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CES MECS AU RÉGIME SEC PAGES 22-23 Syrie Assad l’assassin Malgré une répression sanglante, la contestation continue et affaiblit le régime de Damas. PAGES 2-4 ABACA EMMANUEL PIERROT.AGENCE VU AUX TARTERÊTS, CORBEIL-ESSONNES RÉCOLTE LA TEMPÊTE PAGE 14 PHOTOPQR.LEPARISIEN.MAXPPP Primaire du PS: Valls y va Dans un entretien à «Libération», le député socialiste se déclare candidat «pour incarner l’énergie du changement». PAGE 10 Les Français de plus en plus préoccupés par le logement SONDAGE Les états géné- raux du logement, dont la deuxième édition se tient aujourd’hui à Paris et qui réu- nit offices HLM, promoteurs privés, associations d’élus, organismes d’insertion, fédé- rations de consommateurs, partenaires sociaux… veulent mettre le sujet au centre du débat. «C’est maintenant que cela se joue pour faire du loge- ment un des deux ou trois sujets majeurs de la présidentielle», considère la Fondation Abbé- Pierre. Pour nourrir les débats, un sondage TNS-Sofres a été réalisé. Il révèle une grande anxiété des Français par rap- port au logement. Son coût est jugé important par plus des trois quarts des person- nes interrogées. Le niveau des loyers est désormais considéré comme un obsta- cle à la mobilité et 82% di- sent qu’il est difficile de trouver un toit. PAGES 12-13 CINEMA «SANS PUDEUR NI MORALE», UN SOUFFLE VENU DE SARCELLES CAHIER CENTRAL CINEMA LA CÉRÉMONIE DES LASCARS DVD«Sans pudeur ni morale», la balade qui part en vrille de jeunes de banlieue. Brut de décoffrage. «THE PRODIGIES» LES SURDOUÉS À NEW YORK Jean-Pascal Zadi (avec les lunettes) et ses acteurs, vendredi à Paris.Un autodafé de Bachar al-Assad filmé sur Internet. MERCREDI 8 JUIN 2011 IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats-Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande-Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €, Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays-Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA. upbybg

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CES MECS AU RÉGIME SECPAGES 22­23

SyrieAssad

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Malgré unerépression

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continueet affaiblitle régime

de Damas.PAGES 2­4

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Primairedu PS:Valls y vaDans un entretienà «Libération»,le député socialistese déclare candidat«pour incarnerl’énergie duchangement».

PAGE 10

Les Français de plus en pluspréoccupés par le logementSONDAGE Les états géné-raux du logement, dont ladeuxième édition se tientaujourd’hui à Paris et qui réu-nit offices HLM, promoteursprivés, associations d’élus,organismes d’insertion, fédé-rations de consommateurs,partenaires sociaux… veulentmettre le sujet au centre du

débat. «C’est maintenant quecela se joue pour faire du loge-ment un des deux ou trois sujetsmajeurs de la présidentielle»,considère la Fondation Abbé-Pierre.Pour nourrir les débats, unsondage TNS-Sofres a étéréalisé. Il révèle une grandeanxiété des Français par rap-

port au logement. Son coûtest jugé important par plusdes trois quarts des person-nes interrogées. Le niveaudes loyers est désormaisconsidéré comme un obsta-cle à la mobilité et 82% di-sent qu’il est difficile detrouver un toit.

PAGES 12­13

CINEMA«SANSPUDEUR NIMORALE»,UN SOUFFLEVENU DESARCELLES

CAHIER CENTRAL

CINEMA •

LA CÉRÉMONIEDES LASCARSDVD «Sans pudeur ni morale», la balade qui parten vrille de jeunes de banlieue. Brut de décoffrage.

«THE PRODIGIES»LES SURDOUÉSÀ NEW YORK

Page IV

LIBÉRATIONMERCREDI 8 JUIN 2011

Jean­Pascal Zadi (avecles lunettes) et sesacteurs, vendredià Paris. PHOTO RUDY WAKS

DR

Un autodafé deBachar al­Assadfilmé sur Internet.

• MERCREDI 8 JUIN 2011

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats­Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €,Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays­Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA.

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Par FRANÇOIS SERGENT

SauvagerieLe régime syrien mènedepuis trois mois unerépression atroce quin’épargne pas même lesenfants. Pour faire peuraux parents, lestortionnaires ont arrachéles dents et les ongles degarçons de 12 ans. Certainsde ces gosses sont morts,sans compter les centainesde manifestants tués,sauvagement battus ettoujours emprisonnés.Assad père et filspratiquent depuis quaranteans ces massacres à grandeéchelle pour rester aupouvoir et continuer àenrichir leur famille etleurs proches, alors quele pays s’enfonce dans lamisère.Malgré cette répression,l’opposition ne faiblit pas.Au lendemain de la mortde 50 manifestantsabattus à Hama,100 000 personnes ont eul’extraordinaire couraged’accompagner cesvictimes au cimetière. Cesmassacres se poursuivent àhuis clos : le régimeinterdit la Syrie auxjournalistes, aux ONG etmême à l’ONU.Des années durant, cettejunte a été soutenue par lacommunautéinternationale au nom dela stabilité régionale, de lapeur des islamistes et de lapréservation des intérêtsd’Israël. Il faut portercrédit à Nicolas Sarkozy età Barack Obama d’avoirchangé de politique.Tardivement peut-être,mais clairement. Ilscondamnent désormais lajunte de Damas devenueillégitime. Preuve que leprintemps arabe, malgréles inévitables ratés etrevers, est inéluctable.C’est la démocratie, et nonla dictature, qui peutservir de rempart à lamenace islamiste.

ÉDITORIAL En attribuant à des «gangs armés» les violentsaffrontements de lundi à Jisr al-Choughour et

en agitant la menace islamiste, Damas tentede décrédibiliser l’opposition et de justifier

une répression de plus en plus féroce.

La révolutionsyrienne se mueen guerre civile

Par JEAN­PIERRE PERRINL’ESSENTIEL

LE CONTEXTELa situation s’aggraveen Syrie où l’arméea été envoyéepour écraser une villeen révolte,Jisr al­Choughour.

L’ENJEUDevant la violencede la répression,la communautéinternationale durcitsa position.

SYRIE

DamasIS�

LIBAN

TURQUIE

JORDANIE

IRAK

100 km

Homs

Deraa

Baniyas HamaLa�aquié

Jisr al-ChoughourAlep

SYRIESuperficiePopulationPIB par habitantEvolution du PIBInflation111e sur 169 sur l’indicateur dedéveloppement humain (IDH)

Sources : données 2010 - FMI, Pnud

185 200 km2

20,62 millions2 170 €+3,2 %4,4 %

REPÈRES BACHAR AL­ASSADCet ophtalmologue de 45 ansentre en politique en 1994 à la mortde son frère Bassel. Il arrive au

pouvoir en 2000 après le décèsde son père, Hafez al­Assad.Après une timide période delibéralisation, il fait arrêter desdizaines d’intellectuels.A

FP

Le corps d’un manifestant tué à Hama, le 3 juin. PHOTO YOU TUBE . AFP

d’une vingtaine de soldats, puisd’une trentaine… pour finir avecle chiffre sans doute exagéréde 120 tués.Sur les événements eux-mêmes,plusieurs versions s’affrontent. Celledu pouvoir, qui affirme que des«gangs armés» ont tué les 120 poli-ciers, dont 80 au QG de la Sécurité.La télévision syrienne a montré unevidéo, avec des images particulière-ment dramatiques de policiers et desoldats tués selon elle dans la ville.Le quotidien Al-Watan, proche dupouvoir, a renchéri en faisant

C’ est un nouveau coup durpour le régime syrien :son ambassadrice à Parisa annoncé hier soir

qu’elle démissionnait pour ne pascautionner «le cycle de violence»dans son pays, reconnaissant «la lé-gitimité des demandes du peuple pourplus de démocratie et de liberté».C’est sur France 24 que LamiaShakkour, visiblement émue, achoisi d’annoncer par téléphone sonretrait, motivé aussi par le fait que«des manifestants ont trouvé la mort,que des familles vivent dans la dou-leur». «J’invite le président Bachar al-Assad à convoquer les leaders de l’op-position pour former un nouveau gou-vernement», a poursuivi la diplo-mate, premier ambassadeur syrienà démissionner depuis le début dumouvement de contestation. A Da-mas, la défection a été présentéecomme un faux, la télévision d’Etataffirmant que Shakkour allait porterplainte contre France 24 et que savoix avait été imitée.Cette démission survient alors qu’onne sait toujours pas ce qu’il se passe

à Jisr al-Choughour, près de la fron-tière turque, où l’armée sembleavoir repris la ville et où un ratissageserait en cours. Une douzaine detransports blindés de troupes ont étévus hier, faisant route vers cette lo-calité, et des hélicoptères ont sur-volé la région.

TUERIE. On ne sait pas davantagecombien de soldats et de policiersont été tués ces derniers jours, nipar qui. La télévision d’Etat sy-rienne, qui avait annoncé la nou-velle, a d’abord évoqué l’exécution

Une jeune blogueuse syrienne, Amina Abdallah,devenue célèbre grâce à ses prises de positionsen faveur de la démocratie, a été «enlevée»lundi à Damas alors qu’elle allait à un rendez­vous, a expliqué sur son blog un membre de sa

famille. Posté sur le site de la jeune fille, ce message cite une amiede la blogueuse qui se trouvait alors avec elle: «Amina a étéempoignée par trois hommes armés âgés d’une vingtained’années.» Amina Abdallah animait un blog intitulé «Une lesbienneà Damas», où elle revendiquait son homosexualité et où elle avaitpublié plusieurs textes soutenant les revendications pour unedémocratisation du régime syrien.

UNE BLOGUEUSE ENLEVÉE À DAMAS ?

DR

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 20112 • EVENEMENT

Page 3: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

Le pouvoir de nuisance de Damas a longtemps obligé à ménager Assad. Mais le ton se durcit enfin.

Les Occidentaux prêts à oublier leur prudenceP rès de trois mois après le début des ma-

nifestations en Syrie, les pays occiden-taux envisagent de passer à la vitesse

supérieure. Jusqu’ici, ils ont fait preuve d’uneprudence et d’une retenue d’autant plus cho-quantes qu’elles contrastent avec l’engage-ment occidental en Libye et les appels sansambiguïté au départ de Kadhafi. Il est vrai quele cas syrien est autrement compliqué que ce-lui de la Libye, diplomatiquement isolée etsans grand pouvoir de nuisance régional. S’enprendre à la Syrie de Bachar al-As-sad, c’est trouver sur son cheminl’Iran, son meilleur allié stratégique,risquer de déstabiliser le Liban, toujours aussifragile et ouvert à tous les vents, et déstabili-ser un pays frontalier d’Israël. Sans compterla Russie, qui veille sur son ancien allié dutemps de l’URSS et qui fait construire en cemoment une base pour ses sous-marins nu-cléaires, la première en Méditerranée.Exaspération. Mais depuis l’entrée en scènede l’armée à Deraa, le 25 avril, le ton s’estdurci. Mi-mai, Barack Obama, dans son dis-

cours sur les révolutions arabes, demande àBachar al-Assad de «diriger la transition ous’écarter». C’est la première fois que l’idée dudépart du jeune dirigeant syrien est évoquée.Dans la foulée, il est placé sur une liste euro-péenne de dirigeants syriens sanctionnés.Peu avant le sommet du G8 à Deauville, Nico-las Sarkozy évoque aussi le départ de Bacharal-Assad, mais le sommet lui-même est restéen retrait dans son communiqué final.L’accentuation de la répression et l’attentat

contre des Casques bleus italiens dela Finul au Liban ont achevé d’exas-pérer des diplomates occidentaux

qui n’attendent plus rien de Bachar al-Assad.Même l’émir du Qatar, son ancien ami, a ex-pliqué à Nicolas Sarkozy, lors d’une récentevisite à Paris, que le régime syrien ne voulaitrien entendre, qu’il était fini. La France adonc décidé d’accélérer la manœuvre en pré-sentant cette semaine un projet de résolu-tion, rédigé avec le Royaume-Uni, l’Allema-gne et le Portugal, au Conseil de sécurité,condamnant la violence et la répression. Le

texte est prêt depuis plusieurs jours déjà maisil n’a pas été soumis au vote, faute de con-sensus. La Russie et la Chine s’y opposentfermement, de peur qu’il n’ouvre la porte àune intervention militaire, comme en Libye.Le chef de la diplomatie française, AlainJuppé, estime que le texte pourrait recueillir11 voix, ce qui signifierait son adoption, àmoins qu’un des cinq membres permanents

du Conseil oppose son veto. La France estprête à «prendre le risque» afin de placerMoscou et Pékin devant leurs responsabilités.Juppé a aussi déclaré lundi que le régime sy-rien avait «perdu sa légitimité», allant ainsiplus loin que les Etats-Unis, alors que laFrance a été, de 2007 à début 2011, lameilleure avocate de Damas dans le camp oc-cidental. La diplomatie britannique, alignée

au mot près sur Washington, continue dedire, comme l’a fait le ministre des Affairesétrangères, William Hague, hier, que Bacharal-Assad doit «faire des réformes ou partir».Nucléaire clandestin. D’autres nuagess’accumulent dans le ciel diplomatique sy-rien. L’Agence internationale à l’énergie ato-mique, réunie cette semaine à Vienne, s’ap-prête à transférer le dossier syrien au Conseil

de sécurité de l’ONU afin de sanc-tionner Damas pour son manque decoopération dans l’enquête sur sonprogramme nucléaire clandestin,détruit en septembre 2007 par unraid israélien.

Enfin, des ONG et des juristes syriens ont de-mandé hier au procureur de la Cour pénaleinternationale de La Haye de mener une«analyse préliminaire» de la situation en Sy-rie, accusant le régime de «crimes contrel’humanité». Damas n’ayant pas adhéré autraité de Rome, seul le Conseil de sécurité esthabilité à saisir la CPI du dossier syrien.

CHRISTOPHE AYAD

S’en prendre à la Syrie de Bacharal-Assad, c’est trouver sur son cheminl’Iran, son meilleur allié stratégique, etdéstabiliser un pays frontalier d’Israël.

«En Syrie, le processusde réforme est mort et nouspensons que Bachar al-Assada perdu sa légitimité à la têtedu pays.»Alain Juppé ministre des Affairesétrangères, lundi, à Washington

TROIS MOIS DE CONTESTATION

15 mars A Damas, rassemblement à l’appeld’une page Facebook pour «une Syrie sanstyrannie, sans loi sur l’état d’urgence, ni tri­bunaux d’exception». 18 mars Manifesta­tions réprimées à Damas, Deraa et Banias.23 mars 100 morts à Deraa, foyer de lacontestation. 14 avril Nouveau gouverne­

ment. 21 avril Levée de l’état d’urgence.25­26 avril L’armée entre à Deraa:50 morts. 29­30 avril Au moins 73 civilstués, la majorité à Deraa. 12 mai L’arméecontrôle de nouveaux villages. Centainesd’arrestations. 20 mai Manifestations dansle pays: 44 morts. 28 mai Appel à manifes­ter à la mémoire d’Hamzeh al­Khatib,13 ans, «torturé et tué» par les forces de

sécurité. 31 mai Assad décrète une amnis­tie générale. 1er juin Human Rights Watchaffirme que des «crimes contre l’humanité»ont été commis par les autorités, dans unrapport intitulé: «Nous n’avons jamais vuune telle horreur». 3 juin 65 civils tués,dont 60 à Hama, lors des plus importantesmanifestations depuis mi­mars (des dizai­nes de milliers de personnes dans les rues).

Le corps d’un manifestant tué à Hama, le 3 juin. PHOTO YOU TUBE . AFP

ANALYSE

Un cadavre présenté comme étant celui d’un soldat, tué le 6 juin à Jisr al­Choughour. PHOTO SANA . AFP

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011 • 3

Page 4: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

Pour les réfugiés,le dictateur ainstrumentaliséla cause.

Assad,accuséd’oublierla Palestine

D ans les camps palesti-niens aussi, la colèregronde contre le pou-

voir de Bachar al-Assad.Pour un régime qui, depuisl’accession du parti Baas aupouvoir, en 1963, a fait de laPalestine une cause «sa-crée», c’est un terrible désa-veu. La colère a éclaté lundisoir, alors que neuf jeuneshabitants du camp de réfu-giés de Yarmouk, près deDamas, étaient enterrés. Ilsont été tués, dimanche, alorsqu’ils tentaient de franchirles barbelés de la frontièreisraélienne sur le plateau duGolan. Cette manifestationinédite, qui commémorait laNaksa (la défaite de 1967, quia vu la Syrie perdre le Golan)était la deuxième, après cellemarquant l’anniversaire dela Nakba (le départ forcé desPalestiniens en exil en 1948),le 15 mai.Dimanche, 23 jeunes réfugiéspalestiniens ont été tués parTsahal, selon la télévision of-ficielle syrienne. Israël es-time ce bilan exagéré et im-pute 10 décès à des minessyriennes. Depuis la guerrede 1973, quasiment aucunincident n’était venu trou-bler la frontière. Nombreuxsont ceux qui, parmi les477000 Palestiniens de Syrie(dont 130 000 vivent dans9 camps, dont Yarmouk), es-timent que ces incidentsfrontaliers sont une diver-sion, montée de toutes piècespar le régime syrien, con-fronté à une contestationsans précédent. Ils lui repro-chent de n’avoir rien faitpour la cause palestiniennependant des décennies, ins-trumentalisant l’état deguerre avec Israël pour justi-fier la dictature. On pouvaitainsi entendre dans les ma-nifestations, qui se sontpoursuivies hier : «Maher[frère cadet de Bachar al-As-sad, commandant de laIVe division de l’armée, ndlr],petit lâche, envoie tes chiensdans le Golan.» A Yarmouk,le siège de FPLP-Comman-dement général, d’AhmedJibril, une organisation pa-lestinienne inféodée à Da-mas, a été incendié. Seshommes ont riposté en tirantdans la foule : 11 morts.

C.A. et J.-P.P.

Des militants ayant fui le pays auraient été «enlevés» par Damas sur le sol libanais.

Au Liban, des opposants«sur le qui-vive»L e regard constamment à l’affût, Modab

parle toujours à voix basse jusqu’à se fairepratiquement inaudible lorsqu’il prononce

le nom de Bachar al-Assad. Cet opposant a fui laSyrie depuis trois semaines mais, même dans cecafé branché du centre-ville de Beyrouth, il a en-core peur d’être épié par les «moukhabarat», lesservices de renseignements syriens. «Vous savezque nous ne sommes pas en sécurité au Liban, nousdevons faire attention», explique-t-il, avant de fi-ler comme une ombre vers un autre rendez-vous.Le pays du Cèdre est un refuge par défaut: facile-ment accessible mais peu sûr. Sous tutelle sy-rienne jusqu’en 2005, il a été l’objet d’un étroitmaillage sécuritaire de Damas pendant vingt-neuf ans. Les soldats sont partis mais pas leshommes de l’ombre. La Syrie compte aussi denombreux alliés locaux, au premier rang desquelsle Hezbollah, qui dirige l’actuelle majorité parle-mentaire. «Je suis constamment sur le qui-vive,confie un jeune opposant arrivé en janvier. Je n’aiaucune envie de disparaître.»Fin février, un premier cas de «disparition sus-pecte» alerte les organisations de défense desdroits de l’homme. Jassem Meri Jassem, ouvriersyrien, est arrêté à Beyrouth par les services derenseignements de l’armée alors qu’il distribuedes tracts appelant à des manifestations pour unedémocratisation du régime baasiste. Le 25 mai,il doit être relâché au poste de police de Baabda,près de la capitale, mais il disparaît. Ses deuxfrères, venus le chercher, ne donnent plus signede vie non plus. Quand sa femme appelle sur sonportable, une voix inconnue lui répond: «Ils ontemmené Jassem en Syrie.» Depuis, la fa-mille est sans nouvelles.«Bizarre». Plus récemment, le 26 mai,le Conseil syrien des droits de l’hommesignale la disparition de Chibli Ayssami,87 ans, l’un des fondateurs du parti Baas.Cet opposant au régime, réfugié àl’étranger, était en vacances au Liban. Parti sepromener, il n’est jamais rentré. «L’histoire estbizarre, tempère un analyste libanais. Il est trèsâgé. Je ne pense pas qu’il représentait une menacesérieuse pour le régime.» Une affaire «bizarre»,mais qui alimente la psychose déjà réelle dans lesmilieux de l’opposition syrienne au Liban. «Lesmoukhabarat m’ont promis de me retrouver et de me

tuer, explique un cyberactiviste entré illégale-ment au Liban, sans visa et dans l’impossibilitéd’en ressortir. J’ai changé d’appartement, je nedonne ma nouvelle adresse à personne, je prends lemaximum de précautions mais je ne peux pas fairegrand-chose d’autre», lâche-t-il, résigné.«La situation au Liban est, comme toujours, com-plexe et floue, estime Nadim Houry, directeur de

l’organisation de défense des droits de l’hommeHuman Rights Watch à Beyrouth. «D’un côté,beaucoup d’opposants arrivent à travailler d’ici.Mais le pays n’ayant pas de politique officielle vis-à-vis des réfugiés syriens, leur statut reste très pré-caire.» Les autorités ont notamment laissé entrerdes milliers de réfugiés. Quelques-uns ont été ar-rêtés, l’immense majorité n’a pas été inquiétée.

La gestion de la crise syrienne semble se faire aucoup par coup, sans ligne officielle tant le sujet estexplosif au Liban. La division des élus locaux entrepartisans et adversaires du régime de Bachar al-Assad empêche toute entente nationale.Profil bas. Alors que personne ne sait commentla situation va évoluer en Syrie, même les oppo-sants à Damas se montrent relativement discrets,tandis que la plupart des Libanais préfèrent faireprofil bas. Ainsi, le 24 mai, l’unique réunion desoutien aux manifestants syriens organisée à Bey-routh par des ONG et des militants des droits del’homme a dû se tenir dans un vieil entrepôt aprèsle refus d’une cinquantaine d’hôtels.Depuis l’attentat contre des Casques bleus ita-liens, le 27 mai, qui a fait 6 blessés, beaucoup re-doutent que le régime syrien, aux abois, ne metteen œuvre ses menaces de déstabilisation régio-nale et n’utilise une fois de plus le Liban pourfaire parvenir ses messages à des Occidentaux unpeu trop pressants.

De notre correspondante à BeyrouthISABELLE DELLERBA

«Les moukhabarat [servicesde renseignement] m’ont promisde me retrouver et de me tuer.»Un jeune opposant syrien réfugié à Beyrouth

état d’«une opération sécuri-taire et militaire de grande envergurelancée dans des villages de la région deJisr al-Choughour, après des informa-tions sur la présence de centainesd’hommes armés». Et l’agence offi-cielle Sana s’est inquiétée du pillaged’une réserve d’explosifs dans la ré-gion qui a entraîné la disparitionde 5 tonnes de dynamite.La version de l’opposition ne nie pasle massacre des policiers au QG de laSécurité. Mais l’impute aux forcesspéciales et aux services secrets. Laraison de la tuerie : les policiers,ainsi que des soldats, ont refusé detirer sur la foule qui participait à unemanifestation ou à des funérailles.Un communiqué sur Facebook et si-gné «Des habitants de Jisr al-Chou-ghour», confirme cette version, as-

surant que «la mort des agents et dessoldats est la conséquence de dissi-dences au sein de l’armée». Ils dé-mentent également la présenced’hommes armés dans leur région.

MENSONGES. Les journalistesétrangers étant interdits, il est diffi-cile de confirmer ces informationsdans une ville coupée du monde etoù des dizaines de manifestants ontété tués depuis vendredi. Fuyant larépression, une quarantaine de Sy-riens sont entrés en Turquie ceweek-end.Habituellement, la télévision sy-rienne, dont la seule vocation est dedéfendre le régime, est célèbre pourl’énormité de ses mensonges. D’oùla possibilité que la vidéo soit unfaux. «On remarque que deux des ca-

davres de soldats portent des barbes,ce qui n’est pas autorisé par le règle-ment de l’armée», indique un intel-lectuel syrien sous couvert d’anony-mat. Par ailleurs, les funérailles deplusieurs soldats dans des villagesproches ont donné lieu à des mani-festations, ce qui laisse supposerqu’ils ont bien été exécutés par dessbires du pouvoir.Si des défections au sein de l’arméedevaient se multiplier, même si cel-le-ci ne joue qu’un rôle a minimadans la répression, le régime devraitessentiellement sa survie à la 4e Di-vision blindée –une armée parallèledont tous les officiers sont alaouites(la minorité qui détient le pouvoir)et que commande Maher al-Assad,le frère du président – et aux huitservices de sécurité que compte la

Syrie. D’où la dernière carte quejoue le pouvoir, celle de la menaceislamiste, avec la présence, autourde Jissr al-Choughour, de groupesarmés liés à Adnan al-Arour, unprédicateur syrien apôtre de laguerre sainte, réfugié en ArabieSaoudite. Hier, les Frères musul-mans ont assuré que le mouvementde contestation était «pacifique»,accusant le régime de chercher unprétexte pour «justifier plus de vio-lences et de meurtres», en attribuantles exactions à des «groupes armés».Reste que la haine s’installe un peupartout dans le pays, comme leprouve une vidéo prise à Hama quimontre la pendaison atroce par, lefoule d’un moukhabarat (agent dela sécurité) dénudé et dont le corpssera ensuite mis en pièces. •

Des Syriens, fuyant les violences, traversent la frontière libanaise à la mi­mai. PHOTO M. AZAKIR . REUTERS

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 20114 • EVENEMENT

Page 5: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

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A«Choucha»,entrelefeulibyenetlerêved’EuropeDans ce camp de réfugiés planté côté tunisien à quelques kilomètresde la frontière, 3500 Subsahariens désespèrent de trouver un paysd’accueil qui leur permettrait de quitter cette «prison à ciel ouvert».Par FRANÇOIS MUSSEAUEnvoyé spécial à Ras Jedir (Tunisie)

«N ous, les Ivoiriens, onnous fait tourner enbourrique. L’office desréfugiés nous avait pro-

mis une terre d’asile digne. Mainte-nant, ils ne veulent même plus nous re-cevoir. Ici, c’est une prison à cielouvert», affirme Moussa, 34 ans. Luiet six compatriotes par-tagent une tente modestedepuis le 16 mars, lors-que la guerre en Libye les a obligés àfuir pour rejoindre «Choucha», unvaste camp peuplé de 3500 réfugiéssubsahariens, à une poignée de kilo-mètres du poste-frontière tuniso-libyen de Ras Jedir.Des milliers d’Africains, pour la plu-part employés dans la région de Tri-poli, y ont afflué depuis le début duconflit. Sur les 320 000 personnespassées par le camp, la plupart ontété rapatriées : Egyptiens, Bangla-dais, Ethiopiens… Mais d’autres res-sortissants refusent catégoriquementle retour dans leurs pays d’origineplongés dans l’instabilité ou laguerre, Nigérians, Ivoiriens, Soma-liens, Soudanais…

«CAUCHEMAR». Autour de la tentede Moussa, à l’extrémité orientale ducamp bordé d’une montagne deplastique, c’est le «quartier» desIvoiriens. Une petite centaine y ré-side, musulmans pour la plupart. Ilsse disent «très soudés» et assurentque la solidarité les aide à supporterun «cauchemar» qui s’éternise. EnLibye, ils étaient maçons ou peintresen bâtiment, gagnaient dignementleur vie et envoyaient de l’argent(100 à 150 dollars, entre 70et 100 euros) à leurs familles. Avec la

guerre, la chute a été brutale.D’autant que, sur le chemin vers lecamp, les troupes kadhafistes les ontdétroussés –argent, téléphones, vê-tements…Ibrahim avait quitté son paysen 2007, mais n’imagine même pasy retourner: «La Côte-d’Ivoire, c’estimpensable. Pour certains, c’est lamort, pour d’autres, la honte de revenirbredouille et d’être une charge pour la

famille.» A côté de lui,vêtu d’un tee-shirt d’Al-pha Blondy, «Samouraï»

résume leur dilemme à tous : «Lessolutions? Elles sont toutes mauvaises.Si aucun pays occidental ne nous ac-cueille, je préfère encore repartir pourla Libye en guerre ou tenter ma chancepar la mer.»Prisonniers de ce bout de Tunisie,rares sont les Subsahariens qui n’ontpas pensé à gagner l’Europe via l’îleitalienne de Lampedusa. Même sitous savent que la traversée est ultra-périlleuse. Elvis, 23 ans, est nigérian.Face aux tentes du Croissant-Rougeet du Haut Commissariat des Nationsunies pour les réfugiés (HCR), il sedésespère: «Je suis d’Odi-Bayasa, unvillage criminalisé par nos autoritésdepuis 1999. Si je retourne là-bas, jesuis un homme mort. En Tunisie, je ne

peux pas circuler ; en Libye, c’est laguerre. Ou je me pends, ou je tente letout pour le tout à Zuara.»Zuara est à une heure de route, passéla frontière: c’est là d’où partent lestraversées pour Lampedusa, moyen-nant 100 dollars par tête. La mer yest souvent mauvaise, et les embar-cations, saturées. «C’est la rouletterusse, dit Elvis. Il y a beaucoup dechances de faire naufrage. Les pas-seurs libyens touchent l’argent et selavent les mains du danger. Dans matente, sur dix personnes, huit ont tentéle coup ; aucune n’est revenue.» Laveille, explique un volontaire d’«Ac-tion islamique», 180 Somaliens

ayant évité par miracle le naufragesont revenus au camp; mais, assure-t-il, ils sont des centaines à avoir périen mer.

