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L'ÂGE DE LA RÉVOLTE (1) Lés bornes, quand on les respecte, freinent la puissance, et, si on les arrache, témoignent de l'injustice. NUMA. Le phénomène de la révolte nous est aujourd'hui si familier, il est devenu un objet si constant de crainte pour les uns, d'espé- rance pour les autres, de préoccupation pour tous, que nous avons quelque peine à imaginer qu'il n'ait pas toujours fait partie inté- grante de notre vie nationale comme de la réalité mondiale. Et cependant le moindre effort de mémoire et de réflexion nous per- met de réaliser que son apparition, ou pour mieux dire son irrup- tion sur la scène de l'histoire, ne date guère que de la deuxième moitié du xvm e siècle. Ce n'est pas que les siècles antérieurs l'eussent complètement ignoré, et, sans remonter jusqu'à la rébellion de Lucifer ou à celle de Prométhée, qui en offrent des préfigurations saisissantes, les « guerres serviles » de l'antiquité, les Jacqueries du Moyen Age en ont été plus que des ébauches, mais épisodiques, et en outre impar- faites, en ce sens que, réactions spontanées de la misère et de la souffrance,-elles n'ont cherché ni à se fonder ni à se prolonger en doctrine (ce qui d'ailleurs n'en diminue aucunement, pour l'obser- vateur social, l'intérêt). Plus près de nous, la Fronde n'est qu'une épreuve de force entre une monarchie défaillante et une aristocratie impatiente ; et la Révolution d'Angleterre n'est qu'un règlement de comptes entre un<peuple et son roi, mais non avec la royauté elle-même, que ce peuple ne tardera pas à rétablir, et à laquelle il demeurera inébranlable ment fidèle. Quant à l'insurrection améri- caine de 1772, l'explication aujourd'hui à la mode aux Etats-Unis consiste à y voir une riposte conservatrice à une innovation arbi- (1) Les pages qui suivent sont extraites d'une communication faite par M. René Gll- lotler, le 25 février 1957, à l'Académie des Sciences morales et politiques. • LA BEVUE N" 21 8

L'ÂGE DE LA RÉVOLTE (1)

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L'ÂGE DE LA RÉVOLTE (1)
Lés bornes, quand on les respecte, freinent la puissance, et, si on les arrache, témoignent de l'injustice.
NUMA.
Le phénomène de la révolte nous est aujourd'hui si familier, il est devenu un objet si constant de crainte pour les uns, d'espé­ rance pour les autres, de préoccupation pour tous, que nous avons quelque peine à imaginer qu'il n'ait pas toujours fait partie inté­ grante de notre vie nationale comme de la réalité mondiale. Et cependant le moindre effort de mémoire et de réflexion nous per­ met de réaliser que son apparition, ou pour mieux dire son irrup­ tion sur la scène de l'histoire, ne date guère que de la deuxième moitié du xvme siècle.
Ce n'est pas que les siècles antérieurs l'eussent complètement ignoré, et, sans remonter jusqu'à la rébellion de Lucifer ou à celle de Prométhée, qui en offrent des préfigurations saisissantes, les « guerres serviles » de l'antiquité, les Jacqueries du Moyen Age en ont été plus que des ébauches, mais épisodiques, et en outre impar­ faites, en ce sens que, réactions spontanées de la misère et de la souffrance,-elles n'ont cherché ni à se fonder ni à se prolonger en doctrine (ce qui d'ailleurs n'en diminue aucunement, pour l'obser­ vateur social, l'intérêt). Plus près de nous, la Fronde n'est qu'une épreuve de force entre une monarchie défaillante et une aristocratie impatiente ; et la Révolution d'Angleterre n'est qu'un règlement de comptes entre un<peuple et son roi, mais non avec la royauté elle-même, que ce peuple ne tardera pas à rétablir, et à laquelle il demeurera inébranlable ment fidèle. Quant à l'insurrection améri­ caine de 1772, l'explication aujourd'hui à la mode aux Etats-Unis consiste à y voir une riposte conservatrice à une innovation arbi-
(1) Les pages qui suivent sont extraites d'une communication faite par M. René Gll- lotler, le 25 février 1957, à l'Académie des Sciences morales et politiques.
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traire du pouvoir royal. Bref, sous réserve dé quelques exceptions qui n'infirment pas la règle, on peut dire que le climat qui règne sur l'Europe et singulièrement sur la France de l'ancien régime est un climat d'acceptation et de soumission, opposé polaire de la révolte.
