43
Année Universitaire 2013/2014 Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE L’UNION EUROPÉENE Cours de M. Denys SIMON, Professeur à Université de Paris I Panthéon-Sorbonne Travaux dirigés de Mlle. Catalina AVASILENCEI, Doctorante, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne Séance n°2: La transposition nationale des directives communautaires Documents fournis Document 1 : article 288 TFUE (ex-article 249 CE /ex-article 189 CEE) Document 2 : CJCE, 22 sept. 1976, Commission c/ Italie, aff. 10-76 Document 3 : CJCE, 6 mai 1980, Commission c. Belgique, aff. 102-79. Document 4 : CJCE, 1 er mars 1983, Commission c/ Belgique, aff. 301/81 Document 5 : CJCE, 23 mai 1985, Commission c. Allemagne, aff. 29-84. Document 6 : CJCE, 2 décembre 1986, Commission des Communautés européennes, contre Royaume de Belgique, aff. 239/85 Document 7 : CJCE, 14 janvier 1988, Commission contre Belgique, affaires jointes 227 à 230/85 Document 8 : CJCE, 13 juill. 1989, Enichem Base e. a., C-380/87 Document 9 : CJCE, 23 novembre 1989, Kommanditgesellschaft in Firma Eau de Cologne, C-150/88 Document 10 : CJCE,15 mars 1990, Commission c. Pays Bas, C-339/87 Document 11 : CJCE 13 novembre 1990, Marleasing, Affaire C-106/89. Document 12 : CJCE 18 décembre 1997, Interenvironnement Wallonie, Affaire C-129/96. Document 13 : CJCE, 12 juillet 2005, Commission c. République française, C-304/02. Document 14 : CJCE, 24 janvier 2002, Commission des Communautés européennes c. République italienne, C-372/99 Document 15 : CJCE, 18 juin 2002, Commission c/ France, C-60/01 Document 16 : CJCE, 28 novembre 2002, Commission contre France, C-259/01 Document 17 : CJUE, 19 janvier 2010, Seda Kücükdeveci c. Swedex GmbH & Co. KG, C-555/07 Document 18 : Communiqué de presse du 19 février 2013 sur la transposition de directives : Tableau d’affichage du marché intérieur: record battu pour le 15e anniversaire! (IP/13/127) Exercice Lecture et analyse des « documents fournis ».

Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

  • Upload
    others

  • View
    5

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

Année Universitaire 2013/2014

Licence III – Semestre I

ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE L’UNION EUROPÉENE

Cours de M. Denys SIMON, Professeur à Université de Paris I Panthéon-Sorbonne Travaux dirigés de Mlle. Catalina AVASILENCEI, Doctorante, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne

Séance n°2: La transposition nationale des directives communautaires

Documents fournis Document 1 : article 288 TFUE (ex-article 249 CE /ex-article 189 CEE) Document 2 : CJCE, 22 sept. 1976, Commission c/ Italie, aff. 10-76 Document 3 : CJCE, 6 mai 1980, Commission c. Belgique, aff. 102-79. Document 4 : CJCE, 1er mars 1983, Commission c/ Belgique, aff. 301/81 Document 5 : CJCE, 23 mai 1985, Commission c. Allemagne, aff. 29-84. Document 6 : CJCE, 2 décembre 1986, Commission des Communautés européennes, contre Royaume de Belgique, aff. 239/85 Document 7 : CJCE, 14 janvier 1988, Commission contre Belgique, affaires jointes 227 à 230/85 Document 8 : CJCE, 13 juill. 1989, Enichem Base e. a., C-380/87 Document 9 : CJCE, 23 novembre 1989, Kommanditgesellschaft in Firma Eau de Cologne, C-150/88 Document 10 : CJCE,15 mars 1990, Commission c. Pays Bas, C-339/87 Document 11 : CJCE 13 novembre 1990, Marleasing, Affaire C-106/89. Document 12 : CJCE 18 décembre 1997, Interenvironnement Wallonie, Affaire C-129/96. Document 13 : CJCE, 12 juillet 2005, Commission c. République française, C-304/02. Document 14 : CJCE, 24 janvier 2002, Commission des Communautés européennes c. République italienne, C-372/99 Document 15 : CJCE, 18 juin 2002, Commission c/ France, C-60/01 Document 16 : CJCE, 28 novembre 2002, Commission contre France, C-259/01 Document 17 : CJUE, 19 janvier 2010, Seda Kücükdeveci c. Swedex GmbH & Co. KG, C-555/07 Document 18 : Communiqué de presse du 19 février 2013 sur la transposition de directives : Tableau d’affichage du marché intérieur: record battu pour le 15e anniversaire! (IP/13/127)

Exercice Lecture et analyse des « documents fournis ».

Page 2: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

2

Bibliographie indicative

En dehors des nombreuses indications bibliographiques contenues dans les manuels, on pourra également se reporter à la rubrique "directive" de l'Encyclopédie Dalloz de droit communautaire ou du Lamy Procédures communautaires, cités en bibliographie générale ; voir également : A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires : le secteur de l'environnement, Revue juridique de l'environnement, 1991, 269-332 D. Simon, La directive européenne, Dalloz-Sirey, 1997 D. Simon, L'invocabilité des directives dans les litiges horizontaux : confirmation ou infléchissement ?, Europe 3/2010, p. 4.

Objectifs de la séance Parmi les actes de droit dérivé qui contribuent à la mise en œuvre du droit de l'Union, la directive est sans doute l'instrument communautaire le plus spécifique. Pour reprendre la formule employée par le Professeur Kovar, "la directive intrigue, dérange, divise : sa singularité en est la cause". Il a aussi été dit par le Professeur Simon qu’il s’agissait d’un « objet juridique non identifié ». On sait que cette source particulière du droit de l’Union implique en principe une sorte de « normativité à deux étages ». Adoptée par les institutions communautaires, le plus souvent dans les domaines de compétences partagées, la directive déploie un effet obligatoire à l'égard des Etats, et les oblige à avoir adopté, à l'expiration du délai qu'elle fixe, des normes nationales de transposition, pour lesquelles ils gardent "la compétence quant à la forme et aux moyens". L'opération de transposition est plus complexe qu'il n'y paraît, si on se limite aux indications contenues dans le traité. C’est la jurisprudence de la Cour qui a apporté à cette problématique un certain nombre de précisions qui viennent donner un contours précis aux obligations qui pèsent sur les Etats en la matière. Les documents reproduits à l'appui de ce deuxième thème devraient permettre de réaliser une synthèse globale sur les différents aspects de la transposition nationale des directives et d’identifier avec précision la nature précise des contraintes que l’opération de transposition fait peser sur les Etats, ainsi que les sanctions qu’ils encourent en cas de mauvaise transposition, ou de non transposition des directives. Document 1 : Traité CE Article 288 TFUE (ex-article 249 TCE) Pour exercer les compétences de l'Union, les institutions adoptent des règlements, des directives, des décisions, des recommandations et des avis. Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre. La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. La décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est obligatoire que pour ceux-ci. Les recommandations et les avis ne lient pas.

Document 2 : CJCE, 22 sept. 1976, Commission c/ Italie, 10/76 1 Attendu que, par requête parvenue au greffe, le 5 février 1976, la Commission a saisi la Cour, en vertu de l'article 169 du traité CEE, d'un recours visant à faire constater que la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive n° 71/305/CEE du Conseil du 26 juillet 1971 (JO n° L 185 du 16 8 1971, p. 5) ; 2 que cette directive vise, en complément de celle n° 71/304/CEE de la même date, concernant la suppression des restrictions à la libre prestation des services dans le domaine des marchés publics, à coordonner les procédures nationales de passation de ces marchés ;

Page 3: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

3

qu’aux termes de son article 32, les Etats membres devaient mettre en vigueur les mesures nécessaires pour s'y conformer dans un délai de douze mois à compter de la notification qui leur en serait faite, délai venu à échéance le 29 juillet 1972 ; 3 attendu que, consécutivement à cette directive, la République italienne a mis en vigueur une loi du 2 février 1973 relative aux procédures de passation des marchés publics par adjudication restreinte (licitazione privata) dont le texte a été communiqué à la Commission le 16 août 1973 ; que la Commission, faisant application de l'article 169 du traité CEE, a cependant fait connaître à la République italienne, par lettre du 10 juin 1974, qu'elle estimait que, par la mise en vigueur de cette loi, il n'était pas satisfait aux obligations dérivant de la directive susvisée ; 4 qu'il était, en premier lieu, reproché à la défenderesse d'avoir laissé en dehors du champ d'application de cette loi les procédures de passation des marchés publics autres que ceux par adjudication restreinte ; 5 qu'en second lieu il n'était pas satisfait à l'article 29 de la directive, selon lequel la procédure italienne, dite de l'enveloppe secrète, devait être supprimée pour le 29 juillet 1975 ou le 29 juillet 1979, selon le montant estimé du marché, la loi italienne du 2 février 1973 ne contenant aucune disposition à cet égard ; 6 qu'en outre, selon l'article 12 de la directive, les pouvoirs adjudicateurs doivent faire connaître leur intention de passer un marché public de travaux par voie de procédure ouverte ou restreinte, au moyen d'un avis publié au Journal officiel des Communautés alors que la loi italienne se borne à prévoir la publication d'un avis au Journal officiel de la République italienne ; 7 que la loi italienne ne contient pas les prescriptions dont il est question aux articles 14, 15 et 17 de la directive, relatives au délai de réception des demandes de participation, à la forme que doivent revêtir les offres et à l'indication obligatoire du délai d'exécution des travaux mis en adjudication ; 8 qu'enfin, les articles 20, 24, 25 et 26 de la directive déterminent des critères de sélection qualitative qui permettent d'exclure certains entrepreneurs de la participation aux marchés tandis que la loi italienne ne comporte, à cet égard, aucune indication et maintient le large pouvoir discrétionnaire reconnu aux pouvoirs adjudicateurs par l'article 89 du décret-royal du 23 mai 1924 ; 9 attendu que la défenderesse n'a pas contesté les manquements reprochés et a, le 5 juillet 1974, transmis à la Commission un avant-projet de loi qui reprend intégralement la réglementation communautaire ; 10 que ce projet de loi qui, selon la Commission, satisfait pour l'essentiel aux exigences de la directive, a été transmis au Parlement italien le 13 août 1974, mais n'a toujours pas été adopté de sorte que les mesures destinées à assurer l'exécution de la directive ne sont toujours pas en vigueur à la date du présent arrêt ; 11 attendu qu’aux termes de l'article 189 du traité, la directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ; 12 que la nature obligatoire des directives implique l'obligation pour tous les Etats membres de respecter les délais qu'elles fixent afin que l'exécution en soit uniformément assurée dans la Communauté tout entière; 13 qu'il s'ensuit qu'en n'ayant pas mis en vigueur dans le délai prévu les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive du Conseil n° 71/305/CEE portant coordination des procédures des marchés publics de travaux, la République italienne a manqué à une obligation qui lui incombe en vertu du traité; Document 3 : CJCE, 6 mai 1980, Commission c. Belgique, Affaire 102-79. 1- Par requête du 25 juin 1979, la Commission a introduit, en vertu de l’article 169 du traité CEE, un recours visant à constater que le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité en omettant de prendre, dans les délais prescrits, les dispositions nécessaires pour se conformer aux directives du Conseil n° 70/221, 70/387, 74/60 et 74/483, concernant le rapprochement des législations nationales dans le secteur des véhicules à moteur (JO 1970, L 76, p. 23 et L 176, p. 5; 1974, L 38, p. 2; et L 266, p. 4, respectivement) et aux directives du Conseil n° 74/150, 74/151, 74/152, 74/346, 74/347, 75/321, 75/322 et 75/323, concernant le rapprochement des législations nationales dans le secteur des tracteurs agricoles ou forestiers (JO 1974, L 84, p. 10, 25 et 33; L 191, p. 1 et 5; 1975, L 147, p. 24, 28 et 38, respectivement). 2- Toutes les directives mentionnées sont intervenues sur base de l’article 100 du traité CEE relatif au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres ayant une incidence directe sur l’établissement ou le fonctionnement du marché commun. Les directives appartenant à la première série mentionnée ont été arrêtées dans le cadre de la directive du Conseil n° 70/156, du 6

Page 4: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

4

février 1970 concernant le rapproche ment des législations des États membres relatives à la réception des véhicules à moteur (JO L 42, p. 1); celles de la deuxième série dans le cadre de la directive du Conseil n° 74/150 du 4 mars 1974 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la réception des tracteurs agricoles, elle-même objet du manquement. 3 -Les directives en cause prévoient des délais d’exécution — généralement de 18 mois — dont les échéances s’échelonnent du 24 septembre 1971 au 22 novembre 1976. Il n’est pas contesté que la Belgique n’a pas pris, dans ces délais, des mesures destinées à assurer l’exécution des directives. Le gouvernement belge considère toutefois qu’il n’a pas, pour autant, manqué aux obligations du traité. Il fait valoir à cet égard deux ordres d’arguments. 4 -En premier lieu, le gouvernement défendeur expose que l’objectif des directives, à savoir l’élimination de certaines entraves aux échanges intracommunautaires, serait pleinement atteint en Belgique en vertu d’une pratique administrative; en effet, les prescriptions internes belges en la matière étant moins sévères que les normes communautaires, aucun obstacle ne serait opposé à l’importation des voitures et des tracteurs qui répondent à ces normes. Ceci serait d’ailleurs pleinement conforme aux prescriptions communautaires, étant donné que le système optionnel des directives permettrait le maintien, dans les États membres, de normes moins sévères pour la production nationale. 5- Selon le gouvernement belge, cette conception de l’exécution des directives serait pleinement conforme aux exigences de l’article 189 dont l’alinéa 3 réserve aux États membres, en ce qui concerne l’exécution des directives, la compétence quant à la forme et aux moyens. Les techniques légales par lesquelles les directives sont mises en vigueur seraient dès lors variables selon les cas et elles iraient de la loi jusqu’à la simple note de service interne. 6-Le gouvernement belge fait valoir, au surplus, que les directives en question répondraient incontestablement à la notion de dispositions directement applicables: les normes fixées par le Conseil seraient claires, précises, aucune marge discrétionnaire quant aux modalités techniques d’exécution n’étant laissée aux États membres. Dans ces conditions, ce ne serait en réalité que dans un souci de clarté juridique que le gouvernement belge aurait entamé ultérieurement, sur les instances de la Commission, des procédures législatives destinées à assurer l’exécution des directives en question, mais qui n’auraient pas encore abouti. 7 -Cette argumentation du gouvernement belge appelle une mise au point en ce qui concerne, d’une part, la portée de l’obligation imposée aux États membres par l’article 189, alinéa 3, et, d’autre part, l’usage de la liberté qui leur est réservée en ce qui concerne le choix des formes et moyens, compte tenu de l’objectif poursuivi par les directives en cause. 8- Les directives particulières dont la non-exécution est reprochée à l’État belge ont été prises sur base de deux directives-cadres, à savoir les directives n° 70/156 et 74/150 citées ci-dessus, concernant le rapprochement des législations des États membres dans le domaine considéré, la directive-cadre en matière de tracteurs étant elle-même objet du recours. Dans le préambule de ces deux directives-cadres, il est rappelé que les dispositions techniques appliquées en la matière par les États membres ont pour effet d’entraver, par leurs disparités, les échanges à l’intérieur de la Communauté (1 considérant). C’est en vue d’éliminer ces obstacles que les directives prévoient un système de réception communautaire pour les différents types de véhicules, mis en œuvre par la délivrance de certificats de conformité pour les véhicules individuels. Ceux-ci doivent dès lors être considérés par tous les États membres comme étant conformes à leur propre législation (6 et 7 considérants des préambules, respectivement). Selon l’article 7, paragraphe 1, des deux directives, les États membres ne peuvent, pour des motifs concernant sa construction ou son fonctionnement, refuser l’immatriculation ou interdire la vente, la mise en circulation ou l’usage de tout véhicule neuf qui est accompagné du certificat de conformité. Selon l’article 14, toujours des deux directives, toute décision portant éventuellement refus ou retrait de réception, refus d’immatriculation ou interdiction de vente ou d’usage, prise conformément à la directive, est motivée de façon précise; elle est notifiée à l’intéressé avec l’indication des voies de recours ouvertes par les législations en vigueur dans les États membres. Enfin, aux termes de l’article 15 des deux directives, les États membres mettent en vigueur les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive et communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine régi par celles-ci. 9 -Les onze directives particulières dont la non-exécution est reprochée à la Belgique ont été prises dans le cadre des deux directives générales qui viennent d’être analysées. Elles ont pour objet de permettre la mise en œuvre, par des mesures partielles et spécifiques, de la procédure de réception CEE qui fait l’objet des deux directives-cadres et s’intègrent ainsi dans le système juridique de celles-ci. Chacune des directives particulières comporte, dans ses clauses finales, à l’égal des directives-cadres, une disposition relative à

Page 5: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

5

l’obligation, pour les États membres, de prendre les mesures d’application appropriées dans le cadre de leur droit interne. 10- Il ressort de l’ensemble de ces dispositions et de la nature des mesures qu’elles imposent que les directives en question sont destinées à être traduites dans des dispositions internes ayant la même valeur juridique que celles qui s’appliquent dans les États membres au contrôle et à la réception des véhicules à moteur ou tracteurs. Il en résulte qu’un État membre ne s’est pas acquitté de l’obligation que lui impose l’article 189, alinéa 3, du traité lorsqu’il s’est borné à répondre aux exigences découlant des directives en question au moyen d’une pratique de fait, voire d’une simple tolérance administrative. 11- L’argument tiré par le gouvernement belge du caractère optionnel des directives en question n’a pas de pertinence, alors que l’effet obligatoire de la directive, auquel il n’est pas permis aux États membres de déroger, consiste à éliminer tous obstacles à la libre circulation pouvant résulter, pour les produits originaires d’autres États membres, de l’application de normes techniques différentes des normes communautaires. Or, il importe, dans cette perspective, que chaque État membre donne, aux directives en question, une exécution qui corresponde pleinement aux exigences de clarté et de certitude des situations juridiques voulues par les directives, dans l’intérêt des producteurs établis dans les autres États membres. De simples pratiques administratives, par nature modifiables au gré de l’administration et dépourvues d’une publicité adéquate, ne sauraient, dans ces conditions, être considérées comme constituant une exécution valable de l’obligation qui incombe en vertu de l’article 189 aux États membres destinataires des directives. 12 La justification déduite de l’applicabilité directe des directives en question ne saurait être, non plus, accueillie. En effet, il découle de l’article 189, alinéa 3, que l’exécution des directives communautaires doit être assurée par des mesures d’application appropriées, prises par les États membres. Ce n’est que dans des circonstances particulières, notamment dans le cas où un État membre aurait omis de prendre les mesures d’exécution requises, ou adopté des mesures non conformes à une directive, que la Cour a reconnu le droit, pour les justiciables, d’invoquer en justice une directive à l’encontre d’un État membre défaillant (voir notamment, à ce sujet, l’arrêt du 5 avril 1979, Ratti, affaire 148/78, Recueil 1979, p. 1629). Cette garantie minimale, découlant du caractère contraignant de l’obligation imposée aux États membres par l’effet des directives, en vertu de l’article 189, alinéa 3, ne saurait servir de justification à un État membre pour se dispenser de prendre, en temps utile, des mesures d’application adéquates à l’objet de chaque directive. Ainsi qu’il est indiqué ci-dessus, ces mesures devaient consister, en l’occurrence, en des dispositions équivalant à celles qui sont appliquées dans l’ordre juridique interne en vue d’imposer le respect de prescriptions qualifiées d’impératives par le préambule même des deux directives-cadres (voir au 1 considérant). 13- Il en résulte que les arguments mis en avant par le gouvernement belge doivent être écartés. 14 -Le gouvernement belge fait valoir en second lieu que, dans un souci de clarté juridique, il a entamé entre-temps les procédures nécessaires en vue de traduire les directives en des normes internes, mais que la bonne fin de ces procédures a été retardée en raison de controverses juridiques sur la procédure législative ou réglementaire applicable, en plus de difficultés politiques internes. 15 -Il suffit de faire remarquer à cet égard, ainsi que la Cour l’a affirmé itérativement, notamment dans son arrêt du 11 avril 1978 (Commission/République italienne, affaire 100/77, Recueil 1978, p. 879), qu’un État membre ne saurait exciper de difficultés internes ou de dispositions de son ordre juridique national, même constitutionnel, pour justifier le non-respect des obligations et délais résultant de directives communautaires. 16 -Cette manière de juger se justifie d’autant plus que les articles 15 des deux directives générales, n° 70/156, du 6 février 1970, et 74/150, du 4 mars 1974, disposent en des termes identiques que les États membres mettent en vigueur les dispositions nécessaires pour se conformer à la présente directive dans un délai de 18 mois à compter de sa notification et en informent immédiatement la Commission. S’agissant dans les deux cas de directives-cadres, cette disposition peut être comprise comme ayant impliqué, pour les États membres destinataires, l’obligation de faire, dans le respect de leurs systèmes législatifs respectifs, les prévisions nécessaires en vue d’une mise en vigueur, dans les délais voulus, des directives particulières dont l’objet était parfaitement identifié dans les annexes jointes aux deux directives citées. 17 -Dans ces conditions, les arguments tirés par le gouvernement belge des difficultés qu’il a rencontrées lors de la mise en œuvre des directives en question ne sauraient être retenus. 18- Il résulte de ce qui précède que le manquement du royaume de Belgique doit être constaté.

