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7 LISTE DES ABREVIATIONS BNB Banque Nationale de Belgique BRI Banque des Règlements Internationaux FEB Fédération des Entreprises de Belgique FMI Fonds Monétaire International ICN Institut des Comptes Nationaux INS Institut National de Statistique INSEE Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (Paris) OCDE Organisation de Coopération et de Développement économiques OPC Organisme de placement collectif PIB Produit intérieur brut PME Petites et moyennes entreprises TVA Taxe sur la valeur ajoutée UE Union Européenne UEM Union Economique et Monétaire SIGNES CONVENTIONNELS la donnée n’existe pas ou n’a pas de sens zéro ou quantité négligeable e estimation n. non disponible p provisoire p.c. pour cent p.m. pour mémoire LISTE DES ABREVIATIONS

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LISTE DES ABREVIATIONS

BNB Banque Nationale de BelgiqueBRI Banque des Règlements InternationauxFEB Fédération des Entreprises de BelgiqueFMI Fonds Monétaire InternationalICN Institut des Comptes NationauxINS Institut National de StatistiqueINSEE Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (Paris)OCDE Organisation de Coopération et de Développement économiquesOPC Organisme de placement collectifPIB Produit intérieur brutPME Petites et moyennes entreprisesTVA Taxe sur la valeur ajoutéeUE Union EuropéenneUEM Union Economique et Monétaire

SIGNES CONVENTIONNELS

— la donnée n’existe pas ou n’a pas de sens… zéro ou quantité négligeablee estimationn. non disponiblep provisoirep.c. pour centp.m. pour mémoire

LISTE DES ABREVIATIONS

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

ENSEIGNEMENTS DE LA RESOLUTION DES CRISESBANCAIRES DANS QUELQUES PAYS INDUSTRIALISES

Depuis la crise du début des années trente, lesystème bancaire belge n’a plus été confronté àde graves problèmes portant atteinte à la stabi-lité globale du secteur. Si quelques institutionsont dû faire face à des difficultés, voire ont dûcesser leurs activités, ces accidents sont restéslimités, n’ont le plus souvent concerné que depetits établissements et n’ont jamais créé de ris-que systémique.

Il n’en a toutefois pas été de même dans denombreux pays. Les secousses auxquelles ontété soumis les systèmes bancaires de très nom-

breuses économies émergentes ou en voie dedéveloppement ont fait l’objet d’abondants com-mentaires et analyses. Les pays développéseux-mêmes n’ont pas été à l’abri ainsi qu’il res-sort des problèmes auxquels ont dû faire face,au cours des deux dernières décennies, despays membres du G10 et de l’Union européen-ne (UE). Sur les dix-neuf pays concernés, douzese sont trouvés dans une telle situation.

Dans la mesure où il s’agit de systèmes ban-caires et financiers développés, l’examen descauses, du déroulement et des conséquences

Source : Lindgren C.-J. et al. (1996).1 Repris de Hoshi (2000).

TABLEAU 1 — PAYS DU G10 OU DE L’UNION EUROPEENNE AYANT ETE CONFRONTES A DE SERIEUX PROBLEMES BANCAIRES DURANT LES DEUX DERNIERES DECENNIES

Allemagne (1990-1993) : Sérieux problèmes au sein de banques publiques en Allemagne de l’Est à la suite de laréunification.

Canada (1983-1985) : Quinze membres de la Canadian Deposit Insurance Corporation, dont deux banques, ontfait faillite.

Danemark (1987-1992) : Les pertes cumulées de crédit au cours de la période 1990-1992 ont représenté 9 p.c.des prêts.

Etats-Unis (1980-1992) : 1.142 caisses d’épargne et 1.395 banques ont été liquidées ou ont dû fusionner à la suitede problèmes de solvabilité.

Finlande (1991-1994) : Les créances douteuses ont atteint 13 p.c. du total en 1992; il y a eu une crise de liqui-dité en septembre 1991.

France (1991-1995) : Les créances douteuses ont atteint 8,9 p.c. des crédits totaux en 1994 (15 p.c. dans lecas du Crédit Lyonnais).

Grèce (1991-1995) : Des problèmes bancaires ont requis d’importantes injections de fonds dans des institu-tions spécialisées.

Irlande (1985) : Une des quatre banques de clearing a vu son capital réduit d’un quart suite aux pertes desa filiale d’assurance.

