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L'INNOVATION COMME “CONCRÉTISATION DE L'OBJET TECHNIQUE” : QUELLE EST LA FONCTION DE L'ENTREPRENEUR TECHNOLOGUE ? Philippe Béraud De Boeck Supérieur | Innovations 2002/2 - no 16 pages 51 à 70 ISSN 1267-4982 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-innovations-2002-2-page-51.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Béraud Philippe, « L'innovation comme “concrétisation de l'objet technique” : Quelle est la fonction de l'entrepreneur technologue ? », Innovations, 2002/2 no 16, p. 51-70. DOI : 10.3917/inno.016.0051 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 132.174.255.116 - 15/05/2013 08h01. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 132.174.255.116 - 15/05/2013 08h01. © De Boeck Supérieur

L'innovation comme “concrétisation de l'objet technique” : Quelle est la fonction de l'entrepreneur technologue ?

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L'INNOVATION COMME “CONCRÉTISATION DE L'OBJETTECHNIQUE” : QUELLE EST LA FONCTION DEL'ENTREPRENEUR TECHNOLOGUE ? Philippe Béraud De Boeck Supérieur | Innovations 2002/2 - no 16pages 51 à 70

ISSN 1267-4982

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-innovations-2002-2-page-51.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Béraud Philippe, « L'innovation comme “concrétisation de l'objet technique” : Quelle est la fonction

de l'entrepreneur technologue ?  »,

Innovations, 2002/2 no 16, p. 51-70. DOI : 10.3917/inno.016.0051

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Innovations, Cahiers d'économie de l'innovation n°16, 2002-2, pp.51-69.

L'innovation comme "concrétisation de l'objet technique" : Quelle est la fonction de l'entrepreneur technologue ?

Philippe BÉRAUD École Nationale Supérieure des Télécommunications

de Bretagne Face à la prolifération des énoncés sur la société de

l'information, entre les promesses des démiurges de la numé-risation du monde et les approches techniques des objets informationnels, la tentation est grande de confier au discours économique le soin d'assurer une fonction de légi-timation. Cette dernière consisterait notamment à représenter les technologies de l'information et de la communication (TIC) comme une puissante force centrifuge susceptible d'accélérer la dématérialisation de l'économie réelle et la dilution des Etats et de leurs économies nationales dans le mouvement de globalisation des marchés. Dans un contexte économique dominé par l'impératif de compétitivité, la pro-ximité virtuelle s'affirmerait alors comme un substitut effi-cient à la proximité physique, héritage du vieil ordre smithien de l'Etat-nation et incapable d'endiguer les effets de l'entrée en crise des formes de régulation marquées par l'influence conjuguée des préceptes fordistes et keynésiens, pour employer une terminologie régulationniste. Cette interprétation apparaît avec évidence, aussi bien dans les énoncés pionniers des représentants de l'Administration amé-ricaine que dans un certain nombre d'études et de rapports émanant des organisations internationales, des institutions européennes ou des administrations des Etats membres de l'Union (Béraud, 1998).

Cependant, si le potentiel de déterritorialisation de la proximité virtuelle est interprété comme un puissant vecteur

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de désenchâssement des cadres institutionnels de l'économie nationale, les études empiriques sur l'influence des TIC montrent que ce phénomène ne se traduit pas pour autant par une dispersion nucléaire des sources d'innovation et de pro-duction (Brousseau, Rallet, 1999). Les effets de la proximité virtuelle contribuent bien plutôt à renforcer, en les dé-multipliant, les interactions induites par la proximité physi-que propre aux agencements socio-économiques situés. Il n'apparaît donc pas contradictoire de constater que l'ap-proche technologique d'une société de l'information, qui annonce une économie de la dématérialisation affranchie des contraintes de la décision publique, s'accompagne dans le même temps d'une réévaluation des frontières de l'objet local en tant qu'espace décentralisé de la décision privée (district, milieu innovateur, système localisé d'innovation et de pro-duction) ou en tant qu'espace mixte de décision privée et de décision publique incitative et limitée à la collectivité terri-toriale (parc technologique), bénéficiant dans tous les cas des externalités de réseau favorisées par les services d'inter-médiation et des effets d'agglomération entrepreneuriale dé-finis dans une optique (néo) marshallienne.