Acceptation de quoi ? Acceptation d'abord, dirons-nous, dé la condition humaine
en général, instituée par le Créateur en vue du salut éternel de la créature, et dans laquelle c'est le péché de celle-ci qui a introduit le mal, la souffrance et la mort ; acceptation, ensuite, des destinées individuelles telles qu'elles résultent, pour chacun, de ses efforts et de ses mérites dans le cadre ou, comme on dit aujourd'hui, dans le « contexte » où la Providence l'a placé ; acceptation, enfin, des struc­ tures politiques et sociales, considérées elles aussi comme voulues ou agréées de Dieu, et comme parfaitement ordonnées à leur fin, qui est la solidité et la durée des Etats, la prospérité et le bonheur des peuples.
Soumission à qui ? Soumission des fidèles, monarques compris, aux commande­
ments de Dieu et aux enseignements de l'Eglise ; soumission des sujets au Prince ainsi qu'aux magistrats auxquels il lui plaît de déléguer une parcelle -de son pouvoir ; soumission de l'épouse à l'époux, des enfants à leurs parents, des ouvriers à leurs patrons, des serviteurs à leurs maîtres ; soumission des écrivains et des artistes, dans leurs inspirations, aux impératifs de la morale tradi­ tionnelle, et, dans leurs réalisations, aux 'canons éternels de la beauté.
Et que l'ordre ainsi établi ne fonctionnât pas toujours sans secousses, on le sait de reste ; mais que dans son principe il fût juste et légitime et que, dans son ensemble sinon dans son détail, il dût demeurer immuable ; que toute tentative pour y porter atteinte fût criminelle, voire sacrilège, et méritât d'être punie avec rigueur ; et que les organes de cette répression pussent y pro­ céder en toute sécurité de conscience, il n'était personne de quali­ fié pour en juger qui n'en tombât d'accord.
Un demi-siècle se passe, et c'est un changement à vue dans le paysage idéologique et politique. Une plainte universelle s'élève contre l'Eglise et contre la monarchie, et un formidable assaut se prépare contre elles. La conception chrétienne de l'homme et de son destin est battue en brèche au nom de la raison, la sujétion
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politique au nom de la liberté, les privilèges sociaux au nom de l'égalité, la division et la hiérarchie des ordres au nom de l'unité nationale ou de la fraternité humaine. C'est la Révolution qui se lève, et qui engage avec l'ancien régime une lutte à mort.
L'ancien régime ne se laissera pas égorger sans se défendre. Il s'efforcera de survivre ou de revivre avec la monarchie constitu­ tionnelle et le premier Empire, les deux Restaurations et la monar­ chie de Juillet, et derechef avec le second Empire, et même, dernier reste d'une voix qui tombe et d'unes ardeur qui s'éteint, avec la République sans républicains d'Adolphe Thiers. Mais la Révolu­ tion, qu'on avait pu croire étouffée sous la main puissante de Bona­ parte, puis réduite à merci par l'artillerie du général Cavaignac, enfin saignée à blanc par la répression de la Commune, n'avait été que refoulée et condamnée à une existence souterraine, à la faveur de laquelle elle allait amasser de nouveaux .potentiels d'insurrec­ tion; mais cette fois, instruite par l'expérience, elle , se gardera de les faire ou de les laisser exploser en bloc à l'exemple des grands ancêtres, elle en fera l'objet d'Une sorte de distillation fractionnée, elle procédera par étapes en apparence isolées et sans lien, et réel­ lement enchaînées avec une suite opiniâtre.
Les principales étapes de cette conquête du monde moderne par l'esprit de révolte ou de révolution (celle-ci n'étant qu'un point nodal, un foyer de concentration de celle-là) on les connaît, et nous nous contenterons, en les passant rapidement en revue, d'en souli­ gner les connexions ouvertes ou secrètes.
Sur le plan des rapports du spirituel et du temporel, revendica­ tion individualiste de la liberté de conscience, effort acharné pour arracher à l'Eglise l'usage du bras séculier, et plus généralement pour dissocier Vamalgame de religion et de politique où toute une école, dé Joseph, de Maistre à Charles Maurras, a pu voir la loi fondamentale de notre ancienne monarchie.
Sur le plan politique, proclamation du principe des nationalités, ces individualités collectives ; substitution, au droit divin des roiâ, du droit divin des peuples ; négation de la transcendance du pouvoir et avènement des régimes représentatifs, qui remplaceront l'antique* opposition des gouvernants et des gouvernés par la continuité nouvelle des représentants et dés représentés. Dans une première
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phase, aujourd'hui achevée, le principe des nationalités bouleversera l'Europe et abolira les derniers vestiges de la chrétienté. Dans une deuxième phase, actuellement en cours, il s'attaquera aux empires coloniaux et les soulèvera contre leurs maîtres, au nom des maximes même que ceux-ci leur auront enseignées. Subsidiairement, asso­ ciant au dogme de la liberté des peuples celui de leur égalité, il engendrera les mensonges et les chimères de la S.D.N., que l'O.N.U. reprendra et aggravera sans mesure, et, dans l'entre-deux, la for­ mation du « pacte d'acier » dirigé par les nations déshéritées ou soi-disant telles contre les nations opulentes, et qui, disloqué par la défaite, ressurgira dans les « nationalismes infantiles » des peu­ ples sous-développés, ulcérés de leur arriération comme d'une iniquité.
