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Décembre 2004, vol. 4, n° 4 Droit, déontologie et soin 449 S YNTHÈSES Limitations et arrêts de thérapeutique(s) active(s) pour les patients incompétents hospitalisés en service de réanimation adulte Éthique et responsabilité de l’équipe soignante Véronique DAVID-SOUCHOT Cadre infirmier, service de réanimation médico-chirurgicale, Hôpital Jean-Verdier, Bondy. Résumé Autrefois encore, le malade mourait au domicile, entouré des siens avec des rituels consacrant ce dernier instant. Aujourd’hui, la mort est devenue hospitalière. La moitié des décès hospitaliers se produit en service de réanimation et 50 % de ceux-ci résultent d’une décision médicale. On rencontre alors le problème et le vécu de la limitation ou de l’arrêt des thérapeutiques actives (LAT). Dans cette situation si particulière, le choix de l’autonomie et du devoir de non-abandon du malade entre en conflit celui de la primauté de la vie. I - La prise en charge du patient en réanimation Longtemps, l’hôpital a été réservé aux classes pauvres de la société avec une vocation dévolue à l’accueil et à l’hébergement. Avec l’évolution des connaissances médicales et des méthodes diagnostiques et thérapeutiques, il acquiert une dimen- sion technologique performante. La réanimation est l’une des spécialités médicales qui reflète le mieux cette évolution. Néanmoins, elle se place au cœur de situations médicales et humaines impliquant un questionnement permanent. Là où la technique ne semble plus

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Limitations et arrêts de thérapeutique(s) active(s) pour les patients incompétents hospitalisés en service de réanimation adulteÉthique et responsabilité de l’équipe soignante

Véronique DAVID-SOUCHOT

Cadre infirmier, service de réanimation médico-chirurgicale, Hôpital Jean-Verdier, Bondy.

Résumé

Autrefois encore, le malade mourait au domicile, entouré des siens avecdes rituels consacrant ce dernier instant. Aujourd’hui, la mort est devenuehospitalière. La moitié des décès hospitaliers se produit en service deréanimation et 50 % de ceux-ci résultent d’une décision médicale.On rencontre alors le problème et le vécu de la limitation ou de l’arrêt desthérapeutiques actives (LAT). Dans cette situation si particulière, le choixde l’autonomie et du devoir de non-abandon du malade entre en conflitcelui de la primauté de la vie.

I - La prise en charge du patient en réanimation

Longtemps, l’hôpital a été réservé aux classes pauvres de la société avec unevocation dévolue à l’accueil et à l’hébergement. Avec l’évolution des connaissancesmédicales et des méthodes diagnostiques et thérapeutiques, il acquiert une dimen-sion technologique performante.

La réanimation est l’une des spécialités médicales qui reflète le mieux cetteévolution. Néanmoins, elle se place au cœur de situations médicales et humainesimpliquant un questionnement permanent. Là où la technique ne semble plus

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avoir de limite, la vulnérabilité de l’être humain malade pose le sens du soin,des conséquences de l’action du médecin réanimateur et de son équipe paramé-dicale. Parallèlement, le malade n’est plus cet indigent passif et démuni duXIXe siècle, il est, au sein de notre système de santé, une personne autonomereconnue par le droit de la santé.

Dans ce contexte, les soignants, quand ils doivent faire face à l’inconsciencedu malade incapable d’exprimer sa volonté, sont confrontés à des dilemmeséthiques et juridiques dans leur prise de décision.

A – L’ambiguïté des termes et des représentations collectives

L’actualité récente démontre la confusion entre trois situations de fin devie pourtant divergentes dans leur cheminement :

– Un malade en réanimation dont les traitements deviennent de l’acharne-ment thérapeutique et dont la limitation ou l’arrêt vont provoquer la mort.

– Un malade en fin de vie dont les souffrances ou l’angoisse liées au stadeavancé de la maladie sont soulagées au prix de traitements susceptibles d’anti-ciper une mort non recherchée.

– Enfin l’acte d’euthanasie, qui est le geste délibéré d’abréger la vie d’unmalade devant sa souffrance extrême.

Il ne s’agit pas ici de traiter de l’euthanasie, car « toutes les formes d’admi-nistration intentionnelle de la mort, directes ou indirectes, sont interdites par lalégislation française ». Le code de déontologie médicale rappelle cette interdic-tion dans son article 38.

Renoncer à l’obstination déraisonnable ou à d’intolérables souffrances auprix du maintien de la vie se réfère bien à la dimension éthique du soin. Il enest tout autrement lorsque la mort est consécutive à un acte délibéré. À plus oumoins long terme, l’échéance est identique mais l’intention qui préside au gestedu médecin est bien différente.

B – La notion d’incompétence du malade

Le patient est incompétent lorsqu’il n’est pas en situation de décider pourlui-même, ce qui est le cas pour 95 % des patients hospitalisés en réanimation.

Dans ces conditions, le patient ne peut pas être informé du diagnostic, del’évolution de sa maladie et de la démarche thérapeutique. Il ne peut pratiquerde choix, ni l’exprimer (par exemple, accepter ou refuser un examen ou un trai-tement). L’information donnée au patient devient, dès lors, obsolète. Le patientne pourra pas la comprendre, en apprécier les conséquences et la manipuler defaçon rationnelle pour prendre une décision.

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C – Les objectifs de la réanimation

« Les soins de réanimation sont destinés à des patients qui présentent ousont susceptibles de présenter plusieurs défaillances viscérales aiguës mettantdirectement en jeu le pronostic vital et impliquant le recours à des méthodes desuppléance »1.

Les objectifs des traitements de réanimation sont de trois types :

– lutter contre la pathologie causale,– relayer et surveiller les fonctions vitales,– soulager la souffrance physique et psychique liée à la maladie ou aux

traitements.

« L’activité de soins de réanimation est exercée dans les établissements desanté comprenant une ou plusieurs unités organisées à cette fin, pouvant assurerla mise en œuvre prolongée de techniques spécifiques, l’utilisation de dispositifsmédicaux spécialisés ainsi qu’une permanence médicale et paramédicale à la dis-position exclusive de l’unité. »2

Les soins de réanimation se fondent sur la compétence et le savoir-fairespécifique des équipes médicale et paramédicale.

Dans un but économique et épidémiologique, des indices de gravité sontutilisés pour évaluer l’activité, les coûts et pour obtenir une description despatients de réanimation.

Leur objectif est de classer les patients en fonction de leur pronostic vital.Ils sont établis à l’admission, dans les premières vingt-quatre-heures, pour cal-culer la probabilité de décès hospitalier. Ils constituent un outil d’évaluationglobal non individuel ; leur calcul est obligatoire en France pour toutes les unitésde réanimation. En conséquence, ils n’ont aucune valeur décisionnelle en vued’une limitation des soins, ils ne fournissent qu’une indication statistique.

D – La progression du concept et du questionnement éthiques en réanimation

Les premiers services de réanimation ont été mis en place dans les années 1950.L’ambition de cette nouvelle spécialité était d’éloigner les frontières de la mort. Lesnouvelles possibilités thérapeutiques et le peu de lits qu’elle offrait suscitaient unquestionnement relevant bien davantage de l’immédiateté que de l’anticipation.

Cependant, le contexte sanitaire a évolué aussi vite que les performances thé-rapeutiques et diagnostiques utilisées en réanimation. Les progrès de la science, des

1. Décret n° 2002-465 du 5 avril 2002.2. Idem.

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techniques médicales et la rationalisation des dépenses de santé ont entraîné unemodification de la mission des réanimateurs. Il s’agit désormais de compter avecune gravité accrue de l’état de santé des patients : ils sont de plus en plus âgés, pré-sentent des pathologies aiguës ou chroniques de plus en plus lourdes impliquant uneconfrontation avec des situations médicales et humaines très délicates.

Ainsi, ces mêmes progrès qui servent tant la discipline médicale de réani-mation, obligent les professionnels à se soumettre à une indispensable réflexionéthique afin d’être en adéquation avec le contexte social, économique, culturel,philosophique ou juridique contemporains.

Au delà des aspects technique et scientifique, les soins de réanimation sontmultiples et envisagent la personne malade dans tous ses besoins. Pourcomprendre dans quel contexte clinique interviennent les LAT, il est nécessaired’expliciter les soins médicaux et infirmiers prodigués au patient de réanimation.

E - Les catégories de soins et de traitements donnés en réanimation

1 – Les soins de base

Ils comportent les soins d’hygiène, les soins cutanés et de décubitus, l’aidedonnée au patient semi dépendant et dépendant. Ils s’effectuent dans le respectde la pudeur et de la dignité. Ils prennent en compte la relation avec le patient,en le sollicitant et en préservant la communication dans sa forme la plus adaptéeà ses possibilités et à sa compréhension.

Ces soins sont continuels ; ils ne sont jamais limités ou arrêtés, quelles quesoient les réactions biologiques du patient au traitement.

2 – Les traitements de confort

Les thérapeutiques de « confort » ont pour but de soulager, d’apaiser lessouffrances physiques et morales du patient par l’intermédiaire des analgésiques,des anxiolytiques et de la sédation. Si besoin, ce traitement peut induire un étatproche de l’anesthésie. L’objectif est une adaptation constante au niveau de souf-france, bien qu’actuellement aucune échelle d’évaluation de la douleur n’existepour la quantifier et la qualifier chez le patient adulte inconscient.

3 – Les traitements curatifs

Leur objectif est double :

– Traiter la cause de la maladie et/ou ses symptômes cliniques qui créentdes désordres graves au niveau des grandes fonctions physiologiques.

– Suppléer les fonctions vitales de façon à restaurer un état compatibleavec la survie.

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Il s’agit des diverses formes d’assistance ventilatoire, notamment de l’usagedes catécholamines, de l’épuration extra-rénale, des transfusions, de la nutritionparentérale.

Ces traitements visent la guérison ou la rémission d’une pathologie aiguë.

La spécificité, les caractéristiques des traitements et la gravité de l’état desanté du patient définissent l’atmosphère et son cadre de vie au quotidien.

F - Les conditions de vie du patient en réanimation

La mise en œuvre des traitements requiert des moyens justifiant une obser-vation technique et humaine continuelle. En réanimation, un geste aussi simpleque de surveiller la fréquence cardiaque devient une pratique technique sophis-tiquée traduite en tracé, bip et alarmes sonores en tout genre. Le patient estmonitoré dans son corps, souvent dans sa chair et est entouré de machines sup-pléant ses fonctions vitales.

Le décor est froid, aseptisé. Et si le séjour devient trop long, progressive-ment les murs de la chambre se tapissent de photos ou de dessins d’enfant.

