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L’hyponatrémie hypotonique du sportif d’endurance

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Cah. Nutr. Diét., 39, 4, 2004 255

médecine et nutrition

médecine et nutrition

L’HYPONATRÉMIE HYPOTONIQUE DU SPORTIF D’ENDURANCE

B. MELIN, Chantal JIMENEZ

Le sodium (Na), principal cation des liquides extracellulaires, joue un rôleprimordial dans les échanges hydriques et, par-là, dans la régulation del’osmolalité et de la volémie de l’organisme. L’exercice musculaire surtouts’il est prolongé ou réalisé en ambiance chaude peut s’accompagner d’impor-tantes pertes hydrosalines en raison des nécessités de la thermolyse sudorale[1]. Les pertes sudorales en eau et en électrolytes vont perturber, parfois pro-fondément, l’homéostasie hydrominérale avec des conséquences défavorablessur la performance physique et la santé (risques d’accidents graves comme lecoup de chaleur d’exercice) [2]. La réhydratation se justifie donc pleinementpendant l’exercice, mais, depuis 1985, des premiers cas d’hyponatrémiesymptomatique ont été rapportés lors d’épreuves ultra-endurantes, consé-quences d’un apport hydrominéral déséquilibré avec une ingestion d’eau tropimportante par rapport à la quantité de Na [3]. Depuis, avec l’engouementdes sportifs pour les épreuves de longue durée, bien d’autres cas ont étédécrits [4]. Le recul actuel permet de mieux connaître les aspects symptoma-tologiques, épidémiologiques et les mécanismes physiopathologiques del’hyponatrémie du sportif. Ainsi, le but de cet article est de :– montrer l’importance du sodium dans l’organisme et en particulier de lanatrémie ;– bien faire comprendre les conditions d’apparition d’une hyponatrémiehypotonique ;– faire le point sur les hyponatrémies qui résultent de la pratique sportive ;– donner des recommandations en matière d’apport hydrosodé, avant, pen-dant et après la pratique sportive.

Sodium corporel, entrées, sorties – Importance de la natrémie

Le sodium alimentaire est apporté pour moitié par adjonc-tion de sel (NaCl) et pour l’autre moitié par l’alimentation.Le NaCl ingéré est en moyenne de 7 à 9 g/jour (ce quicorrespond à environ 3 g de Na) avec de grandes varia-tions d’apport (de 5 à plus de 12 g de NaCl/jour) selon

les habitudes alimentaires [5]. Chez le sujet au repos et ensituation de confort thermique, les sorties du Na par lesselles et la sueur sont peu importantes, les urines repré-sentent la principale voie d’élimination (90 à 95 % duNaCl absorbé).Dans l’organisme, le sodium (Na) total est évalué à 55-60 mmol/kg de poids corporel, ce qui correspond à envi-ron 4 100 mmol (100 g) chez un adulte de 70 kg. En fait,les 2/3 (65-70 g) sont échangeables et situés dans lesliquides corporels extracellulaire (environ 52 g) et intracel-lulaire (environ 14 g).Bien que les concentrations des différents ions soient dif-férentes dans les compartiments liquidiens extracellulaire

Département des Facteurs humains, Centre de Recherches du Service de Santé des Armées Emile Pardé, 24, avenue des maquis du Grésivaudan, BP 87, 38702 La Tronche Cedex.Correspondance : B. Melin, à l’adresse ci-dessus.