A cet égard, le rôle de l'entrepreneur à l'intérieur du pro-cessus de développement économique, les relations entre esprit d'entreprise, innovation et changement technique, ou encore, le type de solidarité entretenu entre les milieux entre-preneuriaux et les structures spatio-fonctionnelles dans les-quelles s'incarne la représentation du territoire, s'affirment comme les différentes facettes d'une problématique pério-diquement revisitée dans la littérature économique, suivant ou précédant comme une caisse de résonance les incitations à débattre suscitées par les interventions d'institutions ayant opté pour une actualisation de l'acte d'entreprendre, face à l'épuisement déclaré des solutions héritées de la phase de constitution des technostructures (Béraud, Perrault, 1996). Il est vrai que le spectre de l'entrepreneur, pour reprendre une formule de Baumol, est un thème récurrent dans l'histoire de la pensée économique (Boutillier, Uzunidis, 1999). Mais l'homologie des approches entre la vision d'une économie de la dématérialisation née des usages des TIC, les discours sur le nouvel esprit d'entreprise (OCDE, 1997 ; Castells, 1998 ; Boltanski et Chiapello, 1999) et les diverses interprétations entourant la dynamique des réseaux d'acteurs situés, apporte une dimension nouvelle aux analyses fonctionnelles de

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l'entrepreneur, reflétant ainsi les spécificités d'une "économie d'archipel" (Veltz, 1996), marquée par la confluence entre la concurrence par l'innovation et l'émergence d'une figure hybride inédite, l'entrepreneur technologue. Ce dernier ap-paraît au moment où, comme le soulignent en particulier Stiegler (1994 et 1996) et Cormerais (1997), se produit un renversement des relations de dépendance entre les sciences et les techniques, non seulement parce que le système technique assure à part entière la coordination des processus d'innovation, mais également parce que les sciences elles-mêmes se trouvent désormais pilotées par les programmes techniques.

Les analyses menées depuis la fin des années 1970 dans le cadre de l'économie régionale, souvent au croisement de l'économie industrielle et de l'économie spatiale (Rallet et Torre, 1995), ont déjà mis en relief le rôle de ce type d'entre-preneur dans le développement local, même si les grilles de lecture utilisées ne font pas systématiquement apparaître la fonction entrepreneuriale en tant que telle. Les travaux sur les milieux innovateurs (Aydalot, GREMI), les recherches sur les districts industriels (Beccatini, Piore et Sabel), les approches régulationnistes (Benko et Lipietz) illustrent bien cette tendance au retour après Marshall sur les stratégies des acteurs qui instituent l'objet local, pour reprendre la termi-nologie employée par Sfez (1977). Au-delà des différences d'identification et de traitement méthodologiques, le dénomi-nateur commun de ces approches réside dans l'affirmation de l'aptitude des structures territorialisées à assurer leurs propres conditions de fonctionnement et de reproduction. Pour autant, si l'on inverse le sens des interprétations précé-dentes, la capacité variable des structures locales à converger vers les normes mondiales de production permet de qualifier différemment le rôle de l'entrepreneur technologue et d'éva-luer ainsi les contraintes qui président à la création et à la diffusion de l'innovation au sein des agencements socio-économiques situés.

En effet, contrairement à la vision de l'objet local qui privilégie une dynamique endogène de l'innovation, détermi-née par la seule densité des interactions de proximité, les mi-lieux innovateurs ne constituent pas des laboratoires d'expé-rimentation technologique assimilables à des isolats. Ils ap-paraissent bien plutôt comme des ensembles composites, où se côtoient des activités nouvelles et plus anciennes, des entreprises de taille différente dont l'organisation et la marge

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de manœuvre dépendent de la nature des relations entre-tenues avec les acteurs dominants qui conduisent l'évolution des méso-systèmes industriels, comme en témoignent les typologies d'entreprises établies à partir d'évaluations comparatives (Hecquet et Lainé, 1999 ; UNCTAD, 2001). En tant qu'éléments de ces méso-systèmes, les milieux inno-vateurs subissent donc les tendances à l'œuvre dans le systè-me industriel mondial, qui condense et articule les différents méso-systèmes.

En adoptant ce point de vue, nous montrerons dans les développements suivants en quoi l'analyse systémique des conditions de diffusion des normes techniques et indus-trielles mondiales permet de mieux cerner l'origine des phé-nomènes susceptibles d'altérer les formes d'intégration terri-toriale de la firme innovatrice et nous tenterons d'en déduire ensuite comment l'entrepreneur technologue peut intervenir sur les relations entre firmes et territoires par l'intermédiaire des fonctions de médiation technique et culturelle.

LE SYSTÈME INDUSTRIEL MONDIAL ET LES FONDEMENTS DE LA COMPÉTITIVITÉ TERRITORIALE

L'aptitude d'un ensemble économique local à construire

des avantages comparatifs dynamiques et à internaliser les externalités repose sur l'articulation entre l'effet de nature des industries ancrées sur le territoire, qui détermine notamment l'origine et l'ampleur des barrières à l'entrée, à la mobilité et à la sortie, et l'effet de structure entrepreneuriale ou mana-gériale, c'est-à-dire le mode d'organisation des activités con-cernées à l'intérieur de l'appareil productif territorialisé (Yoffie, 1992). Cette articulation entre une activité située et la trajectoire technico-industrielle mondiale qui la gouverne s'inscrit à l'intérieur d'une concurrence systémique, combi-nant les modalités d'intervention des acteurs privés et publics. Nous rejoignons ici le sens des conclusions de Hugon, dans les développements qu'il consacre à la rééva-luation des principes de l'économie politique internationale, à la lumière des nouvelles conditions d'exercice du pouvoir économique dans le processus de mondialisation. Si la glo-balisation revêt une certaine opacité aux yeux des agents privés et publics pris isolément, concernant le niveau d'intervention pertinent, une