«OUBLIÉS». Beaucoup, toutefois, en-tretiennent le fol espoir d’être ac-cepté par un pays d’accueil. Même si

les heureux élus sont très rares (sur-tout des Erythréens et des Soudanais,choisis par la Suisse et le Canada), ilstraînent leur ennui dans un camp quisemble s’installer dans la durée : leterrain de football a été soigneuse-ment tracé, militaires tunisiens etONG y ont élu domicile, la Croix-Rouge construit un édifice en briquepour forer de l’eau douce – jusqu’àprésent, l’eau dite «potable» provo-que des maladies et suscite la colèredes réfugiés. Seules les femmes ou lesenfants ont droit à de l’eau minéraleet à des boissons vitaminées.A midi et à la nuit tombée, rituel bienhuilé, d’immenses files d’attente se

forment à l’entrée ducamp pour la distributiondes repas. C’est le mo-ment où les tensionss’exacerbent. «Soudanais,Ivoiriens et Somalienss’étripent, explique un co-lonel tunisien. Cela com-

mence par de petites disputes et finitpar des luttes violentes, avec des bles-sés graves. Pour calmer le jeu, j’ai étéobligé de nommer des délégués quijouissent du respect dans chaque com-munauté. J’espère qu’ils trouveront unasile pas trop tard, parce que si celadure, cela deviendra ingérable.»Sur place, Médecins sans frontièresa mobilisé quatre psychologues pouratténuer les souffrances. «Le pire,c’est l’incertitude, ils se sentent oubliésde tous, dit la coordinatrice Marie-Adèle Salem. Cela crée de terriblestensions avec la population autochtonevoisine.» Depuis le 20 mai, une grossemoitié du camp a été pillée et sacca-gée. Quatre Erythréens sont mortsdans des incendies. Le HCR a tiré lasonnette d’alarme, pour que la com-munauté internationale aide à mettrefin à ce «cauchemar». •

REPORTAGE

REPÈRES

300 km

486 046

326 003

952 431 personnesont fui le pays

(depuis le début du conflit)

19 632

29 8942 800

16 512

ITALIE

MALTE AUTRES(vers l’Italie

et Malte)

ALGÉRIEALGÉRIE

EGYPTEEGYPTE

TCHADTCHADNIGERNIGER

ALGÉRIE

ÉGYPTE

TCHAD

SOUDAN

Source : OIM (au 5 juin 2011)(nationalitéindéterminée)

NIGER

TUNISIETUNISIETUNISIE

L I B Y E Autres23%

Autres39%

Tunisiens11%

Algériens5%

Autres58%

Nigériens95%

Tchadiens99%

Autres5%

Autres1%

Egyptiens31%

Libyens46%Libyens

37%

Libyens50%

71 544

TripoliRas Jedir Mer

Méditerranée

LES FORCES EN PRÉSENCEw Une coalition Otan­pays arabes, formée par 18 pays, aligne310 avions et une quarantaine de navires dans cette opérationcontre les troupes du colonel Kadhafi.w L’armée libyenne est composée de 10 à 15000 soldats d’éliteet de 40000 réservistes.w Les insurgés disposent, eux, de peu de matériel, et d’un effec­tif difficile à évaluer.

«J’espère qu’ils trouveront unasile pas trop tard, parce que sicela continue, cela deviendraingérable.»Un colonel tunisien

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 20116 • MONDE

Page 7: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

L’Alliance atlantique cible prioritairement lescentres de commandement libyens.

L’Otan affine ses tirset sort ses hélicosL a campagne aérienne de l’Otan au

Kosovo et en Serbie avait duré78 jours. Celle de Libye a franchi

sans bruit, lundi, la barre des 80 jours.Dès le début de l’intervention, le19 mars, experts et militaires avaientprévenu : on sait quand on entre enguerre, on ne sait jamais quand on ensort. Cet adage se vérifie à nouveau lorsde cette intervention. Près de trois moisde bombardements allant crescendon’ont pas permis, jusqu’ici, d’atteindrele but désormais avoué decette guerre: la chute du colo-nel Kadhafi. Il y a une se-maine, l’Alliance atlantique, qui assurele commandement des opérations de lacoalition en Libye, a annoncé qu’elleprolongeait son action pour une nou-velle période de 90 jours. Mais le tempspresse.«La course contre la montre a commencé,estime François Heisbourg, de la Fon-dation pour la recherche stratégique.Plusieurs pays de la coalition ont indiquéqu’ils cesseraient leur participation finjuin et, après quatre mois d’intervention,un débat devra être organisé au Parlementfrançais. A cette occasion, des voix nemanqueront pas de s’élever pour la criti-quer.»Et pour pointer le coût d’une guerremenée avec une trentaine d’avions et leporte-avions Charles-de-Gaulle : envi-ron 1,4 million d’euros par jour, indiqueFrançois Heisbourg. Soit plus que lesopérations actuelles en Afghanistan(1,2 million). «Plus cela dure, plus risquede se poser la question de la disproportiondes forces en présence, avec des résultatsqui se font attendre du côté de la coali-tion», souligne un expert, qui a requisl’anonymat.Munitions. Paris et Londres assumentchacun 25% des sorties offensives de lacoalition. L’armée française, à elle seule,assure environ un tiers des frappes quo-tidiennes. Lundi, le secrétaire généralde l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, aindiqué qu’il demanderait aux autrespays qui participent aux frappes d’aug-menter leur contribution, afin de soula-ger Français et Britanniques. Cité parl’AFP, un haut gradé américain évo-quait, pour sa part, la fatigue des équi-pages et le risque que la coalition finissepar manquer de munitions.

Sur le théâtre libyen, la situation est pa-radoxale. La zone d’exclusion aérienneest une réalité : les aéronefs du régimedu «Guide» ne décollent plus. Unegrande partie de sa marine a été dé-truite par l’Otan et, selon Heisbourg,«son armée n’est plus capable de lanceret de prendre des initiatives militaires».Mais le régime de Tripoli tient encore.Il a su adapter sa stratégie: face à l’écra-sante supériorité technologique del’Otan, il a dissimulé ses armes lourdes

et placé ses forces au milieudes populations civiles, ren-dant plus délicates les frappes

par des avions qui volent à 5000 mètresd’altitude.Pour contourner cette difficulté, Fran-çais et Britanniques ont décidé de re-courir à des hélicoptères de combat,plus précis, mais aussi plus vulnérablesà des tirs de lance-missiles, voire delance-roquettes. Des Apache britanni-ques et des Tigre français, stationnés surdes navires situés à proximité des côteslibyennes, sont ainsi entrés en action àdeux reprises ces derniers jours pourdétruire une installation radar, despick-up, un poste de contrôle mili-taire…«Effet majeur». Avec leurs bombar-dements, les Alliés espéraient favoriserla marche des insurgés jusqu’à Tripoli.Pour l’heure, leurs espoirs sont déçus,même si des progrès ont récemment étéenregistrés. Les forces anti-Kadhafi ontainsi réussi à desserrer l’étau autour deMisrata. Pour les aider à se structurer,mais aussi pour guider les frappes etaugmenter leur précision, Londres, Pa-ris et Rome ont, par ailleurs, envoyé enCyrénaïque plusieurs dizaines de con-seillers militaires.Pour atteindre ce que les militaires ap-pellent «l’effet majeur» – en l’espèce,l’effondrement du régime de Kadhafi–sans déployer de troupes au sol, les Al-liés multiplient les frappes sur les cen-tres de commandement, espérant neu-traliser Kadhafi lui-même. Les raidssont désormais quotidiens sur Tripoli etciblent en particulier le complexe deBab al-Azizia, centre névralgique du ré-gime. Hier, le cœur de la capitale li-byenne a été secoué par de nombreusesexplosions.

THOMAS HOFNUNG

Al Amin Manfur, ministre libyendu Travail, a fait défection hier alorsqu’il se trouvait à Genève pourl’assemblée de l’Organisation interna­tionale du travail. Il a notamment sou­haité apporter son concours auConseil national de transition, organede la rébellion libyenne, contrele régime de Muammar al­Kadhafi.

«Malgré les bombardements, nous ne noussoumettrons jamais. […] Je suis à proximitédes bombardements, mais je résistetoujours. […] N’ayez pas peur! En avant,en avant!»Muammar al­Kadhafi hier, dans un message audio diffusépar la télévision libyenne

ANALYSE

Le camp tunisien de Choucha, à 25 kilomètres de la frontière libyenne. PHOTO JOËL SAGET. AFP

Des réfugiés africains en transit pour le camp de Choucha, le 2 juin. PHOTO YOUSSEF BOUDLAL. REUTERS

Aïcha al­Kadhafi a porté plaintepour «crimes de guerre» contrel’Otan, hier, devant la justice belge.La plainte de la fille du leader libyenconcerne un raid sur Tripoli danslequel ont été tués un fils du «Guide»,Seïf al­Arab, 29 ans, et trois de sespetits­enfants, Seïf (2 ans), Carthage(2 ans) et Mastoura (4 mois).

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011 MONDE • 7

Page 8: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

1085748Aux termes d’un acte sous seing privé du du 25 mai 2011, il a été constitué une Société dont les caractéristiques sont les suivantes :Forme sociale : SARL à Associé UniqueDénomination :

WILDE ENGLISHSiège social : 40, Rue des Martyrs, 75009 PARISObjet : Entreprise de formation d’anglais traduction - interprétariatDurée : 99 ansCapital social : 100 eurosGérant : Fiona FITZPATRICKImmatriculation : RCS de Paris

1085797

AUTO NANTESSARL au capital de 7 622

Siège social : 32 rue de Nantes75019 PARIS

402 556 013 RCS PARISAux termes d’une délibération en date du 01/05/2011, la collectivité des associés a nommé en qualité de cogérant, à effet du 01/05/2011, M. Aderrahmane AIT HA-TRIT, demeurant 13 rue de la Marqueterie, 95490 VAUREAL, pour une durée illimitée et modifié en conséquence l’article 16 des statuts.Modification sera faite au G.T.C de PARIS.

Pour avisLa Gérance

1085872

ARCHIMATIQUESociété à Responsabilité Limitée au

capital de 3.000 EurosSiège Social : 54 rue Merlin 75011

PARIS500 018 080 RCS PARIS

Aux termes d’un PV de l’AGE du 23/05/2011, il a été décidé :- d’augmenter le capital social de la société de 7.000 Euros pour le porter de 3.000 Euros à 10.000 Euros,- de transférer le siège social de la société au 10 rue de la Croix-Faubin 75011 PARIS à compter du 1er juin 2011,- d’étendre l’objet social de la société à compter du 1er juin 2011 à l’activité sui-vante : la mise à disposition d’espaces de travail équipés.Les statuts ont été modifiés en conséquence.Mention sera faite au RCS de PARIS.

Libération est habilité aux annonces légales et judiciaires pour le département 75 en vertu

de l’arrêté préfectoral n° 2010-357-1

MALI Pour la première fois leMali confirme, en inculpantpour trafic de drogue unFrançais, un Espagnol et unMalien, que le Boeing 727 in-cendié dans la région de Gaoen 2009 transportait bienune énorme cargaison de co-caïne en provenance du Ve-nezuela.

COLOMBIE Au moins quatrepoliciers ont été tués et 15autres blessés, lundi soir, aucours de l’attaque d’une gar-nison de police dans la mu-nicipalité d’Argelia (sud-ouest de la Colombie) attri-buée à la guérilla des Farc.

HAÏTI Les pluies torrentiellesqui se sont abattues hiersur Port-au-Prince ont faitsept morts alors que des mil-liers de personnes viventtoujours sous des tentes plusd’un an après le tremble-ment de terre. Michel Mar-telly, le nouveau président,s’est rendu dans les quartierstrès touchés de Christ-Roi etde Delmas.

INDONÉSIE Une violentetempête a fait hier chavirerun ferry surchargé au largede Bornéo. Les autorités ontrepêché 28 corps et 70 pas-sagers ont été secourus.

G râce aux nouveauxmédias, comme Twit-ter et Facebook, les

scandales sexuels se renou-vellent un peu aux Etats-Unis. La dernière affaire quifait grand bruit ici ne con-cerne ni femme de chambre,ni prostituée, ni ci-gare, ni mêmeaucun acte sexuelproprement dit,mais seulement desphotos intimes,montrant parexemple un pénisen érection sous unboxer.Anthony Weiner, 46 ans, éludémocrate de New York aunom prédestiné (prononcé àl’américaine, il s’appelleWiener, la saucisse) a dûavouer lundi avoir entretenudes relations «inadéquates»ces trois dernières annéesavec six femmes rencontréesen ligne. Tandis que ses élec-teurs l’imaginaient tra-vaillant dur à la Chambre desreprésentants, «M. Sau-cisse» se photographiait dé-nudé, son dirigeable aumieux de sa forme, et échan-

geait les clichés avec des in-connues.Tout cela était «très stupide»et «destructif», a reconnuAnthony Weiner lundi, dansdes aveux larmoyants. Au-delà du ridicule, le problèmeprincipal pour la suite de

sa carrière estsurtout qu’il amenti : lors-qu’une premièrephoto suggestive(son pénis érigésous un boxer)est apparue surson compteTwitter, il s’est

proclamé victime d’un «pi-ratage», prétendant ne pasavoir la «certitude» que cepénis était bien le sien…L’élu n’est passé aux aveuxqu’après qu’un site internetconservateur, BigGovern-ment.com, a publié d’autresphotos, notamment un torsenu, lui aussi bien gonflé, quipermettaient de l’identifier(il avait posé devant ses pho-tos de famille ou une photoavec Bill Clinton). Une deses correspondantes l’a dé-noncé aux médias. Elle a

raconté avoir échangé aveclui des «centaines de messa-ges». Le matin, il deman-dait : «Que portes-tu ?Qu’est-ce que tu aimes ? Jeveux dire en chambre, tu vois,ce genre de choses…»L’amateur de sexe virtuels’est excusé auprès de sonépouse (il est marié depuisun an à une collaboratrice deHillary Clinton, Huma Abe-din), de ses électeurs ou desmédias, tout en annonçantlundi ne pas vouloir démis-sionner. Même dans la trèspuritaine Amérique, il estpossible qu’il survive à cescandale, estimait hier le sitePolitico, rappelant que cer-tains élus, comme les répu-blicains David Vitter ouMark Sanford, ont gardéleurs postes après pires «in-fractions». Le premier avaitdû avouer avoir recouru auxservices de prostituées. Lesecond avait caché uneaventure extraconjugalepour laquelle il avait dé-pensé des fonds publics.

De notre correspondanteà Washington

LORRAINE MILLOT

Scandalesexuel:WeinerdéballetoutÉTATS­UNIS Le représentant démocrate de New York areconnu l’envoi de photos intimes à des inconnues.

Mark Wilkinson, un plaisan­cier britannique, a craquédevant ce modeste «pêchepromenade» de 4,50m.1000 livres pour un bateauqui s’appelle Titanic II, c’estune aubaine, se dit­il. Pre­mière sortie en mer diman­che sur les côtes duDorset. Beau temps, bellemer. Quand, tout à coup,au moment d’amarrer, unevoie d’eau se déclare.Wilkinson, à l’humour bientrempé, lâchera: «Ce quiest emmerdant avec cenaufrage, c’est que toutle monde maintenant medemande si j’ai heurtéun glaçon.»

LE «TITANIC»FAIT À NOUVEAUNAUFRAGE

L’HISTOIRE

La photographie compromettante du boxer d’Anthony Weiner. PHOTO DR

Des opposants armés ont pris le con-trôle, hier, de la ville de Taez, à la suitede combats avec les fidèles du prési-dent, Ali Abdallah Saleh. C’est le chefdu conseil tribal de la ville, le cheikhHammoud Saïd al-Mekhlafi, qui a lui-même annoncé la prise de cette villesituée à 270 km de la capitale, Sanaa,et l’un des fiefs de la rébellion contreSaleh. Plus de 50 manifestants y

avaient été tués le 30 mai, selon lesNations unies, lors du démantèlementpar les forces de l’ordre d’un sit-in surla place de la Liberté. Par ailleurs, dejeunes opposants devaient manifes-ter, hier soir à Sanaa, pour protestercontre un éventuel retour aux affairesde Saleh, actuellement hospitalisé enArabie Saoudite après avoir été blessélors du bombardement de son palais

présidentiel. Les manifestants récla-ment «la mise en place d’un conseiltransitoire». L’opposition parlemen-taire s’est également dite déterminéeà empêcher le retour du Président,également sous pression internatio-nale pour qu’il cède le pouvoir. Lundi,Washington avait affirmé qu’une«transition immédiate» était «dans lemeilleur intérêt» des Yéménites. V.L.B.

A RETOUR SUR LA TENTATIVE DE RENVERSEMENT DU PRÉSIDENT SALEH

La rébellion yéménite fait tomber TaezPar ARNAUD VAULERIN

Le Vietnam bombele torse face auxambitions chinoises

D ans un pays où lesmanifestations sonttrès rares, le rassem-

blement, dimanche au Viet-nam, de plusieurs centainesde personnes pour vilipen-der la politique chinoise enmer de Chine méridionaleest un événement. Au moins300 manifestants arborant ledrapeau vietnamien et cla-mant des slogans antichinois(«Stop à l’invasion chinoisedes îles vietnamiennes») ontdéfilé devant l’ambassade deChine à Hanoï. A Hô ChiMinh-Ville, la «capitale»commerciale du sud du pays,ils étaient au moins 1 000.

Pourquoi ces manifs ont­elles lieu maintenant ?Fin mai, Hanoï a accusé Pé-kin d’avoir détruit des équi-pements pétrolier et géolo-gique de l’un de ses bateauxd’exploration. Ces derniersjours, d’autres navires chi-nois auraient attaqué en merde Chine des embarcationsde pêche vietnamiennes. Lesmanifestants ont défilé aumoment où se tenait à Singa-pour un sommet de l’Asso-ciation des nations de l’Asiedu Sud-Est (Asean) sur la sé-curité régionale. Le ministrechinois de la Défense y a dé-claré que son pays ne recher-chait pas une «hégémonie»dans la région et «ne mena-cerait aucun pays».

Qu’est­ce qui opposePékin et Hanoï ?Sans remonter aux mille ansde domination chinoise, res-sentis comme un trauma-tisme dans la consciencevietnamienne, l’histoireentre les deux voisins resteconflictuelle. Les frères en-

nemis communistes se dis-putent la souveraineté del’archipel des Paracels et,plus au sud, de celui desSpratleys, supposés riches enressources halieutiques etpétrolières, et traversés pard’importantes voies de navi-gation. Pékin a fait mainbasse sur le premier grouped’îlots en 1974. En 1988, lesdeux pays se sont livrés à unebrève guerre navale autourdu second archipel, au termede laquelle 70 Vietnamiensont trouvé la mort. En plusde ce litige territorial, la par-ticipation chinoise au projetd’exploitation de mines debauxite dans les provinces deLam Dong et de Dak Nong(sud-ouest) a provoqué unelevée de boucliers nationa-listes au sein de la popula-tion, qui a maintes fois alertésur les risques environne-mentaux et sécuritaires.

Pourquoi Pékin inquiète­t­il ses voisins ?Les ambitions territoriales enmer de Chine orientale mo-bilisent une dizaine de paysqui tous revendiquent uneinfluence sur une zone de1,7 million de km2. Mais c’estla Chine qui cristallise lesrancœurs. Le Vietnam, maisaussi les Philippines, se sontalarmés des prétentions chi-noises : Pékin a augmentéson budget militaire de 12,7%cette année, dont une partpourrait être consacrée à labase de sous-marins nucléai-res sur l’île de Hainan. Le ré-gime entend défendre sa«zone économique exclusive»et affirme que le trafic desnavires américains dansla région n’est pas «inno-cent». •

DÉCRYPTAGE

REU

TERS

Anthony Weiner.

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 20118 • MONDEXPRESSO

Page 9: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

C’est la concrétisation de son projet

professionnel. Et ce projet, pour lui,

c’est de faire vivre et partager sa passion,

transmettre des savoirs et des valeurs,

se consacrer à la réussite de chacun de

ses élèves. C’est pour cela qu’il a décidé

de devenir enseignant.

Julien a trouvé un poste à la hauteur de ses ambitions.

L’ÉDUCATION NATIONALE RECRUTE 17 000 PERSONNESPourquoi pas vous ? 17 000 postes d’enseignants,

d’infi rmier(e)s et de médecins scolaires sont à pourvoir en 2011.

RENSEIGNEMENTS ET INSCRIPTIONS DU 31 MAI AU 12 JUILLET 2011

SUR WWW.LEDUCATIONRECRUTE.FR

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Mes

sina

Page 10: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

profonde et multiple: aggravée parla crise économique, la crise politi-que menace de tourner à la crisemorale. La progression de l’absten-tion et du FN nous oblige à unchangement absolu d’attitude. Or,nous avons les mêmes acteurs de-puis trente ans. Et on s’imagine queleur regard sur la société serait sou-dain différent et que leurs solutionsseraient nouvelles… Je pense que laFrance a besoin d’idées neuves etde sang neuf. C’est cela l’énergie duchangement que je veux incarnerdans cette primaire. Je suis un out-sider très déterminé.On vous connaît pour vos idées enmatière de sécurité. Comment allez-vous faire connaître vos proposi-

tions dans les autres domaines?Il faut assumer ce que l’on est. Jeveux être un mécanicien du vivreensemble. Les Français ont besoinqu’on leur parle clairement sur lanation et son école, sur la Républi-que et ses banlieues. Mais nous de-vons aussi tenir un langage de vé-rité sur des sujets moins classiques.Les PME-PMI, c’est là où se créentles richesses, et c’est là où l’on doitreconstruire le pacte social. Il fautaffirmer – ce sera ma patte danscette campagne – qu’il faut allerplus loin et dire les choses diffé-remment sur beaucoup de sujets.Dans les quartiers en difficulté, quepréconisez-vous concrètement?Nicolas Sarkozy a abandonné ces

quartiers. Il nous faudra tout revoiren créant une police dédiée auxquartiers, fidélisée, expérimentéeet mieux payée. Mais aussi en ren-forçant les polices municipales eten les généralisant sur l’ensembledu pays. Aujourd’hui, l’inégalitéentre les territoires est réelle. Pourdes raisons politiques ou financiè-res, certains maires n’ont pas faitce choix au risque de mettre endanger les habitants de certainsquartiers. Ce qui s’est passé ceweek-end aux Tarterêts (lirepage 14) en est la preuve. Rejetanttoutes les formes de l’autorité répu-blicaine, des individus plongent cesquartiers en état de guerre pour yprendre le pouvoir. •

Hier, à l’Assemblée nationale. Le député de l’Essonne a décidé de se lancer après le retrait de DSK.

«Laprimaireréserverabiendessurprises»

Manuel Valls, député-maire d’Evry(Essonne), explique pourquoiil est candidat à la course à l’Elysée:

D éputé-maire d’Evry (Es-sonne), Manuel Valls ex-plique à Libération les rai-sons de sa candidature à

la primaire du Parti socialiste.Jusqu’à présent, les présidentiablesse positionnaient par rapport à DSK,et vous-même sembliez vous rangerderrière sa candidature. Maintenantqu’il est hors-jeu, où en êtes-vousde votre réflexion?Pour beaucoup d’entre nous, Do-minique Strauss-Kahn incarnaitune équation unique parson expérience écono-mique de niveau inter-national et sa connaissance de laglobalisation. Il répondait à l’at-tente des Français et pouvait ras-sembler au-delà même des rangs dela gauche. Trouver l’équilibre entreefficacité économique et justice so-ciale, c’est le défi fondamental.Chacun reconnaîtra qu’aujourd’huipersonne n’est en capacité de re-présenter à lui tout seul l’équationpolitique incarnée par DSK. Fidèleaux convictions que je défends de-puis deux ans, j’ai pourtant décidéde reprendre ma marche en avantet d’être candidat à la primaire. Jesuis candidat pour incarner unnouveau leadership et l’énergie duchangement. Sans cette énergie auservice de priorités simples et lisi-bles, nous aurons beaucoup de malà convaincre les Français lors de lacampagne présidentielle.Le «coup de tonnerre DSK» n’obli-geait pas à trouver une candidaturede rassemblement plutôt que demultiplier les candidatures?Au lendemain de ce choc, j’ai ététouché, comme beaucoup, sur lesplans politique et personnel. Toutesnos certitudes ont été remises encause, et l’onde de choc n’a sans

doute pas encore produit tous seseffets. J’ai alors dit –sans remettreen cause le principe de la pri-maire – qu’il fallait la suspendrepour nous laisser le temps d’uneréflexion collective. A défautd’avoir pu s’entendre sur un candi-dat principal, il importe désormaisd’assurer toutes les conditions pourréussir la primaire. Cette procédurenous offre une chance unique derestaurer un leadership au sein dela gauche si nous y intéressons desmillions de Français. Consacré parleur vote, le candidat investi béné-ficiera d’une légitimité incontesta-

ble et d’une dynamiquevictorieuse. Par la forcedes choses, il ne sera pas

le choix du dépit, mais le choixd’un désir. Pour permettre cettemobilisation, la primaire doit doncêtre ouverte et respectueuse.Croyez-moi, elle réservera alorsbien des surprises.Pensez-vous avoir toutes les signa-tures nécessaires, au sein du PS,pour vous présenter?Cela fait partie des stéréotypes surma prétendue solitude. On dit quej’aurais du mal à avoir des signatu-res… Détrompez-vous, mon par-cours suscite de l’intérêt et de l’en-thousiasme chez beaucoup d’éluset de sympathisants de gauche. Lessignatures ne seront pas un pro-blème. Rendez-vous à partir du28 juin [date officielle du dépôt descandidatures, ndlr] !Quel président voulez-vous être?Je veux incarner une présidence re-trouvée et impulser l’énergie duchangement. La présidence doittracer un cap et diriger toutes lesforces vers un objectif commun.Elle le peut par un exercice apaiséet partagé de l’autorité. ChaqueFrançais doit se sentir concerné etengagé par l’action publique. Lacrise dans laquelle nous sommes est

Recueilli par LAURE BRETTONPhoto LEA CRESPI

INTERVIEW

Les candidats déclarésTrois «gros» candidats sont offi­ciellement en course pour la pri­maire. Il s’agit de FrançoisHollande, Arnaud Montebourg etSégolène Royal. Si elle souhaite yparticiper, la première secrétaire,Martine Aubry, a jusqu’au 13 juilletpour déposer sa candidature.

REPÈRES Manuel Valls, 48 ans, est député­maire d’Evry (Essonne). Classé àl’aile droite du PS, il a débuté sacarrière auprès de Michel Rocard.De 1997 à 2002, il a dirigé la com­munication de Lionel Jospin alorsà Matignon. Il s’était déclaré can­didat à la primaire en 2009, avantde se ranger derrière DSK.

LA�POPULARITÉ�DE�MANUEL�VALLSen % d’opinions positives

Sondages Viavoice pour Libération

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LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 201110 • FRANCE

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99%DES SCOOTÉRISTESPORTENT

UN CASQUE…

UMP Ses proches écartés pour les sénatoriales, Rachida Dati tented’empêcher le Premier ministre d’atterrir dans la capitale.

AParis,unelistedissidentepourcontrerFillon

R achida Datil’a affirméhier matin

sur RTL : elle ne selaissera pas «évin-c er» de «sa»deuxième circons-cription de Parispar François Fillon, en 2012.L’affaire déchire la droite pa-risienne. A l’instar du députéClaude Goasguen, plusieursélus prennent fait et causepour l’ex-garde des Sceauxtandis que d’autres, commeBernard Debré, dénoncentses prétentions extravagan-tes et saluent la venue duPremier ministre.Dans ce contexte, la prépara-tion des sénatoriales de sep-tembre tourne à la bataillerangée. Les «fillonistes»,conduits par le président de

la fédération UMP, PhilippeGoujon, ont placé deux desleurs (Chantal Jouanno etDaniel-Georges Courtois)dans la liste des quatre séna-teurs éligibles. Ceux qui con-testent cette décision se sontréunis hier : ils envisagent deprésenter une liste alterna-tive comprenant l’ancienconseiller du chef de l’EtatPierre Charon et le maire duIer arrondissement, Jean-François Legaret. Les plusaudacieux rêvent d’unputsch anti-fillonistes à latête de la fédération UMP deParis. Ils comptent sur lacomplicité, au moins sur labienveillance, du patron duparti majoritaire Jean-Fran-

çois Copé.Fillon, lui, setait. «Le Premierministre ne s’oc-cupe pas de ça»,répond invaria-blement Mati-gnon. Le psy-

chodrame parisien montrepourtant que cette stratégiedu silence a atteint ses limi-tes. François Fillon ne peutpas éternellement laisser sesamis préparer son atterris-sage sans donner le moindresigne de sa détermination.Certains élus parisiens ontfini par se lasser: «C’est l’Ar-lésienne, s’il s’intéresse à Pa-ris, que ne le dit-il pas ? On alancé des appels à sa candida-ture. Il n’a même pas accuséréception. Un petit signe, unbattement de cils nous aurait

suffi», se lamenteJean-François Le-garet.Son collègueJean-Pierre Le-coq, maire UMPdu VIe, rappellequ’il avait proposé

que François Fillon soit têtede liste à Paris aux électionssénatoriales pour préparer laconquête de la mairieen 2014. Il n’y croit plus. Se-lon lui, les divisions du partisont si profondes que seschances sont déjà quasi nul-les. «François Fillon le saitbien, c’est pourquoi il viseraplutôt la présidence de l’As-semblée ou celle de la Com-mission européenne. Dans cesconditions, je ne vois pas pour-quoi il quitterait la Sartheen 2012.»Soutenue, au moins provi-soirement, par cette coali-tion de mécontents, RachidaDati a poussé son avantagehier : en envisageant de se

présenter dans la circons-cription qui englobe les Ve,VIe et VIIe arrondissements,elle estime que Fillon «s’es-suie les pieds» sur ce qu’elleest censée incarner : la pro-motion des femmes et de ladiversité.La députée européenne asuggéré sur RTL que François

Fillon – «qui est un grandgarçon» – confirme lui-même son engagement pourParis au lieu de laisserd’autres en parler à sa place.Une insolence très appréciéepar tous ceux qui reprochentau Premier ministre de tou-jours se mettre à l’abri.

ALAIN AUFFRAY

«François Fillon […] viseraplutôt la présidence del’Assemblée ou celle de laCommission européenne.»Jean­Pierre Lecoq maire UMP du VIe

PS François Hollande a dé-claré lundi, lors d’un débat àla Bellevilloise à Paris, êtrefavorable à une réflexion «àl’échelle de l’Europe» sur ladépénalisation du cannabis.Une position qui part d’unconstat : l’échec du combatmondial contre la drogue. Lecandidat à la primaire socia-liste préconise une «commis-sion d’experts notamment surla question du soin et par rap-port à la dépénalisation».Mais il s’oppose à la légalisa-tion :«Ce n’est pas parce

qu’on légalise qu’il n’y auraplus de trafic.»

JUSTICE Le juge d’instruc-tion Jean-Michel Gentil, despoliciers et des médecins sesont présentés, hier à 8 heu-res, chez Liliane Bettencourt,après qu’elle eut déclinédeux convocations du jugepour raison de santé. Ils sontrestés une bonne partie de lamatinée. Des perquisitionsauraient été effectuées dansla foulée chez son médecintraitant et dans une clinique.

