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1
L’Institut Dauphine d’Ostéopathie
en partenariat avec le
Federal European Register of Osteopaths
Promotion 2014
MEMOIRE n°36
présenté et soutenu publiquement le ……………………… à Paris par
M/Mlle GREZILLIER Mickaël, né(e) le 10/03/1990 à Paris 14e
Pour l’obtention du
DIPLÔME d’OSTÉOPATHE (D.O.)
Titre
L’influence de L’évolution médicale sur la pratique ostéopathique, de 1874 à nos jours
Membres du jury :
Président :
Assesseurs :
Directeur du mémoire :
2
Sommaire
Introduction…………………………………………………………………………………4
I-Deux disciplines à l’émergence comparable…………………………………………….6
1- Naissance de la médecine………………………………………………………..6
a. Hippocrate, père fondateur de la médecine occidentale…………………..6
b. Médecine et religion : le choc de visions contradictoires………………….7
c. La renaissance et les lumières : séparation de la science et du divin…….8
d. L’hégémonie actuelle………………………………………………………...9
2- La très jeune ostéopathie………………………………………………………..10
a. 1874 : A.T. STILL pose les fondements de l’ostéopathie…………………10
b. Des débuts prolifiques……………………………………………………....12
1. L’exportation…………………………………………………………....12
2. Les débuts en France…………………………………………………...13
c. Loi du 4 mars 2002 : la loi se penche sur l’ostéopathie…………………..14
1. Pourquoi tout ce temps ?.......................................................................14
2. Les interdictions………………………………………………………...15
d. Des difficultés similaires……………………………………………………17
II- Les apports de professions aux modes d’action différents………………………….18
1- La technologie médicale……………………………………………………….18
a. L’imagerie, une fenêtre sur le corps humain……………………………18
b. Les tests orthopédiques et médicaux : leur intérêt en ostéopathie……..20
c. Une connaissance des sciences fondamentales toujours plus fine……...22
2- Les différentes facettes de l’ostéopathie……………………………………...23
a. Les techniques structurelles : leur principe, les faits…………………...23
b. Les techniques tissulaires, ou « fonctionnelles »………………………...25
III- Une interrelation possible ?........................................................................................26
1- L’enseignement de la médecine au service de l’ostéopathie……………….26
a. Une profession de première intention…………………………………...26
b. Après l’anamnèse…………………………………………………………27
2- L’ostéopathie comme alternative face aux échecs de la médecine………...28
3
a. Une approche plus globale du soma………………………………………28
b. L’ostéopathie psychosomatique…………………………………………...29
3- La recherche ostéopathique…………………………………………………...30
a. De nouvelles indications…………………………………………………...30
b. La recherche sous assistance médicale…………………………………...32
IV- Quel avenir pour l’ostéopathie ?..................................................................................32
1- Sa place au sein du système de santé………………………………………….32
a. Un problème récurrent : le statut de la profession………………………32
b. L’exemple des Etats-Unis…………………………………………………..34
2- Une médecine du futur ?....................................................................................34
a. Trop jeune pour être jugée………………………………………………...34
b. Et trop bien installée pour être évincée…………………………………...36
Conclusion…………………………………………………………………………………..37
Bibliographie………………………………………………………………………………..39
Résumé………………………………………………………………………………………40
4
Introduction
Sœurs, cousines, ou encore mère et fille, médecine et ostéopathie sont deux
disciplines intimement liées.
Si la première a vu le jour dans le courant du 4e siècle av. JC, il aura fallu attendre
1874 pour que la seconde, forte d’une riche connaissance médicale, tant pratique que
théorique, ne commence à se développer.
Ainsi, l’ostéopathie a pu profiter de bases solides apportées par la médecine afin d’y
ajouter, et de développer, sa propre philosophie du soin.
Lorsque nous évoquons ces bases, nous entendons bien évidemment les sciences
fondamentales que sont l’anatomie et la physiologie, nécessaire à la compréhension du corps
dans son état de bon fonctionnement, en complément desquelles nous retrouvons une
connaissance accrue des signes manifestés par l’organisme pathologique, à savoir la
sémiologie médicale.
Bien que l’ostéopathie ne puisse pas prétendre traiter les mêmes maux que la
médecine traditionnelle, il est aujourd’hui impossible de concevoir une consultation
ostéopathique amputée d’une anamnèse médicale complète et précise. Ceci bien entendu dans
le but d’épargner plus de souffrances à nos patients que celles qu’ils endurent déjà.
Par conséquent, il a été défini un champ ostéopathique, répertoire des situations dans
lesquelles une intervention purement manuelle est pertinente, tandis que sont apparues des
contre-indications à ce type de pratique.
L’établissement de ce champ ostéopathique n’a pas été rendu possible uniquement par
le développement de la théorie médicale. L’ostéopathe, dans sa pratique quotidienne, s’aide
également des innovations techniques les plus récentes. Nous penserons bien évidemment en
premier lieu à l’essor des outils d’imagerie, véritables fenêtres ouvertes sur le corps de nos
patients, et qui nous sont d’une aide inestimable dans l’orientation de notre diagnostic, et par
extension de notre potentiel traitement.
Ces techniques sont le fruit de siècles de recherches, menées par quantité d’experts en
médecine, physique, ou encore chimie.
L’objet de ce mémoire sera d’étudier l’influence qu’ont pu avoir les évolutions de la
médecine dans la pratique ostéopathique, en se penchant aussi bien sur les atouts que sur les
freins que cela a pu engendrer.
5
En effet, si la médecine peut apparaitre aux yeux de l’ostéopathe comme un guide, il
semble pertinent de s’interroger aujourd’hui sur le statut actuel de notre profession.
Les décrets visant à limiter notre pratique, les contre-indications diverses et variées
dont nous faisons l’objet, sans oublier sa reconnaissance relativement récente, à savoir depuis
2002, sont autant de facteurs qui peuvent nous faire douter de l’épanouissement complet de
l’ostéopathie française.
Au premier rang de ces contre-indications, nous pouvons citer celles concernant, en
absence d’un certificat médical, les manipulations cervicales, ainsi que la prise en charge des
femmes enceintes et des nourrissons de moins de six mois. Une aberration pour bon nombre
d’entre nous, tant les preuves de notre efficacité sur ces deux dernières catégories de patients
sont nombreuses.
Nous commencerons donc par retracer succinctement l’histoire de ces deux
disciplines afin de les mettre en lien. Car si la médecine occidentale s’est indubitablement
hissée au rang de thérapie maitresse, au moins au sein de nos sociétés occidentales, cela ne
s’est pas fait sans un certains nombres d’obstacles, à l’instar de l’ostéopathie.
Suite à cela, nous aborderons les progrès tant médicaux qu’ostéopathique qui ont
conduit à leurs situations actuelles, et l’inter relation née de ces progrès, avant de nous
intéresser plus en détail aux impasses que rencontre l’ostéopathie aujourd’hui, et les leviers
qui sont à sa disposition pour les contrer.
Pour finir, notre réflexion se portera sur l’avenir de cette discipline qui a encore tant à
prouver.
6
I- Deux disciplines à l’émergence comparable.
1- Naissance de la médecine.
a. Hippocrate, père fondateur de la médecine occidentale.
L’histoire de la médecine débute au 5e siècle av. JC. Développée par Hippocrate, dont
le serment est aujourd’hui encore prêté par les médecins lors de leur soutenance de thèse, elle
correspond à la volonté de chasser une hypothétique implication divine dans la pathologie, et
de se pencher sur l’observation des symptômes afin d’en déterminer les causes.
Présenté comme un véritable clinicien, en opposition à ceux qu’il décrit comme des
« mages et des charlatans », Hippocrate s’érige ainsi comme le porte-étendard d’une
médecine plus moderne, plus rationnelle, et par conséquent plus apte à évoluer.
Si la connaissance de l’anatomo-physiologie lui fait encore défaut, il développe
néanmoins sa célèbre théorie des humeurs qui, au nombre de quatre, seraient les principaux
constituant du corps :
- le sang, en provenance du foie et véhiculant la chaleur ;
- en opposition à la pituite cérébrale porteuse du froid ;
- venant du foie également la bile est l’humeur sèche
- contrairement à l’atrabile humide transitant entre les surrénales et l’estomac.
Si l’exactitude de cette théorie reste discutable, force est de constater qu’à une
époque où l’on expliquait la plupart des maux à l’aide de la religion, Hippocrate fit partie de
ceux qui avaient pressenti l’importance d’une connaissance des sciences fondamentales dans
la prise en charge des malades.
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b. Médecine et religion : le choc de visions contradictoires.
Malgré le progressisme d’Hippocrate et de certains de ses successeurs, la médecine
restera pendant plusieurs siècles entre les mains de la religion, dont les prêtres de la période
byzantine disposent, en plus de leurs connaissances théologiques et philosophiques, d’un
savoir scientifique et médical les plaçant en position de prodiguer des soins. Il n’est alors pas
rare de voir les malades implorer Dieu ou encore Jésus de leur accorder la guérison à leurs
maux.
De cette époque néanmoins, peu de textes rapporteront de réels heurts entre la
médecine telle que la rêvait Hippocrate et celle dispensée par le Clergé, ceci s’expliquant
peut-être par la laïcité de l’enseignement des sciences de la nature.