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et intracellulaire, normalement, à l’équilibre, l’osmolalitéextracellulaire est égale à l’osmolalité intracellulaire (valeurnormale : 290 mOsm/kg d’eau). Le Na, principal cationdes liquides extracellulaires, joue un rôle primordial dansla régulation de l’osmolalité de l’organisme. Il existe, eneffet, une bonne corrélation entre la pression osmotiquedu compartiment extracellulaire et la concentration de Nadans le plasma (natrémie, valeur moyenne : 140 mmol/l)qui reflète étroitement celle du compartiment extracellu-laire maintenue entre 135 et 145 mmol/l [6]. Cet élémentconfère à la natrémie toute son importance dans l’analysedes échanges d’eau se produisant entre les compartimentsextracellulaire et intracellulaire. En effet, les mouvementsd’eau entre ces deux compartiments sont provoqués pardes variations de pression osmotique, le flux d’eau se pro-duit du compartiment où la pression osmotique est la plusbasse vers celui où la pression osmotique est la plus élevéejusqu’à l’équilibre des pressions osmotiques de part etd’autre.En pratique clinique, l’osmolalité plasmatique est obtenuepar des osmomètres permettant la mesure du cryosco-pique du plasma qui correspond à la relation entre l’abais-sement du point de congélation du plasma et saconcentration en substances dissoutes. De même, lanatrémie est un bon reflet de l’osmolalité plasmatique (enl’absence d’hyperglycémie, d’hyperlipidémie et d’hyper-protidémie, voir ci-après) ; sa mesure est obtenue parphotométrie de flamme.

Hyponatrémies hypotoniques : conditions d’apparition et symptomatologie

Les hyponatrémies vraies correspondent aux hyponatré-mies s’accompagnant d’une hypo-osmolalité extracellulaire(hyponatrémies hypotoniques). Elles sont à distinguer :– des hyponatrémies hypertoniques avec élévation del’osmolalité extracellulaire due à une augmentation impor-tante et rapide de la glycémie, de l’urée ou lors de perfu-sion de solution osmotiquement active comme lemannitol. Dans ce cas, l’hyponatrémie est secondaire aupassage d’eau du milieu intracellulaire vers le milieu extra-cellulaire (déshydratation intracellulaire) ;– des hyponatrémies isotoniques ou fausses hyponatré-mies lors d’hyperprotidémies ou d’hyperlipidémies. Dansce cas, l’osmolalité plasmatique est normale et ces fausseshyponatrémies n’ont aucun retentissement sur l’hydrata-tion intracellulaire.Le tableau I représente la composition ionique duplasma avec les principaux cations et anions ; il permetde comprendre qu’une hyperglycémie ou une hyper-protidémie peut s’accompagner d’une hyponatrémierelative mais sans hypo-osmolalité plasmatique.Les hyponatrémies hypotoniques peuvent correspondre àdeux situations théoriques :– augmentation d’eau dans le compartiment extracellu-laire. L’apport d’eau augmente le volume du comparti-ment extracellulaire et réduit donc la concentration de sesions et la pression osmotique extracellulaire ;– perte de chlorure de sodium (NaCl). La perte isolée deNaCl est rare, il s’agit plutôt d’une perte de NaCl supé-

rieure à celle de l’eau qui provoque également une baissede la pression osmotique extracellulaire.Dans les deux cas, la diminution de la pression osmotiqueextracellulaire provoque un flux d’eau du compartimentextracellulaire vers le compartiment intracellulaire indui-sant une hyperhydratation intracellulaire.L’hyperhydratation intracellulaire, selon son importanceet la rapidité de sa constitution, pourra être à l’origine desymptômes dont la gravité est liée à l’œdème cérébral enraison de l’inextensibilité de la boîte crânienne. En généralles signes digestifs (nausées, vomissements, dégoût del’eau) précédent les signes neurologiques : céphalées,convulsions, détresse respiratoire aiguë, coma avec hyper-pression intracrânienne pouvant aller jusqu’au décès.Classiquement, les hyponatrémies hypotoniques sontdécrites chez des sujets présentant un état pathologiquepré-existant. On distingue des hyponatrémies par déplé-tion, par dilution ou par inflation hydrosodée [7] :– les hyponatrémies par déplétion sodée correspondent àun bilan hydrosodé négatif avec déshydratation extracellu-laire. Les causes sont soit rénales (diurétiques, néphropa-thies avec pertes de sel, insuffisance surrénale aiguë) soit,le plus souvent, extrarénales, digestives (vomissements,aspiration gastrique, diarrhée, occlusion aiguë) ou nondigestives (séquestration liquidienne au niveau de massesmusculaires contuses, accentuation des pertes sodéescutanées lors des brûlures) ;– les hyponatrémies par dilution correspondent à une aug-mentation de l’eau corporelle totale. Elles peuvent êtreliées à un excès d’apport avec natriurèse conservée (poto-manie, syndrome des buveurs de bière). Le plus souvent,elles sont la conséquence de l’association d’une antidiu-rèse et de l’absorption d’eau ou de perfusion de liquidehypotonique en sodium. Les causes d’antidiurèse sontnombreuses (le stress, les actes opératoires, certainesmaladies endocriniennes, comme l’insuffisance surrénaleou thyroïdienne, certaines thérapeutiques provoquant uneantidiurèse, le syndrome de sécrétion inappropriée d’hor-mone antidiurétique) ;– les hyponatrémies par inflation hydrosodée sont desformes particulières d’hyponatrémies par dilution oùl’augmentation de l’eau totale est supérieure à celle dustock sodé (insuffisance cardiaque, insuffisance hépatique,insuffisance rénale, syndrome néphrotique).Moins classiquement connus, les premiers cas d’hypona-trémies hypotoniques lors de la pratique sportive ont étérapportés par Noakes et al. [3].