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interprétation approfondie des phénomènes économiques fait bien apparaître que "la hiérarchie interactive entre les centres de décision interna-tionaux renvoie à une interdépendance entre le global, le régional, le national et le local. La dynamique de l'économie internationale résulte ainsi d'une combinatoire, dans un espace constitué de règles et de rapports de forces, entre les avantages compétitifs spécifiques et transférables internes aux organisations/firmes (produits, savoirs faire, apprentissa-ge, rentes technologiques), les avantages absolus ou compa-ratifs localisés propres aux territoires (ressources naturelles, bassins de main-d'œuvre, attitudes et valeurs, milieux inno-vants), et les avantages compétitifs créés par les centres de décision collectifs (politiques macro-économiques et indus-trielles, environnement institutionnel, 'gouvernance', nor-mes)" (Hugon, 1997).

En adoptant la perspective d'une interdépendance entre les niveaux macro, méso et micro, il est possible d'analyser les formes d'organisation technico-industrielle qui caractéri-sent un système territorialisé de production et d'innovation comme les manifestations locales d'une concurrence systé-mique mondiale qui s'impose à chaque industrie. Comme le souligne Marc Humbert (1997), ce phénomène traduit "l'in-teraction concurrentielle systémique des firmes et des Etats sur les champs de la création des ressources et de l'orga-nisation de la production à l'échelle mondiale", et détermine ainsi, dans un même mouvement, "le fonctionnement de l'in-dustrie, ses localisations territoriales et ses échanges entre les territoires constituant un véritable système industriel mon-dial (SIM)" ; un système défini par l'auteur comme "l'en-semble des acteurs qui exercent un pouvoir d'intensité va-riable sur la transformation plus ou moins élaborée des ressources mondiales pour en obtenir des produits destinés à des usages divers et/ou sur l'utilisation de ces produits" (Humbert, 1990). La concurrence systémique, à l'intérieur de laquelle se cristallisent les facteurs favorables ou défavo-rables au développement technico-industriel d'une économie locale, révèle ainsi le mode de fonctionnement du SIM, dont l'interprétation demeure fondamentalement orientée par les déterminants technologiques de l'accumulation.

L'hypothèse centrale de cette interprétation consiste à identifier l'appareil productif associé à un système sociétal comme un état localement déterminé du SIM. Celui-ci décli-ne les tendances dominantes en matière technico-

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industrielle, et partant, conditionne en retour la position occupée par chaque appareil productif, qui ne saurait donc trouver dans sa propre évolution les conditions de la maîtrise de son fonctionnement et de sa reproduction. Comme le souligne Humbert (2000) : "Dans cette concurrence consciente ou non, chaque système sociétal occupe une place en rapport avec l'état de l'appareil technico-industriel installé sur son territoire et la direction de son évolution ; elles doivent être jugées l'une et l'autre au regard de la référence mondiale qui est celle de l'état et de l'évolution du système industriel mon-dial". Les lignes de force qui unissent les agencements technico-industriels territorialisés et l'espace des normes mondiales qui s'imposent à eux dessinent ainsi, en quelque sorte, une figure de l'orthogonalité dans l'articulation du glo-bal au local. Des rapports d'orthogonalité caractérisés par des degrés d'ouverture variables et dont le degré d'ouverture précisément reste conditionné par les résultats des stratégies conjuguées des acteurs privés et publics au sein des méso-systèmes industriels.

Le SIM, dont la finalité relève d'une logique technico-industrielle verticale, trouve sa logique de reproduction au niveau mondial, dans la confrontation de stratégies d'acteurs issus de systèmes sociétaux différents. Si son insertion con-crète dans les systèmes sociétaux détermine bien sa structure spatiale, les conditions d'intégration territoriale des normes technico-industrielles au plan national ou au plan régional se présentent comme une mesure de l'orthogonalité entre la tra-jectoire technico-industrielle mondiale et les trajectoires lo-cales, sous la forme d'écarts de productivité calculables. A cet égard, l'articulation entre les enseignements de l'écono-mie industrielle et de l'économie internationale, qui trouve un champ d'intervention privilégié dans l'analyse systémique des relations économiques internationales et dans les théories contemporaines de la localisation, permet de mieux cerner les déterminants de la spécialisation et les facteurs favo-rables à l'amélioration de la compétitivité structurelle d'un ensemble d'activités territorialisées. Pour reprendre à nou-veau les termes de l'interprétation de Hugon (ibid.), "la compétitivité systémique est créée par une interdépendance entre les niveaux macro, méso et micro. Elle est au cœur des liens entre la politique économique, l'économie industrielle, la théorie des organisations et les théories institutionnelles". En ce sens, l'approche plurielle du SIM proposée par Hum-

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bert montre bien que, du point de vue des réseaux d'acteurs situés, les fondements de la compétitivité systémique sup-posent une mise en phase minimum des méso-systèmes industriels, dont participent les districts ou les milieux inno-vateurs, avec la tendance technico-industrielle mondiale.