C’est plus tard, lorsque la Bible sera diffusée à travers le monde, et avec elle
l’enseignement de l’histoire du peuple hébreu, que la vision portée sur les souffrances de
l’Humain va prendre une tournure radicalement différente. L’Homme est présenté comme une
simple créature de Dieu, et ne peut en enfreindre la loi.
Ainsi, toute souffrance infligée à l’Homme est l’œuvre du divin, et le concept de
maladie-punition se répand (notons qu’il n’est pas rare aujourd’hui encore de voir certains
religieux attribuer la maladie à un quelconque jugement divin).
Finalement, à l’encontre d’un courant rationnel de pensée scientifique, chaque aspect
de la vie se retrouve codifié selon une logique simple binaire implacable : est-ce pur ou
impure ? Cela vaudra pour les excrétions humaines quelles qu’elles soient, l’alimentation
(porc…) ou encore l’activité sexuelle de chacun.
Néanmoins, l’émigration de nombreuses communautés juives à travers le monde
amènera par la suite certains d’entre eux à se tourner, non sans se détacher de leur foi initiale,
vers des courants de pensée plus proches de ce qui constitue la médecine occidentale,
détachée des croyances passées.
Au 6e siècle, Assaph de Tibériade reprendra la vision hippocratique. Il s’intéressera
aux systèmes circulatoire, urinaire et digestif, et participera à l’élaboration d’un vocabulaire
hébreu propre à retranscrire les termes savants désignant les notions anatomo-physiologiques
détenues par les grecs.
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Autre fait marquant : il s’interrogera sur la possibilité de suivre un cheminement de
pensée fondé sur la raison pour comprendre les affections dont souffre le corps humain, tout
en acceptant l’enseignement des textes sacrés, tendant ainsi vers l’unification de ces deux
visions que tout semble opposer.
Au 10e siècle, Avicenne s’érigera en un grand nom de la médecine, grâce
notamment à son canon de la médecine, sorte d’encyclopédie de toutes les pathologies
connues. L’étendue de ses connaissances sera louée pendant des siècles, tant elles auront
contribué à l’évolution du savoir médical.
Mais derrière le savant, on retrouve encore une pensée guidée par des croyances
philosophiques inadéquates, comme la date des saignées réglée par le mouvement des astres.
C’est au 10e siècle également que l’obtention d’un examen préalable à l’exercice de
la médecine sera rendu obligatoire, parallèlement au développement de structures de plus en
plus adaptées à la mise en œuvre de soins performants.
Puis au 11e siècle se profilera l’initiation d’un changement majeur dans
l’enseignement de la médecine : l’école de Salerne ne proposera qu’un apprentissage de la
médecine, débarrassé de toute croyance non désirée, dispensé par des médecins laïcs et non
des religieux.
Mais ce phénomène finira par perdre son élan et l’Eglise gardera la main mise sur la
médecine pendant encore plusieurs siècles.
c. La renaissance et les lumières : la séparation de la science et du divin.
Les découvertes effectuées à partir du 15e et du 16
e siècle vont rapidement
contribuer à la remise en question des fondements philosophiques et religieux caractérisant
L’Homme à cette époque. L’Italie verra naitre en son sein la Renaissance, qui ne tardera pas à
se répandre aux pays voisins, et notamment la France.
C’est à cette époque que l’approche du corps humain commence à évoluer. D’une
part sur le plan de l’art propre au mouvement en marche, les représentations du nu se
détachent de la vision dogmatique instaurée par la religion et se font plus libre. D’autre part,
sur le plan scientifique, les érudits commencent à étudier plus précisément la composition de
ce corps. On commence alors à voir les dissections se réglementer, aboutissant à une
9
connaissance et une description de plus en plus fines de l’anatomie, qui aujourd’hui est si
chère aux médecins (mais également aux ostéopathes…).
L’un des grands noms de la révolution de cette science est sans aucun doute Vésale,
qui surpassera largement l’œuvre de ses prédécesseurs par la rationalité de ses représentations.
Néanmoins, le 16e siècle ne sera que l’initiation de ce qui aboutira, au siècle suivant,
à une vraie scission entre traditions ésotériques et renouveau fondé sur la rationalité.
Les découvertes scientifiques réalisées au 17e siècle sont considérables, aussi bien en
médecine qu’en physique, mathématiques ou encore astronomie. Le développement
d’appareils tels que le microscope offre la possibilité de baser des déductions directement sur
l’observation de différents phénomènes, et ainsi de réfuter des « vérités » souvent hasardeuses
posées dans les siècles précédents.
Ainsi la médecine peut enfin commencer à s’affranchir du pouvoir religieux et fonder
sa logique sur des données mesurables.
Les évolutions ultérieures, basées sur l’observation et l’expérimentation, conduiront
petit à petit à l’établissement de la médecine telle que nous la connaissons aujourd’hui.
d. L’hégémonie actuelle.
Malgré les difficultés qu’elle a pu rencontrer au fil des siècles, la médecine
occidentale a réussi aujourd’hui à se détacher les croissances qui freinaient son évolution pour
s’imposer mondialement, du moins dans nos sociétés occidentales, qui ont facilité pour bon
nombre d’entre elles l’accès aux soins des citoyens avec le développement dans les années 50
de régimes de protection sociale.
Des pathologies encore incomprises et incurables au siècle dernier sont
aujourd’hui traitées avec la plus grande facilité sous quelques jours.
Chaque mois apporte son lot de découvertes, de nouveaux axes de recherche,
s’appuyant sur des technologies toujours plus performantes issues des sciences les plus fines,
prolongeant ainsi la logique initiée par l’époque des lumières.
Aujourd’hui, la médecine est à la fois au cœur et au sommet de l’ensemble du
système de santé occidental, ayant su cadrer parfaitement ses axes de traitements et s’entourer
de disciplines complémentaires précieuses pour une prise en charge toujours plus complète de
ses patients.
Et pourtant le maintien du progrès est plus que jamais nécessaire. Les affections
d’autrefois ne sont maintenues à distance que par le respect des politiques d’hygiène mises en
10
place au sein de nos sociétés. L’effondrement de ces politiques peut rapidement conduire à un
désastre sanitaire majeur, comme cela aurait pu être récemment le cas de la grippe aviaire.
De plus, la place laissée vacante par la « disparition » de ces pathologies semble
être petit à petit comblée par celles qui sont aujourd’hui le reflet de notre mode de vie
industrialisé : les cancers, dont l’incidence n’a jamais été aussi forte pour certains (bien qu’en
régression pour d’autres) sont aujourd’hui l’un des enjeux majeurs de la recherche médicale.
1- La très jeune ostéopathie.
a. 1874 : Andrew Taylor Still pose les fondements de l’ostéopathie.
Fils d’un prêcheur et médecin itinérant, Still nait en 1828 en Virginie. Il suit la voix
de son père et l’aide dans les soins qu’il prodigue aux indiens Shawnees, qui lui transmettront
leur médecine naturelle basée en grande partie sur l’utilisation de plantes, et qui apparait aux
yeux de Still aussi efficace que la médecine traditionnelle de l’époque.
Cette dernière est du reste encore fortement lacunaire. En effet la « médecine
héroïque » de Benjamin Rush partait du postulat que la fièvre provoquait la maladie en
augmentant la tension artérielle. L’un des traitements les plus utilisés était ainsi la saignée,
particulièrement éprouvante pour le patient, et dont les effets étaient très souvent discutables.
Néanmoins, il intègre l’une des écoles de médecine accessibles à l’époque mais ne
terminera pas son cursus.
Dans les années 1850 et dans un contexte de conflit entre pro et anti-esclavagistes,
Still s’enrichira du savoir des nombreux colons du Nord-Est des Etats-Unis, grâce auxquels il
s’ouvrira à des courants scientifiques et philosophiques progressistes.
Puis, il sera médecin aux armées lors de la guerre de sécession, durant laquelle les
pertes humaines non imputables aux combats mais aux conditions d’hygiènes ainsi qu’à la
pauvreté médicale de l’époque, lui inspirerons un sentiment d’impuissance à soulager ses
semblables, et l’envie de travailler à la découverte d’une nouvelle perspective de soin.
11
Mais le véritable tournant de la vie de Still s’effectua en 1864 lorsqu’il perdit 3 dans
l’épidémie de méningite qui sévit cette année-là.
Dès lors, Still sera plus que jamais déterminé à développer une méthode de médecine
différente, et sa rancœur à l’égard de la médecine ne fera que croitre.
Baignant dans les influences du méthodisme, de la phrénologie, du darwinisme, mais
aussi du spiritualisme, Still verra naitre dans son esprit l’intuition d’un courant thérapeutique
nouveau, et c’est ainsi que le 22 juin 1874, naquit l’ostéopathie, qu’il qualifiera de « science
d’un grand bienfait pour le monde ».
Cette science, il la décrit selon trois principes fondamentaux :
-La globalité : l’Homme est un tout dans l’espace et dans le temps. Ainsi l’ostéopathie ne
saurait se limiter à une la simple zone du corps en souffrance, mais recherche les causes de
cette souffrance dans l’ensemble de l’organisme.
-L’interrelation entre la structure et la fonction : ou l’intime intrication entre anatomie et
physiologie.