Le ratio malade-personnel soignant est à la mesure de la charge en soins :le patient est quasiment en permanence entouré de professionnels s’affairant àson chevet. Professionnels tous habillés de la même façon, de la même couleuravec pour seul signe distinctif un badge.

Le silence n’existe pas, un fond sonore perpétuel le remplace et génère unepeur latente. Le rythme nycthéméral est bouleversé, car la réalisation des soinscontinus demande souvent de la lumière, y compris la nuit.

Le sommeil est de mauvaise qualité, cassé par la surveillance continuelle, lescauchemars et l’anxiété. Le malade est partiellement ou totalement assisté dansses fonctions vitales et dans ses besoins physiologiques les plus élémentaires.

Le patient et sa famille sont confrontés à un univers visuel, sonore ethumain inconnu. Leur malaise est augmenté sous l’emprise de la gravité de lapathologie et des contraintes imposées par l’hospitalisation en réanimation.

Dans ce contexte, le but de l’équipe médicale et paramédicale est, en fonc-tion de la réponse aux traitements, de mener le patient vers un niveau d’auto-nomie acceptable et de veiller à la préservation du lien familial.

G - Pourquoi éthique et réanimation ?

La réanimation est le lieu où l’on rencontre des situations dramatiques àtous les âges de la vie, du premier cri jusqu’au dernier soupir. Elle est le lieu del’urgence, de situations de crise mais c’est aussi vers elle que tous les espoirs

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convergent. Elle reçoit des patients vulnérables, fragiles et des familles boule-versées dans leurs repères affectifs et sociaux.

La souffrance et la douleur, même si elles sont prises en compte et traitées,renvoient souvent une image du patient proche de la déchéance. Dans uncontexte de vie maintenue artificiellement par des moyens très invasifs, des inter-rogations relatives aux séquelles parfois incompatibles avec une qualité de vieacceptable sont légitimes.

Ainsi, l’engagement thérapeutique de la réanimation peut apparaître danscertains cas disproportionné par rapport à un pronostic très défavorable, soitle décès, soit un handicap majeur physique ou neurologique. Devant l’échec thé-rapeutique qui s’impose, la réflexion sur l’opportunité de limiter ou d’arrêtercertains traitements peut s’engager.

Avec les progrès thérapeutiques, certains patients atteints de maladies chro-niques voient leur espérance de vie allongée. Ils vivent avec leur maladie au gréde ses poussées qui nécessitent régulièrement une hospitalisation. Entre ces inter-valles, se pose l’appréciation de la qualité de vie surtout après un séjour en réa-nimation qui signifie en général une aggravation de la pathologie

H - La qualité de vie

La qualité de vie a été définie par l’Organisation mondiale de la santé(OMS) comme « la perception par un individu de sa place dans l’existence, dansles contextes de sa culture et de son système de valeurs, et en relation avec sesobjectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. » Comme l’indique cettedéfinition, la notion de qualité de vie ne se limite pas à l’état de santé et prenden compte l’histoire de vie du patient, ses opinions, ses perspectives, son ressenti,ses ressources économiques, son environnement social et culturel. La qualité devie est un concept difficile à cerner, car il prend en compte des éléments objectifsmais aussi subjectifs. Enfin, et surtout, sa quantification n’appartient qu’aumalade, seul apte à la déterminer de façon fiable.

I - L’acharnement thérapeutique

Très médiatisé, l’acharnement thérapeutique est le sujet de bon nombre derumeurs qu’il convient ici d’éclaircir. Il est légitime que toute une équipe médi-cale et paramédicale sauve et maintienne la vie avec toutes les techniques ettypes de soins possibles, et ce, en permanence.

Par contre, l’acharnement thérapeutique peut débuter là où il n’y a plusd’espoir, où la survie est uniquement liée à l’assistance, ou bien lorsque le trai-tement devient nocif et génère la souffrance pour le malade, ou encore lorsquele malade lui-même ne veut plus lutter devant des souffrances ou un corps

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complètement morcelé ou handicapé. Devant des situations désespérées se posel’opportunité de continuer un traitement actif alors que la situation médicale sesitue dans l’impasse. Devant ce faisceau d’arguments, ne pas poser le problèmerelève effectivement de l’acharnement thérapeutique.

De telles interrogations en induiront indéniablement d’autres, telle la ques-tion de la survenue de la mort, source d’angoisse et d’inconnu pour tous.

Le code de déontologie médicale a substitué à l’expression « acharnementthérapeutique » celle d’« obstination déraisonnable ».

Ainsi, se profile la question de la limitation ou de l’arrêt des traitementsdès lors que l’on constate, avec un recul suffisant, un échec de la thérapeutique.

II - La limitation et l’arrêt des thérapeutiques actives

Les décisions de limitation et d’arrêt des traitements ne touchent que lestraitements actifs et non l’ensemble des soins. Elles concernent près de 10 % despatients adultes admis en réanimation en France et sont impliquées dans plusde 50 % de décès d’adultes en réanimation (étude Lararéa). Toute thérapeutiqueactive est susceptible d’être limitée ou arrêtée.

Les thérapeutiques maintenues préservent, quant à elles, le respect de ladignité et la bienfaisance des soins donnés au patient en fin de vie. Celui-ci nedoit plus subir l’agressivité de certains examens qui, en phase aiguë, sont pour-tant à la base de l’activité médicale. Ainsi, les examens biologiques, radiogra-phiques, la surveillance des constantes vitales sont espacés pour ne pasprovoquer inutilement la souffrance. Une cohérence doit exister entre l’instau-ration d’un traitement de confort et l’allègement des moyens de surveillance quideviennent minimalistes dans le souci de préserver au mieux le bien-être dupatient.

Cette attitude de limitation ou d’arrêt des traitements actifs peut avoir pourconséquence d’anticiper un décès que l’on sait inéluctable. L’alternative est claireet fait appel à des critères médicaux et moraux.

A - La limitation des thérapeutiques actives

La limitation des thérapeutiques actives est le refus d’entreprendre ou d’inten-sifier un traitement curatif ou de suppléance des défaillances d’organes, relevantd’une obstination déraisonnable. Cette attitude peut se nommer aussi « refus del’escalade thérapeutique ». La thérapeutique la plus souvent limitée est la ventilationartificielle ou le recours à une réanimation cardio-pulmonaire (RCP).

Ici, la thérapeutique est maintenue mais limitée et aucun traitement sup-plémentaire ne sera mis en œuvre.

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B - L’arrêt des thérapeutiques actives

Il constitue le refus de poursuivre un traitement actif ou de suppléance desdéfaillances d’organes qui relève de l’obstination déraisonnable. En pratique,l’arrêt n’est pas brutal et complet, mais progressif afin d’aider les proches et lessoignants à amorcer un travail de deuil. Par exemple, diminution progressivedes doses de catécholamines ou des constantes du respirateur.

Cette décision intervient à l’issue d’un traitement qui se révèle être inutileet doit donc être interrompu.

La ventilation mécanique est l’une des thérapeutiques les plus fréquemmentarrêtées selon deux modes différents :

– L’extubation (terminal extubation) qui est une technique dont le procédéévite toute ambiguïté et qui se rapproche le plus du processus naturel de la mort.Ce moment étant brutal par son réalisme, si la famille souhaite être présente,elle doit avoir été préalablement bien informée et préparée.

– Le sevrage terminal (terminal weaning) consiste en l’abaissement progres-sif des paramètres ventilatoires (FiO2 diminuée à 21 % avec diminution desvolumes et de la fréquence respiratoire). La durée de la procédure doit être courteafin de garder une cohérence envers les proches qui ne comprendraient pas unesurvie prolongée alors même qu’une décision d’arrêt des soins a été prise.

En règle générale, les apports hydriques sont diminués mais maintenus alorsque l’alimentation est stoppée. La sédation et l’analgésie du patient sont, eux, tou-jours maintenus avec une surveillance attentive des réactions à la douleur.

Il n’est pas reconnu de différence morale majeure entre une limitation etun arrêt de thérapeutique active. Toutefois, au niveau psychologique, il en esttout autrement. En effet, il est « encore plus difficile » d’admettre qu’une thé-rapeutique a échoué alors même qu’on la croyait capable de sauver le maladeet de voir alors tous ses espoirs anéantis. Par compassion pour les proches, leréanimateur peut choisir de limiter les traitements plutôt que de les arrêter.

L’analyse d’études effectuées au sujet de la limitation et de l’arrêt des soinsen réanimation en France montre les faits suivants :

• Un décès sur deux est accompagné d’une décision de LAT.• Il existe des procédures décisionnelles consensuelles et organisées.• Toutes les décisions de LAT ne sont pas suivies d’un décès, ce qui signifie

que les procédures sont remises en cause, si nécessaire, par les réanimateurs(renoncement et reprise du traitement actif).

• Les décisions ne sont pas prévisibles, de sorte que les paramètres d’arri-vée en réanimation ne permettent pas de les prévoir.

• Les patients les plus concernés par ces décisions sont les plus âgés, avecde lourdes pathologies associées.

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C - Les critères de non admission en réanimation

La non admission en réanimation est la première forme de limitation thé-rapeutique. Cette délicate décision, est régulièrement prise par le réanimateur.

L’admission de certains malades en réanimation est quelquefois récusée :une sélection sur certains critères, élaborés par les sociétés savantes s’exerce. Lesplus fréquents sont :

• L’âge, qui n’est toutefois pas un critère décisif.• La gravité de la pathologie et les signes de gravités associés.• Les comorbidités et l’état de santé antérieur.• L’estimation de la qualité de vie future.• La futilité des traitements.• La volonté du patient lui-même dans certains cas.

Plusieurs recommandations sont proposées afin de faciliter la décision àpartir de différents classements :

• Par priorité en fonction de l’instabilité et des techniques de suppléance.• Par diagnostic.• Par signes de gravité au cours de défaillances multiviscérales.

D’autres éléments interviennent dans cette décision, en particulier le nombrede lits disponibles au sein du service. De plus, la décision peut aussi être influen-cée par le circuit de proposition médicale du patient (SAMU, urgences ou ser-vices médicaux de l’hôpital).

D - La place du consentement du patient

Lorsque le malade est capable, il a le droit de refuser son admission touten sachant que l’évaluation de la compétence ne fait pas encore partie du bilansystématique et reste très délicate en raison du contexte et de l’aggravation sou-daine de son état de santé.

Lorsque le malade est incapable, et en l’absence de directives prévision-nelles ou d’informations données par les proches ou la personne de confiance,la règle du consentement présumé s’applique : le réanimateur, en l’absence dedirectives doit considérer que le malade ne serait pas opposé à son admissionen réanimation.