AFP

Être un représentant modèle de la nation: pas si simple. Ily avait déjà les accusations d’agression sexuelle, de harcè­lement… Le député PS des Landes Henri Emmanuelli, lui,s’est distingué hier à l’Assemblée nationale, à l’occasiondes questions au gouvernement. Alors que le ton montedans l’hémicycle au sujet de la réforme de la fiscalité (lirepage 14), le député socialiste, qui ne tient pas en place,adresse un doigt d’honneur en direction du Premierministre. Le geste est furtif, à peine quelques fractions desecondes… mais il n’a pas échappé aux caméras, quiretransmettaient en direct la séance. Un flagrant délit. Quifera certainement l’objet d’une sanction. P.Ma. PHOTO DR

LA COURTOISIEREVISITÉE PARHENRIEMMANUELLI

LES GENS

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Lacrisedulogementàl’heuredel’étatdeslieuxSelon un sondage commandé à l’occasion des états généraux, une grandemajorité de Français jugent la situation critique.Par TONINO SERAFINIDessins RÉMI MALINGRËY

I l fallait vraiment que la situation dulogement devienne critique pourque l’ensemble des acteursdu secteur (HLM, promo-

teurs privés, associationsd’élus, organismes d’insertion par le lo-gement, fédérations de consommateurs,partenaires sociaux…) laissent de côtéleurs divergences pour se lancer dansl’organisation d’états généraux afin deremettre la question de l’habitat au cen-

tre de l’action publique. Leur constatétant que le «logement, bien de premièrenécessité», est «trop absent des program-mes des partis, toutes formations politi-ques confondues». La réponse politique

à la crise avérée du logementest jugée insuffisante.Les états généraux – qui se

réunissent aujourd’hui à Paris pour leurdeuxième édition – veulent mettre lesujet au centre du débat public. La pé-riode est propice. «C’est maintenant quecela se joue pour faire du logement un desdeux ou trois sujets majeurs de l’élection

présidentielle», considère ChristopheRobert, de la Fondation Abbé-Pierre.D’ailleurs, plusieurs candidats déclarésou potentiels à la course à l’Elysée(François Hollande, Martine Aubry,Hervé Morin) ont confirmé leur partici-pation à des débats portant sur la chertédu logement, les questions de mixitésociale ou de cohésion territoriale. Demême que Marc-Philippe Daubresse,secrétaire général adjoint de l’UMP, ouCécile Duflot, secrétaire nationaled’Europe Ecologie-les Verts.Pour nourrir les débats, un sondage

TNS-Sofres (1) a été réalisé à la demandedes états généraux. Il révèle une grandeanxiété par rapport au logement. Soncoût est jugé important par plus de 75%des personnes interrogées. Le niveaudes loyers est désormais considérécomme un obstacle à la mobilité et 82%disent qu’il est difficile de trouver untoit. Les Français placent le logement auseptième rang des thèmes pour la prési-dentielle, après notamment l’emploi, lepouvoir d’achat et les retraites. •(1) Réalisé du 29 avril au 30 mai, auprès de1000 personnes.

ENQUÊTE

lièrement ressentie par les populationsles plus précaires (92% des jeunes de25-34 ans), les plus modestes (86% desouvriers). Mais les couches moyennes(85% des professions intermédiaires et75% des cadres) se plaignent aussi del’importance des sommes englouties. Lesondage réalisé pour les états générauxconfirme une autre enquête menée en

avril, pour le compte des HLM : prèsd’un Français

sur cinq(17%) dé-

c l a r a i tc o n n a î t redes difficul-tés pourpayer son

loyer ou rem-bourser son

emprunt immo-bilier. Cettequestion du coût

du logement est poin-tée depuis de nombreuses

années par les associationsde lutte contre les exclusions: les ménages les plus dému-

nis consacrent parfois plus de40% de leurs revenus pour se lo-

ger. Dans un sondage BVA, publiéle 8 avril par 20 Minutes,la propo-sition du PS «d’encadrer le mon-

tant des loyers» était plébiscitée par86% des Français. Elle arrivait en têteparmi toutes les idées du programme duParti socialiste pour la présidentielle.

Remboursement d’un emprunt immo-bilier, loyer, charges de copropriété,énergie… Plus de trois Français sur qua-tre (76%) jugent «importante» la partde leurs revenus consacrés aux dépen-ses de logement. Un tiers d’en-tre eux (33%) considère mêmeque cette part est «tropimportante». Lacherté du loge-ment est cer-tes particu-

82%pensent qu’ilest difficile de trouver un logisLa recherche d’un logement ressemblesouvent à un parcours du combattant.Dans les bassins d’habitat où l’offre lo-cative manque (Ile-de-France, Paca,grandes métropoles régionales…), lescandidats locataires se bousculent dansles cages d’escalier, lors des visites or-ganisées par les bailleurs ou les agentsimmobiliers. Cette dure réalitétrouve toute sa traduction dans lesondage réalisé pour les états gé-néraux: 82% des personnes in-terrogées considèrent qu’il estaujourd’hui «difficile de trouverun logement en France». Voilàpour l’appréciation générale.En ce qui concerne le vécudes gens dans leurs commu-nes de résidence, les résultatssont un peu moins catastro-phiques : «seulement» 59%estiment que c’est «difficile».Les gens cherchant des loyersabordables, du coup les deman-des affluent vers les HLM. No-tamment en région parisienne oùles loyers du privé sont au zénith.Selon une étude publiée fin mai parl’Institut d’aménagement et d’urba-nisme (IAU), l’Ile-de-France compte406000 ménages demandeurs d’un lo-gement social, dont 117 000 à Paris,167 000 en première couronne et122 000 en grande couronne. Le délaid’attente moyen pour obtenir un HLMétait de 5,4 ans en 2010 contre 3,1 ansen 1974.

76% trouvent la partde l’habitat dans leursdépenses importante

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QUI NE

PROTÈGE

NI LES MAINS,

NI LES PIEDS

84% estiment que lespolitiques n’en font pas assez

Les Français portent un regard très mitigé sur laquestion de la mixité sociale dans l’habitat: 28%des personnes interrogées jugent cet objectifcomme «prioritaire», 21% le considèrent comme«secondaire». Les autres (43%) apportent une ré-ponse à la normande : c’est «important mais pasprioritaire». Et débrouillez-vous avec ça.Ce qui n’empêche pas les mêmes sondés d’estimerà 60% non satisfaisante l’action des pouvoirs pu-blics pour garantir la mixité sociale. Le non-res-pect de la loi Solidarité et renouvellement urbains(SRU) sur le quota de 20% de HLM par de nom-breuses communes contribue sans doute à ce sen-timent. Le sondage montre aussi que 71% desFrançais ne jugent pas satisfaisantes les politiquespubliques menées dans les quartiers en difficultéoù la mixité sociale a souvent disparu.Si on analyse les résultats par préférence partisane,on se rend compte que les électeurs de gauche(40%) sont deux fois plus nombreux que ceux dedroite (19%) à considérer la mixité comme un ob-jectif «prioritaire». Autre différence : les Franci-liens (35%) sont beaucoup plus nombreux que lesautres (27%) à juger nécessaire la mixité.

Tous les sondages convergent: l’acces-sion à la propriété est un rêve partagépar une très large majorité de personnesen France, où l’on compte 58% de pro-priétaires et 42% de locataires. Parmices derniers, plus de la moitié (55%)souhaiteraient à leur tour devenir pro-priétaires, selon le sondage TNS-Sofrespour états généraux. Mais 16% des son-dés doutent d’y arriver. Cette aspirationest particulièrement forte chez les jeu-nes (85% chez les 25-34 ans) probable-ment lassés de payer des loyers déme-surés pour des logements versionmouchoir de poche (jusqu’à 600 eurospour des chambres de 9 m2 à Paris parexemple). Dans l’ensemble, une majo-rité des locataires du parc privé vou-draient devenir propriétaires (66%). Al’inverse, 52% des locataires HLM, lo-gés à des loyers abordables et aux res-sources plus modestes, n’aspirent pasà la propriété.Pendant la campagne présiden-tielle de 2007, Nicolas Sarkozy,avait promis de «faire de la Franceun pays de propriétaires». Mais de-puis son arrivée à l’Elysée, leurprogression n’a pas connu d’accélé-ration particulière : le nombre depersonnes possédant un logementaugmente au rythme de 0,2% à0,3% par an. Comme avant et pasplus.

55%des locatairesvoudraient être proprios

Les Français jugent très in-suffisantes les politiquespubliques menéesen France dans ledomaine du loge-ment : 84% despersonnes interro-gées estiment que«les responsablespolitiques ne s’occu-pent pas suffisam-ment des problèmesde logement» au niveaunational, selon le son-dage TNS-Sofres. C’estvrai que cette thémati-que est peu abordée parles leaders politiques quisquattent les plateauxtélé ou les studios des ra-dios. En ce qui concernel’action menée au ni-veau communal, lesréponses sont moinstranchées : seulement43% estiment que les mai-res ne s’occupent pas suffi-samment du logement.Interrogés sur leurs attentes parrapport à l’élection présidentielle, lesFrançais classent le logement au sep-tième rang de leurs préoccupations,parmi une liste de douze thèmes qui leura été soumise: 28% citent cette questioncomme devant être une priorité chez lescandidats lancés dans la course à l’Ely-sée. L’emploi, le pouvoir d’achat, les re-

traites, l’éducation, le système de santé,l’environnement précèdent le logementdans leurs priorités. Mais chez les25-35 ans, moins bien lotis que leursaînés en matière d’habitat, le logementarrive en quatrième position (38%).

28%pourrendre la mixitésociale prioritaire

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14 • FRANCE

FilletteblesséeauxTarterêts: l’héritageDassaultmisencausedanslesviolencesFamillle de la victime et policiers campent sur leurs versions, alors que Daranca est dans le coma.

D aranca, la fille de neufans blessée à la tête lorsd’échauffourées aux Tar-terêts à Corbeil-Essonnes

était hier soir toujours plongéedans le coma. Et on ne sait toujourspas si le projectile qui l’a touchéedimanche soir a été tiré par les po-liciers ou par une bande de jeunes.Deux thèses s’affrontent. Selonl’avocat de la famille, Joseph Co-hen-Sabban, «il n’y a pas l’ombre

d’une hésitation possi-ble. La petite fille a ététouchée par un tir po-

licier.» Et de citer un certificat mé-dical, faisant état d’un «impactrond, régulier, de 5 cm» : «C’est latrace évidente d’un flash-ball», con-clut l’avocat. Argument supplé-mentaire, la provenance du tir : lamère raconte avoir protégé sa filleen se plaçant à sa gauche, d’où pro-venaient les projectiles des jeunes.Or Daranca a été touchée à la tempedroite. Ce témoignage, la mèreaurait dû le livrer hier à la police,mais il a été reporté : la jeunefemme a fait un malaise. Sans at-tendre, Me Cohen-Sabban a faitpart de l’intention des parents deporter plainte.Du côté de la police, on accuse unjet de pierre venant des jeunes. «Enl’état actuel des informations, aucunlien ne peut être établi entre les bles-sures de la fillette et un tir policier»,estime ainsi un porte-parole de laDirection générale de la police na-tionale. Selon cette version, les for-ces de l’ordre étaient positionnéesà 40 mètres des assaillants, unedistance qui ne permettrait pas decauser une plaie ouverte par un tirde flash-ball ou de grenade lacry-mogène. «Je vois mal un projectile enmousse faire une plaie ouverte etencore moins des policiers tirervolontairement sur une fillette avecune arme aussi précise», ajoute ledirecteur départemental de la sé-curité publique, Jean-ClaudeBorel-Garin.

PLAINTE. Quelle que soit l’issue del’enquête, cet accident est en trainde tourner à la mise en cause de lamunicipalité, et de son maire UMP,Jean-Pierre Bechter (un proche dusénateur Serge Dassault), réélu endécembre après plusieurs électionsinvalidées (notamment pour desdons d’argent à des électeurs). Ma-nuel Valls (lire page 10), député-maire PS d’Evry, a accusé en ter-mes très violents «le système ma-fieux» entretenu par la mairied’avoir été à l’origine des échauf-fourées. «J’ai déjà dit combien uneforme de complicité avec des individus

connus des services de police de lapart de la municipalité de Corbeilavait donné à certains un sentimentd’impunité», a déclaré sur Europe 1le député PS. Dans la soirée, Jean-Pierre Bechter a indiqué qu’il allaitporter plainte pour injures et diffa-mation. «Dire qu’il y a un systèmemafieux, c’est n’importe quoi !» a-t-il énoncé sur BFM-TV. PourAzdine Ouis, délégué à la préven-tion et à la réinsertion de Corbeilqui s’est associé à la plainte, aunom de plusieurs associations de laville, «Manuel Valls a la fâcheusetendance de stigmatiser la mairie, etde considérer que tous les employésissus des quartiers sont des voyous.Il faut qu’il s’occupe de sa ville, Evry,et qu’il arrête de nous donner des le-çons de morale !»Ces prises de bec interviennentalors que règne un climat trèstendu dans la commune. SelonBruno Piriou, élu communiste de laville, et candidat malheureux endécembre contre Jean-Pierre Bech-ter, «la situation est explosive, etl’accident de dimanche était plus queprévisible. Depuis des semaines, lesTarterêts sont quadrillés par des di-zaines de véhicules de CRS et leséchanges de jets de pierre et de flash-ball sont devenus tragiquement ba-nals». Les CRS sont particulière-

ment à cran depuis qu’un des leursa été passé à tabac fin mai par desjeunes. Mais, pour l’élu commu-niste, la responsabilité de cetteflambée de violence incombe à lamunicipalité. «Pour gagner l’élec-tion, Bechter a fait des promesses auxjeunes, pour acheter leurs votes,assure Piriou. Depuis, rien n’a été

tenu et les jeunes se sont renducompte qu’on les avait pris pour desimbéciles.»A l’appui de ses dires, de nombreuxactes de violence qui, depuis le dé-but de l’année, visent l’équipe mu-nicipale. Le 14 janvier, une ving-taine de jeunes ont semé la paniqueà la mairie: embauchés dans le ca-

dre des contrats d’accompagne-ment dans l’emploi (CAE), ils sontentrés en force pour réclamer le re-nouvellement des CAE. Le 21 mars,la mairie annexe des Tarterêts a étéincendiée. Arrêté par la police, leprincipal suspect était un ancienbénéficiaire d’un CAE. Enfin, le29 avril, une cinquantaine de jeu-nes ont tenté de pénétrer en forcelors d’un conseil municipal. Ils ré-clamaient «du travail, des forma-tions et des voyages pour les plus jeu-nes». Un cordon de police les acontenus pendant que le mairequittait la mairie protégé par desgardes du corps.

«MAUVAISE IMAGE». «Il y a eu quel-ques problèmes avec les CAE, mais ona trouvé des solutions, assure AzdineOuis. La presse en a parlé car mon-sieur Dassault a une mauvaise image.Mais c’est quelqu’un de très prochedes gens. D’ailleurs, il s’est rendu àl’hôpital Necker pour voir la famille dela petite fille, et il leur a promis quetoute la lumière serait faite sur lesévénements.» Cette visite était dé-mentie hier soir par des proches dela famille. La police a mené hier endébut de soirée une opération dansles cages d’escaliers et halls d’im-meubles sans procéder à aucuneinterpellation •

Par NICOLAS CORI

RÉCIT

La cité des Tarterêts, hier. La «police des polices» a été saisie de l’enquête sur l’incident de dimanche. PHOTO ARNAUD JOURNOIS. PHOTOPQR. LE PARISIEN

10000C’est le nombre d’habitantsaux Tarterêts. La premièrepierre de ce quartier a étéposée en 1961 en pleine crisedu logement. 40% de seshabitants ont aujourd’huimoins de 20 ans.

Le ministre de l’Intérieur,Claude Guéant, s’en est prislundi aux «bandes» qui ten­dent des «guets­apens» à lapolice, estimant que la fillettequi a été grièvement blessée àla tête à Corbeil­Essonnes,dimanche soir, en était unevictime.

REPÈRES

ESSONNE

EvryEvry

PARISPARIS

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YVELINES

SEINE-ET-

MARNE

LOIRET15 km

Corbeil-Essonnes

«Je ne sais pasce qui s’est passé […],mais visiblement,il y a eu une défaillanceau niveaudu commandement.»Me Joseph Cohen­Sabbanavocat de la famille de la fillette

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Page 15: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

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Pourtant, un équipement, même minimal, peut limiter les blessures en cas d'accident ou de chute.

entr

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oit

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A Puy­Saint­Vincent, dans les Hautes­Alpes, les villageoissont prêts à payer leur instituteur pour maintenir leurclasse unique de maternelle. «On a retourné le problèmedans tous les sens, c’est la seule solution: nous allonscréer une association qui prendra en charge le salaire del’enseignant, explique Marcel Chaud, le maire sans éti­quette. En fermant cette classe, c’est la survie du villageque l’on remet en question.» La station de ski de300 habitants, qui compte 12000 lits touristiques, aappris en mars la fermeture à la rentrée de sa maternelle,«en raison d’une baisse des effectifs» –seuls 7 élèvesdevraient y être scolarisés, selon l’inspecteur d’académie.Mais le conseil municipal conteste «cette approche comp­table» qui ne tient pas compte du territoire. «Puy­Saint­Vincent est à 1800 mètres d’altitude et Les Vigneaux, oùl’on nous propose de scolariser les enfants, à 1000 mètresd’altitude. C’est impensable, les routes sont difficilesd’accès, en particulier l’hiver, avec la neige», souligne lemaire qui a déjà reçu une quinzaine de CV d’enseignants.

CLASSE FERMÉE DANS LES ALPES: LESPARENTS VONT PAYER UN INSTITUTEUR

L’HISTOIRE

«C hoquées», et déter-minées à ne paslaisser la justice

«enterrer» l’histoire. Depuisles déclarations télévisées deLuc Ferry sur un ministrefrançais arrêté «à Marrakechdans une partouze avec despetits garçons», les associa-tions marocaines de protec-tion de l’enfance multiplientles actions. L’une d’elles,Touche pas à mon enfant, vadéposer une plainte contre Xaujourd’hui à Paris. Sa prési-dente, Najat Anwar, a fait ledéplacement et prévu uneconférence de presse pourrencontrer les médias fran-çais. «Les déclarations demonsieur Ferry sont une in-sulte pour nous, dit-elle. Onveut qu’il donne le nom de lapersonne qu’il dénonce, onveut la vérité.»Sa démarche fait suite à unepremière plainte contre Xdéposée vendredi à Marra-kech, conjointement avecune autre association quasihomonyme, Touche pas àmes enfants. Najia Adib, quipréside cette dernière, nedécolère pas contre LucFerry: «Pourquoi n’a-t-il paseu le courage de donner lenom?! Cette histoire n’est pasune anecdote futile qu’on ra-conte à la télévision. Ce sontdes enfants qui sont en jeu.»De l’avis de ces acteurs deterrain, les déclarations deLuc Ferry sont considéréescomme «malheureusementplausibles», et tous les croient«vraies». «Le tourisme sexuelpédophile est une réalité auMaroc, et la majorité de ceshommes échappent à la justice,affirme Mustapha Errachdi,l’avocat de Touche pas à monenfant, qui dit avoir entenduparler d’une histoire trèssemblable au début des an-nées 2000. Ici, les gouverne-ments successifs ont un pro-gramme : atteindre les dixmillions de touristes par an. Etils sont prêts à accepter beau-coup de choses pour ça. Depuisle tsunami, une partie des tou-ristes sexuels qui avaient l’ha-bitude d’aller en Asie s’est re-portée sur le Maroc.»Pour Jean Chevais, l’avocatfrançais de l’association, laplainte déposée aujourd’huidevrait permettre «une pres-sion» sur l’enquête ouvertepar le parquet. «Cela nouspermettra d’avoir accèsau dossier, de demander au

procureur où ça en est.»De source proche de l’en-quête, Luc Ferry, entenduvendredi par les policiers,n’a pas donné le nom de lapersonne qu’il met en cause.Il a évoqué l’existence d’uneenquête des ex-Renseigne-ments généraux sur cette af-faire, suggérant ainsi d’eninterroger les archives et les

responsables. Deux autresassociations marocaines, ba-sées en France, Mémoire viveagir pour la citoyenneté auMaroc et les Amis de l’asso-ciation marocaine des droitshumains, ont annoncé leurintention de se joindre à laplainte contre X déposéeaujourd’hui à Paris.

ONDINE MILLOT

PédophilieauMaroc:lesONGinsistent

JUSTICE Suite aux accusations de Luc Ferry, uneassociation va porter plainte contre X aujourd’hui à Paris.

Trop occupé à pérorerdans les salons ou à dis­tiller des rumeurs nauséa­bondes à la télé pour sefaire mousser, le philoso­phe Luc Ferry n’a pastrouvé une minute pourdonner ses cours à la faccette année, révèlele Canard enchaîné. Leprésident de Paris­Diderot(Paris­VII), Vincent Berger,lui a pourtant envoyé deuxcourriers, le 14 octobre etle 15 novembre, pour luirappeler ses obligations–192 heures d’enseigne­ment annuelles. Mais LucFerry a fait le sourd, conti­nuant de toucher sonsalaire de 4499 euros netmensuels. Il faut dire que lephilosophe, depuis 1997 àParis­VII, avait pris l’habi­tude d’être «dispensé» parles ministres en raison deses nombreuses occupa­tions. Mais, désormais, lesuniversités sont autono­mes. Et Luc (Ferry), quipond des rapports pour lePremier ministre, a eu beauécrire à Valérie (Pécresse),la ministre n’a rien pu faire.Le 31 mai, Vincent Bergerlui a donné jusqu’àaujourd’hui pour réapparaî­tre. Sinon, il devra rem­bourser. PHOTO AFP

LUC FERRY SÈCHESES COURS DEPHILO À LA FAC

LES GENS

«Je suis favorable àl’encadrementmilitaire des jeunesdélinquants et jepropose que ce soitexpérimenté enPoitou-Charentes.»

Ségolène Royal surla proposition de loi dudéputé UMP Eric Ciotti

37 %C’est la proportion despersonnes gardées à vuequi ont demandé l’assis­tance d’un avocat depuisle 1er juin, date à laquelle lanouvelle loi est entrée envigueur, selon le ministrede la Justice, interrogé àl’Assemblée. «Les avocatsont répondu à ces deman­des dans 60% des cas.»

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011 FRANCEXPRESSO • 15

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LessalariésdeLafargecimentéscontrelesrestructurationsAprès l’annonce, dans un secteur pourtant florissant, de la fermeture de l’usine deFrangey, dans l’Yonne, la quasi-totalité des sites français du groupe sont paralysés.

U ne usine ferme, et c’esttout le groupe qui s’en-rhume. Suivant l’exem-ple des salariés de Total,

dont l’ensemble des raffineriesfrançaises s’étaient arrêtées en fé-vrier 2010 suite à la suppression dusite de Dunkerque, les em-ployés de Lafarge bloquentdepuis lundi la plupart descimenteries du groupe, en réactionà la fermeture de celle de Frangey(Yonne). Hier en fin d’après-midi,la direction enregistrait 36% degrévistes, contre 51% la veille.«Plus un kilo de ciment ne sort desusines, affirme Sylvain Moreno, dé-légué syndical CGT. Et la mobilisa-

tion est partie pour durer.» Ce matinencore, nombre d’entre eux ontprévu de se rassembler devant lesiège de l’entreprise à Saint-Cloud,dans la banlieue parisienne, à l’oc-casion du comité d’entreprise con-sacré au plan social des 74 salariésmenacés par la fermeture de l’usinede Frangey.Mais ce n’est pas qu’une grève desolidarité qui a démarré lundi dans

l’ensemble du groupe.Comme au sein de Total ily a un an, les syndicats de

Lafarge estiment que cette ferme-ture n’est que le prélude à l’extinc-tion programmée d’autres cimen-teries parmi les dix que compte legroupe dans l’Hexagone. «Il y a unevraie volonté de la part de Lafarge deréduire la voilure en France, notam-ment en fermant les petites unités,

estime la CGT. Preuve en est: les in-vestissements diminuent constam-ment, en particulier ceux de “main-tien”, menaçant la pérennité del’outil industriel.» Après celle deFrangey, les syndicats craignentnotamment pour la cimenterie deChâtillon d’Azergues, près de Lyon(Rhône). «On se sent sur la sellette,car on fait partie des petits sites, ju-gés moins rentables par la direction,estime Michel Robert, déléguésyndical CFDT de l’usine. Mais àterme, tout le monde peut légitime-ment se sentir menacé.»

SURCAPACITÉ. Côté direction, onréfute évidemment la thèse syndi-cale: «Il n’y a aucune autre restruc-turation à l’ordre du jour, affirme unporte-parole du groupe. Quant ausite de Frangey, il tourne à 60% de sa

capacité…» Et serait trop enclavépour bénéficier des nouveaux pro-cédés de fabrication plus respec-tueux de l’environnement. Sa fer-meture résorbera-t-elle pourautant la surcapacité que dénoncela direction au niveau national? Pasde commentaires. «Mais en aucuncas Lafarge, dont la France constituele berceau, ne quittera le pays.»Quant aux investissements, s’ilssont plutôt orientés en directiondes pays émergents, «c’est parceque ces régions constituent aujour-d’hui les marchés fortement deman-deurs de ciment». Alors que laFrance, elle, deviendrait un pays«mature» sur le plan du bâtiment,sous-entendu beaucoup moinsgourmand en poudre grise.Et pourtant, le secteur n’est pasvraiment en crise. Les mises en

chantiers de logements, sur les sixderniers mois, ont progressé de27% en glissement annuel. «On estsur un rythme annuel de 420000 lo-gements sur la base du dernier tri-mestre», explique la Fédération dubâtiment. Plus très loin des bonnesannées, 2006 ou 2007, avec500 000 logements bâtis. Bellesanté aussi du marché non-rési-dentiel (centres commerciaux, bu-reaux…), avec 17% de croissance entendance annuelle. Le ciment sertaussi à construire des infrastructu-res (routes, ponts…) et, de ce cô-té-ci, c’est presque l’euphorie.Lancement de la construction de laligne à grande vitesse entre Tours etBordeaux, contournements de Nî-mes-Montpellier, les travaux pha-raoniques promettent de belles an-nées au secteur des travaux publics,qui consomment 30% de la pro-duction hexagonale de ciment. Lesmises en chantiers s’emballentmême, avec 20% de progression aupremier trimestre.

BROYAGE. La Fédération françaisede l’industrie cimentière, à laquelleLafarge appartient, ne vient pasdavantage au secours du leadermondial du ciment. L’année 2010,avec presque 20 millions de tonnesproduites, s’est mieux terminéeque prévu, égalant 2009. Certes, laconsommation française a reculésensiblement (autour de 20%) parrapport aux années 2006 à 2008,«mais on progresse de 20% au pre-mier trimestre», souligne-t-on à laFédération. Chez Calcia, qui dis-pute à Lafarge le rang de premierproducteur de ciment en France,on dit que «le marché est en train derepartir et tout le monde est con-tent». L’italien, filiale de Italce-menti Group, exploite neuf cimen-teries et un centre de broyage dansl’Hexagone. Il n’a l’intention d’enfermer aucun.Cette menace qui pèse sur l’unité deLafarge dans l’Yonne pourrait, enréalité, relever d’une stratégied’entreprise. Et s’inscrire dans unetendance pointée depuis quelquesmois par les spécialistes du secteur:la délocalisation d’une partie ducycle de production du ciment.Comment ? Par la constructiond’unités de broyage, comme celleprojetée par le suisse Holcim sur leport de La Rochelle. Dans ces uni-tés, on y broie du clinker –un gra-nulat fait de calcaire et d’argile –qui, une fois réduit en poudre, puischauffé, donne du ciment. Et sil’unité de broyage est située sur leport, ce n’est pas par hasard : leclinker vient d’autres parties dumonde (Egypte, Iran et même laChine…). Le ciment, réputé long-temps non-délocalisable, pourraitfinir par l’être… par petits bouts.•

Par CATHERINE MAUSSIONet LUC PEILLONPhoto ÉRIC HOURI

ANALYSE

Des ouvriers de la cimenterie Lafarge de Saint­Vigor­d’Ymonville, près du Havre, bloquent l’entrée de leur établissement, hier.

Lafarge, créé en 1883, compte80000 salariés dans le monde,dont 8000 en France. Pour laseule branche ciment, Lafargeoccupe 1500 salariés en France.L’entreprise a réalisé un chiffred’affaires monde de 16,2 milliardsd’euros en 2010, pour un résultatd’exploitation de 2,4 milliards.

Paris

FRANCE

500 km

Frangey

Cimenterie

Cimenteries Lafarge en FranceREPÈRES «La consommationde ciment en Francedevrait augmenteren 2011 de 4% à 5% parrapport à 2010.»Bruno Carré du Syndicat françaisde l’industrie cimentière (Sfic)

33C’est le nombre de cimenteriesexploitées en France par Lafarge,Calcia, Holcim et Vicat. La filièreemploie plus de 5200 salariés.

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 201116 • ECONOMIE

Page 17: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

CINEMA •

LA CÉRÉMONIEDES LASCARSDVD «Sans pudeur ni morale», la balade qui parten vrille de jeunes de banlieue. Brut de décoffrage.

«THE PRODIGIES»

LES SURDOUÉSÀ NEW YORK

Page IV

LIBÉRATIONMERCREDI 8 JUIN 2011

Jean­Pascal Zadi (avecles lunettes) et sesacteurs, vendredi

à Paris. PHOTO RUDY WAKS

DR

Page 18: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

père en boubou, le bla-bla de la co-pine, la tchatche à deux balles destypes qu’on croise au hasard desrues, les propres tunnels d’Issa qui sesaoule de paroles, les interminableslaïus explicatifs des uns et des autressur d’obscures histoires de dettes, decoups tordus ou de filles formentcomme des phylactères déchirés,coupé-collé tombant en cascades dela bouche des personnages. Chacunteste le voisin par l’art de la vanne,on s’appelle «frère», «cousin»,«gros», «crevard», «bouffon»… Ladéambulation sympathique ne tardepas à tourner au mauvais trip.«Des barres». Issa, Coco, Nabil etles autres se chauffent à force de dé-blatérer et de ne rien faire, les pochespas trop pleines. La montée sur Paris

commence par desplans drague gentils,puis lourds, et fina-lement, comme lesfilles aiment moyen-nement être serréespar quatre types àcapuches, vire à lavengeance à base de

vol de portable et de sac. Après unchapardage chez un épicier arabe, cedernier sort et leur crie qu’il fautpasser à la caisse ; Coco rétorque :«Fais pas le justicier !» Ça passe trèsvite, mais c’est saisissant parce quesoudain il n’y a vraiment plus ni pu-deur ni morale quand le voleur coupela chique au volé et le prive même dudroit de se plaindre au nom d’un

contrat minimum qu’on lui renvoieen pleine figure. Au fond, celui qui sefait avoir a toujours tort.On sent aussi de façon très fine la dif-férence d’intensité entre le quartieret Paris. Le film fait à ce titre un tra-vail plus évocateur que des dizainesd’articles ou de reportages. Onchange complètement d’univers, dedécors, de code le temps d’un voyageen RER. «Nous, on est aux blocs, c’estmou, ça galère, on veut se taper desbarres, changer d’ambiance, on montesur Paris où il y a une sorte d’énergie»,dit en bonus l’acteur principal Frédé-ric Kossa. Seize années se sont écou-lées depuis la Haine de Mathieu Kas-sovitz, mais l’état du rapportd’exotisme en miroir décrit en 1995n’a pas changé et la distance mentale,sinon géographique, est toujoursaussi grande entre la Babyloneluxueuse des nantis et le territoire dusous-prolétariat migrant.Ce que raconte avec un réalisme rareSans pudeur ni morale est exactementle genre de came qui peut alimenterla fièvre sécuritaire du pays. Les fa-meuses incivilités traquées parSarkozy et consort y pullulent. Ellessont loin d’être contemplée avec sa-tisfaction, le film les dénonce commele résultat d’un indéniable penchantviril pour l’agressivité. Les acteurs,tous excellents (Yves Galé, Lotfi La-bidi, Achraf Mhoumadi…), saventmaintenir tout le temps le bon dosageentre séduction et dureté.