Pour Still, un défaut dans la configuration d’une structure anatomique ne permet pas son bon
fonctionnement. Et à l’inverse, un dysfonctionnement dans la physiologie de la structure est à
même de perturber sa structure.
-L’homéostasie : qui correspond à la capacité d’autorégulation du corps.
Largement étudiée par Claude Bernard avant Still, ce principe veut que la physiologie du
corps tend vers l’équilibre et la santé.
Ainsi, le corps a à sa disposition tous les éléments qui lui permettent de se tenir en vie, les
différents éléments (neurotransmetteurs, hormones, enzymes…) présents s’apparentant aux
médicaments que l’on retrouverait dans une pharmacie.
Ces trois grands principes, lorsqu’ils sont mis en relation, permette de comprendre
la logique de l’ostéopathie, celle-ci apparaissant alors comme un levier, un moyen de
redonner de la mobilité aux constituants du corps, afin que celui-ci laisse s’exprimer sa
capacité à s’auto réguler.
Partant de cette vision, l’extrapolation de l’utilité de l’ostéopathie dans toutes les
pathologies apparait très séduisante, et de là peut naitre la difficulté à établir un cadre de
compétence bien défini.
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A partir de 1874, Still se lance dans de nombreuses conférences avec la volonté de
transmettre son savoir et ses découvertes au plus grand nombre. Résolument opposé à la
médecine de l’époque et globalement d’apparence négligée, il lui faudra plusieurs années pour
parvenir à rallier des disciples à sa cause, et c’est seulement en 1892 que Still fondra
l’American School of Osteopathy à Kirksville.
Il détiendra alors le monopole de la formation en ostéopathie jusqu’en 1896.
b. Des débuts prolifiques
1. L’exportation.
A partir de 1896, le succès de l’ostéopathie est tel que treize collèges seront créés
en seulement trois ans, rendant le contrôle sur le futur de sa profession impossible pour Still,
qui doit de plus faire face à des clivages au sein même de l’ASO.
En effet, Still compte parmi ses professeurs trois médecins écossais, à savoir
William Smith, John Martin et James Littlejohn (ces deux derniers étant frères).
De par leur enseignement médical, un conflit d’idées va s’établir entre eux, qui
souhaitent baser l’apprentissage de l’ostéopathie sur une connaissance pointue de la
physiologie ainsi que des sciences médicales en développement, et Still, qui lui privilégiera
l’anatomie, et dont la crainte est de voir sa découverte dénaturée par l’intégration dans son
cursus d’une médecine qui lui avait autrefois fait défaut. En témoigne son dernier message à
la profession :
« Keep it pure boys, keep it pure » (gardez-la pure, garçons, gardez-
la pure)
Actuellement il est assez difficile de se procurer des documents attestant de la
pratique de Still. Néanmoins il semblerait que celle-ci était résolument tournée vers les
techniques tissulaires plus que structurelles, avec cette notion d’une recherche de la position
de confort.
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De plus, beaucoup de mythes planent sur les capacités réelles de Still. En effet, celui
prétendait avoir permis à des enfants atteint de dysenterie d’en guérir. Or les pathologies
infectieuses ne font aujourd’hui pas partie du champ de compétence de l’ostéopathe.
Ce conflit mènera au départ de John Martin Littlejohn, qui fondra la Bristish School
of Osteopathy à Londres en 1915, important ainsi l’ostéopathie en Europe, et lui donnera les
techniques de Traitement Ostéopathique Général (TOG).
En 1900, Un élève de Still saura se démarquer des autres lorsqu’il aura l’intuition
d’un mouvement possible en observant un crâne éclaté présent à l’ASO. Cet élève, c’est
William Garner Sutherland, et il compara les différentes formes de sutures à celles présentes
en mécanique du temps où il travaillait dans l’imprimerie, notamment l’écaille de l’os
temporal « biseautée comme les ouïes d’un poisson. »
L’ostéopathie sera par la suite reprise par Harold Magoun qui fut accusé d’en
dénaturer la philosophie de base pour plaire à un public plus large.
2. Les débuts en France.
Pour ce qui est de la France, il faudra attendre 1949 pour que le docteur Robert
Lavezarri ne publie un ouvrage intitulé Une nouvelle méthode clinique et thérapeutique :
l’ostéopathie. Puis de fonder la Société Française d’Ostéopathie en 1950 avec des confrères
médecins.
Il est intéressant de noter le contraste entre l’hésitation actuelle de nombreux
médecins vis-à-vis de l’ostéopathie, et l’engouement qu’elle suscita dans le corps médical au
milieu du XXe siècle. Un engouement que l’on retrouve chez les kinésithérapeutes. L’un
d’entre eux, Paul Gény, fonde en 1957 l’Ecole Française d’Ostéopathie.
Dans les années qui suivent, des collèges ostéopathiques fleurissent partout en France,
et accueillent principalement des kinésithérapeutes désireux de perfectionner leur technicité
grâce à ce nouvel outil.
C’est ainsi que le nom de l’ostéopathie se diffuse petit à petit au sein des patients, qui
finissent malheureusement par amalgamer kinésithérapie et ostéopathie du fait du statut
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premier de leur thérapeute, et ce malgré que ces deux disciplines se distinguent nettement sur
le fond.
Le désir de faire de l’ostéopathie une profession indépendante, détachée de la
kinésithérapie, mènera à la création du Registre des Ostéopathes de France en 1981.
Cette année marque un tournant dans l’évolution de la profession. En effet les futurs
praticiens débutent alors leurs études avec le sentiment de tracer une voix encore inexplorée.
En contrepartie, l’ostéopathie affranchie de la kinésithérapie se voit tomber sous le
joug de l’ordre des médecins, et les années 80 apparaissent comme une période sombre pour
la profession compte tenu des nombreux praticiens condamnés à l’époque pour exercice
illégal de la médecine.
Le seul levier dont disposent alors les praticiens ostéopathes exclusifs pour prouver
leur utilité dans le domaine de la santé réside dans les retours de leurs patients.
Compte tenu du nombre toujours plus important de consultations chaque année, on
peut dire que la profession a su faire ses preuves, le public étant de plus en plus au courant de
la profession d’ostéopathe.
C’est ainsi que la nécessité de poser un cadre légal précis est apparue, pour se
concrétiser en 2002.
c. Loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé.
1. Pourquoi tout ce temps ?
Il s’agit de la première loi à reconnaitre l’ostéopathie et à autoriser son apprentissage
exclusif (en dehors de toute formation préalable de médecin ou kinésithérapeute)
Une victoire incomplète cependant. En effet, un effet majeur de cette loi a été la
multiplication à outrance des écoles d’ostéopathie. Or, en attendant les décrets d’application
apparus en 2007, ces écoles n’avaient pas de directives précises quant à l’exigence de la
formation. Aucun nombres d’heures obligatoires n’a été défini, et le flou a longtemps régner
sur le contenu exact des études.
15
Ainsi, les cinq années qui ont séparé le vote de la loi et la parution des décrets ont
vu naitre des ostéopathes dont la formation était plus ou moins valable, certaines écoles
délivrant le titre d’ostéopathe en trois ans lorsque d’autres en préconisaient six.
On peut facilement s’interroger sur le délai écoulé pour l’application de ces
décrets. En effet il apparait étrange que la législation sur une profession de santé, donc
relativement sensible, telle que l’ostéopathie n’ait pas été jugée plus urgente.
De plus, les décrets en eux-mêmes ont été vécus comme une déception pour bon
nombre de praticien, car jugé bâclés, incohérents et même réducteurs de la profession.
Certains mettent en avant d’éventuelles pressions exercées par des groupes
professionnels tels que les médecins ou les kinésithérapeutes, ceux-ci perdant alors
l’exclusivité sur le marché de la thérapie manuelle.
On peut également s’intéresser à la difficulté de légiférer sur une profession
relativement récente, dont le ministère ne saisit pas tous les aspects. Ceci, couplé au manque
d’études réelles sur le sujet (et ce malgré la reconnaissance croissante du grand public) peut
contribuer à expliquer l’aspect tardif d’un cadre précis sur l’ostéopathie.
2. Les interdictions.
Si les décrets nous ont offert le droit d’exercer l’ostéopathie en toute légalité, ils nous
ont également ôté celui de pratiquer certains actes sur nos patients.
Les trois interdictions majeures définies par ces décrets sont les suivantes :
- Aucune prise en charge de nourrisson de moins de six mois sans un certificat médical
d’absence de contre-indication à cette prise en charge. Et ceci malgré la preuve de
l’existence de techniques invasives sur les nourrissons, pour lesquels l’ostéopathie a
largement su prouver qu’elle était une méthode thérapeutique efficace. Sutherland
avançait pourtant que « là où la tige est penchée, l’arbre se tord », laissant sous-
entendre qu’une prise en charge quasi systématique des nourrissons dans les premiers
mois de vie serait un moyen d’éviter des problèmes (principalement d’ordre structurel)
bien installés par la suite. Pour autant, certains médecins sont conscients de l’apport de
16
notre pratique dans ce cas. Prenons l’exemple du Dr Chereau Lazdunski, pédiatre dont
le traitement de la douleur chez le nourrisson passe par des traitements
homéopathiques et/ou ostéopathiques
- Aucune manipulation vertébrale cervicale en l’absence de certificat. Le risque ici est
vasculaire, pour autant des rapports de mutuelles font état d’un taux de morbidité plus
important chez les praticiens exerçant l’ostéopathie en complément d’une formation
préalable que chez les praticiens exclusifs.