E - L’ordre NTBR (not to be resuscitated)

Le terme NTBR désigne un ordre médical qui prescrit l’abstention d’uneréanimation cardio-pulmonaire (RCP) en cas de survenue d’un arrêt cardio-respiratoire (ACR).

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L’ACR détermine à lui seul un pronostic grave pouvant être majoré enfonction de son lieu de survenue, en milieu médicalisé ou pas, et en fonction del’existence de pathologies associées.

La décision de ne pas entreprendre de RCP est grave et réfléchie au regardde la situation médicale du patient et de son pronostic. Sur le plan éthique,l’ordre NTBR se justifie principalement au regard du principe de bienfaisanceet de non maléficience.

F - L’opposition euthanasie/LAT, une différence d’intentionnalité

La mort est une conséquence, envisagée et acceptée, de la décision d’unelimitation ou d’un arrêt des traitements, et ce, dans le but unique d’éviter uneobstination déraisonnable. Il s’agit d’un renoncement à des soins actifs devenusinutiles. Cette attitude diffère radicalement de l’euthanasie, qui, elle, comporteune intention de provoquer délibérément le décès afin de mettre un terme à unesituation jugée insupportable sans espoir de guérison, et en utilisant des moyensmédicaux directs. L’intention morale est donc radicalement opposée. Cepen-dant, même si en théorie l’opposition est claire, dans la pratique, il est difficilede clarifier les raisons, les objectifs de chacun face à un être humain vulnérableen fin de vie.

G - Le contexte des décisions de limitation ou d’arrêt des traitements actifs

De telles décisions sont chaque fois uniques et non reproductibles, celatient à l’essence même de l’être humain. Cependant, il est globalement possibled’individualiser deux situations :

Le patient inconscient en fin de vie dont la survie n’est maintenue que grâceà des techniques lourdes et dont la pathologie résiste à une thérapeutique opti-male. Le décès est une issue certaine à brève échéance.

L’interruption de la réanimation a pour objectif d’éviter l’obstinationdéraisonnable, de cesser d’induire des souffrances inutiles pour le malade et lafamille, puisque l’issue fatale est devenue inévitable. Le traitement étiologiqueest lourd, inefficace et ne fait que pérenniser l’agonie. C’est la thérapeutique desurvie qui est interrompue avec la survenue de la mort plus ou moins rapide-ment.

Le patient inconscient dont les conditions de vie futures paraissentextrêmement sombres avec évolution vers une dépendance très importante

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et dont la poursuite des traitements de suppléance paraît alors dispropor-tionnée.

Se pose ici le problème de l’importance des moyens thérapeutiques misen œuvre pour un bénéfice qui reste très médiocre surtout en termes de qualitéde vie future. La difficulté réside surtout dans le manque d’autonomie dumalade qui ne peut percevoir sa qualité de vie et donc prendre lui-même unedécision.

Par ailleurs, se pose souvent le dilemme de justifier l’arrêt des thérapeu-tiques étiologiques ou bien celles de suppléance. En théorie, ces traitementsrépondent chacun à des objectifs bien individualisés, mais en pratique la disso-ciation n’est pas aussi claire qu’elle y paraît.

En effet, l’échec des traitements étiologiques correspond à des thérapeu-tiques maximales dans l’état de l’art de la science. La maladie échappe complè-tement bien que tous les moyens aient été tentés. La mort doit de toute façonsurvenir.

L’arrêt des thérapeutiques de suppléance pose, en revanche, le problèmedes conditions et de la durée de survie du patient si ces thérapeutiques n’étaientpas arrêtées. La mort, loin d’être une décision voulue, constitue en quelquesorte un moindre mal par rapport à une qualité de vie jugée inacceptable etindigne.

Ces décisions visent à « resynchroniser » le moment de la mort et à délivrerle malade de souffrances insupportables. Pour autant, aucun texte juridiquefrançais n’est applicable en matière de décisions d’arrêt ou de limitation dessoins en réanimation.

Actuellement, différents acteurs sont en présence :

– Le législateur dont la mission est de faire respecter le code de procédurepénale, donc de refuser et de sanctionner une personne infligeant la mort à uneautre, pour quelle que raison que ce soit.

– Le médecin dont le devoir est d’accompagner son malade et ses prochesjusqu’au bout de la vie, au risque d’obstination déraisonnable.

– Enfin, le malade inconscient, incompétent et très probablement encoresouffrant et dont l’autonomie est nulle. Le médecin et ses proches sont lesseuls gardiens de son autonomie afin de déterminer pour lui les limites dudéraisonnable.

Face à l’ambiguïté entre euthanasie et abstention thérapeutique, le méde-cin prend des risques en refusant d’abandonner le malade dans l’impasse dela souffrance.

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III – Les textes législatifs, réglementaires et professionnels relatifs à la fin de vie en réanimation

Des textes de droit commun ou professionnels (médicaux ou infirmiers),des recommandations européennes ou de sociétés savantes médicales peuventéclairer le problème des LAT et aider le médecin et son équipe dans le chemi-nement de leur réflexion.

A – Le cadre juridique

1 – Le Code de déontologie médicale de 1995

Art 37

– Le soulagement des souffrances morales et physiques.– Éviter l’obstination déraisonnable.

Art 38

– Accompagnement du patient en assurant la qualité de vie.– Interdiction de provoquer délibérément la mort.

2 – La loi du 9 juin 1999

La personne malade peut refuser des soins curatifs et disposer de l’accèsaux soins palliatifs.

3 – La loi du 4 mars 2002

– Obligation de respecter la volonté du patient après l’avoir informé desconséquences de ses choix.

– Obligation de délivrer une information sur les conséquences prévisiblesde la décision prise par le patient.

– Si la volonté du patient met sa vie en danger, le médecin doit tout mettreen œuvre pour le convaincre d’accepter les soins indispensables.

– Nécessité du consentement libre et éclairé, mais pouvant être retiré àtout moment.

– Si patient ne peut exprimer sa volonté, nécessité de prévenir la personnede confiance, sauf urgence ou impossibilité.

Cette loi consacre la valeur légale du consentement du patient et de sondroit incontestable à refuser un traitement ou à l’interrompre, à sa demande.

4 – Le décret du 11 février 2002, dit décret de compétence relatif à la profession d’infirmier(e)

Article 2 : « Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs intègrentqualité technique et qualité des relations avec le malade (…). »

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Le temps est révolu où la compétence essentielle attendue de l’infirmièreétait uniquement la technicité, compétence qui n’est rien si elle ne se double pasde qualités humaines. La maîtrise des soins techniques s’acquiert avec le temps :c’est un long apprentissage issu d’un savoir théorique et pratique que la répéti-tion des gestes et des situations va muer en raisonnement et en réflexes.

La compétence d’une infirmière de réanimation est basée sur la fiabilitédes gestes et l’analyse d’une situation clinique.

Pour atteindre l’expertise de la fonction infirmière de réanimation, le soi-gnant doit posséder des qualités d’observation, d’écoute, d’empathie et decommunication. Cette attitude humaine n’est pas non plus innée, elle se vit auquotidien puis se façonne, ne serait-ce que pour permettre au professionnel dedonner, tout en se préservant. Elle constitue désormais une capacité attendueau même titre que la capacité technique.

Article 2, suite : « (…) Dans le respect du droit de la personne, (les soinsinfirmiers) intègrent le malade dans ses composantes physiologique, psycho-logique, économique, sociale et culturelle. »

Le malade reconnu comme un sujet de soins, même si il est incompétent,a des attentes envers le personnel infirmier : recevoir des soins qui doivent avoirdu sens pour lui dans la vie qui est la sienne.

Article 2, suite : « … (Les soins infirmiers ont pour objet) de participer àla prévention, à l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détressephysique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyendes soins palliatifs, et d’accompagner, en tant que de besoin, leur entourage. »

Le diagnostic, l’évaluation et le traitement de la douleur chez un maladede réanimation doivent prendre en compte sa spécificité.

En effet, l’impossibilité de communiquer, l’incompétence ou les effets secon-daires des antalgiques, sont autant de filtres à prendre en compte dans la gestionde la douleur. La rupture du lien social qui en découle définit un accompagnementspécifique de la personne soignée. Le patient en fin de vie en réanimation abesoin d’un accompagnement psychologique intense qui réclame du temps et del’investissement moral pour l’infirmière.

Mais on ne peut nier que l’importante charge en soins techniques peutaltérer la qualité de l’aide apportée au patient.

Chez un patient conscient et compétent, l’évaluation de la douleur est aisé-ment objectivable. Il n’en est pas de même en ce qui concerne la douleur éprouvéechez le patient sédaté et inconscient. En effet, à ce jour, aucune échelle n’est pro-posée pour l’évaluer. Les soignants ne sont donc pas capables de déterminer avecfiabilité le degré de souffrance de leur patient, son degré de perception et de mémo-

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risation. Une étude multicentrique auprès de services de réanimation français estactuellement menée (étude Doloréa) afin de réaliser la « photographie » desmoyens utilisés par chacun d’entre eux pour évaluer la douleur des patients sédatés.

Article 3 : « Relèvent du rôle propre de l’infirmier les soins liés aux fonc-tions d’entretien et de continuité de la vie (…) ».

Le soin infirmier ne se limite pas au soin curatif. Lorsqu’une réflexion deLAT s’engage, l’infirmière continue de surveiller les réactions de son patient afinde répondre le plus précocement et le plus justement possible à son mieux êtrephysique et moral.

Article 2. Cet article fait également référence au devoir d’informationenvers le médecin avec qui l’infirmier partage le secret professionnel.

Article 5. Cet article évoque, entre autres, le devoir d’information de l’infir-mier envers le patient et son entourage

Le devoir d’information est double, envers le médecin et envers la familleet respectueux de son domaine de compétence pour cette dernière. D’ou la néces-sité de posséder des outils de recueil et de synthèse d’information (dossier desoins, transmissions écrites, pancartes de surveillance, protocoles) clairs, réac-tualisés régulièrement et bien tenus.

5 – Le décret du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmier(e)s

Article 2 : Respect de la vie et de la dignité de la personne humaine.

L’infirmière est devant un devoir d’humanité en donnant tous les soinsnécessaires au maintien de la vie.

Toutefois, sans remettre en cause le bien-fondé du contenu de cet article,il est évident, qu’il n’envisage pas du tout la notion de qualité de vie. Il n’abordepas non plus le questionnement de la compatibilité ou de l’incompatibilité d’uneLAT avec la dignité de la personne humaine.

Article 29 : Respect de la prescription médicale et des protocoles thérapeu-tiques.