De même, la confrontation entre la finalité des systèmes sociétaux et celle du SIM laisse apparaître une orthogonalité entre les logiques de reproduction sociale et les logiques de reproduction technico-industrielle. Cette double figure de l'orthogonalité contient sans s'y identifier les dimensions de l'asymétrie, de la hiérarchisation et de la domination, propres à l'économie mondiale, et qui vont s'imposer aussi bien au niveau national que régional. La compétitivité d'un appareil technico-industriel déterminé et la mise en phase relative des finalités de nature différente dépendent alors non seulement de l'aptitude variable des activités concernées à s'aligner sur la référence mondiale, qui joue ainsi ipso facto le rôle d'éta-lon de mesure, mais également de la nature et de l'influence réelle des représentations véhiculées par les acteurs locaux du développement socio-économique.

Parmi ces acteurs, le rôle de ceux qui portent les projets reste bien entendu déterminant. Ainsi, d'un point de vue sys-témique, le comportement des entrepreneurs technologues associés à l'économie locale recoupe deux fonctions princi-pales, une première qui consiste à favoriser l'endogénéisation territoriale de la composante technologique mondiale et une seconde qui contribue à assurer l'endogénéisation sociétale des normes et des finalités attachées au système technique, c'est-à-dire un certain degré de compatibilité des représenta-tions, entre le système des valeurs socio-économiques propre à la communauté instituée au plan territorial et le système des valeurs attaché au modèle technico-industriel qui tend à s'imposer dans l'articulation du global au local. Ces deux fonctions ne peuvent être dissociées sans dommage, respecti-vement pour l'efficience entrepreneuriale et pour les avanta-ges retirés par le système sociétal de l'intégration territoriale de dynamiques technico-industrielles structurantes.

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LA FONCTION D'ENDOGÉNÉISATION TECHNOLOGIQUE

L'analyse de la fonction d'endogénéisation technologique,

dont l'objectif consiste à réduire les écarts entre la tendance mondiale et ses manifestations spatiales dans les structures technico-industrielles territorialisées des ensembles écono-miques locaux, conduit à s'interroger sur les conditions de transfert et d'appropriation de l'information et de la connais-sance par les firmes. A cet égard, les apprentissages techno-logique et organisationnel sont tous les deux indissociables et constituent les conditions qui autorisent la croissance et l'entretien du stock des connaissances. L'apprentissage de-vient alors la source de l'innovation technique et donc de la conception, qui représente la base du changement (Johnson, 1992). Et, comme l'écrit Hayek (1945) : "Les problèmes économiques ne surviennent que comme conséquence du changement (...) la conception économique de la société (...) renvoie au problème de l'utilisation d'informations qui ne sont dévoilées à personne en totalité et de l'adaptation rapide aux changements". Il y a donc une asymétrie incidente sur le pouvoir de marché des firmes, un effet de domination à la Perroux, dont résulte l'échange.

D'autre part, compte tenu de l'influence des institutions sur l'évolution des connaissances, "il est impossible pour un individu de penser ou d'agir dans quelque domaine d'appli-cation des connaissances que ce soit sans être influencé par le contexte institutionnel. L'information est déterminée cultu-rellement" (culturally processed) (Johnson, 1992). Même pour construire une théorie des comportements fondée sur la rationalité, il est nécessaire de supposer, rappelle Arrow (1987), que la rationalité de tous les agents doit être connue de chacun ; elle devient un savoir commun, un common knowledge au sens de Lewis (1969). Ainsi la rationalité et l'évaluation mutuelle de la rationalité se présentent comme un phénomène social et non pas individuel. Dans le para-digme opposé, celui d'un monde où l'incertitude prédomine, c'est-à-dire où le calcul de probabilités est impossible com-me l'observait Keynes, ce sont, selon Odgson, les institutions qui jouent un rôle fonctionnel en offrant un support aux décisions, aux anticipations et aux croyances. Sans ces rigi-dités, l'incertitude déboucherait sur la perte du sens, rendant impossible actes et décisions (Grabher, 1993).

