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Progrés en Urologie (2007), 17, 1382.1384 L'hémospermie par amylose des vésicules séminales. Traitement par vésiculectomie coelioscopique. A propos d'un cas Jérôme VANDWALLE (11, Fabrice DUGARDIN (I), Thomas PETIT (2), Nicolas SURGA (I), Alexandre PAUL (1 j, Jacques PETIT ( I j (1) Service d'Urologie et Trun.splintntiotz, CHU Hôpital Sud Amiens, Frcince, (2) Cabinet de Pathologie, Amiens, France RESUME L'amylose des vésicules séminales responsable d'hémospermie est rare. Nous rapportons le cas d'un patient de 42 ans qui avait une hémospermie récidivante depuis 2 ans, avec anomalies d'une vésicule séminale à I'échogra- phie et à I'IRM, qui a justifié l'exérèse par voie coelioscopique. L'analyse histologique a mis en évidence une amylose localisée, d'origine inflammatoire. A 1 an, il n'y a pas eu de récidive. Il s'agit de la première observation publiée de vésiculectomie coelioscopique pour amylose. Mots clés :am,vlore, vésicules séminales, hénzosp&rmie, lapauoscopie. L'hémospermie est fréquente, d'étiologie supposée souvent bénigne [Il mais pas toujours affirmée (infectieuse, traumatique, iatrogè- ne,). Sa répétition est responsable de perturbations sexuelles et d'angoisse majorée par l'inconstance de I'efficacité thérapeutique. L'amylose des vésicules séminales est une pathologie rare, ou inéconnue. Sa responsabilité dans I'hémospermie est rarement évo- quée. Le diagnostic est histologique [2] et sa responsabilité ne peut être affirmée que par I'efficacité de l'exérèse de la vésicule patholo- gique. Notre observation réunit ces critères. amyloïdes (dichroïsme vert-jaune à la coloration par le Rouge Congo) permanganato-sensibles, en faveur d'une amylose localisée (aprés analyses immuno-histochimiques complémentaires, à la dif- férence des amyloses systémiques AL ou AA il n'y a pas de chaînes A. et K mais des dépôts de lactoferrine), probablement d'origine inflammatoire, confirmée par la normalité du bilan étiologique : absence d'anomalie à l'électrophorèse des protéines, absence de protéinurie, un PSA dans la norme, un bilan rénal et cardiaque nor- mal. OBSERVATION DISCUSSION Un homme de 42 ans, père de 2 enfants, sans autre paternité dési- Les publications d'observations d'amylose des vésicules séminales rée, sans aucun antécédent génital, a consulté en 2005 pour sont rares. La plupart des cas concerne la découverte de l'amylose hémospermie permanente et isolée depuis plus d'un an, malgré la lors de l'examen de pièces de prostatectomie radicale pour cancer phytothérapie prostatique. prostatique [3], ou sur pièces d'autopsie [4]. L'examen clinique était normal, sans infection urinaire ni urétra- le, sans anomalie endoscopique urétro-vésicale. L'échographie trans-rectale montrait une hypertrophie avec dilatation kystique de la vésicule séminale droite avec des zones calcifiées (Figure 1). L'IRM a confirmé les formations kystiques de la vésicule séminale droite (hypo signal T l , hyper signal T2, sans rehausse- ment après injection de gadolinium) à contenu hémorragique (Figure 2). Devant la persistance de l'hémospermie depuis 2 ans, récemment accompagnée de douleurs sus-pubiennes et d'hématurie terminale, une vésiculectomie droite a été réalisée en 2006, par voie coelios- copique trans-péritonéale, avec section des canaux déférent et éja- culateur. Les suites opératoires ont été très simples avec sortie du patient au deuxième jour. Le patient a repris une activité sexuelle normale sans aucune réci- dive d'hémospermie ni réduction apparente du volume de l'éjaculat, avec un recul post-opératoire de 1 an. L'examen de la pièce opératoire a mis en évidence une vésicule avec une paroi épaisse et un contenu partiellement hémorragique avec des granulations calcifiées. L'analyse histologique (Figure 3, Figure 4) a confirmé quelques micro calcifications avec des dépôts Les diagnostics d'amylose des vésicules séminales associée à une hémospermie ont été rarement faits, par ponction biopsie trans-rec- tale [5], toujours sans traitement spécifique proposé. On rappellera que l'amylose correspond au dépôt extracellulaire d'une substance formée à partir de précurseurs protéiques. La clas- sification des amyloses est basée sur la nature du précurseur pro- téique. On distingue, les amyloses secondaires liées à une patholo- gie inflammatoire chronique ou cancéreuse qui se manifestent par un dépôt de protéine AA localisé ou généralisé et qui entraîne une insuffisance rénale évoluant vers l'insuffisance rénale terminale, les amyloses AL et AH qui ont une origine immunoglobulinique et que I'on retrouve dans le myélome ou la maladie de Waldenstrom dont le pronostic est lié à l'atteinte cardiaque évoluant vers l'insuf- fisance cardiaque restrictive. Les amyloses a fi2 microglobuline que I'on retrouve chez les hémodialysés qui se traduisent par une Manuscrit reçu :juillet 2007, accepté : septembre 2007 Adresse pour correspondance : Dr. J. Vandwalle, Service d'urologie et Transplantation, CHU Hôpital Sud, Amiens, France e-mail : [email protected] Ref: VANDWALLE J., DUGARDIN F., PETIT T., SURGA N., PAUL A., PETIT J. Prog. Urol., 2007, 17, 1382-1384

