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PHOTO IOURI DIATCHISHIN.AFP EN MAL D’EUROPE, L’UKRAINE DÉBORDE PAGES 6-8 CORRUPTION LA FRANCE À L’INDEX «On va parler de sang et de sperme» Du tribunal à la prison, «Libération» a pu suivre la formation dispensée aux futurs jurés par la cour d’assises de Coutances. Une plongée parfois violente dans les coulisses de la justice. RÉCIT, PAGES 38-39 Seulement 22 e au classement de l’ONG Transparency International, la France s’est enfin donnée les moyens de moraliser la vie politique. PAGES 2-4 La virée polonaise des licenciés de TRW Bientôt au chômage pour cause de délocalisation de leur usine, une quarantaine de métallos dijonnais se sont rendus à Czechowice, sur le site polonais qui va reprendre leur activité. REPORTAGE, PAGES 18-19 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 10126 MARDI 3 DÉCEMBRE 2013 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats-Unis 5$, Finlande 2,70 €, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays-Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

Libération du Mardi 3 Décembre 2013

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    IOURI

    DIATC

    HISHIN.AFP

    ENMALDEUROPE,LUKRAINEDBORDE

    PAGES 68

    CORRUPTIONLAFRANCELINDEX

    Onvaparler desang etde spermeDu tribunal la prison,Libration apu suivrela formationdispenseaux futurs jurs par la courdassises deCoutances.Uneplonge parfois violente dansles coulisses de la justice.

    RCIT, PAGES 3839

    Seulement22eauclassementde lONGTransparencyInternational,laFrancesestenfindonnelesmoyensdemoraliserlaviepolitique.

    PAGES 24

    Lavirepolonaisedes licencisdeTRWBientt au chmagepourcause de dlocalisationdeleur usine, une quarantainedemtallos dijonnais se sontrendus Czechowice,sur le site polonais qui vareprendre leur activit.

    REPORTAGE, PAGES 1819

    1,60 EURO. PREMIRE DITION NO10126 MARDI 3 DCEMBRE 2013 WWW.LIBERATION.FR

    IMPRIM EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 , Andorre 1,60 , Autriche 2,80 , Belgique 1,70 , Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 , Espagne 2,30 , EtatsUnis 5 $, Finlande 2,70 , GrandeBretagne 1,80 , Grce 2,70 ,Irlande 2,40 , Isral 20 ILS, Italie 2,30 , Luxembourg 1,70 , Maroc 17 Dh, Norvge 27 Kr, PaysBas 2,30 , Portugal (cont.) 2,40 , Slovnie 2,70 , Sude 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

  • Librationdvoile le nouveau rapport delONGTransparency International: 22ede ceclassementmondial, Paris a lgifrdepuis.

    Transparence:la FranceenapprentissageU n constat sombre et durable. Etpourtant il nest question ni de la po-pularit de lexcutif ni de lapptitdes Franais pour limpt. Selon lIn-dice de perception de la corruption (IPC), publice matin par lONG anticorruption Transpa-rency International (TI), que Libration livre enavant-premire, la France stagne au 22e rangmondial (1). Avec une note de 71 sur 100, elle estmoins bien note que le Royaume-Uni, lAlle-magne, les Pays-Bas ou les Etats scandinaves.Un verdict qui confirme ce quindiquent toutesles enqutes dopinion rcentes: le niveau alar-

    mant de la dfiance des Franais lgard deceux qui exercent des mandats publics et desinstitutions.Selon le rapport de Transparency, les partis poli-tiques, les entreprises et les mdias se partagentle podium des institutions perues par les Fran-ais comme les plus corrompues. Le triptyquedes plus vertueux tant compos de lducation,puis de larme et des ONG. Si on ne veut pastre emport par le tous pourris discours quiouvre la voie toutes les tentations : populistes etautoritaires , il faut ragir vite et fort, met engarde Daniel Lebgue (lire ci-contre), prsidentde la section franaise de Transparency.

    OBSTRUCTION.Depuis quelques annes, la r-flexion sur la moralisation et la modernisationde la vie publique avanait au rythme des rap-ports, parlementaires ou non, aussi systmati-quement encenss quenterrs. Mme si unconsensus transpartisan semblait se dgager,il a fallu que lincendie Cahuzac menace tout legouvernement au printemps dernier pour quela majorit passe enfin aux actes. Traduisantdans la loi les engagements du candidat Hol-lande. En France, nous ne fonctionnons quauchaos, souligne Jean-Jacques Urvoas, le prsi-dent de la commission des lois lAssemblenationale. Tous les progrs dmocratiques ont tfaits en raction des scandales. Laffaire Urba apar exemple abouti une lgislation exigeante surle financement des partis politiques.Quil sagisse du non-cumul des mandats ou dela publicit de leur patrimoine, le moins quonpuisse dire est que de nombreux parlementairesont fait ouvertement obstruction aux proposi-tions de lexcutif, qui avaient le gros dfautdtre prises sous le coup de lmotion. Avecces textes, on a replong corps et me dans le piredu sarkozysme : un fait divers, une loi, dploreun pilier du groupe PS lAssemble.Mme si Franois Hollande a laiss des plumesdans le processus, le nouveau paquet lgislatifnavait que des avantages pour le chef de lEtat.Priv de la majorit des trois cinquimes auCongrs (ncessaire pour modifier la Constitu-tion), il peut inscrire son bilan une avance

    ParJONATHANBOUCHETPETERSENetLAUREBRETTON LESSENTIEL

    LE CONTEXTE

    Les Franais considrent toujoursque leurs responsables politiquessont corrompus.

    LENJEUMalgr les rticences, y compris decertaines personnalits de gauche,Franois Hollande russiratil moraliser la vie publique?

    ParRICDECOUTY

    Chemin

    Le classement deTransparencyInternational nest au fondquune sombreconfirmation. La confiancedes Franais en la moralitde leurs lus sest perdueau fil des scandalesfinanciers, de lopacitentretenue sur les grandesdcisions publiqueset de lentrave rgulireau fonctionnement dela justice. La litanie desaffaires sous Mitterrand,Chirac et Sarkozy,a eu un effet dvastateurentretenant le touspourris dune classepolitique qui, depuistrente ans, na jamaisrussi imposer lamoralisation de sonfonctionnement. Et siLionel Jospin, en sontemps, avait su crerun peu de transparenceet donner la justiceles moyens daccomplirsa mission, sa dfaitelectorale sonnait le glasde sa dterminationvertueuse. Cest cettemme volont queFranois Hollande entendaujourdhui imposer.Ses premires dcisions,prises au lendemainde lindignemensongede Jrme Cahuzac,dessinent un cheminquaucun de sesprdcesseurs navaitvoulu emprunter.Mais elles ne suffiront pas restaurer la confiance.La transparence surles marchs publicsdoit encore tre renforce;lincompatibilit entreunmandat parlementaireet certains mtiers mritedtre rexamine.Le pouvoir doit aussi avoirle courage de couper le lienentre le parquet et lepouvoir politique.Mais rien ne se fera sansla volont de la majoritet de la classe politiquetout entire. Plutt queles rticences suspectesde Claude Bartoloneou Jean-Franois Cop,la moralisation de la viepublique impose unevritable union nationale.

    DITORIAL

    JrmeCahuzac arrive en scooter lAssemble nationale le 26 juin, pour tre entendu par la commission denqute parlementaire. PHOTOMARCCHAUMEIL

    LIBRATIONMARDI 3DCEMBRE 20132 EVENEMENT

  • politique qui, si on lui consacre les moyens n-cessaires, peut permettre damliorer la dmo-cratie primtre institutionnel constant.Si, pour linstant, lindice de perception de lacorruption hexagonal ne progresse pas, cestquil est tabli partir de sondages et dtudescourant sur les deux dernires annes, alors quele scandale Cahuzac et la rponse socialiste da-tent dil y a six mois. Et Transparency Interna-tional dinsister: le nouveau cadre lgislatif faitremonter la France dans le haut du panier euro-pen. Dernire tape du processus : FranoisHollande a propos hier la nomination de lan-cien procureur gnral Jean-Louis Nadal (lirepage 4) pour la prsidence de la nouvelle HauteAutorit de la transparence (HAT). A lui din-carner ce nouvel outil de contrle dmocratiquequi pourrait, avant la fin du quinquennat, pren-dre du poids. Certains gauche souhaitent eneffet fusionner la HAT avec la Commission na-tionale des comptes de campagne et des finan-cements politiques. De quoi faire natre un su-per gendarme de la vie publique.

    CLIMAT.Un autre chantier souvre dsormais,tout aussi crucial: celui de lappropriation parles citoyens de ces avances. Le climat semblesy prter, qui voit les Franais plbisciter la d-marche des lanceurs dalerte comme EdwardSnowden dans laffaire de la NSA ou Herv Fal-ciani, qui a livr la France un fichier dvadsfiscaux. Certains lus aussi semblent mrs, pu-bliant deux-mmes le dtail de lattributionde leur rserve parlementaire (retrouvez notrecarte interactive sur Lib.fr). Dans trois mois, lesmunicipales fourniront un nouveau test delexigence des lecteurs. Demanderont-ils leurs candidats de sengager sur le non-cumulen devanant lapplication de la loi en 2017 ?Rliront-ils des diles condamns pourcorruption? Ou comment, derrire une tenaceexigence de transparence et de moralit, faireuvre de cohrence dans lisoloir.(1) Le baromtremondial de la corruption exprimeles perceptions et le vcu des citoyens de 107 paysvisvis des phnomnes de corruption. En France,le sondage a t ralis par BVA entre le 5 janvier etle 16 fvrier 2013 auprs de 1009 personnes.

    Non-cumul, patrimoinedes lusLeprsidentde la section franaisedeTransparency International,Daniel Lebgue, salue les efforts engags:

    Laffaire Cahuzac aservi dacclrateurP rsident de TransparencyInternational France, DanielLebgue juge que lactionengage pour plus de transpa-rence et dthique dans la vie pu-blique est un acte majeur.Lesursaut citoyen auquel vousappeliez a-t-il eu lieu?Il est plus que jamais indispensable pour en-rayer la monte de la dfiance et du popu-lisme. Lenjeu consiste rtablir le contrat deconfiance entre les dcideurs publics et lescitoyens. Cest la base du vivre-ensembledans une dmocratie. Mme si cela ne va passe faire du jour au lendemain,cest la premire fois depuis unevingtaine dannes que les objec-tifs de transparence, dintgrit et de partici-pation active des citoyens au contrle des d-cisions publiques sont affirms et affichscomme des priorits.Laffaire Cahuzac a servi dacclrateurOui. Mme si laction engage sinscrit dansla ligne de nos propositions, du rapportSauv [en 2011], des engagements du candi-dat Hollande et du travail de la commissionJospin. Mais la France prend souvent des d-cisions difficiles par spasmes et la socitfranaise de ce dbut de XXIe sicle est prte:linformation circule en temps rel, il nyaucune chance que nous allions vers plusdopacit. Regardez ce qui sest pass avec

    Philippe Varin, le patron de PSA,qui a renonc en quelques heures sa retraite chapeau de 21 millionsdeuros. Lobligation de transpa-rence conduit une forme dauto-rgulation des pratiques aussi effi-cace que la loi.Dans sonrapportpubli cematin,

    Transparencysalue lenouveaucadre lgislatiffranais sur la transparence et lthiqueLes six projets de lois vots ou qui devraientltre dici la fin de lanne nous satisfont.Deux objectifs sen dgagent : renforcer latransparence et muscler la lutte contre la d-

    linquance financire, en particu-lier la corruption et la fraude fis-cale. Ce sont de vrais progrs,

    mais nous restons vigilants sur les conditionsdapplication. Car, comme disent les Anglo-Saxons, chez les Franais, il y a souvent unfoss entre les intentions affiches et le rsul-tat final. Critique justifie.Lechoixde Jean-LouisNadalpourprsider laHauteAutoritde la transparence (HAT)est-ilune bonne nouvelle?Nous saluons le choix du gouvernement denommer lun des plus hauts magistrats de laRpublique, reconnu par tous pour son ind-pendance desprit, son courage et sa libertdexpression [lire aussi page 4]. A conditionquil dispose de moyens matriels et humainssuffisants, il devrait apporter

    REUTE

    RS

    INTERVIEW

    Suite page 4

    TRANSPARENCYINTERNATIONALCetteONG spcialise dans lalutte anticorruption a t fondeen 1993 Berlin. Sa section enFrance a t cre en 1995, elleest prside depuis 2003 parDaniel Lebgue, exdirecteurgnral de la Caisse des dpts.Engage au service de la transparence et de lintgrit de la viepublique et conomique, Transparency International fait partie desONG juges lgitimes engagerdes poursuites devant la justice.Sappuyant sur cinq permanents,lassociation dispose dun budget(240000 euros en 2012) essentiellement financ par ses membres.