Page 6: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

6

Document 4 : CJCE, 1er mars 1983, aff. 301/81, Commission c/ Belgique : Rec. p. 467 1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 novembre 1981, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l’article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater que le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 189, alinéa 3, du traité, en omettant d’adopter, dans le délai prescrit, les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive 77/780 du Conseil, du 12 décembre 1977, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (JO L 322, p. 30). 2 Cette action doit être examinée au regard de l’historique de la directive elle-même et des événements qui ont précédé l’introduction du recours en manquement. 3 La directive 77/780 du Conseil constitue la première étape de l’instauration d’une harmonisation des structures bancaires et de leur contrôle. Cette harmonisation devrait permettre de réaliser progressivement la liberté d’établissement des institutions de crédit et la libéralisation des services bancaires. La directive introduit à cet égard certaines conditions minimales d’agrément pour les établissements de crédit que tous les États membres devront respecter. Elle vise notamment, afin de faciliter l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice, à réduire la marge d’appréciation discrétionnaire dont disposent certaines autorités de contrôle pour l’agrément des établissements de crédit. 4 En vertu de l’article 14, alinéa 1, de la directive les États membres devaient mettre en vigueur les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de 24 mois à compter de sa notification, délai qui expirait, en l’espèce, le 15 décembre 1979. Cette directive a donné lieu en Belgique à la rédaction d’un projet de loi qui n’était pas encore déposé devant les chambres au moment de l’introduction du recours en manquement par la Commission. 5 Pour sa défense, la gouvernement belge souligne d’abord l’importance des difficultés tant d’ordre technique qu’institutionnel et politique qui expliqueraient que, malgré les efforts déployés par lui, le projet de loi assurant la transposition de la directive en droit national n’a pas encore pu être déposé devant le Parlement. De plus, des problèmes particuliers résulteraient du fait qu’il aurait décidé de profiter de l’existence de la directive pour refondre la législation bancaire belge concernant l’ensemble des institutions de crédit. 6 Ces circonstances, si elles peuvent expliquer les difficultés d’appliquer la directive, ne font pas disparaître le manquement dont il est fait grief au royaume de Belgique. Selon la jurisprudence constante de la Cour, un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier le non-respect des obligations résultant des directives communautaires. 7 Le gouvernement belge estime par ailleurs que tant l’avis motivé que la requête de la Commission sont insuffisamment motivés dans la mesure où ils ne font pas référence aux difficultés d’application de la directive ni à une quelconque inertie ou opposition de l’État belge à l’application de celle-ci. De plus, le délai fixé par l’avis motivé serait insuffisant. 8 A cet égard, il y a lieu de remarquer que la recevabilité d’une action basée sur l’article 169 du traité dépend de la seule constatation objective du manquement et non de la preuve d’une quelconque inertie ou opposition de la part de l’Etat membre concerné. Ainsi que la Cour l’a déjà affirmé, l’avis visé à l’article 169 doit être considéré comme motivé à suffisance de droit lorsqu’il contient, comme en l’espèce, un exposé cohérent des raisons ayant amené la Commission à la conviction que l’État intéressé a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du traité. Dans cette mesure la Commission n’avait pas à faire référence à d’éventuelles difficultés d’application de la directive dans l’État membre concerné. 9 Enfin, la directive accordait aux États membres un délai de 24 mois pour prendre les mesures d’application. Le délai de 2 mois de l’avis motivé constitue à cet égard un simple délai supplémentaire dans lequel l’État membre est invité à mettre fin au manquement qui lui est reproché. De plus, la Commission a attendu près de 2 ans après l’envoi de l’avis motivé pour saisir la Cour. C’est donc vainement que le royaume de Belgique conteste dans ces circonstances le délai de 2 mois de l’avis motivé. 10 Le gouvernement belge invoque encore que le recours serait non fondé car le délai de 24 mois prévu pour la mise en œuvre de la directive serait manifestement insuffisant. La directive 77/780 du Conseil poserait aussi des problèmes d’interprétation quant à la nature même des obligations qu’elle comporte pour les États membres et quant au caractère directement applicable de certaines dispositions. 11 Il y a lieu à ce sujet de relever que les gouvernements des États membres participent aux travaux préparatoires des directives et doivent, dès lors, être en mesure d’élaborer les dispositions législatives

Page 7: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

7

nécessaires à leur mise en œuvre dans le délai fixé. Si, néanmoins, le délai pour la mise en œuvre d’une directive s’avère trop court, la seule voie compatible avec le droit communautaire consiste, pour l’État membre intéressé, à prendre, dans le cadre communautaire, les initiatives appropriées en vue d’obtenir que soit arrêtée, par l’institution compétente, la prorogation éventuelle du délai. 12 Quant aux difficultés d’interprétation de la directive, celles-ci ne sauraient avoir été d’une nature telle qu’elles puissent légitimer le dépassement par le gouvernement belge des délais acceptés par lui, alors que celui-ci avait par ailleurs d’autres moyens lui permettant de déterminer la portée de ses obligations. 13 En outre, même si certaines dispositions de la directive étaient directement applicables, ceci n’exonérerait pas l’État belge de son obligation d’exécuter la directive par l’adoption de dispositions internes. En effet, comme la Cour l’a déjà remarqué dans l’arrêt du 6 mai 1980 (Commission/Belgique, affaire 102/79, Recueil p. 1487), le droit pour les justiciables, d’invoquer en justice une directive à l’encontre d’un État membre défaillant constitue une garantie minimale, découlant du caractère contraignant de l’obligation imposée aux États membres par l’effet des directives, en vertu de l’article 189, alinéa 3, et ne saurait servir de justification à un État membre pour se dispenser de prendre, en temps utile, des mesures d’application adéquates à l’objet de chaque directive. 14 Dans son mémoire en défense, le gouvernement belge fait enfin remarquer que les exigences de la directive se retrouveraient déjà soit dans des dispositions législatives nationales proprement dites, soit dans des règles administratives de caractère général, ayant reçu une publicité adéquate. Dans son mémoire en duplique, le gouvernement belge a indiqué que ces dispositions ne pouvaient être considérées comme de simples pratiques administratives mais qu’il s’agissait bien de règles administratives. Ce n’est que donnant suite à la demande qui lui avait été faite par la Cour, que le gouvernement belge a déposé, le 11 octobre 1982, au greffe de la Cour, un document reproduisant en annexe les différentes dispositions nationales qui, selon lui, assurent l’exécution de la directive en droit belge. 15 Il convient toutefois de relever à cet égard que le gouvernement belge n’a soulevé ce moyen qu’au cours de la procédure judiciaire, alors qu’il s’était limité, pendant toute la procédure précontentieuse, à affirmer qu’aux fins de la transposition de la directive en cause, une loi tendant à la transposition de la directive était en préparation. 16 Il y a lieu de constater que cette façon de procéder n’est pas conforme à l’obligation que l’article 14, paragraphe 1, de la directive 77/780 impose aux États membres et qui consiste à fournir immédiatement à la Commission toute information utile concernant les mesures qui ont été prises pour se conformer à la directive. 17 Toutefois, le recours introduit par la Commission vise uniquement à faire constater que le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE en ne mettant pas en vigueur, dans les délais prescrits, les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive du Conseil 77/780/CEE et ne concerne donc pas l’obligation d’information qui résulte de l’article 14 de cette directive. C’est donc dans cette mesure qu’il convient de répondre au moyen du gouvernement belge. 18 Ce moyen doit, toutefois, être rejeté. Diverses violations claires de la directive peuvent être ici citées à titre d’exemples. Il apparaît en premier lieu que diverses obligations de notifier des décisions prises par les autorités de contrôle belges, imposées par, entre autres, les articles 3.7, 8.5 et 9.2 de la directive ne se trouvent formulées par aucun texte actuellement en vigueur. 19 En ce qui concerne l’exécution de l’obligation pour les autorités compétentes des États membres de se communiquer toutes les informations susceptibles de faciliter le contrôle des établissements de crédit (article 7 de la directive) le royaume de Belgique fait valoir que cette obligation serait prévue par l’article 40 de l’arrêté royal n 185 du 9 juillet 1935. Or, cet article écarte, certes, l’obligation au secret professionnel qui pèse sur les membres de la commission bancaire et les réviseurs lorsque ceux-ci communiquent des informations à une autorité étrangère de contrôle, mais ne comporte aucune obligation pour les autorités belges de collaborer avec les autorités des autres États membres. 20 Le document fourni par le gouvernement belge ne fait apparaître par ailleurs aucune disposition d’application de l’article 5 de la directive qui concerne le droit pour les succursales des établissements de crédit d’utiliser la même dénomination que celle qu’elles utilisent dans l’État membre de leur siège social. Enfin, certaines dispositions relatives au retrait de l’agrément (article 8) ne trouvent non plus aucun équivalent en droit belge. Il en va ainsi du délai de 12 mois qui est prévu pour que les autorités puissent retirer l’agrément en cas d’inactivité de l’établissement. 21 Il y a donc lieu de constater qu’en n’adoptant pas dans le délai prescrit les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive 77/780 du Conseil, du 12 décembre 1977, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité.

Page 8: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

8

Document 5 : CJCE, 23 mai 1985, Commission c. Allemagne, Affaire 29-84. (…)-Sur le problème général de mise en œuvre de directives 15 -Le gouvernement allemand reconnaît que la réforme générale de la législation sur les soins de santé, qui est sur le point de s’achever, comportera une transposition en droit allemand des dispositions des deux directives en cause, mais il soutient que le retard intervenu dans le processus législatif ne constitue pas un manquement à ses obligations communautaires. Si la législation actuellement en vigueur en République fédérale d’Allemagne n’est pas formellement conforme aux dispositions des directives, elle ne ferait nullement obstacle à leur application par les autorités allemandes et cette application serait en fait pleinement assurée dans la pratique administrative. 16 -Selon le gouvernement allemand, l’article 189, alinéa 3, du traité exige seulement que les avantages prévus par les directives soient assurés en droit national et que le citoyen ait un droit juridiquement protégé à ces avantages. La manière dont ce droit est fondé en droit national serait laissée à l’appréciation de chaque État membre. Le droit communautaire n’exigerait aucunement une activité législative à cet égard. 17 -Le gouvernement allemand ne conteste pas que de simples pratiques administratives, modifiables de par leur nature au gré de l’administration et dépourvues d’une publicité adéquate, ne sauraient être considérées comme constituant une exécution valable de l’obligation qui incombe aux États membres en vertu de l’article 189, ainsi que la Cour l’a constaté dans une jurisprudence constante, mais il fait valoir que cette jurisprudence n’est pas applicable au cas d’espèce. La pratique administrative en cause ne serait ni modifiable au gré de l’administration ni dépourvue d’une publicité adéquate. 18- La pratique conforme aux directives, que les autorités allemandes ont suivie constamment depuis la prise d’effet de ces actes communautaires, serait, selon le gouvernement allemand, l’expression d’une interprétation de la législation actuelle qui s’impose en raison de principes de droit national supérieurs aux lois. A cet égard, le gouvernement cite le principe général de l’égalité de traitement qui est consacré par la loi fondamentale et qui interdit toute différence de traitement non justifiée par des raisons objectives, le principe du traitement national des ressortissants des autres États membres, qui est un principe communautaire, mais qui est directement applicable en droit allemand, et, enfin, le principe du droit administratif allemand, selon lequel une telle pratique constante entraîne une autolimitation de l’administration qui empêche celle-ci d’y déroger à moins qu’une dérogation net s’impose pour des raisons objectives. De telles raisons ne pourraient pas se présenter à l’administration dans le cas d’espèce, d’une part, à cause des deux premiers principes de droit, d’autre part, parce que le législateur allemand aurait clairement démontré, par le projet de loi sur les soins de santé, ainsi que par les lois déjà votées pour d’autres professions du secteur de la santé, qu’il entend transposer les directives dans la législation nationale et, partant, codifier ladite pratique administrative. Le gouvernement conclut que l’application continue des dispositions des deux directives est déjà pleinement assurée par le droit allemand. 19 -En ce qui concerne la publicité donnée à cette application, le gouvernement allemand rappelle que la République fédérale, conformément à l’article 17 de la directive 77/452, a informé les autres États membres et la Commission des services désignés pour fournir les informations prévues à l’article 15. Auprès de ces services, les bénéficiaires des directives pourraient obtenir toutes les informations voulues sur leur situation juridique selon le droit national. Les directives ne prévoiraient pas d’autres mesures de publicité et de telles mesures ne seraient pas non plus exigées par l’article 189 tel que la Cour l’a interprété, puisque la pratique administrative conforme aux directives ne serait nullement contraire au libellé des règles législatives en vigueur. 20 -La Commission souligne que l’objectif des directives en cause est de faciliter l’exercice effectif du droit d’établissement et de libre prestation de services, notamment par la reconnaissance sans restriction des différents diplômes nationaux et par l’introduction de certaines garanties de procédure. Cet objectif ne serait atteint que lorsque les dispositions nationales concernées, qui ne sont pas en accord avec les dispositions des directives, ont été formellement modifiées ou complétées. Le gouvernement allemand aurait d’ailleurs implicitement reconnu cette nécessité en incluant des dispositions à cet effet dans le projet de loi sur les soins de santé. Le retard intervenu dans l’adoption de cette loi ne pourrait pas être justifié par le fait d’un changement de pratique administrative destiné à rencontrer les exigences des directives en attendant cette adoption. 21 -Même en admettant que l’administration est liée par sa pratique dans la mesure indiquée par le gouvernement allemand, la Commission conteste que cette construction juridique offre la sécurité juridique, la clarté et la transparence voulues par les directives. En particulier, un État membre ne pourrait pas invoquer l’effet direct du principe du traitement national pour échapper à l’obligation de transposer une

Page 9: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

9

directive qui vise précisément à réaliser ce principe dans la pratique, en facilitant l’exercice effectif des libertés affirmées par le traité. Par ailleurs, la Commission ne voit pas comment les principes de droit invoqués par le gouvernement pourraient servir à transposer les dispositions des directives qui règlent des procédures administratives déterminées ou qui prévoient une coordination des formations nationales, dispositions qui ne servent pas à fonder un droit des particuliers. 22 -En présence de ces opinions, il convient de rappeler les termes de l’article 189, alinéa 3, du traité, selon lesquels une directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. 23 -Il ressort de cette disposition que la transposition d’une directive n’exige pas nécessairement une action législative dans chaque État membre. En particulier, l’existence des principes généraux de droit constitutionnel ou administratif peut rendre superflue la transposition par des mesures législatives ou réglementaires spécifiques à condition, toutefois, que ces principes garantissent effectivement la pleine application de la directive par l’administration nationale et qu’au cas où la directive vise à créer des droits pour les particuliers, la situation juridique découlant de ces principes soit suffisamment précise et claire et que les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et, le cas échéant, de s’en prévaloir devant les juridictions nationales. Cette dernière condition est particulièrement importante, lorsque la directive en cause vise à accorder des droits aux ressortissants d’autres États membres, car ces ressortissants ne sont normalement pas au courant de ces principes. Document 6 : CJCE, 2 décembre 1986, Commission des Communautés européennes, contre Royaume de Belgique, 239/85 1-Par requête déposée au greffe de la Cour le 1er août 1985, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l’article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater que le royaume de Belgique n’a pas pris toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à la mise en vigueur complète de l’article 14 de la directive 78/319 du Conseil, du 20 mars 1978, relative aux déchets toxiques et dangereux (JO L 84, p. 43) et a manqué de ce fait aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 5 et 189 du traité CEE. 2-En ce qui concerne, d’une part, les dispositions de la directive 78/319 précitée et celles de la réglementation nationale en cause et, d’autre part, les moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d’audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour. 3-Le premier grief de la Commission, tel qu’il a été précisé dans sa réponse à la question posée par la Cour, est tiré de ce qu’en décidant de mettre en vigueur l’obligation de déclaration prévue à l’article 14, paragraphe 1, deuxième tiret, de la directive 78/319 précitée, le gouvernement belge n’a pas fait obligation aux établissements qui produisent, détiennent ou éliminent des déchets toxiques et dangereux de fournir aux autorités nationales compétentes l’ensemble des indications prévues à l’article 14, paragraphe 1, premier tiret, de cette même directive. 4-Il ressort, en premier lieu, de la comparaison de ces dernières dispositions de la directive 78/319 avec celles de l’article 18 de l’arrêté royal du 9 février 1976, portant règlement général sur les déchets toxiques, que la réglementation nationale n’exige des opérateurs économiques aucune des indications prévues par la directive, relatives, d’une part, aux caractéristiques physiques et chimiques des déchets, d’autre part, aux dates de réception et de cession desdits déchets. 5-Il convient de relever, en second lieu, que la réglementation belge précitée prévoit l’obligation de fournir des renseignements sur les méthodes d’élimination des déchets uniquement lorsque cette opération est effectuée chez le producteur alors que la directive 78/319 ne comporte pas cette limitation. Il y a lieu de souligner enfin que si la réglementation nationale impose aux opérateurs économiques concernés d’indiquer le lieu de destination des déchets toxiques, elle demeure imprécise pour ce qui concerne l’obligation d’indiquer le site d’élimination, prévue par la directive 78/319. 6-Il y a donc lieu de constater que, sur tous les points mentionnés ci-dessus, l’arrêté royal du 9 février 1976 n’assure pas une transposition correcte et complète des prescriptions de la directive 78/319 précitée. 7-Le gouvernement belge a fait état devant la Cour de son intention d’adopter une circulaire dans l’attente d’une modification de la réglementation nationale incriminée. Il convient de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, il importe que chaque État membre donne aux directives une exécution qui corresponde pleinement à l’exigence de sécurité juridique et traduise par conséquent les termes des

Page 10: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

10

directives dans des dispositions internes ayant un caractère contraignant. Le royaume de Belgique ne peut donc s’acquitter des obligations que lui impose la directive 78/319 au moyen d’une simple circulaire modifiable au gré de l’administration. 8-Le second grief de la Commission est tiré de ce que la réglementation belge n’exige pas la présentation du formulaire d’identification des déchets transportés, dans les conditions prévues par l’article 14, paragraphe 2, de la directive 78/319. 9-En réponse à ce grief, le gouvernement belge a fait valoir que les obligations résultant de cette disposition avaient été remplies par l’incorporation dans le droit interne belge des dispositions de l’accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par route et de la convention internationale concernant le transport des marchandises par chemin de fer, respectivement par les lois des 10 août 1960 (Moniteur belge du 7.10.1960, p. 7678) et 24 janvier 1973 (Moniteur belge du 9.5.1973, p. 5828). 10-Il ressort du titre même des deux conventions internationales précitées que la législation belge qui les a incorporées dans le droit interne vise uniquement les transports par route et par chemin de fer. Les prescriptions de l’article 14, paragraphe 2, de la directive 78/319 ne trouvent, par conséquent, aucune application dans le secteur des transports par voies fluviale, maritime et aérienne. 11-Il ressort, en outre, de l’affirmation de la Commission contenue dans son avis motivé du 16 octobre 1984 et non contredite par le gouvernement belge, que la mention du lieu du site d’élimination finale des déchets, exigée par l’article 14, paragraphe 2, de la directive 78/319, si toutefois ce lieu est connu, n’est pas prescrite par le texte des deux conventions internationales précitées. 12-Il y a donc lieu de constater que les lois belges précitées édictent des mesures moins sévères que celles de l’article 14, paragraphe 2, de la directive 78/319. Elles ne peuvent, par conséquent, en vertu de l’article 2 de la même directive, être regardées comme assurant une mise en œuvre satisfaisante du texte de cette dernière. 13-Si le gouvernement belge a fait valoir que l’exigence de la mention du site d’élimination finale des déchets se trouve satisfaite en Région flamande depuis l’intervention d’un arrêté du 21 avril 1982, il ne conteste pas qu’il en va différemment dans les Régions wallonne et bruxelloise. 14-Il y a donc lieu de constater que le royaume de Belgique n’a pas pris toutes les dispositions législatives ou réglementaires nécessaires à la mise en œuvre de la directive 78/319 du Conseil et a manqué de ce fait aux obligations qui lui incombent en vertu du texte même de cette directive et des articles 5 et 189 du traité. Document 7 : CJCE, 14 janvier 1988, Commission contre Belgique, affaires jointes 227 à 230/85 1-Par requêtes déposées au greffe de la Cour le 23 juillet 1985, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l’article 169 du traité CEE, quatre recours visant à faire déclarer que le royaume de Belgique, en ne s’étant pas conformé aux arrêts de la Cour du 2 février 1982 (Commission/Royaume de Belgique, 68/81, 69/81, 70/81 et 71/81, Rec. p. 153, 163, 169 et 175, respectivement), a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 171 du traité. 2-Dans les arrêts précités, la Cour a constaté qu’en n’adoptant pas dans les délais prescrits les dispositions nécessaires pour se conformer : — à la directive 78/176 du Conseil, du 20 février 1978, relative — aux déchets provenant de l’industrie du dioxyde de titane (JO L 54, p. 19), — à la directive 75/442 du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), — à la directive 75/439 du Conseil, du 16 juin 1975, concernant l’élimination des huiles usagées (JO L 194, p. 23), et — à la directive 76/403 du Conseil, du 6 avril 1976, concernant l’élimination des polychlorobiphényles et polychloroterphényles (JO L 108, p. 41), le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité. 3-N’ayant reçu du gouvernement belge aucune information sur les mesures prises pour se conformer à ces arrêts, la Commission lui a adressé, le 16 avril 1984, conformément à l’article 169 du traité CEE, quatre lettres de mise en demeure l’invitant à présenter ses observations. Ces lettres étant restées sans suite, la Commission, après avoir émis, le 21 décembre 1984, quatre avis motivés qui sont également restés sans réponse, a introduit les présents recours.