Italie (1990-1995) : Les créances douteuses ont atteint 10 p.c. du total en 1995.

Japon (1992- ) : Les pertes encourues par les banques japonaises se chiffreraient, en mars 1999 1, à quel-que 10 p.c. du PIB.

Royaume-Uni : Pas de problème systémique, mais importants accidents individuels (Johnson Matthey en1984, BCCI en 1991 et Barings en 1995).

Suède (1990-1993) : Les créances douteuses ont atteint 18 p.c. du total des crédits et les deux principalesbanques ont dû être assistées.

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

de ces crises peut fournir des enseignementsplus directement pertinents pour la Belgique.Un tel examen ne signifie évidemment pas quela Belgique soit menacée d’une crise systémi-que. La relative concentration des actifs desbanques belges sur les pouvoirs publics, d’unepart, sur le marché interbancaire, d’autre part,constitue à cet égard un facteur de stabilité.Toutefois, les risques potentiels ont eu récem-ment tendance à s’accroître. En particulier,l’intensification de la concurrence et la pressiondes actionnaires pour obtenir des rendementsplus élevés amènent les banques belges à di-versifier leurs activités et à prospecter de nou-veaux marchés. Ceci expose les établissementsde crédit à des risques nouveaux, dont le moin-dre n’est pas le risque stratégique. L’ouvertureplus grande du secteur met aussi celui-ci da-vantage à la merci d’une contagion de problè-mes qui trouveraient leur origine dans un sys-tème financier étranger.

Dans ce contexte, il a paru utile d’examiner ledéroulement de trois crises bancaires importan-tes qui ont touché des économies industriali-sées, à savoir les Etats-Unis, le Japon et lespays scandinaves (Suède, Finlande, Norvège).

Dans ces cinq pays, il s’agit de difficultés qui ontfrappé simultanément de nombreux établisse-ments de crédit soumis à des contraintes simi-laires. Cet article n’examine donc pas les casd’accidents concernant une institution particu-lière (susceptibles, le cas échéant, de provoquerune réaction en chaîne s’étendant à d’autresétablissements), mais se concentre sur deschocs touchant l’ensemble d’un système ban-caire ou un segment important de celui-ci.

L’objectif n’est pas d’examiner les événementspays par pays (approche verticale), mais de pro-céder à une analyse par thème (approche hori-zontale). En conséquence, l’article ne cherchepas à présenter un recensement exhaustif desfaits, mais à dégager certaines constantes et li-gnes de force. Il examine successivement lescauses de ces crises bancaires, leur déroule-

ment et leur gestion et dégage quelques ensei-gnements pour l’avenir.

1. CAUSES DES CRISES BANCAIRES

De manière générale, il existe un lien entre ledéclenchement des crises bancaires qui sontanalysées dans cet article et la modification fon-damentale de l’environnement réglementairedans lequel ont dû évoluer les banques des sys-tèmes mis en difficulté dans le courant des an-nées quatre-vingt ou nonante. Cette modifica-tion n’a toutefois pas été spécifique aux paysconcernés par des crises, mais a été communeà la plupart des pays industrialisés. Le change-ment de l’environnement réglementaire, aussiimportant qu’il ait été, n’a donc pas suffi à met-tre en péril les systèmes bancaires. Pour entraî-ner une crise, une incapacité des banques às’adapter rapidement aux nouvelles conditions età élaborer des stratégies les abritant des modifi-cations de l’environnement dans lequel elles de-vaient évoluer a dû se faire jour. Par ailleurs, lescrises peuvent avoir été, sinon provoquées, dumoins aggravées, par les déficiences des méca-nismes correcteurs. Ceci a concerné tant lesmécanismes de marché que les procédures derégulation et de supervision ou les politiquesmacroéconomiques. Ces trois éléments – chan-gement dans l’environnement réglementaire,modification des comportements et déficiencedes mécanismes de correction – sont tour àtour traités dans ce chapitre.

1.1 CHANGEMENT DE L’ENVIRONNEMENTREGLEMENTAIRE

1.1.1 Environnement réglementaire antérieurà l’apparition des crises

Jusqu’à la fin des années septante, les banquesont évolué dans un environnement caractérisé, à

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bien des égards, par une réglementation assezstricte dont l’objectif, à l’origine, était de faciliterl’accès au crédit du secteur privé intérieur. Larentabilité du secteur bancaire était de la sorteprotégée, en raison des limites à la concurrencequi résultaient de cet environnement régle-menté. La régulation pouvait concerner aussibien les taux d’intérêt que pouvaient pratiquerles banques que le volume, voire la nature, desactivités. Elle se caractériserait aussi par descontraintes sur les mouvements de capitaux etpar un manque d’ouverture des marchés natio-naux aux banques étrangères.