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Ainsi les firmes produisent l'industrie ou le système industriel parce qu'elles forment un ensemble d'organisations économiques qui a besoin d'acquérir des connaissances spécialisées et d'affiner sa qualification : "Une communauté instituée, qui peut être une firme ou un réseau de firmes, a une influence profonde sur ses propres modalités d'ap-prentissage" (Johnson, ibid.). Or, puisqu'il est économique-ment inefficace d'enseigner aux personnels d'une industrie les connaissances détaillées utilisées dans une autre, "on a eu recours à l'insertion de ces savoirs dans des produits ou ser-vices qui peuvent être transférés entre les firmes pour un faible coût puisque les instructions nécessaires pour utiliser ces produits ne nécessitent pas une connaissance appro-fondie de leurs méthodes de production" (Demsetz, 1991). Ainsi, les connaissances peuvent être transmises sans qu'il soit nécessaire de les apprendre. Même quand on échange des produits, l'industrie n'est pas seulement un système d'échange, c'est un système de production qui produit par transfert léger des connaissances. Une firme doit donc accepter que son activité soit orientée par les firmes qui possèdent des connaissances qui lui sont nécessaires, l'orien-tation se substituant ainsi à l'éducation.

Marshall avait proposé un raccourci saisissant des multiples canaux de cette socialisation avec la notion d'effets externes. Nous nous intéresserons, ici, aux effets externes induits par tout résultat susceptible de se diffuser au sein d'institutions économiques, qu'il contribue à créer ou ren-forcer, par suite de l'incapacité d'un agent d'exercer de ma-nière stricte son droit de propriété sur ce résultat (Foray, Mairesse, 1999). Il ne s'agit alors que d'une extension de la problématique de Rosenstein-Rodan (1943), lorsque ce der-nier souligne qu'un investissement isolé peut n'être pas rentable mais le devenir pourvu qu'il soit aggloméré avec d'autres investissements, du fait des économies externes dynamiques. Cette position est bien résumée par de Boissieu (1978), qui montre que les effets externes pécuniaires tra-duisent l'influence exercée dans le temps par la réalisation d'un investissement sur la rentabilité d'autres investisse-ments. Mais, comme le rappelle l'un des théoriciens majeurs de la théorie de l'équilibre général, déjà cité, "les droits de propriété ne suffisent pas à garantir la rationalité sociale" (Arrow, ibid.). On doit alors s'interroger sur la très complexe coordination d'effets externes dynamiques produits, à la fois, localement et mondialement.

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Si cette interrogation porte en creux une réflexion sur le rôle des institutions, elle introduit également à l'analyse de la fonction de médiation entrepreneuriale. Elle permet ainsi de renouer avec les théories fonctionnelles de l'entrepreneur, notamment celles de Leibenstein et de Baumol, qui s'inscri-vent dans la perspective ouverte par Schumpeter. Dans l'in-terprétation de Leibenstein (1968), le comportement de l'entrepreneur est guidé par quatre objectifs principaux. En premier lieu, l'entrepreneur met en relation différents mar-chés (intermarket operator). Il doit démontrer son aptitude à compenser les insuffisances du marché (gap-filling) et pou-voir réunir les facteurs nécessaires à la réalisation de nou-velles combinaisons de production (input-completer). Enfin, il sait créer ou développer des organisations efficientes. De même, chez Baumol (1993), l'entrepreneur est moins un innovateur qu'un coordinateur, un facilitateur, qui sait profiter des conditions de dissémination internationale de la technologie pour l'adapter localement. Comme, d'autre part, l'allocation des ressources entrepreneuriales est principale-ment déterminée par la répartition des gains relatifs entre les activités productives et improductives (Baumol, 1990), le niveau de ces gains dépend lui-même de la plus ou moins grande aptitude de l'entrepreneur à remplir les fonctions de gap-filling et de input-completion, c'est-à-dire à surmonter les obstacles qui peuvent se dresser face à l'endogénéisation territoriale de la norme technico-industrielle mondiale.

Le premier de ces obstacles réside dans la nature même de l'articulation du global au local, que les théories fonction-nelles de l'entrepreneur appréhendent de manière trop unifor-me. Ainsi, l'approche de Leibenstein s'expose aux limites inhérentes à un certain type de raisonnement circulaire, que l'on peut retrouver également dans l'interprétation de Baumol et, plus généralement, dans les débats sur les effets induits par les transferts de technologie (UNCTAD, 1999). Dans tous les cas, il est supposé implicitement que les conditions de faisabilité relatives à la création d'entreprise peuvent être identifiées de la même manière, quel que soit l'environ-nement socio-économique. L'entrepreneur est considéré alors comme un porteur de projet qui déploie son activité dans les contextes variés d'un same level playing field, retrouvant ainsi la représentation d'une évolution homogène et linéaire, telle qu'elle apparaît de manière récurrente dans la tradition économique.