- Aucune prise en charge des femmes enceintes, pour autant les répercussions
mécaniques de la grossesse sont connues et bien traitées par l’ostéopathie. Pour cette
population de patient, une étude a notamment démontré qu’un traitement
ostéopathique permettait d’améliorer le flux sanguin (en particulier le retour veineux)
lors du troisième trimestre de la grossesse.
Ainsi les ostéopathes se sont-ils retrouvés reconnus aux yeux du ministère de la santé
comme une profession indépendante, mais néanmoins amputés d’une partie de leurs
possibilités thérapeutiques, dans la mesure où les médecins acceptant d’engager leur
responsabilité en délivrant un certificat de non contre-indication à la pratique de l’ostéopathie
restent l’exception.
Cette hésitation de la part du corps médical est bien le reflet du peu de crédit apporté
à notre pratique.
En analysant la situation des deux dernières années, deux explications majeures,
déjà évoquées précédemment, se détachent :
- L’absence d’études fiables et à long terme sur les effets réels de notre pratique. Il est
envisageable que les retours du grand public viennent contre balancer cet aspect (la
preuve par la pratique)
- Mais aussi, l’explosion du nombre de centres de formation à l’ostéopathie entre 2002
et 2007. Et il s’agit peut-être là de la plus grande lacune des décrets de 2007. En effet,
la France dispose à ce jour d’une cinquantaine d’écoles dédiées à l’ostéopathie, pour
ne prendre en compte que celles disposant d’un agrément répondant aux directives
imposées par les décrets. A titre de comparaison, la chiropratique, qui est notre plus
proche cousine, ne dispose que d’une école répartie en deux entités à Ivry-sur-Seine et
Toulouse. Et il s’avère que malgré une loi de base commune aux deux professions, les
17
chiropracteurs ont obtenus, par exemple, l’abrogation de l’article préconisant un
certificat médical préalable à toute manipulation cervicale.
Que faut-il en retenir ?
Surement que la multiplicité des formations à l’ostéopathie rend quasiment
impossible d’établir un cadre répondant aux attentes de chacun, la formation n’étant toujours
pas standardisée au niveau national.
d. Des difficultés similaires.
En retraçant succinctement l’histoire de la médecine puis de l’ostéopathie, il parait
intéressant d’établir un parallélisme entre leurs évolutions respectives. La médecine tout
d’abord, aura connu de nombreux siècles incertains, partagée entre une pensée religieuse bien
installée et la nécessité de s’en affranchir pour privilégier le progrès scientifique. Aujourd’hui
la foi religieuse reste une valeur forte dans nos sociétés. Prenons pour preuve les prières
adressées au chevet du patient malade, voir mourant, ou encore certaines guérisons qualifiées
de miraculeuses. Néanmoins l’implication de la foi dans la guérison ou l’accompagnement
des malades ne représente, de manière générale, pas un frein à la mise en œuvre d’une
thérapeutique adéquat.
Le cheminement de l’ostéopathie peut paraitre au moins en partie inverse : ayant
emprunté le savoir médical pour poser ses bases, elle y a incorporé une vision souvent jugée
moins rationnelle que celle que l’on retrouve dans la médecine occidentale classique,
influencée notamment par l’expérience de Still auprès des tribus indiennes parmi lesquelles il
a pratiqué.
Sans pour autant aller jusqu’à dire que la médecine a repris aujourd’hui le rôle de
« chaperon » joué par la religion à l’époque, appliqué à l’ostéopathie, il est aisé de
comprendre sa réticence vis-à-vis de l’installation d’une nouvelle discipline dont certains
versants, comme nous les étudierons par la suite, semblent aller à l’encontre des valeurs
scientifiques qu’elle a mis des siècles à établir.
18
II- Les apports de profession aux modes d’actions
différents.
Si elles suivent un schéma de prise en charge relativement proche dans le fond lors de
la recherche d’un diagnostic au service du traitement le plus adapté, médecine et
ostéopathie n’en partage pas pour autant la forme.
Imagerie, prise de sang, médication et autres pour la première,, palpation et
imposition des mains pour la seconde, chacune dispose d’un large panel de leviers pour
arriver à ses fins.
1- La technologie médicale.
Des saignées encore pratiquées lors de la création de l’ostéopathie, à la greffe de
pièces « osseuses » crâniennes élaborées par impression 3D d’aujourd’hui, il est fascinant de
constater la rapidité avec laquelle la médecine a perfectionné chaque aspect de sa pratique.
a. L’imagerie, une fenêtre sur le corps humain.
La connaissance de l’anatomie dans un contexte non pathologique, alliée dans un
premier temps au geste chirurgical, permettait de constater et de définir « sur place » une
éventuelle lésion de l’organisme.
Parmi tous les outils dont dispose actuellement, l’imagerie fait sans conteste partie
des plus importants. Nul besoin d’avoir systématiquement recours à l’incision pour observer
la pathologie, elle nous offre une image de la réalité anatomique de notre patient d’une part,
mais également de son altération.
La première à avoir été découverte est la radiographie. Issue des travaux, à la fin
du 19e siècle, de Pierre et Marie Curie, ainsi que de Wilhelm Conrad Roentgen, sur le
magnétisme et la radioactivité, elle est basée sur la production et l’émission de rayons X, qui
sont des ondes électro magnétiques à haute fréquence. Ils sont produits par un tube à rayons
X, encore appelé tube de Coolidge, du nom de son inventeur.
19
Les électrons à l’origine de ces rayons X sont bombardés à travers le corps humain
et vont ainsi traverser des tissus aux coefficients d’atténuation différents, en fonction de leur
densité. C’est ainsi qu’est créé le contraste de la radio.
D’un intérêt plus que limité pour l’étude des tissus mous, c’est principalement pour
visualiser le tissu osseux qu’elle est utilisée aujourd’hui.
Rapide, peu couteuse et peu ionisante, elle permet de se faire facilement une idée de
l’état d’une pièce osseuse. Utile pour la localisation d’une fracture, mais également de
l’arthrose ou encore de l’ostéoporose, elle est aujourd’hui l’examen clé pour l’étude du
squelette.
Néanmoins, il faudra attendre le début des années 1970 pour qu’émerge le scanner à
rayons X(ou tomodensitomètre), afin de combler au moins en partie les lacunes de la
radiologie standard. En effet les clichés produits ne sont que la superposition de différents
milieux et la perte d’informations est trop importante.
Le but du scanner est d’optimiser les informations morphologiques d’une part, par
la production de coupes de plus en plus fines et nombreuses, et de densité d’autre part, par la
création d’un système de mesure spécifique, appelé échelle de Hounsfield, le créateur de la
tomodensitométrie.
Cette échelle liste l’ensemble des densités, et donc des coefficients d’absorption,
rencontrés dans le corps humain, avec comme référence l’eau.
En reprenant le principe des rayons X dont il affine les données, et avec l’aide de
différentes théories mathématiques, le scanner permet de visualiser le corps dans les trois
plans de l’espace, et de distinguer les différents tissus du corps.
Il a permis d’ouvrir la voie à un champ d’investigation immensément plus grand que
la radiologie standard, et sera qualifié, un peu prématurément, de machine à guérir le cancer
par la presse lors de son apparition.
De plus, la numérisation des informations qu’il a nécessitées, et donc l’utilisation
d’ordinateurs, font que sa propre évolution est directement liée à ces derniers, et dispose donc
d’un potentiel conséquent.
20
Datant de la même époque, mais basée sur un phénomène physique différent, l’IRM,
ou imagerie par résonnance magnétique, s’appuie sur la capacité des atomes à émettre des
signaux détectables lorsqu’ils sont placé dans le champ magnétique adéquat. Elle n’exploite
donc pas les rayonnements, contrairement au scanner, et sera ainsi plus adaptée à certains
patients, tels que les enfants ou les femmes enceintes.
Les clichés obtenus avec l’une ou l’autre de ces techniques sont assez semblables,
néanmoins on dénote quelques différences.
En effet, la résolution spatiale du scanner donne la possibilité d’observer des structures
infra millimétriques tandis que l’IRM dispose d’une excellente résolution en contraste,
facilitant l’observation de tissus à la composition varié, tels que les parenchymes (cérébral ou
hépatique par exemple).
b. Les tests orthopédiques et médicaux : leur apport en ostéopathie.
D’une utilité certaine pour le choix d’éventuels examens complémentaires, les tests
médicaux sont le premier outil dont dispose le praticien pour définir un élément anatomique
lésionnel.
Adoptés aussi bien par les médecins que les ostéopathes, ils sont mis en place par ces
derniers dans le premier temps de l’examen physique.
Ils permettent, selon leur résultat, de décider de la pertinence d’une imagerie médicale
ou autre.
Mais s’ils doivent nous aider à déterminer un diagnostic d’exclusion, la frontière est
souvent très mince entre une indication médicale et/ou ostéopathique.