À partir du moment où la prescription médicale correspond aux normeslégales, l’infirmier doit l’appliquer avec discernement : sa responsabilité impliquequ’il est tenu, s’il le juge nécessaire, de demander au médecin un complémentd’information. L’infirmier analyse la prescription à partir de la situation médi-cale du patient qui est souvent complexe. Elle peut être composée de la juxta-position de plusieurs défaillances viscérales ou encore son étiologie resteindéterminée malgré des signes cliniques gravissimes. Ces contextes aigus déter-minent la nécessité d’une vigilance infirmière accrue pour la sécurité du patient.

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Ainsi, la décision d’une LAT doit impérativement se solder par une prescrip-tion médicale correspondant aux normes réglementaires. La prescription oraleseule est absolument à bannir car la clandestinité dans cette situation inéluctableest dangereuse pour la responsabilité de l’équipe de soins et peu respectueuse decelui qui achève sa vie.

Historiquement, les sociétés savantes ont proposé des checks-lists (basesde raisonnement sur lesquelles les décisions devaient reposer) puis des classifi-cations (codifiant des catégories de décision de limitation des soins actifs).L’objectif était de définir sur quelles bases et comment l’arrêt de la réanimationpouvait être conduit.

Actuellement, les experts s’orientent vers des recommandations de bonnespratiques d’aide à la décision et vers des protocoles pour guider en pratiquel’arrêt des soins actifs. Certaines thérapeutiques actives font l’objet de procéduresde service, dans le cas notamment de la cessation de la ventilation mécanique.

Ainsi, les situations de limitation des soins ne peuvent plus relever de la culturedes prescriptions orales et être « médecins-dépendantes ». Pour autant, elles nepeuvent pas non plus s’insérer dans la rigidité absolue d’une fiche technique révi-sable tous les 5 ans ! Les situations de LAT sont au carrefour de l’homogénéitédes pratiques de soins, de l’individualité de l’être humain et du fait social !

Article 30 : Respect de la continuité des soins, item déjà développé dans ledécret de compétence.

Article 32 : Information, adaptée au patient et à sa demande, sur lesmoyens ou techniques mis en œuvre et sur les soins infirmiers.

Dans le champ des LAT, stricto sensu, l’infirmière n’a pas d’informationsà donner : celles-ci relèvent uniquement du domaine médical, et doivent doncêtre délivrées par le médecin.

Il est toutefois légitime de se poser la question de la pertinence des infor-mations données seulement « à la demande du patient » par l’infirmière. En rai-son de l’incompétence et de l’état de fragilité considérable du malade, biensouvent, l’infirmière ne doit pas attendre sa demande ou celle de ses proches,mais bien au contraire la solliciter pour complètement « prendre soin de ».

Enfin, l’information doit être adaptée au niveau de compréhension etl’infirmière doit s’assurer qu’elle a bien été comprise. Le contenu de l’informa-tion est évolutif en fonction de l’état de santé du patient et se calque sur ce queles proches sont capables d’entendre à un instant donné. En effet, il faut accepterque l’interlocuteur ne veuille pas écouter à tel ou tel moment (généralement defaçon inconsciente pour se protéger d’une réalité insoutenable) certaines infor-mations. La quantité et la qualité de l’information dépendent vraiment de lagravité du moment et de l’état de compréhension ponctuel dans lequel se trou-vent les proches et auxquels l’infirmière doit s’adapter.

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6 – L’article 16-3 du code civil

– L’atteinte à l’intégrité du corps humain n’est justifiée qu’en cas de néces-sité médicale.

– Hormis le cas de son incompétence, obligation de recueillir le consente-ment préalable du patient.

7 – L’article 221-1 du code pénal

Donner la mort volontairement à autrui constitue un meurtre.

8 – La charte du patient hospitalisé

Cette charte est annexée à la circulaire du 6 mai 1995 relative aux patientshospitalisés.

– L’ensemble des soins prend en compte l’individualité ainsi que la douleurphysique et morale du patient.

– En fin de vie, l’accompagnement par des soins et une aide appropriéedonnée par des soignants et/ou des proches.

– La participation du malade aux choix thérapeutiques qui le concernent.

B – Les recommandations des sociétés savantes

Elles n’ont aucune valeur juridique mais constituent une référence pour lespratiques médicales.

1 – Les recommandations de la Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR)

La SFAR a publié en septembre 2001 les recommandations suivantes :

– « L’arrêt des traitements devenus vains en réanimation impliqued’accepter une mort devenue inéluctable. »

– La démarche éthique sous-tendant cette décision se justifie par l’inten-tion de l’acte et sa finalité

– L’arrêt des traitements devenus vains n’est pas obligatoirement syno-nyme de mort rapide, d’où la nécessité de soulager les souffrances du patient.

2 – Les recommandations de la Société de réanimation de langue française (SRLF) – juin 2002

– Les décisions de limitation ou d’arrêts des traitements de réanimationsont légitimes, à partir du moment ou leur seul objectif est d’éviter l’obstinationdéraisonnable.

– Nécessité dans de telles situations d’une réflexion méthodique, en res-pectant une procédure rigoureuse, seule garante de la légitimité de l’acte.

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– En cas de la moindre incertitude, la décision doit être suspendue, letemps et la raison en sont les concepts clés.

C – L’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) – Janvier 2000

L’avis n° 63 du CCNE, en date du 27 janvier 2000, précise :

– La décision médicale de ne pas entreprendre ou prolonger une réanima-tion ne constitue pas un arrêt délibéré de la vie mais une acceptation de la mortqui survient et qui est l’issue naturelle de la pathologie ou des décisions théra-peutiques qu’elle a pu induire.

– La mise en œuvre de cette décision se heurte à la difficulté de reconnaîtrede façon précise les stades ultimes de la vie.

D – Les recommandations européennes

1 – La recommandation 1418 (1999) du Conseil de l’Europe

– En prenant en compte le perfectionnement des technologies médicales etle développement de la réanimation, le Conseil de l’Europe encourage à respecteret à protéger la dignité des malades incurables.

– Tout en maintenant l’interdiction absolue de mettre intentionnellementfin à la vie de ces malades, conformément au droit à la vie.

– Le fait de supprimer la vie à un malade incurable, sur sa demande, neconstitue pas un acte légal.

2 – Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (Conseil de l’Europe)

– Le droit à la vie est protégé par la loi.– La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement

Au terme de ce passage en revue des différents textes législatifs et profes-sionnels, on relèvera que les droits de la personne malade ne reposent pas uni-quement sur des critères juridiques mais se fondent aussi sur des critères éthiquesconférant aux soins toute leur humanité.

IV – Les principes éthiques primordiaux qui sous-tendent la décision d’arrêt ou de limitation des thérapeutiques actives

Tout médecin exerce sa profession sous l’égide du serment d’Hippocrate,dont l’essentiel peut se résumer de la façon suivante : ne pas nuire, soulagertoujours, guérir tant que possible et ne jamais abandonner.

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A – Le principe d’autonomie

Ce principe implique que l’on considère tout être humain comme capablede déterminer lui-même la conduite de son existence et que nul ne peut se subs-tituer à lui pour effectuer ses choix. Ce principe implique le devoir d’informationet le consentement éclairé aux soins.

En réanimation, il se heurte à l’incapacité du patient à effectuer des choix,puisque celui-ci est inconscient et incompétent.

Toute la difficulté réside dans la connaissance d’une volonté antérieure.Mais quand bien même celle-ci serait connue de l’équipe, faudrait-il vraimentlui accorder une crédibilité totale (surtout en cas de non-consentement) lorsquel’on sait à quel point l’être humain est capable d’efforts incroyables d’adaptationpour se maintenir en vie ?

B – Le principe de non maléficience

Il ne faut pas nuire mais agir au mieux dans l’intérêt du patient et de sonentourage, au niveau physique et moral.

C – Le principe d’équité

Chacun a accès aux soins et reçoit ceux qui correspondent à ses besoinsde santé, dans les mêmes conditions de ressources et à un niveau de qualitéidentique.

D – La justice distributive

Il ne faut pas abuser d’une ressource rare (personnel, budget) alors qu’ellen’aboutirait qu’à prolonger l’agonie d’un patient et ne serait pas mise au serviced’un autre qui en aurait besoin.

E – La futilité ou inanité thérapeutique

Cette expression fait référence à un traitement lourd, coûteux pouvant êtrepréjudiciable au patient et dont le bénéfice retiré est faible. C’est une situationau cours de laquelle l’espérance de vie est très réduite et sa qualité extrêmementaltérée après le séjour en réanimation. La définition du caractère « futile » d’unsoin dépend le plus souvent de l’évaluation d’un pronostic, lui-même aléatoire.Pour plus de fiabilité, une société savante américaine a proposé de limiter lanotion de « futilité » aux soins physiologiquement sans effet. Cependant, la défi-nition de la futilité ne fait pas forcément l’unanimité du corps médical et socialet est régulièrement sujet à nouvelle discussion.

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F – Le principe du double effet

Issu de la théologie morale catholique, le principe du double effet se fondesur le caractère sacré de la vie. Il comprend un ensemble de règles pour déter-miner le caractère moralement acceptable d’une action qui de manière prévisiblea deux effets : l’un est bénéfique et voulu tandis que l’autre est indirect et délétèresans être voulu. Son application est délicate pour plusieurs raisons.

Il existe, en effet, différentes versions de la formulation du principe dudouble effet. En outre, certaines objections non négligeables peuvent être for-mulées.

En premier lieu, l’application de ce principe se heurte à l’ambiguïté et lapluralité des intentions lors des situations de LAT. De plus, des étudesdémontrent bien que l’intention première du médecin, investi d’un devoir denon abandon, est l’accompagnement du patient à mourir, comme ultime actede soin.

G – Le principe de réciprocité

Il correspond à la maxime : « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudraispas qu’on te fît ».

H – Le principe d’universalité

Il est défini selon la maxime suivante : « agis de manière à pouvoir érigerla maxime de ton action en maxime universelle ».

V – Les autres principes fondamentaux à prendre en compte dans la décision de LAT

Ces principes s’inspirent d’une vision systémique qui prend en comptel’ensemble des personnes ou phénomènes intervenant dans la décision de LAT.

A – La circularité

Ce principe énonce que l’ensemble des personnes concernées par la décisionà prendre et les choix à effectuer (famille, malade, soignant, intervenant exté-rieur) doit être dépositaire de la même information et se doit de la transmettresans déformation.

B – La contextualité

On doit prendre en compte, dans la conduite de la décision, l’ensemble desphénomènes environnementaux gravitant autour du malade, qu’ils soient

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sociaux, culturels, spirituels, économiques, etc., en définissant à chaque fois unesituation singulière et unique. Celle-ci permet d’adapter des procédures – dontla fonction est seulement de guider sans uniformiser – à des situations avanttout humaines, donc singulières.

