ron est-il donc le seul vain-
1) Premerstein a suppos? que la mort de Cl?obis et Biton dans le temple a ?t? consid?r? comme de mauvaise augure et qu'on a consult? l'oracle de Delphes; le dieu aurait r?pondu qu'il n'y avait point de souillure et les statues auraient ?t? ?rig?es en signe de reconnaissance. La th?orie est r?fut?e par L. Weber, Tellos, Kleobis und Biton, Philol. 82 (1927) p. 162, n. 8.
2) II 17. 3) Il n'a pas vu le temple ancien, br?l?.en 432, sauf quelques ruines. 4) Sur les '??a?a voir p. ex. Farnell, Cults of the Greek States I 187 s.;
sur la participation de N?ron Dessau, Gesch. d. r?m. Kaiserzeit II p. 269.
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L'EXPLOIT DE CL?OBIS ET BITON ET LA V?RACIT? D'H?RODOTE 41
queur qui ait t?moign? de sa reconnaissance? Notre ?tonnement
s'accro?t si nous comparons ce que le m?me Pausanias rapporte au sujet du temple d'Apollon Lycios ?galement situ? ? Argos l) :
ici une abondance d'?uvres d'art, entre autres la statue de l'athl?te
Biton, du pugiliste Creugas, du coureur Ladas, un relief plus r?cent repr?sentant l'exploit de Cl?obis et Biton, et tant d'autres.
Ceci ne peut ?tre un effet du hasard; l'atmosph?re des deux
temples a d? ?tre fonci?rement diff?rente : ici l'aust?re d?esse du
mariage; m?re v?n?rable et pudique, protectrice alti?re, mais
s?v?re de la cit?; l? le dieu rayonnant de jeunesse, qui se pla?t aux sports et accepte sans difficult? dans son sanctuaire des
images nues d'athl?tes. Ici un culte pratiqu? par des pr?tresses, l? un clerg? masculin. J'estime que la conclusion s'impose: des
statues d'athl?tes, m?me la statue d'un empereur artiste font d?faut
dans l'H?ra?on, parce qu'elles n'y ?taient point les bien venues.
C'est-?-dire que les images de Cl?obis et Biton n'ont pas ?t?
?rig?es dans le temple o? leur exploit avait trouv? son couronne-
ment, parce que la loi du sanctuaire et la volont? divine s'y
opposaient. Passons aux autres objections. D'abord l'inscription ne parle
aucunement des Argiens qui pourtant, au dire d'H?rodote, ont
d?di? les statues. Ce n'est pas encore assez dire; effectivement
il n'y a point d'inscription d?dicatoire: ni le fait de la cons?cration, ni le nom des donateurs ne se trouvent indiqu?s. Tout ce qu'on
lit, est ceci: Cl?obis et Biton ont accompli tel et tel exploit. Ceci
pourrait ?tre le motif all?gu? dans une d?dicace, mais, pr?sent? de cette fa?on, en dehors de tout contexte, c'est une simple mention
de fait. Et pourtant H?rodote, qui ?
je le rappelle encore ?
connaissait parfaitement Delphes, dit express?ment: ?les Argiens firent faire d'eux des statues qu'ils consacr?rent ? Delphes comme
celles d'hommes excellents". Voil? une phrase qui r?sume ad-
mirablement une-v?ritable d?dicace; rien d'essentiel n'y manque. La conclusion est, encore une fois, bien facile: H?rodote a lu
une v?ritable inscription d?dicatoire en prose ou en vers, mais
ce n'est pas celle qui nous a ?t? conserv?e. Elle se trouvait
ailleurs, en un endroit o? elle attirait plus facilement l'attention,
1) Voir II 19,3?20,7.
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42 L'EXPLOIT DE CL?OBIS ET BITON ET LA V?RACIT? D'H?RODOTE
peut-?tre sur le pi?destal commun des deux statues1). ?? a?d???
a??st?? ?e???????, tel ?tait, d'apr?s H?rodote, le consid?rant
de la d?dicace; elle ?tait donc, apparemment, con?ue en termes
tr?s g?n?raux. Ceci explique pourquoi on a ajout? ? Delphes, ?
l'usage des touristes curieux de d?tails, une note pr?cisant la
nature de l'exploit : cette note a ?t? plac?e ? un endroit plus
discret, l? o? se trouvait d?j? la signature de l'artiste.
Si vraiment il y a donc eu deux inscriptions 2), les autres ob-
jections perdent leur importance. En effet la dedicaci r?elle,
perdue actuellement, ?tait en argolien; la note ajout?e ? l'usage des visiteurs de Delphes, par contre, ?tait con?ue en phoc?en. Ni le nom, ni la fonction de la m?re des deux jeunes athl?tes
ne sont donn?s, pour la simple raison que toute l'attention allait
? l'exploit des fils3); tous les autres d?tails sont secondaires et
?taient r?serv?s aux explications orales fournies par les sacris-
tains et les guides. Enfin, pourquoi aurait-on not? que Cl?obis
et Biton ?taient Argiens? La d?dicace apprenait tout ce qu'il fallait ? ce point de vue; le fait que le sculpteur indique sa
nationalit? n'a rien ? voir ici.
Cette analyse des faits semble donc prouver que le texte
d'H?rodote et les donn?es d'ordre arch?ologique et ?pigraphique se confirment mutuellement. Il n'est plus n?cessaire d'aller cher-
cher dans le domaine sacr? de Delphes un temple r?serv? ? une
M?re divine, dont nous ne savons rien. Il n'est plus n?cessaire
de se laisser aller ? des sp?culations hasardeuses afin de prouver comment et pourquoi H?rodote 4) a form?, en accumulant erreur
sur erreur et fantaisie sur fantaisie, une l?gende qui pourtant
pr?sente tous les caract?res d'un fait bien r?el. Il va de soi que
l'interpr?tation religieuse que l'historien donne de ce fait, est d'un
autre ordre.
Encore une remarque reste ? faire: la question de savoir o?
1) Voir ci-dessus p. 37, n. 4. 2) En r?alit? il y en a trois, puisque la signature de l'artiste est ind?pendante. 3) C'est m?me l? pourquoi on a r?p?t? ici le nom des jeunes gens que
la d?dicace avait probablement d?j? indiqu?. 4) Ou la source ?crite ? laquelle il a puis?, si Weber /./. p. 162 s. a raison
de croire que tel est le cas, ce dont je doute fort.
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L'EXPLOIT DE CL?OBIS ET BITON ET LA V?RACIT? D'H?RODOTE 43
H?rodote a appris l'histoire de ses deux h?ros, ? Argos ou ?
Delphes, se r?sout facilement en disant: tant ? Argos qu'? Del-
phes. Si nous ?tions ? m?me de dresser un tableau de ses voyages, o? tous se rangeraient dans un ordre strictement chronologique
?
ce qui est, on le sait, une illusion ? nous pourrions m?me dire
en quel endroit il Va apprise en premier lieu. Mais pour nous
il est plus int?ressant, ? l'heure qu'il est, de constater que la
v?racit? du P?re de l'histoire est encore une fois prouv?e dans
cette question de d?tail.
Steenwijk, Willem de Zwijgerstraat 19.
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