Page 11: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

11

4-En ce qui concerne les antécédents du litige ainsi que les moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d’audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour. 5-La Commission fait valoir que le fait de ne pas avoir, plus de trois ans après le prononcé des arrêts du 2 février 1982, adopté les mesures nécessaires pour transposer les directives en question dans l’ordre juridique interne belge constitue un manquement à l’obligation, découlant de l’article 171 du traité CEE, de prendre les mesures que comporte l’exécution de ces arrêts. 6-Le gouvernement belge explique ce retard par les difficultés particulières nées du transfert d’une partie importante des compétences aux nouvelles institutions régionales en Belgique créées par la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980. 7-En réponse aux questions de la Cour, le gouvernement belge a expliqué que le pouvoir national n’est que partiellement compétent pour la mise en oeuvre de la directive 78/176. Lors de l’audience, l’agent du gouvernement belge a indiqué qu’un arrêté royal concernant les déversements des eaux usées dans les eaux de surface avait été adopté le 4 août 1986 et que, dès lors, au niveau des compétences du pouvoir national, toutes les mesures nécessaires avaient été prises pour se conformer aux arrêts précités. 8-Sur le plan des régions, le gouvernement belge a fait savoir à la Cour que la Région flamande avait adopté, le 2 juillet 1981, un décret concernant la gestion des déchets et avait pris une série d’arrêtés d’exécution qui couvrent les quatre directives. Le gouvernement belge a toutefois admis que l’application complète des directives fait encore défaut dans les Régions wallonne et bruxelloise en dépit des efforts de ces deux régions pour la mise en oeuvre des quatre directives. Dans ce contexte, l’agent du gouvernement belge a rappelé à l’audience que la législation belge ne confère pas à l’État le pouvoir de contraindre les régions à mettre en oeuvre la législation communautaire ou de se substituer à elles pour procéder directement à cette mise en oeuvre dans le cas d’un retard persistant de leur part. 9-Il convient de rappeler, comme la Cour l’a dit dans ses arrêts du 25 mai 1982 (Commission/Pays Bas, 96/81 et 97/81, Rec. p. 1791 et 1819, respectivement), que chaque État membre est libre de répartir, comme il le juge opportun, les compétences sur le plan interne et de mettre en oeuvre une directive au moyen de mesures prises par les autorités régionales ou locales. Cette répartition de compétences ne saurait cependant le dispenser de l’obligation d’assurer que les dispositions de la directive soient traduites fidèlement en droit interne. 10-Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu’un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire. 11-Dans ses arrêts du 2 février 1982, précités, la Cour a constaté qu’en ne mettant pas les directives en oeuvre dans les délais prescrits le royaume de Belgique avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité. Conformément à l’article 171 du traité, le royaume de Belgique était tenu de prendre les mesures que comportait l’exécution des arrêts de la Cour. Cet article ne précise pas le délai dans lequel lesdites mesures doivent intervenir. Toutefois, la mise en oeuvre de l’exécution d’un arrêt doit être engagée immédiatement et doit aboutir dans les délais les plus brefs, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce, puisque plusieurs années se sont déjà écoulées depuis le prononcé des arrêts en question. 12-Il y a donc lieu de constater qu’en persistant, en dépit des arrêts de la Cour du 2 février 1982 (Commission/Royaume de Belgique, 68/81, 69/81, 70/81 et 71/81, Rec. p. 153, 163, 169 et 175, respectivement), à ne pas prendre les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des directives du Conseil 78/176, du 20 février 1978, relative aux déchets provenant de l’industrie du dioxyde de titane (JO L 54, p. 19), 75/442, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), 75/439, du 16 juin 1975, concernant l’élimination des huiles usagées (JO L 194, p. 23), et 76/403, du 6 avril 1976, concernant l’élimination des polychlorobiphényles et polychloroterphényles (JO L 108, p. 41), le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité. Document 8 : CJCE, 13 juill. 1989, Enichem Base e. a., 380/87 1 Par ordonnance du 23 novembre 1987, parvenue à la Cour le 21 décembre suivant, le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l' interprétation de la directive 75/442 du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets ( J0 L 194, p . 47 ), de la directive 76/403 du Conseil, du 6 avril 1976, concernant l'

Page 12: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

12

élimination des polychlorobiphényles et polychloroterphényles ( JO L 108, p . 41 ) et de la directive 78/319 du Conseil, du 20 mars 1978, relative aux déchets toxiques et dangereux ( JO L 84, p . 43 ). (…)Sur la deuxième question 12 La deuxième question vise en substance à savoir si l' article 3, paragraphe 2, de la directive 75/442 impose aux États membres l' obligation de communiquer à la Commission tout projet de réglementation, telle que celle contestée dans le litige au principal, préalablement à son adoption définitive . 13 A cet égard, il a été soutenu que la réglementation en cause ne relevait pas du domaine d' application de l' article 3 de la directive parce qu' elle ne concernerait pas des produits dont l' élimination soit source de difficultés techniques ou de coûts excessifs . 14 Il suffit de constater sur ce point que l' article 3, paragraphe 2, de la directive 75/442 impose aux États membres l' obligation de communiquer en temps utile à la Commission non seulement les projets de réglementation concernant notamment l' emploi des produits qui seraient source de difficultés techniques d' élimination ou engendreraient des coûts excessifs d' élimination, mais aussi, par référence au paragraphe 1, tout projet de réglementation visant à promouvoir notamment la prévention, le recyclage et la transformation des déchets . 15 Par conséquent, même si l'affirmation selon laquelle les produits visés par la réglementation litigieuse ne sont pas source de difficultés techniques d' élimination ou de coûts excessifs d' élimination se révélait exacte, il ne s' ensuivrait pas pour autant qu' un tel projet de réglementation soit soustrait au domaine d' application de l' article 3, paragraphe 2, de la directive . 16 Il a encore été soutenu à l' audience que l' obligation de communication préalable prévue par l' article 3, paragraphe 2 de la directive ne concernait que les mesures d' une certaine importance et qu' elle ne pourrait pas couvrir des dispositions d' une portée pratique extrêmement limitée, telles que celles adoptées par une petite commune . La communication d' un tel projet à la Commission s' avérerait impraticable . 17 A cet égard, il suffit de constater que la directive ne prévoit aucune dérogation ou limitation en ce qui concerne l'obligation de communication des projets visés à l' article 3 . Par conséquent, cette obligation s' étend aux projets de réglementation arrêtés par toutes les autorités des États membres, y compris les autorités décentralisées telles que les communes . 18 Il convient donc de répondre à la deuxième question que l' article 3, paragraphe 2, de la directive 75/442 doit être interprété en ce sens qu' il impose aux États membres l' obligation de communiquer à la Commission un projet de réglementation telle que celle contestée dans le litige au principal, préalablement à son adoption définitive . Document 9 : CJCE, 23 novembre 1989, Kommanditgesellschaft in Firma Eau de Cologne, C-150/88 1 Par ordonnance du 4 mai 1988, parvenue à la Cour le 26 du même mois, le Landgericht Köln a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation de la directive 76/768 du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO L 262, p. 169), en vue d'apprécier la compatibilité avec le droit communautaire de la réglementation italienne adoptée pour la mise en oeuvre de la directive précitée. 2 Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant la société allemande Kommanditgesellschaft in Firma Eau de Cologne & Parfümerie-Fabrik Glockengasse n° 4711 (ci-après société 4711) à la société italienne Provide, à propos de l'exécution d'un contrat de vente de produits cosmétiques. 3 Selon l'article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive, les États membres prennent toute disposition utile pour que les produits cosmétiques ne puissent être mis sur le marché que si leurs emballages, récipients ou étiquettes indiquent notamment le nom ou la raison sociale et l'adresse ou le siège social du fabricant ou du responsable de la mise sur le marché, établis à l'intérieur de la Communauté. L'article 6, paragraphe 2, dispose que les États membres doivent également prendre toute disposition utile pour que, dans l'étiquetage, la présentation à la vente et la publication concernant les produits cosmétiques, le texte, les dénominations, marques, images ou autres signes figuratifs ou non ne soient pas utilisés pour attribuer aux produits des caractéristiques qu'ils ne possèdent pas. 4 L'article 8, paragraphe 1, sous a), de la loi italienne n° 713, du 11 octobre 1986, mettant en oeuvre l'article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive précitée, tel qu'interprété par circulaire ministérielle, exige la mention du producteur italien ou du responsable en Italie de la mise sur le marché des produits

Page 13: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

13

cosmétiques. Pour les produits qui portent déjà l'indication du producteur ou du responsable de la commercialisation établi dans un autre État membre, il suffit que l'indication de l'entreprise italienne responsable de la commercialisation en Italie soit apposée par celle-ci sur l'emballage extérieur du produit, après l'importation et avant la vente au public. D'autre part, l'article 8, paragraphe 1, sous d), de la loi précitée, portant dispositions d'exécution de l'article 6, paragraphe 2, de la directive, exige l'indication des données qualitatives et quantitatives des substances dont il est fait mention sur l'emballage, dans la publicité ou dans la dénomination du produit. 5 Provide a commandé à la société 4711 du Vitamol, produit cosmétique dont l'emballage et la notice d'emploi mentionnaient le nom des vitamines qu'il contenait, et notamment le D. Panthenol. La société 4711 garantissait notamment que le produit en cause était conforme aux lois et dispositions en vigueur, et qu'il pouvait être commercialisé en Italie. 6 Provide a ultérieurement refusé de prendre livraison de la commande au motif que celle-ci n'était pas conforme aux clauses du contrat. Le produit n'aurait pas été commercialisable en Italie, en ce que n'était mentionné, contrairement aux dispositions italiennes précitées, ni l'importateur italien ni la quantité de vitamines contenues dans le produit, alors que le nom de celles-ci était expressément mentionné sur l'emballage. 7 La société 4711 a saisi le Landgericht Köln, compétent en vertu d'une clause du contrat, d'une action en exécution de celui-ci, en faisant valoir en substance que le produit offert était parfaitement conforme aux dispositions de la directive, et donc commercialisable dans tous les États membres. 8 Le Landgericht Köln estime que la réglementation italienne est contraire aux dispositions précitées de la directive. La juridiction nationale considère, en particulier, que, si l'obligation de donner une indication qualitative et quantitative des substances constitue bien une manière de remplir l'objectif poursuivi par l'article 6, paragraphe 2, de la directive précitée, à savoir protéger le consommateur de toute tromperie, cette obligation va toutefois trop loin et son efficacité est douteuse. 9 Le Landgericht a décidé, en conséquence, de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour, conformément à l'article 177 du traité CEE, les questions préjudicielles suivantes: 1) L'article 8, paragraphe 1, sous d), de la loi italienne n° 713, du 11 octobre 1986, est-il compatible avec l'article 6, paragraphe 2, de la directive du Conseil du 27 juillet 1976 et avec l'article 30 du traité CEE, dans la mesure où il exige l'indication des 'données qualitatives et quantitatives des substances' dont il est fait mention sur l'emballage, dans la publicité ou dans la dénomination du produit? 2) L'article 8, paragraphe 1, sous a), de la loi italienne n° 713, dans l'interprétation qui lui est donnée dans le paragraphe 3 de la circulaire du 2 février 1987 du ministre de la Santé italien, est-il compatible avec l'article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive du Conseil du 27 juillet 1976 et avec l'article 30 du traité CEE, dans la mesure où, également dans le cas de produits importés en Italie fabriqués par un fabricant résidant dans la Communauté, le 'nom de l'entreprise italienne qui est responsable de la commercialisation' doit figurer sur les emballages, boîtes ou étiquettes? (…)Sur la première question 13 Cette question tend en substance à savoir si l'article 6, paragraphe 2, précité, de la directive s'oppose à ce qu'une réglementation nationale exige l'indication des données qualitatives et quantitatives des substances mentionnées sur l'emballage, dans la publicité ou dans la dénomination des produits cosmétiques. 14 Il convient de rappeler à cet égard qu'aux termes de l'un des considérants de la directive celle-ci s'inspire de la nécessité de déterminer au niveau communautaire les règles qui doivent être observées en ce qui concerne la composition, l'étiquetage et l'emballage des produits cosmétiques. Elle vise ainsi à supprimer les divergences existant entre les législations nationales, ces divergences ayant pour effet de contraindre les entreprises communautaires à différencier leur production selon l'État membre de destination et d'entraver ainsi les échanges portant sur ces produits. 15 A cet effet, l'article 6, paragraphe 1, de la directive énumère les différentes mentions que doivent comporter les emballages, récipients ou étiquettes des produits cosmétiques; au nombre de ces mentions ne figurent pas les données qualitatives et quantitatives des substances mentionnées dans la présentation de ces produits. 16 En outre, l'article 7 de la directive interdit aux États membres, en son paragraphe 1, de refuser, d'interdire ou de restreindre la mise sur le marché des produits cosmétiques répondant aux prescriptions de la directive sous la seule réserve, énoncée au paragraphe 2, qu'ils peuvent exiger que certaines des mentions prescrites par l'article 6, paragraphe 1, soient libellées dans leurs langues nationales ou officielles.

Page 14: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

14

17 Il s'ensuit que la liste de ces mentions est exhaustive et qu'un État membre ne saurait exiger l'indication, non expressément prévue par la directive, des données qualitatives et quantitatives des substances mentionnées dans la présentation des produits cosmétiques. 18 En effet, une telle exigence serait précisément de nature à entraver les échanges intracommunautaires par l'obligation qu'elle implique de modifier le conditionnement sous lequel les produits sont légalement commercialisés dans certains États membres. Un distributeur établi dans un de ces États peut même éprouver des difficultés à exporter des produits cosmétiques dans un autre État membre, dès lors que celui-ci exige la mention en question et que le producteur ne donne pas au distributeur les informations requises. 19 Il convient d'ajouter que, si l'article 6, paragraphe 2, de la directive oblige les États membres à prendre les dispositions utiles pour éviter que dans l'étiquetage et la présentation à la vente les textes, dénominations, marques, images et autres signes ne soient utilisés pour attribuer aux produits cosmétiques en cause des caractéristiques qu'ils n'ont pas, il n'autorise pas les États membres à exiger les mentions non prévues par la directive dans l'étiquetage ou l'emballage de ces produits. 20 Par ailleurs, l'objectif de protection des consommateurs, qui est à la base de l'article 6, paragraphe 2, de la directive, peut être atteint par des moyens moins restrictifs des échanges communautaires. Il ressort en effet d'un examen comparatif des dispositions nationales édictées à cette fin que certains États membres ont interdit, de manière générale, toute indication de nature à induire le consommateur en erreur. Or, il n'apparaît pas qu'une telle interdiction générale soit insuffisante pour atteindre le but recherché. 21 Il y a donc lieu de répondre à la première question que l'article 6, paragraphe 2, de la directive 76/768 s'oppose à ce qu'une réglementation nationale exige l'indication des données qualitatives et quantitatives des substances mentionnées sur l'emballage, dans la publicité ou dans la dénomination des produits cosmétiques couverts par la directive. Sur la seconde question 22 Cette question tend en substance à savoir si l'article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive interdit à un État membre d'exiger, dans le cas de produits cosmétiques importés, fabriqués par un producteur établi dans la Communauté, que le nom de l'entreprise installée et responsable de leur commercialisation dans cet État figure sur les emballages, boîtes ou étiquettes des produits. 23 Il ressort de ses termes mêmes que l'article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive exige seulement l'indication soit du fabricant, soit du responsable de la mise sur le marché du produit cosmétique, pour autant que l'un ou l'autre soit établi dans la Communauté. 24 Il s'ensuit que cette disposition interdit à un État membre d'exiger, dans le cas de produits importés, fabriqués par un producteur établi dans la Communauté, que le nom du distributeur installé et responsable de leur commercialisation dans cet État figure sur les emballages, boîtes ou étiquettes des produits. 25 Il est à cet égard indifférent que l'État membre se borne à exiger que l'indication du distributeur puisse être apposée sur l'emballage extérieur du produit après l'importation, avant sa vente au public, et selon des modalités n'exigeant pas l'ouverture de l'emballage du produit. 26 En effet, une telle obligation rend, en tout état de cause, plus onéreuse la commercialisation des produits et entraîne, par conséquent, une entrave aux échanges, que la directive a pour objet d'éliminer. 27 Il y a donc lieu de répondre à la seconde question que l'article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive interdit à un État membre d'exiger, dans le cas de produits cosmétiques importés, fabriqués par un producteur établi dans la Communauté, que le nom de l'entreprise établie et responsable de la commercialisation dans cet État membre figure sur les emballages, boîtes ou étiquettes des produits. Document 10 : CJCE,15 mars 1990, Commission c. Pays Bas, C-339/87 1-Par requête déposée au greffe de la Cour le 28 octobre 1987, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l’article 169 du traité, un recours visant à faire reconnaître que le royaume des PaysBas, en ne prenant pas dans les délais prescrits toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103, p. 1), a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité. 2-Aux termes de l’article 18 de la directive, les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive dans un délai

Page 15: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

15

de deux ans à compter de sa notification. La directive ayant été notifiée le 6 avril 1979, ce délai est venu à expiration le 6 avril 1981. 3-Ayant constaté que les dispositions législatives et réglementaires néerlandaises en matière de chasse n’étaient pas entièrement conformes à la directive 79/409, précitée, la Commission a engagé la procédure de l’article 169 du traité. Après avoir mis le royaume des PaysBas en demeure de présenter ses observations, elle a, le 11 février 1987, émis un avis motivé qui est resté sans réponse. La Commission a alors introduit le présent recours qui comporte six griefs contre le régime juridique néerlandais de la chasse aux oiseaux. 4-Pour un plus ample exposé des antécédents du litige, des dispositions nationales en cause, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et des arguments des parties, il est renvoyé au rapport d’audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour. 5-Avant d’examiner les différents griefs de la Commission relatifs à la nonconformité des dispositions néerlandaises à la directive en question, il convient de répondre à l’argument de la Commission selon lequel cette directive n’aurait pas été valablement transposée dans l’ordre juridique interne du fait que les dispositions combinées des articles 2 et 20 de la loi sur la chasse autorisent le ministre compétent à prendre des initiatives qui dépassent les limites fixées par la directive. Or, selon elle, la directive instaure un régime général de protection auquel il ne peut être dérogé que dans certains cas particuliers et dans certaines circonstances déterminées. 6-A cet égard, il y a lieu de rappeler les termes de l’article 189, troisième alinéa, du traité, selon lesquels une directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Dans l’arrêt du 23 mai 1985, Commission/Allemagne (29/84, Rec. p. 1661) , la Cour a souligné qu’il ressort de cette disposition que la transposition d’une directive n’exige pas nécessairement une action législative dans chaque État membre. S’agissant de la directive 79/409, il résulte de la jurisprudence de la Cour, confirmée notamment par l’arrêt du 27 avril 1988, Commission/France (252/85, Rec. p. 2243) , que la transposition en droit interne d’une directive n’exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle de ses dispositions dans une disposition expresse et explicite et qu’elle peut se satisfaire d’un contexte juridique général, dès lors que celuici assure effectivement la pleine application de la directive d’une façon suffisamment claire et précise. 7-Il ressort du dossier qu’une partie des règles relatives à la chasse des oiseaux aux PaysBas est contenue dans deux actes ministériels, datés du 8 août 1977 et du 24 février 1987. D’après les explications données par les parties au litige lors des débats devant la Cour, les actes ministériels visés en l’espèce, qui ont été pris en vertu de la loi sur la chasse et publiés au Journal officiel néerlandais, revêtent une portée générale et sont susceptibles de créer des droits et obligations dans le chef des particuliers. 8-Compte tenu des caractéristiques de ces deux actes ministériels, la circonstance que la directive 79/409/CEE se trouve transposée en droit néerlandais par des instruments juridiques de nature différente, la loi sur la chasse et les deux actes dont il s’agit, n’est pas en ellemême contraire aux prescriptions de l’article 189, troisième alinéa, du traité. Il convient, cependant, de préciser que l’autorité nationale habilitée par la loi sur la chasse à prendre des mesures pour son application est tenue, à l’égal de la loi ellemême, de respecter les dispositions de la directive, en particulier celles qui concernent la possibilité de chasser les différentes espèces et les conditions mises à l’exercice de leur chasse, et ne pourrait les méconnaître sans mettre le droit national en contradiction avec le droit communautaire. Premier grief : les espèces d’oiseaux susceptibles d’être chassées 9-La Commission expose qu’un certain nombre d’espèces, susceptibles d’être chassées en vertu des articles 2 et 20 de la loi sur la chasse, sont protégées par l’article 7 de la directive puisque ces espèces ne figurent pas à l’annexe II de la directive. Selon elle, il s’agit du tétraslyre, de plusieurs espèces d’oies et de canards, de la bécassine double, de la corneille noire et de la corneille mantelée, du corbeau freux, du choucas, du geai et de la pie. 10-Le gouvernement néerlandais estime que les dispositions de la loi sur la chasse et de ses textes d’application transposent de manière adéquate les interdictions prévues par la directive. Il souligne que les oiseaux pour lesquels des autorisations de chasse peuvent être octroyées par le ministère compétent appartiennent à des espèces qui causent ou peuvent causer durant toute l’année des dégâts importants à l’agriculture sur l’ensemble du territoire des PaysBas. Il estime, par conséquent, que le maintien de l’ouverture de la chasse de ces espèces est la seule possibilité d’éviter ces dégâts. 11-En ce qui concerne la chasse des espèces qui, en vertu de l’article 7 en combinaison avec l’annexe II de la directive, ne peuvent faire l’objet d’actes de chasse, il y a lieu, pour les espèces citées, d’examiner le grief de la Commission en distinguant comme suit.