Tableau I.Composition ionique du plasma. La concentration des cations et

des anions est exprimée en millimole par litre de plasma.

Cations mmol/l Anions mmol/l

Na+ 140 Cl– 101K+ 5 HCO3

– 25Ca++ 2,5 HPO4

– 1Mg++ 1,5 SO4

– 0,5Zn++ 0,04 protéines 15Fe+++ 0,02 glucose 5Cu++ 0,01 divers 2,5total = 150 total = 150

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Il convient ici de préciser que, lors de la pratique sportive,les pertes sudorales en Na vont devenir importantes enraison des nécessités thermorégulatrices (mise en jeu de lasudation à des niveaux parfois très élevés). La concentra-tion de Na dans la sueur, généralement très inférieure àla concentration plasmatique en raison d’une réabsorptionactive dans le tube sudoripare eccrine, est fonction duniveau d’acclimatement à la chaleur et du débit sudoral.Ainsi, les pertes sudorales en NaCl peuvent aller jusqu’à15-20 g lors d’épreuves ultra-endurantes [8].

Hyponatrémies et pratique sportive

Les activités sportives incriminées dans l’apparition despremiers cas d’hyponatrémies symptomatiques chez lesportif correspondaient à des exercices de très longuedurée (épreuves ultra-endurantes : ultramarathons, triath-lons de longue distance avec des durées supérieures à 8-10 heures) [3, 9, 10]. La première raison évoquée pourexpliquer ce déséquilibre hydrominéral était une ingestionimportante d’eau au cours de l’activité sportive, sansapport approprié de NaCl, pouvant conduire à une hypo-natrémie inférieure à 130 mmol/l. Les premières donnéesépidémiologiques et symptomatologiques étaient les sui-vantes [10] :– l’incidence de l’hyponatrémie symptomatique est faible,moins de 0,3 % des compétiteurs lors d’épreuves ultra-endurantes, et elle est retrouvée chez 10 % des compéti-teurs victimes d’un collapsus ;– le début est insidieux après plusieurs heures d’exercicepouvant se manifester par l’apparition de contracturesmusculaires et de troubles du comportement ;– la pathologie la plus grave survient souvent après la finde l’épreuve, à type de convulsions épileptiformes, de syn-drome de détresse respiratoire aiguë, de coma avechyperpression intracrânienne nécessitant un transfertd’urgence en unité de soins intensifs.Près de 15 ans après ces premiers cas, Speedy et al. [4]ont apporté des données plus complètes car reposant surun nombre important d’investigations lors d’épreuvesultra-endurantes :– l’hyponatrémie est prise en compte quand la valeur dela natrémie est inférieure à 135 mmol/l (hyponatrémiebiologique) ;– son incidence est en fait très variable allant de 0 % à29 % des compétiteurs au cours des triathlons de longuedistance organisés dans plusieurs pays (Ironman). Le pour-centage le plus élevé est noté lors de l’Ironman d’Hawaïoù les conditions climatiques sont les plus contraignantes(chaud et humide) nécessitant une prise importante deboissons ;– la nature et la gravité des symptômes sont égalementvariables, certains sont modérés et non spécifiques(malaise, confusion, nausées, fatigue…), d’autres sontgraves et plus spécifiques (crise comitiale, œdème pulmo-naire, coma pouvant aller jusqu’au décès) ;– l’hyponatrémie biologique est asymptomatique dansplus de 60-70 % des cas. Ainsi, sur 330 compétiteursayant accompli l’Ironman de Nouvelle-Zélande en 1997,58 (soit 18 %) avaient une hyponatrémie biologique et serépartissaient de la façon suivante :