    REPRES

    Avec le temps, cet effortdemodernisationde lavie politique simposera,si ce nest commeunervolution, aumoinscommeunvrai sautdmocratique.Cela figurera tout enhautdubilan positifdu quinquennat.AlainVidaliesministre chargdesRelations avec leParlement

    82%des Franais jugent que lesresponsables politiques agissent principalement pour leursintrts personnels.Sondage Ipsos Public Affairs ralis parInternet du 9 au 15 janvier 2013 auprsde 1016 personnes.

    Retrouvez ds ce matinlintgralit du rapportde Transparency Internationalsur notre site.

    SUR LIBRATION.FR

    22eCest le rang de la France dansle classement de 177 pays tablipar Transparency Internationalen fonction de leurs indices deperception de la corruption(IPC). LIPC reflte les points devue des milieux daffaires etdexperts pays du mondeentier. Il combine plusieurs tudes ralises au cours des24 derniers mois par diffrentsorganismes indpendants. LIPCsintresse uniquement la corruption dans le secteur publicainsi qu la volont politique delutter contre.

    Lors de laudition de lancienministre du Budget par la commission denqute parlementaire lAssemble nationale, le 26 juin 2013. PHOTOMARCCHAUMEIL

    LIBRATIONMARDI 3DCEMBRE 2013 3

  • la HAT la lgitimit et lacapacit remplir pleinement ses missions.Au-deldes textes,vousprnezunevolutiondes comportementsCest vrai pour les responsables publicscomme pour les citoyens franais, qui sontclairs, duqus et demandeurs. A eux desapproprier les outils nouveaux leur dispo-sition pour rendre notre dmocratie plus vi-vante et moderne. Depuis les Lumires, laFrance sest davantage affirme comme unerpublique que comme une dmocratie, dansle sens anglo-saxon du terme. Il a fallu plusdun sicle aprs la Rvolution pour que lalibert dassociation soit reconnue, alors quecest lacte fondateur de la dmocratie am-ricaine. Aujourdhui, la France doit plongerdans le grand bain de la transparence. a narien dinquisitorial, cest juste le signe dunedmocratie mature.Le prsident de lAssemble, Claude Barto-lone, apointunedmocratie paparazziFaisons attention! On constate une dfiancecroissante lgard des lus, il ne faudrait pasquelle se nourrisse dune dfiance inverse:celle des responsables publics vis--vis descitoyens. Il serait temps que les citoyenssoient considrs comme ce quils sont majo-ritairement : des adultes responsables. Cetacte de confiance est ncessaire. Regardez lesdclarations de patrimoine des ministres,on en a parl 24 heures, pas plus.Quelles sont les principales avances?Il y a dabord un droit une information plustransparente, plus riche, sur tous les proces-sus de dcision publique et sur laction deslus. Cest trs important, tout comme la pu-blication des dclarations dintrts, de reve-nus et de patrimoine. Autre innovation,la cration dune Haute Autorit de la trans-parence, qui doit tre dote dambitieuxmoyens dactions. Il faut aussi saluer la fin ducumul du mandat parlementaire avec unefonction excutive locale, ce qui est majeurpour la dmocratie franaise. La protectiondes lanceurs dalerte et le droit pour lesassociations anticorruption comme la ntredagir en justice sont dautres progrs signifi-catifs. Lencadrement des lobbys lAssem-ble nationale progresse aussi. Enfin, le ren-forcement annonc des moyens daction dela police judiciaire et des parquets en matirede dlinquance financire en particulier decorruption est ncessaire. Avec ce qui sepasse lchelle europenne contre les para-dis fiscaux ou les bien mal acquis, je peuxvous dire quon a fait du chemin !Que reste-t-il faire en priorit?Au niveau international, lobjectif de lan-ne 2014, cest lchange automatique din-formations entre pays de lUE et du G20. EnFrance, il reste affirmer clairement les con-ditions dune indpendance du parquet vis--vis du garde des Sceaux pour les affairesindividuelles : la France a t condamneplusieurs fois par la Cour europenne commenayant pas une justice indpendante. Pourle pays des droits de lhomme, cest trou-blant. Autre chantier, lopen data des docu-ments et des archives publics. Il faudra enfinremettre sur la table lincompatibilit de cer-tains mtiers avec un mandat parlementaire.Allez vous envoyer un questionnaire tousles candidats aux municipales comme vouslaviez fait la prsidentielle?Nous allons jouer notre rle de vigie ci-toyenne en envoyant cinq questions aux can-didats des principales villes. Nous demande-rons, par exemple, chacun sil est prt rendre publique sa dclaration de patri-moine, dintrts et de revenus et indiquersa position sur le non-cumul. Nous mettronsen ligne les rponses pour que les lecteurspuissent en tenir compte dans leur choix.Recueilli par JONATHAN BOUCHET-PETERSEN

    Suite de la page 3

    Lex-procureurgnral,pourfendeurdusarkozysme judiciaire,seranomm la ttede laHauteAutoritde la transparence.

    Nadal reprenddu serviceU n visage pour en effacerun autre. Tournant lapage Cahuzac, FranoisHollande a dcid de nommerlancien procureur gnralJean-Louis Nadal la tte de lanouvelle Haute Autorit de latransparence (HAT), cre parles lois ponymes adoptes cetautomne six mois aprs le scan-dale politico-financier dclen-ch par lancien ministre duBudget. Soit un magistrat connupour son inflexibilit et son gotde linvestigation, dont lquipede 20 personnes sera chargedplucher les dclarations depatrimoine et dintrts de7000 responsables politiques.Et, le cas chant, den dnon-cer les irrgularits, voireadresser des injonctions aux in-tresss et saisir le parquet. Na-dal sera auditionn la semaineprochaine lAssemble natio-

    nale, la suivante au Snat avantune nomination en conseil desministres le 23 dcembre.Profil. Aprs un bras de ferlgislatif tendu sur les loistransparence, le pouvoirexcutif avait le choix entretrois profils pour incarner laHaute Autorit: un politique re-tir des affaires courantes, un

    lu en fin de carrire identifisur les questions thiques, ouun magistrat. Les noms de Lio-nel Jospin et de la snatrice Ca-therine Tasca ont circul avecinsistance. Plus discrtement,certains militaient pour Chris-tian Vigouroux. Problme :avant de regagner le Conseil

    dEtat au printemps, ce derniertait dircab de ChristianeTaubira au ministre de la Jus-tice et, donc, souponnable debienveillance avec le pouvoiren place. Le Conseil dEtat afait des pieds et des mains pourque ce ne soit pas Nadal, raconteune source parlementaire. Iltait inconcevable pour eux quun

    magistrat soit au-dessus de la plushaute instance ad-ministrative dupays. Rat.Pour les dputs,

    il tait tout aussi inconcevablede promouvoir un politique.Recaser un ami du pouvoir ceposte tait impossible et nommerun homme ou une femme politiqueaurait nui demble la crdibilitde la Haute Autorit. On auraitdit que les politiques se jugent en-tre eux, explique le prsident

    de la commission des Lois delAssemble, Jean-Jacques Ur-voas.En choisissant Nadal, Hollande,fait un bon coup : il nommecertes un magistrat, mais unhomme marqu gauche, quina pas mnag sa peine contrele sarkozysme judiciaire la finde sa carrire, tout en ne pr-tant pas le flanc aux accusationsde copinage puisque Jean-LouisNadal stait engag au ct deMartine Aubry pendant la pri-maire socialiste. Cest une per-sonnalit forte, qui ne mcherapas ses mots si la loi nest pasrespecte, salue-t-on la di-rection de Transparency Inter-national. Pour le chef de lEtat,cette HAT, cest sa Cnil lui, ilne va pas en crer cinquante dansle quinquennat, commente unconseiller gouvernemental. Leprofil tait tout trouv: quelquunqui peut simposer et sait parleraux mdias, parce que lobjectifcest quand mme de se payer unlu lan prochain.Incrdulit.Une lecture r-fute par le ministre des Rela-tions avec le Parlement, AlainVidalies. Ce nest pas sonquota de rvlations, danomalieset de scandales quon doit mesu-rer lefficacit de la HAT mais sa capacit faire disparatrelincrdulit que lon sent danslopinion publique, explique-t-il.Lenjeu, cest la reconqute delopinion publique dans un payso 75% des habitants pensent queleurs lus sont corrompus.Le premier rapport de la HauteAutorit est attendu pour la finde lanne, aprs des premiersmois dlicats o il sagira dins-taurer de nouvelles habitudeschez des lus qui continuent traner des pieds. Personnena construit la Haute Autoritcomme un alibi, cest lintrt delensemble des lus quelle fonc-tionne bien. Elle aura une fonctionde protection vis--vis de la sus-picion, veut croire Jean-Jac-ques Urvoas.Malgr un accouchement dansla douleur, certains socialistesprdisent la HAT la mmepostrit que le Comit nationaldthique, cr par FranoisMitterrand avant dtre clondans tous les pays europens.Alain Vidalies espre, lui, que lastructure sinstallera durable-ment dans notre paysage politi-que, quelle rsistera aux alter-nances et deviendra un acquisrpublicain. Linstance seracompose de six membres ap-partenant la Cour de cassa-tion, au Conseil dEtat et laCour des comptes, ainsi quedeux personnalits qualifiesnommes par les prsidents duSnat et de lAssemble natio-nale. Preuve quils veillent tou-jours au grain, ils ont annoncdans la foule le nom de leurscandidats, des fonctionnairesissus de leur institution. Cestlil de Moscou, tempte unconseiller ministriel.

    LAURE BRETTON

    Lobjectif, cest quandmmedesepayerunlu lanprochain.Unconseiller gouvernemental

    JeanLouis Nadal,en juin 2011.

    PHOTOVINCENTNGUYEN . RIVAPRESS

    LIBRATIONMARDI 3DCEMBRE 20134 EVENEMENT

  • COMMUNIQU

    Lettre ouverte au Prsident de la Rpublique, Franois Hollande

    contribution gale, pension gale !

    Monsieur le Prsident,

    Vous aviez promis une rforme des retraites juste et quilibre qui assurera laprennit de notre systme de retraite . Or, il y a toujours :

    deux France des retraites, celle du public et celle du priv ;

    de nombreux rgimes spciaux avec des retraites ds 50 ans, alors que lon ne sait pas comment financer la dpendance des personnes ges ;

    des dficits chroniques, alors mme que les actifs subissent des baisses de salaire dues aux hausses rptes de cotisation ;

    des retraits stigmatiss et de plus en plus taxs alors que la vraie cause de nos dboires est un manque de courage politique et le refus dune vraie rforme.

    Monsieur le Prsident, vous tes le garant du respect de la loi :

    les assurs doivent pouvoir bnficier dun traitement quitable au regard de la retraite,quels que soient leurs activits professionnelles passes et le ou les rgimes dont ilsrelvent (art. L. 161-17 al. 3 code de la scurit sociale).

    Le changement, cest maintenant !