En effet, s’il est souvent admis qu’un tel test est positif lorsque le patient se trouve
dans l’incapacité de réaliser un mouvement (nous parlons ici d’une problématique articulaire),
l’ostéopathe doit savoir faire la distinction entre une indication à la réorientation et une aide
précieuse pour sa prise en charge thérapeutique.
Ainsi, sans pour autant prétendre à un statut de diagnosticien réel, l’ostéopathe doit
savoir mettre en œuvre ces tests, nous seulement pour le guider, mais également pour le bien
de son patient.
21
En prenant l’exemple d’une plainte purement articulaire, telle qu’une gonalgie ou une
scapulalgie, l’application de ces tests nous renseigne sur la structure en « lésion ». Parmi ces
structures, nous retrouverons un tendons, un ligament, ou encore un fibrocartilage. Ceci nous
permet de poser ce que l’on appelle un diagnostic tissulaire, qui peut être le fil conducteur de
l’ensemble de la consultation.
En plus de la problématique articulaire, nous nous retrouvons fréquemment confrontés
à une douleur dite neurogène, c’est par exemple le cas chez les patients présentant une hernie,
ou tout autre pathologie en lien direct avec le système nerveux, qu’il soit central ou
périphérique.
Là encore, tout l’objet est de déterminer un cas d’urgence, ou simplement de contre-
indication pour l’acte ostéopathique, avec l’évaluation d’une cotation de la force musculaire,
ou l’examen de la sensibilité des dermatomes concernés.
Enfin, le dernier aspect de ces tests concerne la douleur organique, viscérale pure. De
l’irradiation en bretelle naissant dans l’hypochondre droit caractéristique de la souffrance
hépatique, à celle, dorso-lombaire vers les organes génitaux concernant la pathologie rénale,
l’enjeu est de discriminer une « simple » douleur pariétale d’une pathologie viscérale sévère.
Mais là encore, devant un test évoquant une telle pathologie, l’ostéopathe doit faire le
distinguo entre celle-ci et une simple aide à son orientation.
Il apparait évident que la bonne interprétation de ces différents tests repose non
seulement sur leur application exacte, à savoir une technicité parfaite du praticien, mais aussi
et avant tout sur une anamnèse complète et la bonne compréhension des signes fonctionnels
qu’elle permet de dégager, cette condition reposant sur une connaissance solide de la
sémiologie médicale.
Elément majeur du premier temps de l’examen physique, les tests orthopédiques sont
un support précieux à l’ostéopathe « médical ». Ils lui permettent de rester dans les limites de
sa compétence, mais également d’être plus précis dans son diagnostic.
Enfin, ils lui donnent la possibilité d’une éventuelle réorientation chez un spécialiste
lorsqu’il est consulté en premier intention (comme c’est souvent le cas), et ne doivent donc en
aucun cas être négligés.
22
c. Une connaissance des sciences fondamentales toujours plus fine.
Elles sont les piliers de l’enseignement médical, la clé pour comprendre le
fonctionnement normal de l’organisme humain et par extension ses dysfonctionnements.
L’anatomie et la physiologie doivent être maitrisées par tout praticien de santé, et ce
dès les premières années d’étude. Leur connaissance permet depuis des siècles de se faire une
représentation mentale des différentes structures anatomiques, avant même l’émergence de
l’imagerie médicale.
Dès le paléolithique supérieur (-30000 ans) la mise en évidence par l’archéologie de
cas de trépanation à la suite de traumatismes ou dans le cadre de rites divers nous renseigne
sur une mise en lien très précoce entre une connaissance de l’anatomie aussi sommaire soit-
elle, et la pathologie.
Dans l’antiquité cette connaissance rentre dans le cadre de la pratique divinatoire, où
le médecine/prêtre verra le destin dans la forme des lobes hépatiques par exemple.
A cette même époque les égyptiens semblent posséder une connaissance
particulièrement fine des structures du corps humain, compte tenu des moyens techniques de
l’époque. En témoignent les embaumements pratiqués sur les morts.
Pour autant les dissections à visée scientifique ne sont pas encore autorisées, comme
c’est le cas dans la Grèce antique, où Hippocrate, pourtant très impliqué dans la médecine, ne
montre pas nécessairement de compétences réelles dans le domaine de l’anatomie.
C’est à Alexandrie qu’Hérophile et Erasistrate (aux alentours de -330 avant JC)
permettront des avancées majeures dans ce domaine en pratiquant des centaines de dissection.
A Rome, c’est Galien qui en 130 après JC commencera des dissections sur les singes
ainsi que, selon certains dires, des gladiateurs, jusqu’à l’interdiction des dissctions humaines
sous Marc Aurèle.
Il faudra attendre 1376 et la permission du duc d’Anjou pour l’étude par le
commentaire cède la place à la dissection.
Depuis, la multiplication de ces dissections a permis d’affiner la connaissance du
corps humain, dont la structure nous presque entièrement familière.
23
C’est sur le plan de la fonction que les lacunes semblent les plus importantes. L’étude
de la physiologie humaine, bien que très prolifique, semble présenter bien plus de zones
d’ombre que l’anatomie.
De William Harvey, qui au 17e siècle apportera de nombreuses réponses sur le plan de
la physiologie circulatoire, à Ivan Pavlov et ses expérimentations canines sur le
conditionnement, en passant par Claude Bernard, célèbre pour ses travaux sur l’homéostasie
et père de la médecine expérimentale, nombreux sont les scientifiques à avoir contribué à
l’étude de ce vaste sujet.
Aujourd’hui les recherches liées à la physiologie sont toujours légion, et les
découvertes effectuées dans certains domaines tels que le cerveau font figure de goutte d’eau
dans l’océan de questions qui animent chaque jour les scientifiques.
2- Les différents aspects de l’ostéopathie.
a. Les techniques structurelles : leur principe, les faits.
Elles sont l’un des outils majeurs de l’ostéopathie, et ont pour but de corriger les
dysfonctions déterminées lors des tests. Ces dysfonctions sont définies selon le sens de plus
grande mobilité d’un élément anatomique. Par exemple, une vertèbre présentant un défaut de
mobilité lors d’une rotation droite sera dite en dysfonction de rotation gauche.
Le principe de ces techniques est simple : aller à l’inverse de ladite dysfonction, en
entrainant l’élément anatomique dans le mouvement contraire.
Pour ce faire, l’ostéopathe possède deux manières de procéder, basée sur des lois
neurologiques similaires, mais dont le mode d’action est différent :
- Les techniques de Haute vélocité et Basse amplitude (HvBa) sont l’application
d’un unique geste correctif bref et rapide, portant le nom de thrust. Le but ici est de shunter le
système régulateur de la contraction musculaire. En effet, les dysfonctions traitées sont la
plupart du temps maintenues par le biais d’un muscle. Or, leur correction entraine en
24
étirement du muscle, dont la réponse physiologique est une contraction de ce dernier (selon
les travaux de Sherrington par exemple.
La mise en place d’une technique rapide permet de « surprendre » le système
nerveux, et donc la boucle motoneuronne alpha/gamma afin d’une part, d’éviter une
contraction réflexe ne permettant pas la correction, et d’autre part, d’obtenir un relâchement
musculaire pour la pérennité de celle-ci.
De plus, des études tendent à prouver que le thrust aurait des propriétés anti-
inflammatoires sur la zone traitée, ce qui pourrait laisser supposer un bénéfice intéressant
dans le cadre de pathologies rhumatologiques.
D’autres études se sont intéressées aux effets des manipulations sur des douleurs
d’origine rachidienne. Ainsi, un cas de notalgie paresthésique (d’étiologie invertaine, cette
affection entraine des douleurs, des paresthésies, ainsi que des troubles de la pigmentation
dans la zone atteinte) chez une patiente de 59 ans a été raporté. Celle-ci après avoir été
manipulée en ostéopathie, a déclaré noter une diminution immédiate des symptômes.
- Les techniques d’énergie musculaires, décrites notamment par Mitchell,
mettent également en œuvre la boucle réflexe médullaire pour effectuer la correction. Le
principe est de placer l’articulation à traiter dans le sens inverse de sa plus grande facilité de
mouvement, puis d’utiliser la contraction isométrique dans le sens inverse afin d’obtenir un
relâchement musculaire selon le principe d’innervation réciproque de Sherrington afin de
gagner dans le paramètre recherché, et ce selon plusieurs cycles.
Ces techniques ont pour avantage de présenter moins de contrainte de pression
directement sur l’articulation, mais sont également un peu plus longues à mettre en place et
nécessitent un effort supplémentaire de la part du patient.
- Enfin, le principe de techniques structurelles est également retrouvé dans
le cadre de l’ostéopathie viscérale. Partant du principe que les organes et viscères abdominaux
possèdent une mobilité rythmée par la respiration du sujet, l’ostéopathe se propose, de la
même façon que pour toute problématique pariétale, de déterminer des dysfonctions
viscérales dans le but de les corriger.
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Assez critiquées, de par la difficulté palpatoire qu’elles présentent, ces techniques
semblent néanmoins présenter des arguments thérapeutique intéressants, non seulement par le
relâchement local qu’elles procurent, mais également dans le cadre du réflexe viscéro-
somatique, qui doit pouvoir répercuter l’action d’un traitement sur un viscère au niveau
somatique, par le biais de l’innervation médullaire. Notons que la réciproque est vraie, le
réflexe somato-viscéral nous proposant d’avoir une action viscérale lors de la correction d’une
dysfonction vertébrale notamment.
b. Les techniques tissulaires, ou fonctionnelles.