DIDIER PÉRON

J ean-Pascal Zadi, dit «JP», 31 ans, est unovni dans le paysage français. Son ci-néma, sorte de plongée chez les Tontons

flingueurs de banlieue, s’affranchit des con-traintes budgétaires, du politiquement cor-rect et ne se soucie pas de passer en sallespour exister, circulant sous forme de DVD ouse téléchargeant en VOD.Comment avez-vous commencé à tournerces films?Par hasard. Je ne viens pas du tout du milieudu cinéma. Je ne m’intéressais même pas auxfilms. A la limite, j’en ai plus regardé à la téléquand j’étais enfant avec mes parents. Je suisissu d’une famille nombreuse, j’ai dix frèreset sœurs. Le seul moment où l’on était tousensemble, c’était pour regarder le film du di-manche soir à 20 h 30. J’ai eu mon époqueBelmondo : Peur sur la ville, le Magnifique ;puis Lino Ventura, Jean Gabin, Yves Mon-tand, Louis de Funès. J’avais aussi quelquesréférences africaines. Mes parents sont ivoi-riens, donc j’ai vu le Bal poussière, la Vie plati-née… Je suis un vrai mec du peuple. Les films,c’est avant tout des comédies. A l’adoles-cence, j’ai complètement arrêté d’en regar-der. C’est en prenant une caméra pour réali-

ser un documentaire sur le rap françaisindépendant en 2005, Des halls aux bacs, queje me suis remis dans l’image. J’ai découvertle cinéma plus intellectuel, bien après,comme la Nouvelle Vague que ma copine m’amontrée. Sinon avant ça, c’était le désert.Pas une seule sortie au cinéma avec les co-pains, pas une vidéo?J’ai dû aller voir un film en salle en dix ans,parce que c’était la fête du cinéma: Gladiatorpour 10 francs. J’ai vu Scarface en vidéo dansles années 90, parce que tout le mondeautour de moi était bousillé par ce film. Parcontre, je vous fais la liste: la Haine, Ma 6-Tva crack-er, Raï, Menace II Society, Boyz N theHood, Fresh, New Jersey Drive, Set It Off [lePrix à payer, ndlr], je les ai vus effectivementen VHS avec mes cousins qui me les rappor-taient de Paname. Pour la première fois, je mevoyais dans la télé. Les Américains et la Hainem’ont raconté des histoires qui auraient pum’arriver, avec des expressions et une ma-nière de parler qui étaient proches de moi.Dans les films de Louis de Funès, c’est sûr,on n’existait pas trop, mais en même tempsça ne me dérangeait pas. Du coup, le cinémame paraissait abstrait, intouchable.

Comment expliquez-vous qu’à l’inverse desfilms de votre enfance, il n’y a quasiment quedes Noirs dans les vôtres?Je suis né à Bondy dans le 93, et on a démé-nagé avec toute la famille, en Normandie àIfs, près de Caen. On était la seule famille deNoirs, on appelait ça «le Mississippi», quandj’étais petit. Même si on était scolarisés, so-cialement intégrés dans le délire, on étaitquand même assez entre nous. Dans les an-nées 80, en province, c’était les Noirs entreeux, les Arabes entre eux et les Blancs entreeux. On allait dans les soirées de Noirs, onjouait dans un club de foot de Noirs, on s’en-traînait entre Noirs. Comme on dit: «On neguérit pas de son enfance.»Comment vous vous retrouvez à filmer alors?Un jour en passant chez un copain, il metend une caméra et me dit : «Tiens, je te lavends.» Il y en avait plein partout chez lui.Je lui réponds : «Mais non, j’ai pas de thu-nes.» «Mais si, tu la paieras en plusieursfois…» Je me suis mis à tout filmer: la rue, lescopains, les rappeurs que je croisais. Rien neme prédestinait à devenir réalisateur. J’ailaissé tomber mes jobs pour réaliser un do-cumentaire sur le rap indépendant. Ensuite,

Jean­Pascal Zadi, réalisateur débrouillard de «Sans pudeur ni morale» :

«DES HISTOIRES QU’ON NEVOIT JAMAIS AU CINÉMA»

SANS PUDEUR NI MORALE deJEAN­PASCAL ZADI avec Frédéric«Kody» Kossa, Yves Galé, Lotfi Labidi,Achraf «Sercom» Mhoumadi… 1h20.Disponible en DVD.

En juin 2010 sortait directement enDVD, sans passer par les salles, lelong métrage African Gangster, uneproduction à 15 000 euros avec lerappeur hardcore Alpha 5.20, ungenre de relecture ironique en ban-lieue française du American Gangsterde Ridley Scott. Tout le décorumhollywoodien, le glamour du récitrutilant de l’ascension et de la chutede Franck Lucas, parrain black duNew York des années 70, était plaquésur le sol contemporain de notre cher

pays déboussolé, et dénudé de toutromantisme. Avec un débit à la mi-traillette, Ousmane, Yaya et«Guim’s» Soutou canardaient quel-ques répliques définitives («C’est pasdes p’tits pédés qui ont eu du Nutella aupetit déjeuner toute leur vie qui vont memettre la pression»), tandis que le ci-néaste faisait preuve d’une ingénio-sité démerdarde pour scénariser,mettre en scène, monter et emballerson récit avec une énergie communi-cative. Un an plus tard, sur le mêmemode de distribution, Jean-PascalZadi sort un troisième film dont le ti-tre sonne comme la formule emblé-matique de l’époque et qui pourraitservir de une quotidienne à tous lesjournaux : Sans pudeur ni morale.Deus ex machina. Il ne s’agit ce-pendant pas d’un pamphlet sur l’étatd’exaltation et de déliquescence àgrande échelle qui semble gagner àpeu près tous les domaines de l’acti-vité humaine, mais de suivre au rasdu bitume les turpitudes de quelquestypes de Sarcelles, le temps d’unejournée de glande à la veille du dé-part de l’un d’eux. Issa, jeune Ivoi-rien, a déconné une fois de trop etson père le renvoie sèchement aubled pour qu’il retrouve le sens desvaleurs. A l’aide d’une petite caméra,Issa se filme, lui et sa bande, en basdes tours dans la ZUS (zone urbainesensible) de Rosier-Chantepie, à Sar-celles (Val-d’Oise), puis à Paris, Châ-telet-les Halles.Tourné en hiver et en neuf jours ten-dus, le film joue à fond la carte dunon-montage. Les séquences se sui-vent au gré de ce qui a été enregistré,quelqu’un regarde simplement labande et accélère à certains momentspour remettre en lecture normalequand il semble se passer quelquechose de valable. Cette utilisation dela lecture rapide comme deus ex ma-china qui zappe des pans entiers dufilm à notre place est comique parcequ’on s’aperçoit que les gens n’arrê-tent jamais de parler. La litanie du

Face à un épicier arabe révoltéde s’être fait voler, un des jeunesrétorque: «Fais pas le justicier !»Au fond, celui qui se fait avoir atoujours tort.

Le quotidien de Issa et ses potes suivi au ras du bitume des cités du Val­d’Oise:

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011II • CINÉMA DVD

Page 19: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

je me suis retrouvé à tourner des clips. J’enai eu vite marre, les rappeurs voulaient tou-jours la même chose: des voitures, des mo-tos, de l’argent, des meufs, la cité et le ke-bab. Dès que tu proposais autre chose, ça neles intéressait pas. Et là, j’ai décidé de fairemon premier film, Cramé, l’histoire d’unmec qui doit rembourser 7000 euros en unejournée.Puisqu’on parle d’argent, comment financez-vous vos films?Quand j’ai commencé avec mon documen-taire, je suis allé à la bibliothèque de la Citédes sciences à Paris. Je suis tombé sur un li-vre Comment faire un film ? qui disait qu’ilfallait faire une demande au Centre nationalde la cinématographie. Je me suis dit : «Çava prendre trop de temps, je vais le faire toutseul.» Pour Cramé, j’ai appelé des rappeurs,dont Seth Gueko qui a coproduit le film. Ona commencé le tournage le vendredi parceque quand on loue les lumières, le week-end est compté comme une journée. J’aiécrit le scénario deux jours avant. On atourné le film en cinq jours, avec4 000 euros de budget.

Pourquoi ne pas passer par le cinématraditionnel?Vu le nombre de gens qui déposent des pilesde dossiers au CNC, j’aurais commencé àtourner dans cinq ans. Et puis, les histoiresque je raconte, je ne suis pas sûr que ça inté-resse le cinéma traditionnel. Je veux traiterdes sujets du peuple : l’histoire d’un dealerqui perd son shit… Ce sont des histoires queje vois dans mon entourage mais jamais aucinéma. L’histoire du sans-papier qui devientdealer [dans African Gangster, ndlr], je n’aijamais vu ça, des histoires de petits jeunesqui vont à Paname parce qu’ils se font chierdans leur cité, et que ça dégénère, non plus.J’ai l’impression que les sujets qui nous tou-chent nous, ce n’est bon que pour des repor-tages. On t’envoie ça dans la gueule, et on necomprend rien. Et puis il y a le problème dela représentativité des Noirs dans le cinémafrançais. Pour faire un film, il faut des stars,et comme il n’y a pas de star noire il n’y a pasencore de cinéma qui traite de sujets liés auxNoirs. Il y a eu la Première étoile de LucienJean-Baptiste, et bientôt le film de ThomasNgijol [qui fait une courte apparition dans

Sans pudeur ni morale]. C’est pas beaucoup.Quinze ans après «la Haine», qui racontaitaussi la dérive de trois jeunes de banlieue àParis, rien n’a bougé?La différence entre la Haine et Sans pudeur nimorale, c’est déjà que, moi, j’ai mis moins dethunes dans le film, et surtout, c’est que lestrois personnages principaux de la Haine sontun Blanc, un Noir et un Arabe. Dans Sans pu-deur… c’est une bande de Noirs avec unArabe. C’est très représentatif de notre so-ciété, très communautarisée aujourd’hui. Al’époque de la Haine, c’était encore mélangé.J’ai fait le casting à Sarcelles pour Sans pu-deur… j’ai demandé un mec blanc, les gensdu quartier m’ont répondu : «Mais JP, ontraîne qu’entre nous, il n’y a pas de Blancs, ici.»Même pendant le tournage, tous les gens quipassent dans le champ sont noirs.Les agressions, vous les montrez en longueur,dans le détail…Oui, je l’ai fait exprès. L’insécurité, c’est aussiun problème de notre société. Ce n’est pas unsujet réservé à l’UMP ou au FN. C’est un sujetde citoyen français, on peut en parler sansêtre raciste ou être du Front national. Je

trouve que c’est une bonne chose qu’un meccomme moi essaie de s’en emparer. Je prendsde la hauteur, je décris un cheminement.Avant les agressions, il y a le manque d’ave-nir, la misère sociale… Tout ça, sans tomberdans le pathos et sans se prendre au sérieux.Vous n’avez pas peur d’entretenir les clichés?Je n’entretiens rien du tout, les gens retien-dront ce qu’ils veulent. J’essaie juste de toutmontrer sans mentir, sans occulter les pro-blèmes. Je n’ai pas voulu faire de film sur unNoir qui s’en sort, qui devient journaliste oumédecin, même si, bien sûr, ça existe. Si onne parle pas des problèmes, ça va continuer.Il faut que les gens de gauche et du centre s’enemparent aussi, en profondeur, parce qu’àforce d’occulter les choses, on les amplifie.C’est un film sur l’adolescence. Mes person-nages ont entre 17 et 19 ans, ça bouillonnedans leur tête. Ces mecs ont une double iden-tité. Ils sont Français, mais leurs parents veu-lent les envoyer au bled pour les calmer. A labase, j’ai fait ce film pour ces ados, pour leurmontrer ce qu’ils font, pour qu’ils se rendentcompte du bordel qu’ils mettent.

Recueilli par STÉPHANIE BINET

la glande, la tchatche, la virée survoltée vers Paris et le retour au quartier. Le film, tourné en neuf jours à Sarcelles (Val­d’Oise) et à Paris, joue à fond la carte du non­montage. PHOTOS DR

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du 4 au 8 juillet 2011

Final Cut Produ 27 juin au 1er juillet 2011

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011 DVD CINÉMA • III

Page 20: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

THE PRODIGIESd’ANTOINE CHARREYRON avec les voixde Mathieu Kassovitz, Alexis Tomassian… 1h27.

«Dès le prologue, on sent par le langage in-châtié et l’approche frontale de la maltraitanceparentale, que tu es là pour nous la mettre»,écrit Pan dans sa lettre-critique au réalisa-teur Antoine Charreyron sur le site GeekCulture. L’un des climax dramatique dufilm étant un viol sur mineure à CentralPark, on se dit qu’on s’est bien laissé dis-tancer niveau métaphore. Contrairementà ce que laisse entendre son titre, The Prodi-gies est un film français, l’adaptation d’unroman culte de Bernard Lenteric, la Nuit desenfants rois (1981). Le projet a longtempstraîné entre les mains de Marc Missonnier(cofondateur de Fidélité Productions), quia acheté les droits du roman circa 2002 eta d’abord imaginé un film avec des acteursréels avant d’opter pour la solution del’animation. Le travail d’adaptation du livre– une intrigue touffue, de multiples per-sonnages, des allusions à l’univers infor-matique qu’il fallait moderniser– a, sem-ble-t-il, été complexe. Il a fallu trois ans detravail pour parachever The Prodigies,tourné en motion capture et intégralementrecomposé par ordinateur et avec la tech-nique de la 3D relief.Ivresse graphique. Le film terminé peutse juger selon plusieurs paramètres. Dupoint de vue du coup de force industriel, de

la volonté de s’imposer sur le champ de ba-taille de la 3D largement dominé par lesAméricains, The Prodigies a quelques argu-ments de poids. On est emporté, du moinsdans un premier temps, par la fluidité desséquences et leur inventivité stylistique. Lefilm s’adresse à un public d’ados et dekidultes, il emprunte donc très normale-ment aux domaines mêlés de la BD et du jeuvidéo une certaine ivresse graphique, toutun art de la déflagration. D’ailleurs, An-toine Charreyron, qui signe ici son premierlong métrage, s’est jusqu’ici illustré dans lejeu (séquence d’ouverture de Dead to Ri-ghts, cinématique pour Bourne Identity, parexemple). Il est épaulé dans ce gros chantierpar un cador, Viktor Antonov, directeur ar-tistique du jeu de tir substantiel et sophisti-qué Half Life 2, du studio Valve.A l’image, le recyclage tous azimuts decentaines de références visuelles (peinture,photographie, BD) saute aux yeux, on navi-gue d’Edward Hopper à David Fincher, etdu graff au manga. Antonov était déjà del’aventure Renaissance, un thriller SF noiret blanc pionnier en 2005 d’un nouveaustyle de dessin animé français profilé pourle marché international. Les entrées fran-çaises avaient été décevantes, mais le film,très coûteux, avait quand même fini parêtre nettement rentable grâce aux sortiesextra-hexagonales (96% du chiffre d’af-faire selon le box-office Mojo).Pourtant, comme déjà à la vision de Renais-sance, The Prodigies laisse un profond senti-

ment d’insatisfaction. On ne s’intéresseabsolument à aucun personnage, ce qui estquand même un problème. Le héros s’ap-pelle Jimbo Farrar (il ressemble à RomainDuris, mais la voix est celle de MathieuKassovitz), un jeune informaticien de lafondation Killian. Surdoué dysfonctionnel(à 12 ans, il a tué ses parents), il cherche àrassembler cinq autres congénères aumême QI hors norme et, comme lui, dotésde superpouvoirs mentaux potentiellementdestructeurs. Une fois déniché un à un lesgamins, ils sont embringués dans uneémission de télé-réalité (American Genius).L’humanité imbécile. Agressée une nuitoù les enfants traînent ensemble, Liza,14 ans, est violée. C’est le début du retour-nement d’humeurs des génies qui, fous derage, se mettent à tuer et démolir l’huma-nité imbécile. La mise en place prend dutemps et ne débouche sur rien de très cré-dible (assaut contre la Maison Blanche, tri-potage de bouton nucléaire), les person-nages restent schématiques et comme toutle monde est censé être doté d’une intelli-gence supérieure, on ne comprend paspourquoi ils respirent tous l’immaturité etla sottise. Jimbo est un bellâtre plastique,les gamins mériteraient une grosse fesséeet les féministes peuvent se couvrir la têtede cendres devant le défilé de personnagesféminins caricaturaux (des pestes ou desgourdes). La forme, flashante, s’épuise tantle fond manque cruellement.

DIDIER PÉRON

«THE PRODIGIES»,L’ENNUI DES ENFANTS ROISQI Le Français Antoine Charreyron modernise le roman culte de Lentericà grand renfort d’effets spéciaux. Un pétard mouillé mais en 3D.

PRUD’HOMMES documentairede STÉPHANE GOËL. 1h25.

Le docu se passe en Suisse, mais commele dit l’auteur, les mêmes scènesauraient pu être tournées en France.Prud’hommes, film documentaire surl’institution éponyme chargée de tran-cher les conflits individuels du travail,est le fruit de plusieurs mois de tour-nage dans la salle d’audience du tribu-nal de Lausanne. Un mécanicien viréqui réclame des dommages et intérêts,un jeune salarié mis à la porte pour ab-sences répétées et qui demande sondernier mois de salaire, un autre licen-cié après avoir dénoncé son chef pourvol dans l’entreprise. Loin des grandsprocès d’assises, le réalisateur helvèteStéphane Goël s’est attardé sur ces pe-tits conflits entre employeurs et sala-riés, sur ces affaires, explique-t-il, quibien souvent «se résument à un manquede reconnaissance et de dialogue».Nombre de dossiers, effectivement, se«dégonflent» devant le juge, et le sala-rié, la plupart du temps, finit par re-noncer au procès. Mais c’est aussi, aufil des audiences, la vie au sein des PME– la plupart des cas retenus dans lefilm – qui remonte à la surface. «Onétait comme des amis, on mangeait en-semble à midi», rapporte ainsi, en par-lant de son ancien employeur, le jeunemécanicien, viré sur le champ pouravoir un jour traité son patron de «vo-leur». «D’enculé de voleur», corrigel’avocat de l’employeur devant le juge.On se bat pour un mot, un bout d’in-demnité, une phrase sur un certificat detravail. On négocie dans les couloirs,parfois comme des marchands de tapis,quelques centaines de francs suissessupplémentaires. Le tout sous la pres-sion d’un juge qui pousse, le plus sou-vent avec succès, à la conciliation, entredes petits patrons parfois impulsifs et dejeunes salariés sans syndicat.En dépit d’un montage efficace, le filmde Stéphane Goël laisse cependant ungoût d’inachevé. Pas ou peu de souf-france au travail, de burn-out ou deharcèlement managérial, qui consti-tuent pourtant les maux actuels dumonde de l’entreprise. Il y a bien cettecadre qui dénonce les cadences infer-nales, la dictature du Blackberry ou sonopen-space vitré où «l’on vit comme desrats de laboratoire». Mais ce sera le seul– et trop court – témoignage mis enavant par le réalisateur. Nombre d’af-faires, également, sont peu ou mal ex-plicitées. Des récits épurés qui donnentsa fluidité au documentaire, mais quilaissent aussi, parfois, le spectateur sursa faim.

LUC PEILLON

LABEUR ETL’ARGENTDU BEURREPME «Prud’hommes»,les différendsquotidiens entresalariés et patrons.

Jimbo, professeuren colère. PHOTO DR

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011IV • CINÉMA À L'AFFICHE

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UNE SÉPARATION de ASGHAR FARHADIavec Leila Hatami, Peyman Moadi… 2h03.

En février, Une séparation d’Asghar Farhadi,né à Ispahan en 1972, raflait l’ours d’or. Unerécompense entourée d’un certain scepti-cisme critique. De qualité faible, Berlin 2011avait surtout été marqué par des prises de po-sitions contre la mise en résidence surveilléeet l’interdiction d’exercer qui avait frappé, endécembre, deux autres cinéastes iraniens: Ja-far Panahi et Mohammad Rasoulof. Le juryavait-il marqué de son soutien ces deux Ira-niens prisonniers en décernant le prix su-prême à un autre Iranien: l’idée est tordue,mais chacun y a quand même pensé.Découvrir Une séparation quatre mois plustard permet de revenir au film même. Et lapremière surprise tient à sa force plastique:totalement à l’opposé du style pompier quipermit à tout un tas de des-cendants de Makhmalbaf derafler des prix à la pelle, c’estlà un film nerveux, presqueanimal, porté par une caméraqui ne tient pas en place maisqui, partout où elle se posi-tionne, trouve le bon angle, la bonne vitesse,la bonne distance. Farhadi sait jouer avec unepalette de couleurs assez réduite, du bleu ma-rine au vert fané, une façon de peindre sonmonde en sombre en se servant des tons duquotidien. Un bon antidote au cliché du styleiranien: Farhadi est un très bel antisymbo-liste, mais c’est aussi un antinaturaliste. Il estle type même du cinéaste qui arrive auxconfins de deux générations et se sert de sonenvie de cinéma comme bon lui semble.On a pu lire qu’il ne s’étonne plus quand onlui demande si Une séparation est tirée d’unfait divers, tant il sait que cette impressionde vécu est redevable à sa façon même defaire du faux documentaire. Il suffit pourtantde l’entrevoir comme un coloriste précis etsélectif pour comprendre qu’il est, plus quequiconque en Iran, dans la fabrication.Comme il le fait avec une agilité de puma, onne bouderait pas notre plaisir si le scénaristeFarhadi ne nous embarrassait pas plus encore

par son art de la manipulation.Son écriture va vite, elle repose sur des en-chaînements d’actions qui portent en ellesune part de doute que le film s’essaye à dé-plier. Ainsi, on verra une femme de la bour-geoisie quitter son mari et sa fille parcequ’après des années à chercher à obtenir unvisa pour l’étranger, celui-ci ne veut pluspartir, son père souffrant de la maladied’Alzheimer. Sans femme au foyer, il se meten quête d’une aide-soignante pour surveillerle paternel oublieux. Il rencontre brièvementune femme dont le mari est au chômage et quiaccepte le job. Elle le fait mal, une disputeéclate, et il apprend quelques heures plus tardqu’elle était enceinte et aurait perdu, aprèsl’altercation, l’enfant qu’elle portait. Auxyeux de la justice, ce geste est un crime etpeut lui coûter une dizaine d’années de pri-son. Sauf que dans cette histoire, personne nedit jamais la vérité. On connaît très mal les

précédents films de Farhadi (A propos d’Ellyet la Fête du feu ressortent ce mois-ci), maisil est certain que le sujet même d’Une sépara-tion doit porter sa technique d’écriture à sonsommet: elle pose le mensonge contre le casde conscience, examine toutes les facettes del’arrangement avec soi-même et avec la loi.Tour à tour, ceux qui étaient vus comme lesbons se transforment en monstre et, en dis-tribuant les cartes de ce jeu de dupe, le ci-néaste se transforme en virtuose du retourne-ment de situation. Le problème est que cet artdu triple salto dramaturgique conduit à unlumbago moral, à une position gênante quirappelle les heures problématiques d’un cer-tain cinéma français: les Autant-Lara de si-nistre mémoire, les films de procès d’AndréCayatte où, après avoir versé une larme surla veuve et l’orphelin et un peu d’acide sur lesbourges, on finissait par renvoyer tout lemonde dos à dos.

PHILIPPE AZOURY

ASGHAR FARHADI,IRAN FOUMORALE «Une séparation», jeu de dupes entreune aide­soignante et un homme instable.

Un mari abandonné, une aide­soignante incompétente… et l’engueulade. PHOTO DR

LONDON BOULEVARDde WILLIAM MONAHANavec Colin Farrell, Keira Knightley… 1h43.

Spontanément, on songe à Bons Baisersde Bruges, trouvaille 2008 qui, sur unmode mineur, imposait un ton subtilsous couvert d’intrigue policière un rienneurasthénique. La présence au généri-que de Colin Farrell n’est pas étrangèreau rapprochement, puisque l’insaisissa-ble Irlandais (d’Alexandre à Ondine) va-lorise aussi ce London Boulevard en toutpoint assumable. Tout juste sorti de pri-son, il est ici Mitchel, un demi-sel quirenoue aussitôt avec des accointanceslouches et, parallèlement, s’entiched’une starlette flippée et recluse dont ilva assurer la garde rapprochée. Avec, aucœur du propos, l’éternelle question dufatum qui, tôt ou tard, risque toujoursd’avoir le dernier mot…A l’origine, figure un récent polar del’auteur irlandais Ken Bruen. La matièrepremière est passée entre les mains deWilliam Monahan, réalisateur débutantqui peut cependant se prévaloir de plu-sieurs scénarios notables, à commencerpar celui des Infiltrés de Martin Scorsese(qui lui a valu un oscar). Evocation af-fectueuse, caustique et nerveuse de la

pègre londonienne et des liaisons dan-gereuses que la jet-set entretient avecelle, London Boulevard remplit ainsi sansdifficulté son cahier des charges : ré-pliques cinglantes à foison («Si MonicaBellucci n’existait pas, elle serait l’actricela plus violée du cinéma européen»), styleassez finement décalé qu’alimententdes personnages secondaires de hautelignée (sœur alcoolo, caïd perfide),bande originale vintage globalement ir-réprochable (The Yardbirds, The PrettyThings, The Box Tops… plus une touchecontemporaine de Kasabian).Si les cent minutes filent bon train, ilfaudra en outre ne pas omettre de men-tionner la primauté de l’interprétation:une fois admis que Keira Knightley nesera sans doute jamais une actrice ex-traordinaire, Colin Farrell et DavidThewlis, qui l’entourent, eux, font fort.Le premier, en personnage laconiquechez qui l’on sent poindre une forme dedésabusement mélancolique, et le se-cond, en majordome exubérant quiconfirme, après sa composition dans lerécent Mr Nice (où, après avoir été leprofesseur Lupin des Harry Potter, il in-carnait un membre érotomane del’IRA), qu’il est un des acteurs en vervedu moment.

GILLES RENAULT

«LONDON» COLINBODYGUARD Polar efficace porté par Farrell.

Un film nerveux, presque animal, portépar une caméra qui ne tient pas en placemais qui, partout où elle se positionne,trouve le bon angle, la bonne distance.

www.festival-larochelle.org

HOMMAGES en leur présence BERTRAND BONELLO France

JEAN-CLAUDE CARRIÈRE France

DENIS CÔTÉ Québec / Canada

MAHAMAT-SALEH HAROUN Tchad

YAMAMURA Koji Japon

DÉCOUVERTEJUAN CARLOS RULFO et le cinéma documentaire MEXICAIN d’aujourd’hui

RÉTROSPECTIVESBUSTER KEATON USA 1895 -1966

DAVID LEAN G-B 1908 -1991

ICI ET AILLEURSUne trentaine de films, parmi les plus marquants de l’année, en avant-première, venus du monde entier et inédits en France

D’HIER À AUJOURD’HUIUne sélection de films récemment restaurés ou rééditésUne saga du cinéma norvégien d’Erik LOCHEN à son petit-fils Joachim TRIER

FILMS POUR LES ENFANTS7 programmes différents2 séances par jour, tous les jours

ÉVÉNEMENTSRencontres avec les cinéastes invitésLeçon de musique Maurice JARRE Ciné-concerts quotidiens Nuit blanche avec La Cinémathèque française Projection en plein air en clôture du Festival

I

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011 À L'AFFICHE CINÉMA • V

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Si Mel Gibson, acteur cinéaste majeur, incarne si bien la dé-pression dans le complexe le Complexe du Castor, c’est qu’ily joue littéralement sa vie. Comme il jouait Braveheart oul’Homme sans visage. Le héros au seuil du gouffre, de la préci-pitation métaphysique (pendaison ou plongeon), c’est lui.Le plus bel homme du monde de l’Année de tous les dangers(1983), amoché (bière, baise, baston, bouffe, hostie, famille,anxiété, 55 ans), connaît bien «la désolation au lever du soleil»du «temps perdu». C’est au bord de sa défenestration volon-taire, comme ici, une nuit de 2001, qu’il eut l’inspiration,perdu pour perdu, de sa Passion du Christ inouïe.Celui à qui l’on doit aussi l’effarant Apocalypto –en attendantles découvreurs vikings du pseudo-Nouveau Monde et unfilm carcéral mexicain– avait d’ailleurs déjà figuré en désaxéhirsute d’antichambre psy dans l’obscur Paparazzi.Salut d’un film curieux jusqu’au hors-jeu mais peut-être unpoil pas assez, le héros y ménage l’instant de grâce sans âged’une scène de couloir hospitalière poignante, où un fils blai-reau commençant à comprendre, confie à son père HS,qu’enfant il rêvait d’être comme lui, puis tout au contraire;Mad Mel demandant alors à ce fils prodigue, avec une bellegueule cassée d’au-delà patient impossible à rendre : «Etmaintenant ?…» Maintenant, on pleure si le cœur en dit.