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Or pour comprendre les difficultés liées à l'endogé-néisation de la norme mondiale, il faut tenter d'évaluer le degré d'appropriation et de déformation des structures indus-trielles locales. On montrera alors, comme le souligne Hum-bert (2000) "(qu') il ne suffit pas de reproduire une structure, il faut savoir la faire vivre, évoluer et peut-être tout d'abord l'habiter", afin d'en saisir le fonctionnement. Ainsi, l'entre-preneur "habite" des structures industrielles hétérogènes, dont le fonctionnement se prête dans des conditions très va-riables à un infléchissement vers la tendance mondiale. En ce sens, la discussion de l'article de Leibenstein par Hagen (1968) apparaît instructive : "Gap-filling signifie remplir un espace entre deux structures, objets ou quantités déterminés et implique que la nature de la structure qui comblera l'espa-ce est prédéfinie. Input completion implique que les inputs, même sous une forme encore imprécise, sont néanmoins déjà présents. L'usage de ces termes peut donner l'impression qu'il existe un ensemble virtuel d'arrangements que l'entre-preneur dans un pays à faible revenu n'a pas besoin d'in-venter, mais simplement de découvrir ou d'actualiser".

L'argumentation, contextualisée pour les besoins de la discussion dans le champ d'application choisi par Leibenstein, est évidemment généralisable. Ainsi, dans une perspective d'économie locale, les héritages des évolutions passées et l'inégalité des potentiels de croissance déterminent le degré de faisabilité des projets entrepreneuriaux. L'absen-ce ou la rareté relative de ressources factorielles, l'intégration faible des appareils productifs locaux, les insuffisances du cadre institutionnel, ou encore, les phénomènes de "dépen-dance de sentier" (path dependancy), de lock in techno-logique ou géographique, les routines organisationnelles, etc. constituent autant de facteurs d'asymétries ou d'irréversi-bilités qui s'opposent à la fonction d'endogénéisation, comme le souligne à sa manière Baumol (1993) lorsqu'il évoque les implications inégales de la dissémination internationale de la technologie. On peut donc en déduire que les caractéristiques de l'appareil technico-industriel territorialisé influencent le comportement des entrepreneurs et conditionnent en retour leur aptitude à peser sur l'adéquation entre la norme mondia-le et les trajectoires technologiques locales.

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La fonction de médiation technologique exercée par l'entrepreneur n'est certes pas nouvelle, comme le montrent notamment les travaux de Hugh Aitken sur les origines de la radio, qui soulignent bien l'importance du rôle de traducteurs joué par des individus ou des institutions qui assurent le transfert et la conversion des flux d'informations entre les trois ordres systémiques, la science, la technique et l'écono-mie. Comme le fait remarquer l'historien américain, ces traducteurs "décodent les informations d'un système donné et les transforment en données utilisables dans un autre systè-me" (Aitken, 1985, trad. 1993), s'affirmant ainsi d'un point de vue historique comme les véritables acteurs du chan-gement technique.

Mais le rôle de l'entrepreneur technologue apparaît plus nettement encore, avec la transformation des rapports entre la science et la technique qui confère désormais à cette dernière une influence déterminante (voir supra). Dans cette perspective, il importe de souligner la valeur heuristique des travaux cherchant à mettre en relief le statut du chercheur-entrepreneur, tel que le définissent Quéré et Ravix (1997), à partir des propositions de Popper et de Hayek. Ces auteurs tentent de fonder une médiation entre science et industrie dans une perspective néo-institutionnaliste ; une médiation qui devient alors "une coordination institutionnelle assurée par le processus de découverte qui doit donc se nourrir de l'homologie entre le savoir économique et le savoir scien-tifique", pour donner naissance au chercheur-entrepreneur, considéré comme une forme institutionnelle hybride de la science et de l'industrie.

Cette interprétation peut être complétée par les approches qui mettent l'accent sur le caractère indissociable de la technique et de l'industrie, en dépit de la séparation analyti-que dont ces deux champs d'investigation ont fait l'objet dans la théorie économique. Rappelant la définition de Gilles selon laquelle un complexe technique constitue un ensemble de techniques affluentes dont la combinaison se traduit par une opération technique déterminée, Humbert (1990) fait observer ainsi que "c'est à l'occasion de leur mise en œuvre par l'industrie que les complexes techniques interagissent, en particulier via les industries, et peuvent faire émerger un véritable système". De ce point de vue, sur un plan méthodo-logique, la fonction de médiation ou d'endogénéisation technologique exercée par l'entrepreneur constitue une véri-table "individuation technique", au sens

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de Simondon (1989a), et plus précisément encore une "individuation en progrès" ou une "transduction", définie comme une opéra-tion par laquelle "une activité se propage de proche en proche à l'intérieur d'un domaine, en fondant cette propa-gation sur une structuration du domaine opérée de place en place : chaque région de structure constituée sert à la région suivante de principe de constitution, si bien qu'une modifica-tion s'étend ainsi progressivement en même temps que cette opération structurante". La médiation technologique s'affir-me donc comme un potentiel de création de formes technico-industrielles nouvelles susceptible d'être démultiplié par les dynamiques de proximité propres aux agencements socio-économiques situés.