Page 16: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

16

Tétraslyre, bécassine double, corneille mantelée 12-Ces trois types d’oiseaux relèvent du champ d’application de l’article 20, paragraphe 2, de la loi sur la chasse, selon lequel la chasse de ces espèces est interdite, sauf mesure contraire prise par le ministre compétent. Il est toutefois constant qu’en l’espèce aucune mesure de ce genre n’est intervenue. Dans ces conditions, c’estàdire dans l’état actuel de la réglementation nationale applicable, les oiseaux en cause se trouvent protégés conformément aux termes de la directive. Cet élément du premier grief doit, dès lors, être rejeté. Oies et canards 13-Ces oiseaux relèvent également du domaine d’application de l’article 20, paragraphe 2, de la loi sur la chasse, mentionné cidessus. Selon le décret ministériel du 8 août 1977, l’oie cendrée, l’oie rieuse et l’oie des moissons ainsi que le canard colvert, le canard souchet, le canard siffleur, le canard pilet et le canard chipeau peuvent être chassés pendant une certaine période de l’année. Ce décret est conforme à l’annexe II de la directive, qui permet la chasse de ces oiseaux dans tous les États membres et en particulier aux PaysBas. Cet élément du premier grief doit, dès lors, être rejeté également. Corneille noire, choucas, pie, geai 14-La chasse des trois premières espèces est ouverte pendant toute l’année, conformément aux articles 8, paragraphe 1, et 20, paragraphe 1, de la loi. En ce qui concerne le geai, le décret ministériel du 8 août 1977 n’a prévu qu’une fermeture partielle de la chasse du 1er mai au 14 juillet. Par contre, aucune de ces espèces ne peut faire l’objet d’actes de chasse selon l’article 7 de la directive. 15-Pour ce qui est de l’argument du gouvernement néerlandais selon lequel la chasse de ces espèces est justifiée du point de vue de la limitation de dommages importants, il y a lieu de rappeler que, comme la Cour l’a jugé dans l’arrêt du 17 septembre 1987, Commission/Allemagne (412/85, Rec. p. 3503) , une telle dérogation doit être fondée sur au moins un des motifs énumérés d’une manière limitative au paragraphe 1 de l’article 9 de la directive, et doit répondre aux critères énumérés au paragraphe 2 dudit article afin de limiter les dérogations au strict nécessaire et d’en permettre la surveillance par la Commission. Or, les dispositions nationales en cause ne remplissent pas les conditions ainsi posées. Cet élément du premier grief doit, dès lors, être considéré comme fondé. Corbeau freux 16-La chasse de cet oiseau, qui relève du même régime que celui du tétraslyre, de la bécassine double et de la corneille mantelée, a été autorisée par règlement du 24 février 1987 pris par le ministre compétent en vertu de l’habilitation prévue par l’article 20, paragraphe 2, de la loi sur la chasse. Toutefois, il y a lieu de constater que les dispositions de ce règlement respectent les différentes conditions des dérogations autorisées par l’article 9 de la directive au titre de la prévention des dommages importants. Par conséquent, le grief invoqué à cet égard doit être rejeté. 17Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier grief n’est fondé qu’en ce qui concerne la chasse à la corneille noire, au choucas, au geai et à la pie. Deuxième grief : les dérogations concernant certaines espèces d’oiseaux 18-La Commission fait valoir que l’article 8, paragraphe 1, de la loi sur la chasse permet à l’usager d’un terrain de chasser certaines espèces d’oiseaux protégées, sans limitation dans le temps et à l’aide de tous les moyens propres à débusquer ou à assommer le gibier, de même qu’à l’aide de furets, de filets et de trébuchets. Elle estime que, bien que la chasse de certaines espèces, en l’occurrence du pigeon ramier, de la corneille noire, du choucas, du geai et de la pie puisse être autorisée en vertu de l’article 9 de la directive pour éviter des dommages importants, la législation néerlandaise ne répond pas aux conditions posées par cette disposition. 19-Le gouvernement néerlandais observe que l’administration a la possibilité de fermer la chasse de ces espèces pour une période déterminée ou sur certaines parties du territoire et qu’elle a fait usage de ce pouvoir à l’égard du geai pour une période déterminée, conformément à l’article 20, paragraphe 1, de la loi. Il ajoute que la chasse des autres espèces visées par la loi n’a pas été fermée, compte tenu des dommages causés par cellesci et que le risque que certaines d’entre elles soient chassées en l’absence de dommages importants est extrêmement faible. Il précise enfin que les moyens de chasse interdits par l’annexe IV de la directive, tels que les pièges trappes, ne sont pas utilisés aux PaysBas. 20-S’agissant de l’argument du gouvernement néerlandais visant à défendre ces possibilités de chasse compte tenu des dommages causés par les oiseaux en cause, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence précitée de la Cour, d’éventuelles dérogations aux interdictions prescrites par la directive doivent satisfaire aux exigences posées par l’article 9 de la directive. Or, la législation néerlandaise ne contient pas de précisions en ce sens.

Page 17: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

17

21-En ce qui concerne le volet du grief relatif aux moyens de chasse des espèces susvisées, permis en vertu de l’article 22, paragraphe 2, de la loi, l’argument du gouvernement néerlandais selon lequel les moyens de chasse interdits par l’annexe IV de la directive, comme les pièges trappes, ne sont pas utilisés aux PaysBas doit également être rejeté. 22-A cet égard, il y a lieu de souligner que les interdictions relatives aux moyens de capture prévues par la directive doivent ressortir de dispositions normatives. L’inexistence d’une pratique incompatible avec la directive ne saurait libérer l’État membre concerné de son obligation de prendre des mesures législatives ou réglementaires afin d’assurer une transposition adéquate des dispositions de celleci. En effet, le principe de la sécurité juridique exige que les interdictions dont il s’agit soient reprises dans des dispositions légales contraignantes. Le deuxième grief doit donc être accueilli. Troisième grief : la recherche, le ramassage et la détention d’oeufs de certaines espèces d’oiseaux 23-La Commission fait valoir également que la loi sur la chasse autorise la recherche, le ramassage et la détention d’oeufs des espèces énumérées en son article 8, paragraphe 1, alors qu’en vertu de l’article 6, paragraphe 2, et de l’annexe III, partie 1, de la directive une telle autorisation ne peut être octroyée qu’en ce qui concerne le pigeon ramier. 24-Le gouvernement néerlandais rétorque qu’en réalité il n’est pas procédé à la recherche et au ramassage d’oeufs des espèces visées à l’article 8, paragraphe 1, de la loi. 25-Cet argument du gouvernement néerlandais ne saurait être retenu. En effet, il est constant que la recherche, le ramassage et la détention des oeufs du pigeon ramier, de la corneille noire, du choucas, du geai et de la pie, autorisés en vertu de la législation nationale, sont contraires à l’article 5, sous c) , de la directive. Comme il a été souligné cidessus, le fait qu’un certain nombre d’activités incompatibles avec les interdictions de la directive n’existent pas dans un État membre déterminé ne saurait justifier l’absence de dispositions légales en ce sens. En effet, afin de garantir la pleine application des directives, en droit et non seulement en fait, les États membres doivent prévoir un cadre légal précis dans le domaine concerné. Le troisième grief doit, dès lors, être considéré comme fondé. Quatrième grief : les dérogations concernant la prévention de dommages 26-La Commission fait valoir que les dispositions de la loi sur la chasse qui concernent la prévention de dommages ne correspondent pas aux termes de l’article 9 de la directive. Elle estime qu’il est très important que les conditions de dérogation énoncées à cet article soient reprises exactement dans la législation nationale et qu’elles fassent l’objet d’une appréciation particulière qui distingue, notamment, entre la nécessité de la chasse en tant que telle, d’une part, et la nécessité de l’utilisation d’un moyen de chasse déterminé, d’autre part. 27-Le gouvernement néerlandais soutient que les autorisations de chasse prévues aux articles 53 et 54 de la loi ne sont accordées que pour prévenir et combattre des dommages importants causés par certaines espèces qui, conformément à l’annexe II de la directive, peuvent être chassées aux PaysBas et pour lesquelles la chasse est ouverte pendant toute l’année ou une partie de celleci. Il ajoute que ces autorisations, qui sont assorties de nombreuses conditions, ne sont délivrées que s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante. 28-Cet argument du gouvernement néerlandais doit être rejeté. En effet, il convient d’observer que ni l’existence de dommages importants ni les autres circonstances de dérogation énoncées à l’article 9 de la directive ne figurent dans le texte des articles 53 et 54 de la loi sur la chasse. Comme il a été relevé cidessus, il résulte de la jurisprudence de la Cour (voir arrêt du 17 septembre 1987, précité) dans le domaine de la conservation des oiseaux sauvages que les critères sur la base desquels les États membres peuvent déroger aux interdictions prescrites par la directive doivent être repris dans des dispositions nationales précises, étant donné que l’exactitude de la transposition revêt une importance particulière dans un cas comme celui où la gestion du patrimoine commun est confiée, pour leur territoire, aux États membres respectifs. 29-L’explication selon laquelle les impératifs de protection énoncés par l’article 9 de la directive sont respectés, en fait, par la pratique ministérielle en matière d’autorisations de chasse ne saurait être accueillie puisque, comme la Cour l’a rappelé dans l’arrêt du 23 février 1988, Commission/Italie (429/85, Rec. p. 843) , de simples pratiques administratives, par nature modifiables au gré de l’administration, ne sauraient être considérées comme constituant une exécution valable de l’obligation qui incombe aux États membres destinataires d’une directive en vertu de l’article 189 du traité. Le quatrième grief est, dès lors, fondé. Cinquième grief : la chasse à partir d’avions

Page 18: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

18

30-La Commission fait valoir que l’article 22 de la loi sur la chasse n’interdit pas la poursuite d’oiseaux à partir d’avions, bien que les dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 2, et de l’annexe IV, sous b) , de la directive imposent aux États membres d’interdire ce type de chasse. 31-Le gouvernement néerlandais rétorque qu’aux PaysBas il n’est pas fait usage d’avions pour la poursuite du gibier. Il considère donc superflu d’inclure dans la législation nationale une telle interdiction. 32-A cet égard, il y a lieu d’observer que, comme il a été précisé cidessus, le fait que, dans un État membre, on n’ait pas recours à un moyen de chasse déterminé ne saurait constituer une raison de ne pas transposer une telle interdiction dans l’ordre juridique national. Par conséquent, le cinquième grief doit être accueilli. Sixième grief : les dérogations pour les concours de chiens de chasse 33-La Commission relève que l’administration peut, en vertu de l’habilitation qui lui a été donnée par la loi sur la chasse, déroger à celleci aux fins d’autoriser l’organisation de concours ou de dressage de chiens de chasse bien que la directive ne prévoie aucune dérogation de ce type. Elle estime que les dispositions nationales en cause sont formulées en des termes tellement généraux qu’elles ne font pas apparaître si les conditions posées à cet égard par la directive sont respectées. 34-Le gouvernement néerlandais observe que, lorsqu’une autorisation ministérielle pour le dressage de chiens de chasse est délivrée, seul l’entraînement de ces chiens et le repérage du gibier sont visés. De telles autorisations sont délivrées pour donner à leur titulaire l’occasion de faire acquérir à leur chien l’expérience de la poursuite du gibier, mais ne permettent pas pour autant de capturer ou de tuer des oiseaux pour lesquels la chasse n’est pas ouverte. 35-Cet argument du gouvernement néerlandais ne saurait être retenu puisqu’il revient à soutenir que l’organisation de concours de chiens de chasse ou le dressage de ces chiens ne donnent pas lieu à des infractions aux dispositions de la directive. En effet, l’article 5 de la directive oblige les États membres à prendre les mesures nécessaires pour instaurer un régime général de protection des oiseaux comportant notamment l’interdiction de les tuer, de les capturer ou de les perturber. 36-Comme la Cour l’a précisé dans l’arrêt du 13 octobre 1987, Commission/PaysBas (236/85, Rec. p. 3989) , indépendamment d’une éventuelle conformité d’une pratique administrative avec les impératifs de protection établis par la directive, les conditions dans lesquelles les autorisations concernant les concours de chiens de chasse ou le dressage de ces chiens peuvent être octroyées doivent être fixées par des dispositions normatives. Vu l’absence d’un cadre juridique légal ou réglementaire précis régissant les activités susvisées, le sixième grief doit, dès lors, être considéré comme fondé. 37-Il y a lieu, par conséquent, de reconnaître que le royaume des PaysBas, en ne prenant pas dans les délais prescrits toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 79/409 du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité. Document 11 : CJCE 13 novembre 1990, Marleasing, Affaire C-106-89. (…)6 Sur la question de savoir si un particulier peut se prévaloir de la directive à l'encontre d'une loi nationale, il convient de rappeler la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle une directive ne peut pas, par elle-même, créer d'obligations dans le chef d'un particulier et, par conséquent, la disposition d'une directive ne peut pas être invoquée en tant que telle à l'encontre d'une telle personne (arrêt du 26 février 1986, Marshall, 152/84, Rec. p. 723). 7 Il ressort, toutefois, du dossier que la juridiction nationale vise, en substance, à savoir si le juge national qui est saisi d'un litige dans une matière entrant dans le domaine d'application de la directive 68/151, précitée, est tenu d'interpréter son droit national à la lumière du texte et de la finalité de cette directive, afin d'empêcher la déclaration de nullité d'une société anonyme pour une cause autre que celles énumérées à son article 11. 8 En vue de répondre à cette question, il convient de rappeler que, comme la Cour l'a précisé dans son arrêt du 10 avril 1984, Von Colson et Kamann, point 26 (14/83, Rec. p. 1891, l'obligation des États membres, découlant d'une directive, d'atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir, en vertu de l'article 5 du traité, de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution de cette obligation s'imposent à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles. Il s'ensuit qu'en appliquant le droit national, qu'il s'agisse de dispositions antérieures ou postérieures à la directive, la juridiction nationale appelée à l'interpréter est

Page 19: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

19

tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci et se conformer ainsi à l'article 189, troisième alinéa, du traité. 9 Il s'ensuit que l'exigence d'une interprétation du droit national conforme à l'article 11 de la directive 68/151, précitée, interdit d'interpréter les dispositions du droit national relatives aux sociétés anonymes d'une manière telle que la nullité d'une société anonyme puisse être prononcée pour des motifs autres que ceux qui sont limitativement énoncés à l'article 11 de la directive en cause. 10 En ce qui concerne l'interprétation à donner à l'article 11 de la directive, et notamment son paragraphe 2, sous b), il y a lieu de constater que cette disposition interdit aux législations des États membres de prévoir une annulation judiciaire en dehors des cas limitativement énoncés dans la directive, parmi lesquels figure le caractère illicite ou contraire à l'ordre public de l'objet de la société. 11 Selon la Commission, l'expression l'objet de la société doit être interprétée en ce sens qu'elle vise exclusivement l'objet de la société, tel qu'il est décrit dans l'acte de constitution ou dans les statuts. Il s'ensuivrait que la déclaration de nullité d'une société ne pourrait pas résulter de l'activité qu'elle poursuit effectivement, telle que, par exemple, spolier les créanciers des fondateurs. 12 Cette thèse doit être retenue. Ainsi qu'il ressort du préambule de la directive 65/151, précitée, son but était de limiter les cas de nullité et l'effet rétroactif de la déclaration de nullité afin d'assurer la sécurité juridique dans les rapports entre la société et les tiers ainsi qu'entre les associés (sixième considérant). De plus, la protection des tiers doit être assurée par des dispositions limitant, autant que possible, les causes de non-validité des engagements pris au nom de la société. Il s'ensuit, dès lors, que chaque motif de nullité prévu par l'article 11 de la directive est d'interprétation stricte. Dans de telles circonstances, les mots l'objet de la société doivent être compris comme se référant à l'objet de la société tel qu'il est décrit dans l'acte de constitution ou dans les statuts. 13 Il y a donc lieu de répondre à la question posée que le juge national qui est saisi d'un litige dans une matière entrant dans le domaine d'application de la directive 68/151 est tenu d'interpréter son droit national à la lumière du texte et de la finalité de cette directive, en vue d'empêcher la déclaration de nullité d'une société anonyme pour une cause autre que celles énumérées à son article 11.

Document 12 : CJCE 18 décembre 1997, Interenvironnement Wallonie, Affaire C-129-96. (…)-Sur la première question 35-Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 5 et 189 du traité CEE s'opposent à ce que les États membres prennent des mesures contraires à la directive 91/156 pendant son délai de transposition. 36-Selon Inter-Environnement Wallonie, il découle de la primauté du droit communautaire et de l'article 5 du traité que, même lorsqu'un État membre décide de transposer une directive communautaire avant l'expiration du délai qu'elle fixe, cette transposition doit être conforme à la directive. En choisissant de transposer la directive 91/156 le 9 avril 1992, la Région wallonne aurait dû, par conséquent, se conformer à cette directive. 37-La Commission se rallie à cette position et soutient que les articles 5 et 189 du traité s'opposent à ce que les États membres adoptent une disposition contraire à la directive 91/156 pendant son délai de transposition. Elle précise que la question de savoir si une mesure déterminée vise spécifiquement à la transposition de cette directive est, à cet égard, dénuée de pertinence. 38-Les gouvernements belge, français et du Royaume-Uni estiment, en revanche, que, jusqu'à l'expiration du délai de transposition d'une directive, les États membres demeurent libres d'adopter des règles qui n'y sont pas conformes. Le gouvernement du Royaume-Uni ajoute toutefois que les articles 5 et 189 du traité s'opposent à ce qu'un État membre adopte des mesures qui auraient pour effet de lui rendre impossible ou extrêmement difficile la transposition correcte de la directive. 39-Le gouvernement néerlandais est d'avis que l'adoption d'une directive implique que les États membres ne peuvent plus rien entreprendre qui puisse rendre plus difficile la réalisation du résultat qu'elle prescrit. Toutefois, il estime qu'un État membre ne peut pas être considéré comme ayant violé les articles 5 et 189 du traité lorsque, comme en l'espèce, il n'est pas certain que les dispositions nationales contreviennent à la directive concernée. 40-A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l'obligation pour un État membre de prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre le résultat prescrit par une directive est une obligation contraignante imposée par l'article 189, troisième alinéa, du traité et par la directive elle-même (arrêts du 1er février 1977, Verbond van Nederlandse Ondernemingen, 51/76, Rec. p. 113, point 22; du 26 février 1986, Marshall, 152/84, Rec. p. 723,

Page 20: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

20

point 48, et du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a., C-72/95, Rec. p. I-5403, point 55). Cette obligation de prendre toutes mesures générales ou particulières s'impose à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles (arrêts du 13 novembre 1990, Marleasing, C-106/89, Rec. p. I-4135, point 8, et Kraaijeveld e.a., précité, point 55). 41-Il convient ensuite de relever que, aux termes de l'article 191, deuxième alinéa, du traité CEE, applicable à l'époque des faits au principal, «Les directives et les décisions sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet par cette notification». Il découle de cette disposition qu'une directive produit des effets juridiques à l'égard de l'État membre destinataire dès le moment de sa notification. 42-En l'espèce et conformément à une pratique courante, la directive 91/156 fixe elle-même un délai à l'expiration duquel les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour s'y conformer doivent être entrées en vigueur dans les États membres. 43-Dès lors que ce délai vise notamment à donner aux États membres le temps nécessaire pour adopter les mesures de transposition, ces États ne sauraient se voir reprocher de ne pas avoir transposé la directive dans leur ordre juridique avant que ce délai soit arrivé à expiration. 44-Il n'en demeure pas moins que c'est pendant le délai de transposition qu'il incombe aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour assurer que le résultat prescrit par la directive sera atteint à l'expiration de ce délai. 45-A cet égard, si les États membres ne sont pas tenus d'adopter ces mesures avant l'expiration du délai de transposition, il résulte de l'application combinée des articles 5, deuxième alinéa, et 189, troisième alinéa, du traité et de la directive elle-même que, pendant ce délai, ils doivent s'abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par cette directive. 46-Il appartient à la juridiction nationale d'apprécier si tel est le cas des dispositions nationales dont elle est chargée d'examiner la légalité. 47-Dans cette appréciation, la juridiction nationale devra en particulier examiner si les dispositions en cause se présentent comme une transposition complète de la directive ainsi que les effets concrets de l'application de ces dispositions non conformes à la directive et de leur durée dans le temps. 48-Par exemple, si les dispositions en cause se présentent comme une transposition définitive et complète de la directive, leur non-conformité avec la directive pourrait laisser présumer que le résultat prescrit par celle-ci ne sera pas atteint dans les délais impartis si leur modification en temps utile est impossible. 49-En sens inverse, la juridiction nationale pourrait tenir compte de la faculté qu'a un État membre d'adopter des dispositions provisoires ou de mettre en oeuvre la directive par étapes. Dans de telles hypothèses, la non-conformité de dispositions transitoires du droit national avec la directive ou l'absence de transposition de certaines dispositions de la directive ne compromettrait pas nécessairement le résultat prescrit pas celle-ci. 50-Il convient donc de répondre à la première question que les articles 5, deuxième alinéa, et 189, troisième alinéa, du traité CEE ainsi que la directive 91/156 imposent que, pendant le délai de transposition fixé par la directive pour la mettre en oeuvre, l'État membre destinataire de celle-ci s'abstienne de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive. Document 13 : CJCE, 12 juillet 2005, Commission c. République française, C-304/02. 1-Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de: –-constater que, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour l’exécution de l’arrêt du 11 juin 1991, Commission/France (C-64/88, Rec. p. I-2727), la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 228 CE; –-condamner la République française à payer à la Commission, sur le compte «Ressources propres de la Communauté européenne», une astreinte d’un montant de 316 500 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt Commission/France, précité, et ce à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution de l’arrêt Commission/France, précité; –-condamner la République française aux dépens. (…)

Page 21: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

21

L’arrêt Commission/France 10 Dans l’arrêt Commission/France, exécution de l’arrêt du 11 juin 1991, Commission/France (C-64/88, Rec. p. I-2727), la Cour a déclaré et arrêté: «La République française, en n’assurant pas, de 1984 à 1987, un contrôle garantissant le respect des mesures techniques communautaires pour la conservation des ressources de pêche, prévues par le règlement [n° 171/83] ainsi que par le règlement [n° 3094/86], a manqué aux obligations imposées par l’article 1er du règlement [n° 2057/82] ainsi que par l’article 1er du règlement [n° 2241/87].» 11 Dans cet arrêt, la Cour a retenu cinq griefs à l’encontre de la République française: –-insuffisance des contrôles en ce qui concerne le maillage minimal des filets (points 12 à 15 de l’arrêt); –-insuffisance des contrôles en ce qui concerne la fixation aux filets de dispositifs interdits par la réglementation communautaire (points 16 et 17 de l’arrêt); –-manquement aux obligations de contrôle en matière de prises accessoires (points 18 et 19 de l’arrêt); –-manquement aux obligations de contrôle en ce qui concerne le respect des mesures techniques de conservation interdisant la vente des poissons sous-taille (points 20 à 23 de l’arrêt); –-manquement à l’obligation de poursuite des infractions (point 24 de l’arrêt). La procédure précontentieuse 12 Par lettre du 8 novembre 1991, la Commission a demandé aux autorités françaises de lui communiquer les mesures prises pour exécuter l’arrêt Commission/France, précité. Le 22 janvier 1992, les autorités françaises ont répondu qu’elles «entend[ai]ent faire tout leur possible pour se conformer aux dispositions» communautaires. 13 Lors de plusieurs missions effectuées dans des ports français, les inspecteurs de la Commission ont constaté une amélioration de la situation, mais ont relevé plusieurs insuffisances dans les contrôles exercés par les autorités françaises. 14 Après avoir invité la République française à présenter ses observations, la Commission a émis, le 17 avril 1996, un avis motivé dans lequel elle constatait que l’arrêt Commission/France, précité, n’avait pas été exécuté sur les points suivants: –-défaut de conformité de la mesure du maillage minimal des filets à la réglementation communautaire; –-insuffisance des contrôles, permettant la mise en vente de poissons sous-taille; –-attitude permissive des autorités françaises dans la poursuite des infractions. 15 Attirant l’attention sur l’éventualité de sanctions pécuniaires pour non-exécution d’un arrêt de la Cour, la Commission fixait un délai de deux mois pour que la République française prenne toutes les mesures nécessaires aux fins de l’exécution de l’arrêt Commission/France, précité. 16 Dans le cadre d’un échange de lettres entre les autorités françaises et les services de la Commission, lesdites autorités ont tenu cette dernière informée des mesures qu’elles avaient prises et continuaient à mettre en œuvre dans le sens d’un renforcement des contrôles. 17 Parallèlement, des missions d’inspection ont été effectuées dans des ports français. Sur la base des rapports établis après une visite du 24 au 28 août 1996 à Lorient, à Guilvinec et à Concarneau, du 22 au 26 septembre 1997 à Guilvinec, à Concarneau et à Lorient, du 13 au 17 octobre 1997 à Marennes-Oléron, à Arcachon et à Bayonne, du 30 mars au 4 avril 1998 en Bretagne du sud et en Aquitaine, du 15 au 19 mars 1999 à Douarnenez et à Lorient ainsi que, du 13 au 23 juillet 1999, à Lorient, à Bénodet, à Loctudy, à Guilvinec, à Lesconil et à Saint-Guénolé, les services de la Commission sont parvenus à la conclusion que deux problèmes subsistaient, à savoir, d’une part, l’insuffisance de contrôles permettant la mise en vente de poissons sous-taille et, d’autre part, l’attitude permissive des autorités françaises dans la poursuite des infractions. 18 Les rapports des inspecteurs ont amené la Commission à émettre, le 6 juin 2000, un avis motivé complémentaire, dans lequel elle constatait que l’arrêt Commission/France, précité, n’avait pas été exécuté sur les deux points susvisés. La Commission indiquait que, dans ce contexte, elle considérait comme «particulièrement grave le fait que des documents publics relatifs aux ventes en criée utilisent officiellement le code “00” en infraction manifeste aux dispositions du règlement (CE) n° 2406/96 du Conseil, du 26 novembre 1996, fixant des normes communes de commercialisation pour certains produits de la pêche» (JO L 334, p. 1). Elle attirait l’attention sur l’éventualité de sanctions pécuniaires. 19 Dans leur réponse du 1er août 2000, les autorités françaises ont fait valoir en substance que, depuis le dernier rapport d’inspection, le contrôle national des pêches avait connu d’importantes évolutions. Il aurait fait l’objet d’une réorganisation interne, avec la mise en place d’une «cellule», ultérieurement devenue «mission» du contrôle des pêches, et aurait bénéficié d’un renforcement des moyens de contrôle,