Kevin Bacon, notre autre «gueule» du jour, est parfait pourdonner corps au Dorian Gray SS de X-Men les Origines (àquand «X-Men contre la Planète des singes» –dont les Originesconcurrentes, françaises, s’annoncent ?).Dans l’histoire, pour des raisons de mutation artificielle unpeu longues à expliquer, Kevin rajeunit, comme le héros Phy-sique de Parisis, et dans sa carrière idem. Tel quel, on donne-rait à ce vétéran pennsylvanien invisible, comparse de toutesles avanies de navets qui nous gavent par prédilection, de-puis 1978, la jeunesse d’un Iggy Pop, son sosie, il y a trente ans(croisé de Johnny Rotten et Stephen Dorff côté punk, touchéde Willem Dafoe, voire Scott Glenn, d’autre part).Immuablement plastique, comme vaguement écorché, nezretroussé à l’acide, dents de lapin, aiguisé, yeux vides envrille froncés sous le casque de mèches à la Bryan Ferry(usuellement en brosse drue revêche), il n’a ni âge ni âme,sa surpuissance inaltérable de Nemo play-boy maître dumonde atomique à peine vérolé l’ennuie mortellement. C’estun déviant mutant, un savant surnietzschéen glacial.En réalité, cet acteur zonard de la bonne trempe a à peu prèsl’âge de Beaver Gibson, et autant de prestations massivementpsychopathologiques à son actif décalé (Sexcrimes, Hypnose,Mauvais Piège, Sleepers…). Accessoirement cinéaste produc-teur, Kevin est aussi chanteur des Bacon Brothers, grouperégional notoirement inconnu. Rocker tueur en série millé-nariste cybernazi saturnien. Tout pour plaire.

MELGIBSON& KEVINBACON

Mel Gibson naufragé en «castor» de survie. PHOTO KEN REAGAN

LES ÉCARTS DU CINÉMAde JACQUES RANCIÈRELa Fabrique éditions, 158 pp., 13 euros

Sans surprise, il est ici question depolitique : que faire avec le cinémaet qu’en faire ensemble? La thèse,c’est que le cinéma est une femmequi avait deux bouches (pour re-prendre le titre d’Alain Fleischer).Il est écart : il dit une chose tout enproférant d’autres signes et c’estdans cette surimpression que seglisse la possibilité de changer lavie, dans cet interstice dissensuelque le spectateur peut se glisser.On sait que Jacques Rancière est leplus cinéphile des philosophes. Onse rappelle sa Fable cinématographi-que il y a dix ans, ses articles dans lesCahiers du cinéma. Ce nouvel essaiprouve que sa curiosité n’a pas faibli

depuis puisque, à côté de Hitchcocket Rossellini (déjà aperçus dans laFable) ou Bresson et Minnelli, Ran-cière analyse ici avec brio les plusrécents Inland de Tariq Teguia ou Jeveux voir de Joreige et Hadjithomas,tout en consacrant un essai à la «Po-litique de Pedro Costa».Ce qui frappe, c’est le ton douce-ment autodérisoire que Rancièredonne à son prologue (et son pro-gramme pour ce livre). Il s’y repré-sente en jeune cinéphile à la recher-che du rapport mystérieux entreWinchester 73 et le matérialismehistorique, ou refoulant la scèned’église d’Europe 51 pour ne pas bri-ser la ligne générale d’une interpré-tation marxiste. En vain.«Nouage». Un des écarts du ci-néma, dit Rancière, c’est justementson irréductibilité à la théorie :aucune d’elles n’a jamais permis dedire si un plan sur une montéed’escalier était «idéaliste ou maté-rialiste, progressiste ou réaction-naire». Le cinéma est «affaire depassion» et s’il y a eu des films mo-dernes ou postmodernes, ce n’estpas, selon lui (et contrairement à lavulgate esthétique), parce que cer-taines formes auraient remis enquestion les grands récits, mais«par un retour à un nouage plus in-time et plus obscur entre les marquesde l’art, les émotions du récit et la dé-couverte de la splendeur que pouvait

prendre sur l’écran de lumière, au mi-lieu d’une salle obscure, le spectaclele plus quelconque: une main qui sou-lève un rideau ou joue avec une poi-gnée de portière, une tête penchée àune fenêtre».Cette opération de «nouage» enquoi consiste le cinéma mène toutnaturellement à la question politi-

RONCIÈRE SURUN PETIT «NOUAGE»ESSAI Hitchcock,Rossellini, Bressonou Minnelli…Le philosophefrançais étudiel’articulationentre cinémaet politique.

Sueurs froides, d’Alfred Hitchcock à qui Jacques Rancière consacre un essai dans les Ecarts du cinéma. PHOTO DR

LE CINÉMA THÉORISÉ

Toujours sur le terrain de lathéorie, Flammarion a publié enfévrier un livre­somme del’Américain Stanley Cavell, inti­tulé Philosophie des salles obs­cures–lettres pédagogiques surun registre de la vie morale, quirassemble les cours à Harvarddu fameux auteur de l’essai surles screwball comedies(A la recherche du bonheur:Hollywood et la comédie duremariage). Platon, Locke, Kant,Nietzsche, Freud sont convo­qués pour dialoguer avec lesfilms de Capra ou Rohmer. Unmust. Les éditions Capricci et leCentre Pompidou se sontassemblés pour éditer la Sagades cinéastes de notre tempsd’André S. Labarthe, récapitula­tion des 90 portraits de cettesérie anthologique diffusée àBeaubourg (jusqu’au 9 juillet).

Par BAYON

BOBINES

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011VI • CINÉMA ZOOM

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que, sous l’aspect ranciérien du«partage» : «Le cinéma est un artpour autant qu’il est un monde», dontles effets «ont besoin d’être prolon-gés, transformés par le souvenir et laparole qui font consister le cinémacomme un monde partagé bien au-delà de la réalité matérielle de ses pro-jections».Hiatus. Pour saisir le politique dansl’écart que révèle la «splendeur»,un des essais les plus éclairants durecueil est sans doute «Conversa-tion autour d’un feu: Straub et quel-ques autres». Le terme de «politi-que», rappelle Jacques Rancière,peut qualifier le contenu, la fable et,d’autre part, «une manière d’accélé-rer ou ralentir le temps, […] d’accor-der ou de désaccorder le regard etl’action», etc. Le discours du filmest toujours intercepté par sa maté-rialité. Ainsi chez les Straub, dansDe la nuée à la résistance: les parolespolitiquement résignées d’un filss’opposant à son père s’accompa-gnent d’un gros plan sur une mainouverte, plan aux significationspossibles multiples. Il y a entre ledialogue et l’image hiatus et résolu-tion puisque «l’irrésolution du gesteest en même temps un pouvoir de ré-solution qui casse le rouet de l’échangedialectique». C’est, dit Rancière, un«rapport entre une affaire de justice etune pratique de justesse».L’horizon politique est par consé-quent clair : «Imaginer non plus lesformes d’un art adéquatement mis auservice de fins politiques, mais desformes politiques réinventées à partirdes multiples manières dont les arts duvisible inventent des regards, dispo-sent des corps dans des lieux et leurfont transformer les espaces qu’ilsparcourent.»

ÉRIC LORET

J ean-Louis Leutrat, professeur à l’uni-versité de la Sorbonne Nouvelle, dont ila été le président de 1996 à 2001, est

mort le 29 avril. Il avait 70 ans. Erudit et dis-cret, il est l’auteur de nombreux ouvrages surle cinéma (Nosferatu, Jean-Luc Godard simplecomme bonjour, Vie des fantômes…). Le grandcritique Jean Narboni (qui fut notamment ré-dacteur en chef des Cahiers du cinéma à lagrande époque 60-70) lui rend hommagedans un texte qu’il a envoyé à Libération.«Dans la préface qu’il avait écrite pour leNosferatu de Jean-Louis Leutrat (et MichelBouvier), Julien Gracq disait sa dette à l’égardd’un livre “savant et déférent”, qui lui avaitpermis de “saisir mieux tout ce qui, dans l’ad-hésion immédiate que ce film trouva [en lui] à18 ans, se reliait à son goût pour le romantismeallemand…” Ma relation d’amitié avec Jean-Louis Leutrat date de ce livre, dont il me pro-posa le manuscrit volumineux et passionnanten 1980, et de la joie (partagée) qui fut lasienne à voir paraître son premier texte d’im-portance en compagnie de la Chambre clairede Roland Barthes, des écrits sur le cinémade Nagisa Oshima (Dissolution et jaillissement)et de l’Homme ordinaire du cinéma de Jean-Louis Schefer, dans la collection alors nais-sante Cahiers du cinéma-Gallimard. D’autresretraceront mieux que je ne saurais le faire lesétapes du long parcours universitaire de cetami. Ils souligneront, dans l’abondance delivres publiés dont une faible part seulementm’est connue, la diversité de ses objetsd’élection (de Jerry Lewis au western, deMario Bava à Jacques Tourneur, de Ford augiallo, jusqu’à la trilogie consacrée, avec sacompagne Suzanne Liandrat-Guigues, à Pol-let, Resnais et Godard, et son travail de béné-dictin sur les histoires du cinéma paru enplusieurs fois dans la revue Trafic). Mais, sou-tenant la variété des goûts, c’est d’abord laconstance de quelques obsessions, sinon dehantises, qui protégeait cet éclectisme de ladispersion: la sensibilité au fantastique latenten toutes choses, l’attention à la proximité,à l’insistance et à l’évanescence des fantô-mes, le surgissement, par le jeu entre lesimages et les sons, d’«un autre visible», lesrelations toujours à compliquer entre cinémaet littérature…«Côté “savant”, Jean-Louis Leutrat était ununiversitaire gai et joueur, un érudit jamaisen repos, un chercheur qui dans ses com-mentaires laissait vivre et palpiter, sans lespétrifier ni les disséquer, les corps d’images,de sons et d’idées auxquels il consacrait savie.«Côté “déférence”, je n’ai connu de lui quesa bienveillance et son sens du partage (sesétudiants, ses collègues et amis en témoigne-ront), une faculté de découvrir et d’admirerqui éclairait parfois son visage d’un sourireétonné de jeunesse intacte, la gratitude etl’absence de toute aigreur, envie ou mali-gnité, ces traits qui infectent ce que Valérynommait les “professions délirantes”, où sedéchirent les éternels rivaux en gloire del’élite intellectuelle.«J’insisterai enfin sur ce qui avait éclairé Ju-lien Gracq dans le livre sur le film de Murnau:la manière si particulière à Jean-Louis Leutrat

de révéler dans et entre les œuvres qu’il abor-dait des liens inédits et des affinités secrètes,de faire lever des résonances, de déceler in-lassablement des fils conducteurs latentsd’un film à un autre, d’un cinéaste ou d’ungenre à un autre, entre les séquences d’unmême film ou entre un film et un texte litté-

raire. Son acharnement tranquille à se saisirde figures-aiguillages, de mots-carrefours,de motifs ronds-points, de signes-foyers età faire proliférer à partir d’eux les écheveauxde sens et les chemins de traverse, les étoile-ments ou les lacis sensibles, avait quelquechose parfois d’un peu fou et vertigineux.«Je viens de refermer Nosferatu, qui fut saluéet étonna à sa sortie par sa compositionfeuilletée, ses strates de textes de provenan-ces multiples, l’alternance de ses développe-ments et de ses replis, la minutie et l’exhaus-

JEAN­LOUIS LEUTRATÀ LIVRE OUVERTDISPARITION Le grand critique Jean Narboni rend hommage à l’auteurd’ouvrages consacrés à Godard ou Murnau, décédé en avril.

tivité de son iconographie, photogramme parphotogramme.«L’émotion m’étreint aujourd’hui à la relec-ture du dernier et très court chapitre, quirappelle ce qui arriva à Promio (l’opérateurLumière à qui l’on attribue l’invention dutravelling en 1896, à partir d’une gondole à

Venise), un dimanche où il setrouvait en mission à Brême,la ville du film de Murnau. Ala recherche d’une obscuritépropice au chargement de sacaméra en vue d’un tournageproche, il dut, faute de trou-

ver une boutique de photographe ouverte,s’adresser à un marchand de cercueils com-préhensif qui lui permit de se glisser dansl’un d’eux pour effectuer son opération. “Jeme couchais dans cette chambre noire improvi-sée, mis sur mon côté gauche les bandes vier-ges, sur la droite les bandes débitrices, sur mapoitrine la petite bobineuse. On ferma le cercueilet tout se passa le mieux du monde.” Jean-Louis Leutrat aimait aussi beaucoup leVampyr de Dreyer.»

JEAN NARBONI

«J’insisterai sur la manière si particulièreà Jean­Louis Leutrat de révéler danset entre les œuvres qu’il abordait desliens inédits et des affinités secrètes.»

Sueurs froides, d’Alfred Hitchcock à qui Jacques Rancière consacre un essai dans les Ecarts du cinéma. PHOTO DR

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LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011 ZOOM CINÉMA • VII

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Film Semaine Ecrans Entrées Evolution CumulX­Men : First Class 1 687 807 201 – –Pirates des Caraïbes 3 730 794 703 10 % 3 353 704Very Bad Trip 2 2 452 574 899 ­ 11 % 1 377 065Monsieur Papa 1 311 197 381 – –Minuit à Paris 4 493 168 620 2 % 1 247 006

Kad Merad ne doit pas être mécontent deschiffres de son premier film en tant que réalisa­teur, Monsieur Papa, qui le conforte dans saposition de personnalité populaire à peu prèsà tout coup. Woody Allen aussi à la cote. Enfranchissant le cap du million d’entrées, Minuità Paris a dépassé le score des deux précé­dents opus du cinéaste new­yorkais (qui pla­

fonnaient à 800000). The Tree of Life marchefort aussi, à la fois aux Etats­Unis, sur une mo­deste combinaison de salles, et en France, oùil devrait taquiner le million d’entrées en fin deparcours, dépassant la Conquête, qui est déjàen neuvième place du classement en trois se­maines d’exploitation. Une contre­performancevu le battage insensé qui a entouré sa sortie.

MU

RRAY

CLO

SE

X­MEN: FIRST CLASSde Matthew Vaughn, 2h 10.Pour sa quatrième réalisation,l’Anglais Matthew Vaughn(Kick­Ass) suit l’initiation desdeux figures fondatrices de lamythologie X­Men. L’intrigueest située au début des an­nées 60, sur fond de crise desmissiles de Cuba. Flambard.

LE GAMIN AU VÉLOde Jean­Pierre et LucDardenne, 1h27.Les frères belges décriventune fois encore les rouagesd’une machinerie socialecruelle, depuis les logiquesde l’exclusion jusqu’aux com­plexes interfaces entre lesêtres. Prix du jury à Cannes.

THE TREE OF LIFEde Terrence Malick, 2h18.L’hosanna filmique de l’année.Palme d’or à Cannes, le nou­veau film du mystérieux Ma­lick déploie entre cosmos,panthéisme et intrigues fami­liales texanes, un majestueuxruban d’images, genre de 2011,Odyssée de l’espèce.

CINEMA

w La première image?E.T. déguisé dans un placard de lachambre d’Elliott. Sûrement une ré-ponse à mes envies de travestissementle week-end. Il y a aussi Madonna quise sèche les aisselles dans RechercheSusan désespérément.wLe film que vos parents vous ont empê-ché de voir?Emmanuelle 4, mais j’ai trouvé la VHSdans un placard mal fermé…wUne scène fétiche ou une scène qui voushante?Plutôt fétiche, Quand Harry rencontreSally, chez Kat’z, l’orgasme à la com-mande.w Vous dirigez un remake? Lequel?La série de Truffaut, la vie d’Antoine Doi-nel, avec un penchant pour le divin Bai-sers volés.wLe film que vous avez le plus vu (à la té-lévision ou en salle)…Clerks, de Kevin Smith. Sûrement le réaldont je me sens le plus proche.w Qui ou qu’est-ce qui vous fait rire?Le monde de Wes Anderson. Les Simp-son dans l’autre monde.w Votre vie devient un biopic. Qui dansvotre rôle? Et qui derrière la caméra?Owen Wilson pour sa blondeur, SpikeJonze pour tout.w Le personnage qui vous fait le plusrêver?Edward Bloom dans Big Fish de TimBurton.w Votre bande originale favorite.Steak, le deuxième film de Quentin Du-pieux mis en musique par mes amisMr Oizo, Sebastian & Sébastien Tellier.w Le cinéaste absolu à vos yeux?Steven Spielberg, je sais ce n’est passuper original, mais c’est tellementvrai. Je pourrais profiter de cette co-lonne pour me la jouer et m’inventerune culture cinéma à grand coup deGoogle Search et te répondre en citantle nom d’un réal japonais que personnene connaît. J’avoue que la série les Qua-tre Cents Coups, Baisers volés, Domicileconjugal de Truffaut m’a vraiment re-tourné. Ils étaient pas potes Spielberget Truffaut, d’ailleurs ? [si, si, ndlr]

wLe film que vous êtes le seul à connaître.Ou plutôt le film que mes copainsn’osent pas dire qu’ils aiment! Querellede Rainer Werner Fassbinder. Pour l’es-thétisme, pour l’érotisme et par purfantasme.wLe monstre ou le psychopathe dont vousvous sentez le plus proche?James P. «Sulley» Sullivan dans Mons-ters & Cie.w Un rêve ou un cauchemar qui pourraitêtre le début d’un scénario?Un jour sans fin avec Bill Murray, la co-médie ultime, mais tellement flippante!w Une réplique que vous connaissez parcœur.Dans Clerks de Kevin Smith. Le mecvient d’apprendre que sa copine a euune vie avant lui. C’est toujours difficiled’accepter ça. Dante, c’est son nom, estvendeur dans une supérette. Dante :«37 ! My girlfriend sucked 37 dicks !»–Customer: «In a row?» [37! Ma copinea sucé 37 bites! D’affilée?, ndlr]w L’acteur que vous auriez aimé être?Harrison Ford ! Un amish du FBI quiembrasse des filles dans la jungle et quisait piloter un vaisseau: plutôt pas malcomme CV.w Dernier film vu? Avec qui?Ça ne m’a pas marqué, donc pas bon si-gne ! Je sais juste que j’ai retrouvé despop-corns dans mes poches quelquesjours plus tard. Sinon j’ai revu les Lar-mes du tigre noir en DVD, un filmthaïlandais pour les fans dePierre & Gilles comme moi !w Un décor de cinéma, un lieu fictif danslequel vous auriez aimé vivre?Hill Valley, la ville dans Retour vers le fu-tur. Prendre un milk-shake avec unefille en chaussettes blanches, me fairecourser par un mec ultra-gominé, çame chauffe bien.w Le cinéma disparaît à tout jamais. Uneépitaphe.Sucré dessous, salé dessus.w La dernière image?Le flash de l’arme secrète des Men inBlack, histoire de tout oublier et de re-commencer à zéro demain.

Recueilli par DIDIER PÉRON

Quel spectateur êtes­vous? Un invité nous répond du tac au tac.

«HARRISON FORD!UN AMISH DU FBI QUIEMBRASSE DES FILLESET PILOTE UN VAISSEAU»

SÉANCE TENANTEPEDRO WINTERLe DJ Pedro Winter, né en avril 1975 à Paris,a été manager des Daft Punk avant de fonder lelabel Ed Banger, qui connaît depuis quatre ansdes succès internationaux (Justice, SebastiAn,Mr Oizo, , Uffie…). Il est membre du jury duFestival MK2 Close Up, dont le palmarès estremis ce soir au club Silencio (142, rueMontmartre, 75002). PHOTO ROMAINB.JAMES

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LES CHOIX DE «LIBÉ»

BOX­OFFICE (SOURCE ÉCRAN TOTAL)

LIBE 122x163:Layout 5 31/05/11 19:01 Page 1

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Est-ce la révolution, comme l’a pré-tendu Frank Esser, le patron de SFR,en présentant ce matin sa nouvellegamme de forfaits mobile qui seracommercialisée le 15 juin? Certaine-ment pas. Même si le chemin em-prunté marque une vraie rupture.Premier petit séisme, les abonnés ac-tuels chez SFR parvenus en fin de pé-riode d’engagement recevront une

lettre (ou un mail) leur donnant àchoisir entre renouveler leur mobileou alors, si ce dernier fait l’affaire,obtenir une ristourne jusqu’à 12 eurossur leur abonnement. Le même trai-tement vaudra pour les nouveauxabonnés. Second petit séisme, tous lesforfaits peuvent être souscrits selonquatre formules: avec ou sans mobile,et avec ou sans engagement. Si SFR se

bouge ainsi, c’est parce que la pres-sion monte. Celle d’abord des pou-voirs publics et du régulateur des té-lécoms, qui font la chasse aux duréeslongues d’engagement. Et il y a sur-tout la pression de Free, dont les offresmobiles pourraient débouler dès Noëlprochain et qui a déjà fait savoir qu’ilne subventionnerait pas de mobile(celui-ci sera proposé à part). C.Ms.

D INITIATIVE L’OPÉRATEUR A PRÉSENTÉ SA NOUVELLE GAMME DE FORFAITS

SFR se veut révolutionnaire

S ilence dans les rangs, jene veux voir qu’uneseule ligne ! Lors de la

réunion à huis clos du groupeUMP à l’Assemblée nationalehier matin, le Premier mi-nistre, François Fillon, a re-cadré sa majorité au momentoù le gouvernement doit né-gocier un difficile virage avecla réforme de la fiscalité dupatrimoine. «Un sujet ta-bou», mais «qui se déroulaitbien jusqu’à présent», a-t-ildit, allusion au fait que leprojet de loi défendu par leministre du Budget, FrançoisBaroin, a été précédé de qua-tre mois de concertationavec les parlementaires. «Ilne faut pas gâcher ce résultaten ouvrant des débats», a-t-ilmis en garde.«Cadeau». Le message estclair: la priorité est à l’adop-tion d’un texte capital afin depermettre au futur candidatSarkozy de se débarrasser duboulet du bouclier fiscal,«pas de lui mettre de bâtonsdans les roues». D’où l’im-portance d’éviter, en se divi-sant, de tomber dans le piègede la gauche, laquelle comptebien profiter de l’occasionpour marteler l’équation«droite = partides riches». Acette dialectiqueclassique, HenriEmmanuelli ad’ailleurs pré-féré un messageplus direct àl’attention de Fillon. Il lui aadressé un très furtif doigtd’honneur (lire page 11) alorsque ce dernier répondait auxcritiques du chef de file desdéputés PS, Jean-Marc Ay-rault, sur le «nouveau ca-deau» fait aux plus aisés aveccet allégement sans précé-dent de l’ISF.

Premier motif d’irritationpour Fillon: l’adoption sur-prise en commission et grâceau soutien de la gauche d’unamendement de l’UMP MarcLe Fur proposant, «au nomd’un message de justice», de

taxer les œuvres d’art à l’ISF.Un «message politique inco-hérent au moment où on essaiede réduire l’ISF», a estimé lePremier ministre, qui a parléd’une «polémique pour rien entermes financiers» après quedifférentes voix, comme cel-les de François Pinault, Fré-déric Mitterrand ou encore

Jean-Jacques Aillagon et JackLang se sont fait entendrepour dénoncer cette propo-sition. «Stupidité», auraitréagi pour sa part NicolasSarkozy, en ironisant sur lefait que «même les socialistesn’ont pas eu cette idée». LePremier ministre a invitéMarc Le Fur à renoncer à soninitiative, qui «de toute ma-nière n’a jamais eu la moindrechance de passer», précise unde ses collègues.«Signal négatif». Plus sé-rieuse et soutenue par70 députés, la tentative del’UMP tendance sociale Mi-chel Piron de provoquer undébat sur la taxation des plusriches à travers la créationd’une nouvelle tranche su-périeure de l’impôt sur le re-venu à 46% a également reçuune opposition catégorique.

«Ce n’est pas conforme àl’accord auquel nous sommesarrivés [entre le gouverne-ment et sa majorité, ndlr],c’est contraire aux engage-ments du président de la Ré-publique [et] c’est un signalnégatif en période de repriseéconomique», a tonné le Pre-mier ministre.Peu importe à Michel Piron,l’homme qui à l’automneavait cristallisé la fronde an-ti-bouclier fiscal au sein dugroupe UMP à l’origine de lavolte-face présidentielle surcette question. «Il y a des su-jets qui nécessitent pas mal degestation avant accouche-ment, a-t-il expliqué à Libé-ration. Cet effort supplémen-taire que l’on entend demanderaux plus riches pour aider aurétablissement des comptespublics en fait partie. Alors onpose des jalons, histoire de bienfaire comprendre notre préfé-rence pour une contributiondurable sur les revenus excep-tionnels, plutôt qu’une taxeexceptionnelle sur les hauts re-venus, comme l’a d’ailleurs ditFrançois Baroin.» Un galopd’essai donc de la frangecentriste, radicale et gaullistesociale de l’UMP, qui comptetester ses arguments avantune offensive de plus grandeampleur à la rentrée.«Nous assistons à une trèsgrosse opération de communi-cation programmée par l’Ely-sée avec le soutien du groupeparlementaire UMP», a iro-nisé Jean-Marc Ayrault, quia prédit sans risque que cesvelléités parlementaires setermineront «par un aban-don». Sur ce point, Fillon luiaura donné entièrement rai-son. Les débats se poursui-vront jusqu’à la fin de la se-maine, week-end inclus.

CHRISTOPHE ALIX

«Un message politiqueincohérent au moment où onessaie de réduire l’ISF.»François Fillon sur la proposition del’UMP Marc Le Fur taxer les œuvres d’art

ISF:Fillonrappelleàl’ordrelesdéputésrebellesASSEMBLÉE Le Premier ministre a remis au pas la majorité, audeuxième jour de l’examen de la réforme fiscale du patrimoine.

ÉLECTRICITE Le ministre del’Energie, Eric Besson, a saisila Commission de régulationde l’énergie pour un relève-ment de 4,9% des tarifsJaune et Vert appliquésaux entreprises à partirdu 1er juillet, dont 1,7% au ti-tre de la contribution au ser-vice public de l’électricité(CSPE, qui sert notamment àfinancer les énergies renou-velables). Une hausse trèssupérieure au 3,4% annoncépar le Premier ministre dé-but avril.

FINANCE L’Autorité desmarchés financiers (AMF) alancé hier une mise en gardeà l’encontre de la sociétéMercier and Clark, basée àLondres, qui propose desconseils en investissement eten gestion de portefeuilles enFrance, mais sans avoir étéhabilitée à y opérer.

BANQUES L’Espagne doit«renforcer la restructurationen cours du secteur des cais-ses d’épargne, en s’occupantdes faiblesses dans leur gou-vernance», indique une re-commandation de la Com-mission européenne publiéehier. L’Allemagne, pour sapart, «devrait s’attaquer auxfaiblesses structurelles dansson secteur financier, en parti-culier en restructurant sesLandesbanken [banques ré-gionales, ndlr].»

PATRIOTISME Une cinquan-taine de députés français ontsigné une pétition invitant«fermement» Air France àchoisir l’Airbus A350, issu dela «filière aéronautique euro-péenne» plutôt que des appa-reils de l’américain Boeing,pour sa prochaine com-mande géante d’avions long-courrier attendue cet été.

+0,22 % / 3 871,92 PTS2 706 628 818€ +8,39%

MICHELINAXAALSTOM

VALLOURECSTMICROELECTRONI.ACCOR

+0,42 %12 140,33+0,30 %2 710,64+0,03 %5 864,65+0,67 %9 442,95

Tout peut se dire, mais rien ne doit en sortir. Tous les ansdepuis 1954, dans un lieu chaque fois différent et inconnudu grand public, le très secret groupe Bilderberg réunit130 personnalités parmi les plus influentes en Occident:décideurs politiques, chefs des armées, grands banquiers,capitaines d’industrie et même magnats de la presse.Aucun participant n’a jamais raconté son expérience.A partir de demain soir et jusqu’à dimanche midi, la saute­rie grand luxe des maîtres du monde se déroulera dans lastation très huppée de Saint­Moritz (Suisse). Mais, cetteannée, le clone privé du Forum économique mondial deDavos suscite polémique et dénonciation du côté des poli­tiques helvétiques. Ainsi, David Roth, le président de laJeunesse socialiste suisse (JS), estime que «le groupe Bil­derberg prend des décisions importantes en catimini. Lesparticipants ne se retrouvent pas pour boire le café maisinfluencer la gouvernance mondiale». Le conseiller nationalDominique Baettig dénonce des coûts de sécurité opa­ques qui sont à la charge du contribuable suisse.Le groupe a vu passer au fil des ans des personnalitéscomme DSK, George Soros, Henry Kissinger… La liste decelles présentes à Saint­Moritz demain reste secrète. V.D.F.

LE GROUPE BILDERBERGNE PASSE PAS INAPERÇU EN SUISSE

L’HISTOIRE

«Si je suis élue directrice générale du FMI,je serai d’aplomb en tant que femme,pas nécessairement en pantalon,et certainement avec un niveau detestostérone qui serait plus faible que celuide beaucoup dans cette pièce aujourd’hui.»Christine Lagarde ministre de l’Economie, hier, à New Delhi

Les débats s’achèveront ce week­end. ANDREA COMAS. REUTERS

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011 ECONOMIEXPRESSO • 17

Page 26: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

I l fut un temps pas si loin-tain –une poignée de se-maines à peine–, où l’op-

position aux gaz de schistesemblait faire l’unanimitédans la classe politique. Cetemps est révolu. En témoi-gne le rapport parlementairequi doit être rendu publicaujourd’hui. Les corappor-teurs, Philippe Martin (dé-puté PS du Gers) et François-Michel Gonnot (UMP, Oise),délivrent chacun une ré-ponse différente à la questionde fond: «La France doit-elledéfinitivement fermer la porteaux gaz et huiles de schiste?»Selon nos informations, lepremier répond oui. En rai-son des risques de pollutiondes nappes phréatiques. Maisaussi parce qu’exploiter ceshydrocarbures ne permet-trait pas à la France de res-pecter ses engagements enmatière de réduction desémissions de gaz à effet deserre. Une façon, aussi, deprouver l’engagement écolodes socialistes.Le second, lui, dit non. Dansla lignée de ce qu’avait glisséFrançois Fillon en avril («Jene veux pas que nous fermionsla porte à toute possibilitéd’exploiter» d’éventuels gise-ments). Ou de ce qu’ont en-core répété ces derniers joursà Libération le ministre del’Energie, Eric Besson («Onne peut pas s’offrir le luxe defermer définitivement la portequand on voit ce que représente

le potentiel de gaz de schiste denombre de pays»), ou le PDGde Total, Christophe de Mar-gerie («Interdire sans mêmesavoir si notre sous-sol en con-tient, c’est idiot»). Et sanssurprise, puisque François-Michel Gonnot s’était déjàpubliquement montré plutôtfavorable aux gaz et huiles deschiste, provoquant l’ire dela députée PRG MartineBillard, qui avait demandé sadémission.Les sénateurs prendront-ilsle temps de lire cet objet tex-tuel non identifié ? Ils doi-

vent reprendre demainl’examen du projet de loi surles gaz de schiste, qui avaitété suspendu la semaine der-nière, officiellement faute detemps. Une chose est sûre, cedernier n’a plus grand-choseà voir avec la proposition deloi du député UMP ChristianJacob, dont le gouvernementavait demandé l’examen en«urgence», court-circuitantle rapport parlementairecomme celui de la missionintergouvernementale. Laversion initiale prévoyait uneabrogation pure et simple despermis d’exploration déjàaccordés. Mais les députés– la gauche a voté contre –

ont finalement décidé que lestitulaires des permis aurontdeux mois pour déclarer latechnique utilisée. C’est seu-lement s’ils recourent à latrès contestée «fracturationhydraulique», ou s’ils ne ré-pondent pas, que les permisseront abrogés. Ce que lesantigaz de schiste dénoncentcomme un «enfumage», unefaçon de «reculer pour mieuxforer» après les élections sé-natoriales en septembre etprésidentielle en 2012.Au Sénat, le texte a encoreété modifié en commission:

il prévoit l’autori-sation de la frac-turation hydrauli-que «pour desprojets à des finsscientifiques» avecenquête publique

préalable. Réaction de lasénatrice PS Nicole Bricq :«Tout est fait pour démobiliseren attendant des joursmeilleurs. Mais, côté écolos, ilsne lâcheront pas le morceau.»D’autant qu’ils sont échau-dés par une révélation du siteOwni.fr selon laquelle Fré-déric Salat-Baroux, probabledirecteur de campagne deJean-Louis Borloo… défendles huiles de schiste en tantqu’avocat de la société To-reador, active en Seine-et-Marne. Borloo, celui-làmême qui avait signé lespermis d’exploration de cesressources.