Le raisonnement est ici inverse. En effet les techniques fonctionnelles en
ostéopathie se proposent de placer une structure dans sa position de confort, ou de plus grande
mobilité, afin d’obtenir le relâchement des tissus la constituant.
Elles représentent les techniques « douces » de l’ostéopathie, et sont couramment
reconnues comme moins invasives que l’ostéopathie structurelle.
- Les techniques dites de fascia : applicables à l’ensemble du corps, elles
partent du principe que l’organisme est capable de distiller n’importe quelle quantité
d’énergie si le délais dont il dispose pour le faire est suffisant. Dans le cas contraire, ils se
créent des zones rétention d’énergie, présentant certaines caractéristiques de tension et de
densité, que l’ostéopathe se propose de soulager. En considérant que ce type de technique
présente une action sur les membranes du corps appelées fascias, toutes en continuité,
l’ostéopathie tissulaire répond parfaitement au principe de globalité.
- Les techniques craniennes, ou cranio sacrées : décrites par William Garner
Sutherland dont l’intuition de l’existence d’un mouvement des os du crânes date de 1899,
elles reprennent les bases des techniques fasciales, appliqués aux os de la boite crânienne et
de la face, mais également au sacrum, dont le lien au crâne par le biais de la colonne
vertébrale et de la dure-mère.
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- Les techniques viscérales tissulaires, pour finir, sont la transposition des
techniques précédemment citées au niveau abdominal.
Si les techniques structurelles se basent sur des notions neuro-physiologiques
connues et ayant fait l’objet de nombreuses études, il est difficile d’en dire autant de l’aspect
tissulaire de l’ostéopathie.
Ne présentant aucune technicité évidente de prime abord, usant d’un vocabulaire
que la communauté médicale ne saisit pas et pourrait même considérer bancal, cette branche
de l’ostéopathie apparaît comme le parent pauvre de la profession.
En effet ses fondements ne peuvent en aucun cas justifier que la recherche y
consacre des études longues et couteuses, mais qui pourtant seraient susceptibles de
démontrer les effets réels de telles pratiques.
III- Une interrelation possible ?
1- L’enseignement de la médecine au service de l’ostéopathie.
a. L’ostéopathie, une profession de première intention.
Nous l’avons déjà évoqué, l’ostéopathie a obtenu, grâce à la loi du 4 mars 2002, le
statut de profession indépendante non soumise à la prescription médicale.
Ainsi s’explique la nécessité d’un apprentissage sérieux de la sémiologie
médicale, toujours dans le but de ne jamais mettre son patient en danger.
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Cet apprentissage s’exprime lors de l’anamnèse pratiqué au début de chaque
consultation.
Au-delà de la recherche de pathologies, la compréhension des signes fonctionnels
se dégageant de l’interrogatoire est précieuse pour le praticien, si l’on se réfère au principe
d’interrelation structure/fonction.
Selon ce point de vue, on peut repenser à la réticence de Still à l’idée d’intégrer
plus de théorie médicale dans le cursus ostéopathique, malgré l’apport qu’une telle formation
représente pour un thérapeute.
Cela permet à ce dernier, selon la pertinence de la direction de son anamnèse, de
dresser un premier schéma plus ou moins cohérent de son patient, le guidant ainsi lors de sa
routine de test.
b. Après l’anamnèse.
Une fois ces signes fonctionnels recueillis, et avant de se lancer dans son protocole
de tests, l’ostéopathe peut souvent être amené à consulter d’éventuelles imageries fournies par
son patient.
Nous l’avons vu, ces imageries représentent l’un des outils les plus précieux du
corps médical. L’ostéopathie n’est pas en reste. Une simple radio peut déterminer la mise en
œuvre ou non d’une manipulation sur une zone donnée.
Prenons l’exemple des pathologies rhumatologiques, telles qu’une spondylarthrite
ankylosante. Celle-ci se caractérise par un effacement des interlignes articulaires, et à terme
une soudure de ces dernières, rendant ainsi toute manipulation potentiellement dangereuse.
Il est bien entendu impossible de déterminer de telles lésions en l’absence
d’imagerie, mais pour autant l’apport de l’ostéopathie sur les douleurs induites par ce type de
pathologies n’est pas négligeable.
Une simple radio donne la possibilité à l’ostéopathe d’évaluer l’étendue des lésions
et ainsi de décider de sa prise en charge.
En l’absence de telles imageries, l’ostéopathe dispose d’un large panel de tests
médicaux à même de définir d’éventuelles lésions.
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2- L’ostéopathie comme alternative face aux échecs de la
médecine
a. Une approche plus globale du soma.
« J’ai tout essayé avant de venir vers vous
Cette phrase peut sembler familière à bon nombre d’ostéopathes. Il en va de même
pour la plupart des thérapies alternatives présentes actuellement sur le marché de la santé
(chiropratique, acupuncture….)
Elle est le reflet d’une médecine qui, malgré les évolutions fulgurantes dont elle a su
faire preuve, est enlisée dans une vision purement somatique de l’être humain.
Aujourd’hui, 4 français sur 10 se tournent vers ce type de thérapie, lassés des
traitements conventionnels dont les limites commencent à se faire sentir.
Ces « nouvelles médecines » interviennent aujourd’hui dans un champ très vaste.
Non seulement elles permettent d’obtenir de bons résultats en terme de réduction de la
douleur, mais elles ont aussi tendance à intégrer dans leur prise en charge du patient la psyché
de ce dernier, dans une mesure plus importante que la médecine traditionnelle.
Cette dernière, très souvent, se cantonne au traitement d’un symptôme, ou en tout
cas à une zone précise présentant un dysfonctionnement.
La force des thérapies alternatives réside dans le fait qu’elles s’intéressent à
l’ensemble de l’organisme, et c’est bien du principe de globalité dont nous parlons ici. La
recherche d’une cause précise, potentiellement à distance du problème initial, apparait comme
un bonus indéniable, et permet de surcroit au patient de ne pas être réduit à une vertèbre, une
hanche, un foie…
Mais l’autre grand rôle à jouer pour l’ostéopathie se situe également en parallèle des
activités de la médecine. Les traitements de confort suite à une intervention chirurgicale
lourde, ou encore une radiothérapie dans le cadre d’un cancer par exemple, sont également
des applications de plus en plus répandues de l’ostéopathie, qui s’impose comme un substitut
satisfaisant aux antalgiques habituels.
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Néanmoins, nous n’avons abordé ici que la continuité structurelle, mécanique du
corps, à laquelle l’ostéopathie ne saurait se limiter.
b. L’ostéopathie psychosomatique.
« L’homme est un tout » disait Still.
Dans ce tout il a intégré l’aspect psychique du corps, qui prend tout son sens à
l’heure où les souffrances rencontrées par nos patients ne sont plus du simple fait d’altérations
organiques pures. En effet, nos sociétés occidentales actuelles ont su remédier aux lacunes
que Still rencontrait lors des soins qu’il tentait de prodiguer aux soldats américains.
Les infections se soignent bien aujourd’hui, et peuvent même être facilement évitées
grâce aux évolutions en termes d’hygiène, de stérilisation, de prophylaxie…
Alors que reste-t-il à l’ostéopathie aujourd’hui ?
Prendre en compte le patient comme une âme dans un corps et non se cantonner à
cette deuxième entité seule, comprendre que les contraintes de la vie courante jouent en
permanence sur la santé de chacun, en clair considérer chacun comme un tout somato-socio-
émotionnel, c’est là tout le travail de l’ostéopathe aujourd’hui.
Stress, fatigue, anxiété, insomnie… sont autant d’affections (très occidentales, soit dit
en passant) dont la fréquence semble augmenter à mesure que nos sociétés évoluent.
Sans être l’expression d’atteintes organiques réelles, elles sont le reflet de contraintes
parasitant l’équilibre entre le corps et l’esprit.
Partant de ce constat, il devient primordial pour le praticien ostéopathe de profiter
de « l’intimité » établie avec son patient pour se pencher sur les éventuelles implications de
son vécu dans sa plainte.
C’est par cette approche de l’Homme comme un tout dont l’expression des
afflictions psychiques est corporelle, que le praticien peut faire jouer l’effet placebo.
Mis en avant par certains, négligé par d’autres, il est pourtant au cœur de toute
relation soignant/soigné. A l’heure où les consultations médicales s’enchainent bien souvent à
30
un rythme élevé, le temps consacré à chacun dans un cabinet d’ostéopathie doit permettre de
prendre mieux connaissance des patients.
Pour autant cet effet seul ne doit pas être la justification ultime des effets de notre
pratique, contrairement à ce que certaines études laissent sous-entendre. (voir l’article cité
plus haut)
C’est bien entendu l’association du geste thérapeutique et la capacité d’acceptation
de ce dernier par le patient, conditionné par la confiance accordée au praticien, qui aboutit à
un résultat tangible
3- La recherche ostéopathique.
a. De nouvelles indications.