Sur le plan social, révolte des prolétariats contre les patronats, dénoncés par eux comme des exploiteurs sans entrailles, et que leur seul nom, apparenté à paternité et à paternalisme, suffira à désigner à la haine, et, dans une moitié de l'univers, à l'extermination.
Sur le plan du couple, révolte de la femme contre l'homme, pour obtenir la liberté comme lui et l'égalité avec lui, dans tous les domaines, politique, économique et social, intellectuel, moral et passionnel.
Sur le plan familial, révolte des enfants contre les parents, dont M. Jacques de Lacretelle faisait justement remarquer, dans un discours aux cinq Académies, qu'elle a détrôné les thèmes clas­ siques de notre littérature romanesque, les plaisirs de l'amour et l'amour des plaisirs, la jalousie, la poursuite de l'argent ou des honneurs. Nous relevions nous-mêmes récemment, dans le compte rendu d'un Congrès de jeunesse, cette phrase d'un comique invo­ lontaire : « La jeunesse aujourd'hui a atteint sa majorité ».
Nous avons gardé pour la fin, bien qu'elle se soit manifestée la première, une autre forme de la révolte parce que, devenue perma­ nente et, qui plus est, en voie d'accroissement continu, elle se mêle en proportion variable à toutes les autres comme pour les activer par un ferment d'une virulence exceptionnelle, à savoir la révolte de l'intelligence, ou pour mieux dire de ceux qui s'en considèrent comme les représentants attitrés, les intellectuels. Innombrable postérité de ces idéologues qui avaient déclenché la tourmente révolutionnaire, les intellectuels n'arrivent pas à se situer dans ce monde nouveau, qu'ils ont si puissamment contribué à créer. La part décisive qui a été la leur dans sa victoire sur la monarchie et
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sur l'aristocratie, sur l'Eglise et en un certain sens sur Dieu lui- même, semblait les prédestiner à en devenir les chefs et les guides, au temporel comme au spirituel. Et voici que les régimes « bour­ geois » et plus ou moins « ploutocratiques » issus de l'idéalisme de 89, loin de leur réserver les privilèges et les honneurs qu'ils en escomptaient, leur font grise mine, les traitent en suspects et par­ fois en parias. D'où une déception immense qui les amènera à se dresser, non plus seulement comme leurs prédécesseurs immé­ diats contre l'institution politique, mais contre l'institution sociale elle-même, et, à l'opposé de leurs lointains devanciers, qui avaient pris fermement position pour elle, à entrer en guerre contre elle, et derechef, mais plus à fond que jamais, contre la religion dont elle s'était assuré de nouveau l'alliance. C'est ainsi qu'on a vu et qu'on voit courir à travers toutes la littérature moderne, comme le fameux fil rouge à travers les câbles de l'amirauté britannique, une veine sans cesse élargie d'amoralisme ou d'immoralisme, d'exal­ tation des* instincts sociaux et des passions antisociales, d'anar- chisme athée ou de rébellion luciférienne, qui aboutira finalement à cette « religion du crime » magistralement analysée par Ernst Jiinger dans un récent ouvrage intitulé précisément Le Rebelle, et où, du reste, l'écrivain allemand ne se préoccupe pas unique­ ment de mettre en lumière le côté négatif de la révolte, mais aussi son côté positif, qui existe incontestablement et qui trouve soit une excuse absolutoire, soit une justification plénière dans cer­ taines formes aberrantes ou dans certains comportements mons­ trueux du Léviathan social, dont le passé ne fut point avare et dont le présent est, il faut l'avouer, remarquablement prodigue. Et c'est peut-être ici le lieu d'inscrire une distinction et une pré­ cision nécessaires.