CORALIE SCHAUB

«Tout est fait pourdémobiliser en attendantdes jours meilleurs.»Nicole Bricq sénatrice socialiste

Gazdeschiste,rapportdifficileàexploiterÉNERGIE Alors que le Sénat reprend l’examen du projet,deux députés présentent un document contrasté.

Bloc de schiste, dans les ardoisières d’Angers. PHOTO ALAIN JOCARD. AFP

Plus de 90% des forêtstropicales «sont malgérées, voire pas du tout»,estime l’Organisation inter­nationale des bois tropi­caux dans un rapportpublié hier. Chaque année,«des millions d’hectaressont défrichés pour l’agri­culture, les pâturages, ousont dégradés en raison del’exploitation forestièreopérée à un rythme insou­tenable ou de nature illi­cite». Et «les forces quivont dans le sens de ladestruction, comme la ten­dance haussière des prixde l’alimentation et descarburants, risquentd’avoir raison de celles quifavorisent leur conserva­tion», poursuivent lesauteurs. L’avenir de cesforêts est décisif pourcelui du climat, 10% à 20%des gaz à effet de serreétant émis par la défores­tation. De plus, ces forêtsabritent 50% des espècesvégétales et animales de laplanète.

SOS POURLES FORÊTSTROPICALES

LE RAPPORTPar ÉLIANE PATRIARCA

La bactérie fatale Ecehgarde son mystère

L’ épidémie due à unesouche très rare de labactérie Escherichia

coli entérohémorragique(Eceh) – qui provoque desdiarrhées sanglantes et,dans les cas les plus graves,des troubles rénaux pouvantêtre mortels – a tué 24 per-sonnes depuis mai. L’état de700 autres malades est jugépréoccupant.

Connaît­on l’origine?Toujours pas. Après avoir untemps soupçonné des con-combres espagnols, les auto-rités sanitaires allemandespensaient avoir trouvé lasource dans une exploitationbio du nord du pays produi-sant des graines germées.Mais les résultats négatifsd’analyses se succèdent etrendent la tâche des enquê-teurs scientifiques allemandstoujours plus incertaine. Lesautorités attendent encoreles 17 échantillons restants

de l’exploitation suspecte.«Le temps qui passe rend deplus en plus difficile la recher-che, a indiqué hier à l’AFP unmédecin de l’Organisationmondiale de la santé. Sou-vent, ce type d’épidémies estcausé par un lot de productionunique et le temps que l’on enarrive à l’analyse, le lot estsorti du système.»

Les maraîcherseuropéens seront­ilsindemnisés ?La Commission européennea proposé hier de débloquerune aide de quelque 150 mil-lions d’euros en faveur desproducteurs de légumes et defruits confrontés à un effon-drement de leurs ventes. Lecommissaire européen àl’Agriculture, Dacian Ciolo,a précisé que le chiffre exactdépendrait des calculs despertes dans chaque payspour la période de fin mai àfin juin. •

DÉCRYPTAGE

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 201118 • TERRE

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LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011 ANNONCES • 19

Page 28: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

L’université reste à la traîne en matièred’égalité entre femmes et hommes. Alorsque 59% des diplômés de l’enseignementsupérieur sont des femmes, au grade leplus élevé, celui de professeur, on trouvemoins de 20% de femmes. Dans lesconseils centraux des universités, on

compte à peine plus de 20% de femmes. Moins de 10%des universités européennes sont dirigées par des fem-mes (11% en France). Les sciences réputées plus fémi-nines, comme la médecine, n’échappent pas au cons-tat: les femmes représentent 65% des étudiants, maisseulement 17% des professeurs au sein de l’Assistancepublique-Hôpitaux de Paris, moins de 8% des chefsde pôles. Certaines sections du Conseil national desuniversités dans les disciplines médicales ne comptentaucune femme ! L’université se prive ainsi de la ri-chesse qu’apporte la diversité humaine en termes decréativité, de qualité du travail en équipe, quand onassocie des hommes et des femmes. Plus encore, l’uni-versité s’obstine à renvoyer à la jeunesse l’image mas-culine et stéréotypée de son vieux professeur, et celled’un monde injuste envers les femmes. Les professeursétant garants de l’autorité scientifique, pédagogiqueet politique, l’accès aux postes de professeurs consti-tue certainement le plus important des verrous à fairesauter et d’abord à comprendre. Comment expliquerle manque de femmes à ce niveau?Les femmes font preuve de moins de motivation pourbriguer le titre de professeur. Cette véritable autocen-sure s’explique par une identification inadéquate austéréotype du chercheur: un homme, original, pas-sionné, génial et volontiers aventurier, libre et perdudans ses pensées. Dès leur plus jeune âge, les filles in-

tègrent cette imagepeu attractive duchercheur. L’ac-cession au poste deprofesseur est parailleurs un long

processus de séduction intellectuelle qui nécessite unesolide capacité d’autopromotion. Dans le registre dela séduction, la culture occidentale promeut encorele modèle de l’homme entreprenant, auquel répondcelui de la femme passive séductrice, dans l’attente dese voir proposer quelque chose. Lorsqu’il faut se ven-dre et vendre ses travaux dans les conférences interna-tionales, démontrer qu’on est le meilleur, quoi de plusnormal que les hommes soient plus à l’aise, quand lapublication du moi passe avant celle de la science? Enparlant avec de jeunes collègues, j’ai souvent étéfrappé de constater combien les femmes peuventéventuellement avoir envie de «passer prof», alors queleurs homologues masculins craignent de ne pas y par-venir, ce qui est fondamentalement différent. Lafemme ne se maintient-elle pas à son insu dans uneenvie imaginaire tandis que l’homme, pris dans l’enjeude la castration, redoute de perdre le symbole de pou-voir qui devrait naturellement lui revenir? J’ai connubeaucoup d’hommes littéralement effondrés à l’idéede ne pas réussir à devenir professeurs, peu de fem-mes. La différence de perception est énorme, elle par-ticipe à cette autocensure féminine.Le stéréotype du chercheur masculin influence égale-ment le jury lors du recrutement. On entre alors dansla discrimination. Les comités de recrutements sontcomposés de professeurs conformément au principed’évaluation par les pairs, donc majoritairementd’hommes. Tout processus d’entretien comprenantune tentation de reproduction, comme nous le rappelle

fort justement la Halde, il ne faut pas s’étonner d’unereproduction des élites masculines à l’université. Di-vers critères discriminants peuvent entrer en jeu in-consciemment. Les membres du jury penseront qu’unprofesseur doit faire preuve de charisme, avoir unevoix grave ou une grande taille, autant de propriétésplutôt masculines. Ils penseront que la recherche auplus haut niveau laisse peu de place pour les enfantsou la famille. Plus encore, l’esprit de conquête intel-lectuelle n’est-il pas associé à une certaine agressivité,un goût de l’aventure, considérés comme plutôt mas-culins? Ces stéréotypes profondément ancrés dansnotre culture biaisent les jugements du jury. Il faut en-fin ajouter le handicap lié aux charges de famille, en-core majoritairement assumées par les femmes. Al’université Paris-Diderot, 69% des professeurs sontpères contre seulement 57% de professeures mères:la maternité est une circonstance défavorable pour de-venir professeur. La jeune chercheuse et mère consa-cre moins de temps que son homologue masculin àaccumuler les publications, pourtant décisives lorsquele temps des évaluations quantitatives sera venu. Lajeune mère fréquente moins les conférences interna-tionales, car elle s’éloigne moins facilement de sonbébé. Elle se fait donc moins repérer au sein de sacommunauté, s’investit moins dans les réseaux, quiamènent pourtant reconnaissance, nouvelles invita-

tions à des conférences et nouvelles publications. Ceprocessus vertueux de cooptation, appelé «effet Mat-thieu», qui promet au scientifique qui s’expose d’êtretoujours plus exposé, défavorise les femmes. Sans par-ler des mères isolées, pour lesquelles la carrière uni-versitaire devient une gageure.Contre le phénomène d’autocensure, il faut montrerles chercheuses qui réussissent, multiplier les actionsauprès des étudiantes et des jeunes chercheuses pourles convaincre de l’intérêt que leur institution leur ac-corde. Les repérer, les accompagner, faciliter leur par-ticipation à des conférences, les aider à valoriser leurtravail. Contre la discrimination, s’efforcer de consti-tuer des comités de sélection aussi paritaires que pos-sible. C’est aussi le cas pour les conseils centraux del’université, pour lesquels une modification de la loiLRU permettra d’imposer des listes électorales alter-nant les femmes et les hommes. Il faut enfin rompreavec cette évaluation devenue tellement quantitativequ’elle est vidée de son sens. Cesser d’encourager lascience du moi, où les chercheurs font tourner la plan-che à publications en soignant leurs réseaux en suivantles effets de mode, en étant intensément présents etindividualistes. Refonder l’évaluation des chercheurssur une analyse profonde et qualitative de leur travail.L’évaluation des chercheurs sera de manière généraleun chantier prioritaire dans la prochaine décennie.

J’ai connu beaucoup d’hommeseffondrés à l’idée de ne pas réussirà devenir professeurs, peu de femmes.

Par VINCENTBERGERPrésidentde l’universitéParis­Diderot

Où sont les femmes? Pas dans lesuniversités françaises en tout cas

L'ŒIL DE WILLEM

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 201120 • REBONDS

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La répliquediplomatiquedu séismearabe

Et tout en est changé. Alors même quele printemps arabe n’a encore fait tom-ber que deux dictateurs et que, duMaghreb au Machrek, tous les autrestentent de passer la vague à coup deballes ou de promesses de réforme, ceséisme a déjà modifié le paysage inter-national.Américains et Français, les plus pré-sents des Occidentaux dans cette partiedu monde, se sont si bien convaincus del’irréversibilité de ce tournant qu’ilsjouent désormais la démocratie contrele statu quo. Grande amie des anciensprésidents égyptien et tunisien et enpleine phase de rapprochement avec lesdirigeants syrien et libyen, la France aopéré du jour au lendemain un tête-à-queue diplomatique. Elle qui trouvaithier tant de vertus aux dictateurs arabesest soudain devenue leplus actif de leurs ad-versaires. C’est elle quia bataillé au Conseil de sécurité pourarracher la résolution autorisant l’inter-vention en Libye contre le colonel Kad-hafi. Elle n’a pas hésité, pour cela, àouvrir un nouveau front avec l’Allema-gne dont elle a pourtant tant besoin enEurope et à tordre le bras aux Etats-Unisen leur faisant comprendre qu’ils pour-raient porter la responsabilité morale dumassacre annoncé à Benghazi.Au risque de perdre et de se retrouverseule, la France s’est mise en premièreligne contre le régime libyen et,aujourd’hui, c’est elle qui non seule-ment porte cette intervention à bout debras, mais se montre la plus dure contrele régime syrien qu’elle a fait sanc-tionner par l’Europe et tente de fairecondamner par L’ONU. La France veutà tout prix retrouver une image de dé-fenseur des droits de l’homme dans lemonde arabe, et le fait est qu’AlainJuppé n’a guère eu de mal à convaincreNicolas Sarkozy qu’elle se devait de lefaire pour y préserver ses intérêts à longterme.Aux Etats-Unis, le virage est tout aussiprofond même s’il n’y a pas de tête-à-queue pour la bonne raison que, dès sonélection, Barack Obama s’était directe-ment adressé aux peuples arabes, par-dessus leurs dirigeants, pour leur parlerde valeurs communes et de liberté. LaMaison Blanche n’a pas eu à changer depolitique en quelques semaines mais,après avoir acculé Hosni Moubarak etZine el-Abidine Ben Ali à renoncer aupouvoir et ainsi favorisé la contagion dece printemps, elle a maintenant assi-milé cette lame de fond à deux des mo-ments fondateurs de la démocratieaméricaine.

L’instant où «un jeune vendeur de lé-gumes nommé Mohammed Bouazizi s’estimmolé par le feu» dans le sud de la Tu-nisie rappelle la révolte des patriotes deBoston ou la «dignité» avec laquelleRosa Parks avait déclenché le mou-vement des droits civiques en allants’asseoir sur un siège d’autobus réservéaux Blancs, a estimé Barack Obamadans le discours qu’il a consacré, le19 mai, à «l’extraordinaire changementen cours au Proche-Orient et en Afriquedu Nord». C’est une «révolution» qui acommencé, a dit le président des Etats-Unis en expliquant qu’après avoir «ac-cepté, des décennies durant, le monde telqu’il était dans la région, l’Amérique avaitune occasion de travailler à ce que lemonde soit ce qu’il devrait y être». Lestatu quo du monde arabe est «intena-

ble» martèle-t-il, de-puis, d’une interven-tion à l’autre et, très à

l’avant-garde d’une opinion américainequ’inquiètent les incertitudes de cebouleversement, Barack Obama etHillary Clinton, sa secrétaire d’Etat, ontmaintenant lâché les présidents syrienet yéménite et accru la pression surBenjamin Netanyahou en faveur de lacréation d’un Etat palestinien dans lesfrontières de 1967.Comme la France, l’Amérique joue lelong terme en terres d’islam. Leursdiplomaties s’en rapprochent et en-traînent derrières elles les autres diplo-maties occidentales. La bataille de ladémocratie arabe en est renforcée et cen’est pas tout.Saisi d’un éclair de lucidité, MahmoudAhmadinejad, le très conservateur pré-sident iranien, voudrait aujourd’huidesserrer l’emprise du clergé sur sonpays pour empêcher que la révolte con-tre le pouvoir en place ne redémarre àTéhéran.Avant même de s’être donné de nou-velles institutions, l’Egypte reprend saplace de leader du monde arabe que laTurquie lui avait ravie lorsqu’elle avaitdurci le ton contre la droite israélienne.Sans rompre avec Israël, l’Egypte rede-vient le principal soutien des Palesti-niens tandis que la diplomatie turque,trop liée aux régimes en place, perdpied dans la région et que le Hamass’est rapproché du Fatah par crainteque son radicalisme ne l’isole.Les cartes se rebattent. La Russie elle-même a tourné le dos au colonel Kad-hafi et commence à se distancer du ré-gime syrien. On ne sait encore ni où niquand tout cela aboutira mais un ven-deur de légumes a bel et bien boule-versé le paysage international.

DIPLOMATIQUES

Par BERNARDGUETTA

Régions: lesgéographes veulentouvrir le débat

Dans le cadre des projets du GrandParis – pour lesquels l’architecteurbaniste Antoine Grumbach a pro-posé une urbanisation linéaire de la

capitale jusqu’à la mer – la réflexion surl’avenir de la Normandie a été largementouverte. Nous sommes des géographes, nousavons été associés individuellement à cer-tains aspects du débat, mais nous regrettonsqu’une réflexion n’ait pas été engagéeconcernant l’ensemble du territoire nor-mand, et que les intérêts de chacun, région,département ou grande ville, aient été le plussouvent préférés à une vision régionale etglobale dans le cadre de l’Hexagone et del’Europe. Conscients du temps que nousavons consacré à ces questions, nous pensonsutile de prendre position sur quelques pointsessentiels.Province historique, la Normandie, Haute etBasse associées ou réunies, constitue unebelle et grande région. Située à proximité desdeux plus importantes métropoles d’Europe,Paris et Londres, elle est à la fois terrienne et

maritime. Elle associe à toute la gamme desactivités économiques, agriculture, élevage,industrie, commerce maritime, pêche, tou-risme, un patrimoine naturel et culturel quifait le charme de ses campagnes, de son litto-ral et de ses villes. Le triangle des trois gran-des cités, Rouen, Caen et Le Havre, vaut bienune métropole de niveau européen, d’autantplus qu’il est complété par un réseau serré depetites villes et de villes moyennes. Pourautant, tout ne va pas pour le mieux dansl’univers normand. Un seul indice: la démo-graphie y est atone, le déficit migratoire sen-sible au profit de la région parisienne, surtoutchez les jeunes. Et le nom de Normandie,pourtant connu du monde entier, sembleplutôt dévalué en France et en Normandiemême. Entre une métropole parisienne deve-nue mondiale, un Nord-Pas-de-Calais en re-nouveau, une Bretagne pourtant partie deplus loin et des Pays de la Loire redynamisésautour de Nantes, toutes régions très actives,les deux petites Normandie seraient-elles de-venues un angle faible de l’Hexagone aprèsen avoir été longtemps un point fort ?La capacité d’initiative des collectivités lo-cales n’est pas en cause, mais leurs actionsse développent dans des périmètres limitéset elles peinent à se coordonner. Leur im-puissance récurrente à construire collective-ment un projet territorial s’est traduite pardes échecs successifs. Fragmentée par ses ri-

valités internes, la Normandie n’est pasen mesure de combler son retard dans le do-maine des communications. Elle est mal re-liée à l’aéroport de Roissy, pourtant proche,et l’absence de liaison ferroviaire perfor-mante de Caen avec Rouen et Le Havre resteune question ouverte. Le port du Havre estdépendant d’un hinterland trop limitéDes activités phares sont menacées à moyenou long terme: le pétrole et le nucléaire, lesindustries mécaniques, l’élevage… Pour lesrenouveler et en créer de nouvelles, il fautsoutenir des orientations transversales au dé-veloppement.La façade maritime de la Normandie ouvrela France sur l’une des mers les plus fréquen-tées du monde. Il convient de rompre avecl’absence d’une politique maritime natio-nale. La Région doit se donner les moyensd’intervenir dans les échanges internatio-naux, plus généralement dans le domainemaritime.L’amélioration des connexions de la Norman-die tout entière est un enjeu majeur: avec Pa-ris, les aéroports internationaux, le réseaudes trains à grande vitesse européen commeentre Caen, Rouen et Le Havre. Il faut aussiétendre et structurer les arrière-pays por-

tuaires en développant le fret ferro-viaire et la navigation fluviale.Le développement futur de la régionimpose d’amplifier et de diversifierles actions de formation initiale etcontinue, pour combler les retardsen matière de compétences qui pé-nalisent son développement écono-

mique, social et culturel. Il faut stimuler etaccompagner la recherche, l’innovation etles initiatives.Il est temps d’ouvrir sur ces questions un dé-bat citoyen qui ne se limite pas à des mani-festations médiatiques ou à une communica-tion institutionnelle. Il s’agit de combiner ledéveloppement économique avec la qualitédes relations sociales, le respect du cadre devie et l’épanouissement culturel.La Normandie qui a été illustrée parGuillaume le Conquérant, Alexis de Tocque-ville, Gustave Flaubert, et qui a été le berceaude l’Impressionnisme et de beaucoupd’autres créations artistiques et culturelles,ne doit pas être seulement considérée commeun espace économique mais aussi comme unespace vécu, qui doit tenir toute sa place dansles grandes évolutions du monde. Ainsi pour-raient converger, avec audace et esprit decoopération, les initiatives et les volontéspour promouvoir un nouveau modèle de dé-veloppement.

Arnaud Brennetot (Rouen), MadeleineBrocard (Le Havre), Pascal Buléon (Caen),

Michel Bussi (Rouen), Sophie de Ruffray(Rouen), Anne-Marie Fixot (Caen), Armand

Frémont (Caen et Paris), François J. Gay(Rouen), Yves Guermond (Rouen), Robert

Hérin (Caen), Bruno Lecoquierre (Le Havre),Laurent Lévèque (Le Havre)

Par DOUZE GÉOGRAPHESdes universités de Caen, du Havre et deRouen à propos du débat sur la Normandie

Nous regrettons qu’une réflexionn’ait pas été engagée concernant laNormandie et que les intérêts dechacun aient été préférés à une visionglobale dans le cadre de l’Hexagone.

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011 REBONDS • 21

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A dieu frites et mousse auchocolat : c’est auterme d’insupportablessacrifices que le candi-

dat à la primaire socialiste Fran-çois Hollande a récemment fondude 15 kilos. Comme lui, de plus enplus de mâles succombent aux si-rènes de la ligne soignée, du gri-gnotage sacrifié, du capitondompté. Du député des YvelinesDavid Douillet (-35 kg), au prési-dent du Sénat, Gérard Larcher(-15 kg), en passant par l’anima-teur Magloire (dans un autre re-gistre) : c’est sûr, ces messieursentendent bien lutter avec leurbalance. Ils ont probablement rai-son, puisque selon l’OCDE,en 2006, 42,5% des hommes fran-çais étaient en surpoids, contre31,5% de leurs concitoyennes.

VULNÉRABLES. Conséquence: leshommes font leur apparition dansles salles d’attente des nutrition-nistes. «Les hommes représententenviron 20% de mes patients, ob-serve le docteur Arnaud Cocaul(1).Cette proportion tend à augmenter,lentement.» Alors, les mecs se-raient-ils des obsédés du corpsparfait? «Non, ils ne sont pas aussisujets au diktat de la minceur que lesfemmes, qui viennent pour des rai-sons esthétiques. Ce qui pousse leshommes à consulter, c’est davan-tage des préoccupations liées à leursanté. De l’apnée du sommeil, dudiabète, du cholestérol, ou encore uninfarctus dans la famille», expliqueArnaud Cocaul. Pour lui, certainsprofils sont plus vulnérables qued’autres, notamment les milieuxsocioprofessionnels favorisant leshoraires décalés et les gros repas(commerciaux, cadres supérieurs,routiers, ou encore politiques).A cela s’ajoutent les mises engarde de l’Organisation mondialede la santé, pour qui l’obésité et lesurpoids tuent près de trois mil-lions d’adultes dans le mondechaque année. «Il est rare que leshommes viennent d’eux-mêmes, ilspréfèrent plutôt la politique del’autruche, jusqu’à ce que leur

épouse ou leur médecin de famille lesincitent à consulter.» A noter quecertains courageux disent enta-mer un régime par solidarité avecleur femme.

VIRILS. D’autres franchissent lepas après avoir repris les kilosqu’ils avaient perdus seuls, via lesrégimes en vogue comme celui duDr Dukan. La célèbre diète hyper-protéinée, qui autorise la viande àvolonté, séduit les carnivores vi-rils en mal de jouissance alimen-taire. Parmi ses illustres adeptes,on notera la présence de Jean-LucMélenchon et de Jean-MarieLe Pen. «Ces hommes veulent réglerleur problème de poids rapidementcomme on règle un problème dechasse d’eau, déplore le docteurCocaul. Or, il faut prendre encompte leur mode de vie dans saglobalité, leur temps de sommeil,leurs antécédents familiaux pour es-pérer une solution durable. Qui plusest, ce type de régime pourrait en-gendrer des comportements com-pulsifs par la suite.»Justement, côté mode de vie, lesexe fort se distingue. Là où la fe-melle grignote du sucré devantDesperate Housewives, le mâle, lui,a une tendance à l’hyperphagie.«L’homme, comme Obélix, peut fa-cilement engloutir les aliments,manger bien au-delà de ses besoins,mais souvent à table», remarqueCocaul. Et boum : la balance ap-pelle à l’aide, et le surplus va senicher sur les fameuses poignéesd’amour, ou la bedaine. Cette pe-tite bouée devient alors l’indica-teur de la présence de graisse dansle corps, et donc d’un possibledanger. Les publicitaires l’ontbien compris: dans les rayons pa-rapharmacie trônent désormaisdes frictions pour abdos, des crè-mes amincissantes de nuit, descompléments alimentaires conçuspour les hommes. Le géant du ré-gime à points Weight Watchers aconçu un programme rien quepour eux. C’est sûr, les hommespromettent de peser lourd sur lemarché des régimes. •(1)Co­auteur de «Maigrir aumasculin», éd. Marabout, 7,90 euros.

BALANCE La perte de poids n’est plus une obsessionexclusivement féminine. Les hommes, qui ont aussi leurs petitscomplexes, se mettent au régime et n’hésitent plus à consulter.

Les kilos font mâlePar VIRGINIE BALLET

Qui a dit: «Il fautsouffrir pour êtremince»?PHOTO MATHIEU DELUC.GALLERY STOCK

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 201122 •

VOUS

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U ne heure quarantepar jour à pouponnerpour les femmes con-

tre quarante-deux minutespour les hommes. Un écartcoriace auquel l’Inspectiongénérale des affaires sociales(Igas) a décidé de s’attaquer.Dans un rapport rendu hierà la ministre des Solidaritéset de la Cohésion sociale, Ro-selyne Bachelot, l’Igas pro-pose pour ce faire une sériede 25 mesures destinées à

encourager les pères à s’im-pliquer davantage dansl’éducation des enfants.«L’égalité professionnelle entreles femmes et les hommes, et,dans son sillage, l’égalité so-ciale, ne peut être atteinte tantqu’il y aura un partage inégaldes responsabilités domesti-ques et familiales», avanceBrigitte Grésy, de l’Igas. Pourfavoriser ledit partage, l’Igaspréconise la création d’uncongé d’accueil de l’enfant,d’une durée de deux mois, àrépartir à égalité entre le pèreet la mère. Cette mesureaurait peu d’impact sur ladurée du congé de la femme:il resterait de seize semaines(douze de congé maternité etquatre de «semaines d’ac-cueil»). Le changement seraiten revanche de taille pour lespères: leur congé paternitépasserait de onze jours ac-tuellement à un mois.

Selon l’Igas, même si lesdeux tiers des hommes pren-nent actuellement leurs onze«jours bébé», ils redoutenttoujours une «stigmatisationou une réprobation de leurs su-périeurs hiérarchiques» s’ilsdemandent un congé lié à lafamille. Alors même si cecongé paternel d’un moisn’était pas obligatoire, il sedevrait suffisamment at-trayant pour encourager leshommes à sauter le pas.

L’idée de l’Igas ?Accorder un bo-nus sous la formed’une semaine decongé supplé-mentaire à ceuxqui décideraientde prendre cemois avec leur

nourrisson. A l’inverse, pasde cadeau pour les récalci-trants: ce mois de congé pa-ternité serait «non transféra-ble», en clair perdu. Pasquestion d’en faire profiterleur épouse.Autre nerf de la guerre : ladurée du congé parental, quipeut aller jusqu’à trois ans.Trop long, pour l’Igas, quivoudrait le voir réduit à unan. Là encore, les femmessont les plus concernées :seuls 4% des hommes pren-nent un congé parental. Pourque le dispositif en séduisedavantage, l’Igas suggère demieux le rémunérer : d’unforfait de 140 à 550 euros parmois, il passerait à une in-demnité équivalente à 60%du salaire antérieur brut. Unetable ronde Etat-syndicats-patronat autour de ces ques-tions est prévue le 28 juin.

VIRGINIE BALLET

LANGES Un rapport préconised’allonger le congé paternitéde onze jours à un mois.

Les pères vont-ils décrocherle poupon?

CagoleBen non, vous ne pourrez plus dire, «mais, c’est quoi unecagole»? Ce mot, employé principalement dans le Sud etdésignant une «jeune fille, jeune femme qui affiche uneféminité provocante et vulgaire», fait partie des nouveauxentrants du Petit Robert 2012, aux côtés de cougar, twee­ter, smartphone, vuvuzela, bisphénol, Facebook, e­learninget surtout (quand même il était temps) caïpirinha. S’y ajou­tent au rayon noms propres, 80 personnalités, dont Char­lotte Gainsbourg, Isabelle Autissier, Vanessa Paradis ouencore Sébastien Chabal et Frédéric Beigbeder.

«L’égalité professionnelle[…] ne peut être atteinte tantqu’il y aura un partageinégal des responsabilitésdomestiques et familiales.»Brigitte Grésy membre de l’Igas

YVAIN 28 ANS, 1,73M, 77KG: ­13KG

«Je me fais draguerplus souvent»«J’ai eu un déclic lorsque j’ai vu une vi-déo de moi. J’avais un gros bide, uneimage qui ne collait pas du tout à celleque j’avais de moi. Ça a été un choc. J’aivoulu maigrir seul, en grappillant quel-ques conseils dans mon entourage. Pourautant, je ne disais pas que j’allais faireun régime. Sinon, les gens ont tendanceà dire: “Mais non, tu es bien comme tues”. Je voulais mettre mes proches de-vant le fait accompli, leur montrer quej’en étais capable. Du coup, lorsque j’airéussi, j’ai retrouvé mon estime de moi.J’étais capable de m’en tenir à un ob-

jectif, avec motivation. Je me suis sentiplus fort, plus affirmé. Mes relationsavec les autres ont changé aussi : j’ail’impression qu’ils viennent plus facile-ment vers moi, et inversement. Je mefais draguer plus souvent, et du côté dema vie intime, j’ai beaucoup moins decomplexes. Je ne redoute plus d’aller àla plage, et je me suis habitué à ma nou-velle image. Mon regard sur les autresa changé. Cela peut paraître cruel, maisparfois quand je vois une personne en-robée, je me dis qu’elle doit manquer devolonté.»