C – L’autorité

La légitimité du processus décisionnel repose sur le médecin senior dont laresponsabilité, l’expérience, le savoir et la position hiérarchique permettent lecheminement rigoureux de la réflexion et son aboutissement. La situation deLAT est faite de questionnements, d’incertitudes que seul le médecin chef peutassumer en responsabilité face au groupe, afin de réguler les tensions et dereconnaître à chacun la place qui est la sienne dans le champ des compétencesou du rôle qui lui sont dévolus.

D – Le consentement présumé

Il s’agit de mener le projet thérapeutique en considérant que le patient nes’y serait pas opposé, en supposant son accord tacite. Il est nécessaire de s’yréférer lors de l’admission ou en situation d’urgence, en l’absence d’interlocuteurprivilégié ou de directives prévisionnelles.

VI - La relation médecin-malade

Les principes éthiques sur lesquels se basent la relation médecin-maladefont ressortir deux modèles :

Soit le médecin prend l’initiative des décisions à la place de son patientqu’il juge insuffisamment apte pour les prendre lui-même : c’est le modèle pater-naliste.

Soit le médecin respecte la liberté du malade qui prend lui-même toutes lesdécisions le concernant.

Notre société évolue vers le deuxième modèle, étant donné l’évolution dudroit médical et en particulier le droit des malades. En effet, la responsabilitémédicale s’assortit de nouveaux devoirs : le colloque singulier entre le médecinet le malade est encadré de principes qui visent principalement l’autonomie dumalade. Le médecin a désormais une obligation d’information loyale, claire,appropriée et de recueil du consentement éclairé de son patient3.

La relation médecin-malade en réanimation oscille constamment entre cesdeux types de relations. Le réanimateur face au patient inconscient, incompétent

3. Code de déontologie médicale.

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et en danger vital, prend pour lui toutes les décisions indispensables à sa survie.Par la force des choses, le modèle de relation est ici paternaliste. Et, puisque lemalade n’est pas en mesure de décider pour lui-même, le praticien délivre l’infor-mation aux proches ou à un représentant désigné au préalable.

À la relation duale médecin-malade se substitue une prise en charge col-lective dans laquelle infirmière, aide-soignante et proches possèdent chacun unepart de légitimité dans la conduite du projet thérapeutique et où la volonté dupatient est toujours présente. Afin que les souhaits du patient soient le mieuxpris en compte, le réanimateur consulte les proches. Mais le transfert deconsentement du malade vers les proches a des limites. En effet, se pose le pro-blème de leur représentativité et de la stabilité de la volonté du malade dans letemps.

La réanimation est le lieu de situations humaines et médicales complexes etextrêmes qui entraînent des dilemmes éthiques et une problématique juridique.

Actuellement, la connaissance médicale et les performances technologiquessont telles qu’un patient peut être maintenu en vie pendant des mois. Mais, faceau caractère sacré de la vie, se pose quotidiennement le problème des limitesque se donnent le médecin et l’équipe paramédicale. « Jusqu’ou allons-nous pource malade et pourquoi ? » est une question rémanente. Ce questionnementnécessite une réflexion et un processus décisionnel dont le but est de détermineret de hiérarchiser les arguments qui peuvent mener au recours d’une LAT. Seulun processus décisionnel rigoureux fondé sur des valeurs éthiques est capabled’éviter au réanimateur et à son équipe une éventuelle situation de transgressionlégale et déontologique.

VII - Le processus décisionnel

Le processus décisionnel intègre deux questionnements : l’un porte sur ladécision qui doit être prise et l’autre sur ses modalités d’application. Il est guidépar la volonté d’atteindre des objectifs précis à partir de la prise en chargecomplète du patient.

Le processus décisionnel s’appuie sur deux types de discussion.

A – La délibération collective

Elle consiste, à partir de points de vue médicaux opposés, à séparer le rai-sonnable du déraisonnable. Elle doit réunir un faisceau d’indicateurs de diffé-rents ordres :

– Les éléments médicaux dans « l’état actuel de la science ».– Les données les plus complètes sur les préférences et les valeurs du

patient et de sa famille.

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– La prise en compte de la subjectivité de l’autre : ses valeurs, la qualitéde vie qui serait acceptable pour lui et sa famille, sous l’effet d’un traitementadapté.

Elle permet aussi à toutes les personnes impliquées dans le processus déci-sionnel d’éliminer de leur raison d’agir tout ce qui ne serait pas lié à l’uniqueintention d’éviter l’obstination déraisonnable se traduisant par le refus de l’ins-trumentalisation d’autrui.

Cette étape de la discussion correspond à l’universalisation de l’action quel’on se propose de faire. Elle permet de valider la compatibilité des orientationsprises avec les valeurs du groupe et de la société. Ce type de délibération conduità une justification des actes et des choix de l’équipe médicale et paramédicale.Il faut savoir se poser les bonnes questions, accepter que l’on n’en a pas toujoursles réponses et qu’il restera toujours une inconnue qui constitue tout simplementpeut-être le destin de chacun. Ainsi, la responsabilité morale de tous est engagée.

Le plus souvent, ce type de discussion conduit à une décision authentiqueet moralement acceptable.

Toutefois, si le consensus n’est pas atteint, un deuxième type de discussionest envisagé.

B – La discussion argumentative

Elle reprend les données de la discussion précédente et confronte, en plus,des arguments opposés ayant essentiellement un caractère moral. Son objectifest d’aboutir à un accord après une argumentation rationnelle où chacun desparticipants se réfère à ses valeurs propres. Afin que la décision soit légitime etmorale, la discussion doit s’efforcer de respecter les principes suivants :

– Refuser les rapports de force, de violence ou de pouvoir.– Accepter la personnalité et la position éthique de chacun.– Pas de mensonge ni de manipulation d’autrui.– S’exprimer selon un langage compréhensible et authentique.– Mettre de côté les intérêts personnels.– Droit d’expression pour l’ensemble des participants.– Garder l’objectivité de ses propos et de sa réflexion.– Être tolérant, savoir écouter. – Être prêt à renoncer « à sa décision », refuser l’intime conviction

Aucune décision n’est prise tant qu’un consensus n’émerge pas de la dis-cussion argumentative.

Même si le processus paraît simple dans son principe, son application restecomplexe et se heurte à plusieurs contraintes :

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– Un sujet fort, la mort d’autrui, qui ne doit pas être vécu par l’équipecomme un droit de vie ou de mort.

– La difficulté de la situation qui peut être si grande que la rationalité estdifficile.

– La transposition des rapports hiérarchiques qui peuvent invalider tota-lement la teneur et l’issue du processus.

– Le manque de temps.

Régulièrement au contact du patient et de ses proches, le soignant seconstruit une image du patient. À partir de ses valeurs personnelles et profes-sionnelles, de sa personnalité et de cette représentation, il se forge un certainpoint de vue face à l’éventualité d’une LAT.

La collégialité de la discussion va alors permettre de conforter, ou aucontraire de contredire, les éléments prédictifs individuels à l’universalisationdes conclusions du groupe. Elle confronte les points de vue, les motivations del’ensemble de l’équipe soignante et peut éviter des prises de décisions arbitraires.Cependant, des travaux de recherche ont très bien démontré la variabilité deséléments motivant les décisions de LAT. Tout d’abord, les facteurs contribuantau caractère variable des décisions au sein de l’équipe sont dépendants à la foisde l’intervenant lui-même et des différentes catégories professionnelles impli-quées. Ensuite, la variabilité est liée à la différence d’évaluation ou de perceptiondu pronostic, de l’âge, de l’avis de la famille, ou encore de la douleur du malade.

C – La mise en œuvre de la réflexion

La vision du réanimateur n’est pas, contrairement à ce que l’on pourraitpenser, une vision à court terme. Les données sont les suivantes : passer un capaigu, sauver une vie en pesant les conséquences à long terme des bénéfices etrisques pris pour le patient. Ici éclate le paradoxe de la spécialité de réanimation,qui doit traiter l’urgence, donner le maximum de chance au patient tout en anti-cipant ce qui peut-être le mieux pour sa vie à venir. Autrement dit, agir vite enlaissant du temps.

La réflexion va alors être anticipée dès qu’un doute émerge à propos del’efficacité du traitement. Il faut agir avec circonspection, se donner le temps etles moyens de prendre la décision définitive, tout en sachant que le fil conducteurest constitué par les réactions biologiques et psychologiques du patient et deleur évolution au cours de l’hospitalisation.

La discussion peut être initiée par un membre de l’équipe médicale ou para-médicale ou bien encore par le patient (s’il est conscient) ou son entourage.

Essentiellement basée sur des critères médicaux, la réflexion doit prendreen compte d’autres données complémentaires.

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Chaque être humain a une identité avec une histoire de vie qui n’appartientqu’à lui. La réanimation malgré la sophistication de ses moyens et de ses tech-niques doit garder à l’esprit l’unicité de l’être humain, surtout lorsqu’un pro-blème aussi crucial que celui de la LAT se pose. Loin des préceptes, la réflexionde l’équipe de soins est chaque fois singulière parce que s’adressant à un êtrehumain fragile, en fin de vie, pour lequel les solutions toutes faites n’existentpas. Une équipe de soins, un responsable médical réfléchissent ensemble sur lameilleure décision à prendre : celle qui sera la moins violente possible et prendraen compte les différentes personnes concernées et la situation du malade pourle respect de la personne humaine.

Le manque de lits, ou bien encore la charge de travail ne constituent pasdes critères à prendre en compte dans la décision. Si tel est le cas, la situationmédicale d’autres patients est évaluée afin d’envisager un possible transfert versdes structures d’aval adaptées.

De plus, tout événement inattendu et important doit conduire à réévaluerla situation. Le processus suit les réactions du malade : il est dynamique.

La décision ne doit pas être prise par un seul médecin, ni appliquée alorsqu’il est seul.

Au cours des différentes réunions, la réflexion est menée par le médecinréférent s’occupant du patient, avec la participation indispensable du chefde service (ou d’un senior) et des autres membres de l’équipe médicaledisponibles.

Le cadre infirmier et les membres de l’équipe paramédicale en charge dupatient sont obligatoirement associés à la discussion.

Le médecin référent a pour mission de contacter les différents correspon-dants médicaux du patient afin que ceux-ci puissent prendre part à la concer-tation.

D – La traçabilité du processus décisionnel

L’information orale doit se compléter d’une traçabilité écrite, seule garantede la communication et de la diffusion des données au sein de l’équipe de soins.Les éléments de la décision, dont certains figurent dans le dossier de soins infir-mier, sont notifiés dans l’observation médicale. Les données suivantes sontretrouvées dans le dossier médical :

– Le nom et la fonction des différents acteurs responsables du processusdécisionnel.