Ce que nous nous sommes proposé c'est d'esquisser une généalogie plutôt qu'une éthique de la révolte, c'est d'en décrire le mécanisme et d'en mesurer le dynamisme plutôt que d'en apprécier la légitimité, qui eût exigé à elle seule toute une autre étude. Mais que ce second point de vue, tout en restant subordonné, ne soit pas absent de notre recherche, c'est ce dont on s'apercevra à l'im-- portance que nous attribuons à la notion d'abus, et c'est ce que nous voudrions faire toucher du doigt, sans plus attendre, sur un ou deux cas particuliers. Soit un phénomène comme la revendication individualiste. Ce phénomène peut être envisagé sous deux points de vue différents, celui de la puissance et celui de la valeur. Sous le
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premier, tous ses degrés successifs, depuis la timide protestation qui en marque le début jusqu'à l'anarchisme intégral où il tend comme à son terme, peuvent et doivent être considérés comme autant de progrès positifs, Sous le second ils mériteront encore le nom de progrès jusqu'à un certain point, en tant que facteurs d'éman­ cipation ; après quoi ils pourront se stabiliser pour un temps en «'incorporant à un équilibre ; puis, s'ils reprennent leur marche en avant, ils deviendront des facteurs de désintégration, c'est-à- dire de régression; et tel est le fruit du jusqu'auboutisme, où nous voyonB la première deB réunions irrationnelles de V intelligence. Pour prendre un exemple plus familier, il n'y a que peu de diffé­ rence, au point de vue de là quantité, entre un bon repas et une indigestion, mais au point de vue de la qualité la différence est énorme. La confusion de ces deux logiques, facilitée par le fait qu'elles coïncident dans le premier stade de leur parcours, est à l'origine de beaucoup d'erreurs de jugement, car une erreur n'est en général qu'une vérité qui a méconnu ses limites ; or,' pour citer le mot d'un penseur qui nous touchait de près, le Dr Charles Gil- louin, « lorsqu'on commencé par la confusion, on continue par la contradiction, pouj; retomber dans la confusion ».
Sous le bénéfice de cette remarque, revenons à notre propos.
Si l'on veut découvrir les sources d'un phénomène humain, M. de La Palisse eût été d'avis que c'est dans la nature humaine qu'il faut les chercher. Mais ici «e pose tout de suite une double question préalable. D'abord, existe-t-il une nature humaine ? Et si oui, comment la définir ?
Qu'il y ait une nature humaine, on Pavait toujours cru jusqu'ici, on l'a contesté naguère, et une philosophie qui eut son heure de vogue, a prétendu ramener ce qu'on avait coutume de désigner sous ce nom, soit à une condition commune à tous les hommes, soit à des situations particulières, dont la prétendue nature humaine ne serait qu'un reflet. Nous ne nous arrêterons pas à cette contesta­ tion, parce qu'elle nous paraît procéder de cette manie réductrice où nous voyons la seconde des passions irrationnelles de l'intelli­ gence, et qu'elle nous est, à ce titre, suspecte au plus haut degré ; et nous tiendrons donc pour accordé qu'il existe une nature humaine,
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qui est une donnée de base au-delà de laquelle on ne saurait re­ monter.
Quant à la définition de cette nature, elle a été l'objet d'une infinité de controversés dont la- série n'est pas près d'être close, et à laquelle nous ne prétendons rien ajouter. Notons seulement que nous en possédons, pour parler avec Malebranche, un « senti­ ment vif interne » qui nous permet d'en disputer avec fondement, et citons à ce propos, si on nous permet cette pointe d'humour, le mot d'un diplomate anglais à un collègue russe qui lui réclamait im­ pérativement une définition précise de l'agresseur ; « Il n'est pas commode de définir une girafe, et cependant quand on en rencontre une on la reoonnaît tout de suite. » Et, munis de dette pierre de touche, constatons que jusqu'à une époque récente la philosophie proprement dite n'avait donné à cette question que des réponses insuffisantes, et parfois même fort décevantes. Car les philosophes (ou du moinB une certaine race de philosophes) à qui une tradition séculaire en réservait le monopole, avaient tout naturellement cédé à la tentation de Concevoir l'homme d'après ce qu'ils savaient ou ce qu'ils croyaient savoir d'eux-mêmes ; et, étant des spécia­ listes de la raison, appliqués à vivre selon ses lois, et confiants dans la double équation socratique Science=Vertu=Bonheur, ils avaient non moins naturellement construit une philosophie rationaliste et optimiste, dénuée de tout aspect tragique ou dramatique, dont il nous sera permis de dire que, quelque prix qu'on doive attacher à ce témoignage de la pensée sur elle-même, elle n'a abordé que super­ ficiellement ou de biais, — réserve faite, bien entendu, des divi­ nations du génie, — soit le problème métaphysique de la condition humaine, soit les problèmes empiriques du gouvernement des hommes et de leur statut politique et social.'C'est sans doutes en raison de ce handicap originel que le grand ami des Encyclopédistes, Frédério II, qui s'y connaissait quelque peu en politique, n'hésitait pas à déclarer : « S,i je voulais faire le malheur d'une province, je la donnerais à gouverner à un philosophe ». Et j'imagine que Denys de Syracuse a dû penser quelque chose de pareil à propos de Platon.
La pensée religieuse, la théologie chrétienne, devait se mon­ trer plus compréhensive, plus réaliste et plus pénétrante.