• 11 avaient une hyponatrémie sévère (inférieure à130 mmmol/l) dont 7 symptomatiques et 4 asympto-matiques,• 47 avaient une hyponatrémie modérée (entre 130 et 134mmol/l) dont 11 symptomatiques et 36 asymtomatiques.Plus récemment, il a été rapporté des cas d’hyponatrémielors d’épreuves endurantes de durée plus modérée commele marathon [11, 12]. Cependant, les sportifs impliquéssont ceux qui présentent des durées de course élevées(supérieures à 4-5 heures) et l’incidence semble limitéepuisqu’elle correspond à moins de 6 % des coureurs ayantnécessité un traitement médical sur site [12].Le mécanisme physiopathologique conduisant à la consti-tution d’une hyponatrémie lors de la pratique sportiveendurante est loin d’être clairement établi. Plusieurs méca-nismes ont, en fait, été proposés :– les pertes sodées seraient modérées ou normales par lesvoies sudorales et urinaires mais les concentrations de Naet l’osmolalité plasmatiques seraient diminuées en raisond’une rétention trop importante de liquide extracellulaire[3, 4, 11]. Cette hyponatrémie de dilution résulterait prin-cipalement d’un déséquilibre de l’apport hydrosodé avecune ingestion trop importante d’eau par rapport au Na ;– les pertes sudorales en Na seraient excessives en raisond’une concentration de Na élevée dans la sueur favorisantainsi la dilution du liquide extracellulaire lors de l’ingestiondes boissons [9, 13]. Ce dernier mécanisme correspon-drait à une hyponatrémie par déplétion sodée d’originesudorale ;– certaines réponses rénales seraient inappropriées etentraîneraient une charge liquidienne importante. Ainsi, lafiltration glomérulaire pourrait être diminuée de façonexcessive [14]. La sécrétion d’hormone antidiurétiqueserait trop élevée, à l’origine d’une réabsorption massived’eau libre [15, 16]. L’association d’une libération exces-sive du peptide atrial natriurétique lors de la récupérationfavoriserait une importante natriurèse [11] ;– l’absence d’équilibre entre volume et tonicité du liquideextracellulaire pourrait également résulter de la combinai-son de ces 3 causes à des degrés divers [13, 15].Des facteurs favorisants ont également été rapportés :– les femmes feraient plus fréquemment des hyponatrémies,souvent plus graves (effets favorisants des œstrogènes,comportement dipsique excessif, durée de course plusimportante) [11] ;– La prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, avant etpendant la pratique sportive, favoriserait la réabsorptiond’eau libre par l’hormone antidiurétique et la déplétion duvolume sanguin rénal [11, 17].

Dépistage, prise en charge et prévention des hyponatrémies lors de la pratique sportive

Dépistage et prise charge des hyponatrémies sur le terrain

Au cours des épreuves de longue durée (marathons, ultrama-rathons, triathlons…), tous les participants qui présententdes symptômes évoquant une hyponatrémie (nausées,confusion mentale, ataxie, céphalées…) doivent êtretransférés en milieu hospitalier pour surveillance et dosagede la natrémie. Si l’hyponatrémie est confirmée, le

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schéma thérapeutique (concentration saline du liquide per-fusé, débit…) sera guidé par l’importance de l’hyponatré-mie et de la symptomatologie (fig. 1) [11]. Il a égalementété proposé que l’équipe médicale de terrain puisse dispo-ser d’analyseurs portables pour doser la natrémie de tousles participants dont l’état de santé requiert des soinsmédicaux sur site ; la découverte d’une hyponatrémie bio-logique imposant le transfert en milieu hospitalier [12].