– Le type de décision choisi ainsi que ses modalités d’application.– Les conséquences attendues de la décision médicale.

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– Le niveau de compétence du patient.– Le niveau d’information du patient, de ses proches ainsi que le niveau

de compréhension et d’implication de ceux-ci.

Le dossier de soins infirmier contient des informations relevant plus spé-cifiquement :

– des réactions du patient et ou de son entourage en réaction à la réflexionmédicale se mettant en place,

– du niveau de compréhension, d’information et de demande du patientet ou de son entourage,

– des informations relatives à l’environnement psychologique et social dupatient, à cette phase cruciale de la fin de vie.

Cependant, c’est l’intégralité du dossier qui doit être rédigée de façonconcise, afin que tous les éléments soient classés et réunis pour permettre unedécision éclairée. La prescription médicale journalière doit être claire et réguliè-rement mise à jour en fonction de l’évolution du patient.

VIII – La participation du patient

La participation du patient est effective, si ces deux conditions sont réu-nies :

– Le patient possède toutes ses capacités cognitives.– Il possède toutes ses capacités volitives (formulation d’une décision,

volonté de la prendre et capacité de la suivre).

Dans ce cas, le patient est acteur de la prise de décision.

Toutefois, un patient compétent, donc apte à consentir, peut préférer nepas intervenir dans la décision. S’il ne souhaite ni être informé ni avoir à choisir,cette volonté doit être respectée.

Si le patient est inconscient, donc incompétent, l’équipe doit rechercherauprès des proches ou de la personne de confiance, s’il avait exprimé auparavantune volonté ou s’il avait rédigé un document contenant des directives prévision-nelles. Ces informations seront indicatives compte tenu de la variabilité possibledes souhaits du patient et de la fragilité des témoignages.

IX – La responsabilité de l’équipe soignante

A – La responsabilité du médecin réanimateur

Les médecins réanimateurs sont chargés de la mise en œuvre du processusdécisionnel et de sa conformité aux principes juridiques et éthiques.

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Ils sont responsables de l’argumentation médicale de la discussion auniveau diagnostique, pronostique et thérapeutique.

Ils appliquent et assument la responsabilité de la décision prise, qui est unedécision médicale.

L’application de la décision de LAT ne peut, en effet, être déléguée. Elleest effectuée par le médecin senior responsable du patient, ou en sa présence.De plus, elle doit être réalisée en s’assurant de la totale collaboration, compré-hension et disponibilité du personnel paramédical en charge du patient afin depréserver son confort et de pouvoir accompagner ses proches.

B – La responsabilité de l’infirmier(e), la collaboration de l’équipe para-médicale

Concernant l’aspect juridique de la responsabilité en matière de la limita-tion des soins actifs en réanimation, celle-ci s’exerce dans le cadre de la pres-cription médicale.

L’infirmier(e) est responsable des actes qu’il accomplit « soit en applicationd’une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quanti-tative, datée et signée, soit en application d’un protocole écrit, qualitatif et quan-titatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin »4. Toutes les décisionsmédicales d’arrêt ou de limitation des thérapeutiques doivent correspondre auxcritères de la prescription médicale selon le décret de compétence. En raisonmême de la responsabilité professionnelle et disciplinaire, mais aussi vis-à-vis dela responsabilité pénale ou de celle de citoyen tout simplement. Enfin, ledomaine de limitation des soins se situe constamment dans une frontière fluc-tuant entre le rationnel (textes légaux) et l’irrationnel (les valeurs). La régulationsociale étant basée sur la régulation juridique, aucun risque, dans une questionaussi difficile et « passionnelle » que celle-ci, ne doit être pris en dehors descompétences. Aucune incertitude quant à l’application de la prescription médi-cale de LAT ne doit subsister. Ici, plus que jamais, l’infirmier(e) détient uneexigence d’information et de respect des règles de la prescription médicale.

Ce qui implique aussi que tous les autres soins (rôle propre) doivent êtredonnés dans un même souci de qualité, d’humanité et d’équité.

Le rôle important essentiellement dévolu à l’infirmier(e), en raison de sescompétences et sa position auprès du patient et de sa famille, reste celui de lacommunication et de l’information qui s’exerce à plusieurs niveaux :

– Recueil de données relatives à la surveillance des traitements actifs.

4. Article 6 du décret de compétence. Décret du 11 février 2002.

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– Recueil de données concernant les réactions du patient aux traitementactifs, sa souffrance morale et la douleur physique.

– Recueil de données relatives à la vie du patient (ce qu’il pense, ce qu’ilressent, ce qu’il souhaite), collectées soit auprès de lui, soit auprès de sa famille.

La mission de l’infirmier(e), face aux décisions de limitation des soinss’articule autour de plusieurs axes :

– Respect de son domaine de responsabilité.– Respect de la continuité des soins.– Respect de la dignité du patient et du secret médical.– Adoption d’une attitude d’écoute, de relation et de compassion auprès

du patient.– Préservation de la transdisciplinarité de l’équipe.

L’infirmier(e) est un interlocuteur privilégié du médecin réanimateur. Toutd’abord, le temps de travail quotidien est souvent de douze heures. L’infirmier(e)connaît donc bien la situation médicale de son patient qu’il peut observer surune longue période. En raison de la complexité des technologies médicales assu-rant la survie du patient, les soins qui en découlent sont spécifiques et réclamentune prise en charge complète. Ainsi, l’infirmier(e) va souvent préférer « garder »son patient sur plusieurs jours, ce que favorise l’organisation du temps de travailde l’équipe paramédicale. Dans ce contexte de fin de vie, l’équipe accompagnele patient et ses proches dans la dernière ligne droite. La relation d’aide débutedès l’arrivée en réanimation, elle se poursuit dans la mise en place et le suivi duprocessus de deuil et se termine après le décès : les soins ne se limitent pas àl’arrêt du scope. Ils continuent dans la toilette mortuaire et la préparation d’unenvironnement propice au recueillement de la famille.

En outre, lorsqu’il est possible, le binôme avec l’aide-soignant permetd’envisager les soins dans toutes leurs dimensions. La complémentarité descompétences professionnelles répond à l’exigence des soins en réanimation,composés d’un savoir faire et d’un savoir-être de chaque instant pour maintenirla sécurité et le confort.

Après avoir envisagé à quels impératifs correspond la prise en charge para-médicale d’un patient en situation de limitation des soins, il est indispensablede savoir que celle-ci peut entraîner une souffrance pour le personnel soignantet proposer des moyens de la limiter, voire même, de l’éviter.

X – Les difficultés rencontrées par l’équipe paramédicale

Ce qui est favorable à la prise en charge du patient ne l’est pas forcémentà l’équipe paramédicale. Ainsi, la présence constante, et sur une longue période,auprès d’un même patient de réanimation en situation limite et vulnérable peut,

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à la longue, s’avérer délétère. Avoir l’impression que l’on a tout fait, tout essayéest susceptible d’induire un sentiment d’impuissance et d’échec qui heurte lesmotivations pour le choix de ce métier et de ce type de service. Sans oublier quela dégradation de l’état de santé du malade peut être aussi rapide que prolongée.La situation est d’autant plus difficile à gérer que le patient est arrivé en pleinepossession de ses moyens physiques et psychologiques et que des liens « affec-tifs » ont eu le temps de se nouer.

En outre, la décision finale de limitation de soins n’appartenant qu’aumédecin, si celle-ci n’a pas été prise dans les règles de l’art du processus déci-sionnel, l’équipe peut très vite se sentir démotivée, en décalage et non reconnue.Même si des règles strictes sont à respecter lors la discussion éthique, l’écueil dela transposition des relations de pouvoir (lié à la détention du savoir médical)est un facteur qui peut fragiliser le principe d’égalité d’expression.

Le processus décisionnel s’appuie sur des critères d’évaluation objectifs etsubjectifs. Ces derniers sont interprétés différemment par les médecins, les infir-mier(e)s et les aides-soignant(e)s. En témoigne une étude clinique réalisée dansun service de réanimation polyvalente, où l’appréciation de la souffrance phy-sique et morale des patients diverge selon les catégories professionnelles des soi-gnants. Cette observation vient, encore une fois, démontrer l’absolue nécessitéde la participation conjointe de tous les membres de l’équipe de soins aux dis-cussions du processus décisionnel. Pour autant, l’étude nationale française Laté-réa mettait en évidence que les paramédicaux étaient consultés seulement pourla moitié des décisions de LAT. Devant cette déviance où le sentiment de soli-tude est exacerbé, il est difficile pour les paramédicaux de prendre en chargesereinement les malades et de leur offrir alors une qualité de soins optimale.

Au cours du processus décisionnel, la diffusion de l’information à chacundes membres de l’équipe est primordiale, chacun doit savoir et comprendre lamême chose au même moment pour une prise en charge optimale du patient etde ses proches.

Plus que jamais, la collaboration et la cohésion de l’équipe médicale etparamédicale est indispensable. Même si la discussion est collégiale, la prise dedécision est médicale et sera appliquée en collaboration avec l’infirmier(e) puisl’aide-soignant(e). Dans ces circonstances, il est primordial que chaque décision,chaque comportement soit expliqué, motivé et que tout changement dans laconduite thérapeutique soit justifié. La rigueur de la procédure et l’attention àl’autre permet certainement d’éviter l’incompréhension et de mieux vivre dessituations extrêmes.

L’équipe est en même temps une ressource pour « exorciser » les angoisses.Elle protège selon deux modes :

– Elle représente un moyen d’expression.

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– Elle représente souvent le seul groupe humain où les situations les pluséprouvantes peuvent être abordées sur un mode dédramatisé. Il existe unconsensus d’équipe propre au milieu médical et paramédical où l’on sait ensembleque l’humour représente une issue pour évacuer ses propres angoisses, mais queses frontières restent les murs de la tisanerie.

Même si l’équipe est la clé de voûte de l’organisation des soins et constituel’écran qui protège, le face à face au malade en fin de vie reste une épreuve que lesoignant vit seul. Le questionnement, le cheminement de la pensée, l’acceptationou le refus de l’incertitude sont des processus qui inévitablement s’effectuent aussiseul, parce que chacun d’entre nous est unique. Quelquefois, les pensées suscitéespar une vie qui s’achève dans l’obstination raisonnable ou pas, peuvent induire unsentiment de culpabilité, de transgression vis-à-vis des valeurs personnelles et pro-fessionnelles, de la loi ou de l’équipe. Le soignant peut être déstabilisé, ressentir del’impuissance, voire être incapable d’apporter un soutien au patient entre ses mains.