D'abord, en faisant voir dans l'homme un être créé par Dieu et qui porte en lui son image, un être libre qui s'est, dans sa liberté, détaché de son créateur, et qui, déchu et pécheur, peut s'enfoncer dans son péché et sa déchéance, mais aussi recevoir de Dieu la
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grâce qui le régénère et qui le sauve, elle apportait au problème métaphysique de la condition humaine une solution qui, marquée du sceau de la révélation, s'imposait aux croyants avec une auto­ rité sans réplique, mais qui, extrêmement riche d'éléments positifs, ouvrait aux psychologues et aux moralistes les plus « laïques » de précieuses voies d'accès vers les abîmes du cœur humain.
Ensuite, en établissant une distinction, étrangère à la pensée antique, entre l'individu et la personne, l'un relevant de l'espèce et l'autre se rattachant pour partie au collectif social, et pour partie au monde spirituel ; en considérant l'homme total comme un être problématique et énigmatique, le « monstre incompréhensible » de Pascal, en qui voisinent et tour à tour dominent les éléments les plus divers et les plus opposés, le rationnel et l'irrationnel, le conscient et l'inconscient, la force et la faiblesse, la fierté et la servilité, l'élan créateur et la fureur destructrice, l'aspiration vers les cimes et l'attrait pour les bas-fonds, la pureté et l'impureté, l'amour et la haine, le christianisme rassemblait les données et aménageait les bases d'une politique à la fois souple et forte, bienveillante et sévère, orientée tout ensemble vers le salut éternel de l'homme et vers son bien temporel.
C'est en fonction de la conception chrétienne de l'homme qu'avaient été édifiées, au Moyen âge, la théorie et la pratique de la monarchie limitée, et aussi de la propriété limitée, qui avaient su obtenir l'assentiment général et qui n'avaient donné lieu, en tout cas, à aucune rébellion générale.
C'est en conséquence du ralliement des humanistes et des légistes de la Renaissance aux conceptions romaines du pouvoir absolu et de la propriété absolue que la monarchie, le clergé, la noblesse et.ensuite la richesse sont entrés dans la voie des « abus » qui devaient provoquer la révolte. Et c'est en ce sens que Chesterton proposait de débaptiser la Renaissance et de l'appeler la Re­ chute.
* * *
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La doctrine chrétienne, disons la doctrine catholique puisque nous pensons d'abord à la France, tout en accordant une extrême importance au péché originel, n'admet pas qu'il ait tout abîmé, tout corrompu dans la nature humaine ; elle estime au contraire qu'il en a laissé pratiquement intactes les structures essentielles. C'est ainsi qu'elle ne rejette a priori aucun des éléments positifs de ce qu'on peut appeler la politique naturelle. Elle considère en particulier comme de droit naturel la relation hiérarchique du commandement et de l'obéissance, qui est la poutre maîtresse de tout l'édifice social. L'Eglise n'a donc aucune objection de principe contre l'existence et l'autorité du Prince, elle s'attribue même le privilège de les légitimer religieusement, et tel était le sens de la cérémonie du sacre. Mais tout en valorisant au plus haut point le pouvoir du Prince par son établissement sur le roc de la volonté divine, l'Eglise le limitait en lui imposant des bornes inviolables, revêtues elles aussi d'un caractère sacré. Et il est certain que ces bornes ne furent pas toujours respectées, mais elles le furent généralement tant que la religion demeura vivante ; et elles continuèrent de l'être pendant un temps, quoique de façon décroissante, alors même que s'était produit l'événement appelé par Nietszche, avec sa brutalité de philosophe au marteau, la mort de Dieu, c'est-à-dire à tout le moins le discrédit jeté sur la croyance chrétienne par le triomphe de la « philosophie des lumières ».
Toutefois le nouveau dogme athée n'allait pas tarder à dérouler les conséquences dont il portait en lui le principe.
D'abord, il devait conduire les « esprits forts », libérés de 1' « obs­ curantisme », à poser en termes profanes, laïques, purement ration­ nels, le prSblème métaphysique de la condition humaine, et à attendre de l'esprit humain seul les moyens de résoudre l'un et de transformer l'autre. Ainsi l'acceptation prenait fin, entraînant l'humilité avec elle, et un immense orgueil, activé par le souffle de la liberté, surexcité par les premières grandes découvertes de la science, allait s'installer à leur place. A l'autorité transcendante de la révélation se substituait l'autorité immanente de la conscience, « immortelle et céleste voix », qui n'avait que faire de l'enseigne­ ment d'une Eglise. La mystique s'effaçait devant la morale, la morale devant le moralisme, « ami de la vertu plutôt que vertueux », selon la formule de Jean-Jacques. Le culte de la divinité évoluait en religion de l'humanité, qui culminerait dans le culte du surhu­ main en attendant de s'avilir dans le culte de l'inhumain, et nous
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avons là la principale source de cette religion du crime que nous évoquions tout à l'heure, et de l'illustration de cette vérité para­ doxale que la mort de l'homme est la suite inévitable de la mort de Dieu.