L’hémospermie par amylose des vésicules séminales. Traitement par vésiculectomie coelioscopique. A propos d’un cas

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Page 1: L’hémospermie par amylose des vésicules séminales. Traitement par vésiculectomie coelioscopique. A propos d’un cas

Progrés en Urologie (2007), 17, 1382.1384

L'hémospermie par amylose des vésicules séminales. Traitement par vésiculectomie coelioscopique. A propos d'un cas

Jérôme VANDWALLE (11, Fabrice D U G A R D I N ( I ) , Thomas PETIT (2), Nicolas S U R G A ( I ) , Alexandre PAUL (1 j,

Jacques PETIT ( I j

(1) Service d'Urologie et Trun.splintntiotz, CHU Hôpital Sud Amiens, Frcince, (2) Cabinet de Pathologie, Amiens, France

RESUME

L'amylose des vésicules séminales responsable d'hémospermie est rare. Nous rapportons le cas d'un patient de 42 ans qui avait une hémospermie récidivante depuis 2 ans, avec anomalies d'une vésicule séminale à I'échogra- phie et à I'IRM, qui a justifié l'exérèse par voie coelioscopique. L'analyse histologique a mis en évidence une amylose localisée, d'origine inflammatoire. A 1 an, il n'y a pas eu de récidive. Il s'agit de la première observation publiée de vésiculectomie coelioscopique pour amylose.

Mots clés :am,vlore, vésicules séminales, hénzosp&rmie, lapauoscopie.

L'hémospermie est fréquente, d'étiologie supposée souvent bénigne [I l mais pas toujours affirmée (infectieuse, traumatique, iatrogè- ne,). Sa répétition est responsable de perturbations sexuelles et d'angoisse majorée par l'inconstance de I'efficacité thérapeutique. L'amylose des vésicules séminales est une pathologie rare, ou inéconnue. Sa responsabilité dans I'hémospermie est rarement évo- quée. Le diagnostic est histologique [2] et sa responsabilité ne peut être affirmée que par I'efficacité de l'exérèse de la vésicule patholo- gique. Notre observation réunit ces critères.

amyloïdes (dichroïsme vert-jaune à la coloration par le Rouge Congo) permanganato-sensibles, en faveur d'une amylose localisée (aprés analyses immuno-histochimiques complémentaires, à la dif- férence des amyloses systémiques AL ou AA il n'y a pas de chaînes A. et K mais des dépôts de lactoferrine), probablement d'origine inflammatoire, confirmée par la normalité du bilan étiologique : absence d'anomalie à l'électrophorèse des protéines, absence de protéinurie, un PSA dans la norme, un bilan rénal et cardiaque nor- mal.

OBSERVATION DISCUSSION

Un homme de 42 ans, père de 2 enfants, sans autre paternité dési- Les publications d'observations d'amylose des vésicules séminales rée, sans aucun antécédent génital, a consulté en 2005 pour sont rares. La plupart des cas concerne la découverte de l'amylose hémospermie permanente et isolée depuis plus d'un an, malgré la lors de l'examen de pièces de prostatectomie radicale pour cancer phytothérapie prostatique. prostatique [3], ou sur pièces d'autopsie [4].

L'examen clinique était normal, sans infection urinaire ni urétra- le, sans anomalie endoscopique urétro-vésicale. L'échographie trans-rectale montrait une hypertrophie avec dilatation kystique de la vésicule séminale droite avec des zones calcifiées (Figure 1). L'IRM a confirmé les formations kystiques de la vésicule séminale droite (hypo signal T l , hyper signal T2, sans rehausse- ment après injection de gadolinium) à contenu hémorragique (Figure 2).

Devant la persistance de l'hémospermie depuis 2 ans, récemment accompagnée de douleurs sus-pubiennes et d'hématurie terminale, une vésiculectomie droite a été réalisée en 2006, par voie coelios- copique trans-péritonéale, avec section des canaux déférent et éja- culateur. Les suites opératoires ont été très simples avec sortie du patient au deuxième jour.

Le patient a repris une activité sexuelle normale sans aucune réci- dive d'hémospermie ni réduction apparente du volume de l'éjaculat, avec un recul post-opératoire de 1 an.

L'examen de la pièce opératoire a mis en évidence une vésicule avec une paroi épaisse et un contenu partiellement hémorragique avec des granulations calcifiées. L'analyse histologique (Figure 3, Figure 4) a confirmé quelques micro calcifications avec des dépôts

Les diagnostics d'amylose des vésicules séminales associée à une hémospermie ont été rarement faits, par ponction biopsie trans-rec- tale [5], toujours sans traitement spécifique proposé.