Dans les pays scandinaves, les taux débiteursétaient souvent plafonnés à des niveaux infé-rieurs aux taux du marché monétaire. Cet envi-ronnement coercitif débouchait sur un systèmeoù les crédits étaient orientés de préférencevers le financement des investissements pré-sentant le moins de risques, de sorte que lesbanques provisionnaient peu et que les systè-mes de contrôle n’étaient guère développés. Lafaiblesse de la concurrence contribuait aussi àmaintenir les taux créditeurs à de bas niveaux,les banques ne cherchant pas à attirer de nou-velles ressources, compte tenu des limitations àla croissance du volume des crédits qu’ellespouvaient octroyer.

Diverses restrictions quantitatives existaient eneffet. Par un plafonnement du volume des cré-dits, un système de réserves obligatoires, desobligations d’investissement en titres publics,

des quotas de financement auprès de la banquecentrale, un strict contrôle du recours à des ca-pitaux étrangers, les autorités limitaient délibéré-ment les possibilités d’expansion des crédits ausecteur privé. Dans cet environnement, les stra-tégies concurrentielles reposaient surtout sur laconstruction d’une relation stable et durableavec les clients.

Au Japon, la concurrence entre les banquesse faisait également « hors prix ». Elle était, elleaussi, principalement axée sur le service offert,reposant sur l’étroitesse des liens existant àlong terme avec les entreprises. Au sein d’unsystème financier traditionnellement tourné versle développement de l’industrie nationale, lestaux d’intérêt pratiqués par les banques étaient,comme dans les pays scandinaves, maintenus àdes niveaux très bas. La banque centrale com-muniquait à chaque organisme bancaire unmontant maximum de crédits à octroyer, et lesmouvements de capitaux étaient strictementcontrôlés (étanchéité de l’espace financier natio-nal). Le système bancaire japonais était égale-ment caractérisé par l’existence de différentstypes d’institutions dont les activités respectivesétaient fortement cloisonnées.

Aux Etats-Unis, une réglementation assez strictedu système financier a prévalu jusqu’au débutdes années quatre-vingt. La « Regulation Q » im-posait la fixation, par Etat, d’un niveau maximumdes taux d’intérêt créditeurs. L’accès au marchéétait également réglementé (délimitation de

TABLEAU 2 — FONCTIONNEMENT DU SYSTEME BANCAIRE AVANT LA DEREGLEMENTATION

Structure : réglementation – Plafonnement des taux débiteurs ou créditeurs– Dans plusieurs cas, contrôle des volumes ou des activités (segmentation

des marchés)

Comportement : conservatisme – Spécialisation des institutions– Prise de risque limitée– Relation de long terme basée sur la proximité du client

Performance : marge brute élevée – Faible pression sur les coûts– Expansion des capacités (réseau d’agences)

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

zones géographiques d’activité) et les autoritésintervenaient aussi pour définir la nature desactivités. C’est ainsi que la structure des actifset passifs des caisses d’épargne (« Savings andLoan institutions » – S&L) était contrôlée; cesétablissements, principaux fournisseurs de créditau logement, ont été au cœur de la principalecrise bancaire survenue aux Etats-Unis dans lesannées quatre-vingt.

Le paradigme « structure-comportement-perfor-mance », repris du cadre théorique de l’écono-mie industrielle, peut être utilisé pour analyserle fonctionnement du système bancaire : lastructure du marché suscite certains comporte-ments, qui ont à leur tour une incidence sur laperformance. Un résumé de la situation anté-rieure aux crises bancaires peut être donné autravers de ce paradigme. Les systèmes bancai-res étaient très fortement régulés et très peuconcurrentiels (structure), de sorte que les ban-ques ont adopté une stratégie que l’on pourraitqualifier de conservatrice (comportement), leursbénéfices s’en trouvant relativement bien proté-gés dans un secteur pourtant en surcapacité(performance).

1.1.2 Nature et sources des changements

Si quelques réglementations ont survécujusqu’au début des années nonante, la quasi-totalité des restrictions évoquées ci-dessus aprogressivement disparu dans le courant desannées quatre-vingt.