Page 22: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

22

avec, notamment, la mise à disposition de patrouilleurs et d’un système de surveillance sur écran des positions des navires ainsi que la diffusion d’instructions à l’usage des personnels de contrôle. 20 Lors d’une mission d’inspection du 18 au 28 juin 2001, auprès des communes de Guilvinec, de Lesconil, de Saint-Guénolé et de Loctudy, les inspecteurs de la Commission ont constaté la faiblesse des contrôles, la présence de poissons sous-taille et la mise en vente de ces poissons sous le code «00». 21 Par lettre du 16 octobre 2001, les autorités françaises ont transmis à la Commission copie d’une instruction adressée aux directions régionales et départementales des affaires maritimes, leur enjoignant de faire mettre fin à l’utilisation du code «00» d’ici le 31 décembre 2001 et d’appliquer, à compter de cette date, les sanctions réglementaires aux opérateurs qui ne s’y conformeraient pas. Lesdites autorités faisaient état d’une augmentation, depuis 1998, du nombre des poursuites pour infraction aux règles relatives aux tailles minimales et du caractère dissuasif des peines prononcées. Elles faisaient également part de l’adoption, en 2001, d’un plan de contrôle général des pêches, fixant des priorités, parmi lesquelles la mise en œuvre d’un plan de restauration du merlu et le contrôle strict du respect des tailles minimales. 22 Considérant que la République française n’avait toujours pas exécuté l’arrêt Commission/France, précité, la Commission a introduit le présent recours. La procédure devant la Cour 23 En réponse à une question posée par la Cour en vue de l’audience du 3 mars 2004, la Commission a fait savoir que, depuis l’introduction du présent recours, ses services avaient procédé à trois nouvelles missions d’inspection (du 11 au 16 mai 2003 à Sète et à Port-Vendres, du 19 au 20 juin 2003 à Loctudy, à Lesconil, à St-Guénolé et au Guilvinec, ainsi que du 14 au 22 juillet 2003 à Port-la-Nouvelle, à Sète, au Grau-du-Roi, à Carro, à Sanary-sur-Mer et à Toulon). Selon la Commission, il ressort des rapports sur ces missions que le nombre des cas de mises en vente de poissons sous-taille avait diminué en Bretagne, mais qu’il subsistait des problèmes sur la côte méditerranéenne en ce qui concernait le thon rouge. Il en ressortirait également que les contrôles au débarquement étaient peu fréquents. 24 La Commission a expliqué que, pour apprécier l’efficacité des mesures prises par les autorités françaises, il lui serait nécessaire de disposer des comptes-rendus et bilans statistiques relatifs à la mise en œuvre des différentes mesures d’organisation générale du contrôle des pêches dont avait fait état le gouvernement français. 25 Invité par la Cour à indiquer le nombre des contrôles en mer et à terre auxquels, depuis l’introduction du présent recours, les autorités françaises avaient procédé en vue de faire respecter les règles relatives à la taille minimale des poissons ainsi que le nombre des infractions constatées et les suites judiciaires réservées à ces infractions, le gouvernement français a, le 30 janvier 2004, déposé de nouvelles données statistiques. Il en ressortirait que le nombre de contrôles, de constatations d’infractions et de condamnations aurait diminué pendant l’année 2003 par rapport à l’année 2002. 26 Le gouvernement français a expliqué la diminution des contrôles en mer par la mobilisation des navires français pour lutter contre la pollution causée par le naufrage du pétrolier Prestige et la diminution des contrôles à terre par l’amélioration de la discipline des pêcheurs. Il a expliqué la diminution des condamnations prononcées par les effets de la loi n° 2002-1062, du 6 août 2002, portant amnistie (JORF n° 185, du 9 août 2002, p. 13647), tout en soulignant l’augmentation du montant moyen des amendes prononcées. (…) Sur les sanctions pécuniaires du manquement 75 Pour sanctionner l’inexécution de l’arrêt du 11 juin 1991, Commission/France, précité, la Commission a proposé à la Cour d’infliger à la République française une astreinte journalière à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’au jour où il sera mis fin au manquement. Au regard des caractéristiques particulières du manquement constaté, la Cour estime opportun d’examiner en outre si l’imposition d’une somme forfaitaire pourrait constituer une mesure appropriée. Sur la possibilité du cumul d’une astreinte et d’une somme forfaitaire Argumentation des parties et observations présentées à la Cour 76 Invités à s’exprimer sur la question de savoir si, dans le cadre d’une procédure introduite au titre de l’article 228, paragraphe 2, CE, la Cour peut, lorsqu’elle reconnaît que l’État membre concerné ne s’est pas conformé à son arrêt, lui infliger le paiement à la fois d’une somme forfaitaire et d’une astreinte, la

Page 23: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

23

Commission, les gouvernements danois, néerlandais, finlandais et du Royaume-Uni ont répondu par l’affirmative. 77 Leur argumentation se fonde, en substance, sur le fait que ces deux mesures sont complémentaires, en ce qu’elles poursuivent, chacune pour leur part, un effet dissuasif. Une combinaison de ces mesures devrait être considérée comme un seul et même moyen d’atteindre l’objectif fixé par l’article 228 CE, c’est-à-dire non seulement inciter l’État membre concerné à se conformer à l’arrêt initial, mais aussi, dans une perspective plus générale, réduire la possibilité que des infractions analogues soient de nouveau commises. 78 Les gouvernements français, belge, tchèque, allemand, hellénique, espagnol, irlandais, italien, chypriote, hongrois, autrichien, polonais et portugais ont fait valoir une thèse contraire. 79 Ils s’appuient sur le libellé de l’article 228, paragraphe 2, CE et sur l’emploi de la conjonction «ou», à laquelle ils attribuent un sens disjonctif, ainsi que sur la finalité de cette disposition. Celle-ci n’aurait pas un caractère punitif, l’article 228, paragraphe 2, CE ne cherchant pas à punir l’État membre défaillant, mais seulement à l’inciter à exécuter un arrêt en manquement. Il serait impossible de distinguer plusieurs périodes de manquement, seul l’ensemble de la durée du manquement devrait être prise en considération. Le cumul de sanctions pécuniaires serait contraire au principe interdisant qu’un même comportement fasse l’objet d’une double peine. En outre, en l’absence de lignes directrices de la Commission concernant les critères applicables pour le calcul d’une somme forfaitaire, l’imposition d’une telle somme par la Cour heurterait les principes de sécurité juridique et de transparence. Elle constituerait aussi une atteinte à l’égalité de traitement entre les États membres, puisqu’une telle mesure n’a pas été envisagée dans les arrêts du 4 juillet 2000, Commission/Grèce (C-387/97, Rec. p. I-5047), et du 25 novembre 2003, Commission/Espagne (C-278/01, Rec. p. I-14141). Appréciation de la Cour 80 La procédure prévue à l’article 228, paragraphe 2, CE a pour objectif d’inciter un État membre défaillant à exécuter un arrêt en manquement et, par là, d’assurer l’application effective du droit communautaire. Les mesures prévues par cette disposition, à savoir la somme forfaitaire et l’astreinte, visent toutes les deux ce même objectif. 81 L’application de l’une ou de l’autre de ces deux mesures dépend de l’aptitude de chacune à remplir l’objectif poursuivi en fonction des circonstances de l’espèce. Si l’imposition d’une astreinte semble particulièrement adaptée pour inciter un État membre à mettre fin, dans les plus brefs délais, à un manquement qui, en l’absence d’une telle mesure, aurait tendance à persister, l’imposition d’une somme forfaitaire repose davantage sur l’appréciation des conséquences du défaut d’exécution des obligations de l’État membre concerné sur les intérêts privés et publics, notamment lorsque le manquement a persisté pendant une longue période depuis l’arrêt qui l’a initialement constaté. 82 Dans ces conditions il n’est pas exclu de recourir aux deux types de sanctions prévues à l’article 228, paragraphe 2, CE notamment lorsque le manquement, à la fois, a perduré une longue période et tend à persister. 83 L’interprétation ainsi retenue ne saurait se voir opposer l’utilisation, à l’article 228, paragraphe 2, CE, de la conjonction «ou» pour relier les sanctions pécuniaires susceptibles d’être imposées. Ainsi que l’ont fait valoir la Commission et les gouvernements danois, néerlandais, finlandais et du Royaume-Uni, cette conjonction peut, d’un point de vue linguistique, revêtir un sens soit alternatif soit cumulatif, et doit donc être lue dans le contexte dans lequel elle est utilisée. Au regard de la finalité poursuivie par l’article 228 CE, l’utilisation de la conjonction «ou» au paragraphe 2 de cette disposition doit donc être entendue dans un sens cumulatif. 84 L’objection soulevée, notamment, par les gouvernements allemand, hellénique, hongrois, autrichien et polonais, selon laquelle l’imposition cumulée d’une astreinte et d’une somme forfaitaire, en prenant deux fois en considération la même période de manquement, contreviendrait au principe non bis in idem doit également être rejetée. En effet, chaque sanction ayant sa propre fonction, elle doit être déterminée de manière à remplir celle-ci. Il s’ensuit que, dans le cas d’une condamnation simultanée au paiement d’une astreinte et d’une somme forfaitaire, la durée du manquement est prise en considération comme un critère parmi d’autres, en vue de déterminer le niveau approprié de coercition et de dissuasion. 85 L’argument, invoqué notamment par le gouvernement belge, selon lequel, en l’absence de lignes directrices arrêtées par la Commission pour le calcul d’une somme forfaitaire, l’imposition d’une telle somme heurterait les principes de sécurité juridique et de transparence ne saurait, non plus, être retenu. En effet, si de telles lignes directrices contribuent effectivement à garantir la transparence, la prévisibilité

Page 24: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

24

et la sécurité juridique de l’action menée par la Commission (voir, à propos des lignes directrices relatives au calcul de l’astreinte, arrêt du 4 juillet 2000, Commission/Grèce, précité, point 87), il n’en reste pas moins que l’exercice du pouvoir conféré à la Cour par l’article 228, paragraphe 2, CE n’est pas soumis à la condition que la Commission arrête de telles règles, qui, en tout état de cause, ne sauraient lier la Cour (arrêts précités du 4 juillet 2000, Commission/Grèce, point 89, et du 25 novembre 2003, Commission/Espagne, point 41). 86 Quant à l’objection, soulevée par le gouvernement français, selon laquelle l’imposition cumulée d’une astreinte et d’une somme forfaitaire dans la présente affaire constituerait une atteinte à l’égalité de traitement dès lors qu’elle n’a pas été envisagée dans les arrêts précités du 4 juillet 2000, Commission/Grèce et du 25 novembre 2003, Commission/Espagne, il convient de relever qu’il appartient à la Cour, dans chaque affaire, d’apprécier, eu égard aux circonstances de l’espèce, les sanctions pécuniaires à arrêter. Dans ces conditions, le fait qu’un cumul de mesures n’ait pas été infligé dans des affaires jugées antérieurement ne saurait constituer, en soi, un obstacle à l’imposition d’un tel cumul dans une affaire ultérieure, dès lors que, eu égard à la nature, à la gravité et à la persistance du manquement constaté, un tel cumul apparaîtrait approprié. Sur le pouvoir d’appréciation de la Cour quant aux sanctions pécuniaires pouvant être imposées Argumentation des parties et observations présentées à la Cour 87 Quant à la question de savoir si, le cas échéant, la Cour peut s’écarter des propositions de la Commission et infliger à un État membre le paiement d’une somme forfaitaire, alors que la Commission n’a fait aucune proposition en ce sens, la Commission et les gouvernements tchèque, hongrois et finlandais ont répondu par l’affirmative. Pour eux, la Cour dispose en la matière d’un pouvoir discrétionnaire qui s’étend à la détermination de la sanction considérée comme la plus appropriée, indépendamment des propositions de la Commission à cet égard. 88 Les gouvernements français, belge, danois, allemand, hellénique, espagnol, irlandais, italien, néerlandais, autrichien, polonais et portugais sont d’avis contraire. Ils avancent à cet égard des arguments de fond et de procédure. Sur le fond, ils font valoir que l’exercice par la Cour d’un tel pouvoir discrétionnaire porterait atteinte aux principes de sécurité juridique, de prévisibilité, de transparence et d’égalité de traitement. Le gouvernement allemand ajoute que la Cour, en tout état de cause, ne dispose pas de la légitimité politique nécessaire pour exercer un tel pouvoir dans un domaine où les appréciations d’opportunité politique jouent un rôle considérable. + Sur le plan procédural, les gouvernements susvisés soulignent qu’un pouvoir aussi étendu est incompatible avec le principe général de procédure civile commun à tous les États membres selon lequel le juge ne peut aller au-delà des conclusions des parties, et insistent sur la nécessité d’une procédure contradictoire, permettant à l’État membre concerné d’exercer ses droits de la défense. Appréciation de la Cour 89 S’agissant des arguments tirés des principes de sécurité juridique, de prévisibilité, de transparence et d’égalité de traitement, il convient de renvoyer à l’appréciation portée aux points 85 et 86 du présent arrêt. 90 En ce qui concerne l’argument tiré par le gouvernement allemand de l’absence de légitimité politique de la Cour pour arrêter une sanction pécuniaire non proposée par la Commission, il y a lieu de distinguer les différentes étapes que comporte la procédure prévue à l’article 228, paragraphe 2, CE. Une fois que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire quant à l’engagement d’une procédure en manquement (voir, notamment, à propos de l’article 226 CE, arrêts du 25 septembre 2003, Commission/Allemagne, C-74/02, Rec. p. I-9877, point 17, et du 21 octobre 2004, Commission/Allemagne, C-477/03, non publié au Recueil, point 11), la question de savoir si l’État membre concerné a exécuté ou non un arrêt antérieur de la Cour est soumise à une procédure juridictionnelle dans laquelle les considérations politiques sont sans pertinence. C’est dans l’exercice de sa fonction juridictionnelle que la Cour apprécie dans quelle mesure la situation existant dans l’État membre en cause est conforme ou non à l’arrêt initial et, le cas échéant, apprécie la gravité d’un manquement persistant. Il s’ensuit que, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 24 de ses conclusions du 18 novembre 2004, l’opportunité d’imposer une sanction pécuniaire et le choix de la sanction la plus adaptée aux circonstances de l’espèce ne peuvent être appréciés qu’à la lumière des constatations faites par la Cour dans l’arrêt à rendre au titre de l’article 228, paragraphe 2, CE et échappent donc à la sphère politique.

Page 25: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

25

91 L’argument selon lequel, en s’écartant ou en allant au-delà des propositions de la Commission, la Cour violerait un principe général de procédure civile qui interdit au juge d’aller au-delà des conclusions des parties, n’est pas davantage fondé. La procédure prévue à l’article 228, paragraphe 2, CE est, en effet, une procédure juridictionnelle spéciale, propre au droit communautaire, qui ne peut être assimilée à une procédure civile. La condamnation au paiement d’une astreinte et/ou d’une somme forfaitaire ne vise pas à compenser un quelconque dommage qui aurait été causé par l’État membre concerné, mais à exercer sur celui-ci une contrainte économique qui l’incite à mettre fin au manquement constaté. Les sanctions pécuniaires imposées doivent donc être arrêtées en fonction du degré de persuasion nécessaire pour que l’État membre en cause modifie son comportement. 92 S’agissant des droits de la défense dont doit pouvoir bénéficier l’État membre concerné, sur lesquels ont insisté les gouvernements français, belge, néerlandais, autrichien et finlandais, il convient de relever, comme l’a fait M. l’avocat général au point 11 de ses conclusions du 18 novembre 2004, que la procédure prévue à l’article 228, paragraphe 2, CE doit être considérée comme une procédure judiciaire spéciale d’exécution des arrêts, en d’autres termes, comme une voie d’exécution. C’est donc dans ce contexte que doivent être appréciées les garanties procédurales dont doit disposer l’État membre en cause. 93 Il s’ensuit que, une fois la constatation faite de la persistance d’un manquement au droit communautaire dans le cadre d’une procédure contradictoire, les droits de la défense qui doivent être reconnus à l’État membre défaillant en ce qui concerne les sanctions pécuniaires envisagées doivent tenir compte du but poursuivi, à savoir assurer et garantir le rétablissement du respect de la légalité. 94 En l’espèce, s’agissant de la matérialité du comportement susceptible de donner lieu à l’imposition de sanctions pécuniaires, la République française a eu l’occasion de se défendre tout au long d’une procédure précontentieuse qui a duré près de neuf ans et qui a donné lieu à deux avis motivés, ainsi que dans le cadre de la procédure écrite et de l’audience du 3 mars 2004 dans la présente affaire. Cet examen des faits a conduit la Cour à constater la persistance d’un manquement de la République française à ses obligations (voir point 74 du présent arrêt). 95 La Commission qui, dans les deux avis motivés, avait attiré l’attention de la République française sur le risque de sanctions pécuniaires (voir points 15 et 18 du présent arrêt) a indiqué à la Cour les critères (voir point 98 du présent arrêt) susceptibles d’être pris en considération lors de la détermination des sanctions pécuniaires destinées à exercer sur la République française une pression économique suffisante pour l’amener à mettre fin, dans les plus brefs délais, à son manquement ainsi que la pondération respective à accorder à ces critères. La République française s’est exprimée sur ces derniers lors de la procédure écrite et à l’audience du 3 mars 2004. 96 Par ordonnance du 16 juin 2004, la Cour a invité les parties à s’exprimer sur la question de savoir si, dans l’hypothèse où la Cour constaterait qu’un État membre n’a pas pris les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt antérieur et où la Commission a demandé à la Cour de condamner cet État au paiement d’une astreinte, la Cour peut infliger à l’État membre concerné le paiement d’une somme forfaitaire, voire, le cas échéant, d’une somme forfaitaire et d’une astreinte. Les parties ont été entendues lors de l’audience du 5 octobre 2004. 97 Il s’ensuit que la République française a été en mesure de présenter ses observations sur tous les éléments de droit et de fait nécessaires pour déterminer la persistance et la gravité du manquement qui lui est reproché ainsi que les mesures pouvant être arrêtées pour y mettre fin. Sur la base de ces éléments, qui ont fait l’objet d’un débat contradictoire, il appartient à la Cour de déterminer, en fonction du degré de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, les sanctions pécuniaires appropriées pour assurer l’exécution la plus rapide possible de l’arrêt du 11 juin 1991, Commission/France, précité, et prévenir la répétition d’infractions analogues au droit communautaire. Sur les sanctions pécuniaires appropriées en l’espèce Sur l’imposition d’une astreinte 98 Se fondant sur la méthode de calcul qu’elle a définie dans sa communication 97/C 63/02, du 28 février 1997, concernant la méthode de calcul de l’astreinte prévue à l’article [228] du traité CE (JO C 63, p. 2), la Commission a proposé à la Cour d’infliger à la République française une astreinte de 316 500 euros par jour de retard pour sanctionner l’inexécution de l’arrêt du 11 juin 1991, Commission/France, précité, à compter de la date du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire et jusqu’au jour où l’arrêt du 11 juin 1991, Commission/France, précité, aura été exécuté.