LA FONCTION D'ENDOGÉNÉISATION CULTURELLE Le second type d'obstacle à l'endogénéisation technolo-

gique réside dans les tensions possibles entre, d'un côté, les formes d'organisation des appareils technico-industriels, leur finalité et les exigences qui découlent de leur fonctionne-ment, et de l'autre, les valeurs et les normes sociales qui instituent la communauté à l'intérieur du système sociétal. De ce point de vue, la convergence des normes techniques et des normes sociales conditionne dans une large mesure la crédibilité des projets entrepreneuriaux et la légitimité des efforts déployés par les institutions de soutien pour accompagner ces projets. La référence n'est plus seulement le SIM en tant que producteur de références technico-industrielles territorialisées, mais également les vecteurs culturels qui se constituent localement, innervent les systè-mes sociétaux et animent les représentations collectives. Sur le plan méthodologique, on retrouve ici les catégories mises en avant par Max Weber dans son approche des théories de l'action, dont participent singulièrement les actes d'innover et d'entreprendre (Polin, 1952 ; Raynaud, 1987).

A travers la conception, la firme ou le réseau de firmes diffuse des turbulences en matière d'organisation et, par extension, peut déranger, désorganiser et déstabiliser certai-nes institutions de la communauté. A l'inverse, comme l'a montré notamment Commons (1924 et 1934), lorsque des habitudes et des routines se généralisent et deviennent com-

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munes à des groupes d'individus, ces institutions induisent des régularités de comportements sociaux. Il s'agit des nor-mes culturelles, des coutumes, traditions, règles et lois qui peuvent être formelles ou informelles, explicites ou impli-cites. "Leur trait commun est qu'elles régulent les rapports entre les individus et la collectivité. (...) Une des caracté-ristiques importantes des régularités de comportement est qu'elles constituent un outil d'information qui permet de ré-duire les formes d'incertitude. De cette façon, les institutions rendent les différents types d'actions des divers agents plus prévisibles" (Johnson, 1992). Mais la communauté et l'orga-nisation ne poursuivent pas les mêmes buts, elles ne sont pas attachées aux mêmes objectifs ; de telle sorte que, comme le note Drucker (1993), "l'organisation moderne doit se situer au sein de la communauté mais ne peut pas lui appartenir (...) ainsi, l'organisation ne peut pas s'immerger dans la communauté ni subordonner ses objectifs à ceux de la communauté". Néanmoins, des interactions objectives existent, d'autant que l'intensité des rapports entre l'organi-sation et la communauté conditionne pour une part la diffu-sion des connaissances tacites. Ce phénomène est amplement vérifié dans le cas des agencements socio-économiques situés (Desrochers, 2001), même si sa portée doit être relativisée en fonction des typologies d'entreprises, avec les comportements de défection, l'exit au sens de Hirschman (1986), qui caractérisent les choix de localisation des "firmes nomades" (Zimmermann, 1995) et qui contribuent à remettre en cause les fondements de l'ancrage territorial et donc les rapports entre l'organisation et la communauté.

C'est pourquoi, comme l'observe Whitley (1992), une rationalité économique unique est inadéquate pour expliquer le développement de structures managériales efficaces dans les différentes économies. Il est nécessaire de dépasser la conception selon laquelle la procédure de prise de décision serait une attitude individuelle isolée et d'admettre que les structures sociales jouent un rôle dominant dans celle-ci. Sachant que chaque culture, chaque communauté est un tout, lorsque de nouvelles valeurs, dont les vecteurs sont l'inno-vation et le changement technique, sont introduites dans une société, alors les éléments compatibles avec les valeurs traditionnelles seront aisément intégrés par celle-ci. En revanche, les inévitables éléments incompatibles rencontre-ront des résistances et subiront un délai beaucoup plus long,

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intergénérationnel, avant d'être le cas échéant acceptés. On rejoint ici l'interprétation de Drucker (ibid.), selon laquelle "la société, la communauté et la famille sont toutes des insti-tutions conservatrices (...) mais l'organisation moderne est un instrument de déstabilisation (destabilizer) en bref, elle doit être organisée pour faire face au changement permanent".

L'endogénéisation des contraintes de reproduction des finalités technico-industrielles dépend donc d'une co-intégra-tion des normes techniques et des valeurs sociales au sein des communautés situées. Cette co-intégration s'appuie à son tour sur des formes d'organisation et des cadres institution-nels structurants. Elle suppose une représentation commune des conditions de fonctionnement des industries, qui puisse jouer le rôle d'un système de valeurs partagées. Une repré-sentation commune qui va s'incarner dans la culture techni-que, facteur de concrétisation des objets techniques, pour reprendre le sens de l'interprétation de Simondon (1989b), dont on peut trouver l'expression dans "l'atmosphère indus-trielle" chère à Marshall mais également dans la vision, que Schumpeter considérait comme la qualité dominante de l'entrepreneur-innovateur.