BRUNO 47 ANS, 1,85M, 110KG: MÉTHODE DUKAN, ­20KG

«Une satisfactionde midinette»«Mon poids a toujours été un vrai com-plexe, qui m’a empoisonné l’existencedepuis mes 12 ans. Je me trouvais pasélégant, sans allure. Et puis le poids estce qui définit une personne quand on lavoit pour la première fois, et peut doncêtre un obstacle à la séduction. Je mesuis toujours senti comme invisible ensociété, parce que pas spectaculaire.D’autant que je suis d’un naturel ti-mide. Mais je pense que ce physique aen partie influencé ma personnalité. Jerenvoyais l’image de quelqu’un de bon-homme. On me fixait du regard quandun ascenseur se bloquait. Et puis ça af-fectait mon bien-être: j’avais mal auxgenoux, aux chevilles, au dos, j’étaisessoufflé… Du coup, j’ai fait le régimeDukan avec ma femme. Quand je disaisça autour de moi, ça déclenchait une

hystérie absolue, et une avalanche dequestions sur la méthode, sur mes re-pas… Tout le monde voulait donner sonavis, hommes et femmes confondus,mais ce genre de conversations sur lesrégimes m’ennuie prodigieusement.J’étais curieux de voir le résultat decette métamorphose, un peu commequand on va chez le coiffeur. Mais jen’avais pas le sentiment d’avoir accom-pli un quelconque exploit, je ne me senspas particulièrement fier de cette pertede poids. Je me sens beaucoup mieuxdans mon corps et ma complicité avecma femme s’en est trouvée renforcée.Je me sens plus séduisant vis-à-visd’elle. Par contre, j’éprouve une satis-faction de midinette à acheter des jeansde trois tailles plus petits, et à m’aven-turer dans de nouveaux rayons.»

ZACHARIE 26 ANS, 1,70M, 66KG: MÉTHODE DUKAN, ­4KG

«On en parle aussientre nous»«Je me sentais gros des hanches et desjoues. Je travaille souvent à domicile, ducoup je ne faisais pas de vrais repas. Jemangeais un peu toute la journée : dufromage, des biscuits, et à la pause desbarres chocolatées. J’avais des collèguesfemmes qui avaient testé la méthodeDukan. Ça me convenait bien à causedu côté “à volonté”, et de la place desprotéines. Mais surtout, j’avais besoinde retrouver un rapport normal à lanourriture, un cadre. Sans forcément

aller jusqu’à voir un médecin, ce que jecraignais un peu. Et puis, le régime mé-dicalisé a une image un peu diabolisée.Je ne pense pas qu’il y ait de réel tabouautour des régimes masculins, mais lesgens ont tendance à penser que ça nousrend tristes. On en parle aussi entrenous, simplement les femmes ne le sa-vent pas. Il nous arrive de blaguer là-dessus, aussi. Même si on subit moinsla pression médiatique, on a aussi nospetits complexes !»

La reproductionde nos petites annonces

est interdite

Le CarnetChristiane Nouygues

0140105245

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CARNET

NAISSANCE

Gabriella ZALAPI etFrançois SERGENT

sont heureuxd'annoncerla naissance de

Max EdmondZALAPI SERGENT

le 18mai àGenève.

SOUVENIRS

MikeYVE08/06/70 - 08/06/08

"De l'autre côté des tombeauxles yeux qu'on ferme,

voient encore."Sully Prud'homme.

Nous ne pouvons croireque tes yeux soientà jamais fermés.

Tu étais notre phare ;Tu guidais nos pas.

Tunous inondais d'Amour.Notre douleur est infinie.

Tu es à jamais dans nos cœurs."Tes petits parents."

CONFÉRENCES

Je peux pas écrire uneimageheureuse,

malheureuse ou le souvenirsordide demon enfance.

Mais permettez-moi.Je crois qu'aujourd'hui ce quinous permet d'avancer etd'être c'est ce rétroviseur.Sans ce rétroviseur nousn'aurions pas d'histoire,de souvenirs, d'images

heureuses etmalheureuses,sordide oupas.

Cemoteur de l'enfance quifait que nos pas sont guidés.Ce que je peux encore vousdire, c'est de regarder ce

rétroviseur, d'aller chercherdans ce passer douloureuxoupas, pour être demain.

Sachez, qu'on le veuille ou pasles souvenirs sont.Malade oupas,

alzheimer oupas.

IL restera toujours ses tiroirs,une pensée,un souvenir.Isabelle T.

[email protected]

ZALAPI SERGENT

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011 VOUS • 23

Page 32: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

ROCK Originaire du Dakota du Sud, Erika M. Anderson livreun premier CD à vif à l’image de son histoire tourmentée.

E lle est assise sur un coin de banc dansune boutique hype parisienne, cloperoulée rivée aux lèvres, on lui parled’un horizon lointain: six mois. «Si

ça se trouve, je retourne pécher à la ligne etboire des mousses sur un lac du Dakota ; je re-jetterai toujours les poissons.» Erika M. An-derson, alias EMA, 29 ans, cultive ses contra-dictions avec un brin de délectation. Le côtéSuicide d’une fille qui sent bien, malgré tout,qu’un avenir se dessine en majuscule. Touten rupture, que Past Life Martyred Saints,feulements et fracas, dans les bacs depuis

lundi, capte à coups de boutures post-folknoisy et d’arrangements soignés, guitares sa-turées et intimisme tendu.EMA laboure. Un rock épuré, sans poses(«l’instinct, l’exploration et l’obsession»),qu’elle creuse et jardine sur des terres de ca-tharsis chaotiques. Fraîcheur scotchante, ru-gosité évidente, tout en strip mélodiqueémotionnel et en trip verbal trashy. Avec elle,la noirceur tient de l’éclipse: le rai de lumièrepointe. C’est courageux, libre. L’itinéraired’EMA est à son image : sincère et cash.

COUPS. Erika M. Anderson vient de SiouxFall, capitale de 150 000 âmes d’un Etatpaumé, le Dakota du Sud. Elle raconte le

plaisir de rouler des heures: «Mon bled, c’estla terre plate. Si linéaire qu’on a le sentiment depouvoir conduire sans fin.» Dans un seul but,parfois : «Se taper vingt heures aller-retourpour aller mater un groupe à Chicago»,s’amuse celle qui a appris à torturer la guitareseule dans sa chambre, griffonnant ses étatsd’âmes et cherchant le grand air tempétueux.The Grey Ship qui ouvre l’album, sur plus desept minutes en atteste, embarquant du lo-fiau high-fi pour finir au bord du gouffre, vouslaissant médusé.Les artistes ne courent pas les rues à SiouxFall : «Je n’en ai jamais rencontré un seul. Ici,c’est roots, thrash et très blanc.» D’où ce song-writing méticuleux incubé dans l’intimité de

l’adolescence tourmentée d’une fille qui setrouve «trop grande». Grandie trop vite? Elleen a pris, EMA, des coups, son côté héma-tome. «I wish that every time he touched me heleft a mark», chante-t-elle. De quoi enracinerun féminisme qui va bien au-delà du riot grrl,mouvement nana punk des années 90. «Moi,c’est plus simple: j’ai toujours un côté fouteusede bordel, à me battre avec les garçons, à m’af-firmer. Fille et rock ? Incompatible chez nous.Faut dire qu’on s’emmerdait à un point tel qu’ona souvent frôlé le non-retour.»

AZIMUTS. L’aller simple : EMA le décrocheà 18 ans. C’est sa mère, médecin, qui luidonne un bon de sortie. Direction Los Ange-les, «un choc culturel, le grand écart absolu auxEtats-Unis». Autant qu’un prolongement. Laférue de vidéo tricotée chez elle file dans unefac dédiée aux images; l’abonnée aux soiréesalcoolisées se retrouve au cœur de la vie un-derground, «déglingue, créativité, construc-tion, destruction». Résultat un rien anxio-gène: «These drugs are making me so sad/AndI can’t stop taking them» (ces drogues merendent si tristes/ Et je n’arrive pas à cesserd’en prendre).La voilà fille sous influences tous azimuts,«frayant entre noise, rap, hip-hop, electro»,dit-elle, auteur d’une reprise très noise-punkde seize minutes de la légende blues RobertJohnson. Pourquoi lui ? Parce que, dit-elle,et elle se met à chanter de son timbre trèsKim Gordon (Sonic Youth). «Les paroles sontl’héritage de mes grands parents, venus deSuède et des mises à nu», précise encore ErikaM. Anderson.Los Angeles l’a mise sur le flanc et elle le luirend bien («Fuck California/You made me bo-ring»). Elle ne s’y est pas toujours ennuyée.

Gowns, qu’elle forme et triture avec Ezra Bu-chla, son ex-boyfriend, tient de l’abîmepost-folk noisy; cela durera cinq ans et (plusou moins) trois albums. Une expérience mu-sicale et intime qui la voit chanceler au bordde l’abîme et jouer les trompe-la-mort. Elleen a, dit-elle, réingurgité une vulnérabilitéet une force de survivante.Il faut l’écouter, entre deux fous rires, revenirpar exemple sur ces cinq ans, où elle ensei-gna à Berkley dans la banlieue d’Oakland.«Un truc de fou, stressant et exaltant. Jen’avais aucun programme précis à suivre,aucune formation. Pas d’autorité, rien…» Uneexpérience éprouvante. «Ils jouaient aux désdans la classe, se mettaient sur la gueule.» ABerkeley, se marre EMA, «on se lançait dansdes improvisations théâtrales conceptuelles desix heures», des écoutes de John Cage où ilfallait danser: «Je leur demandais de dessinerce qu’ils écoutaient.» Bilan? «Quand vous te-nez une classe de 30 enfants, croyez-moi, çaforme, vous pouvez tenir une scène.»On a pu commencer à vérifier la chose à lafaveur d’un premier passage (éclair) enFrance de la dame, le 9 mai, au Café de ladanse, à Paris, en première partie de ScoutNiblett. Il y a de la foudre canalisée dans sonpetit monde qui tente à se faire entendre. Duchaos orchestré. Un don de soi et une déter-mination qui l’ont poussée à surmonterl’autodestruction. Elle en émerge, touchéepar une grâce mutine et mature. Un tour deforce grungy, acide, et frais. •

EMA PAST LIFE MARTYRED SAINTS(Souterrain Transmissions).

Par CHRISTIAN LOSSONphoto AUDOIN DESFORGES

Aimez EMA

Fraîcheur scotchante, rugositéévidente, tout en stripmélodique émotionnel et en tripverbal trashy. Avec elle,la noirceur tient de l’éclipse.

EMA, le 9 mai à Paris. Erika M. Anderson vient de Sioux Fall, capitale de 150000 habitants d’un Etat paumé.

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CULTURE

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A ttention aux faussesannonces: vendredi,Kaiser Chiefs n’a pas

sorti son nouvel album TheFuture Is Medieval. Non, cejour-là, le groupe popultrabritish a ouvert un self-service. D’un genre nou-veau, musical et ludique,crucifiant en direct touteidée d’album concept maî-trisé par son seul auteur. Ouqui, autre point de vue,prend acte du fait que, sur leNet, les disques se consom-ment en tranche –et qu’il estvain de lutter contre.Néo­Tupperware. Ce ven-dredi 3 juin, les garçons deLeeds, qui ont connu leurheure de gloire avec le titreRuby en 2007, ont mis en li-gne sur leur site un stockde 20 nouvelles chansons. Enproposant à l’internaute d’enécouter une minute de cha-que, d’en sélectionner 10, deles aligner dans l’ordre qu’ilsouhaite; bref, de composersa propre playlist, qui prendici valeur d’album person-nalisé. Le site propose à l’in-téressé de composer aussi sapochette, à base de pictos.

En kit, bus à impériale, ca-bine de téléphone rouge, taxilondonien… (manquent lepot de Marmite et le melon),à glisser, zoomer, orienter àfaçon. Coût du CD virtuel :7,5 livres (8,40 euros). L’édi-teur, Fiction Records (labeldu tonton Cure) ne va pasjusqu’à envoyer à l’acheteurl’album avec sa jaquette.Laissant cette prérogative augroupe qui, d’ici à quelquessemaines, livrera sa propreversion.L’enjeu et l’originalité, aufinal, sont ailleurs. Sur uneautre page du site, lescompilations sont mises envente à destination de ceuxqui n’auraient pas envie dejouer. Pour chaque CD per-sonnalisé vendu, «l’auteur»perçoit une livre, pourcen-tage plus élevé que celui re-versé au groupe selon Fictionqui a potassé le sujet : 8 al-bums vendus et le vôtre estpayé ! Pour faciliter la tâchede cette activité néo-Tup-perware, le site propose unesérie de liens à mettre survos pages Facebook etTwitter.

Car c’est bien votre réseauqui est visé. Derrière l’opé-ration «Faites votre album»se lit la volonté de combattrele téléchargement illégal.Vous piratiez, eh bien vendezmaintenant. Ne partagezplus à l’œil vos liens et play-lists, faites payer vos amis.Faites-nous de la pub et fai-tes-vous de l’argent.Compile. Un beau discoursqui n’empêche pas les mor-ceaux de circuler gratuite-ment sur le Net. Le label sedit cependant ravi du sys-tème, dont la nouveauté gé-nère sa propre publicité.Ainsi, le journal anglais TheGuardian a-t-il réalisé sapropre version, «la» bonnecompile, «l’album que nousvoulions que Kaiser Chiefscompose».Sur le site du groupe pop,l’album labellisé Guardianest en bonne place parmi lesalbums les mieux vendus. Legroupe pouvait-il rêvermeilleure critique ?

RICHARD POIROT

Kaiser Chiefs «The Future IsMedieval» (Fiction Records).http://www.kaiserchiefs.com.

FAIT MAISON Le groupe anglais propose auxinternautes de personnaliser leur nouvel album.

Kaiser Chiefs,à chacun son menu

Moziimo Pop française mutantemais énergique La Boule noire,120, bd Rochechouart, 75018.Ce soir, 19h30.

Is Tropical Electro pop anglaisePoint Ephémère, 190, quai deValmy, 75010. Ce soir, 20h.

Louis Bertignac Retour rockde l’ex­(futur?) guitariste deTéléphone (et Bruni­Sarkozy)Olympia, 28, bd des Capucines,75009. Ce soir, 19h30.

Ben Howard folk anglais dont lanotoriété grimpe sur InternetLa Flèche d’or, 102 bis, rue deBagnolet, 75020. Ce soir, 20h.

System of a Down Metalaméricain Palais omnisport deBercy, 75012. Ce soir, 20h.

MÉMENTO

1200C’est le nombre de modèles originaux du couturierBalenciaga (Cristobal) qui viendront rehausser en roule­ment le musée de 5000 m2 dédié à sa mémoire, ouvertmardi au village de Getaria (Espagne), en présence dupair couturier Givenchy (Hubert de), entre autres têtescouronnées.

«Malaparte», biographie priméeLe prix Goncourt de la biographie a été décerné, mardi, àl’ambassadeur de l’Italie auprès de l’Unesco et écrivain Mau-rizio Serra pour Malaparte, vies et légendes (Grasset).L’ouvrage, consacré à l’auteur de Kaputt et la Peau, avait déjàreçu en février le prix Casanova.

Un Hollywood-bis à Toulouse?Un studio de cinéma hollywoodien au nom confidentiel s’ins-tallerait sur une base aérienne désaffectée de Toulouse-Fran-cazal. Le lieu serait idéal grâce aux hangars et locaux déjà enplace, ainsi que la piste d’atterrissage, propice aux déplace-ments intercontinentaux. Un budget de 80 millions d’eurosserait nécessaire pour remettre le site en état.

«Je suis très ému derecevoir ce prixauquel j’attache unevaleur sentimentale.J’avais vu dans monenfance ledocumentaired’Alain ResnaisToute la mémoiredu monde, sur leparcours d’un livrearrivant à la BNF, etce film m’a donnéenvie d’écrire.»Le romancier PatrickModiano recevant, lundi soir,le prix de la BNF 2011, quiavait précédemmentcouronné l’œuvre au longcours de Philippe Sollerset, plus curieusement, cellede l’auteur de Tombeaupour 500000 soldats,Pierre Guyotat

L’évocation débute ainsi : «Je me souviens d’être né lemême jour que Jean Ferrat, Régine et Phil Spector.Comme je préfère la mer à la montagne, ne suis pas teinten roux et déteste les armes, je crois que je m’en suis plu­tôt bien sorti.» Cinq cents dix «Je me souviens» plus loin,on repose le livre, comblé. Signé Philippe Dumez, pseudod’un garçon curieux et cultivé œuvrant dans l’industrie dudisque, 39 ans 1/2 pour tous revisite, à travers le prismed’une nostalgie tour à tour affectueuse, cocasse et bidon­nante, une trentaine d’années d’attirance compulsivepour la scène pop­rock française et internationale. Duvinyle au MP3, on croise ainsi les noms de Dinosaur Jr.,Herman Düne, Low, The The, Miracle Legion, Kiss (!) ouDavid Hallyday (!!), brassés au gré d’un récit intime etsavoureux où plus d’un(e) aura l’occasion de compatir oude s’identifier, voire les deux à la fois. G.R.«39 ans 1/2 pour tous», de Philippe Dumez, Inmybed, 12e.

PHILIPPE DUMEZ FÊTE SES «39 ANS 1/2»

LE LIVRE

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McConnell s’isole au World Press PhotoCrépuscule à Kinshasa, Joséphine NsimbaMpongo et son violoncelle s’ouvrent un es-pace d’harmonie après l’ardeur de la jour-née… A 37 ans, cette Congolaise fait partie del’unique orchestre symphonique d’Afriquecentrale. Cet instantané 2011 (photo) a valuau photographe irlandais Andrew McConnellle prix Arts et Spectacles, catégorie «photosisolées», au World Press Photo 2011. Il faitpartie de ces visuels contrastant avec l’uni-

vers accablant de la sélection proposée, oùl’horreur côtoie l’insolite. Chaque cliché pré-sente une réalité brute, sans ornements et ra-conte son histoire. Au-delà du reportage,l’objectif est artistique. Témoins inédits del’année 2010, ces vues aident à varier les re-gards sur l’actualité.

H.G et C.BGalerie Azzedine Alaïa, 18 rue de la Verrerie,75004. Jusqu’au 21 juin. Entrée libre.

Le magazine américainPeople, référence établieen la matière, officialisedans sa pénultième éditionle recasage sentimental duBeatles mignon joufflu dela légende (aujourd’hui lordvénérable de 68 ans), avec

Nancy Shevell. Des photos de rue prises à Paris attestentl’adoubement par sa fille styliste Stella (épouse AlasdhairWillis) au nom, semble­t­il, de toute la fratrie (cinq autotal) de la successeure des deux précédentes épousesdu chanteur: Linda (morte de cancer en 1998) et HeatherMills, la belle unijambiste fatale, divorcée à la dure àcoups de milliards en 2008. Nancy Shevell, 51 ans et unenfant, est cadre dans une société de construction fami­liale et, selon un cousin, ne recherche surtout pas l’expo­sition. Apparemment mûri et décidé à la faveur d’unvoyage au Pérou sur fond de tournée sud­américaine durockeur increvable de Drivin’ Rain, à l’affiche de Rave On,hommage à Buddy Holly de sortie (où «Macca» interprèteun rugissant Its’ so Easy), le remariage en vue s’annoncerésolument intime. PHOTO ERIC THAYER. REUTERS

MC CARTNEYRECASÉ, (RE)MARIAGE EN VUE

LES GENS

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011 CULTURE • 25

Page 34: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

JEUX VIDÉO Le géant américain entend dépasser Sony et Nintendo viades accessoires toujours plus sophistiqués présentés au salon de Los Angeles.

A l’E3, la Xboxde Microsoft vise le KOC haque année, en prélude à

l’ouverture de l’E3, le salon mon-dial des jeux vidéo, les trois grandsconstructeurs de consoles tien-

nent à Los Angeles leurs conférences depresse, des événements qui relèvent davan-tage du show de présentation plutôt que del’exercice journalistique. Et, comme cha-que année, c’est l’américain Microsoft, lapuissance invitante, avec le privilège dejouer à domicile, qui a ouvert le feu d’artifi-ces.Détecteur. Le véritable objectif de Micro-soft pour sa Xbox 360 n’a été annoncé qu’àla dernière minute de la mégaconférencetenue lundi matin au Galen Center, à quel-ques encablures du salon lui-même: «Aprèsavoir été la console la plus vendue aux Etats-Unis l’an dernier, la Xbox sera la console laplus vendue dans le monde cette année.»Deux importantes données implicites per-mettent de mieux comprendre le sens decette formule. D’une part, la baisse desventes de la Wii (Libération d’hier) qui apermis à la console de Microsoft, dans lafoulée du succès de Kinect –son accessoi-re-caméra détecteur de mouvements–, deprendre la première place des ventes sur leterritoire américain (tout en restant, àl’échelle mondiale, loin derrière la consolede Nintendo). Mais d’autre part, 2010 aaussi été l’année d’un regain de la PlaySta-tion 3 de Sony, qui a pris de justesse l’avan-tage sur la Wii dans le monde. Au total, de-puis sa création, la Xbox reste toutefois loindevant la PS3, grâce essentiellement au

marché américain. Il s’agit donc pour ellede capitaliser sur ses indéniables succèsstratégiques et de reproduire au niveaumondial la performance réalisée sur son sol.Avec déjà plus de 10 millions de Kinectvendus, la route semble toute tracée pourMicrosoft, qui a donné à Los Angeles unavant-goût des développements qui se des-sinent autour de sa caméra à reconnais-sance de mouvements dont les fonctionna-lités ne cessent d’augmenter au fil desmises à jour (la reconnaissance vocale du

français, langue, paraît-il, compliquée àmodéliser, devrait notamment voir bientôtle jour). Parmi les innovations les plus frap-pantes, l’introduction du Kinect Fun Labs,déjà disponible via l’update à télécharger.Cette application semble porter des pro-messes en effet amusantes, parce qu’elleslaissent libre cours à la créativité imprévuedes joueurs: tracer du bout de l’index dessillons lumineux dans un espace 3D, profi-ler un avatar enfin ressemblant par capturedirecte de sa propre image, modéliser tou-tes sortes d’objets…Mais le cœur du business est naturellementailleurs, comme le démontre la liste im-

pressionnante de jeux Kinect annoncés àLos Angeles, qu’ils soient des exclusivitésde la maison Microsoft ou des adaptationsde licences fameuses, comme Mass Effect 3de Bioware, qui dotera le fameux lieute-nant Shepard d’un nouveau pouvoir: la re-connaissance vocale. Des titres aussi popu-laires que Fifa, Star Wars, Ghost Recon,Fable (nouvel épisode appelé The Journey),ou Gears of War se voient eux aussi kinecti-sés. Plus prévisibles, grand public ou en-fantins, des extraits de Kinect Sports 2,

Disneyland Adventures ouOnce Upon a Monster (déve-loppé par Tim Schafer) ontégalement été présentéslundi.Engagements. Enfin, parmiles annonces visant à placerla Xbox 360 au cœur desusages multimédias, l’arri-

vée de YouTube (rejeton de l’empire en-nemi Google) et de Bing (moteur de re-cherche de Microsoft) sur le Xbox Livereprésentent certainement les deux enga-gements stratégiques les plus éloquents.Souvent insensibles à Kinect, les hardcoregamers n’ont pas été négligés: une compi-lation HD de la trilogie Halo est sur lesrails, ainsi qu’un Halo 4 et un Forza 4, dontles premières images ont assuré un specta-cle tonitruant. De quoi tenir jusqu’auxconférences de Sony et Nintendo, dontnous rendrons compte demain.

Envoyé spécial à Los AngelesOLIVIER SÉGURET

E n une, un poing levé fortementpixelisé. Avec le changement etle numérique au programme,

le CB News nouveau, en kiosqueaujourd’hui (100 pages, 7,50 euros),croit aux lendemains qui chantent. Sixmois après la rampe périlleuse du tribu-nal de commerce, le magazine de lacommunication et de la publicité est ànouveau dans la place. Fondé en 1986par Christian Blachas, animateur deCulture Pub, il a été repris par le BelgeDupuis Presse. «Cinquième génération»,précise Xavier Dupuis, dont la famille aabandonné l’édition de bande dessinéedepuis plus de trente-cinq ans.Le groupe, qui édite notamment les ma-gazines belges Voyages, l’Evénement, laGazette diplomatique, avait lancé un titresimilaire sur le monde des médias et de

la commu-n i c a t i o nen 1987,intitulé Me-dia marke-ting. «Mais ila atteint sonp é r i m è t red’extensionmaximum,ajoute Xa-vier Dupuis,le président

du titre. Nous avons profité de l’opportu-nité de CB News pour nous développer endehors de nos frontières.» Les Dupuis ontdonc investi 760000 euros pour rache-ter la marque en janvier et la relancer,avec l’objectif d’arriver à l’équilibreen 2012 et d’écouler raisonnablement7000 à 8000 exemplaires sur un tiragede 20 000.Une quinzaine des soixante salariés aété reconduite autour de Christian Bla-chas, président du comité éditorial, etde Frédéric Roy, rédacteur en chef.CB News, vendu 198 euros par abonne-ment avec sa newsletter quotidienne,la zone premium du site (mise en ligneannoncée pour le 20 juin) et une appli-cation mobile promise en septembre, adésormais la tête d’un mensuel. «Ilexiste un tel bouillon d’informationsaujourd’hui que la périodicité mensuellepeut permettre de s’arrêter et de traiter lessujets en profondeur», défend Roy. Lamaquette, signée Claude Maggiori, fa-vorise les formats longs et met en valeurl’image, avec de beaux portraits. Lapremière twitterview (avec réponseen 140 signes) de l’histoire a encore deschoses à prouver mais le dossier sur larévolution dans le monde arabe et sesconséquences sur la communication ade beaux arguments.

FRÉDÉRIQUE ROUSSEL

PRESSE Le magazine,sauvé par le belgeDupuis, revient sousforme de mensuel.

«CBNews»,deux fois

Démonstration de l’application Kinect Fun Labs lors de la conférence de presse, lundi à Los Angeles. PHOTO DAVID MCNEW.GETTY IMAGES.AFP

L’application Kinect Fun Labs laisse librecours à la créativité des joueurs: tracerdu bout de l’index des sillons lumineuxdans un espace 3D, profiler un avatar parcapture directe de sa propre image,modéliser toutes sortes d’objets…

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 201126 • ECRANS&MEDIAS

Page 35: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

A LA TELE CE SOIR20h45. Espritscriminels.Série américaine :La mémoire des sens,Je sais ce que j’ai à faire,Bon voisinage.Avec Joe Mantegna,Matthew Gubler.23h10. FlashForward.Série américaine :Suspect zéro 1 & 2/2,Actions, réactions.Avec Joseph Fiennes.1h35. 50 mn inside.Magazine.

20h35. Fortunes.Téléfilm de StéphaneMeunier.Avec Salim Kechiouche,Alexia Portal.22h15. Plein 2 Ciné.Magazine.22h20. Face auxFrançais...Conversationsinédites.Magazine présenté parGuillaume Durand.0h20. Journal de lanuit.

20h35. Des racines & des ailes.Un jardin sur laméditerranée.Magazine.22h30. Soir 3.22h55. Ce soir (ou jamais !).Magazine présenté par Frédéric Taddeï.0h25. Tout le sport.Magazine.0h30. Couleursoutremers.Magazine.

20h50. Bus palladium.Comédie française de ChristopherThompson, 100 mn,2009.Avec Arthur Dupont.22h35. United states of Airnadette.Documentaire.23h30. The lovelybones.Film fantastiqueaméricain de PeterJackson, 128 mn, 2009.Avec Mark Wahlberg.

20h40. Aviatricespendant le IIIe Reich.Documentaire.21h35. 1971 ? Lemanifeste des salopes.Documentaire.22h40. Vous êtes de lapolice ?Comédie française deRomuald Beugnon, 90 mn, 2006.Avec Jean-PierreCassel, Philippe Nahon.0h15. Tranzania. Living.Room.

20h45. Pékin express :la route des grandsfauves.Épisode 8 - Les trésorsde Zanzibar.Jeu présenté parStéphane Rotenberg.23h50. Enquêteexclusive.Boot Camp, prison à vie :quand l’Amérique mateses ados violents.Magazine présenté parBernard de laVillardière.

20h40. Fear Island :L’ile meurtrière.Téléfilm de MichaelStorey.Avec Lucy Hale, HaylieDuff, Kyle Schmid.22h05. Implacable.Téléfilm de Raoul WHeimrich.Avec Gary Dourdan.23h35. Planète muscle.Documentaire.1h10. Les enragés de lacause animale.Documentaire.

20h35. La maisonFrance 5.Magazine présenté parStéphane Thebaut.21h25. Silence, ça pousse !Magazine.22h10. C’est notreaffaire.Magazine.22h45. C dans l’air.Magazine.23h50. Lhamo, petite fille del’Himalaya.

20h35. Le grandbétisier de ParisPremière.Divertissement.22h30. Ce soir ou jamais.Pièce de théâtre de Bruno Chapelle.Avec Alice Dona, Bruno Chapelle.0h20. Chevallier EtLaspalès vont auDejazet.Spectacle.2h00. Paris Dernière.

20h35. Les Cordier,juge et flic.Série française :La nuit du sacrifice,Menace sur la ville.Avec Pierre Mondy,Bruno Madinier.0h00. Les anges de latéléréalité 2.Télé-réalité.1h00. Poker.Jeu.2h00. Drop’in.Magazine.

20h40. Suspect N°1.2 reportages.Magazine présenté parJacques Legros.22h15. Suspect N°1.2 reportages.Magazine présenté par Jacques Legros.0h00. 90’ Enquêtes.Au cœur de l’enquêteavec les nouveauxdétectives privés.Magazine.1h40. Music in the city.Magazine.

20h40. Le pacte des 7 grossesses.Téléfilm espagnol :Partie 1.Avec Marina Salas,Macarena Garcia.22h00. Le pacte des 7 grossesses.Partie 2.Téléfilm.23h30. Vies croisées.2 reportages.Magazine.1h40. Programme de lanuit.

20h35. L’instit.Série française :Le mot de passe.Avec Gérard Klein.22h15. L’instit.Série française :Secrets.Avec Gérard Klein.23h55. Le monde foude Tex Avery.Le retour du DR H. Borne.Jeunesse.0h00. Dessins animéJeunesse.

20h40. Présuméinnocent.5 reportages.Documentaireprésenté par Jean-Marc Morandini.23h40. Les enfantsd’Abraham.Magazine.0h40. Morandini !Magazine.1h50. 24 h Buzz.2h30. La minute devérité.

20h40. Le monde estpetit.Téléfilm de Régis MussetAvec Jean-LucReichmann, Julie Debazac.22h20. Petits secretset gros mensonges.Téléfilm de LaurenceKatrian.Avec Michèle Laroque,Thierry Neuvic.0h00. Panique !Téléfilm.

20h35. Le zap DirectStar.Divertissement.Présenté par Claire Arnoux.22h30. Star report.Bienvenue à Bimboland :les bimbos des faitsdivers.Magazine présenté parClaire Arnoux.23h30. Enquête trèsspéciale.Magazine.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 DIRECT8 NT1 DIRECT STAR

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

BridgetTF1, 15h35On nous vend le Journalde Meg, la nouvelle sériede TF1, comme un Grey’sAnatomy ou un BridgetJones mais allemand.