Les possibilités accrues de traitement des don-nées, de communication et de stockage de l’in-formation offertes par l’informatique ont ouvertaux intermédiaires financiers de nouvelles pers-pectives que ceux-ci ont progressivement cher-ché à exploiter en étendant la gamme de leursinstruments, en élargissant leurs marchés, enaugmentant le volume et la valeur de leurs opé-rations. Cet environnement a mis en lumière lesdistorsions de concurrence qui pouvaient naîtredes réglementations financières et bancaires.

Les coûts que ces dysfonctionnements des mar-chés financiers entraînent pour l’économie réellesont devenus plus importants. Ce constat a sus-cité une ouverture des marchés et une libérali-sation des mouvements de capitaux. Il a égale-ment amené une certaine remise en question durôle des pouvoirs publics au sein de l’économieet favorisé une approche moins intervention-niste, accordant plus de place au libre jeu dumarché. Une telle évolution a sans doute étérenforcée par l’insuccès des politiques tradition-nelles de type keynésien, poursuivies durant lesannées septante, qui s’étaient traduites par unemontée simultanée du chômage et de l’inflation.

La forte hausse des prix s’est elle-même révéléepeu conciliable avec le maintien des structurestrès réglementées évoquées ci-dessus.

En présence de taux d’intérêt nominaux plafon-nés ou fixes, les poussées inflationnistes ont eneffet fortement réduit les taux d’intérêt réels,jusqu’à les rendre négatifs, de sorte que lesautorités ont été amenées à lever les contrain-tes qu’elles avaient imposées. Ainsi, dans lespays scandinaves, un marché parallèle hors ban-que où prêteurs et emprunteurs opéraient direc-tement a émergé. Les banques ont, quant àelles, contourné la réglementation par le déve-loppement de leurs opérations hors bilan.

Aux Etats-Unis, où la montée de l’inflation aconstitué un élément particulièrement déstabi-lisateur pour le système bancaire (cf. infra),diverses mesures de dérégulation ont étéintroduites dans le « Depository InstitutionsDeregulation and Monetary Control Act » de1980. La « Regulation Q » a été progressive-ment abolie, si bien que les taux d’intérêt prati-qués par les S&L ont été libéralisés afin decontrer la tendance à la désintermédiation. Lesrestrictions concernant la délimitation géogra-phique des zones d’activité des S&L ont aussiété supprimées. Enfin, pour tenter de rétablir larentabilité du secteur, le « Garn Saint GermainAct » de 1982 a prévu l’élargissement desactivités autorisées des S&L.

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

Sur le marché financier japonais, au départ trèsfermé, la libéralisation des marchés financierss’est traduite par un essor important du marchédes valeurs mobilières. Un marché secondaires’est tout d’abord créé pour les titres de la dettepublique et par la suite pour les obligations pri-vées. Les marchés financiers sont devenus demoins en moins dominés par les banques, lesgrandes entreprises marquant une préférenceaccrue pour le marché des obligations. Ces en-treprises ont également pu trouver de nouvellessources de financement à l’étranger, grâce àl’assouplissement des contrôles des mouve-ments de capitaux. De nouveaux produits finan-ciers, sans contrainte sur les taux, ont en outreété élaborés.

1.2 ADAPTATION DES COMPORTEMENTSET MISE EN PLACE DES CONDITIONSD’EMERGENCE DE LA CRISEBANCAIRE

1.2.1 Adaptation des comportements

Dans les pays étudiés, la modification de l’envi-ronnement financier a entraîné des change-ments de comportement des banques, maisaussi des agents économiques en relation avec

elles. Cette adaptation des comportements estau cœur du processus débouchant finalementsur une crise bancaire. Ce processus peutêtre analysé à travers le paradigme « structure-comportement-performance » déjà évoqué à lasection 1.1.1.

Les pays scandinaves constituent un parfaitexemple de ces développements. D’abord, lepassage d’un environnement réglementé à unautre qui l’était beaucoup moins a provoquéun ajustement simultané de l’offre et de lademande de crédit. La première conséquencede la libéralisation a donc été un effet de rattra-page (« stock-adjustment »), marqué par uneforte hausse du volume de crédit.