    Alors que les rgimes de retraite basculent un un dans lerouge, la situation dmographique des caisses continue sedgrader. ce rythme, il y aura demain moins dun actif pourun retrait, la situation nest plus tenable. Une vraie rforme desretraites simpose. linstar des politiques engages ailleurs(Allemagne, Italie, Sude, ou mme Canada.), elle doit aboutir un systme quitable, libre et responsable. Rej

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    org

    Association Loi 1901, 53 rue Vivienne - 75002 PARIS

    Marie-Laure Dufrche,dlgue gnrale

    de Sauvegarde Retraites

    -

    -

    -

    -

  • AKiev,unenuitdeveillervolutionnaireLe centrede la capitale ukrainienne est entirement auxmainsdesmanifestants, pour qui le dpart duPrsident est inluctable.ParVERONIKADORMANEnvoye spciale Kiev

    A 2 heures du matin, le centre deKiev a un air de fte foraine quirefuse de steindre. La grandeavenue Krechtchatik est ferme la circulation, ses trottoirs et chausse sontlivrs des milliers de promeneurs noctam-bules agitant des drapeaux aux couleurs delUkraine ou de lUnion europenne. Pour la

    premire fois depuis la rvolution orangede 2004, le cur de la capitale a t envahipar des centaines de milliers de manifes-tants, qui comptent rester dans la rue jusquce que le Prsident et son gouver-nement donnent leur dmission.Les protestataires ont pris das-saut la Maison des syndicats et ladministra-tion centrale de Kiev, dans lesquels lopposi-tion a aussitt install ses quartiersgnraux. Sur la pierre grise de la mairie, on

    a tagu en noir: Tribunal rvolutionnaire etQG de la rvolution.A lintrieur, tous les lustres sont allums, lafoule va et vient sans se presser, comme si

    ctait la chose la plus naturelle dumonde de flner dans les couloirsvides dune administration au mi-

    lieu de la nuit. Lun des vestiaires a t trans-form en infirmerie, lautre en caftria. Desdizaines de personnes montent et descen-dent limposant escalier tapiss de pourpre

    qui mne la grande Salle des colonnes.Dhabitude, elle sert de lieu de rassemble-ment au conseil municipal. Dsormais, elleabrite le peuple et ses vritables reprsen-tants, explique un jeune homme, un dra-peau aux couleurs de lUkraine en bandou-lire. Le long des murs, des gens dorment mme le sol. Sur les tables, un buffet impro-vis. Des hommes et des femmes de tous lesges, vtus trs diffremment, se pressentdans un joyeux brouhaha. Lair est lourddune odeur de mauvais salami.

    PODIUM.Les yeux cerns, les joues ombrespar une barbe de trois jours, Taras, un entre-preneur dune quarantaine dannes, prsidesur le podium, parmi les autres coordina-teurs. Il compte rester l tant que le pouvoirne revient pas au peuple. Nous navons pasle droit de continuer vivre dans un tel pays, onotre jeunesse na aucune perspective, expli-que-t-il. Valentina, psychologue de 50 ans,est l depuis plus de douze heures, bien droitesur sa chaise, les mains crispes sur son sac main. Ce pouvoir est une mafia qui ne cher-che qu piller le pays. Ianoukovitch est un pr-sident illgitime, explique-t-elle. Valentina,comme tout le monde, est horrifie parles vnements de la nuit prcdente, quand,au petit matin, les agents du

    REPORTAGE

    Suite page 8

    LIBRATIONMARDI 3DCEMBRE 20136 MONDE

  • Place delIndpendance,dans la nuit dedimanche lundi Kiev. La nuitprcdente,les agents duBerkout (forcesantimeute)ont violemmentdispers lesjeunes qui ycampaient,faisant prsde 40 blesss.PHOTOSTOYANNENOV. REUTERS

    Le sommet de Vilnius des28 et 29 novembre visait signer un partenariatoriental entre lUnioneuropenne et six paysde lexURSS. Un accordque lUkraine a finalementrefus.

    REPRES

    Il est probableque desmthodesplus dures soientappliques, commelintroductiondun tat durgenceKiev.AleksanderKwasniewskienvoy spcial duParlementeuropen, hier

    Kiev

    Mer Noire

    RUSSIE

    BILORUSSIE

    MOLDAVIE

    POLO

    GN

    E

    250 km

    UKRAINE

    Sources : FMI (estimation 2013), Pnud (2012)

    SuperficiePopulationPIBPIB par habitantCroissance du PIBEsprance de vie78e sur 186 pays sur lindicateurde dveloppement humain

    579 320 km2

    45,5 millions dhab.133 milliards deuros

    2 926 euros+ 0,4 %

    68,8 ans

    VIKTORIANOUKOVITCHPrsident lu en 2010,russophone et russophileorginaire de lest du pays, ila galement t plusieursfois Premier ministre. Sonlection controverse lorsde la prsidentielle de2004 avait t loriginede la rvolution orange,qui stait solde parde nouvelles lections etla victoire de ViktorIouchtchenko.

    Le boxeur poids lourddevenudput jouit dune immensepopularit et a t dsign candidat de lopposition unie pour 2015.

    Klitschko, cogneur efficacemais alternativediscutableE n cette nuit de samedi, plusieurscentaines de protestataires con-tinuaient de braver le froid surMykhailivska Ploscha (place Saint-Mi-chel) Kiev. Dans le brouhaha desklaxons et des slogans populaires, unesilhouette imposante bondit sur les-trade, encourage par les applaudisse-ments de la foule. Aujourdhui, nousavons une opportunit unique de raliserdes changements de fond pour notrepays, et de les raliser ensemble ! A42 ans, 2,02 mtres, 112 kilos, VitaliKlitschko, champion de boxe poidslourd WBC en titre, en impose.Port par la mobilisation populairecontre le rgime autoritaire du prsi-dent Ianoukovitch (lire ci-contre), legant a officiellement t dclar cesderniers jours candidat de loppositionunie pour llection prsidentielle

    doctobre 2015. Sonprogramme est simple:Faire respecter les rgles

    du jeu. Chaque occasion est bonne dele rappeler : Jattends de chacunde vous que vous vous comportiez ensportifs, avec fair-play et self-control!clamait-il samedi sur MykhailivskaPloscha.Docteur poing de fer.La violencedes affrontements a relanc cesjours-ci les manifestations qui runis-sent dsormais des centaines de mil-liers de personnes et dont les revendi-cations vont au-del des questionsdintgration europenne. Les protes-tataires en colre demandent dsor-mais la destitution de Ianoukovitch.Une occasion unique pour Vitali Klits-chko de se poser en rassembleur. Enrgle gnrale, lopposition politique estassez faible en Ukraine, commenteune jeune manifestante, Irina, aprsavoir applaudi le boxeur avec enthou-siasme. Mais Klitschko a pass beau-coup de temps en Allemagne, il a unementalit europenne. En plus, il pourraitbien tre un des seuls Ukrainiens tredevenu riche de manire honnte. Quandil parle de lutter contre la corruption, jele crois. En plus, je suis une grande fan dusportif ! ajoute-t-elle, rayonnante.Klitschko, cest dabord lune des raressuccess stories de lUkraine indpen-dante. Ns dun pre militaire, Vitali etson petit frre Vladimir, lui aussichampion international de boxe, ontprofondment marqu la disciplinedepuis les annes 90. Fort de 47 com-bats, 45 victoires, dont 41 par KO, Vi-tali est aussi le premier sportif de hautniveau avoir men terme une thsede doctorat, do il tire son surnom deDocteur poing de fer.En sappuyant sur une popularit in-conteste, et probablement en antici-pation de sa retraite sportive, le boxeursest lanc en politique. Aprs deuxcandidatures infructueuses la mairiede Kiev, le Docteur incorruptiblevoit dans lacharnement judiciaire du

    rgime lencontre de lancienne Pre-mire ministre Ioulia Timochenko unecause qui loblige un investissementpolitique total. A lannonce de son ar-restation, en aot 2011, il interromptson entranement en vue dun combatde boxe majeur et se rend directement Kiev pour y soutenir lancienne g-rie de la rvolution orange. Sans suc-cs. Dans un manifeste publi en no-vembre, il dclare vouloir empcherlUkraine de sombrer dans lautocratie

    et prparer le pays une intgrationeuropenne, le modle de notre dve-loppement politique et conomique fu-tur. Depuis les lgislatives docto-bre 2012, il est la tte du parti Udar(coup de poing, en ukrainien), de-venu, selon les sondages, la troisimeforce politique du pays.Silences coupables.Je ne vois pasvraiment comment une reconversion dusport la politique est possible. Mais de

    toutes les manires, si on compare sonaura lgendaire ses actions politiques,il nutilise vraiment pas tout son poten-tiel, commente Dmitro Galkin, ana-lyste politique Kiev. Vitali Klitschkoest souvent critiqu pour son manquedinitiative et sa faible capacit din-fluence au sein de larne politiqueukrainienne. Aprs presque deux se-maines de mobilisation pro-europenne,le rejet de Ianoukovitch par la populationne se traduit pas par un dsir automati-

    que de Klitschko. Il auraitpu structurer le mouvementdune manire beaucoupplus efficace. Et je penseque ce manque de leader-ship mne aux provocationsviolentes que lon peut voir

    ici et l, souligne lanalyste. Depuisson entre au Parlement, le gant secaractrise parfois par des silencescoupables ou des prises de positionpolitiques bancales. Et sil affirme quila une vision pour lUkraine partir dellection de 2015, il semble beaucoupplus hsitant sur la marche suivredans les prochains jours.

    De notre correspondant KievSBASTIEN GOBERT

    Vitali Klitschko, dimanche Kiev, devant lesmanifestants. EFREMLUKATSKY. AP

    Depuis les lgislatives de 2012,Klitschko est la tte duparti Udar,devenu en croire les sondagesla troisime force politique dupays.

    wCe dimanche o Kievsest embras. Zapping.

    w LUkraine voudraitne pas choisir entreMoscou et Bruxelles.Interview du chercheurGeorges Mink.

    SUR LIB.FR

    PROFIL

    AFP

    LIBRATIONMARDI 3DCEMBRE 2013 MONDE 7

  • Moscou est lamanuvre pour contrecarrer lorientation europennedune partie desUkrainiens.

    LaRussie veut garder samainmiseP iqu par les vellits euro-pennes de Kiev, le Kremlinnentend pas perdre la mainsur un voisin quil peine consid-rer comme un Etat souverain.LUkraine revt une importanceparticulire pour la Russie, parta-geant avec elle une histoire et uneculture communes, ce qui expli-que, selon le politologue DmitriTrnine, lattitude motionnellede Vladimir Poutine son gard.Mais cette vocation sentimentaledu pass commun, parfois instru-mentalise, est repousse par leseurophiles ukrainiens, qui esti-ment avoir t coups de la fa-mille europenne par lUnion so-vitique. Bien que lUkraine aitdclar son indpendance il y aplus de vingt ans, Moscou na pasrenonc son droit de regard surles affaires du pays. Cest un para-doxe flagrant de sa politique tran-gre : la Russie pratique lingrencealors quelle ne cesse de la dnon-cer, analyse Alexandra Goujon,matre de confrences luniversitde Bourgogne.Soucieuse de rester matre du jeudans lespace postsovitique, lapuissante Russie sait gnralement

    trouver les mots et les moyens pourramener les pays concerns la rai-son. Elle use de sa diplomatie co-nomique afin de punir les dsobis-sants et contrecarrer les projetsindsirables. Le tarif du gaz russedemeure lun des leviers les plusefficaces.Accus dexercer des pressions,Moscou se mfie de lintrt de lUEpour son tranger proche. Lefaux bond ukrainien a plomblambiance au sommet europen deVilnius jeudi et vendredi, et rveillde mauvais souvenirs parmi lesVingt-Huit. Nous devons surmon-ter les dernires reliques de la guerrefroide, a rappel Angela Merkel,lune des plus habiles dans le dialo-gue avec Moscou.Trahisonmajeure. Si la Russiese dfend davoir impos son pointde vue, elle ne cache pas son hosti-lit lgard dun accord dassocia-tion de Kiev lUnion europenne:selon Vladimir Poutine, sa signa-ture aurait t une trahison ma-jeure envers lconomie russe.Aurions-nous d consentir tran-gler des pans entiers de notre cono-mie pour leur plaire? a commentle prsident russe, qui formule lar-

    gument suivant: en vertu de lexo-nration de taxes entre la Russie etlUkraine, les marchandises euro-pennes auraient pu pntrer lemarch russe sans frais de douane.Interrog par un journal ukrainien la veille du sommet de Vilnius,le commissaire europen lElar-gissement, Stefan Fule, a soulignque cet accord ne comportait rienqui soit susceptible de porter atteinte la Russie.Le refus de Kiev doprer un rap-prochement avec lUE dnote ladpendance de lUkraine lgard

    de la Russie, un rapport de force quiexaspre les manifestants. Lac-cord dassociation est en ngociationdepuis plus de dix ans, ce qui expliquela forte mobilisation, note Alexan-dra Goujon, qui y voit la premirecrise dimportance entre lUkraineet lUE. A Moscou, on considreque Kiev navait pas grand-chose gagner de ce partenariat : LUE

    ne pouvait ou ne voulait pas offrir lUkraine des bonus qui lui auraientpermis de compenser les pertesinvitables lies la perturbation deses liens conomiques traditionnelsavec ses voisins de lEst, observeAndre Kortounov, directeur duConseil russe pour les affaires in-ternationales.Essuieglace.Mais cest avant toutla politique vis--vis de lEst delUnion europenne qui hrisse lepoil de lours russe: le partenariatoriental, qui rassemble six ancien-nes rpubliques sovitiques, est

    peru comme unemanuvre pour laf-faiblir. LEurope abesoin de lUkrainecomme nous avons be-soin de lAsie centrale,crit le magazine russe