AirnadetteCanal+, 20h50 et 22h35Soirée rock mou avec lefilm Bus Palladium suivi dudocumenteur, United Sta­des of Airnadette, qui suitun faux groupe d’air guitar.

ClaquettesArte, 22h40Mercredi, c’est claquettesalors voilà : Jean­PierreCassel pour son dernierrôle dans le film Vous êtesde la police?

LES CHOIX

Murdoch fait payer «The Australian»Le quotidien national australien, le bien nommé The Austra-lian, détenu par Rupert Murdoch, va faire payer l’accès à sonsite web à partir du mois d’octobre. En 2009, Murdoch avaitdéclaré la guerre à la gratuité de la presse en ligne, faisantpayer le site du Wall Street Journal. L’abonnement à l’éditionnumérique sera de 2,95 dollars australiens (2,17 euros) parsemaine avec accès aux applications iPad et Android.

Jean-Xavier de Lestrade à la ScamLe journaliste et réalisateur Jean-Xavier de Lestrade a été éluprésident de la Scam (Société civile des auteurs multimédias)pour un mandat de deux ans. En 2002, il avait reçu un Oscarpour le documentaire Un coupable idéal.

Retour sur un moment historique. Le 5 avril 1971,343 «salopes», femmes françaises, célèbres ou inconnues,signent un manifeste, publié dans le Nouvel Observateur,où elles reconnaissent avoir subi un avortement, actealors passible de lourdes poursuites judiciaires. Deuxmois plus tard, et à l’initiative de la journaliste et féministeAlice Schwarzer, l’Allemagne connaît le même processuset 374 femmes –dont Romy Schneider– signent le texteparu dans le magazine Stern. Ce documentaire, assezordinaire dans sa conception, entre images d’archives ettémoignages souvent intéressants, a le mérite de nousprésenter le combat féministe des années 70­80 del’autre côté du Rhin, avec quelques retours sur la situa­tion française. Au­delà des déclarations d’hommesd’église (qualifiant les médecins de «tueurs à gages») oude politiques (symptomatique d’ailleurs des mentalitésde l’époque: l’histoire d’un député allemand, opposé àl’IVG qui a obligé sa femme à avorter), on perçoit le pas­sage d’une prise de conscience collective à des revendi­cations plus politiques, notamment à l’encontre del’article 218 du code pénal allemand qui prévoyait jusqu’àcinq ans de prison pour un avortement. Qui, bien queneutralisé depuis, n’a toujours pas été abrogé. M.W. PHOTONDR. BILDERSTURM«Nous avons avorté», documentaire de Birgit Schultzet Annette Zinkant, Arte, ce soir, 21h35.

ALLEMAGNE : L’IVG AU­DELÀ DU MUR

LE DOCU

«J’ai été solidairede Didier Porte […]J’ai pensédémissionner,mais ça auraithystérisé mondépart. Alorsdepuis, d’unecertaine manière,le ver était dansle fruit.»Stéphane Bern expliquantau Parisien son départde France Inter pour RTL.

1,5C’est, en million d’euros,le montant des indemni­tés que plusieurs titres dela presse parisienne vontrecevoir à la suite d’un tra­fic de journaux volésdatant du début desannées 2000. L’affaireavait été découverteen 2004: depuis deux ans,des journaux (jusqu’à3000 par jour pourle Figaro) étaient détour­nés dans les imprimeries ouchez les brocheurs, stockéspuis revendus par descomplices qui, après avoiracquis les exemplairesà 25% de leur prix, lesrevendaient deux fois pluscher. Le bénéfice estiméest à environ 3 millionsd’euros par an. Lundi, le tri­bunal de Paris a condamnéles prévenus à verser desindemnités allantde 100000 euros pourle Monde à 486000 eurospour le Figaro, en passantpar 470000 euros pourLibération. Début 2010, letribunal avait déjà infligéaux 36 livreurs et kiosquiersincriminés des peines allantd’un mois de prison avecsursis à un an ferme.

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011 ECRANS&MEDIAS • 27

Page 36: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

Sur l’écran de l’ordinateur,le plan en 3 D montre destours et des jardins, quel-que 50 000 m2 de loge-ments et 300 apparte-ments résidentiels quidevraient être construitsdu côté d’Ümraniye, loin-

taine banlieue de la rive asiatique en passe dedevenir l’un des nouveaux pôles de dévelop-pement d’Istanbul. «A Bruxelles ou à Paris,jamais un jeune architecte ne serait en charged’un projet d’une telle ampleur», se réjouit Si-nan Logie, de père belge et de mère turque,établi depuis quelques mois dans la grandemétropole du Bosphore.Avec un ami parisien, il a créé sa boîte, bapti-sée «Huge», et il travaille au bord de la Corned’Or, en partenariat avec Dome, un desgrands cabinets locaux, installé dans un im-meuble magnifiquement réhabilité de Süt-lüce, un quartier populaire de la rive euro-péenne en pleine boboïsation. Non loin de là,se dresse Santral Istanbul, une immense cen-trale électrique construite au début du siècledernier et transformée en un grand muséed’art contemporain.

«Les gens croient en l’avenir»Chaque soir ou presque, Sinan Logie retrouvedans un petit café branché de Galata, cœurde la Movida stambouliote, d’autres jeunesTurcs revenus d’Europe ou des Etats-Unis. Ily a là Hazal, blogueuse à la mode vivant entreLondres, New York et Istanbul. Defne a tra-vaillé une dizaine d’années dans la financeet l’audit au Luxembourg, puis à Londres,avant de rentrer en Turquie. De père turc etde mère française, Alexandre Iskender Var-lik, avocat reconverti dans le business, amonté une société d’appartements résidence«The House Hotel» pesant 5,5 millionsd’euros de chiffre d’affairesannuel avec 25% de bénéficenet. «Il se dégage de cette villeune extraordinaire énergie»,s’exclame le jeune Franco-Turc. «Ici, les gens croient enl’avenir et ils ont la soif de vi-vre», renchérit Sinan Logie.A quelques centaines de mè-tres de là, dans une ruelle à

flanc de colline, se dresse le restaurant GalataMutfak, annonçant en allemand et en turc«une cuisine comme à la maison». Des tablesen bois clair et un gros poêle car les hiverssont rudes, des produits bio sur les étagères:c’est gemütlich (accueillant, en allemand) eton se croirait dans un local alternatif de Ber-lin ou de Hambourg.«Ici, mon allemand est un atout professionnel,alors qu’en Allemagne mon turc ne me sert ab-

solument à rien», expliqueTuna Dedekoy. Diplômée àStuttgart en management ettourisme, elle a ouvert sonrestaurant il y a un an avecdeux amis, des jeunes Turcsnés en Allemagne commeelle. «L’allemand est ma lan-gue maternelle mais je me suistoujours sentie turque», pour-

suit la jeune femme. Elle explique avec unlarge sourire qu’«Istanbul est nettement plusfascinante que Stuttgart». Même si elle a tou-jours du mal à supporter «l’immensité de laville, sa circulation démentielle et la pollution».

Le flux migratoire s’inverseSon restaurant est devenu l’un des rendez-vous phares de nombreux jeunes Allemandsd’origine turque qui tentent l’aventure duretour. Un phénomène encore difficile àquantifier mais bien réel. En 2009, pour lapremière fois depuis la Seconde Guerre mon-diale, le solde migratoire s’est inversé entrel’Allemagne –principal pays d’accueil où vi-vent plusieurs millions d’immigrés turcs –et la Turquie. Quelque 30 000 personnes ontémigré cette année-là outre-Rhin. Mais,dans le même temps, 40 000 sont partiesvers Istanbul ou l’Anatolie. Dans ce flux de

retour, on distingue nombre de gastarbeiter[travailleurs invités par l’Allemagne, ndlr], re-traités revenant couler une vieillesse paisibleau village. Mais on y trouve aussi des jeunesd’origine turque attirés par le dynamisme del’économie d’un pays enregistrant quelque7 à 8 % de croissance annuelle.«Le marché du travail turc est clairement de-venu très attractif pour beaucoup de jeunesTurco-Allemands hautement qualifiés», analy-sent Seçil Paça Elitok et Thomas Straubhaar,de l’Institut d’économie internationale deHambourg. L’attrait des rives du Bosphore estd’autant plus fort que le taux de chômage enAllemagne pour les diplômés allemandsd’origine immigrée (12,5%) est trois fois plusélevé que pour les diplômés «de souche»(4,4%). «Les entreprises allemandes qui ontdes branches en Turquie préfèrent souvent em-baucher pour des emplois qualifiés des Turco-

Par MARC SEMOEnvoyé spécial à IstanbulPhotos ALI TAPTIK

De plus en plus dejeunes Turcs néset diplômés enEurope de l’Ouests’installent àIstanbul, attirés parle dynamisme dela métropole.Ici, leur doubleculture est un atout.

Mer deMarmara

ISTANBUL

5 km

Corne d’OrDétroit duBosphore

L’appel du BosphoreTuna Dedekoy, diplômée à Stuttgart en management et tourisme, a ouvert un restaurant avec deux amis, des jeunes Turcs nés en Allemagne.

LA TURQUIE AVANTLES LÉGISLATIVES 2/2

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 201128 • GRAND ANGLE

Page 37: Libération 08062011 [WwW.VosBooks.CoM]

Allemands qui maîtrisent les deux langues», re-lèvent les deux chercheurs. La filiale turquede Mercedes-Benz leur réserve ainsi 30% despostes de cadres.

«On travaillecomme des dingues»

Pour un jeune Turc de l’étranger, le permisde travail n’est pas un problème, même s’ila renoncé à sa nationalité d’origine, commec’est souvent le cas dans une Allemagne quine reconnaît pas la double nationalité. «J’aiété au consulat et ils m’ont octroyé la “cartebleue” qui me donne le droit de résidence et detravail», se félicite Tuna Dedekoy.Certainsviennent aussi en Turquie pour travaillerdans les nombreux centres d’appels installéspar de grandes entreprises germaniques pour1 500 livres turques par mois. Soit à peine700 euros. Mais il y a l’attrait d’Istanbul et

l’idée que, dans un pays en plein boum, lesopportunités seront toujours plus nombreu-ses qu’en Allemagne ou qu’ailleurs dans uneEurope en panne de croissance.«Ici, c’est comme en Asie, on travaille commedes dingues mais il y a de l’argent et tout estpossible», explique Sinan Logie. Le jeune

homme qui travaillait à Bruxelles avec OlivierBastin, un architecte de renom, profite d’unmarché immobilier en pleine expansion dansune mégalopole qui grossit de 300 000 à400000 personnes par an. Et aussi de l’exi-

gence croissante des clients (issus pour beau-coup des classes moyennes) en terme de qua-lité et d’esthétique. Sa décision de partir pourIstanbul, il l’a prise dans un moment de ras-le-bol. «J’en avais assez d’une auto-ironie ty-piquement belge qui dissimule mal l’angoissede l’avenir et de mes copains qui dès 30 ans dis-

cutent de la caisse de retraite à laquelle ilsdoivent épargner.»D’autres rêvaient de la Turquie depuislongtemps. «On y venait tous les étés envacances et dès la fin du collège, j’avaisdécidé qu’une fois finies mes études, jem’y installerai», assure Ekim Özturk, néet élevé à La Courneuve d’une mère

normande et d’un père militant communisteturc exilé après le coup d’Etat de 1980. Pource programmateur culturel, c’est une ma-nière «d’inverser la fuite des cerveaux» autantqu’une redécouverte de ses racines. Certes,

rentrer en Turquie signifie théoriquementpour lui d’y faire son service militaire puis-qu’il a gardé la citoyenneté turque. Mais uneloi prévoit que tout Turc travaillant à l’étran-ger depuis plus de trois ans peut, contre leversement de 5 000 euros, effectuer seule-ment un mois de classe dans une caserne,avec conférence obligatoire sur l’histoire dela Turquie et l’œuvre de Mustafa Kemal, lefondateur de la République.Beaucoup emploient le mot «rentrer», mêmes’ils sont nés en France, en Belgique ou en Al-lemagne. D’autres s’y refusent. «Je suis venudes Vosges et s’il y a un jour un retour, ce seravers la France», s’esclaffe Ali Koç, né dans unpetit village près d’Epinal juste à côté de lafilature où travaillait son père émigré d’Aksa-ray, grosse bourgade poussiéreuse au cœurde l’Anatolie. Le jeune Ali Koç y passait toutesses vacances et cela ne le faisait vraiment pasrêver. Après de bonnes études, il a intégré uneécole de commerce à Nancy et on lui a pro-posé un stage de quatre mois à Istanbul. «Cefut un choc», raconte le jeune homme qui sitôtses études achevées part à la recherche d’unposte dans des entreprises françaises tra-vaillant en Turquie. D’abord employé dansune société de transport, puis chez un équi-pementier automobile, il dirige à présent unefiliale de SFA à Istanbul, le roi français du sa-nibroyeur, «un produit méconnu des Turcs».

Tous entre deux culturesAu début, les relations professionnelles enTurquie l’ont laissé perplexe. «C’est très pa-triarcal et très pyramidal, on appelle son supé-rieur abi [“grand frère”] et quand on essaied’instaurer des relations un peu moins hiérar-chiques comme en France, on ne te prend pas ausérieux», raconte Ali Koç. C’est aussi ce quid’emblée avait frappé Alexandre IskenderVarlik.«Dans une entreprise turque, qu’ils’agisse d’une PME ou d’un grand groupe in-dustriel, tout passe par le patron. Mais c’est leparadis pour celui qui veut créer sa propreboîte», assure le jeune Franco-Turc. Vrai-ment ? Même s’ils parlent parfaitement leturc et connaissent bien le pays, ces jeunessont parfois déroutés. «Les règles dans les af-faires sont beaucoup plus souples qu’en Occi-dent: même quand le contrat est signé, les né-gociations continuent jusqu’à la fin du projet»,souligne Sinan Logie.Tous ces jeunes «de retour» se sentent autantturcs que français, belges ou allemands et fré-quentent principalement des gens commeeux avec qui ils peuvent rire aussi bien en al-lemand ou en français qu’en turc. Peut-êtreparce que, souvent, les Turcs ne comprennentpas leur choix. «Beaucoup me disent “tu avaisla chance de vivre en Europe. Alors pourquoi re-viens-tu?”», raconte l’architecte turco-belge.D’autres évoquent un net décalage dans lescentres d’intérêts. «En revenant, j’ai été frappédu provincialisme et de l’absence d’intérêt pourla chose publique chez la plupart des jeunes demon âge», raconte Hazal, la blogueuse.Les petits amis aussi, filles ou garçons, sontle plus souvent des Turcs revenus d’Occident.«J’ai été élevé dans la tradition turque mais jesuis totalement imprégné de culture françaiseet européenne et j’aurais du mal avec quelqu’unqui n’a pas ce double enracinement», expliqueAli Koç. Le petit ami de Tuna Dedekoy est unTurco-Allemand: «Je ne m’imagine même pasavec un Turc d’ici: trop macho, trop conserva-teur.» Tous restent entre deux mondes maisconsidèrent ce décalage comme une force.Dans le petit café de Galata, Sinan Logie etses copains éclatent de rire : «Vivre en Tur-quie, cela nous a au moins permis de sortir denotre schizophrénie.» •

«Ici, mon allemand est un atoutprofessionnel, alors qu’enAllemagne mon turc ne me sertabsolument à rien.»Tuna Dedekoy diplômée en management

De mère turque et de père belge, l’architecte Sinan Logie s’est lancé sur le marché immobilier en pleine expansion d’Istanbul.

L’appel du Bosphore

LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011 • 29

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PORTRAIT EVA SUTTER

«Cette histoire m’a beaucoup agacée. Les réflexologues ne mas-sent pas, ils stimulent des zones réflexes. Il n’y a aucune conno-tation sexuelle. Je ne suis pas fétichiste, je ne ressens aucun plai-sir, au sens de jouissance, quand je touche des pieds», affirmeEva Sutter. L’élégante réflexologue qui n’a jamais eu affaireà des demandes sexuelles dans le cadre de son activité, re-connaît toutefois un mérite à l’affaire Tron: «Cela permet deparler de ce que l’on fait. Nos méthodes sont sérieuses, il fautl’expliquer.»On peut au moins essayer. Eva Sutter reçoit dans un lieuétrange, un rez-de-chaussée d’une ruelle du XIVe arrondis-sement de Paris, derrière l’église néoromane d’Alésia. L’en-droit à la façade discrète s’appelle «Centre quintessences».Selon le flyer de présentation, c’est un «bar à soins» qui pro-pose, au tarif unique de 75 euros, «cinq soins essentiels».Parmi eux, l’«énergétique» qui promet une «harmonisationglobale» et un «retour à l’unité». Plus classique, le soin «Sil-houette» offre «lipomassage et légèreté immédiate». Imagé,le «pure détente» permettrait, lui, de «flotter sur un nuage».Plusieurs réflexologues et des spécialistes du «bien-être» separtagent les lieux, au gré de leur rendez-vous. Eva Sutterparle de «vibrations», mais cette catholique pratiquante pré-cise sans attendre qu’elle ne s’inscrit pas dans la mouvance

New Age. Les clients s’installent dans de petites pièces auxmurs taupe et aux rideaux marron. Des étagères en bois vernistyle Pier Import ont été disposées dans les coins. Au milieude la pièce trône un lit relevé, tel ceux que l’on trouve dansles cabinets médicaux.La réflexologie serait donc une pratique développée il y a3000 ans en Chine. Elle repose sur le principe que nos deuxpieds, mis côte à côte, représentent notre corps, comme dansun miroir. Les organes situés dans la partie gauche, telle larate, se retrouvent sur l’arpion gauche. Ceux de droite –foieet vésicule biliaire, entre autres– dans le pied droit. Au total,orteils, voûte plantaire et talon accueilleraient «7200 termi-naisons nerveuses». Bref, Eva Sutter utilise principalementses deux pouces qu’elle presse contre les différentes partiesdes pieds, parfois avec la technique dite de la «chenille». Ellecommence par les orteils et leurs interstices qui correspon-dent à «la boîte crânienne et à la ceinture scapulaire», la têteet les épaules. Elle descend ensuite vers la voûte plantaire–l’abdomen– avant d’arri-ver au talon – le bassin. Lesflux hormonaux ne sont pasépargnés : ils seraient régu-lés, si l’on a bien compris,par des pressions sur lesmalléoles.Aux dires d’Eva Sutter, cettetechnique agit aussi bien surles insomnies que sur les mi-graines ou les problèmes dedos. «C’est aussi un excellentdéstressant», ajoute-elle. Ses clients, en majorité des femmes,s’endorment en général dans le premier quart d’heure d’uneséance qui dure environ cinquante minutes. Attention toute-fois, la sieste peut être brutalement interrompue. «Il arriveque des clients aient mal. Cela veut dire que l’organe concernéest un peu paresseux.»Aucune étude scientifique ne valide ou n’infirme les bénéfi-ces supposés de la réflexologie plantaire, que l’on doit pouvoirclasser parmi les médecines naturelles. La pratique n’est pasreconnue par le Conseil de l’ordre des médecins et les séancesnon remboursées par la Sécurité sociale. «N’importe qui peutse dire réflexologue, il faut faire attention aux charlatans», pré-vient Eva Sutter. Les praticiens supposés sérieux ont suiviune formation d’au moins deux cent quatre-vingts heureset sont inscrits à la Fédération française de réflexologie. Il yen a aujourd’hui plus de 800, dont près de 600 actifs, enFrance.Rien ne prédisposait Eva Sutter à être l’une d’eux. La futureréflexologue, née dans un village à côté de Strasbourg, a vécuune enfance qu’elle qualifie d’heureuse, entre un père patronde PME industrielle et une mère au foyer. Bonne élève, ellea eu son bac philo du premier coup. Eva Sutter part alorsun an au pair en Angleterre, puis six mois en Espagne. Désor-mais trilingue, elle passe avec succès le concours d’hôtessede l’air d’UTA. «C’était mon rêve de petite fille», se rappelle-t-elle. Elle vole dans des Caravelle et des McDonnell Douglaslongs courriers, à destination de l’Asie ou de l’Afrique. Ellese souvient en riant de «l’uniforme bleu marine gansé de vertdessiné par Pierre Cardin».Après deux ans de voyages, Eva Sutter se marie. Elle démis-sionne d’UTA et se reconvertit dans le secrétariat. Mère dedeux enfants, elle finira assistante de direction dans une en-treprise américaine qui fabrique des pièces détachées. En1987, elle démissionne à nouveau. «Nous avions une vie trèsmondaine avec mon mari. Il y avait beaucoup de dîners et desoirées, ce n’était plus compatible avec un emploi de bureau.»Suit un divorce, que l’on perçoit douloureux. «Je me posaisbeaucoup de questions, je me demandais à quoi je pouvais ser-vir.» En 1998, Eva Sutter, intéressée par la diététique, se rendà un salon sur les médecines douces et tombe par hasard surun stand de la Fédération de réflexologie. «Je me suis installéedans le fauteuil et ça a été une révélation. Je ne comprenais pascomment cette femme pouvait déceler autant de choses sur moi.»Après trois ans de formation, elle se lance au Centre quintes-sences. Elle a, dit-elle, des clients tous les jours. Mais la ré-flexologie plantaire nourrit mal. Il faut se diversifier: outrele «drainage bien-être», cette jeune grand-mère s’apprêteà enrichir ses services d’une offre de «chromothérapie». Uneaffaire de couleurs, à laquelle on n’a rien compris. Mais làn’est pas l’important. Eva Sutter sourit, elle continuera às’occuper de pieds. •

Par LUC MATHIEUPhoto FRÉDÉRIC STUCIN.MYOP

EN 4 DATES

1er décembre 1946Naissance en Alsace.1966 Hôtesse de l’airchez UTA. 1998 Découvrela réflexologie plantaire.2003 Se lance commeréflexologueprofessionnelle.

E va Sutter a un bonheur simple : toucher des pieds.«Cela me rend heureuse», dit-elle dans un joli sourire.Elle aime sans distinction les pieds beaux, les piedslaids ou les pieds tordus. Cors, mycoses et ongles

sales ne la rebutent pas. «Je ne vois pas les pieds à travers leursdéfauts. Quand je les observe, j’observe l’intégralité du corps.Je ressens beaucoup de satisfaction quand quelqu’un me confieses pieds. Cela signifie qu’il me fait confiance, qu’il espère queje pourrais l’aider.»Eva Sutter, 64 ans, est «réflexologue plantaire». Elle «sti-mule», à l’aide de ses pouces, des «zones énergétiques» poursoulager maux de dos, migraines ou mauvaises digestions.Une méthode peu connue qui le serait sûrement restée sansce que l’on appelle désormais «l’affaire Tron». Dix joursaprès l’arrestation de DSK, l’UMP Georges Tron se voyait ac-cusé de harcèlement sexuel. Selon les deux jeunes femmes,l’édile les aurait bernées en leur proposant des massages despieds avant de les agresser. La France découvre alors que sonsecrétaire d’Etat à la Fonction publique est aussi réflexologueplantaire.

Cette réflexologue plantaire défend le sérieuxde cette médecine douce, mise à mal par l’affaire Tron.

Parle à mon pied

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LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARL Libération SARL au capital de 8726182 €.11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. CogérantsNathalie CollinNicolas Demorand Associéeunique SA Investissements Presse au capital de 18 098 355 €.Coprésidents du directoire Nathalie CollinNicolas Demorand Directeur de la publication et de la rédaction Nicolas Demorand Directeur délégué de la rédaction Vincent GiretDirecteurs adjoints de la rédaction Stéphanie AubertSylvain BourmeauPaul QuinioFrançois SergentDirectrice adjointede la rédaction,chargée du magazineBéatrice VallaeysRédacteurs en chefLudovic Blecher(éd. électronique)Christophe Boulard(technique) Gérard LefortFabrice RousselotOlivier Wicker (Next)Directeur artistique Alain BlaiseRédacteurs en chef adjoints Michel Becquembois(édition)Grégoire Biseau (éco-terre) Jacky Durand (société)Olivier Costemalle et RichardPoirot (éd. électronique) Mina Rouabah (photo)Marc Semo (monde)Sibylle Vincendon (spéciaux)Pascal Virot (politique)Directeur des EditionsElectroniquesLudovic BlecherDirecteur administratif et financierChloé NicolasDirecteur commercial Philippe [email protected] du développement Max ArmanetABONNEMENTS& 03 22 19 25 [email protected]É Directrice générale d’Espaces Libération Marie Giraud Espaces Libération 11, rue Béranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 67Publicité commer ciale,littéraire, financière, arts et spectacles. Publicitélocale et parisienne.Amaury médias25, avenue Michelet93405 Saint-Ouen CedexTél.01 40 10 53 [email protected] annonces.Carnet. IMPRESSIONPOP (La Courneuve), Midi-print (Gallargues)Nancy Print (Nancy)Ouest-Print (Bournezeau),Imprimé en France Tirage du 07/06/11: 173 157

exemplaires. Membrede OJD-DiffusionContrôle. CPPP : C80064. ISSN 0335-1793.

Nous informons nos lecteursque la responsabilité du jour -nal ne saurait être engagée encas de non-restitution dedocuments

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H. I. Ont transpiré. - II. Toute bleue. - III. Enlève lehaut. Parmi tous les membres du groupe, ce sonttoujours eux qui arrivent les premiers. - IV. Si l’onse rappelle bien, M.Hortefeux le préfère seul etbien intégré. A un peu dépassé le stade du pleindéveloppement. - V.Bobine. - VI.Vers romain. Sansle moindre petit aiguillon. - VII. Bos primigeniuspour le scientifique. Son golfe bordait naguère lescôtes malaises, entre autres. - VIII. Remplacèrentles TUCen 1990.Onpeut s’y désaltérer àFontaineou à Rives. - IX.Ce poète précieux du XVIIe fut legrand rival deVoiture. - X.Nepartageque la vieille.Points. - XI. Sainte terre des Philistins.V. 1. Transpire. - 2. Bien saisir. Symbole. - 3. Devintcitoyen à laRévolution. Le très normalM.Hollandey fut conseillermunicipal avant d'être élu à Tulle. -4.Classiques aLributions. Sommes chezElisabeth.- 5. Selon la Torah, ce fils de Lamech est le dixièmede la lignéed'Adam.Têtedesérie.Donne leur teinteaux carreaux. - 6. Au coeur de l’Atlas.N’est pas faitpour flaLer l’amour-propre, au contraire. - 7.Cuites.- 8. Sortie dès le premier tour de la compétition.L’une des îles du Prince-Edouard dans le sud del’océan Indien. - 9. A fait bien des efforts.

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LES MOTS D’OISEAU K HHGI

H:I. Prononcés. II. Aéronaute. III. Rua.Dulac. IV. Rincés.La.V.Algésiras.VI. Iles.Cage.VII.Nyassa.VIII.Damassé.IX.Grena. ATT. X. Eu. Tracer. XI. Se métisse.V:1. Parrainages. 2. Reuilly. Rue. 3.Orangeade. 4. No...Cessante. 5.Ondes. Smart. 6. Nausicaa. Aï. 7. Cul. ...ra.Sacs. 8. Etalagistes. 9. Se case. Etre.

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a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z

Etude de Charles BentLes Blancs jouent et font partie nullePubliée en 1969Un Champion du monde flamboyantA León, on est toujours en pointe sur la recher-che évènementielle liée aux échecs, en organisantpar exemple des matchs de grands maîtres assis-tés chacun par le même ordinateur. Mais ce n’estplus trop la peine de se fatiguer: le Champion duMonde en titre est devenu l’hôte habituelle de laville du Nord-Ouest de l’Espagne, et ceKe accro-che se suffit à elle-même. Du 3 au 5 juin, Viswa-nathan Anand, 42 ans et tenant du titre mondial,a disputé un match en 6 parties rapides (40 minu-tes + incrément de 30 secondes) contre AlexeïChirov, un expert du jeu combinatoire.Si Alexeï est plus jeune de trois ans, l’Espagnol d’a-doption présente 100 pts de moins au compteurélo et cela s’est ressenti dans la marque finale: 3victoires et 3 nulles en faveur du champion dumonde. CChhiirroovv ((22770099)) -- AAnnaanndd ((22881177)) 5e du match1.e4 c6 2.d4 d5 3.e5 Ff5 4.h4 h5 5.Fg5 Db6 6.Fd3Fxd3 7.Dxd3 Da6 8.Df3 e6 9.Ce2 c5 10.c3 Cc6 11.Cd2Cge7 12.Cb3 cxd4 13.cxd4 Cf5 14.0–0 Fe7 15.Fxe7Ccxe7 16.g3 b6 17.Cf4 g6 18.Ch3 0–0 19.Df4 De220.Tfd1 Tac8 21.Td2 Dg4 22.Dxg4 hxg4 23.Cg5 a524.f3 Tc4 25.Rf2 Tfc8 26.fxg4 Ch6 27.Tad1 a4 28.Ca1Cxg4+ 29.Rf3 Ch6 30.Rf4 Cef5 31.Cf3 b5 32.Ce1 f633.exf6 e5+ 34.Rxe5 Ce3 35.Tb1 Te8+ 36.Rf4 Tc637.Rg5 Te4 38.Rxh6 Tg4 39.Tf2 Cf5+ 40.Txf5 gxf541.Rh5 Tc7 0–1. JJeeaann--PPiieerrrree MMeerrcciieerr

Sans doute par distraction, les blancs sont rentrésdans un grand classique des échecs combinatoi-res en poussant leur pion en e7: 11......TTxxee77!!!! 00--11.. La mémoire ainsi rafraîchie, les blancs abandon-nent: si 2.Dxe7 Cf2+ 3.Rg1 Ch3+ 4.Rh1 Dg1+ 5.Txg1Cf2#, et si 3.Txf2, 3...Dxa1+ mène au mat du couloir.

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w ECHECS .,.. NIVEAU -

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MMAATTIINN Les pluies persistent desPyrénées au flanc est du territoire.Ciel variable avec plus d'éclairciesà l'ouest.

AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII Le temps reste instabledans l'est avec un risque orageux. Plusd'éclaircies dans l'ouest malgré un légerrisque d'ondées.

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MERCREDI��

Temps mitigé avec alternance de nua-ges et d'éclaircies. Rares aversesentre le sud-ouest et le nord-est.Températures fraîches.

JEUDI��Persistance d'un temps frais avec despassages nuageux pouvant donner àl'occasion une petite ondée.

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Nouvel albumAvec ce nouvel opus, Mamani Keita devient l’une des grandes ambassadrices de la modernité musicale africaine.

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MAMANIKEITAGAGNER L’ARGENT FRANÇAIS

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LIBÉRATION MERCREDI 8 JUIN 2011 JEUX­METEO • 31

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