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MARIE MAURISSE P our voir des photos de Laure Manaudou nue, cli- quez ici.» Le 14 décembre 2007, des millions d’internau- tes reçoivent ce message par e-mail. Sur la page web en question, ils trouvent 19 clichés de la nageuse française dans le plus simple appareil. Ces ima- ges, prises dans l’intimité de la jeune femme, font grand bruit. Mais elles ne sont pas les seu- les. En avril 2008, les Anglais découvrent avec stupeur des images du patron de la For- mule 1, Max Mosley, en pleine séance sado-maso. Avec une grande rapidité, l’internet peut transmettre les informations les plus compromettantes. «Tout le monde fait des bêti- ses. Le problème, c’est que, maintenant, ces bêtises sont gravées à jamais sur la Toile, explique Olivier Glassey, cher- cheur à l’Université de Lau- sanne sur les moyens virtuels de communication. Au sein du «village global», la rumeur se propage à la vitesse de la lumière. Elle laisse des traces permanentes et publiques. L’internet a fait disparaître le droit à l’oubli.» Désormais, tout le monde est fiché. Les moteurs de recherche sont de plus en plus performants. Sur 123peo- ple.ch, on peut établir en quel- ques secondes son «profil numérique». Blogpulse.fr recense toutes les informa- tions relayées par les blogs. Sans parler de Google, le mou- chard le plus utilisé de par le monde. Grâce à cet outil, rien ne se perd, tout est visible. Xavier Bagnoud en sait quel- que chose. Il suffit de taper son nom dans le moteur de recher- che pour voir apparaître en première ligne une référence à la vidéo le montrant nu, en train de consommer de la cocaïne. L’affaire remonte à près de six mois. Mais Google a une mémoire d’éléphant… Vie privée. Les personnages publics ne sont pas les seuls concernés par ce problème. Les réseaux sociaux ou les sites de partage ont fait tomber les der- nières barrières qui proté- geaient la vie privée. Sur le site YouTube, dix heures de vidéo sont déposées chaque minute. Ces informations sont suscep- tibles d’atterrir entre les mains d’un chef d’entreprise, de parents ou d’une amie. Daniel Menna, porte-parole du pré- posé fédéral à la protection des données et à la transparence, lance un avertissement. «Avant un entretien d’embauche, le recruteur tape souvent votre nom dans Google. Si, par hasard, il tombe sur une photo de vous un peu éméché lors d’une soirée, vous aurez moins de chance d’obtenir l’emploi recherché. Il faut être très pru- dent!» Ce conseil vaut aussi pour les entreprises. Car le net peut faire des ravages sur l’image d’une firme. En octobre 2008, un site participatif indique que Steve Jobs, patron d’Apple, aurait été victime d’une attaque cardiaque. Le buzz est énorme. A tel point que, dans les minu- tes qui suivent, l’action de la société perd 10% de sa valeur. Pour éviter ce genre de désa- gréments, il existe désormais des entreprises spécialisées dans la veille internet. Elles analysent, décodent et sur- veillent l’image d’un individu ou d’une marque sur la Toile. Elles peuvent aussi tenter de l’améliorer, à l’aide d’outils techniques faits sur mesure. Aux Etats-Unis, reputationde- fender.com propose, pour une quinzaine de francs par mois, de gérer le profil de ses clients sur Google, en remontant les informations valorisantes, par exemple. Par quels moyens? «Des formules mathématiques pour agir sur le moteur de recherche», explique Michael Fertik, fondateur de la société. Difficile d’en savoir plus: les méthodes sont confidentielles. Mais, en tout cas, ces entrepri- ses ne peuvent pas faire de miracles. C’est en matière de prévention qu’elles sont le plus efficaces. Chez IC-Agency, une société basée à Genève, les développeurs ont mis au point le logiciel Consumetrix. «Il sert à analyser l’image de nos clients sur le web, explique Flo- rent Bondoux, conseiller en stratégie marketing. Nous tra- vaillons surtout en amont.» Car les spécialistes le disent tous: une fois qu’une photo embarrassante est sur la Toile, il est extrêmement difficile de la supprimer. Pour éviter les ennuis, les industries suisses du luxe ont donc souvent recours à IC-Agency. Coût du service: de 20 000 à 30 000 francs par an. Avoir bonne réputation n’a pas de prix.SUR LE NET SANS PRÉTENTION J’AI MAUVAISE RÉPUTATION... RUMEUR. Laure Manaudou, Xavier Bagnoud, Apple... Ils ont été victimes d’un mau- vais buzz. Des entreprises se spécialisent dans la gestion de l’image sur la Toile. 32SOCIÉTÉ ACTUELS BUZZ Les expériences sadomasochistes du patron de la Formule 1, Max Mosley, ont fait le tour du web. ALASTAIR GRANT KEYSTONE | KEYSTONE-MAXPPP L’HEBDO 4 DÉCEMBRE 2008

LH49 ACTU SOC INTERNET - ic-agency.com©putation_et_rumeur_sur_Internet… · Laure Manaudou nue, cli-quez ici.» Le 14 décembre 2007,desmillionsd’internau-tes reçoivent ce message