    Slon. Elle nen a pas vraiment, voirepas du tout besoin, mais elle a peurque dautres profitent de son absencesur place. Les initiatives delUnion europenne lEst auraientcomme objectif de priver la Russiede ses partenaires naturels, etlUkraine nest pas le moins strat-gique dentre eux: Poutine espreconvaincre Kiev de rejoindre

    lUnion douanire, premire tapevers la cration de lUnion eurasia-tique, projet despace conomiqueunifi.Fidle sa diplomatie de lessuie-glace, lUkraine donne des gages la Russie et lUE, esprant tirerbnfice des deux parties. Politi-quement et culturellement htro-gne, elle doit composer avec sapartie occidentale, tourne verslEurope, et son ct oriental, rus-sophone et proche de Moscou. Est-elle ainsi condamne faire tam-pon entre UE et Russie ?Le prsident du Comit conomi-que et social europen (Cese),Henri Malosse, dplore ce rapportde confrontation. Jappuie la pers-pective europenne de lUkraine,mais pas contre la Russie. Si nouscontinuons de raisonner en termes dechoix politique soit lun, soitlautre, nous ne ferons quattiser lestensions. A Vilnius, le prsidentIanoukovitch a assur que son payssignerait un accord dassociationavec lUE dans un avenir proche.Un sujet fcheux qui sera sansdoute voqu fin janvier locca-sion dun sommet UE-Russie.Intrim Moscou ETIENNE BOUCHE

    Berkout (les forces anti-meute) ont violemment dispers, coupsde pieds et de matraques, les jeunes campantsur la place de lIndpendance, faisant prsde 40 blesss. En quelques heures, lEuro-maidan, un mouvement pacifique en faveurde lintgration de lUkraine dans lUnioneuropenne, sest mu en une contestationbeaucoup plus large, poussant des centaines

    de milliers de Kiviens dans les rues, tousges confondus, pour crier haut et fort leurcurement du rgime de Ianoukovitch, lecriminel, et de sa bande, qui frappentnos enfants.Dans la journe de dimanche, des heurts vio-lents ont eu lieu entre les forces de lordre etune partie des manifestants sous les fentresde ladministration prsidentielle. Pour

    beaucoup de ceux qui sont sortis battre lepav ce week-end, Ianoukovitch est un tra-tre, la botte de Moscou (lire ci-dessous). Etun obstacle au dveloppement dmocratiquede lUkraine. Nous voulons des relations nor-males entre lEtat et le peuple, une dmocratie,des lois strictement respectes par tout lemonde, une thique politique, explique Olek-sandr Boltian, assistant parlementaire dun

    dput du parti dopposition Svoboda, quirecueille les dolances des Kiviens au QG dela mairie. Nous ne sommes pas des romanti-ques, nous savons bien que tout ne changera pasdu jour au lendemain. Mais lintgration danslUE serait un premier pas vers le refus du sys-tme des valeurs sovitiques. Cest un choixcivilisationnel. Les leaders de loppositionont appel la grve gnrale. Mardi, la Rada(le Parlement ukrainien) tient une session quisera dcisive, esprent-ils.

    BARRICADESENSAPIN. Il est 4 heures du ma-tin. La place de lIndpendance sest un peuvide, mais une foule compacte reste aggluti-ne la scne sur laquelle dfilent orateursinlassables et chanteurs populaires. On en-tonne lhymne ukrainien la main sur le cur.Un bouclier humain double les barricadesconstruites avec des bancs publics, des sapinsen plastique, des bennes ordures, et toutautre mobilier urbain, pour boucher les accs la place. Pour gagner un peu de temps quandla police dbarquera, explique Viktor, qui faitle guet. Cest la fin de Ianoukovitch, a ne faitde doute pour personne. Tout le monde en amarre. Il na qu monter dans son hlico et allerrejoindre Poutine, qui nest dailleurs pas unami, mais un matre, assure Natalya, em-ploye dune entreprise de scurit prive quia laiss un mot son travail : Je suis partiefaire la rvolution, pour vous tous.Lampleur indite des manifestations a djprovoqu un dbut de schisme au sein duParti des rgions, la force politique du chefde lEtat. Environ 15 dputs fidles au prsi-dent Ianoukovitch ont annonc quils quit-taient la fraction majoritaire au Parlement.Ce qui ne prive pas encore le pouvoir de samajorit. Mais dautres dputs vont suivre,ce qui pourrait entraner un changement degouvernement, prdit le politologue SergueTaran. Lopposition espre ainsi obtenir deslections anticipes.Dimanche, les opposants ont pris dassaut des btiments officiels protgs par les forces de scurit. PHOTOGLEBGARANICH. REUTERS

    Suite de la page 6

    Aurions-nousdconsentir trangler des pans entiers denotreconomiepourplaire lEurope?VladimirPoutine

    LIBRATIONMARDI 3DCEMBRE 20138 MONDE

  • Plus de recyclage

    Moins demballages

    50 000 entreprises agissent avec Eco-Emballages pour rduire les emballages la source. Ensemble elles ont atteint lobjectif de 100 000 tonnes demballages en moins. Avec le PointVert, elles fi nancent le dispositif de tri et de recyclage mis en uvre avec les collectivitslocales. Elles sengagent informer leurs consommateurs : plus de 10 milliards demballagesportent aujourdhui une consigne de tri explicite pour simplifi er le geste de tri.

    Dcouvrez les rsultats du petit Point Vert aux grands effets sur www.ecoemballages.fr

    RDUCTION DES EMBALLAGES LES ENTREPRISES AGISSENT 100 000 TONNES DEMBALLAGESEN MOINS ENTRE 2007 ET 2012

  • 10 MONDE

    SriLanka:lEtataccusdavoirexcut17humanitairesen2006Action contre la faimdemandeune enqute sur lemassacre non luciddeMuttur, o ses employs avaient t tus dune balle dans la tte.

    C est lun des pires massa-cres de la sale guerre ci-vile sri-lankaise qui re-fait surface. La tuerie deMuttur, jamais lucide, illustre leclimat dimpunit persistant dansce pays dchir par trente-sept ansdun conflit meurtrier entre le pou-voir cinghalais et la rbellion spa-

    ratiste des Tigres de li-bration de lEelamtamoul (LTTE), du d-

    but des annes 70 2009. Ce meur-tre, constitutif dun crime deguerre, a t commis le 4 aot 2006 lencontre de 17 travailleurs hu-manitaires dAction contre la faim(ACF) qui opraient Muttur, dansle nord-est du pays.Sept ans et demi aprs les faits, lestueurs et les commanditaires cou-rent toujours, rappelle ACF dans unrapport publi aujourdhui (consul-table dans son intgralit sur Libera-tion.fr). Pour la premire fois, lONGdcide de dire publiquement cequelle croit : Les 17 employs ontt assassins par les forces de scu-rit sri-lankaises et les criminels sontprotgs par les autorits sri-lankai-ses. Jusqu prsent, lONG refu-

    sait de se prononcer sur lidentitdes auteurs prsums. Cette fois,mme si elle se garde bien de dsi-gner nommment les tueurs, ellerenvoie aux nombreux rapports,enqutes et tmoignages qui, au SriLanka et ltranger, se sont cu-muls depuis 2006 pour convergervers la mme origine: le pouvoir etses forces de scurit.

    ENQUTE CRDIBLE. Surtout,Action contre la faim mentionne denouveaux lments obtenus via destmoins, des contacts diplomatiqueset dautres sources, qui pointenten direction du prsident MahindaRajapakse et de son entourage.Face lvidence que les autoritsne vont pas lancer une enqute im-partiale, nous avons dsormais le de-

    voir moral dexposer publiquementles faits, explique Pauline Chet-cuti, en charge du dossier Mutturchez ACF.

    LONG appelle louverture duneenqute internationale. Cette de-mande rejoint celles dj formulespar les Nations unies et plusieurspays pour que Colombo se livredici au mois de mars une investi-gation sur les crimes commis lorsde la guerre contre les LTTE, qui

    stait acheve dans un bain desang en mai 2009. Faute de quoi,une enqute internationale com-plte, crdible et indpendante sera

    demande lONU,selon les mots du Pre-mier ministre britan-nique, David Came-ron. ACF espreprofiter de cet ultima-tum pour faire la lu-mire sur le massacredu 4 aot 2006.

    Ce matin-l, aprs un dernier appel 6h30, le bureau dACF de Trinco-malee (Nord-Est) perd le contactavec lantenne de Muttur, tabliede lautre ct de la baie de Kod-diya. Tous sri-lankais, les 17 em-ploys taient arrivs quatre joursplus tt pour aider les populations

    dmunies depuis le passage du tsu-nami de 2004, et les habitants alorssous les feux croiss de larme sri-lankaise et des Tigres tamouls. Se-lon lenqute approfondie des pro-fesseurs de lUniversit pour lesdroits de lhomme (UTHR), uneONG indpendante base Jaffna(Nord), les employs seraient restsen vie au moins jusqu la mi-jour-ne. Puis, des individus arms for-cent les 13 hommes et 4 femmes sagenouiller avant de les excuterdune balle en pleine tte. Ce nestque deux jours plus tard quACF apu accder la base pille et rcu-prer les cadavres. Les tueurs, ap-partenant la police, des forcesspciales navales, ou des milicesverses dans la contre-insurrec-tion, taient en tout cas protgspar une chane de commandementremontant jusquau ministre de laDfense, le frre du Prsident qui alui-mme suivi de trs prs cetteaffaire dEtat. Certains auraient fui ltranger, notamment pour bnfi-cier dune protection consulaire,croit savoir une source prochedu dossier.

    PISTE. Trs vite, larme impute laresponsabilit du massacre auxLTTE. La nuit du 2 aot, les spara-tistes tamouls avaient lanc une of-fensive sur lenclave cinghalaise deMuttur, obligeant les forces de s-curit un retrait partiel. Vu lesantcdents meurtriers des LTTE,ACF a explor cette piste. Elle netient pas la route. Ds le 3 aot, lapolice et des commandos des forcesnavales spciales arrivs en renfortont invers le rapport de force. Le4 au matin, la ville est sous contrleaprs des combats intenses. Si lesLTTE avaient commis le crime, lesautorits nous auraient emmens im-mdiatement sur place, confiait legnral Ulf Henricsson, patron dela Mission de contrle de la trve auSri Lanka, la camra dAnne Poi-ret et de Gwenlaouen Le Gouil. Lesdeux journalistes prsentaient dansun documentaire le tmoignagecrit dun tmoin cl, qui assurequun message diffus par une ra-dio militaire dans le poste de policede Muttur donnait lordre de tuerles civils qui parlent tamoul.Ds le mois daot, le pouvoirtrane les pieds pour lenqute, faitdisparatre des preuves et multiplieles obstructions, notamment pourprserver la scne de crime parti-culirement nglige, selon un ma-gistrat de lambassade de France.Lenqute balistique qui accrditaitlutilisation dun fusil M-16, carac-tristique des forces spciales sri-lankaises, est finalement caviarde.Les tmoins ont t menacs, cer-tains se sont exils pour viterlexcution.