Page 26: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

26

99 La Commission considère que la condamnation au paiement d’une astreinte est l’instrument le plus approprié pour mettre un terme, le plus rapidement possible, à l’infraction constatée et que, dans le cas d’espèce, une astreinte de 316 500 euros par jour de retard est adaptée à la gravité et à la durée de l’infraction tout en tenant compte de la nécessité de rendre la sanction effective. Ce montant serait calculé en multipliant une base uniforme de 500 euros par un coefficient de 10 (sur une échelle de 1 à 20) pour la gravité de l’infraction, par un coefficient de 3 (sur une échelle de 1 à 3) pour la durée de l’infraction et par un coefficient de 21,1 (fondé sur le produit intérieur brut de l’État membre en cause et sur la pondération des voix au Conseil de l’Union européenne), censé représenter la capacité de paiement de l’État membre concerné. 100 Le gouvernement français soutient, à titre principal, qu’il n’y a pas lieu au prononcé d’une astreinte puisqu’il a mis fin au manquement, et, à titre subsidiaire, que le montant de l’astreinte demandée est disproportionné. 101 Il relève que, en ce qui concerne la gravité de l’infraction, la Commission avait proposé dans l’arrêt du 4 juillet 2000, Commission/Grèce, précité, un coefficient de 6, alors que le manquement mettait en cause la santé publique et qu’aucune mesure n’avait été prise en vue d’exécuter l’arrêt antérieur, deux éléments qui ne seraient pas réunis en l’espèce. Dès lors, le coefficient de 10, proposé dans la présente affaire par la Commission, ne serait pas acceptable. 102 Le gouvernement français fait également valoir que les mesures requises pour l’exécution de l’arrêt du 11 juin 1991, Commission/France, précité, ne pouvaient produire des effets immédiats. Compte tenu de l’inévitable décalage entre l’adoption des mesures et le caractère perceptible de leur impact, la Cour ne saurait prendre en compte l’intégralité de la période écoulée entre le prononcé du premier arrêt et celui de l’arrêt à rendre. 103 À cet égard, s’il est clair qu’une astreinte est susceptible d’inciter l’État membre défaillant à mettre fin, dans les plus brefs délais, au manquement constaté (arrêt du 25 novembre 2003, Commission/Espagne, précité, point 42), il convient de rappeler que les propositions de la Commission ne sauraient lier la Cour et ne constituent qu’une base de référence utile (arrêt du 4 juillet 2000, Commission/Grèce, précité, point 89). Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, il appartient à la Cour de fixer l’astreinte de telle sorte que celle-ci soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné (voir, en ce sens, arrêts précités du 4 juillet 2000, Commission/Grèce, point 90, et du 25 novembre 2003, Commission/Espagne, point 41). 104 Dans cette perspective et ainsi que l’a suggéré la Commission dans sa communication du 28 février 1997, les critères de base qui doivent être pris en considération pour assurer la nature coercitive de l’astreinte en vue de l’application uniforme et effective du droit communautaire sont, en principe, la durée de l’infraction, son degré de gravité et la capacité de payer de l’État membre en cause. Pour l’application de ces critères, il y a lieu de tenir compte en particulier des conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts privés et publics et de l’urgence qu’il y a à amener l’État membre concerné à se conformer à ses obligations (arrêt du 4 juillet 2000, Commission/Grèce, précité, point 92). 105 S’agissant de la gravité de l’infraction et, en particulier, des conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts privés et publics, il convient de rappeler que l’un des éléments clefs de la politique commune de la pêche consiste en une exploitation rationnelle et responsable des ressources aquatiques sur une base durable, dans des conditions économiques et sociales appropriées. Dans ce contexte, la protection des juvéniles s’avère déterminante pour la reconstitution des stocks. Le non-respect des mesures techniques de conservation prévues par la politique commune, notamment les exigences en matière de taille minimale des poissons, constitue donc une menace grave pour le maintien de certaines espèces et de certains lieux de pêche et met en péril la poursuite de l’objectif essentiel de la politique commune de la pêche. 106 Les mesures administratives arrêtées par les autorités françaises n’ayant pas été mises en œuvre de manière efficace, elles ne sont pas de nature à réduire la gravité du manquement constaté. 107 En tenant compte de ces éléments, le coefficient de 10 (sur une échelle de 1 à 20) reflète donc adéquatement le degré de gravité de l’infraction. 108 S’agissant de la durée de l’infraction, il suffit de constater que celle-ci est considérable, même à compter de la date d’entrée en vigueur du traité sur l’Union européenne et non pas de la date du prononcé de l’arrêt du 11 juin 1991, Commission/France, précité (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2000,

Page 27: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

27

Commission/Grèce, précité, point 98). Dans ces conditions, le coefficient de 3 (sur une échelle de 1 à 3) proposé par la Commission apparaît approprié. 109 La proposition de la Commission de multiplier un montant de base par un coefficient de 21,1, fondé sur le produit intérieur brut de la République française et sur le nombre de voix dont celle-ci dispose au Conseil, constitue une manière appropriée de refléter la capacité de paiement de cet État membre tout en maintenant un écart raisonnable entre les divers États membres (voir arrêts précités du 4 juillet 2000, Commission/Grèce, point 88, et du 25 novembre 2003, Commission/Espagne, point 59). 110 La multiplication du montant de base de 500 euros par les coefficients de 21,1 (pour la capacité de paiement), de 10 (pour la gravité de l’infraction) et de 3 (pour la durée de l’infraction) aboutit à un montant de 316 500 euros par jour. 111 En ce qui concerne la périodicité de l’astreinte, il convient toutefois de tenir compte du fait que les autorités françaises ont arrêté des mesures administratives qui pourraient servir de cadre à la mise en œuvre des mesures requises pour l’exécution de l’arrêt du 11 juin 1991, Commission/France, précité. Cependant, les adaptations nécessaires par rapport aux pratiques antérieures ne pourraient être instantanées et leur impact ne pourrait être perçu immédiatement. Il s’ensuit que la constatation éventuelle de la fin de l’infraction ne pourrait intervenir qu’au terme d’une période permettant une évaluation d’ensemble des résultats obtenus. 112 Eu égard à ces considérations, l’astreinte doit être infligée non pas sur une base journalière, mais sur une base semestrielle. 113 Compte tenu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu de condamner la République française à payer à la Commission, sur le compte «Ressources propres de la Communauté européenne», une astreinte de 182,5 x 316 500 euros, soit 57 761 250 euros, pour chaque période de six mois à compter du prononcé du présent arrêt au terme de laquelle l’arrêt du 11 juin 1991, Commission/France, précité, n’a pas encore été exécuté pleinement. Sur l’imposition d’une somme forfaitaire 114 Dans une situation telle que celle qui fait l’objet du présent arrêt, eu égard au fait que le manquement a persisté pendant une longue période depuis l’arrêt qui l’a initialement constaté et eu égard aux intérêts publics et privés en cause, la condamnation au paiement d’une somme forfaitaire s’impose (voir point 81 du présent arrêt). 115 Il est fait une juste appréciation des circonstances particulières de l’espèce en fixant à 20 000 000 euros le montant de la somme forfaitaire que la République française devra acquitter. 116 Il y a donc lieu de condamner la République française à payer à la Commission, sur le compte «Ressources propres de la Communauté européenne», une somme forfaitaire de 20 000 000 euros. Document 14 : CJCE, 24 janvier 2002, Commission des Communautés européennes contre République italienne, C-372/99 1-Par requête déposée au greffe de la Cour le 6 octobre 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en n'ayant pas adopté les mesures nécessaires pour : - appliquer les dispositions de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29, ci-après la "directive"), à l'ensemble des contrats conclus entre un consommateur et un professionnel ; - transposer l'article 5, troisième phrase, de cette directive, et - transposer intégralement les articles 6, paragraphe 2, et 7, paragraphe 3, de la même directive, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive. La directive 2-Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, la directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur. 3-L'article 7 de la directive dispose :

Page 28: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

28

"1. Les États membres veillent à ce que, dans l'intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. 2. Les moyens visés au paragraphe 1 comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu'ils déterminent si des clauses contractuelles, rédigées en vue d'une utilisation généralisée, ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l'utilisation de telles clauses. 3. Dans le respect de la législation nationale, les recours visés au paragraphe 2 peuvent être dirigés, séparément ou conjointement, contre plusieurs professionnels du même secteur économique ou leurs associations qui utilisent ou recommandent l'utilisation des mêmes clauses contractuelles générales, ou de clauses similaires." 4-Selon l'article 10, paragraphe 1, de la directive, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci au plus tard le 31 décembre 1994 La réglementation nationale 5-La directive a été transposée dans l'ordre juridique italien par la legge n° 52, Disposizioni per l'adempimento di obblighi derivanti dall'appartenenza dell'Italia alle Comunità europee - legge comunitaria 1994 (loi portant dispositions en vue de l'exécution des obligations résultant de l'appartenance de l'Italie aux Communautés européennes - loi communautaire de 1994), du 6 février 1996 (GURI n° 34, du 10 février 1996, supplément ordinaire n° 24). Cette loi a introduit les articles 1469 bis à 1469 sexies dans le code civil italien (ci-après le "code civil") 6-L'article 1469 sexies, premier alinéa, du code civil prévoit : "Les associations représentatives des consommateurs et des professionnels ainsi que les chambres de commerce, d'industrie, d'artisanat et d'agriculture peuvent attraire en justice le professionnel ou l'association de professionnels qui utilisent des conditions générales de contrat et demander au juge compétent d'interdire l'utilisation de telles conditions dont le caractère abusif est avéré au sens du présent chapitre". 7-Dans le cadre de la présente procédure, la République italienne a fait valoir que l'article 7 de la directive a également été transposé par l'article 3 de la legge n° 281, Disciplina dei diritti dei consumatori e degli utenti (loi portant réglementation des droits des consommateurs et des usagers), du 30 juillet 1998 (GURI n° 189, du 14 août 1998, ci-après la "loi n° 281/98") 8-L'article 3, premier alinéa, de la loi n° 281/98 dispose : "Les associations de consommateurs et d'usagers inscrites sur la liste visée à l'article 5 ont la qualité pour agir afin de protéger les intérêts collectifs en demandant au juge compétent : a) d'interdire les actes et comportements qui lèsent les intérêts des consommateurs et des usagers ; […]" 9-L'article 5 de la loi n° 281/98 fixe les conditions que doivent remplir les associations de consommateurs pour pouvoir être inscrites sur la liste visée à l'article 3 de cette loi. Cette liste est établie par le ministre de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat La procédure 10-Considérant que la directive n'avait pas été transposée de manière complète en droit italien dans le délai prescrit, la Commission a engagé la procédure en manquement. Après avoir mis la République italienne en demeure de présenter ses observations, la Commission a, le 18 décembre 1998, émis un avis motivé invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour s'y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification. La réponse de la République italienne à cet avis ayant été jugée insatisfaisante par la Commission, cette dernière a introduit le présent recours 11-Le gouvernement italien ayant précisé, dans sa défense, que la legge n° 526, Disposizioni per l'adempimento di obblighi derivanti dall'appartenenza dell'Italia alle Comunità europee - legge comunitaria 1999 (loi portant dispositions en vue de l'exécution des obligations résultant de l'appartenance de l'Italie aux Communautés européennes - loi communautaire de 1999), du 21 décembre 1999 (GURI n° 13, du 18 janvier 2000, supplément ordinaire n° 15), a introduit dans le chapitre XIV bis du code civil les modifications demandées par la Commission en ce qui concerne les trois premiers griefs du recours, cette dernière a, par mémoire déposé le 17 mai 2000, informé la Cour que, conformément à

Page 29: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

29

l'article 78 de son règlement de procédure, elle se désistait partiellement dudit recours, ne maintenant désormais celui-ci qu'au regard du seul grief relatif à l'article 7, paragraphe 3, de la directive Sur le fond Sur la portée de l'obligation visée à l'article 7, paragraphe 3, de la directive 12-Pour la Commission, l'article 7 de la directive réglemente l'un des aspects fondamentaux de la protection mise en place par ce texte, à savoir la procédure qui a pour but de "faire cesser" l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs. Cet objectif commanderait que cette procédure puisse être intentée non seulement contre les professionnels qui utilisent de telles clauses, mais aussi contre les organisations professionnelles ou d'autres professionnels qui en recommandent l'utilisation. Il ne serait pas nécessaire d'attendre que des clauses rédigées en vue d'une utilisation généralisée soient concrètement utilisées dans des contrats individuels 13-Le gouvernement italien conteste cette interprétation. Il soutient que la procédure prévue à l'article 7 de la directive a pour objectif de faire cesser "l'utilisation" des clauses abusives. Une utilisation effective et non pas seulement potentielle de celles-ci constituerait ainsi une condition essentielle 14-À cet égard, il convient de rappeler que, dans son arrêt du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C-240/98 à C-244/98, Rec. p. I-4941, point 27), la Cour a jugé que le système de protection établi par la directive repose sur l'idée que la situation inégale entre le consommateur et le professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux seules parties au contrat. C'est la raison pour laquelle l'article 7 de la directive, qui, en son paragraphe 1, requiert des États membres qu'ils mettent en oeuvre des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives, précise, en son paragraphe 2, que ces moyens comprennent la possibilité pour les associations agréées de consommateurs de saisir les tribunaux afin de faire déterminer si des clauses rédigées en vue d'une utilisation généralisée présentent un caractère abusif et d'obtenir, le cas échéant, leur interdiction 15-La nature préventive et l'objectif dissuasif des actions devant être mises en place, ainsi que leur indépendance à l'égard de tout conflit individuel concret, impliquent, comme l'a reconnu la Cour, que de telles actions puissent être exercées alors même que les clauses dont l'interdiction est réclamée n'auraient pas été utilisées dans des contrats déterminés, mais seulement recommandées par des professionnels ou leurs associations (voir arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, précité, point 27) 16-Il s'ensuit que l'article 7, paragraphe 3, de la directive doit être interprété en ce sens qu'il requiert la mise en place de procédures pouvant également être dirigées contre des comportements se bornant à recommander l'utilisation de clauses contractuelles à caractère abusif Sur la transposition de l'article 7, paragraphe 3, de la directive dans l'ordre juridique italien 17-La Commission fait valoir que l'article 1469 sexies du code civil ne permet d'attraire en justice que les professionnels ou les associations de professionnels qui utilisent des clauses abusives, ce qui restreindrait les effets préventifs de la procédure d'interdiction prévue à l'article 7 de la directive 18-L'article 3, premier alinéa, sous a), de la loi n° 281/98 ne permettrait pas de combler cette lacune. Tout d'abord, l'action prévue par cette disposition ayant un caractère plus général que celle prévue à l'article 1469 sexies du code civil, ce dernier devrait prévaloir dans les procédures concernant des clauses abusives. Ensuite, à supposer que l'action prévue à l'article 3 de la loi n° 281/98 puisse être intentée contre les personnes qui recommandent l'utilisation de clauses abusives, il s'agirait d'une interprétation praeter legem, voire contra legem, qui ne satisferait pas aux exigences de clarté et de précision qui doivent caractériser des mesures nationales de transposition. Enfin, ladite disposition définirait la catégorie des personnes ayant qualité pour agir de manière plus restreinte que ne le fait l'article 1469 sexies, entraînant ainsi entre les utilisateurs de clauses abusives et les personnes qui en recommandent l'utilisation une disparité de traitement contraire à l'article 7 de la directive 19-Le gouvernement italien fait valoir que, dans l'hypothèse d'une utilisation effective de clauses abusives, il est possible d'appréhender un comportement recommandant l'utilisation de telles clauses sur le fondement de l'article 3 de la loi n° 281/98, lequel vise "les comportements qui lèsent les intérêts des consommateurs et des usagers". Le principe selon lequel la règle spéciale déroge à la règle générale serait sans pertinence pour définir les rapports entre les articles 1469 sexies du code civil et 3 de la loi n° 281/98, dans la mesure où il s'agit de dispositions non pas matérielles, mais procédurales. Quant à la définition des personnes pouvant demander l'interdiction de clauses abusives, le gouvernement italien relève que l'article 7, paragraphe 3, de la directive renvoie au droit national

Page 30: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

30

20-À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, la portée des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales doit s'apprécier compte tenu de l'interprétation qu'en donnent les juridictions nationales (voir, notamment, arrêts du 8 juin 1994, Commission/Royaume-Uni, C-382/92, Rec. p. I-2435, point 36, et du 29 mai 1997, Commission/Royaume-Uni, C-300/95, Rec. p. I-2649, point 37) 21-En l'espèce, s'agissant, en premier lieu, de l'article 1469 sexies du code civil, il y a lieu de constater que le libellé de cette disposition n'ouvre de voie de recours qu'à l'encontre de l'utilisation de clauses abusives. M. l'avocat général a cependant relevé, au point 30 de ses conclusions, que la jurisprudence italienne interprète la notion d'"utilisation" de manière tellement large qu'elle recouvre aussi la recommandation de clauses abusives 22-Toutefois, il ressort des décisions des juridictions italiennes, citées dans les notes 10 et 11 des conclusions de M. l'avocat général, que cette jurisprudence récente ne saurait être qualifiée d'unanime ou, à tout le moins, de suffisamment établie pour rendre certaine une interprétation en ce sens 23-S'agissant, en second lieu, de l'article 3 de la loi n° 281/98, il convient de constater que le libellé de cette disposition n'exclut pas l'introduction d'un recours à l'encontre d'un comportement visant à recommander l'utilisation de clauses abusives. M. l'avocat général a d'ailleurs relevé, au point 40 de ses conclusions, que la jurisprudence italienne admet la recevabilité de tels recours 24-Cependant, la décision citée dans la note 14 des conclusions de M. l'avocat général, qui ne concerne pas un simple comportement visant à recommander l'utilisation de clauses abusives, n'est pas de nature à réfuter l'interprétation de l'article 3 de la loi n° 281/98 qui a été faite par le gouvernement italien dans le cadre de la présente procédure, selon laquelle la recevabilité d'un recours contre l'auteur d'une recommandation suppose une utilisation effective des clauses abusives qui ont été recommandées. Or, une telle condition serait incompatible avec l'interprétation qu'il convient de donner à l'article 7, paragraphe 3, de la directive (voir point 16 du présent arrêt) 25-Ces incertitudes sont d'autant plus graves que, ainsi que le fait observer M. l'avocat général au point 54 de ses conclusions, la relation entre les articles 1469 sexies du code civil et 3 de la loi n° 281/98 n'est pas dépourvue d'ambiguïté. Comme le relève ce dernier, il apparaît, en effet, que certaines juridictions italiennes considèrent que, en matière de clauses abusives, ledit article 1469 sexies, en tant que loi spéciale, prévaut sur l'article 3 de la loi n° 281/98. Or, une telle interprétation comporte des conséquences quant au cercle des entités habilitées à agir, les deux dispositions n'ayant pas le même champ d'application à cet égard 26-Au vu des doutes suscités par l'ensemble de cette jurisprudence, constituée de décisions émanant de juridictions de première instance, il ne paraît pas établi que l'interprétation faite par les juridictions italiennes des articles 1469 sexies du code civil et 3 de la loi n° 281/98 permette d'atteindre le but poursuivi par l'article 7, paragraphe 3, de la directive, tel que rappelé au point 16 du présent arrêt 27-En tout état de cause, même à supposer que cette dernière disposition vise des personnes ou des organisations qualifiées qui possèdent des connaissances juridiques en matière de protection des consommateurs, il y a lieu de considérer que la transposition de l'article 7, paragraphe 3, de la directive dans l'ordre juridique italien ne tient pas suffisamment compte du principe de sécurité juridique 28-Dès lors, il convient de constater que, en n'ayant pas adopté les mesures nécessaires pour transposer intégralement l'article 7, paragraphe 3, de la directive, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive Document 15 : CJCE, 18 juin 2002, aff. C-60/01, Commission c/ France : Rec. I, p. 5679 (…)17. À titre liminaire, il convient de préciser l'objet du recours. Dans les conclusions de sa requête, la Commission invite la Cour à constater un manquement en ce qui concerne les incinérateurs actuellement en fonctionnement en France. Cette formulation pourrait être comprise comme visant les incinérateurs en fonctionnement à la date du prononcé de l'arrêt. Toutefois, il résulte de l'ensemble du recours ainsi que de la procédure précontentieuse que, en l'espèce, les conclusions de la Commission visent en réalité les incinérateurs en fonctionnement à la date de l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé. 18. À cet égard, la Commission fait valoir qu'il résulte de façon incontestable des informations rendues publiques par le gouvernement français et des réponses de celui-ci à la mise en demeure et à l'avis motivé

Page 31: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

31

que de nombreux incinérateurs ont fonctionné et 7 d'entre eux continuent de fonctionner sans respecter les conditions de combustion imposées par l'article 4, paragraphe 1, de la directive 89/369 et les articles 2, premier alinéa, sous a), et 4 de la directive 89/429. 19. Le gouvernement français soutient que la Commission a pris en compte dans sa requête, au nombre des incinérateurs défaillants, ceux qui ne respectaient pas la limite de 10 ng I-TEQ/m3 pour le rejet de dioxine mais étaient conformes aux obligations découlant des directives 89/369 et 89/429. En effet, il fait valoir que ces directives ne prévoient aucune valeur maximale pour le rejet de dioxine. En outre, la Commission aurait reconnu dans sa duplique que le dépassement de cette limite ne constitue ni juridiquement ni scientifiquement la preuve d'un manquement auxdites directives. Cette reconnaissance constituerait un abandon partiel du grief de la Commission, qui devrait être pris en compte lors de la décision sur les dépens. 20. Cet argument ne saurait être retenu. En effet, bien que la Commission ait considéré dans sa requête que le dépassement de la valeur limite de 10 ng I-TEQ/m3 implique, selon elle, que les conditions de combustion imposées par les directives 89/369 et 89/429 n'ont pas été respectées, elle n'en a cependant déduit aucun manquement aux obligations découlant de ces directives. Au contraire, la Commission a, dans son recours, fondé son grief uniquement sur le fait qu'au moins 7 incinérateurs ne satisfaisaient pas aux conditions de combustion imposées par lesdites directives, ainsi que le gouvernement français l'a lui-même admis dans sa réponse à l'avis motivé. 21. Le gouvernement français soutient par ailleurs que les dispositions des directives 89/369 et 89/429 ont été correctement transposées en droit interne par l'arrêté du 25 janvier 1991 et qu'il existe des mesures permettant d'assurer l'application effective de ces dispositions. En effet, conformément à la jurisprudence, il aurait prévu en cas d'infraction aux obligations résultant desdites dispositions des sanctions effectives, dissuasives, proportionnées et n'assurant pas une protection moindre que celle découlant du seul droit interne. 22. À cet égard, il suffit de constater que la Commission ne reproche pas à la République française de n'avoir pas transposé ou d'avoir transposé de manière incorrecte en droit interne les dispositions des directives 89/369 et 89/429 ni de ne pas avoir mis en place des mesures législatives, réglementaires ou administratives assurant leur mise en oeuvre. En effet, le grief de la Commission porte sur le fait que les mesures prises par les autorités françaises pour se conformer à leurs obligations découlant de ces directives auraient été tardives, car prises seulement à partir d'avril 1998, soit près d'un an et demi après l'échéance du 1er décembre 1996. En outre, pour la Commission, ces mesures sont insuffisantes puisque, quatre ans après cette échéance, elles n'auraient pas encore permis d'atteindre le résultat requis par lesdites directives pour l'ensemble du parc des incinérateurs en France. 23. Toutefois, le gouvernement français soutient que, d'après la formulation des directives 89/369 et 89/429, les États membres sont seulement tenus de soumettre les exploitants d'incinérateurs à certaines obligations. Il fait valoir que, selon une jurisprudence constante, une telle obligation lie les États membres quant à l'objectif à atteindre, tout en laissant une marge d'appréciation dans l'évaluation de la nécessité des mesures à prendre. Il ne serait pas possible en principe de déduire directement de la non-conformité d'une situation de fait avec les objectifs fixés par la disposition d'une directive que l'État membre concerné a nécessairement manqué aux obligations imposées par celle-ci. En outre, la violation, par une personne morale autonome par rapport à un État membre, d'une norme contenue dans une directive ne saurait être constitutive d'un manquement de cet État. 24. À cet égard, il y a lieu de rappeler d'emblée que l'article 249, troisième alinéa, CE prévoit que «[l]a directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens». Il s'ensuit qu'une des caractéristiques principales de la directive est précisément que celle-ci vise à ce qu'un résultat déterminé soit atteint. 25. Cependant, la pratique législative communautaire démontre qu'il peut exister de grandes différences quant aux types d'obligations que les directives imposent aux États membres et donc quant aux résultats qui doivent être atteints. 26. En effet, certaines directives exigent que des mesures législatives soient adoptées au niveau national et que leur respect soit soumis à un contrôle juridictionnel ou administratif [voir, à titre d'exemple, les dispositions combinées des articles 4 et 8 de la directive 84/450/CEE du Conseil, du 10 septembre 1984, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse (JO L 250, p. 17); voir, à cet égard, arrêts du 16 novembre