C’est pourquoi, des groupes de paroles avec un psychologue constituentun autre moyen d’approche des situations limites en réanimation pour aiderl’équipe et le professionnel. Basées sur le volontariat, ces réunions contribuentà décrypter le fonctionnement psychologique élaboré dans de telles situations.Cependant, il est essentiel que le psychologue soit formé aux problématiques defin de vie afin de pouvoir engager en toute confiance le dialogue et répondreaux demandes de l’équipe de soins.

La maîtrise de soins relationnels en réanimation implique un tempsd’apprentissage minimal qu’il faut acquérir en vue d’une meilleure personnali-sation des soins. La mission d’accompagnement du patient inconscient en fin devie fait donc appel à différentes aptitudes (pour les professions médicales ouparamédicales) devant tout d’abord être enseignées dans le cadre de la formationinitiale puis perfectionnées par le biais de la formation continue :

– L’implication dans le processus décisionnel nécessite un savoir suffisam-ment fiable des droits et statut de la personne soignée, la maîtrise des règlesdéontologiques et du positionnement au sein de l’équipe de soins.

– Afin que le processus décisionnel soit emprunt d’humanité, la réflexiondoit comporter une approche éthique.

– Pour entendre, voir et écouter celui qui s’en va, il faut savoir partageravec lui ses derniers instants uniques. Se familiariser avec la mort et reconnaîtrele « mourir » s’apprend aussi.

– Pour être capable de se protéger, maintenir une distance, tout en restantproche de celui que l’on aide à partir dans la dignité, il est indispensable de seconnaître, reconnaître son angoisse et interpréter ses mécanismes de défense.

La liste ici n’est pas exhaustive et laisse donc entrevoir l’absolue nécessitéde formation initiale et continue de tous les professionnels intervenant lors duprocessus décisionnel.

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L’information, la communication interdisciplinaires et la formation sontles verrous de la sécurité éthique du processus décisionnel des LAT.

Lorsque la réflexion de LAT s’engage, l’équipe s’oriente progressivementvers une démarche palliative de la prise en charge du malade. En effet, elleprivilégie la qualité du temps qui reste à vivre plutôt que la quantité de cetemps. Au moment où la prise en charge du patient s’avère « être dans saglobalité et par une équipe multidisciplinaire », il est licite de s’interroger surla place de l’intervention des soins palliatifs en concertation avec l’équipe deréanimation.

XI – La collaboration de l’équipe de soins palliatifs

Actuellement, il est assez rare que les soignants de réanimation fassentintervenir l’unité mobile des soins palliatifs (USP) pour les raisons suivantes :

– Les orientations médicales des deux unités sont radicalement opposées :l’une vise à sauver la vie, même si le pronostic est aléatoire, l’autre intervienten fin de vie pour soulager les souffrances et préserver le confort quant il n’y aplus d’espoir.

– Les soins urgents hautement techniques impliquent la sédation et l’anal-gésie du malade. De ce fait, l’USP ne constitue pas, à cet instant, « une prioritédans le plan de soins » et n’a pas besoin d’intervenir directement auprès de lui.

Mais si l’on pousse plus loin la réflexion, il apparaît que dans le domainedes LAT, les deux finalités thérapeutiques peuvent se rejoindre. En effet, à partirdu moment ou l’équipe de réanimation renonce à l’obstination déraisonnable etdonne des soins appropriés à la fin de vie en dispensant un accompagnementultime, ces valeurs sont partagées avec celles de l’USP.

Dès lors, l’intervention de l’USP pourrait se situer à différents niveaux :

– Par la connaissance spécifique des soins de confort et d’hygiène chez lepatient en fin de vie, l’USP va pouvoir exercer un rôle de conseiller auprès deséquipes paramédicales et médicales.

– Par son approche de l’accompagnement et sa connaissance des attitudesspécifiques de la fin de vie, l’USP constitue un soutien pour les familles en souf-france morale et un répit pour les équipes de réanimation, qui quelquefoispeuvent se sentir dépassées, démunies. D’autant que la charge de travail chezles autres malades peut interférer sur la qualité de la communication avec lesproches ou le patient.

– Par son savoir-être et son recul par rapport à une situation donnée, ellepeut constituer une ressource pour l’équipe de réanimation. Auprès de soignants,elle peut faciliter le dialogue quand pour des situations dramatiques parlerdevient trop pénible ou quand le consensus n’émerge pas. Elle peut aussi redon-ner confiance, réassurer une équipe en sentiment d’échec. Grâce à la connais-

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sance du processus de la vie qui s’achève et du dénouement intérieur qui y mène,l’USP a la compétence de prendre soin avec humanité du malade, de ses procheset de l’équipe de réanimation qui est à son chevet.

Redonner humanité à la fin de vie passe par la nécessaire prise en comptede l’environnement humain du malade qui s’en va, même si celui-ci estinconscient. Pourquoi ? D’abord, en l’état actuel de nos connaissances, nousignorons ce que perçoit le patient en coma médicamenteux. Ensuite, pourprendre en compte la valeur du temps qui précède la mort où la présence desproches est indispensable. Encore faut-il les guider dans ce chemin si douloureuxen leur donnant une information emprunte de compassion et de transparence,tout en respectant certains principes afin de se situer dans le cadre légal.

XII – L’information aux proches lors de la LAT

A – L’information donnée en réanimation, un contexte spécifique

L’objectif de l’information est de permettre à la personne malade d’expri-mer ses choix à partir d’éléments objectifs. Elle constitue pour les médecins uneobligation régie par des règles juridiques précises, tout en reposant sur des prin-cipes éthiques.

En réanimation, le devoir d’information est extrêmement difficile à acquit-ter, puisque dans la majorité des cas le patient n’a plus la capacité de consentirpar lui-même. Pourtant, au regard des dispositions réglementaires françaises, lepatient de réanimation reste un sujet de droit qui, à ce titre doit bénéficier dudroit à l’information comme tout un chacun.

Même si le patient est conscient, l’urgence et la technicité des soins nepermettent pas toujours de lui fournir, au début de la prise en charge, uneinformation minimale. De plus, la fragilité physique et psychologique induitepar la décompensation d’une pathologie aiguë ou chronique placent lemalade dans une situation de stress susceptible d’altérer ses facultés de rai-sonnement.

B – Dans le cas où le malade est inapte à recevoir l’information, qui est l’interlocuteur de l’équipe de soins ?

Comme le stipule l’article 36 du code de déontologie médicale, la famille (oules proches) deviennent alors le lien privilégié de l’équipe médicale et paramédi-cale, sauf si le patient s’y oppose (encore faut-il connaître une telle restriction).Mais, les proches n’étant pas les représentants légaux du malade, l’équipe médicaleprend donc les décisions pour le patient tant que dure son incompétence.

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La notion de proches reste difficile à définir ; il n’existe pas de définitionréglementaire. En règle générale, ce sont ceux qui ont avec le patient des liensde parenté de premier degré ou ceux qui partagent son intimité.

Le patient a aussi la possibilité de nommer une personne de confiance(antérieurement à son incompétence) chargée de recevoir l’information et d’êtreconsultée sur la thérapeutique à mener. Cette personne librement choisie (lechoix est modifiable à tout moment) et désignée par écrit n’appartient pas néces-sairement à la famille du patient, ce peut-être un ami ou le médecin traitant.

C – L’évolution du contenu de l’information au cours du séjour en réanimation

L’information donnée évolue au cours de l’hospitalisation, son contenu secalque sur les objectifs thérapeutiques.

Le premier contact avec l’entourage du malade reste souvent emprunt del’ambiance d’urgence et de technique dans laquelle l’équipe prend en charge lemalade. Ce contexte ne justifie pourtant pas la non délivrance de l’informationque doit l’équipe. D’autant que la famille se trouve souvent dépourvue, effon-drée, dans un lieu inconnu, dans une situation étrangère et violente qu’ellen’avait pas prévue. La famille perçoit, écoute, subit des mots et un langage qui,le plus souvent, lui sont étrangers mais auxquels le médecin et l’équipe paramé-dicale doivent donner un sens… avec humanité. De plus, ce premier contact nepermet pas toujours de délimiter exactement la nature des liens familiaux avecle malade.

L’information initiale regroupe les données suivantes :

– Présentation des principes essentiels de la prise en charge du malade.– Information sur les particularités de la pathologie.– Annonce des certitudes et des incertitudes du moment, des risques de

complications ou de séquelles.– Explication sur la prise en charge de la douleur.– Présentation schématique de l’organisation du service et des contraintes

à respecter lors des visites au lit du malade (livret d’accueil du service).

Le stress et l’anxiété éprouvés par les proches expliquent que l’informationqui leur est donnée, à ce moment là, soit rarement mémorisée et comprise : lerisque de distorsion lié à toute communication orale est ici maximal. Afin d’atté-nuer l’inquiétude, de respecter la particularité de la situation ressentie et de met-tre en place une relation de confiance, il est primordial de respecter certainsprincipes.

Lors des informations ultérieures, il faut tenir compte du niveau deconnaissances de la famille, de : « ce qu’elle sait depuis la dernière fois ». Afin

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que les données assimilées correspondent à la réalité, il faut également vérifierla compréhension. Il faut reconnaître et prendre en compte l’anxiété des procheset, si besoin est, les informer de la possibilité d’un soutien psychologique.D’autre part, une situation aussi déstabilisante peut déclencher ou cristalliserdes conflits au sein de la cellule familiale. L’équipe de soins n’a pas à prendreparti, elle poursuit son objectif d’information et il peut être nécessaire de déter-miner ensemble un ou deux correspondants.

Lorsque le patient va mieux et qu’il retrouve une lucidité proche de la nor-male, il est important de lui expliquer quel a été son état et quels soins lui ontété faits.

À l’inverse lorsque le patient décède, un entretien, à distance du décès, peutêtre proposé afin de répondre aux questions, voire de proposer un soutien psy-chologique à distance.

D – Les principes à respecter lorsque l’on informe les proches

– Rencontrer les proches dans un lieu calme et réservé à cet effet.– Se présenter.– Annoncer et expliquer clairement les choses.– Ne pas exprimer de doutes sur les décisions prises.– Avoir de la compassion, rassurer, écouter, déculpabiliser.– Informer des risques de façon globale en se limitant aux risques « fré-

quents » et non exceptionnels.– Informer, le cas échéant, de la possibilité de participation à un protocole

de recherche.– Être garant de la cohésion des informations. – Limiter le nombre d’interlocuteurs afin d’éviter l’annonce d’informations

contradictoires.– Faire en sorte que chaque soignant soit identifié.– Rencontrer systématiquement chaque famille.– Accorder un temps suffisant à chaque rencontre.