    ParARNAUDVAULERINCorrespondant Kyoto (Japon)

    Si les rebelles tamouls avaientcommis le crime, les autoritsnous auraient emmensimmdiatement sur place.UlfHenricssonpatronde laMissiondecontrlede la trveauSri Lanka

    RCIT

    Lors des funraillesdesmembresdAction contrela faim, le 8 aot2006 Trincomalee.PHOTOBUDDHIKAWEERASINGHE. REUTERS

    40000morts, cest le bilan probabledes derniers mois (fvrier mai 2009) de la guerre entreles LTTE (Tigres de librationde lEelam tamoul) et larmedu Sri Lanka.

    INDE

    SRILANKA

    100 km

    OcanIndien

    Golfe duBengale

    Colombo

    Muur

    Le prsident MahindaRajapakse a t lu en 2005et reconduit son poste cinqans plus tard. Il est un reprsentant du sud cinghalaiset bouddhiste. Il a vaincules Tamouls du LTTE en 2009,et son projet de rconciliationna jamais vu le jour.

    REPRES

    LIBRATIONMARDI 3DCEMBRE 2013

  • MONDEXPRESSO 11

    La situationscuritaire ethumanitaire estproccupante [].Nous comptonssur lengagementde la communautinternationale []pour arriver scuriser davantagelensemble duterritoire national.

    NicolasTiangayePremierministre centrafricain, hier

    125835Cest le nombre de victimes de la guerre en Syrie, selonun nouveau bilan de lObservatoire syrien des droits delhomme, dont 35% de civils. Les dcs sont deux foisplus importants chez les loyalistes que chez les rebelles.

    L es alentours de la Mai-son du gouvernement,le sige du pouvoirthalandais, dans le centre deBangkok, voquent des ima-ges de guerre civile. Desmanifestants antigouverne-mentaux lancent des cock-tails Molotov sur les bti-ments en se protgeantderrire des camions de po-lice aux vitres brises. Lespoliciers retranchs danslenceinte gouvernementalerpliquent par des voles degrenades lacrymognes. Unbulldozer surgit, chevauchpar une dizaine de manifes-tants agitant des drapeauxaux couleurs du pays, et d-fonce une barricade de blocsde bton. Si nous ne prenonspas le sige du gouvernementce soir, nous le prendrons de-main, affirme un manifes-tant en relevant son masqueimbib deau.Ultimatum.Une rencontre,dimanche soir, entre la chefdu gouvernement, YingluckShinawatra, contre laquellese cristallise la colre desmanifestants, et le leader dumouvement dopposition,

    lancien dput SuthepThaugsuban, na pas permisdbaucher un compromis.Suthep a dit la Premireministre quil ne pouvait passe contenter dune dmissiondu gouvernement ou dunedissolution du Parlement,mais quil exigeait sous qua-rante-huit heures que Yin-gluck restitue le pouvoir unconseil populaire qui proc-derait une rforme pro-fonde du systme politique.Selon lui, cette rforme di-minuerait le poids des orga-nes lus (le Parti dmocrate,dirig par Suthep, a t battulors des cinq derniers scru-tins) et accrotrait celui desinstitutions traditionnelles,comme la monarchie et lamagistrature.Lors dune confrence depresse, hier, la Premire mi-nistre a expliqu pourquoielle rejetait lultimatum deSuthep. La voix casse, maismatresse delle-mme etcombative, celle qui est ac-cuse dtre une marionnettedans les mains de son frre,lancien Premier ministre enexil Thaksin Shinawatra, a

    expliqu quelle serait con-tente de faire quoi que ce soitpour rsoudre la crise politi-que. Mais, a-t-elle ajout,Suthep dit vouloir restituer lepouvoir au peuple, mais je nevois pas comment appliquerune telle proposition car ellenest pas conforme la Consti-tution. Paralllement, Yin-gluck a resserr le dispositifen charge de la gestion de lacrise, nommant sa ttelactuel ministre des Affairestrangres, Surapong Tovi-chakchaikul.Excuses. Si YingluckShinawatra survit aux pro-chaines heures, elle devraitsexcuser pour la propositionde loi damnistie [visant exonrer son frre et qui amis le feu aux poudres, il y aun mois, ndlr]. Elle peut en-suite annoncer une lectionanticipe, peut tre vers la mi-2014, crit Thitinan Pong-sudhirak, un politologuethalandais dans le WallStreet Journal. Mais rien nas-sure que cela suffirait aumouvement dopposition.

    De notre correspondant Bangkok ARNAUDDUBUS

    Crisethalandaise: lesngociationsenchecBANGKOKLaPremireministre a refus la rformedu systme. Les violences redoublent dintensit.Le prsident roumain,

    Traian Basescu, a prndimanche une runification entre la Roumanie etla Moldavie. Jai voquun souhait, qui appartientau prsident de la Roumanie et qui, je le pense, estpartag par lessentiel dupeuple roumain: celuidune runification avecnos frres de la Rpubliquede Moldavie, une runification en tant que peuple,atil dclar lors dundiscours, aux cts de sonhomologue moldave, Nicolae Timofti. Il a cependantprcis quil sagissait dunprojet long terme, unidal, et que si le nombrede Moldaves soutenant larunification augmente, ilsrestent une minorit. Leprsident moldave taitplus rserv, ne mentionnant quune langue et unehistoire communes.La Moldavie, qui faisaitpartie de la Roumaniedans lentre deux guerres,a sign laccord dassociation avec lUnion europenne, et souhaitepoursuivre rapidementlintgration. PHOTO REUTERS

    LE PRSIDENTBASESCU VEUTUNIR ROUMAINSETMOLDAVES

    LES GENS

    Devant laMaison du gouvernement, Bangkok, hier. PHOTODAMIR SAGOLJ. REUTERS

    ParMARWANCHAHINE (auCaire)

    EnEgypte, laConstitutionsurmesurepour larme

    D imanche soir, 48 des50 membres de lAs-semble constituantegyptienne ont vot les247 articles de la Constitu-tion. Elle doit dsormais tresoumise rfrendum soustrente jours. Cette nouvelleloi fondamentale sinscritdans le plan de transition an-nonc par les militaires aprsla destitution de MohamedMorsi, le 3 juillet.

    Pourquoi ce texte?Sil est approuv par lesEgyptiens, il remplacera laConstitution de 2012, pro-mulgue sous le prcdentrgime. Elle avait fait lobjetdpres critiques, notam-ment au sujet de son carac-tre trop religieux et du tropgrand rle laiss larme.Craignant une obstructionpar les juges, le prsidentMorsi avait choisi de passeren force en sattribuant pro-visoirement les pleins pou-voirs pour acclrer le pro-cessus. Cela avait entranplusieurs semaines de pro-testation, mais le texte avaitfinalement t vot avec64% des suffrages.

    Que changetil ?Il sinscrit dans la continuitdes Constitutions de 1971et 2012. Larticle 3, qui sti-pule que les principes de lacharia sont la source princi-pale du droit est maintenu,mais un article controversde la prcdente Constitu-tion, donnant des prrogati-ves juridiques luniversitAl-Azhar, est supprim. Lenouveau texte renforce lerle de larme. Son budgetdemeure secret et non sou-mis un contrle du Parle-

    ment et le droit de juger descivils devant une cour mar-tiale est conserv, mme sirestreint certaines condi-tions prcises.Par ailleurs, le Conseil su-prme des forces armes,la plus haute institutionmilitaire du pays, devradornavant donner son avalpour la nomination oule renvoi du ministre de laDfense, ncessairement issudes rangs de larme.Cette disposition, qui sap-plique pour les deux pro-chains mandats prsiden-tiels, protge une fonctionquoccupe actuellement legnral Al-Sissi, lhommefort du rgime.

    Quel est lenjeu?Malgr des avances nota-bles en matire de droits in-dividuels, le texte a provoqula colre des associations dedroits de lhomme et de mi-litants de gauche qui criti-quent le trop grand rle d-volu larme. Par ailleurs,lAssemble constituante esttout aussi peu reprsentativeque la prcdente. L o,en 2012, les islamistes taienttrs nettement majoritaires,ils ntaient cette fois quedeux parmi les 50 membresde lAssemble, dont un an-cien des Frres musulmans etun reprsentant du parti sa-lafiste Al-Nour.Ce rfrendum est un vraitest pour le rgime, dautantquil se tiendra dans un con-texte politique tendu, mar-qu par des manifestationsquasi quotidiennes. Les sou-tiens de lex-prsident Morsirejettent toujours la lgiti-mit du rgime et, donc, decette Constitution.

    DCRYPTAGE

    19h10 sur RFI et suivre en vido sur rfi.fr, liberation.fr et afp.com

    Mardi PolitiqueUne personnalit politique rpond sur les sujets qui font lactualit

    LIBRATIONMARDI 3DCEMBRE 2013

  • Marchedesbeurs,trenteansdesilenceLaplupart de ceuxqui sont entrs dansParis le 3dcembre 1983 sontensuite retournsdans lombre.Librationest all leur rencontre.

    ParALICEGRAUD

    E lle avait attendu que tout le mondesoit couch pour poser sa valise dansle couloir de lappartement familial.Elle est partie discrtement le lende-main laube. Sa mre ntait pasdaccord. Elle avait peur pour moi.Son pre pas au courant. Il travaillaitbeaucoup, on ne parlait pas. Fatima Mehallelavait 21 ans, lge qua sa fille aujourdhui,lorsquelle a quitt pour la premire fois lacit Olivier-de-Serre, un des quartiers lesplus pauvres de Villeurbanne, en banlieuelyonnaise, pour rejoindre la Marche pourlgalit et contre le racisme. Elle avait en-

    tendu parler de cette initiative dans la familleo elle gardait des enfants, des chrtiens degauche, cousins du pre Christian Delorme, lorigine de cette initiative au ct de ToumiDjaidja. Jtais rvolte des conditions de mi-sre dans lesquelles on vivait, par les descentes

    de flics mme si je ne formalisais pas leschoses. Fatima Mehallel ne connais-sait pas les autres marcheurs. Comme

    elle, ils ntaient pas militants et taient sor-tis tt du systme scolaire. Cinquante jourset 1200 kilomtres dans les pattes plus tard,elle a eu limpression dune renaissance.Grce cette marche, ces rencontres, jairelev la tte. Pourtant, au lendemain de lamarche, le retour la cit a t dur. La pr-

    carit ne te laisse pas beaucoup de choix dansla vie. Elle a une expression curieuse pourdcrire la vie daprs. Elle dit : Jai reprismon habit de sollicitude. Elle na jamais int-gr dassociation, mais na jamaisbaiss les bras non plus. Jai d-fendu mes valeurs, mon chelle.