Page 32: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

32

1989, Commission/Belgique, C-360/88, Rec. p. 3803, et du 6 décembre 1989, Commission/Grèce, C-329/88, Rec. p. 4159]. 27. D'autres directives prescrivent que les États membres prennent les mesures nécessaires pour garantir que certains objectifs formulés de manière générale et non quantifiable soient atteints, tout en laissant aux États membres une certaine marge d'appréciationquant à la nature des mesures à prendre [voir, à titre d'exemple, article 4 de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32); voir, à cet égard, arrêt du 9 novembre 1999, Commission/Italie, dit «San Rocco», C-365/97, Rec. p. I-7773, points 67 et 68]. 28. D'autres directives encore exigent des États membres que des résultats très précis et concrets soient obtenus après un certain délai [voir, à titre d'exemple, article 4, paragraphe 1, de la directive 76/160/CEE du Conseil, du 8 décembre 1975, concernant la qualité des eaux de baignade (JO 1976, L 31, p. 1); voir, à cet égard, arrêts du 14 juillet 1993, Commission/Royaume-Uni, C-56/90, Rec. p. I-4109, points 42 à 44; du 8 juin 1999, Commission/Allemagne, C-198/97, Rec. p. I-3257, point 35; du 25 mai 2000, Commission/Belgique, C-307/98, Rec. p. I-3933, point 51, et du 19 mars 2002, Commission/Pays-Bas, C-268/00, non encore publié au Recueil, points 12 à 14]. 29. Dès lors, vu qu'un manquement ne peut être constaté que s'il existe, à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé, une situation contraire au droit communautaire objectivement imputable à l'État membre concerné, la constatation du manquement en cause dépend du type d'obligations imposées par les dispositions des directives 89/369 et 89/429. 30. À cet égard, il y a lieu de rappeler que les directives 89/369 et 89/429 s'inscrivent dans une stratégie globale communautaire de protection de l'environnement et de diminution de la pollution de l'air. Les installations d'incinération faisaient déjà l'objet de la directive 84/360, en vertu de laquelle les États membres étaient obligés, d'une part, de prévoir des procédures d'autorisation préalable et de contrôles réguliers pour l'exploitation de ces installations et, d'autre part, d'adapter progressivement les installations existantes à la meilleure technologie disponible. Les directives 89/369 et 89/429 ont complété cette réglementation en introduisant des exigences détaillées et précises applicables aux installations d'incinération des déchets municipaux tant nouvelles qu'existantes. 31. Il résulte, en effet, de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 89/369 et des articles 2, premier alinéa, sous a), et 4 de la directive 89/429 que les installations d'incinération nouvelles et existantes doivent être rendues conformes aux exigences précises de combustion fixées en vertu de ces dispositions. Celles-ci prévoient que les gaz provenant de la combustion des déchets doivent être portés, après la dernière injection d'air de combustion et même dans les conditions les plus défavorables, à une température d'au moins 850° C en présence d'au moins 6 % d'oxygène pendant au moins 2 secondes, sauf, s'agissant de cette durée, en cas de difficultés techniques majeures pour une installation existante. 32. En outre, l'article 5, paragraphe 1, des directives 89/369 et 89/429 précise que la température et la teneur en oxygène ainsi fixées sont des valeurs minimales à respecter en permanence lors du fonctionnement de l'installation. 33. Il s'ensuit que les directives 89/369 et 89/429 imposent aux États membres des obligations de résultat, formulées d'une manière claire et non équivoque, afin que leurs installations d'incinération satisfassent dans les délais indiqués à des exigences détaillées et précises. 34. Dans ces circonstances, il n'est donc pas suffisant pour un État membre, contrairement à ce que prétend le gouvernement français, de prendre toutes les mesures raisonnablement possibles pour atteindre le résultat imposé par les directives 89/369 et 89/429 (voir, en ce sens, concernant la directive 76/160, arrêts précités, Commission/Royaume-Uni, points 42 et 44; Commission/Allemagne, point 35; Commission/Belgique, point 51, et du 19 mars 2002, Commission/Pays-Bas, points 12 à 14). 35. Par ailleurs, à supposer qu'une impossibilité matérielle absolue d'exécuter les obligations en cause résultant des directives 89/369 et 89/429 puisse justifier un manquement à celles-ci, il y a lieu de constater que le gouvernement français n'a pas pu établir une telle impossibilité en l'espèce (voir arrêt Commission/Royaume-Uni, précité, point 46). 36. Il convient ensuite de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation telle qu'elle se présente au terme du délai fixé dans l'avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir arrêts du 25 novembre 1998, Commission/Espagne, C-214/96, Rec. p. I-7661, point 25, et du 25 mai 2000, Commission/Grèce, C-384/97, Rec. p. I-3823, point 35).

Page 33: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

33

37. À cet égard, il suffit de constater que le gouvernement français a lui-même admis dans sa réponse à l'avis motivé du 21 octobre 1999, lequel fixait un délai de deux mois après sa notification, que, à la fin de l'année 1999, 7 installations d'incinération fonctionnaient encore sans respecter les conditions de combustion imposées par les directives 89/369 et 89/429. 38. Par ailleurs, le gouvernement français ne saurait valablement invoquer, pour justifier le manquement, l'argument selon lequel le retard pris pour la mise aux normes des installations en cause est dû au fait que les travaux de mise en conformité requièrent plus que quelques mois. En effet, dès le 1er décembre 1990, les installations nouvelles auraient dû être conformes aux exigences résultant de la directive 89/369, en sorte que, depuis cette date, aucune installation nouvelle ne respectant pas ces exigences n'aurait dû être mise en service. Concernant les installations existantes, la directive 89/429 a accordé un délai supplémentaire de six années après le délai prévu pour sa transposition afin de permettre aux États membres de satisfaire aux exigences qu'elle impose. Dès lors, même si la durée des travaux de mise en conformité était nécessairement considérable, la directive 89/429 a donné amplement le temps aux États membres pour les réaliser en prévoyant un tel délai supplémentaire de six années. 39. Quant à l'argument du gouvernement français selon lequel il aurait entrepris un programme énergique de mise aux normes prévues par les directives 89/369 et 89/429, permettant de passer de 40 installations ne respectant pas ces normes en décembre 1996 à 7 installations dans ce cas à la fin de l'année 1999, il ne saurait non plus être retenu. En effet, il est constant que le gouvernement français n'a établi et subséquemment mis à exécution ce programme qu'à partir de fin 1996, c'est-à-dire six années après l'expiration du délai de transposition de la directive 89/429. Dès lors, les mesures prises par le gouvernement français étaient tardives et elles ne sauraient être invoquées aux fins de justifier le manquement. 40. En outre, le gouvernement français ne saurait valablement soutenir qu'il était exclu de fermer les installations non conformes, eu égard aux volumes de déchets produits. En effet, à supposer même qu'une telle circonstance puisse valablement servir de justification au non-respect des obligations découlant de la directive 89/429, il n'a pas démontré qu'il serait, en cas de mise hors service de certaines installations, matériellement impossible de transporter provisoirement des déchets municipaux vers des installations voisines. 41. Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires et appropriées pour garantir que l'ensemble du parc des incinérateurs en France soit exploité en conformité avec les conditions de combustion imposées par les directives 89/369 et 89/429, ou qu'il soit mis fin à leur exploitation en temps utile, à savoir pour le 1er décembre 1990 en ce qui concerne les installations nouvelles et pour le 1er décembre 1996 en ce qui concerne les installations existantes, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 89/369 et des articles 2, premier alinéa, sous a), et 4 de la directive 89/429 Document 16 : CJCE, 28 novembre 2002, Commission contre France, C-259/01 1-Par requête déposée au greffe de la Cour le 3 juillet 2001, la Commission des Communautés européennes a introduit , en vertu de l’article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en ne prenant pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 98/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (JO L 204, p. 1, ci-après la “directive”), ou, en tout état de cause, en ne les lui communiquant pas, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive et, en particulier, de son article 29. Le cadre juridique et la procédure précontentieuse 2-En vertu de l’article 29 de la directive, les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci au plus tard deux ans après son entrée en vigueur, soit le 10 août 2000 au plus tard, et ils en informent immédiatement la Commission. 3-Par une lettre datée du 17 août 2000, les autorités françaises ont transmis à la Commission des informations sur l’état de la transposition de la directive en droit français. Elles indiquaient qu’un projet

Page 34: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

34

de loi avait été adopté en Conseil des ministres et devait être soumis au Parlement en vue de son adoption dans les meilleurs délais. 4-N’ayant reçu aucune information permettant de constater l’adoption formelle des mesures de transposition de la directive dans le délai prescrit par l’article 29 de celle-ci, la Commission a adressé aux autorités françaises, le 22 septembre 2000, une lettre de mise en demeure, par laquelle elle constatait que le gouvernement français avait manqué aux obligations qui lui incombent à cet égard en vertu du droit communautaire et elle l’invitait à lui présenter ses observations dans un délai de deux mois. 5-Par lettre du 21 novembre 2000, les autorités françaises ont répondu à cette lettre de mise en demeure en faisant valoir que la transposition de la directive en droit français nécessitait de profonds changements du cadre législatif national et que, en attendant l’adoption du projet de loi assurant cette transposition, des mesures transitoires de libéralisation de l’accès au réseau gazier avaient été mises en place par les opérateurs économiques français. 6-Ayant constaté qu’aucune mesure de transposition de la directive n’avait été prise par la République française, la Commission a adressé à cette dernière, le 5 février 2001, un avis motivé l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux obligations découlant de la directive dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet avis. 7-Par lettre du 6 avril 2001, les autorités françaises ont une nouvelle fois informé la Commission, d’une part, de leur volonté de transposer la directive en droit français et, d’autre part, de l’existence de mesures provisoires tendant à assurer la réalisation immédiate des objectifs de ladite directive. 8-Ces informations ayant révélé que la directive n’était toujours pas transposée en droit français, la Commission a décidé d’introduire le présent recours. Sur le fond Arguments des parties 9-Soutenant que la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 29 de la directive, la Commission rappelle, d’une part, le contenu des articles 10 CE et 249, troisième alinéa, CE, et, d’autre part, la jurisprudence constante de la Cour, selon laquelle les États membres destinataires d’une directive doivent conformer leur législation à celle-ci dans le délai fixé, sans pouvoir exciper de dispositions, pratiques ou situations de leur ordre juridique interne pour justifier le non-respect de cette obligation. 10-Le gouvernement français fait valoir que l’exécution des obligations incombant aux États membres en vertu des articles invoqués par la Commission ne résulte pas nécessairement de l’adoption formelle d’un texte, mais peut aussi résulter de modifications pratiques intervenues dans la gestion d’un secteur et susceptibles d’atteindre les objectifs poursuivis par une directive. 11-Il soutient que, eu égard aux objectifs poursuivis par la directive, tels qu’ils ressortent notamment des septième et neuvième considérants de celle-ci, il a partiellement rempli ses obligations en ayant procédé à la mise en oeuvre pratique de la libéralisation du secteur du gaz en France. En effet, l’application directe d’un dispositif produisant l’effet recherché par la directive, par exemple, un accès des tiers au réseau gazier, permettrait à un État membre de respecter les objectifs visés par ladite directive et donc de remplir son obligation de coopération loyale prévue à l’article 10 CE. 12-S’agissant du régime transitoire d’accès au réseau de transport et de distribution de gaz mis en place, le gouvernement français relève qu’il est en vigueur depuis le 10 août 2000 et que des informations ont été communiquées à son sujet à la Commission le 17 août suivant. Ce régime permettrait aux “clients éligibles”, au sens de l’article 18 de la directive, d’accéder au réseau gazier au moyen de contrats d’acheminement d’une durée minimale d’un an. Les conditions générales et la tarification de cet accès auraient été rendues publiques par les différents opérateurs économiques. En outre, les clients éligibles pourraient disposer, à certaines conditions, d’un service de dépôt temporaire de gaz à divers endroits du réseau gazier. 13-Selon le gouvernement français, l’application de ce régime a permis à des clients éligibles de renégocier leurs contrats de fourniture de gaz et même de changer de fournisseur. Un an après la mise en place dudit régime, 14 % des clients éligibles sur le marché français auraient déjà changé de fournisseur et 4 nouveaux opérateurs économiques seraient apparus sur ce marché. 14-De plus, les opérateurs économiques se seraient engagés à procéder à la dissociation comptable de leurs activités de transport et de négoce et à assurer une parfaite transparence des relations commerciales et financières entre ces activités.

Page 35: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

35

15-Le gouvernement français ajoute, dans sa duplique, que la Commission conteste seulement le mode de transposition de la directive et non l’efficacité des mesures adoptées pour mettre celle-ci en oeuvre. 16-Il soutient, par ailleurs, que la libéralisation du marché est en train de s’accélérer en raison, d’une part, de l’adoption progressive d’une réglementation concernant ledit secteur — par exemple, l’article 81 de la loi de finances rectificative du 31 décembre 2001 abrogerait le régime de concession des réseaux gaziers — et, d’autre part, d’une ouverture accrue du marché français du gaz naturel.

Appréciation de la Cour 17-Il convient de relever, tout d’abord, que, si, comme le fait valoir le gouvernement français, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la transposition d’une directive n’exige pas nécessairement une action législative de la part de chaque État membre, la Cour a jugé que tel ne peut être le cas qu’à condition que le droit national en cause garantisse effectivement la pleine application de la directive concernée, que la situation juridique découlant de ce droit soit suffisamment précise et claire et que les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et, le cas échéant, de s’en prévaloir devant les juridictions nationales (voir, notamment, arrêt du 10 mai 2001, Commission/Pays-Bas, C-144/99, Rec. p. I-3541, point 17). 18-Il y a lieu de rappeler, ensuite, qu’il est de jurisprudence constante que le maintien d’une réglementation nationale qui est, en tant que telle, incompatible avec le droit communautaire, même si l’État membre concerné agit en accord avec ce droit, donne lieu à une situation de fait ambiguë en maintenant, pour les sujets de droit concernés, un état d’incertitude quant aux possibilités qui leur sont réservées de faire appel au droit communautaire (arrêt du 29 octobre 1998, Commission/Grèce, C-185/96, Rec. p. I-6601, point 32, et jurisprudence citée). 19-Il importe de rappeler, enfin, qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour relative à la mise en oeuvre des directives que de simples pratiques administratives, par nature modifiables au gré de l’administration et dépourvues d’une publicité adéquate, ne sauraient être considérées comme constituant une exécution valable des obligations du traité CE (voir, notamment, arrêt du 17 janvier 2002, Commission/Irlande, C-394/00, Rec. p. I-581, point 11). 20-Or, en l’occurrence, il ressort tant de la correspondance que le gouvernement français a échangée avec la Commission lors de la procédure précontentieuse que de la défense et de la duplique, que les dispositions législatives en vigueur en France à l’échéance du délai imparti dans l’avis motivé n’assuraient pas la transposition complète de la directive. 21-En ce qui concerne les mesures pratiques adoptées en vue d’atteindre les objectifs de la directive, il suffit de constater que, si, comme il ressort de la jurisprudence citée au point 19 du présent arrêt, de simples pratiques administratives ne sauraient être considérées comme constituant une exécution valable des obligations du traité, il en va ainsi, à plus forte raison, de pratiques qui, comme en l’espèce, n’émanent pas d’un État membre, mais ont été adoptées par les opérateurs économiques d’un certain secteur. 22-Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en ne prenant pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 29 de cette directive. Document 17 : CJUE, 19 janvier 2010, Seda Kücükdeveci c. Swedex GmbH & Co. KG, C-555/07

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du principe de non-discrimination en fonction de l’âge et de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16). 2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Kücükdeveci à son ancien employeur, Swedex GmbH & Co. KG (ci-après «Swedex»), à propos du calcul du délai de préavis applicable pour son licenciement. (…) Le litige au principal et les questions préjudicielles 12 Mme Kücükdeveci est née le 12 février 1978. Elle était employée depuis le 4 juin 1996, soit depuis l’âge de 18 ans, par Swedex.

Page 36: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

36

13 Swedex a licencié cette salariée par lettre du 19 décembre 2006, avec effet, compte tenu du préavis légal, au 31 janvier 2007. L’employeur a calculé le délai de préavis comme si la salariée avait une ancienneté de 3 ans alors qu’elle était à son service depuis 10 ans. 14 Mme Kücükdeveci a contesté son licenciement devant l’Arbeitsgericht Mönchengladbach. Devant cette juridiction, elle a soutenu que le délai de son préavis aurait dû être de quatre mois à compter du 31 décembre 2006, soit jusqu’au 30 avril 2007, et ce en application de l’article 622, paragraphe 2, premier alinéa, point 4, du BGB. Ce délai correspondrait à une ancienneté de dix ans. Le litige en cause au principal oppose donc deux particuliers, à savoir, d’une part, Mme Kücükdeveci et, d’autre part, Swedex. 15 Selon Mme Kücükdeveci, l’article 622, paragraphe 2, second alinéa, du BGB, en ce qu’il prévoit que les périodes d’emploi accomplies avant l’âge de 25 ans ne sont pas prises en compte pour le calcul du délai de préavis, est une mesure de discrimination fondée sur l’âge, contraire au droit de l’Union, et son application doit être écartée. 16 Le Landesarbeitsgericht Düsseldorf, statuant en appel, a constaté que le délai de transposition de la directive 2000/78 était écoulé au jour où le licenciement a eu lieu. Cette juridiction a considéré également que l’article 622 du BGB contient une différence de traitement directement liée à l’âge, dont elle n’est pas convaincue du caractère inconstitutionnel, mais dont la conformité au droit de l’Union serait, en revanche, discutable. Elle se demande, à cet égard, si l’existence éventuelle d’une discrimination directe liée à l’âge doit être appréciée au regard du droit primaire de l’Union, comme semble le suggérer l’arrêt du 22 novembre 2005, Mangold (C‑144/04, Rec. p. I‑9981), ou bien au regard de la directive 2000/78. Soulignant que la disposition nationale en cause est claire et ne pourrait pas, le cas échéant, être interprétée dans un sens conforme à ladite directive, elle se demande également si, pour pouvoir laisser inappliquée cette disposition dans un litige entre personnes privées, elle doit au préalable, pour assurer la protection de la confiance légitime des justiciables, saisir la Cour, à titre préjudiciel, afin que celle-ci confirme l’incompatibilité de ladite disposition avec le droit de l’Union. 17 C’est dans ces conditions que le Landesarbeitsgericht Düsseldorf a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes: «1) a) Une législation nationale qui prévoit que les délais de préavis que l’employeur doit respecter augmentent progressivement en fonction de la durée de service, mais ne prend pas en considération les périodes d’emploi que le travailleur a effectuées avant qu’il n’ait atteint l’âge de 25 ans viole-t-elle l’interdiction de discrimination en raison de l’âge consacrée par le droit communautaire, notamment le droit primaire communautaire ou la directive 2000/78 [...]? b) Peut-on voir un motif justifiant que l’employeur ne doive respecter qu’un délai de préavis de base en cas de licenciement de jeunes travailleurs dans le fait qu’on lui reconnaisse un intérêt économique – auquel des périodes de préavis plus longues porteraient atteinte – à une gestion du personnel flexible et qu’on refuse aux jeunes travailleurs la protection de la stabilité de l’emploi et de la possibilité de prendre leurs dispositions (qu’offrent aux travailleurs plus âgés des délais de préavis plus longs), par exemple parce que, eu égard à leur âge et/ou à leurs obligations sociales, familiales et privées moindres, on peut raisonnablement exiger d’eux une flexibilité et une mobilité professionnelles et personnelles plus grandes? 2) En cas de réponse affirmative à la première question, sous a), et de réponse négative à la première question, sous b): La juridiction d’un État membre saisie d’un litige entre personnes privées doit-elle laisser inappliquée une législation contraire au droit communautaire ou faut-il tenir compte de la confiance que les justiciables placent dans l’application des lois nationales en vigueur en ce sens que l’inapplicabilité ne jouera qu’après une décision de la Cour de justice sur la réglementation en cause ou sur une réglementation en substance similaire?» Sur la première question