La demande de crédits a par ailleurs été alimen-tée par de nombreux autres facteurs. La libérali-sation du secteur bancaire des pays scandina-ves a été mise en œuvre dans le contexte d’unereprise de la croissance économique. La haussede l’investissement, ainsi que la baisse du chô-mage et l’augmentation du revenu disponible quien ont découlé, ont accru la demande de crédit.Ensuite, les taux d’intérêt réels sont demeuréspeu élevés, surtout calculés après impôts, car unrégime fiscal autorisant les déductions des char-ges d’intérêts allégeait le poids du rembourse-ment des emprunts. La demande de crédits a

TABLEAU 3 — FONCTIONNEMENT DU SYSTEME BANCAIRE A LA SUITE DE LA DEREGLEMENTATIONDES ANNEES QUATRE-VINGT

Structure : libéralisation – Taux d’intérêt alignés sur les taux de marché– Suppression des mesures de rationnement du crédit– Levée des contraintes pesant sur les activités bancaires– Libération des mouvements internationaux de capitaux

Comportement : agressivité – Concurrence pour les parts de marché avec augmentation du volume descrédits et du total des bilans

– Développement de nouveaux produits et approche de nouveaux marchés– Profil d’activité plus risqué

Performance : marge brute réduite – Perte des rentes de situation– Coûts excessifs hérités du passé

détérioration de la renta-bilité et de la solvabilité

– Mauvaise gestion des risques– Concentration excessive sur certains secteurs

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

aussi bénéficié d’une envolée des prix des actifsimmobiliers qui servaient de garanties à de nom-breux prêts. Enfin, la levée des contrôles dechange a permis aux entreprises de s’endetter àl’étranger afin de bénéficier de taux d’intérêtmoins élevés; ce dernier phénomène a été parti-culièrement marqué en Finlande.

Les banques ont répondu à la croissance de lademande par l’augmentation de leur offre decrédit. Elles ont aussi progressivement modifiéla structure de leurs actifs en effectuant desopérations plus risquées (prêts à des secteurscycliques comme l’immobilier, prêts en devises).Cette prise de risques de plus en plus grande

ne s’est pas entièrement reflétée dans les tauxd’intérêt. En outre, les crédits des banques scan-dinaves ont été financés de façon croissante aumoyen d’emprunts interbancaires, car le rythmed’accroissement des dépôts, qui constituaient lasource presque exclusive de financement dansl’environnement plus régulé, était insuffisant. Enparticulier, l’accès des banques scandinaves aufinancement étranger a été déterminant pourl’explosion du crédit. Il s’en est suivi un coût definancement plus élevé et une dépendancevis-à-vis du reste du monde.

Au total, la réaction des emprunteurs et des prê-teurs à la libéralisation a donc amené une fortehausse du volume global de crédit et un profilplus risqué de l’activité de prêt des banques.Dans les pays scandinaves, les autorités étaientconscientes de cette forte hausse du crédit,mais l’estimaient normale, due à un effet derattrapage résultant du passage d’un environ-nement réglementé à un autre, libéralisé. Aposteriori, il est cependant clair que des effetsd’entraînement ont joué et qu’un processusauto-alimenté de hausse des prix des actifs im-mobiliers et financiers et d’endettement crois-sant a vu le jour. La hausse de la valeur desgaranties augmentait les capacités d’empruntdu secteur privé, les crédits supplémentairesalimentant à leur tour la demande d’actifs etla pression à la hausse sur les prix de ceux-ci.

Le graphique 2 illustre la croissance des créditsbancaires en pourcentage du PIB dans les paysscandinaves, la désépargne des ménages, quis’est traduite par un endettement croissant, et lepoids de plus en plus important des chargesd’intérêts dans leur revenu disponible. L’évolutionen Norvège précède celle des deux autres pays,à la fois en raison d’une libéralisation plus pré-coce et plus rapide et de conditions macroéco-nomiques différentes.

La libéralisation de la sphère financière a aussieu pour conséquence directe de placer les ban-ques dans un environnement beaucoup plusconcurrentiel. Elles ont ainsi été soumises à une

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Source : OCDE.

GRAPHIQUE 1 — CLIENTELE NON BANCAIRE : DEPOTS ET PRETS

(en milliards d’unités de la monnaie nationale)

Dépôts

Prêts

FINLANDE

NORVEGE

SUEDE

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

concurrence accrue de la part d’institutions nonbancaires, de banques étrangères et des mar-chés financiers. Elles ont néanmoins eu ten-dance à reproduire les comportements héritésde l’ancien environnement fortement régulé, àsavoir une lutte pour les parts de marché. Cette« fuite en avant » traduisait clairement une mé-connaissance du nouvel environnement et nepouvait que contribuer à une augmentationdémesurée du crédit et des bilans des banques.