La recherche en ostéopathie peut se diviser en plusieurs phases, la première débutant
bien sûr à sa création en 1874, et s’étalant jusqu’en 1939. Les premières recherches
correspondant aux observations et réflexions de Still l’ayant conduit à développer son art. En
1900, il est déjà fait état de l’utilisation de l’une des premières formes d’imagerie par rayons
X pour valider l’existence de ce que l’on appelait encore à l’époque la lésion ostéopathique.
L’année 1906 verra la naissance de l’A.T. Still postgraduate College of Osteopathy
(qui deviendra l’A.T. Still Research Institute en 1909). En son sein, Louisa Burns effectuera
des recherches qui lui permettront au final de démontrer des changemens dans le
fonctionnement de certains organes suite à des manipulations rachidiennes.
Par la suite, de nombreuses écoles encourageront la recherche ostéopathique durant
le premier 1/3 du 20e siècle.
La deuxième phase de la recherche est située entre 1940 et 1969 avec J.S.
Denslow, qui comprit rapidement que le seul moyen d’accorder assez de crédit à la profession
était le passage par la recherche. Il sera rejoint en 1945 par un certain I.M. Korr, avec lequel il
développera longuement le concept de facilitation segmentaire.
31
Malheureusement le reste de la communauté n’aura pas le même engouement
pour la recherche, qui connait une grosse période de stagnation entre 1950 et 1960, à tel point
que l’incertitude quant à l’avenir de la profession n’a jamais été aussi forte que durant cette
période, d’autant que son manque d’élan allait la faire passer à côté des progrès post guerre
effectués en sciences biomédicales et sur lesquelles elle aurait pu s’appuyer.
Il faudra attendre 1970 pour que débute la troisième phase de recherche, avec un
intérêt plus prononcé que par le passé. En effet, la fondation de plusieurs nouvelles écoles
d’ostéopathie offrit autant de centres susceptibles d’accueillir les expérimentations, le
pourcentage du budget de chaque école alloué à la recherche allant en augmentant.
Une quatrième période de recherche se profilera au début des années 2000, avec la
volonté de plusieurs écoles de créer un centre commun uniquement dédié à la recherche en
ostéopathie, et financé par elle-même.
Depuis 2008, nous avons assisté à la diffusion de cet effort de recherche à travers
le monde entier, et notamment en Europe.
La recherche en ostéopathie existe donc bel et bien. Le souci majeur qui se pose
est qu’elle ne semble porter que sur les effets de diverses manipulations, comme nous
l’évoquions plus haut.
Ainsi la problématique de l’ostéopathie tissulaire ne parait pas, ou peu, abordée,
malgré une pratique largement répandue, au moins en France. C’est malheureusement ce qui
peut desservir le plus la profession aujourd’hui. Mais encore une fois, comment justifier de
consacrer du temps à un abord ne reposant sur aucune base scientifique reconnue ?
L’élargissement de l’éventail de techniques à disposition de l’ostéopathe au fil des
décennies lui permet de répondre à des plaintes toujours plus diverses. D’orientation très
ostéo-articulaire au début du siècle (malgré l’enseignement stillien), on retrouve l’ostéopathie
dans de multiples domaines.
Le croisement de la profession avec d’autres disciplines contribue à créer une
approche de plus en plus complète.
32
Avec la posturologie, l’ostéopathe cherche à s’intégrer au cercle de soin en permettant
l’orientation de son patient vers les spécialistes qui sauront répondre à sa plainte, optimisant
un circuit thérapeutique qui s’avère parfois long et sans résultat.
Enfin, l’intégration de la profession au sein de structures spécialisées dans une
population de patients particulière (maternité, centre pour enfants handicapés tel que l’EHEO,
etc…) lui permet de satisfaire à la demande d’un nombrede patients toujours croissant.
b. La recherche sous assistance médicale.
Le peu d’ostéopathes implantés en CHU restreint les possibilités d’effectuer des
études sur les effets de leurs actes, ce qui explique le peu documentation en la matière.
La recherche ostéopathique aujourd’hui se résume plus à l’expérience que se fait
chacun en pratiquant, choisissant ou non de la restituer et de la transmettre à l’occasion de
séminaire. La « preuve » se fait par les effets observables directement sur le patient, et non
une analyse de données mesurées sous contrôle instrumentale.
Et c’est là que la médecine peut intervenir en faveur de l’ostéopathie. Les nombreux
examens possibles dont elle dispose, s’ils étaient appliqués à des patients avant et après avoir
reçu un traitement ostéopathique, permettraient d’observer la réponse de l’organisme à ce type
de traitement.
IV- Quel avenir pour l’ostéopathie ?
1- Sa place au sein du système de santé.
a. Un problème récurrent : le statut de la profession.
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Comme nous l’avons déjà évoqué, l’ostéopathie reste une discipline jeune. Pour
autant, en 140 ans elle a su démontrer une certaine légitimité dans le domaine de la santé.
Plébiscitée par le public, elle reste néanmoins un cas inédit au regarde de la réglementation
dont elle fait l’objet.
Profession à visée de soin observée par la Haute Autorité de Santé, elle n’est pour
autant pas reconnue en tant que profession de santé, se retrouvant ainsi dans la même
catégorie que des professions telle que masseur (à laquelle nous sommes encore
malheureusement trop associés par le public novice), à savoir une profession de « confort ».
Peut-être est-il encore tout simplement trop tôt pour prétendre à plus, et qu’il faut
attendre d’obtenir un cadre légal mieux défini que celui actuellement en place pour qu’enfin
l’ostéopathie soit prise au sérieux.
Si l’on tient compte du nombre non négligeable de médecins et de kinésithérapeutes
qui franchissent le pas de la formation aux techniques manuelles ostéopathiques, il apparait
que ce n’est pas la profession en elle-même qui créé le débat, mais bien les lacunes
législatives observées.
Il est ainsi raisonnable de penser que dans le futur, une fois la profession bien
encadrée, et une fois le nombre d’écoles (et donc de déviances possibles) réduits, l’ostéopathe
sera intégré au cercle de soin classique.
Néanmoins, il est vrai que cette situation un peu unique présente des avantages
certains pour la profession, notamment dans la grande autonomie que l’absence d’un ordre
des ostéopathes confère à ces derniers, le choix de la mise en place d’un traitement n’étant pas
catégorisé comme c’est le cas dans les professions de santé habituelles.
De plus, l’obtention d’un statut de profession de santé implique la mise en place
d’un tarif unique pour la consultation ostéopathique, qui est aujourd’hui laissé à la libre
appréciation de chaque praticien…
Enfin, et c’est un point primordial, le risque d’une perte d’autonomie devant
l’obtention d’un tel statut est réel, la hiérarchisation actuelle du système de santé plaçant le
médecin au sommet.
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L’évolution de son statut vers celui de profession de santé n’est ainsi peut-être pas
souhaitable,
b. L’exemple des Etats-Unis.
L’ostéopathie a vu le jour aux Etats-Unis, et y a pris une tournure toute particulière.
En effet, les études ostéopathiques y sont aujourd’hui totalement intégrées à celles de
médecine, ce qui, compte tenu de la volonté de Still de créer une discipline affranchie de la
médecine occidentale classique, peut paraitre très paradoxal.
Conséquence de cette fusion, les ostéopathes américains semblent aujourd’hui s’être
éloignés de la philosophie stillienne. Sur l’ensemble des praticiens présents, à peine 10%
pratiquent l’ostéopathie telle que nous la connaissons en France, le reste prescrivant les
antalgiques et anti-inflammatoires classiquement retrouvés dans la médecine.
L’avantage d’un tel système est que les problèmes relatifs à une bonne formation
sémiologique de ces praticiens ne se posent pas comme c’est le cas en France, donnant ainsi
plus de légitimité à la pratique de l’ostéopathie.
Mais malheureusement, le faible pourcentage d’ostéopathes conservant une pratique
manuelle témoigne d’une pratique dénaturée, contrairement aux pays européens notamment,
qui conservent la volonté de promouvoir les principes fondateurs de l’ostéopathie.
2- Une médecine du futur ?
a. Trop jeune pour être jugée.
Nous l’avons déjà évoqué, il est aujourd’hui délicat de se prononcer pleinement
sur une discipline dont les 140 années d’existence semblent constituer un recul très faible
comparativement à des siècles d’histoire médicale.
Les difficultés actuelles peuvent alors sembler une phase nécessaire à son acceptation
totale, telle un test, une période de démonstration grandement empirique, à défaut d’études
plus présentes et globales quant à ses résultats.
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Faut-il tout expliquer ?
C’est ce vers quoi tendent les sciences d’aujourd’hui. Pour autant nous en sommes
encore très loin.
Le perfectionnement de la médecine lui a permis aujourd’hui de présenter une
efficacité redoutable dans les affections aigues et potentiellement sévères, devant lesquelles
l’ostéopathie n’a pas sa place : AVC, péritonite, infarctus du myocarde…
Le chemin pris par l’ostéopathie aujourd’hui semblerait être celui de la chronicité,
domaine dans lequel les traitements classiques démontrent assez rapidement leur limite. Pour
appuyer ce propos, nous pouvons évoquer les doses conséquentes d’anti-inflammatoires
consommées par bon nombre de patients souffrant de pathologies rhumatologiques, et dont la
balance bénéfices/risques semble souvent discutable, compte tenu de l’effet iatrogène bien
connu de ce type de médication.