En attendant, l'événement qui ébranlait le christianisme et l'Eglise portait un coup fatal à la monarchie en la privant de ses assises théologiques, ainsi que du prestige mystique qui auréolait la personne du roi. Et par une étrange ironie de l'histoire, c'était en cette heure critique pour le régime que celui-ci, affranchi de toute limite en même temps que dépourvu de tout point d'appui du côté du peuple depuis cent soixante-quinze ans, allait chercher à rétablir l'une et l'autre en ressuscitant les Etats généraux, et en fournissant ainsi une merveilleuse caisse de résonance à la cam­ pagne contre les abus, qui depuis longtemps faisait rage et qui allait tout emporter.
Je ne suis pas de ceux qui prennent à la légère cette question des abus. Ce qui compte en matière d'abus, ce n'est pas tant le dommage matériel qui en résulte que l'affront qu'il inflige à la personne morale et on pourrait dire juridique de celui qui le subit. L'homme concret, tel que nous le connaissons par expérience, n'est ni bon, ni raisonnable, ni juste, mais s'il n'a pas, ou s'il n'a que faiblement la réalité de ces vertus, il en a clairement l'idée, et cette idée est une idée vivante, et qui devient aisément souffrante, et non moins aisément militante. Tout ée passe, en somme, comme si la postérité d'Adam, chassée du Paradis, en avait garelé quelque réminiscence ou quelque lueur, insuffisantes pour réformer sa na­ ture ou pour gouverner sa conduite, mais suffisantes pour émouvoir sa sensibilité et pour éclairer son jugement. C'est pourquoi toute offense à l'humanité, à la raison, à la justice, indigne presque aussi fortement celui même qui en est l'auteur, que celui qui en est la victime. Car alors, comme en chacun l'individu, qui se rattache à l'espèce, et la personne, qui relève du monde spirituel, voisinent et s'interpénétrent, l'affront infligé à la fierté et à la dignité de la personne se communique à la vanité et à l'orgueil de l'individu ; et de ces deux groupes d'éléments le second emprunte au premier quelque chose de sa noblesse,*tandis que le premier reçoit du second le plus clair de son énergie. Ainsi naît le ressentiment, un mot
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bien français, puisqu'il est intraduisible en allemand, et qu'un Nietszche, un Max Scheler l'écrivent toujours en notre langue, ce qui ne veut pas dire, bien entendu, que les Allemands ignorent la chose, mais qu'elle a trouvé en France, avec sa terre d'élection, son expression adéquate ; le ressentiment, âme de la révolte et de la révolution^,
Il vaut là peine de se pencher un instant sur certains aspects de ce qu'on peut appeler le dialectique du ressentiment.
Lorsque le ressentiment peut éclater tout de suite après l'offense et en obtenir aussitôt réparation, alors la vie normale -reprend aisément son cours.
Lorsque le ressentiment est comprimé ou réprimé avec vigueur alors il se produit de deux choses l'une.
Ou bien, l'offense ayant été plus ou moins grave sans être mor­ telle, et n'ayant pas dépassé une certaine durée, il s'en suit une ré­ volte qui peut être, elle aussi, plus ou moins violente, mais qui n'excède pas le ou les points en litige et qui, une fois satisfaite, peut tourner assez vite à l'apaisement. Tel fut le cas de la Révolution d'Angleterre, qui, ayant porté uniquement sur la génération du pouvoir, sur sa limitation, et sur le nouvel équilibre qui devait en résulter entre gouvernants et gouvernés, s'est montrée révolu­ tionnaire sur ces trois questions qui n'en font qu'une, tout en res­ tant conservatrice SUE, toutes les autres.
Ou bien les abus se multiplient e t . s'aggravent pendant dés générations et sont maintenus avec une constance inflexible; alors le ressentiment prolifère avec une intensité morbide, envahit toute l'étendue de la conscience, et pénètre enfin, sous l'effet du refoulement, dans les profondeurs de l'Inconscient où, selon une loi dégagée par la psychanalyse, il se porte à l'excessif et tout en­ semble retombe au primitif ; et c'est alors la Révolution française qui servira d'exemple et de'modèle à toutes les révolutions démo­ cratiques (la Révolution anglaise et même la Révolution amé­ ricaine avaient été des révolutions aristocratiques), et leur impri­ mera un caractère distinctif, qui n'a peut-être pas suffisamment retenu ^attention des observateurs. ,
Je ne sais si la physique moderne est restée fidèle à la loi de l'égalité entre l'action et la réaction, mais ce dont je suis sûr c'est que cette loi ne joue pas en matière de commotions politiques et sociales. Dans les révoltes ou les révolutions populaires (comme sont celles d'aujourd'hui) la réaction dépasse toujours de beau-
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coup l'action qui l'a provoquée, et par exemple, pour nous référer à un de ces petits faits chargés de sens qu'affectionnait Stendhal, alors que l'abolition des lettres de cachet avait été un des prin­ cipaux objets de la Révolution de 89, celle-ci, comme l'a établi Funck-Bretano, devait émettre plus de lettres de cachet en trois ans que la monarchie en huit siècles. Et on relèverait une dispro­ portion du même ordre entre les fleuves de sang répandus par cette Révolution et les fautes ou les crimes dont elle prétendait faire justice.