Si les caractéristiques du contenu de l’information pour un patient hospi-talisé en réanimation doivent absolument respecter des règles de transparence,d’empathie et de respect, il est essentiel de comprendre que, lors d’une LAT,le devoir d’information va bien au delà et qu’il se complète d’un devoird’accompagnement des proches.

XIII – L’accompagnement des proches lors d’une LAT

La situation est très délicate car il faut savoir accompagner les proches àpetits pas, au fur et à mesure de la progression de la maladie.

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A – Préparer les familles au deuil éventuel

Il faut doucement les amener à intégrer que la situation est dramatique, àenvisager le décès de leur proche, pour qu’ils puissent toujours être près de lui,mais surtout être capable de se préserver dans la période du post-deuil. Dès lorsque le seuil du service de réanimation est franchi, la famille est dans l’attente :attente du diagnostic, attente du pronostic, attentes des nouvelles, attente deshoraires de visite. Il faut les aider à supporter l’attente et l’incertitude insuppor-tables. Il importe de les familiariser avec l’environnement technique : démystifierde façon simple les différents sons et tracés. Il faut surtout les aider face à latransformation du corps de l’autre. En effet leur principale difficulté réside dansla non reconnaissance du visage et de l’anatomie qui ne lui ressemblent plus.Ici, il faut expliquer toujours et encore et proposer de substituer à la paroled’autres formes de communication (le toucher, le regard), éloigner la peur etpréserver le lien familial jusqu’au stade ultime du décès.

Enfin, accompagner, c’est aussi accéder à certaines demandes particulières(religieuses, horaires des visites, aménagement de l’environnement) tout en res-pectant la spécificité du service et le repos des autres malades. Les familles ontsouvent une double sensation : l’environnement technique et humain induit unsentiment de sécurité, mais aussi de menace lié à l’état de santé précaire de leurproche.

B – Aider les familles à accepter la décision

Le rôle de l’équipe de soins est de mener les proches à l’acceptation de ladécision ; mais comment les impliquer dans ce pénible processus dans uncontexte légal encore flou ?

Le droit français, le code de déontologie et les sociétés savantes, reconnaissentles proches comme garants de l’autonomie du patient dans le cas où celui-ci estincompétent. Ainsi, si les proches sont impliqués dans le processus décisionnellors d’une LAT, encore faut-il porter l’attention sur les faits suivants. D’unepart, il ne doit pas y avoir un transfert de la décision médicale vers les procheset d’autre part, la vigilance doit être maximale sur le respect des textes légauxen matière d’euthanasie.

En effet, lors de la mise en place de la décision, la famille constitue untémoin et non pas un juge de la situation. Son rôle est d’apporter des informa-tions afin d’éclairer le processus décisionnel. La famille peut aider l’équipe afinde l’informer des souhaits de leur proche, et des éléments du contexte actuel(social, environnemental au cours de la maladie. De l’autre côté, le réanimateuret son équipe doivent faire comprendre à la famille les enjeux de la situationpour mieux comprendre le présent et mieux anticiper l’avenir. Il ne faut en aucuncas faire porter aux proches la responsabilité d’une décision qui n’est que

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médicale, ce qui renforcerait un sentiment de culpabilité déjà normalement pré-sent lors du processus de deuil. Le rôle de la famille est participatif et non déci-sionnel.

En cas de besoin, il peut être utile de solliciter l’aide d’autres professionnelsde santé selon le niveau de difficultés éprouvées par la famille, qu’elles soientd’ordre psychologique et/ou social.

Effectivement, la communication avec la famille doit être la plus clairepossible et la mieux adaptée, mais quelquefois les efforts de l’équipe pourparvenir à l’acceptation de la décision peuvent rester vains. La pire des situa-tions est celle où, après le décès, la famille ressent des doutes au sujet descirconstances et exprime de la rancœur, voir de l’agressivité vis à vis del’équipe. Ce sentiment est difficile à vivre pour la famille déjà éprouvée etpréoccupant pour le réanimateur car de nature à remettre en cause, sur leplan moral du moins, la légitimité de la décision. Actuellement, le réanimateurest enserré entre des textes de loi qui interdisent les pratiques délibérées dedonner la mort, des recommandations éthiques prônant l’autonomie de lapersonne soignée et un contexte médiatisé à outrance. Les familles ont accèsà une information de masse pouvant devenir très pointue, grâce à Internet.Mais dans cette situation extrême, et sans maîtrise des connaissances médi-cales, la sélection des informations n’est pas forcément la plus juste et la plusadaptée à la situation. Ainsi, le réanimateur se trouve parfois face à des per-sonnes anxieuses possédant un savoir médical parcellaire, titulaires de droitset dans un contexte juridique encore incertain. Son devoir est alors d’accom-pagner les proches en menant le projet thérapeutique à son terme avec uneextrême prudence.

Conclusion

L’art médical est encadré par le savoir scientifique et le savoir faire tech-nique ainsi que par des normes et des principes d’action. Les normes sont repré-sentées par les lois et le code de déontologie. L’action est guidée par les principesde l’éthique médicale.

En réanimation adulte, l’un des questionnements auquel sont confrontéesles équipes soignantes est de définir les limites de la réanimation.

Le débat s’oriente selon trois dimensions :

– Scientifique, avec la difficulté de définir les frontières de l’obstinationdéraisonnable.

– Légale, avec l’obligation de se conformer au respect d’informer, derecueillir la volonté et le consentement du patient.

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– Éthique, avec le respect de l’autonomie, la dignité et le non abandon desoins, valeurs fondatrices de la relation médecin-malade.

L’enjeu juridique et éthique est d’autant plus difficile à maintenir qu’ilconcerne un malade inconscient et incompétent.

La réanimation a permis de bouleverser le pronostic de certains patientsatteints de pathologies graves. Plus le savoir médical se perfectionne, plus despathologies gravissimes peuvent être prises en charge, plus l’échéance de la mortpeut reculer. Mais avec quel bénéfice ou préjudice pour le patient ?

Soigner en réanimation exige un discernement continuel pour ne pas ins-trumentaliser un corps objet dépendant des technologies de suppléance, maisprendre soin de la personne sujet de droit et reconnaître l’autre dans sa singu-larité.

Le respect de la vie humaine peut conduire à l’obstination déraisonnable.Sans ignorer une période incontournable, où les soins actifs sont maintenus pourse donner les moyens de comprendre, dans l’espoir de voir émerger une solutionpermettant le maintien de la vie.

Le respect de la dignité humaine impose de justifier la finalité thérapeutiquede certains choix médicaux : poursuivre ou ne pas amplifier les thérapeutiquesactives, ou bien alors les abandonner et préserver la dignité humaine et leconfort. Réanimer, c’est tout mettre en œuvre pour sauver la vie ; c’est aussi,lorsque le corps ne répond plus, admettre que certaines limites ne peuvent êtrefranchies. Car soigner en réanimation conduit quelquefois à anticiper la brutalitéd’une vie qui s’achève.

Si les frontières entre la vie et la mort sont physiologiquement très nettes,il n’en est pas de même au niveau spirituel. Sauver la vie en s’interrogeant surla question de savoir quel corps le médecin restitue au patient, même si l’on saitque l’être humain est capable de s’adapter aux pires situations. Quoi de plussubjectif que l’appréciation de la qualité de vie d’autrui.

Rompant « la loi du silence », des recommandations médicales et desréflexions éthiques apparaissent ; mais, parallèlement, une surmédiatisationfausse la problématique de fin de vie en réanimation. À ce jour, la société et lelégislateur s’interrogent, mais la loi est inchangée. Ce qui rappelle aux soignantsqu’un acte d’humanité peut aussi être une transgression.

Telle est l’ampleur de la démarche éthique et de la responsabilité incombantau médecin réanimateur et à son équipe. Le sens de la décision médicale de LATne repose que sur un processus décisionnel rigoureux, serein et collégial : clari-fier les déterminants médicaux, élucider l’intention qui préside au questionne-ment. Loin des procédures normatives, si ce n’est dans sa structure, le processus

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décisionnel ne doit pas céder à la standardisation ni à la banalisation ; il doitfaire exister la personne malade jusqu’au bout.

C’est au moyen d’une véritable culture de service proposant des formationscontinues, des temps de paroles, une mutualisation des compétences que méde-cins et paramédicaux pourront mieux humaniser les soins de fin de vie, admettreles doutes et partager des valeurs communes. L’interrogation éthique en réfé-rence à la LAT, doit intégrer le projet de service soutenu par le projet d’établis-sement.

En tant que soignants, nous côtoyons quotidiennement la mort de l’autre.En réanimation, face à la technologie qui instrumentalise inévitablement l’évé-nement ultime de la vie, il est naturel de s’interroger sur la place du hasard dansla survenue d’un décès. Les soignants sont le relais d’une vie qui s’achève, leurmission est de permettre que le malade et ses proches se rencontrent dans leprésent pour envisager l’avenir sans l’autre.

Un tel cheminement de l’équipe de soins avec les proches des patientsréclame l’apaisement d’un conflit de valeurs avec soi-même et avec le corpssocial.

Bibliographie

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Véronique DAVID-SOUCHOT

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Note de la Rédaction

Cet article a été écrit avant que l’Assemblée Nationale ne vote la loi sur lafin de vie. À l’heure du bouclage, le texte est soumis au Sénat de telle sorte qu’iln’existe pas encore de certitude quant à la version définitive du texte.

Bien entendu, cette loi fera l’objet d’une étude dans cette revue, au coursde l’année 2005. Dans l’immédiat, se pose la question de la pertinence de cettepublication alors que la loi est en cours de vote. Cet article est le bienvenu, etl’actualité législative n’enlève rien à sa pertinence. C’est tout d’abord une excel-lente synthèse, rédigée par un praticien du soin. Sans passion, avec précision etun grand sens de la relation de soins, est tracé ce tableau du droit de la fin devie. Il sera dès lors très intéressant de comparer cet état du droit à ce qu’entendapporter la loi dont l’adoption est en cours.

D’ores et déjà on peut affirmer que les évolutions n’auront rien de fonda-mentales, ce qui assoit la pertinence de cet article. S’agissant de fin de vie, lecœur de la responsabilité est défini par le code pénal, et la loi nouvelle n’abordepas l’aspect pénal. Ainsi, la structure du raisonnement restera inchangée. Pourle reste, le code de la santé publique, le code de déontologie médicale, et lajurisprudence reconnaissaient la notion d’accompagnement et ne demandaientpas la poursuite des soins qui devenait déraisonnable. La loi va donc essentiel-lement jouer comme une confrontation de ce qu’était la déontologie. Ainsi, lecap ne change pas, mais des choses sont précisées. Il faut désormais attendre letexte définitif de la loi pour procéder à son analyse approfondie.