Prévention : recommandations d’apport hydrosodé pendant et après l’activité sportive

Devant le nombre croissant des cas d’hyponatrémies liéesà la pratique sportive, les recommandations du Collègeaméricain de Médecine du Sport concernant les apportsde boisson à l’exercice [18] ont été fortement critiquées[19]. Sont jugées excessives, en particulier, les recomman-dations sur les quantités de boissons à apporter pendantles épreuves ainsi que celles concernant la sensation desoif et sa mise en garde en tant que mauvais indicateur del’état d’hydratation corporelle.Pour notre part, nous pensons, également, qu’il ne fautpas boire « le plus possible pendant l’exercice ». Cette atti-tude, qui favorise un apport largement supérieur auxpertes en eau, est très souvent retrouvée lors des hypona-trémies symptomatiques sévères voire fatales [11] (la litté-rature rapporte au moins 7 décès et plus de 250 casd’hyponatrémies avec encéphalopathie [14, 19, 20]). Parcontre, nous estimons que l’ajustement individuel de laréhydratation à la perte en eau prévisible [21] est une atti-tude raisonnable étayée, également, par des donnéesscientifiques concernant les effets défavorables de la dés-

hydratation lors de la pratique sportive. Ces effetsconcernent principalement la performance physique et lesrisques d’accidents graves comme le coup de chaleurd’exercice (revue de la littérature voir [2]) car la déshydra-tation favorise, indiscutablement, l’élévation excessive dela température corporelle [22, 23]. La compensation dudéficit hydrique restaure la performance et modère l’élé-vation de la température interne [22, 23]. Dans cesconditions, se fier à sa sensation de soif pour se réhydra-ter [19], ne paraît pas être une bonne attitude car il estétabli depuis longtemps que la sensation de soif est tardiveet qu’elle permet de compenser que très partiellement lespertes en eau [24]. Par ailleurs, il est important de souli-gner que l’incidence de l’hyponatrémie est bien moindreque celle de la déshydratation et de l’hyperthermie dansl’apparition des malaises et collapsus lors des épreuvesd’endurance (moins de 6 % [12]) ou d’ultraendurance(moins de 10 % [3]).Ainsi, avant l’épreuve d’endurance, il est fortementrecommandé au sportif (tableau II) :– de maintenir un état corporel normohydraté en ingérant,de façon fractionnée, une boisson appropriée avant l’exer-cice, surtout par temps chaud et humide (par exemple,500 ml 2 heures avant l’épreuve) [21] ;– de réaliser une véritable stratégie de réhydratation lorsde l’épreuve à venir en estimant ses pertes prévisibles eneau par la prise en compte des caractéristiques del’épreuve (modalités, durée et intensité) et des conditionsclimatiques prévues (température et humidité de l’air). Lapratique régulière de la pesée, avant et après l’exercice,est un bon moyen de mieux se connaître pour apprécierl’importance de sa déshydratation en fonction de l’inten-sité de l’effort et des conditions climatiques [21].Pendant l’épreuve, l’ajustement des apports aux pertesprévisibles, en commençant à s’hydrater tôt avant la soif,permettra d’éviter l’ingestion de quantités inappropriéesde boisson (aussi bien des hyperhydratations que deshypohydratations tout aussi dangereuses). Ainsi, quand ladurée de l’épreuve est supérieure à 3 heures, l’apport deboisson recommandé peut aller de 0,5 à 1 l/h [21]. Defait, ces quantités diffèrent peu de celles (0,4 à 0,8 l/h)préconisées très récemment [19] pour éviter l’apparitiondes hyponatrémies. En ce qui concerne l’apport sodé, ilest absolument recommandé d’apporter du NaCl à une

Figure 1Conduite à tenir et schéma thérapeutique en milieu hospitalier

devant une hyponatrémie hypotonique symptomatique (d’après Davis et al. [11]).

Tableau II.Recommandations d’apport hydrominéral avant, pendant

et après la pratique sportive endurante.