Mais les explosions du ressentiment populaire, quelque meur­ trières qu'elles puissent être (et il n'est peut-être pas sans intérêt de noter ici que, si elles ont assurément leur source dans la nature, cette nature peut être cultivée, dirigée, exploitée par" l'industrie politicienne) sont passagères comme tous les paroxysmes ; et il appartient à l'art politique, s'il n'a pas su les prévoir, d'en limiter les dommages et d'en prévenir le retour. Elles peuvent au contraire revêtir la gravité de l'irréparable lorsque leurs auteurs ou leurs profiteurs, au lieu de se laisser instruire par l'événement,, entre­ prennent d'en justifier l'inspiration en la mettant en doctrine, et de la perpétuer en l'incarnant dans des institutions.
* * *
Le grand responsable, en l'espèce, c'est Rousseau. On lit, en effet, au tout début du chapitre IV du livre premier
du Contrat social, qui devait être, on le sait, l'Evangile politique de nos révolutionnaires : «• Puisque aucun homme n'a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucun droit... ».
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On pourrait difficilement, je crois, accumuler plus de sottises en moins de mots.
Puisque est purement sophistique, car il ne se rattache à rien de ce qui précède et il prend pour accordé ce qui est en question. La force ne crée pas le droit, mais selon la vigoureuse formule de Proudhon, il y a un droit de la force, et la force a souvent produit le droit, dès lors qu'elle a su se faire oublier ou se faire accepter. Mais surtout, s'il y a une évidence qui crève, comme on dit, les yeux, c'est qu'il est donné à certains hommes d'exercer une autorité naturelle sur leurs semblables, et il faut même voir là le phénomène politique fondamental. De telle sorte qu'il suffit de prendre le contre-pied de ces deux contre-vérités pour fournir une base solide à une saine doctrine de l'autorité d'une part, du pouvoir de l'autre, car si ce sont là deux notions voisines, il importe cependant de les distinguer.
* * *
Un siècle après Rousseau, Karl Marx allait renouveler l'erreur des révolutionnaires de 89, mais en la transposant du politique au social, de la puissance publique à la propriété privée et en dénon­ çant dans celle:ci la cause unique des malheurs du prolétariat.
Certes, le régime dit libéral de la propriété, définie à la romaine comme le jus utendi et abutendi, avait commis depuis l'avènement de l'âge industriel des abus effroyables, qui avaient amassé au cœur de la classe ouvrière un profond et légitime " ressenti­ ment. 'Ces abus étaient-ils corrigibles par une opération analogue à celle qui deux siècles auparavant avait limité en Angleterre les pouvoirs de la monarchie ? Il ne semble pas que personne, dans les spères dirigeantes du capitalisme, et en Angleterre pas plus qu'ail­ leurs, en ait eu même l'idée. Et ce fut au contact du capitalisme anglais, de ses mœurs cruelles et de ses méthodes inhumaines,
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que Marx conçut Ba doctrine, largement inspirée d'ailleurs de i Ricardo et de divers autres économistes, et cependant animée d'un
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Avec la vocation messianique du prolétariat, nous avons changé d'atmosphère, nous avons quitté l'Idéologie pour entrer d'ans la Mythologie, qui est sans doute la production Ja plus foisonnante et la plus vénéneuse de notre temps.,

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Si le tableau que-nous venons d'esquisser est exact, il s'en dégage évidemment un pronostic assez sombre, et l'on aperçoit mal au premier abord comment pourrait prendre fin l'angoisse qui nous étreint devant ce cycle infernal de despotisme et de révolte s'engen- drant l'un l'autre dans un crescendo perpétuel.
Cependant, sans donner aucunement dans un optimisme de commande, il nous semble permis de discerner dans notre ciel chargé d'orage un certain nombre de signes'de meilleur augure pour un proche ou lointain avenir.