Cette concurrence des autres segments desmarchés financiers est bien illustrée par le casdu Japon. Les grandes entreprises, qui avaient

déjà réduit leur crédit bancaire dans lesannées septante en raison d’une baisse de lacroissance et des investissements, se sont, dansla décennie suivante, tournées vers les marchésd’obligations en plein développement. Dès lors,les banques, qui disposaient toujours du volumeimportant des dépôts de particuliers, ont forte-ment réorienté leurs activités vers des prêts auxpetites et moyennes entreprises (PME). L’insuffi-sance d’obligations d’Etat découlant d’une politi-que budgétaire restrictive ne leur offrait en effetguère d’autre choix. Cette réorientation d’activi-tés était périlleuse pour les banques japonaises,habituées auparavant à un environnement peurisqué.

Les développements aux Etats-Unis se distin-guent quelque peu du schéma « libéralisation– adaptation des comportements – émergenced’une crise bancaire » observé dans les paysscandinaves et au Japon. La crise des S&L s’esten fait déroulée en deux phases.

Dans un premier temps, la hausse de l’inflationet le resserrement de la politique monétaire qui

Source : OCDE.

GRAPHIQUE 2 — CREDIT BANCAIRE ET ENDETTEMENT DES MENAGES DANS LES PAYS SCANDINAVES

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Finlande

Norvège

Suède

CREDITS BANCAIRES (pourcentages du PIB)

TAUX D’EPARGNE DES MENAGES (pourcentages du PIB)

CHARGES D’INTERETS DES MENAGES (pourcentages du revenu disponible)

GRAPHIQUE 3 — PART DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES 1 DANS LE TOTAL DES CREDITS ACCORDES PAR LES BANQUES JAPONAISES

(pourcentages)

Source : Bank of Japan Statistical Quarterly, repris de Hoshi (2000).1 Les petites et moyennes entreprises correspondent, suivant la définition

utilisée par la Banque du Japon, aux entreprises ayant moins de 100 millions de yens de fonds propres ou qui emploient moins de 300 personnes.

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

en a découlé à partir de 1979 ont mis en évi-dence le problème de déséquilibre entre leséchéances des actifs et des passifs auquelétaient confrontées les S&L. Elles ne pouvaientoctroyer que des prêts hypothécaires à longterme et à taux fixe en les finançant par unecollecte de dépôts à court terme dont la rému-nération était plafonnée par la « Regulation Q ».La forte hausse des taux a eu pour consé-quence, d’une part, que les S&L ont éprouvé desdifficultés croissantes à conserver leurs dépôtsà taux plafonnés et, d’autre part, que le rende-ment de leurs actifs est devenu très inférieuraux taux du marché.

Dans l’espoir d’une amélioration éventuelle de lasituation des S&L grâce à un retournement destaux, les autorités n’ont pas immédiatementprocédé à des interventions directes (cf. sec-tion 2.3.3). Elles ont toutefois pris, entre 1980et 1982, plusieurs mesures destinées à assou-plir les contraintes pesant sur les S&L. A l’actif,celles-ci ont pu accorder des prêts à taux varia-ble et le champ de leurs activités a été élargiaux prêts liés à la consommation et à l’immobi-lier commercial; au passif, la rémunération deleurs dépôts a été libéralisée. C’est en réactionà ces mesures que les S&L ont adopté descomportements plus risqués, retrouvant ainsi unschéma « libéralisation – changement de com-portement – dégradation des performances »,qui a correspondu à la seconde phase de lacrise des S&L. Les risques plus élevés couruspar les S&L se sont révélés d’autant plus diffici-les à assumer que l’activité de ces institutionsest demeurée concentrée géographiquement, cequi les a exposées aux chocs asymétriques quise sont produits dans certaines régions desEtats-Unis au milieu des années quatre-vingt(en particulier le contrechoc pétrolier au Texas).