    PETITS BOULOTS. Trente ansplus tard, Fatima Mehallel nhabiteplus la cit Olivier-de-Serre, d-truite depuis. Elle vit Gerland,autre quartier populaire du sud de Lyon. Ellea un fils et une fille dune vingtaine dannes,et est spare. Sa vie professionnelle sest r-sume des petits boulots: animation, m-

    nages, services la personne. Cest diffi-cile, mais je me suis toujours assume. Trenteans aprs la marche, elle mesure en regardantvivre ses enfants le chemin quil reste par-courir. Elle parle des contrles didentitde police rptition, de la discrimination lembauche. Elle qui tait partie seule leurge laventure sur les routes de France nese reconnat pas dans la gnration suivante.Notamment dans les rapports filles-garons.La question de lgalit entre nous ne se posaitpas. Aujourdhui, jai limpression que les gar-ons, force dtre rejets, se sont replis sur lecommunautarisme. En face, pour survivre, lesfilles ont le choix entre le hijab ou le survtementde garon manqu. Dans son quartier, elledit avoir limpression parfois de dtonneravec son look ultra-fminin.Les parcours de ces premiers marcheurs issusde lagglomration lyonnaise et du sud de laFrance se ressemblent. Beaucoup, la cin-quantaine, sont toujours en situation pr-caire. Une partie dentre eux a continu

    militer dans le secteur associatif au sein deleurs quartiers, mais ils sont rests danslombre jusqu aujourdhui. A limage deleur leader, Toumi Djaidja, silencieux pen-

    RCIT

    Des participants laMarche pour lgalit et contre le racisme, prs de Paris, en novembre 1983. PHOTOALAINBIZOS. AGENCEVU

    Je considrais que ceux qui voulaientcapitaliser lamarche sur le terrainpolitiquenavaient rien compris.ToumiDjaidja initiateurde lamarche, expliquantson retrait aprs lamanifestation

    LIBRATIONMARDI 3DCEMBRE 201312 FRANCE

  • dant trente ans. Dans le livre dentretiensquil vient de publier (la Marche pour lgalit,une histoire dans lHistoire, ditions delAube), il raconte cet aprs, o le jeunehomme amoureux prend le dessus sur uncombat pour lequel il ne voulait pas incarnerla figure de gardien du temple. Je consid-rais que ceux qui voulaient capitaliser la marchesur le terrain politique navaient rien compris.Juste aprs, le beau gosse aux boucles brunessera condamn pour une obscure histoire devol de voiture avant dtre graci trois moisplus tard par Mitterrand au terme dune vastecampagne pour sa libration.

    CATASTROPHIQUE. Sur la photo de famillequa publie Libration le 3 dcembre 1983(voir gauche), beaucoup vivent toujoursdans le quartier de leurs parents. Malika esttoujours Annonay, en Ardche, doelle aussi tait partie en cachette de ses pa-rents un soir doctobre 1983. Elle travailleaujourdhui dans un hpital comme aide-soignante. Elle aurait aim pouvoir offrir unmeilleur avenir ses enfants. Sa fille voulaitfaire droit, raconte-elle. Ctait tropcher, alors elle bosse au McDo. Je min-quite pour leur gnration, ils sont frustrs.Kera est toujours en banlieue lyonnaise, aussidans le service la personne. Amstar tra-vaille dans un bar Vnissieux Il y a quel-ques semaines, ils se sont retrouvs au finfond du Tarn-et-Garonne, invits par le mi-nistre de la ville, Franois Lamy, la posedune plaque en mmoire de Habib Grimzi,un Algrien tabass et jet du train Bor-deaux-Vintimille par trois lgionnaires du-rant la marche de 1983. Ils ne staient pasvraiment revus ces trente dernires annes,spars par leurs vies. Mais, face au ministre,trente aprs, ils nont rien lch. Lui deman-dant des comptes sur la place en France desenfants et petits enfants dimmigrs.Dans la bande des Minguettes, seul DjamelAttalah ntait pas retourn chez lui le soirdu 3 dcembre 1983. Il est rest Paris, a re-pris des tudes et sest lanc dans le syndica-lisme tudiant. Lexprience politique atourn court quand, la section PS de luni-versit quil avait monte avec des copains,on lui a propos de soccuper de limmigra-tion. Tout tait dj dit, rsume-t-il.Vendredi soir, Djamel Attalah, aujourdhuicadre dans la scurit, participait Crteil une soire organise par une ancienne ducollectif parisien, Salihka Amara. Dans lecentre social o elle a mont une expo avecles photos prises lpoque par les anciensmarcheurs, ils taient une trentaine, pour laplupart issus de ces collectifs parisiens. Con-trairement aux Lyonnais, beaucoup taientdj militants avant la marche, issus de fa-milles proches du FLN France ou du syndica-lisme ouvrier (lire interview ci-contre).Aujourdhui, ils sont sociologues, profs, di-recteurs de centre sociaux et restent trs in-vestis dans le secteur associatif militantPeu, part Alima Boumediene, ancienne s-natrice verte, ont directement investi lechamp politique. Ils sinterrogent sur ce quaproduit leur mouvement sur la socit. Nesont pas daccord. Le sociologue Adil Jazouli(lire page 26) estime quil faut reconnatre lesprogrs de la socit, lvolution des quar-tiers par rapport la situation au dbut desannes 80. Rachida Azougue, qui dirige las-sociation parisienne dducation spcialiseAjam, sinquite de la situation catastrophi-que de la jeunesse. Avis partag par la plu-part, notamment par Farid LHaoua, lun desphotographes de lexpo, ancien militant chezles Verts et dsormais responsable dune lu-dothque Lyon. Il rsume : Au bout detrente ans, notre place nest pas acquise. On esttoujours les Indiens de la socit.

    Adellali Hajjat, sociologue, analyse la porte de lamarche:

    1983 a tunvecteurde socialisationpolitiqueA bdellali Hajjat est sociolo-gue, matre de confrenceen science politique luniversit de Paris-Ouest Nan-terre. Il est lauteur de la Marchepour lgalit et contre le racisme(ditions Amsterdam, 2013).Pourquoi comparez-vous laMar-che pour lgalit et contre le ra-cismeunMai 68des jeunes issusde limmigration?Comme en mai 1968, cest unemobilisation qui a scell des al-liances entre des acteurs trs dif-frents: des jeunes des quartiersissus de limmigration post-co-loniale trs stigmatiss, des chr-tiens de gauche, des militants as-sociatifs rejoints par une partiedu gouvernement. Par ailleurs,comme Mai 68, elle a t vecteurde socialisation politique pourbeaucoup. On a vu, aprs la mar-che, la cration de plusieurs cen-taines dassociations dans lesquartiers. Bien que fragilis, cetissu associatif est encore trslargement marqu par ces mili-tants.Qui taient les marcheurs?Il y avait, pour rsumer, troisprofils. Les jeunes de SOS AvenirMinguettes, Vnissieux, peu po-litiss, plutt en dscolarisation,pas militants. Des jeunes dj in-vestis dans le militantisme,notamment dans le collectif deParis, mais aussi de Lyon, quistaient retrouvs la fin desannes 70 autour du journal Sansfrontire. Ceux-l bnficiaientdun capital conomique etculturel plus important, ils

    taient souvent issus de famillesmilitantes, dans le nationalismealgrien ou le syndicalismeouvrier. Et un troisime profil,plutt de la rgion parisienne,mais non issu de cette beurgeoi-sie qui a ensuite fond des mou-vements comme le MIB [Mouve-ment de limmigration et desbanlieues, ndlr].Pourquoi lhistoire de cettemar-che est-elle inconnue des jeunesgnrations?Pour quun fait historique soittransmis, il faut que des institu-tions soient garantesde cette transmission.Or, cela na pas t lecas. Cest essentiellement le sec-teur associatif qui a t le porteurde cette mmoire. Cest pourcela quelle est reste largementconfidentielle. Cette histoirenapparat pas dans les manuelsscolaires, ce qui est rvlateur dela faon dont on pense lhistoirede limmigration en France: cestune histoire ct, qui ne faitpas partie de la grande histoire.Au fond, quest-ce que cela achang pour cette gnration etles suivantes?Symboliquement, cela a marqula fin du mythe du retour au paysqui tait, lpoque, partag parles familles, les pays dorigine, legouvernement franais et les pa-trons. Ctait trs important pourcette gnration issue de limmi-gration post-coloniale daffirmersa lgitimit vivre sur le terri-toire. Dun point de vue politi-que, mme si lon ne peut pas

    faire limpasse sur le trs fortsentiment de dsillusion, il nefaut pas avoir une lecture troppessimiste. Cette mobilisation etcelles qui ont suivi ont dlgitimles actes racistes et mis mal lesentiment dimpunit. Maisdautres formes de racisme sesont dveloppes, notammentvis--vis de lislam.Onoppose souvent cette gnra-tion qualifie de laque aux sui-vantes qui revendiqueraient leuridentit musulmaneCest une reconstruction a poste-

    riori. Il ny a pas deuxgnrations qui sop-posent, les choses

    sont plus compliques. La reli-gion tait absente des discourspublics des marcheurs en 1983,mais cette question existait.Lorsque Toumi Djaidja se prend laballe qui va le mener conduirecette marche, il est en train defaire son premier ramadan et cenest pas totalement extrieur la rflexion qui le pousse cettemobilisation pacifique. Plus tard,certains marcheurs vont aussisinvestir dans le militantismemusulman. Lopposition entre lebon beur lac et le mauvaistravailleur musulman discoursque lon retrouve ds les an-nes 80 lors des conflits sociaux Talbot est assez rvlatricedune faon de penser la religio-sit musulmane comme dsint-gratrice et dune volont de r-duire lindividu sa religionsuppose.

    Recueilli par A.G.

    Marche des beurs ou marche pour lgalitet contre le racisme? La deuxime appellation, officielle, a t vite remplace par la premire, popularise par les mdias. Maisles anciens marcheurs ne lemploient jamais.On nest pas des petits beurs, disentils souvent. A lpoque, le mot beur faisait partiede largot de la rgion parisienne et tait inconnudes Lyonnais et des Marseillais loriginede la marche.

    REPRES

    Page intrieure de Libration, le 3 dcembre 1983,jour de larrive Paris de laMarche pour lgalitet contre le racisme.

    La reproductionde nos petites annonces

    est interdite

    Le CarnetEmilie Rigaudias0140105245

    [email protected]

    CARNET

    DcS

    ParisEmilie, Roch,

    sa famille et ses amis,ont le chagrin de vousannoncer le dcs deJef qu'ils aimaient tant.M. Jean-Franois

    DELSALLE,ARCHITECTE

    survenu le 27 novembre 2013, l'ge de 63 ans.RochDELSALLE

    36, RueDes Jeneurs75002Paris

    remerciementS

    Sa familleSa compagne

    remercient chaleureusementtous ceux qui ontmanifest

    leur sympathie lorsdudcs de

    Pascal Virot

    SouvenirS

    ALEXANDREJ'emmne au creuxdemonombre

    Des poussires de toiLe vent les portera

    Ta famille, tes amis

    PhilippeZAPART3/12/1983 - 3/12/2013Tu es toujours vivant !

    Car tu tais la vie.Michel

    Le Carnet

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    Archives Retrouvez les articles publispar Libration en 1983 dans le dossierla Marche des beurs, trente ans aprs.

    SUR LIBRATION.FR

    INTERVIEW

    Jai limpression que la France atoujours unproblme avec son arabeet sonmusulman.

    DjamelAttalah, ancienmarcheuraujourdhui cadredansune socitde scurit

    LIBRATIONMARDI 3DCEMBRE 2013 FRANCE 13

  • AParis,NKMperduedanssacampagneMaladresses, trahisons, dissidencesdes barons, la candidate voit lesembches semultiplier.

    E n politique, cela sappelleune mauvaise squence.Le moment o une campa-gne vacille, o tout se met partir en vrille. Au comit politi-que de campagne, personne navoqu directement la question de-vant Nathalie Kosciusko-Morizet, qui faisait hiersa rentre aprs cinqjours passs au chevet de son previctime dun srieux AVC. Cestdifficile pour elle, titre personnel, onsest tous montrs affectueux etconstructifs, raconte Jrme Pey-rat, son conseiller politique.Le trou dair dans la campagne estpourtant dans toutes les ttes. Unproche rembobine la squence :Laffaire Ecomouv, tombe le jour delannonce de son programme. La dis-sidence du fils Tiberi dans le Ve arron-

    dissement, la guerre Lellouche-Beig-beder pour la deuxime place dans leVIIIe. Lancienne chiraquienne Domi-nique Versini qui rejoint Hidalgo. Etsurtout la sortie de Nathalie sur lemtro, lieu de charme, qui a fait trsmal En quelques semaines, laptulante polytechnicienne sestretrouve caricature en blondevapore et allume. Sur Canal+,

    sa guignolesque marion-nette, Princesse NKM, lacandidate du peuple,

    visite le priph, dans une lgrebrume, la ferie des embouteillagesLes internautes, invits depuis hier voter pour son affiche de cam-pagne, pastichent ses photos: Pourun service de bus aprs 21 heures,pour un ticket de bus 4 euros, pourdinoubliables instants de grce surla ligne 13, je vote NKM. Dans lecamp den face, o le dput PascalCherki la surnomme Marie-Antoi-nette en blue-jean, on se rgale :Elle essaye dtre branche.