Avant – préparer une stratégie de réhydratation pour l’épreuve à venir en fonction des caractéristiques de l’épreuve (modalités, durée, intensité) et des conditions climatiques prévisibles– maintenir un état corporel normohydraté (ingestion fractionnée de 500 ml d’une boisson appropriée, 2 h avant l’épreuve)

Pendant – s’hydrater tôt (avant la soif)– ajuster les apports hydrominéraux aux pertes prévi-sibles– pour des durées supérieures à 3 h, faire des apports de 0,5 à 1 l/h– apporter du NaCl dilué dans la boisson (1,2 g/l)

Après – apporter du Na dans la boisson de récupération (jusqu’à 50 mmol/l, soit 1,2 g/l de Na) sous forme de NaCl, en association avec d’autres sels de Na

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concentration de 1,2 g/l (20 mmol/l de Na et de Cl) diluédans la boisson [25], une concentration supérieure seraitpréjudiciable à la bonne acceptation en raison du goûtsaumâtre. Lors des épreuves de très longues durées, lesapports énergétiques solides pourront fournir égalementun complément d’apport sodé. Par contre, les apports deNaCl sous forme de pastilles de sel sont déconseillés, caren l’absence d’un volume d’eau adapté, ils peuvent aggra-ver une déshydratation (passage d’eau de la muqueusevers la lumière intestinale) et favoriser les troubles diges-tifs. À ce sujet, il a été montré que la déshydratationaggrave la diminution du débit sanguin splanchniqueobservée au cours de l’exercice ; la réduction de la fourni-ture en oxygène et en substrats énergétiques aux cellulesintestinales perturberait les mécanismes de l’absorption etfavoriserait l’apparition des troubles digestifs lors de laréhydratation chez le sportif d’endurance (revue de la lit-térature voir [26]).Après l’épreuve, pour récupérer le plus efficacement pos-sible l’équilibre hydrominéral, la boisson de récupérationdoit contenir du Na jusqu’à 50 mmol/l (soit 1,2 g/l de Na)sous forme de NaCl, en association avec d’autres sels deNa. Cet apport salin permet de récupérer plus rapidementl’homéostasie hydrominérale qu’avec la seule ingestiond’eau, en particulier pour les volumes extracellulaires,dont le volume plasmatique [27].

Résumé

La réhydratation pendant l’exercice musculaire prolongéest indispensable pour remplacer les pertes hydriquesprincipalement sudorales qui peuvent perturber, parfoisprofondément, l’homéostasie hydrominérale avec desconséquences défavorables sur la santé. Cependant, dès1985, les premiers cas d’hyponatrémie symptomatiqueont été décrits lors d’épreuves ultra-endurantes, consé-quences d’un apport hydrosalin déséquilibré avec uneingestion d’eau trop importante par rapport à celle dusodium. Depuis, avec l’engouement pour les épreuves detrès longue durée, bien d’autres cas ont été décrits et lerecul actuel permet de mieux connaître les aspects symp-tomatologiques, épidémiologiques et les mécanismes phy-siopathologiques de l’hyponatrémie liée à la pratiquesportive. Ainsi, cet article se propose de montrer l’impor-tance du sodium dans l’organisme pour bien comprendreles conditions d’apparition d’une hyponatrémie, de fairele point sur les hyponatrémies du sportif d’endurance etde donner des recommandations d’apports hydrosodés enpratique sportive.

Mots-clés : Sodium – Homéostasie hydrominérale –Exercice physique – Hyponatrémie.

Abstract

Rehydration during prolonged exercise is essential toreplace the fluid losses, principally induced by swea-ting, which can, sometimes importantly, disturb thefluid and electrolyte balance with unfavourable effectson the well-being. However, as far back as 1985, thefirst cases of symptomatic hyponatremia have beendescribed during ultraendurance events, due to theingestion of excessive volumes of water compared to

sodium intakes. Since then, with the success of suchultradistance events, further cases have been reported.The current data allow to better know the symptoma-tologic and epidemiologic aspects, and the physiopa-thological mechanisms of hyponatremia induced by thepratice of sports. Thus, the present paper, purposes toshow the important role of the sodium to well unders-tand the conditions of the appearance of hyponatre-mia, to take stock on the hyponatremia in theultraendurance athletes, and to give recommendationsof fluid and salt intakes in the practice of sports.

Key-words: Sodium – Fluid and electrolyte balance –Exercise – Hyponatremia.

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