Page 37: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

37

18 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui prévoit que les périodes de travail accomplies par le salarié avant que celui-ci ait atteint l’âge de 25 ans ne sont pas prises en compte pour le calcul du délai de préavis de licenciement, constitue une différence de traitement fondée sur l’âge interdite par le droit de l’Union, notamment par le droit primaire ou par la directive 2000/78. Elle s’interroge, en particulier, sur le point de savoir si une telle réglementation est justifiée par le fait qu’il conviendrait de ne respecter qu’un délai de préavis de base en cas de licenciement de jeunes travailleurs, d’une part, pour permettre aux employeurs de gérer leur personnel avec flexibilité, ce qui ne serait pas possible avec des délais de préavis plus longs, et, d’autre part, parce qu’il serait raisonnable d’exiger des jeunes travailleurs une mobilité personnelle et professionnelle plus grande que celle demandée aux travailleurs plus âgés. 19 Afin de répondre à ladite question, il importe, ainsi que l’y invite la juridiction de renvoi, de préciser d’emblée si cette question doit être appréhendée au regard du droit primaire de l’Union ou de la directive 2000/78. 20 À cet égard, il convient de rappeler, dans un premier temps, que le Conseil de l’Union européenne a, sur le fondement de l’article 13 CE, adopté la directive 2000/78 dont la Cour a jugé qu’elle ne consacre pas elle-même le principe de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, lequel trouve sa source dans divers instruments internationaux et les traditions constitutionnelles communes aux États membres, mais a uniquement pour objet d’établir, dans ces mêmes matières, un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur divers motifs parmi lesquels figure l’âge (voir arrêt Mangold, précité, point 74). 21 La Cour a reconnu, dans ce contexte, l’existence d’un principe de non-discrimination en fonction de l’âge qui doit être considéré comme un principe général du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Mangold, précité, point 75). La directive 2000/78 concrétise ce principe (voir, par analogie, arrêt du 8 avril 1976, Defrenne, 43/75, Rec. p. 455, point 54). 22 Il convient également de relever que l’article 6, paragraphe 1, TUE énonce que la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a la même valeur juridique que les traités. Selon l’article 21, paragraphe 1, de cette charte, «est interdite, toute discrimination fondée notamment sur [...] l’âge». 23 Pour que le principe de non-discrimination en fonction de l’âge s’applique dans un cas comme celui de l’affaire au principal, encore faut-il que celui-ci se situe dans le champ d’application du droit de l’Union. 24 À cet égard, et à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 23 septembre 2008, Bartsch (C-427/06, Rec. p. I-7245), le comportement prétendument discriminatoire adopté, dans la présente affaire au principal, sur la base de la réglementation nationale en cause est intervenu postérieurement à la date d’expiration du délai imparti à l’État membre concerné pour la transposition de la directive 2000/78, lequel a pris fin, pour ce qui concerne la République fédérale d’Allemagne, le 2 décembre 2006. 25 À cette date, ladite directive a eu pour effet de faire entrer dans le champ d’application du droit de l’Union la réglementation nationale en cause au principal qui appréhende une matière régie par cette même directive, à savoir, en l’occurrence, les conditions de licenciement. 26 En effet, une disposition nationale telle que l’article 622, paragraphe 2, second alinéa, du BGB, en ce qu’il prévoit que, pour le calcul du délai de préavis de licenciement, ne sont pas prises en compte les périodes d’emploi accomplies par le salarié avant que celui-ci ait atteint l’âge de 25 ans, affecte les conditions de licenciement des salariés. Dès lors, une réglementation de cette nature doit être considérée comme établissant des règles relatives aux conditions de licenciement. 27 Il résulte de ces considérations que c’est sur le fondement du principe général du droit de l’Union interdisant toute discrimination fondée sur l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78, qu’il

Page 38: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

38

convient de rechercher si le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal. 28 S’agissant, dans un deuxième temps, de la question de savoir si la réglementation en cause au principal contient une différence de traitement fondée sur l’âge, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78, aux fins de cette dernière, on entend par «principe de l’égalité de traitement» l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur l’un des motifs visés à l’article 1er de cette directive. L’article 2, paragraphe 2, sous a), de celle-ci précise que, pour les besoins de l’application de son paragraphe 1, une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre se trouvant dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er de la même directive (voir arrêts du 16 octobre 2007, Palacios de la Villa, C-411/05, Rec. p. I-8531, point 50, et du 5 mars 2009, Age Concern England, C‑388/07, non encore publié au Recueil, point 33). 29 En l’occurrence, l’article 622, paragraphe 2, second alinéa, du BGB réserve un traitement moins favorable aux salariés qui sont entrés au service de l’employeur avant l’âge de 25 ans. Cette réglementation nationale instaure donc une différence de traitement entre des personnes ayant la même ancienneté en fonction de l’âge auquel elles sont entrées dans l’entreprise. 30 Ainsi, pour deux salariés ayant chacun 20 ans d’ancienneté, celui qui est entré à l’âge de 18 ans dans l’entreprise bénéficiera d’un délai de préavis de licenciement de cinq mois alors que ce délai sera de sept mois pour celui qui y est entré à l’âge de 25 ans. En outre, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 36 de ses conclusions, la réglementation nationale en cause au principal défavorise, d’une manière générale, les jeunes travailleurs par rapport aux travailleurs plus âgés, en ce que les premiers peuvent, comme la situation de la requérante au principal l’illustre, être exclus, en dépit d’une ancienneté de plusieurs années dans l’entreprise, du bénéfice de l’augmentation progressive des délais de préavis de licenciement en fonction de la durée de la relation de travail, dont pourront, en revanche, jouir des travailleurs plus âgés ayant une ancienneté comparable. 31 Il s’ensuit que la réglementation nationale en cause contient une différence de traitement fondée sur le critère de l’âge. 32 Il convient, dans un troisième temps, d’examiner si cette différence de traitement est susceptible de constituer une discrimination interdite par le principe de non-discrimination en fonction de l’âge concrétisé par la directive 2000/78. 33 À cet égard, l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2000/78 énonce qu’une différence de traitement fondée sur l’âge ne constitue pas une discrimination lorsqu’elle est objectivement et raisonnablement justifiée, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. 34 Il ressort tant des informations fournies par la juridiction de renvoi que des explications données lors de l’audience par le gouvernement allemand que l’article 622 du BGB trouve son origine dans une loi de 1926. La fixation du seuil de 25 ans par cette loi serait le fruit d’un compromis entre, premièrement, le gouvernement de l’époque qui souhaitait une prolongation uniforme de trois mois du délai de préavis de licenciement des travailleurs âgés de plus de 40 ans, deuxièmement, les partisans d’une prolongation graduelle de ce délai pour tous les travailleurs et, troisièmement, les partisans d’une prolongation graduelle de la durée du préavis mais sans prise en compte de la période travaillée, cette règle ayant pour but de décharger partiellement les employeurs des délais de préavis prolongés pour les travailleurs âgés de moins de 25 ans. 35 Selon la juridiction de renvoi, l’article 622, paragraphe 2, second alinéa, du BGB reflète l’appréciation du législateur selon laquelle les jeunes travailleurs réagissent généralement plus aisément et plus rapidement à la perte de leur emploi et qu’il peut être exigé d’eux une flexibilité plus grande. Enfin,

Page 39: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

39

un délai de préavis plus court pour les jeunes travailleurs faciliterait l’embauche de ces derniers en accroissant la flexibilité de la gestion du personnel. 36 Des objectifs de la nature de ceux mentionnés par le gouvernement allemand et par la juridiction de renvoi apparaissent relever d’une politique en matière d’emploi et de marché du travail, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78. 37 Encore faut-il vérifier, selon les termes mêmes de ladite disposition, si les moyens mis en œuvre pour réaliser un tel objectif légitime sont «appropriés et nécessaires». 38 Il convient de rappeler, à cet égard, que les États membres disposent d’une large marge d’appréciation dans le choix des mesures susceptibles de réaliser leurs objectifs en matière de politique sociale et d’emploi (voir arrêts précités Mangold, point 63, et Palacios de la Villa, point 68). 39 La juridiction de renvoi indique que l’objectif de la réglementation nationale en cause au principal est d’offrir à l’employeur une plus grande flexibilité dans la gestion du personnel en allégeant la charge dudit employeur en ce qui concerne le licenciement des jeunes travailleurs, dont il serait raisonnable d’exiger une mobilité personnelle ou professionnelle accrue. 40 Toutefois, ladite réglementation n’est pas appropriée à la réalisation de cet objectif puisqu’elle s’applique à tous les salariés entrés dans l’entreprise avant l’âge de 25 ans, quel que soit leur âge au moment de leur licenciement. 41 Pour ce qui est de l’objectif, poursuivi par le législateur lors de l’adoption de la réglementation nationale en cause au principal et rappelé par le gouvernement allemand, de renforcer la protection des travailleurs en fonction du temps passé dans l’entreprise, il apparaît que, en vertu de cette réglementation, l’allongement du délai de préavis de licenciement en fonction de l’ancienneté du salarié est retardé pour tout salarié entré dans l’entreprise avant l’âge de 25 ans, quand bien même l’intéressé disposerait d’une longue ancienneté dans celle-ci lors de son licenciement. Ladite réglementation ne peut donc être considérée comme apte à réaliser l’objectif allégué. 42 Il convient d’ajouter que la réglementation nationale en cause au principal touche, comme le rappelle la juridiction de renvoi, les jeunes salariés de manière inégale, en ce sens qu’elle frappe les jeunes qui s’engagent tôt dans la vie active, soit sans formation professionnelle, soit après une brève formation professionnelle, et non ceux qui commencent à travailler plus tard, après une longue formation. 43 Il résulte de l’ensemble de ces considérations qu’il convient de répondre à la première question que le droit de l’Union, et plus particulièrement le principe de non-discrimination en fonction de l’âge tel que concrétisé par la directive 2000/78, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que les périodes de travail accomplies par le salarié avant qu’il ait atteint l’âge de 25 ans ne sont pas prises en compte pour le calcul du délai de préavis de licenciement. Sur la seconde question 44 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi se demande si, lorsqu’elle est saisie d’un litige entre particuliers, pour pouvoir laisser inappliquée une réglementation nationale qu’elle estime contraire au droit de l’Union, elle doit au préalable, pour assurer la protection de la confiance légitime des justiciables, saisir la Cour sur le fondement de l’article 267 TFUE afin que celle-ci confirme l’incompatibilité de cette réglementation avec le droit de l’Union. 45 S’agissant, en premier lieu, du rôle du juge national lorsqu’il doit trancher un litige entre particuliers dans lequel il apparaît que la réglementation nationale en cause est contraire au droit de l’Union, la Cour a jugé que c’est aux juridictions nationales qu’il incombe d’assurer la protection juridique découlant pour les justiciables des dispositions du droit de l’Union et de garantir le plein effet

Page 40: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

40

de celles-ci (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C‑397/01 à C‑403/01, Rec. p. I‑8835, point 111, ainsi que du 15 avril 2008, Impact, C‑268/06, Rec. p. I‑2483, point 42). 46 À cet égard, s’agissant d’un litige entre particuliers, la Cour a constamment jugé qu’une directive ne peut pas, par elle-même, créer d’obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à son encontre (voir, notamment, arrêts du 26 février 1986, Marshall, 152/84, Rec. p. 723, point 48; du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C‑91/92, Rec. p. I‑3325, point 20, ainsi que Pfeiffer e.a., précité, point 108). 47 Toutefois, l’obligation des États membres, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’imposent à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, aux autorités juridictionnelles (voir, notamment, en ce sens, arrêts du 10 avril 1984, von Colson et Kamann, 14/83, Rec. p. 1891, point 26; du 13 novembre 1990, Marleasing, C‑106/89, Rec. p. I‑4135, point 8; Faccini Dori, précité, point 26; du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie, C‑129/96, Rec. p. I‑7411, point 40; Pfeiffer e.a., précité, point 110, ainsi que du 23 avril 2009, Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, non encore publié au Recueil, point 106). 48 Il s’ensuit que, en appliquant le droit national, la juridiction nationale appelée à l’interpréter est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte ainsi que de la finalité de cette directive pour atteindre le résultat fixé par celle-ci et se conformer ainsi à l’article 288, troisième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêts précités von Colson et Kamann, point 26; Marleasing, point 8; Faccini Dori, point 26, ainsi que Pfeiffer e.a., point 113). L’exigence d’une interprétation conforme du droit national est inhérente au système du traité en ce qu’elle permet à la juridiction nationale d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la pleine efficacité du droit de l’Union lorsqu’elle tranche le litige dont elle est saisie (voir, en ce sens, arrêt Pfeiffer e.a., précité, point 114). 49 Cependant, selon la juridiction de renvoi, du fait de sa clarté et de sa précision, l’article 622, paragraphe 2, second alinéa, du BGB n’est pas susceptible d’une interprétation conforme à la directive 2000/78. 50 À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’une part, que, ainsi qu’il a été dit au point 20 du présent arrêt, la directive 2000/78 ne fait que concrétiser, sans le consacrer, le principe de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail et, d’autre part, que le principe de non-discrimination en fonction de l’âge est un principe général du droit de l’Union en ce qu’il constitue une application spécifique du principe général de l’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt Mangold, précité, points 74 à 76). 51 Dans ces conditions, il incombe à la juridiction nationale, saisie d’un litige mettant en cause le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78, d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant pour les justiciables du droit de l’Union et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée toute disposition de la réglementation nationale contraire à ce principe (voir, en ce sens, arrêt Mangold, précité, point 77). 52 S’agissant, en second lieu, de l’obligation qui pèserait sur le juge national, saisi d’un litige entre particuliers, d’interroger la Cour à titre préjudiciel sur l’interprétation du droit de l’Union avant de pouvoir laisser inappliquée une disposition nationale qu’il estime contraire à ce droit, il convient de relever qu’il ressort de la décision de renvoi que cet aspect de la question est motivé par le fait que, en vertu du droit national, la juridiction de renvoi ne peut laisser inappliquée une disposition en vigueur de la législation nationale sans que cette disposition ait été au préalable déclarée inconstitutionnelle par le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale). 53 À cet égard, il convient de souligner que la nécessité de garantir le plein effet du principe de non-discrimination en fonction de l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78, implique que le juge national doit, en présence d’une disposition nationale entrant dans le champ d’application du droit de

Page 41: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

41

l’Union qu’il estime incompatible avec ledit principe et dont une interprétation conforme à celui-ci s’avère impossible, laisser cette disposition inappliquée, sans être ni contraint ni empêché de saisir au préalable la Cour d’une demande de décision préjudicielle. 54 La faculté ainsi reconnue au juge national par l’article 267, deuxième alinéa, TFUE de solliciter une interprétation préjudicielle de la Cour avant de laisser inappliquée la disposition nationale contraire au droit de l’Union ne saurait cependant se transformer en une obligation en raison du fait que le droit national ne permet pas à ce juge de laisser inappliquée une disposition nationale qu’il estime contraire à la Constitution sans que cette disposition ait été préalablement déclarée inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle. En effet, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, dont bénéficie également le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, une réglementation nationale contraire qui entre dans le champ d’application du droit de l’Union doit être laissée inappliquée (voir, en ce sens, arrêt Mangold, précité, point 77). 55 Il résulte de ces considérations que le juge national, saisi d’un litige entre particuliers, n’est pas tenu mais a la faculté d’interroger la Cour à titre préjudiciel sur l’interprétation du principe de non-discrimination fondée sur l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78, avant de laisser inappliquée une disposition de la réglementation nationale qu’il estime contraire à ce principe. Le caractère facultatif de cette saisine est indépendant des modalités s’imposant au juge national, en droit interne, pour laisser inappliquée une disposition nationale que celui-ci estime contraire à la Constitution. 56 Au regard de ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question qu’il incombe à la juridiction nationale, saisie d’un litige entre particuliers, d’assurer le respect du principe de non-discrimination en fonction de l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78, en laissant au besoin inappliquée toute disposition contraire de la réglementation nationale, indépendamment de l’exercice de la faculté dont elle dispose, dans les cas visés à l’article 267, deuxième alinéa, TFUE, d’interroger la Cour à titre préjudiciel sur l’interprétation de ce principe. (…) Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit: 1) Le droit de l’Union, et plus particulièrement le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que les périodes de travail accomplies par le salarié avant qu’il ait atteint l’âge de 25 ans ne sont pas prises en compte pour le calcul du délai de préavis de licenciement. 2) Il incombe à la juridiction nationale, saisie d’un litige entre particuliers, d’assurer le respect du principe de non-discrimination en fonction de l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78, en laissant au besoin inappliquée toute disposition contraire de la réglementation nationale, indépendamment de l’exercice de la faculté dont elle dispose, dans les cas visés à l’article 267, deuxième alinéa, TFUE, d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel sur l’interprétation de ce principe. Document 18 : Communiqué de presse du 19 février 2013 sur la transposition de directives : Tableau d’affichage du marché intérieur: record battu pour le 15e anniversaire! (IP/13/127) Malgré les temps difficiles, les États membres ont signé leur meilleure performance à ce jour en matière de transposition de la réglementation de l'UE en droit national, selon le tableau d'affichage du marché intérieur publié aujourd'hui par la Commission européenne. Le marché unique a un rôle essentiel à jouer pour sortir l'économie européenne de la stagnation. Toutefois, il ne génère pas automatiquement des avantages: pour que les objectifs visés par les directives soient atteints, celles-ci doivent être transposées dans les délais.

Page 42: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

42

Le tableau d'affichage du marché intérieur a été publié pour la première fois il y a 15 ans et l'édition d'aujourd'hui révèle que les États membres ont réalisé des progrès considérables. Le déficit de transposition moyen de l'UE – à savoir le pourcentage de directives relatives au marché intérieur qui n'ont pas été transposées à temps dans le droit national – est passé de 6,3 % en 1997 à un nouveau niveau record de 0,6 %, soit en deçà de l'objectif de 1 % convenu par les chefs d'État ou de gouvernement européens en 2007, proche du déficit de 0,5 % proposé dans l'acte pour le marché unique en avril 2011. «Je me félicite de ce nouveau record atteint par les États membres et je salue leur dynamisme et leur engagement ferme pour que la mise en œuvre fonctionne sur le terrain. Il s'agit du meilleur résultat enregistré à ce jour», a déclaré Michel Barnier, commissaire européen chargé du marché intérieur. Tableau: déficit de transposition moyen

Dans cette édition, l'Irlande, Malte, l'Estonie et la Suède obtiennent les meilleurs résultats en transposant le plus grand nombre de directives dans leur législation nationale. Les États membres ont également réussi à réduire le nombre total de directives mal transposées (le déficit de conformité a continué de baisser pour passer de 0,7 % à 0,6 %). Toutefois, le nombre de directives dont le délai de transposition a expiré depuis plus de deux ans a augmenté. En ce qui concerne l'application du droit de l'UE, le nombre d'infractions continue de diminuer, selon toute vraisemblance grâce à l'instauration de mécanismes visant à résoudre rapidement les problèmes de conformité avec le droit de l'UE. Par rapport à novembre 2007, le nombre de procédures d'infraction ouvertes a chuté de 38 %. L'Italie est l’État membre à l'égard duquel la Commission a ouvert le plus grand nombre de procédures d’infraction, suivie de l'Espagne et de la Grèce. La plupart des procédures continuent de s'inscrire dans les domaines de la fiscalité et de l'environnement. Lorsqu'on tient compte de tous les indicateurs de mise en œuvre (pour plus de détails, voir le tableau sur la mise en œuvre de la législation relative au marché intérieur ci-dessous), la Roumanie, l'Estonie, Chypre, la République tchèque et la Lituanie obtiennent globalement les meilleurs résultats. Mise en œuvre des directives «marché intérieur» • Le déficit de transposition moyen dans l'UE a encore diminué de 0,9 % à 0,6 % au cours des six derniers mois et le nombre d'États membres ayant atteint l'objectif de 1 % est passé de 16 à 23. • Au total, 12 États membres ont enregistré, ou égalé, leur meilleur résultat en ce qui concerne le déficit de transposition depuis 1997: la République tchèque, l'Estonie, l'Irlande, la Grèce, la France, l'Italie, Chypre, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Slovaquie et la Suède; l'Italie et le Luxembourg passant pour la première fois sous le seuil de 1 %, ce qui témoigne de l'importance que les États membres ont attaché au respect des délais de transposition même dans le contexte de la crise économique. • L'Irlande est le pays qui obtient les meilleurs résultats: elle a transposé toutes les directives dans les temps et a ramené son déficit à zéro. Il faut également signaler que l'Italie a considérablement réduit son déficit de transposition, de 2,4 % il y a six mois à 0,8 % aujourd'hui. La Roumanie a aussi réduit son déficit de transposition de façon remarquable de 1,1 % à 0,4 %. Ces trois États membres dévoilent leurs bonnes pratiques dans le dernier tableau d'affichage du marché intérieur.

Page 43: Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE ... Juridique et... · A. Rigaux et D.Simon, Les contraintes de la transcription en droit français des directives communautaires

43

• Aujourd'hui, il faut en moyenne neuf mois et demi aux États membres pour transposer une directive de l'UE après l'expiration du délai de transposition. En ce qui concerne les directives dont le délai de transposition a expiré depuis plus de deux ans (énumérées dans le rapport), seuls cinq États membres n'ont pas atteint l'objectif de «tolérance zéro». Infractions • Le nombre moyen de procédures d’infraction ouvertes stagne à 31 par État membre. L'Italie est l’État membre qui fait l'objet du plus grand nombre de procédures d’infraction – dix fois plus que la Lituanie, pays enregistrant le moins de procédures d'infraction – suivie de l'Espagne et de la Grèce. • Malgré tout, ces États membres ont réalisé des progrès dans une perspective à plus long terme: depuis qu'ils ont intégré le système EU-Pilot, le nombre de procédures a diminué de 47 % pour l'Italie, 39 % pour l'Espagne et 25 % pour la Grèce. • 45 % des procédures d'infraction ont trait à l'environnement et à la fiscalité. • La durée moyenne des procédures d'infraction ouvertes varie entre dix mois (Luxembourg) et trois ans (Suède). • Si tout État membre est tenu de se conformer immédiatement aux arrêts de la Cour de justice constatant qu'il a commis une infraction au droit de l'Union, il n'en reste pas moins que le délai de mise en conformité est souvent très long: plus de 17,4 mois en moyenne (et même près de deux ans pour l'Espagne, l'Irlande et la France). Dans la communication intitulée «Une meilleure gouvernance pour le marché unique» (voir IP/12/587), la Commission demande aux États membres de se conformer plus rapidement aux décisions de la Cour de justice (c'est-à-dire de les respecter pleinement dans un délai de 12 mois en moyenne) dans un certain nombre de secteurs clés.