    GOUROUTISS. Dans les beauxquartiers, son biotope naturel, lelook baba cool et les ides gniales,a passe mal, confie un lu UMP delouest parisien On est effondrs.Elle est arrive en disant:Jai fait po-lytechnique, je nai besoin de personneet je men fous. Et quatre mois avantllection, plus personne lUMP neparie sur sa victoire! Jean-FranoisCop, pas plus que lex-Premierministre de tutelle de NKM, Fran-ois Fillon, nont intrt soutenircelle qui ne cache pas ses ambitionsnationales. Ni lun ni lautre ne seprcipitent dailleurs. En novem-bre, la commission dinvestiturepour les ttes de liste, Fillon a mmepris parti pour Pierre Lellouche,candidat rebelle NKM dans leVIIIe. Elu de cet arrondissement, unvieux hussard des campagnes de2001 et 2008 sonne le tocsin: D-cembre, cest la constitution des lis-tes, le moment de vrit. Cest l quea coince en gnral, droite. Lorsdes deux dernires municipales,beaucoup de ttes de liste darron-dissement avaient refus dinscrirele nom des candidats dans la capi-tale ct du leur. Sguin, on arra-chait mme ses affiches. On risque dese retrouver dans la mme configura-tion, avec 20 campagnes Paris

    et elle qui se dmne dans le XIVe,prophtise cet lu du VIIIe. Qui sedit dans le brouillard depuis no-vembre: Hollande dvisse, Hidalgova bientt porter un bonnet rouge tantelle se dmarque du national. Et nous,on navance pas. Bizarre, non ?Pour un parlementaire UMP de

    Paris, lenjeu dpasse la candidate:Soit lexaspration contre le gouver-nement gagne Paris et on gagne. Soitles Parisiens, gouroutiss par Dela-no, suivent le nouveau joueur de flteHidalgo et cest foutu. Pour cet lu,le point de non-retour sera atteint,

    ou pas, dbut janvier quand lacampagne va vraiment dbuter.

    SOUPE. Au QG de la candidate,on a compris do soufflentles vents mauvais. Les baronsfont leur baroud, ironise lun deses conseillers. La dtermination

    de NKM, le 19 novem-bre, lors de la com-mission dinvestiturede lUMP, a dailleursimpressionn: Elle adcid dliminer tousles barons et, le moinsquon puisse dire, cest

    quelle na pas la main qui tremble,salue un participant. Sans nier quela squence pourrait tre meilleure,lentourage de la candidate pariesur sa capacit faire la police.Confronte aux indboulonnablesTiberi Lellouche Dominati, aux

    dissidences closes dans un arron-dissement sur deux et ceux quipassent lennemi DominiqueVersini ou quelques Modem alls la soupe, selon lUMP Jean-Franois Lamour, elle ne lcherarien. Ceux qui nont pas le moral etceux qui ne sont pas contents nontqu laisser leur place, avertit leconseiller Peyrat.La priorit, cest lannonce, immi-nente selon un autre proche, delunion UMP-UDI-Modem Paris.A lUDI, limbroglio local entre lafdration et Yves Pozzo di Borgo,le chef de file au conseil de Paris,serait en voie de rsolution et unaccord prs dtre sign. Ce seraforcment cher pay pour lUMP,prte cder plus dune quinzainede postes de conseillers de Paris. Leprix pour clore la squence mauditeet tenter de rebondir.

    ParPASCALENIVELLEPhotoLIONELCHARRIER

    Hollande dvisse, Hidalgo vabientt porter un bonnet rougetant elle se dmarque dunational.Et nous, on navance pas.UnluduVIIIe arrondissement

    ANALYSE

    AParis,NathalieKosciuskoMorizet doit composer avecun candidat dissident dans lamoiti des arrondissements.

    REPRES

    Cenest pas un secretqueNKMadautresides en tte.DominiqueVersiniexsecrtairedEtat chiraquiennedevenuecandidate sur lalistedHidalgodans leXVe

    45%cest le score quobtiendraitla liste UMP de NKM dansle XIVe arrondissementen cas de duel au secondtour avec le PS selon unetude PollingVox (Librationdu 5 novembre)

    Dominique Tiberi,PhilippeDominati,ils existent. NKMa tortdene pas tenir comptede la tradition.

    JeanClaudeGaudin snateuretmaireUMPdeMarseille

    LIBRATIONMARDI 3DCEMBRE 201314 FRANCE

  • Je sens que les Franais sont en traindenous prparer un rglement de comptespour lesmunicipales, il y aura unehainelectorale contre nous.

    MalekBoutihdputPSde lEssonne, hier, surRMC

    64%Telle est la part de notaires qui recommandent leurs clients de vendre au pralable leur logementavant dacheter un autre bien, selon une tude du siteImmonot.com. Un conseil qui vise viter aux intresssla souscription dun crdit relais, coteux en cas dedifficults vendre lancien logement, dont le prix sert financer lacquisition nouvelle.

    L orsquelle tait petitefille, Sylvie Uderzovoulait devenir dessi-natrice, comme son pre Al-bert. Hlas, explique-t-ellesur son blog o elle se pr-sente comme la sur dAs-trix, son gniteur la d-courage: Il ma clairementdit quavec le nom que javais,je naurais pas le niveau.Factures.Aujourdhui, Syl-vie Uderzo a 57 ans, elle a r-cemment repris anonyme-ment des tudes de dessin,et son pre de 86 ans vient deporter plainte contre elle etson mari pour violence psy-chologique. Une rponse laplainte quelle a dposeen 2011 contre X pour abusde faiblesse, estimant quedes membres de lentouragepaternel dcideraient saplace de la gestion de sa for-tune. Les deux derniers pi-

    sodes dune guerre mlantargent, pouvoir et rancursfamiliales autour dun em-pire financier de plusieursdizaines de millions deuros.En avril 2007, dans uneinterview au quotidien Sud-Ouest, le dessinateur et cra-teur dAstrix avec le sc-nariste Ren Goscinny dclarait pourtant encoreavoir russi sa vie de fa-mille, avec une fille adora-ble, deux petits-enfants ado-rables Quelques mois plustard, revirement: le patriar-che carte Sylvie Uderzo etson mari Bernard de Choisyde la direction des ditionsAlbert Ren, en charge desbandes dessines. La fillefera condamner le pre auxprudhommes pour licencie-ment abusif (270 000 eurosdindemnits), tandis que legendre obtiendra, galement

    en justice, le versement defactures impayes.Les paliers de la discordesenchanent. En 2008, lafille refuse de vendre sesparts (40%) de la socit fa-miliale au groupe Hachette.Elle cde finalement en 2011(contre 13 millions deuros)mais lance alors sa plaintepour abus de faiblesse.Harassement.Le 7 octo-bre, le procureur de la Rpu-blique de Nanterre a dposun rquisitoire de non-lieudans ce dossier. Unanime-ment les experts ont reconnulabsence de tout tat de vul-nrabilit relevant mme unenergie tonnante, dclareun communiqu diffus hierpar le dessinateur.Sylvie Uderzo na jamaismen une campagne contreson pre, elle veut au contrairele protger, rtorque son avo-

    cat Nicolas Huc-Morel. Il y aen 2007 un changement dat-titude qui ne peut tre compr-hensible que par linfluence decertaines personnes de son en-tourage. Dans le viseur no-tamment, un expert-comp-table et un notaire. Lenjeufinancier est colossal: Ast-rix est la bande dessinela plus vendue (352 millionsdalbums) et la plus traduite(111 langues) au monde. PourPierre Cornut-Gentille, avo-cat dAlbert Uderzo, laplainte pour violence psy-chologique se justifie par leharassement des attaques per-ptuelles de son gendre et de safille. Dans son communi-qu, le pre dAstrix les ac-cuse de vouloir hter son af-faiblissement pour mettre lamain sur notre patrimoinequils convoitent.

    ONDINEMILLOT

    DanslafamilleAstrix,unirrductibleconflitPATRIMOINEAlbertUderzo a port plainte contre sa fille Sylvie pourviolence psychologique. Le dernier pisode dune guerre familiale.

    On lavait vu la dmarche hsitante, sappuyant surlpaule de Franois Hollande le 21 novembre,lors de la remise du prix de sa fondation au Muse duQuaiBranly. Jacques Chirac a subi hier une interventionrnale au sein du service durologie de la PitiSalptrire,qui sest trs bien passe et il va bien, a prcis lentourage. Lancien prsident de la Rpublique, qui est entr lhpital dimanche, restera quelques jours en observation lhpital, ont ajout les proches. Selon les informationsdEurope1, il sagirait dune intervention sur un polype,une tumeur bnigne se dveloppant sur les muqueuseset ncessitant une anesthsie gnrale. Lancien chefde lEtat, qui a ft le 29 novembre ses 81 ans, avait tvictime en 2005 dun accident vasculaire crbralqui lavait affaibli. PHOTO REUTERS

    JACQUE CHIRACHOSPITALIS POUR UNEOPRATION DU REIN

    LES GENS

    Albert Uderzo en 2012 et sa fille, Sylvie, en 2006. PHOTOS JOL SAGET FRANOISGUILLOT. AFP

    Cest AnneLaure Jaumouilli, 34 ans, qui devraitsuccder en mars au maire (PS) sortant de La Rochelle,Maxime Bono. Lenseignante dans un centre de formationpour apprentis a devanc, dimanche soir, de 34 voix(sur 3656 votants) lentrepreneur de chantier navalJeanFranois Fountaine, 62 ans, son rival dans la primairesocialiste ouverte (lire Libration du 28 novembre).Un revers srieux pour ce proche de Lionel Jospin (il seconfiait nous la semaine dernire: On mappelle monsieur le maire) qui avait soutenu aux lgislatives de 2012Olivier Falorni, le dissident socialiste tombeur deSgolne Royal. Fountaine ne dposant pas de recours,la dsormais candidate officielle du PS, parti leader surce front de mer qui abrite luniversit dt des socialistes, va satteler une double tche: pacifier une gauchelocale sortie dchire de laffrontement RoyalFalorniet nourrir le projet de fond pour La Rochelle, esquisspendant sa campagne.

    BIENTT UNE TRENTENAIRE LAMAIRIE DE LA ROCHELLE?

    LHISTOIRE

    Guillaum

    e erner

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    -Marie San

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    LA VOIXEST

    LIBREIUDQFHLQWHUIU

    LIBRATIONMARDI 3DCEMBRE 2013 FRANCEXPRESSO 15

  • DrledespleenpourlesinstitsLe sondage commandpar le syndicat SNUipp-FSU, auquel Libration a eu accs, illustrela frustrationdes professeurs des coles qui se sentent peu reconnus par leurministre.

    A deux jours dune grvenationale dans le pri-maire, un sondage (1)command par le princi-pal syndicat, le SNUipp-FSU, queLibration sest procur, clairedun jour nouveau ltat despritdans les coles. Au-del du mcon-tentement suscit par la mise enplace des nouveaux rythmes sco-laires, les instits se sentent toujoursaussi peu considrs et malmensquavant. Comme sils ne perce-vaient pas les efforts faits en leurdirection depuis llection de Fran-ois Hollande, aprs les annes desuppressions de postes de lreSarkozy. Retour sur ce dcalageentre une politique affiche et saperception.

    LA PRIORIT AU PRIMAIREPEU VISIBLE SUR LE TERRAINMoins dun tiers des instits (29%)considrent que le primaire est unepriorit du gouvernement les en-seignants les plus jeunes, les direc-teurs et les syndiqus tant les pluspositifs. Cest peu, alors que le mi-nistre de lEducation, VincentPeillon, a justement fait de cettepriorit la mesure phare de sa re-fondation de lcole, au nom duneconviction: lchec scolaire se joueds les petites classes, cest donc lquil faut faire peser lessentiel deleffort. Mais manifestement, il napas convaincu.Cette priorit au primaire est pour-tant une ralit, souligne ChristianChevalier, responsable du syndicatSE-Unsa, on na mme jamais faitautant defforts: on a cr des postes,lanc le dispositif Plus de matresque de classes, des nouveaux pro-grammes vont tre discuts et noscollgues commencent recevoir leurnouvelle indemnit annuelle de400 euros. Mais ils neperoivent pas encorelimpact de toutes cesmesures, il faudrait une monte encharge. Pour linstant, on est pluttdans la rparation [de la politiqueprcdente, ndlr]. Sbastien Sihr(lire page 26), la tte du SNUipp,pointe, lui, une erreur de stratgiedu ministre: sa trop grande focali-sation initiale sur la question de lasemaine scolaire, comme si ctait

    la condition sine qua non de toutchangement. Les rythmes ont toutcras, estime-t-il, et ont masqu lesmesures prises qui allaient dans lebon sens.