D'abord un refleurissement parallèle de la pensée religieuse et de l'investigation métaphysique, et, après une longue période de mésentente sinon de divorce, un rapprochement de ces deux ordres de spéculation dont il y a tout lieu d'espérer d'une part, à ren­ contre de 1' « acte de décès » dressé par Nietszche et qui n'était qu'un constat d^absence ou d'abandon, un retour de présence agissante de Dieu et de Jésus-Christ parmi les hommes ; d'autre part, pour ceux-ci, un meilleur équilibre entre l'acceptation et la révolte, un heureux assouplissement de frontière entre la condition humaine, immuable en son essence, et les situations historiques largement
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susceptibles de changement. De ce point de vue, on ne saurait accorder trop d'importance, d'une part, à la mise en déroute de la prétention rationaliste en matière de religion, d'autre part à l'évo­ lution qui a amené l'Eglise à se dégager d'une interprétation trop littérale de- certains textes bibliques (« tu enfanteras dans la dou­ leur », ou « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ») et à approu­ ver tout ce qui peut alléger la peine et la souffrance des hommes sans porter atteinte à leur intégrité physique et morale.
En second lieu, une très sérieuse considération accordée à ce fait qu'il existe en Occident un certain nombre de peuples, l'anglais et l'américain, le suisse, le hollandais, les Scandinaves, qui paraissent vaccinés contre la révolte parce qu'ils ignorent le ressentiment, soit qu'un heureux concours de dispositions naturelles et de cir­ constances historiques les en ait préservés, soit que^dans la mesure où ils ont pu l'éprouver, ils l'aient surmonté en préférant au senti­ ment démocratique de la vengeance le sentiment aristocratique du péché. Il n'est pas douteux que le christianisme ne soit la plus puissante machine à éteindre le ressentiment qui existe dans le monde. De ce point de vue le renouveau spirituel que l'on constate actuellement en France ne recèle pas seulement une espérance mais une promesse.
En troisième lieu, si lente et si difficile que soit l'éducation des masses par l'expérience, on ne peut guère compter que sur elle puisque dans la plupart des domaines le peuple a perdu toute confiance dans ses vrais amis. Or cette éducation n'a pas été sans porter déjà quelques fruits. Et par exemple les ouvriers français savent aujourd'hui, par l'expérience des dévaluations, qu'une augmentation du salaire nominal n'a aucun prix si la monnaie ne garde pas sa valeur d'achat, comme ils savent, par l'expérience des nationalisations, que l'Etat patron n'offre sur le patron privé aucun avantage et qu'ils sont dominés l'un et l'autre par les con­ ditions objectives de la production et de la rentabilité. Voilà donc deux sources secondaires de révolte qui se sont spontanément taries. Il ne devrait pas être impossible de préparer consciemment d'autres assèchements de ce genre.
En quatrième lieu il existe aujourd'hui parmi les intellectuels français, en dehors d'une masse de courtisans serviles du peuple souverain, une élite de bons esprits et de fermes caractères qui pourraient prendre pour devise la noble parole d'Alfred de Vigny : « Le devoir de l'écrivain est de se rendre fort sur ce qui est faible
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dans sa nation ». II appartiendrait à cette élite, dûment groupée dans un grand dessein d'intérêt national, je ne dis pas d'épurer mais de purifier l'esprit public en commençant par le nettoyer du prestige usurpé des idées et des mythes. Sur le premier point, elle a en main tous les éléments nécessaires d'information et de juge­ ment, puisque c'est la France qui a servi de « cobaye de choix » à l'expérience idéologique, et qu'il n'est pas encore dit, du reste, qu'elle n'y succombera point. Sur le second point, le rôle de cobaye a heureusement passé à la Russie qui d'ailleurs, moins « cartésienne », moins entêtée et moins infatuée que la France, s'est prestement libérée de sa mythologie dès qu'elle s'est aperçue que les mythes, nés de la guerre et puissants pour la guerre, ne valaient rien pour la paix, qu'efficaces pour la destruction ils étaient inutilisables pour la construction, et que donc, leur mission une fois remplie, il n'y avait plus qu'à les envoyer à la ferraille. C'est ainsi qu'entrés en révolution sur un programme qui comportait le dépérissement de l'Etat, l'abolition de l'armée, la suppression de la police, l'éga­ lité des salaires, le style de la camaraderie, la licence des moeurs et la liberté du travail, on l'a vue réaliser un Etat pléthorique, une armée formidable, une police extravagante, une échelle des salaires plus distendue qu'en Amérique, une hiérarchie plus rigou­ reuse que le tèhin des tsars, un puritanisme digne de la Genève calviniste, une discipline du travail qui, pareille au code militaire, ne connaît guère d'autre sanction que la mort.
Et il y a là une leçon de réalisme politique dont nous pouvons faire notre profit, à condition de ne pas oublier le danger qui guette toujours les réactions intempérantes et les restaurations hyper­ boliques, et qui est de donner naissance à de nouveaux potentiels » de révolté, à de nouvelles exigences de révolution.
RENÉ GILLOUIN.