La culture technique suppose des formes de mimétisme et un milieu ouvert à cette culture. L'existence d'un milieu pro-fessionnel, propice à la constitution de réseaux et à l'accu-mulation d'expertise, en est le garant, ainsi que Marshall l'avait déjà montré dans ses travaux pionniers sur les phéno-mènes d'agglomération industrielle. Le degré de diffusion de la culture technique parmi les entrepreneurs est fonction, en premier lieu, des effets d'apprentissage interne générés par les interdépendances entre les acteurs du réseau, avec "la for-mation d'anticipations convergentes", "l'adhésion à un systè-me de représentations collectives", "la capacité des agents à développer des projets communs, à projeter une vision com-mune de l'avenir", autant de facteurs qui renforcent l'ancrage territorial des entrepreneurs, à travers "la crédibilité et la confiance que les agents économiques portent au milieu local" (Lecoq, 1995).

Mais la constitution de la culture technique comme médiation entre les entrepreneurs à l'intérieur du réseau, et entre le réseau et le système sociétal, est également condi-tionnée par les effets d'apprentissage externe mobilisés sous l'influence conjointe de l'environnement scientifique et tech-nique et des autres institutions de soutien. Si l'activité des

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entrepreneurs peut être appréhendée "[comme le fruit] d'une combinaison d'activités de captage [qui] permettent aux acteurs d'identifier les transformations qui interviennent dans l'environnement, d'incubation [qui] consistent en l'utilisation créatrice et en la recombinaison de ces développements par les acteurs du milieu, et de diffusion [qui] concourent à l'essaimage dans l'ensemble du milieu des éléments nou-veaux", pour reprendre les termes employés par Maillat (1995) à propos des milieux innovateurs, l'accompagnement institutionnel joue un rôle important dans ces trois phases, notamment par le renforcement des relations entre la science, la technique et l'industrie et par l'intensification de la circu-lation des informations à l'intérieur du réseau, favorisant l'intercommunication entrepreneuriale (Julien, Marchesnay, 1996).

L'endogénéisation de la composante technologique mon-

diale dans la dynamique d'une économie locale doit donc s'accompagner de la diffusion d'une culture technique susceptible de renforcer le capital relationnel des entre-preneurs. En retour, l'intégration de la composante terri-toriale dans la dynamique industrielle traduit l'aptitude de l'économie locale à s'appuyer sur l'adéquation des normes technologiques et culturelles pour substituer des ressources spécifiques aux ressources génériques. En apparaissant lui-même comme une ressource spécifique, à l'origine d'avan-tages comparatifs construits dans le temps, le territoire éco-nomique local offre des garanties appréciables face aux risques de toute nature liés à la réalisation des projets entrepreneuriaux.

En favorisant l'adaptation des composantes technologique et culturelle territorialisées, les institutions publiques et privées de soutien jouent un rôle important dans la réduction de l'incertitude qui pèse sur les décisions des porteurs de projets. Dans cette perspective, la nature de l'articulation entre les politiques de développement local et la dynamique des réseaux d'entrepreneurs doit être à la fois proactive et réactive : faciliter la révélation des anticipations sur les opportunités et les contraintes induites à l'occasion des transformations de la composante technico-industrielle mon-diale et multiplier les incitations propres à susciter les formes adéquates d'apprentissage collectif, tout en veillant à ce que la localisation d'activités nouvelles puisse être

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connectée aux synergies existantes ou participe à en créer de nouvelles.

Sur un plan méthodologique, les fonctions de médiation ou d'endogénéisation technologique et culturelle, par les-quelles s'affirme le rôle de la culture technique, révèlent le rôle de l'entrepreneur technologue comme vecteur de la concrétisation de l'objet technique au sein des agencements socio-économiques situés. Cette opération de transduction, d'individuation en progrès, pour reprendre les termes de l'auteur de Du mode d'existence des objets techniques, s'affirme également comme un résultat de la perception, conçue comme l'un des fondements de la constitution des organisations : "Percevoir, c'est, comme le dit Norbert Wiener, lutter contre l'entropie d'un système, c'est organiser, maintenir ou inventer une organisation… [la perception] est l'acte qui organise des touts" (Simondon, 1989b). Outre le fait que cette intuition permet de réconcilier les déclinaisons successives des approches schumpétérienne et autrichienne de l'entrepreneur, ainsi qu'y invitent dans le même sens une contribution récente de Kirzner (1999) et les commentaires qu'elle a suscités (Fu-Lai Yu, 2001), elle conduit également à fonder le statut de l'entrepreneur technologue comme un facteur multiplicateur d'externalités de proximité, propre à stimuler la diffusion des innovations technologiques et orga-nisationnelles et à améliorer ainsi, pour reprendre une expression de Maillat (1995), les avantages comparatifs de milieux. Dans l'opération d'individuation technique, ces phé-nomènes apparaissent éminemment favorables au resser-rement des solidarités construites localement, entre les orga-nisations et les communautés territorialisées, traduisant ainsi ce que Zimmermann (1995) a appelé "un apprentissage col-lectif fondé sur la co-production de ressources", "une construction commune", celle d'une communauté de destin entre les firmes et le territoire.

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