    UNERFORMEDESRYTHMESOUI,MAIS PAS CELLELSeuls 6% des enseignants interro-gs soutiennent la rforme tellequelle a t conue par le ministre des journes de cours moins

    charges, avec des acti-vits en fin daprs-midi, et des apprentis-

    sages plus tals dans la semaine,avec trois heures de classe le mer-credi matin. Simultanment, 80%disent souhaiter un changement derythmes scolaires. Et une petiteminorit (14%) se dit oppose toute rforme dans ce domaine.On peut nourrir un certain opti-misme, avec 80% de professeurs des

    coles reconnaissant quil faut tra-vailler cette question, souligneChristian Chevalier, dont le syndi-cat dfend les nouveaux rythmes.Le problme est : si ce nest pas cel-le-l, quelle autre rforme souhaitent-ils ? Et l, on risque davoir autantdavis que denseignants, et des aviscontradictoires. Le responsablesyndical, qui nappelle pas lagrve du 5 dcembre, reconnat queles profs ont pu avoir le sentimentdune rforme assne den hautet applique la va-vite. Beaucoup experts et syndicalistes poin-tent aussi des failles dans la com-munication du ministre lors delinterminable polmique sur lesrythmes. Pour les uns, il a bien tropparl des activits priscolaires, audtriment du bnfice principal dela rforme des apprentissages plusprogressifs qui vont profiter auxlves les plus fragiles. Pour les

    autres, en multipliant ses inter-ventions mdiatiques, il a vouluconvaincre la France entire dubien-fond de sa rforme, mais il aoubli de sadresser aux ensei-gnants qui attendaient beaucoupdu nouveau ministre socialiste, quiplus est prof de formation.

    DES INSTITS BIEN DANSLEURS CLASSES, MOINS BIENDANS LEURMTIERQuelque 93% des professeurs descoles se disent satisfaits de leursrapports avec les lves. Ils ne sontplus quun tiers si lon voque leurtemps de travail et le nombre dl-ves par classe. Et peine 20% lors-quil sagit de leurs perspectives decarrire, de leurs salaires (infrieurs la moyenne des pays dvelopps)ou de leur formation continue (mi-nimale en France). Enfin, ils sontnettement moins nombreux quil y

    a un an estimer que lcole pri-maire fonctionne bien 41% pourllmentaire (contre 52%), 62%pour la maternelle (contre 72%).Ces quinze dernires annes, lesenseignants ont vu leurs conditionsde travail se dgrader et la consid-ration dont ils jouissent baisser, ex-plique Christian Chevalier. Le mi-nistre a trouv une profession enpitre tat. Pour beaucoup, Vin-cent Peillon affronte en ralit unmalaise bien plus profond et plusancien que la grogne autour desrythmes. Une somme de frustra-tions accumules au fil des ans, quiresurgit avec les espoirs suscitspar son arrive et quil lui faut af-fronter sil ne veut pas dcevoir d-finitivement.

    (1) Enqute en ligne ralise par HarrisInteractive du 15 au 19 novembresur un chantillon reprsentatif de1497 professeurs des coles.

    ParVRONIQUESOUL

    DCRYPTAGE

    Manifestation parisienne contre la rforme des rythmes scolaires, le 22 janvier. Seuls 6%des instits interrogs soutiennent la rforme. PHOTOA. FACELLY

    29%Moins dun tiers des instituteursestime quil y a aujourdhui unepriorit au primaire, qui est laxede la rforme de Vincent Peillon.

    Le SNUipp, principal syndicatdu primaire, appelle une grve nationale jeudi,contre la rforme des rythmesscolaires et pour de meilleuresconditions de travail. Il a trejoint par la CGT, SUD et FO.La fdration de parents dlvesPeep appelle aussi manifester.

    REPRES Jai un respect pourles professeurs. Je saisque je leur endemandebeaucoup,mais ils saventque cest dans lintrtde llve.VincentPeillon le 21 novembre

    Blog Vincent Peillon et lesprofs de prpa: le divorce.Aprs le primaire, une nouvelle rforme qui fait rler, lire sur le blog Cest classe.

    SUR LIB.FR

    LIBRATIONMARDI 3DCEMBRE 201316 FRANCE

  • THRAPIEGNIQUELaurenceTiennot-Herment, prsidenteduTlthon:

    OnpartdemaladiesraresetontendlarechercheA quelques jours du T-lthon, qui se drou-lera ce week-end surle thme Innover pour gu-rir, la prsidente, LaurenceTiennot-Herment, revientsur les nouveaux essais dethrapie gnique.Chaque anne, on annoncedenouveauxessais de thra-pie gnique surdesmaladiesrares.Mais ona limpressionqueriennebougevraimentCela prend du temps. Maisles avances sont continuel-les. Cette anne, sur le pla-teau du Tlthon, des mala-des qui ont t inclus dansdes essais de thrapie gni-que seront ainsi prsents.Nest-ce pas une gouttedeau?Elle grandit en tout cas. Defait, les premiers essais ontt faits en 2002, sur deuxtrs jeunes enfants atteintsdu DICS-X, un dficit immu-nitaire svre rare : un anaprs lintroduction dungne mdicament dans lescellules de leur moelleosseuse, ils ont retrouvun systme immunitairecompltement normalet fonctionnel. Ils viventaujourdhui domicile sansaucun traitement. Depuis,60 enfants ont t traits.Notre stratgie est toujours lamme : on part de maladiesmodestes, rares, et on tend.

    Dautres exem-ples?Dans quatre payseuropens An-gleterre, France,Suisse, Allema-gne va dmarrerun nouvel essai dethrapie gnique pour lagranulomatose septiquechronique [CGD], un dficitimmunitaire hrditaire trsinvalidant. Entam Lon-dres dbut 2013, cet essai sepoursuit en France.Les thrapies gniques sont-elles uniquement destinesauxmaladies immunitaires?Non, les maladies gntiquesde la vision sont aussiconcernes. Cest plus com-pliqu : un autre vecteurtransporte le gne mdica-ment et linjection se fait di-rectement dans la rtine. Ona dbut des essais en 2011.Nous poursuivons sur despatients atteints de neuropa-thie optique hrditaire deLeber [NOHL], une maladieterrible qui se manifeste parune perte brutale de la vi-sion, gnralement entre15 et 30 ans, pour laquelle ilnexiste aucun traitementefficace.Les maladies dgnrativessont-elles aussi concernes?Oui, avec le lancement dunessai de thrapie gniquepour la maladie de Sanfi-

    lippo B, qui se tra-duit par une d-g n re s c e n c enerveuse irrm-diable. Lobjectifde ce programme,conduit par lIns-titut Pasteur et

    soutenu financirement parlAFM-Tlthon, est dva-luer sur un an la tolrance etlinnocuit de cette thrapieinnovante chez quatre en-fants atteints de cette mala-die, gs de 18 mois 4 ansrvolus. Un jeune patient adj t inclus, le 15 octobre:il a pu sortir de lhpital.Incluredes enfants, voiredesnourrissons,nepose-t-il pasde problmes thiques dli-cats?Si, bien sr. Le choix appar-tient aux parents. Mais, voussavez, quand il ny a pasdespoir, que faire ? Danscertaines maladies graves dela vision, quand on sait que lepatient sera aveugle dans sixmois, le pire est dattendre.L, nous ne parlons que demaladies incurables, on con-nat leur cheminement, leurpronostic noir. Bien sr quily a des questions thiques,mais elles butent sur des ma-ladies mortelles: ce sont desquestions de vie ou de mort.Lesessaisdurent souvent trslongtemps.Nest-cepaspar-fois dsesprant?

    Nous sommes presss par letemps. Quand les premiersessais se droulaient, il y aquinze ans, tout tait trslong. Maintenant on a d-plac le curseur entre trop descurit et course contre lamort. Et aujourdhui, lancerdes essais nest pas la phasela plus bloquante. Dans lesessais de phases 1 et 2 desmaladies rares, cest--direo lon teste la toxicit etlefficacit, cela peut mmealler vite. Lessentiel estdviter de passer la phase 3.Cest--dire?Les essais de phase 3 sontlongs, chers, il faut de gran-des cohortes de malades etnous, dans les maladies ra-res, nous nen avons pas.Cest pour cela que lon aconstruit [la structure] Gn-thon Bioprod. Pour aller leplus vite possible sur la misesur le march. Et on passepar le biais des mdicamentsde thrapie innovante [MTI].En respectant bien sr toutesles procdures.Quand Gnthon Bioprodproduira-t-il lepremiergnemdicament?Nous avons eu le statutdindustrie pharmaceutique.Dans notre plan stratgique,cest pour 2017, vraisembla-blement dans le traitementdun dficit immunitaire.

    Recueilli par .F.

    LeGnthon, premier tablissement pharmaceutique but non lucratif, le 28 octobre, Paris.OLIVIER THOMAS. DIVERGENCE

    ParRICFAVEREAU

    BernardSellier aquittlacommunaut sida

    B ernard Sellier voulaittre enterr au Pre-Lachaise, comme legrand quil rvait dtre. Ilaimait a, tre devant, parleret que lon parle de lui, deson sida, de son combat, deson engagement. Il aimaittmoigner. Ctait son plusbeau visage. Il prenait alorsune voix profonde, un rienagaante, comme si ses motsdevenaient intouchables.Bernard Sellier tait ainsi,unique et insupportable. Jene lavais pas crois depuisquelques annes quand je lairevu sur son lit dhpital, simaigre, deux doigts de lafin, malade dsormais duncancer du pancras aprs dixoprations en un an. Avecune tendresse mlancoliquedans les yeux, il affrontaitsans dtour la suite : Jevoudrais savoir combien dejours jai encore, pour me pr-parer.

    Bernard Sellier tait un desplus vieux malades du sidaen France. Cest au toutdbut des annes 80 quonlui a dcouvert un cancer,avant mme que le virus dusida ne soit isol. Depuis, il asuivi toute lhistoire du sida,endossant chaque instantles habits du rsistant. Cestparfois fatigant, nous di-sait-il. Il a connu les premi-res discriminations contreles sropositifs, les pastillesrouges sur le dossier mdi-cal, ces gens qui vitaient delui donner la main. Pendantdes annes, il sest engag Aides, puis Sida InfoService et au Sidaction.En 1997, il avait publi unalbum de photographiesintitul Regards de femmes,portraits despoir, au profit dela lutte contre le sida. Deux

    ans plus tard, il renouvelaitce travail avec Il y a tou-jours un il ami 55 portraitsdespoir.Bernard aurait voulu tre unartiste. Il fallait le voir, silen-cieux, avec sa mre, dans legarage familial prs dOr-lans. Lourdement malade,lui, le fils unique, se forait venir. Sa mre ne lui parlaitalors que des maladies deses vieilles copines. Il fallaitle voir, droit comme unchne, tmoigner, parler duvirus, des effets secondaires,de la rsistance de chaqueinstant, parler de la com-munaut du sida comme desa vraie famille.

    Au tout dbut de lAZT lapremire molcule antisidaarrive en 1986, quil pre-nait toutes les quatre heures,il disait : Je voudrais justearriver jusqu 40 ans. Il vi-vait, alors, dans un des toutpremiers logements thra-peutiques ouverts pour lesmalades du sida. Dans cetappartement collectif, il yavait une jeune toxico, An-dre, qui allait mourir. Tousles jours, lui le pd, elle latoxico, se tenaient la main,sans se parler. Andre, tunous as quitts ce matin,vers 4 heures, tu as traversce miroir qui angoisse si fortles viv