1.2.2 Développement d’une bulle spéculativesur les prix des actifs immobiliers

Dans la plupart des crises envisagées, une bullespéculative s’est développée sur les prix des

actifs immobiliers. Cette bulle a été importantesurtout au Japon, en Suède et en Finlande.Elle est restée plus limitée en Norvège et auxEtats-Unis. Dans ce dernier pays, la relativestabilité des prix de l’immobilier résidentiel atoutefois résulté de situations parfois trèscontrastées d’un Etat à l’autre.

Les prix des actifs immobiliers peuvent en effets’éloigner durablement de leur valeur fondamen-tale, car leur offre est fixe à court terme, tandisque leur valeur de marché et le risque qu’ils pré-sentent font l’objet d’une forte incertitude. Laformation des prix immobiliers souffre d’hétéro-

Source : BRI.1 Déflatés par l’indice des prix à la consommation.2 Pour les Etats-Unis et la Suède, données non disponibles avant 1986.3 Pour les Etats-Unis et la Suède, données non disponibles avant 1985 et

1986 respectivement.

GRAPHIQUE 4 — PRIX REELS 1 DES ACTIFS IMMOBILIERS

(1986 = 100)

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Etats-Unis

Japon

Finlande

Norvège

Suède

IMMOBILIER RESIDENTIEL 3

IMMOBILIER COMMERCIAL 2

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

généité, les agents les plus optimistes quant àl’évolution future des prix pouvant les tirer dura-blement vers le haut.

Attirées par des prix en hausse, les banques ontjoué un rôle d’amplificateur en accroissant laconcentration de leurs crédits liés au secteurimmobilier. Cette concentration a résulté nonseulement d’une exposition directe, par le biaisdes prêts hypothécaires et des prêts au secteurde la construction, mais aussi indirecte via desprêts à des institutions financières non bancai-res investissant dans l’immobilier (« jusen » auJapon, Suède) ou encore des prêts commer-ciaux garantis par une hypothèque.

Dans le cas d’une forte hausse des prix desactifs, il n’est pas aisé de distinguer les élé-ments fondamentaux des éléments spéculatifsqui donnent naissance à une bulle. Ainsi, auJapon, la hausse des prix de l’immobilier pouvaitparaître normale dans un contexte de fortecroissance économique et pour un pays caracté-risé par le manque d’espace habitable. Le com-portement agressif des banques dans le do-maine immobilier était donc au départ rationnelen raison des nouvelles possibilités d’activités etde la nécessaire recherche de nouveaux débou-chés. De même, dans les pays scandinaves, lapremière phase de la hausse pouvait être justi-fiée par l’effet de rattrapage faisant suite à lalibéralisation du crédit.

1.3 DEFICIENCES DES MECANISMES DECORRECTION

Comme on l’a vu au chapitre 1.2, la libéralisationa entraîné des changements de comportementet a encouragé les banques à se réorienter versdes activités beaucoup plus risquées suscepti-bles de créer les conditions d’émergence d’unecrise bancaire. L’apparition effective de ces cri-ses a toutefois aussi été liée à la déficience desmécanismes de correction, que ceux-ci soientliés à la discipline de marché ou aient un carac-tère institutionnel.

1.3.1 Déficiences dans la discipline demarché

Les comportements exagérément risqués desoffreurs de crédit ont été favorisés par des défi-ciences dans la discipline exercée par le mar-ché. Ce problème a été provoqué par l’existenced’incitants inadéquats.

Pour les actionnaires, la valeur intrinsèque desinvestissements en actions bancaires a tendu àdiminuer à la suite du passage à un environne-ment moins protégé, dans lequel les banques nebénéficiaient plus de rentes de situation. Cesactionnaires ont exigé des gestionnaires que lerendement soit plus élevé, ce qui a conduit ladirection à prendre davantage de risques. Danscertains cas, ce comportement a sans doute étéstimulé par la conviction de bénéficier d’unegarantie implicite de l’Etat.

Cette anticipation d’une intervention ex-post aégalement pu jouer dans le cas de certaines ca-tégories de déposants. Certes, on ne peut exigerdes particuliers de vérifier la solidité des ban-ques auprès desquelles ils ont placé des fonds.L’existence, dans la plupart des pays, de systè-mes de garanties couvrant les dépôts n’excédantpas un certain plafond indique que la protectiondes petits déposants est considérée comme unemission d’intérêt public. Le même raisonnementne vaut toutefois pas pour les plus gros dépo-sants, en particulier, pour les opérateurs du mar-ché interbancaire, où il est essentiel que les éta-blissements de crédit exercent une fonction desurveillance mutuelle. Ce rôle risque toutefoisde ne pas être rempli si les banques peuvents’attendre à des interventions de l’Etat.