La réponse classique à ce type de désagréments chroniques (dont les douleurs
inflammatoires évoquées ci-dessus ne sont qu’une partie) est bien malheureusement limitée,
en ce sens qu’il ne s’agit que de traiter le/les symptômes en oubliant la cause.
C’est ce vide que l’ostéopathie se propose de combler aujourd’hui. Perte de mobilité
et raideur, attitudes posturales douloureuse, conflits ostéo-musculo-aponévrotiques, sont
autant de problèmes susceptibles de s’installer dans le temps et ne relevant pas de lésions
anatomiques observables par une imagerie médicale, donc échappant à une prise en charge
étiologique.
En traitant le tissu souffrant, sans se contenter de shunter l’influx nociceptif par lequel
cette souffrance s’exprime, l’ostéopathe permet de mettre un terme à ce type de dérèglement,
et ce sans autre effet secondaire que l’évolution vers la guérison (dans l’idéal).
Tout comme l’émergence de la médecine a pris du temps, il semblerait que la
patience, la persévérance, et la communication auprès des différents acteurs du système de
santé soit la meilleur attitude à adopter pour que pas à pas, l’ostéopathie deviennent une étape
logique dans la prise en charge de tout patient.
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b. Trop bien installée pour être évincée.
Bien acceptée par le public, connue par toutes les professions de santés (même si elle
n’est pas toujours comprise), la disparition de l’ostéopathie n’est heureusement pas une
option. Le nombre toujours croissant de consultations chaque année semble aujourd’hui le
meilleur indicateur de la bonne santé de notre pratique.
Peut-être est-il trop tôt pour dresser un bilan global de sa position, mais force est de
constater que malgré certains freins à son évolution, l’ostéopathie a toujours su se défendre
afin d’aller de l’avant.
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Conclusion
Ce que l’on observe aujourd’hui, c’est le combat de David contre Goliath, et
qui pourtant ne devrait pas en être un.
D’un côté nous observons la médecine, forte de plusieurs siècles de pratique
ayant abouti à l’établir comme l’acteur majoritaire du système de santé actuelle. Elle jouit de
progrès toujours plus rapides et exponentiels lui permettant de vaincre des affections que l’on
aurait pas imaginer guérir encore au siècle dernier, mais semble paradoxalement souffrir
d’une approche de ses malades relativement dogmatique, en ceci que ces derniers souffrent
toujours d’un clivage assez net entre leur « âme » et leur corps.
De l’autre côté se trouve l’ostéopathie, dont les 140 années d’existence, bien
qu’anecdotiques face à la médecine, lui ont permis de prouver son efficacité dans la prise en
charge de ses patients. Novatrice et naturelle, on peut dire d’elle qu’elle se situe au croisement
de deux courants de pensées opposés, et pourtant au combien complémentaires : elle a su
s’approprier les connaissances scientifiques dont usent les médecins occidentaux tout en y
incorporant une vision plus spirituelle, voir vitaliste, que lui a conféré la pratique orientale.
Les nombreuses contributions en ostéopathie de chercheurs, physiologistes
médecins au fil des décennies témoignent de l’attrait que cette pratique exerce au sein des
autres professions de soins.
Les freins que rencontrent l’ostéopathie aujourd’hui ne semblent donc pas relever
de son essence même, mais plutôt de son organisation.
Longtemps laissée libre par l’absence de cadre légal la concernant, elle fut
également victime de cette liberté de façade qui entraina de nombreux praticiens sur le
chemin des tribunaux.
La reconnaissance qui lui a été accordée depuis peu a malheureusement accentué
la problématique du nombre de formations disponibles, ce qui contribue au sentiment de
méfiance des médecins quant à la capacité des ostéopathes à apprécier l’état de santé de leurs
patients. Ceci, associé au désir d’indépendance de la profession, peut la faire apparaitre
comme concurrente directe de la médecine, à défaut d’un allié, ce qui n’est pourtant pas sa
vocation.
Néanmoins, nous observons depuis quelques années une ouverture de chacune des
deux professions sur l’autre, avec notamment l’installation de certains ostéopathes dans des
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services hospitaliers, à commencer par les maternités, attestant d’une confiance naissante
envers notre pratique.
Il reste à espérer que les efforts fournis par les deux parties se maintiennent, et ce
dans l’optique d’une collaboration future dont le but ultime est la prise en charge optimale
des patients.
Cette ambition d’excellence du soin passe une nécessité de recherche toujours plus
accrue. Ainsi la collaboration entre médecine et ostéopathie ne doit pas seulement se limiter
aux soins en eux-mêmes, mais également par une démarche de validation des possibilités de
chaque partie dans ce soin. La recherche ostéopathique sous assistance médicale semble
aujourd’hui une perspective séduisante, en ceci qu’elle permettrait de mesurer et d’analyser
ses effets, et ainsi lui assurer une reconnaissance valable, tant de la part du public (ce qui
semble déjà être le cas) que de la communauté scientifique.
Tout comme l’émergence de la médecine a pris du temps, il semblerait que la
patience, la persévérance, et la communication auprès des différents acteurs du système de
santé soit la meilleure attitude à adopter pour que pas à pas, devant des résultats toujours plus
probants, l’ostéopathie dévoile son plein potentiel, et s’impose comme un acteur essentiel de
la prise en charge des patients.
Enfin, si aujourd’hui il n’est (normalement) plus question de traiter de « réelles »
pathologies comme le prétendait Still, l’ostéopathie sait répondre à une demande toujours plus
varier de la part des patients, s’adaptant à nos modes de vie et nos besoins.
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Bibliographie
Ouvrages
SCHWARTZ JEAN, Réflexions sur l’histoire de la médecine, 2001
SOURNIA JEAN-CHARLES, Histoire de la médecine, 2004
STILL A.T., Philosophie de l’ostéopathie, Ed Broché, 2003
STILL A.T., Autobiographie, Ed Sully, 2008
DILLENSEGER JEAN-PHILIPPE, Guide des technologies de l’imagerie médicale et de la
radiothérapie : quand la théorie éclaire la pratique, Ed. Broché, 2009
GUENARD HERVE, Physiologie humaine, Ed. Pradel, 2009
FERRERO DANIEL, L’ostéopathie d A.T. Still et ce qui s’ensuit, Ed L’Harmattan, 2012
FISCHER MICHEL, ERIEAU BENOIT, Thrust, Sémiologie, Imagerie, Ed. Masson, 2009
Cours
BEL FRANCOIS, Concepts ostéopathiques, 2009
TRICOT PIERRE, GAISNON LAURENT, Vie et œuvre d’A.T. Still. (Conférence), 2009
Sites internet
www.approche-tissulaire.fr/en-france
Articles
SPIRALE, a. 2007, n 42, p 151-155
KEBDI L. HENSEL, CHRISTIN F. PACCHINA, Acute improvement in hemodynamic
control after osteopathic manipulative treatment in the third trimester of pregnancy
RICHARDSON BS, Osteopathic manipulative treatment in the management of notalgia
paresthetica
MENKES CHARLES-JOEL, BONTOUX DANIEL, thérapie complémentaires (acupuncture,
hyonose, ostéopathie, tai-chi). Leur place parmi les ressources de soins. Rapport de
l’académie nationale de médecine, 2013
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Résumé
Le secteur de la santé a été témoin durant les dernières décennies d’une
multiplication des méthodes dites « douces », telle que l’acupuncture, l’éthiopathie ou encore
l’homéopathie. Parmi elles, l’ostéopathie a pour volonté d’occuper une place majeure dans la
prise en charge des patients. Apparue à la fin du 19e siècle, elle reprend comme beaucoup de
disciplines les bases de la médecine occidentale « classique » tout en affichant le désir
d’apporter une philosophie d’inspiration plus orientale, voire moins rationnelle.
L’objet de ce mémoire est de déterminer l’influence qu’ont eu les évolutions de
la médecine sur la pratique de l’ostéopathie depuis sa naissance jusqu’à nos jours, en étudiant
notamment l’introduction des méthodes d’imagerie ou encore l’affinement des connaissances
en terme de sciences fondamentales.
A la lumière de ces évolutions, il apparait plus aisé de comprendre le
cheminement qui a conduit au statut particulier de l’ostéopathie actuelle, compte tenu du long
chemin parcouru par la médecine classique pour se hisser au sommet du cercle de soin.
Abstract
During the past decades, healthcare has witnessed the birth of many new “soft”
disciplines such as acupuncture, ethiopathy or homeopathy. Among them, osteopathy has the
will to take a major place for the care of patients. Born in the end of the 19th
century,
osteopathy is based, like many of other methods, on the occidental medical knowledge, with
the wish to add a new kind of philosophy, inspired by oriental medicine, and may be less
rational.
The aim of this work is to determine the consequences of medicine evolutions
on the practice of osteopathy, from her birth to our days, notably studying the introduction of
medical imagery or the refinement of scientist knowledge.
Considering these evolutions, it seems easier to understand the way osteopathy
acquired her particular status nowadays, knowing the difficulties classic medicine has met to
become the leader of healthcare today.