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Page 1: LH49 ACTU SOC INTERNET - ic-agency.com©putation_et_rumeur_sur_Internet… · Laure Manaudou nue, cli-quez ici.» Le 14 décembre 2007,desmillionsd’internau-tes reçoivent ce message

MARIE MAURISSE

P our voir des photos deLaure Manaudou nue, cli-

quez ici.» Le 14 décembre2007, des millions d’internau-tes reçoivent ce message pare-mail. Sur la page web enquestion, ils trouvent 19 clichésde la nageuse française dans leplus simple appareil. Ces ima-ges, prises dans l’intimité de lajeune femme, font grand bruit.Mais elles ne sont pas les seu-les. En avril 2008, les Anglaisdécouvrent avec stupeur desimages du patron de la For-mule 1, Max Mosley, en pleineséance sado-maso. Avec unegrande rapidité, l’internet peuttransmettre les informationsles plus compromettantes.«Tout le monde fait des bêti-ses. Le problème, c’est que,maintenant, ces bêtises sontgravées à jamais sur la Toile,explique Olivier Glassey, cher-cheur à l’Université de Lau-sanne sur les moyens virtuelsde communication. Au sein du«village global», la rumeur sepropage à la vitesse de lalumière. Elle laisse des tracespermanentes et publiques.L’internet a fait disparaître ledroit à l’oubli.» Désormais, toutle monde est fiché. Les moteursde recherche sont de plus enplus performants. Sur 123peo-ple.ch, on peut établir en quel-ques secondes son «profilnumérique». Blogpulse.frrecense toutes les informa-tions relayées par les blogs.Sans parler de Google, le mou-

chard le plus utilisé de par lemonde. Grâce à cet outil, rienne se perd, tout est visible.Xavier Bagnoud en sait quel-que chose. Il suffit de taper sonnom dans le moteur de recher-che pour voir apparaître enpremière ligne une référence à

la vidéo le montrant nu, entrain de consommer de lacocaïne. L’affaire remonte àprès de six mois. Mais Googlea une mémoire d’éléphant…

Vie privée. Les personnagespublics ne sont pas les seulsconcernés par ce problème. Lesréseaux sociaux ou les sites departage ont fait tomber les der-nières barrières qui proté-geaient la vie privée. Sur le siteYouTube, dix heures de vidéosont déposées chaque minute.Ces informations sont suscep-tibles d’atterrir entre les mainsd’un chef d’entreprise, deparents ou d’une amie. DanielMenna, porte-parole du pré-posé fédéral à la protection desdonnées et à la transparence,lance un avertissement. «Avantun entretien d’embauche, lerecruteur tape souvent votre

nom dans Google. Si, parhasard, il tombe sur une photode vous un peu éméché lorsd’une soirée, vous aurez moinsde chance d’obtenir l’emploirecherché. Il faut être très pru-dent!»Ce conseil vaut aussi pour lesentreprises. Car le net peutfaire des ravages sur l’imaged’une firme. En octobre 2008,un site participatif indique queSteve Jobs, patron d’Apple,aurait été victime d’une attaquecardiaque. Le buzz est énorme.A tel point que, dans les minu-tes qui suivent, l’action de lasociété perd 10% de sa valeur.Pour éviter ce genre de désa-gréments, il existe désormais

des entreprises spécialiséesdans la veille internet. Ellesanalysent, décodent et sur-veillent l’image d’un individuou d’une marque sur la Toile.Elles peuvent aussi tenter del’améliorer, à l’aide d’outilstechniques faits sur mesure.Aux Etats-Unis, reputationde-fender.com propose, pour unequinzaine de francs par mois,de gérer le profil de ses clientssur Google, en remontant lesinformations valorisantes, parexemple. Par quels moyens?«Des formules mathématiquespour agir sur le moteur derecherche», explique MichaelFertik, fondateur de la société.Difficile d’en savoir plus: lesméthodes sont confidentielles.Mais, en tout cas, ces entrepri-ses ne peuvent pas faire demiracles. C’est en matière deprévention qu’elles sont le plusefficaces. Chez IC-Agency, unesociété basée à Genève, lesdéveloppeurs ont mis au pointle logiciel Consumetrix. «Il sertà analyser l’image de nosclients sur le web, explique Flo-rent Bondoux, conseiller enstratégie marketing. Nous tra-vaillons surtout en amont.»Car les spécialistes le disenttous: une fois qu’une photoembarrassante est sur la Toile,il est extrêmement difficile dela supprimer. Pour éviter lesennuis, les industries suissesdu luxe ont donc souventrecours à IC-Agency. Coût duservice: de 20 000 à 30 000francs par an. Avoir bonneréputation n’a pas de prix.√

SUR LE NET SANS PRÉTENTIONJ’AI MAUVAISE RÉPUTATION...RUMEUR. Laure Manaudou, Xavier Bagnoud, Apple... Ils ont été victimes d’un mau-vais buzz. Des entreprises se spécialisent dans la gestion de l’image sur la Toile.

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