On rappellera que l'amylose correspond au dépôt extracellulaire d'une substance formée à partir de précurseurs protéiques. La clas- sification des amyloses est basée sur la nature du précurseur pro- téique. On distingue, les amyloses secondaires liées à une patholo- gie inflammatoire chronique ou cancéreuse qui se manifestent par un dépôt de protéine AA localisé ou généralisé et qui entraîne une insuffisance rénale évoluant vers l'insuffisance rénale terminale, les amyloses AL et AH qui ont une origine immunoglobulinique et que I'on retrouve dans le myélome ou la maladie de Waldenstrom dont le pronostic est lié à l'atteinte cardiaque évoluant vers l'insuf- fisance cardiaque restrictive. Les amyloses a fi2 microglobuline que I'on retrouve chez les hémodialysés qui se traduisent par une

Manuscrit reçu :juillet 2007, accepté : septembre 2007

Adresse pour correspondance : Dr. J. Vandwalle, Service d'urologie et Transplantation, CHU Hôpital Sud, Amiens, France

e-mail : [email protected]

Ref: VANDWALLE J., DUGARDIN F., PETIT T., SURGA N., PAUL A., PETIT J . Prog. Urol., 2007, 17, 1382-1384

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J. Vandwalle et coll., Progrès en Urologie (2007), 17, 1382-1384

Figure 1. Echographie transrectale : calcifications intra-vésiculaires ~i~~~~ 3. ~ é ~ ô t ~ éosjnophiles amorphes et homogènes ( H ~ ~ -do), et dilatation. dans la paroi des vésicules séminales.

Figure 4. Coloration des dépôts par le Rouge Congo (Rouge Congo Figure 2. ZRM : Formations kystiques à contenu hémorragique de la ' 200). vésicule séminale droite.

à confusion) et de proposer alors une exérèse dont la voie atteinte articulaire : tendinopathie et arthropathie. Enfin, les amy- celioscopique permet l'efficacité thérapeutique avec une rnorbi- loses familiales liées à une mutation génétique et d'expression très dité réduite. variable.

L'amylose à dépôts de lactoférrine correspondrait à une amylose secondaire atypique et localisée.

Notre observation est la première publiée avec succès thérapeutique par vésiculectomie unilatérale coelioscopique.

Cette rareté est peut être seulement le reflet d'explorations radio- logiques insuffisantes de l'hémospermie, considérée comme banale car d'étiologie souvent méconnue, et incomplètement recherchée. Le recours a l'échographie et à 1'IRM pelvienne peut permettre de suspecter cette anomalie vésiculaire séminale après avoir éliminé les diagnostics différentiels (la vésiculite donnant en échographie une hypertrophie de la paroi et des images kys- tiques mais d'aspect différent à 1'IRM ; les tumeurs malignes (extension de cancer de prostate) donnant des lésions kystiques mais de densité différente ; les tumeurs bénignes comme le fibroadénome mais dont l'aspect et la densité sont moins sujets

CONCLUSION

La découverte d'anomalies radiologiques de la vésicule séminale peut faire discuter l'indication d'exérèse par voie coelioscopique en cas d'hémospemie récidivante, prolongée, sans autre cause retrou- vée, chez un homme sans désir de paternité.

Le diagnostic histologique d'amylose permet alors d'en préciser l'é- tiologie.

REFERENCES

1. GAME X., FOURNIER R., BERLIZOT P., HOULGATTE A. . hé- mospermie. Prog. Urol., 2002 ; 12 : 18-2 1.

2. TSUTSUMI Y., SERIZAWA A., HORI S. : Localised amyloidosis of semi- na1 vesicle : identification of lactoferrin immunoreactivity in amyloid mate- rial. Pathol. Int., 1996 ; 46 : 491-497.

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J. Vandwallc ct coll., Progrès en Urologie (2007). 17, 1382- 1384

3. HARVEY I . , TETU B. : Amyloidosis of the seminal vesicles : a local condi- SUMMARY tion with no systematic impact. Ann. Pathol., 2004 ; 24 : 173.176.

4, P~TKANEN p., WESTERMARK p., CORNWELL GG,, MURDOCH W. Haemospermia due to seminal vesicle amyloidosis. Treatment by Amyloid of the seminal vesicles. Am. J. Pathol., 1983 ; 75 : 94-98. laparoscopic vesiculectomy. A case report

5 . S., N., R., TSUKAMOTO T., ISoMU- Amyloidosis ofthe seminal vesicles is a rare cause ofhaemospermia. RA H., TAMAKAWA M. : Characterization of localized seminal vesicle amyloidosis causing hemospermia. J. Urol., 2005 ; 173 : 1273-1277.

The authors report the case of a 42-year-oldpatient with recurrent hae- mospermia over a period of 2 years and abnormalities of one seminal vesicle on ultrasonography and MRI, justzjjing laparoscopic resection. Histological examination dernonstrated localized arnyloidosis, secon- dary to inflammation. No recurrence was observed with a,follow-up of one

Key words : amyloidosis, seminal vesicles, hemospermia.