Ainsi, au Japon, l’aggravation des problèmes liésau secteur immobilier a amené les autorités àdéclarer officiellement au milieu des années no-nante que les 21 plus grandes banques étaienttrop importantes pour être mises en faillite (« toobig to fail »). Ces garanties implicites ou explici-tes de l’Etat peuvent être considérées commedes options gratuites – au bénéfice des dépo-

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

sants – dont la valeur augmente avec le niveaude risque encouru par les banques. Les dépo-sants ne sont alors plus incités à contrôler l’acti-vité de leur banque. Il s’agit d’une forme d’aléamoral (« moral hazard »). Le rôle de l’aléa moraldans le déclenchement des crises bancaires estmis en évidence à la section 2.1.

A la suite de la libéralisation, les banques ont,quant à elles, offert de nouveaux produits dontelles avaient une connaissance imparfaite, à unprix mal calculé. En Norvège et en Finlande, lestaux des nouveaux crédits plus risqués sontainsi demeurés inférieurs aux taux de marchéde référence jusqu’à la fin des annéesquatre-vingt. De façon générale, les systèmesde gestion et de contrôle interne n’ont pas étésuffisamment adaptés au nouvel environnement.Même aux Etats-Unis, ces systèmes, générale-ment plus sophistiqués qu’en Europe ou auJapon, se sont révélés insatisfaisants dans denombreuses S&L qui ont été mises en faillite.

Les règles d’évaluation des gestionnaires ont éga-lement incité à la prise de risque, dans la mesureoù une part de leur rémunération était basée surles profits hors ajustements pour les provisions.Les gestionnaires étaient d’autant moins poussésà la prudence qu’ils n’occuperaient vraisemblable-ment plus les mêmes postes au moment où lesconséquences néfastes de ces choix se feraientsentir (forte mobilité du travail, soit d’une entre-prise à l’autre, comme aux Etats-Unis, soit au seinde la même institution, comme au Japon).

Un autre facteur prépondérant dans le dévelop-pement d’une offre excessive de crédits a été lemimétisme (« herding ») des banques dans leurscomportements. Celui-ci est lié à la nature desmarchés financiers, où les délais de réactionsont brefs, les ajustements rapides et la concur-rence oligopolistique. Les pressions concurren-tielles amènent alors les banques à réagir enmême temps dans la même direction.

Si le mimétisme conduit souvent à des situa-tions intenables à terme (endettement croissant

et envolée des prix des actifs immobiliers), il esttoutefois susceptible de perdurer en raison d’uncertain aveuglement (« disaster myopia »). Cephénomène concerne les chocs peu fréquentset dont la probabilité d’occurrence est difficile àévaluer, tels les crises bancaires1. Un biais sedéveloppe par lequel cette probabilité estsous-évaluée, voire niée, lorsqu’elle devient trèsfaible et passe au-dessous d’un certain seuil.

1.3.2 Environnement institutionnel etpolitique macroéconomique

Si des déficiences en matière de discipline demarché et de contrôle interne ont amené lesbanques des pays étudiés à prendre des risquesexcessifs, l’inadaptation des procédures de ré-gulation et de supervision ou celle de la politi-que macroéconomique ont également joué unrôle. Une réglementation inadéquate, trop oupas assez stricte, des procédures de contrôleinsuffisantes, des politiques monétaires et bud-gétaires déséquilibrées sont en effet autant defacteurs pouvant concourir à l’apparition d’unecrise bancaire.

Les deux phases de la crise des S&L, déjà dé-taillées ci-dessus, constituent une bonne illus-tration des conséquences que peuvent avoir uneréglementation inadaptée couplée à une super-vision déficiente. La première phase, liée à undéséquilibre excessif dans les échéanciers, atrouvé sa source dans une réglementation tropstricte des modalités de financement et d’octroide crédits des S&L. Il en est résulté une struc-ture financière déséquilibrée pour l’ensembledes S&L, susceptible de provoquer une crisegénéralisée au moindre choc adverse.

La deuxième phase de la crise, caractérisée parune détérioration de la qualité des crédits, a dé-coulé de la libéralisation incomplète entamée en

1 Ces risques imprévisibles et inquantifiables doivent être distinguésdes risques prévisibles et quantifiables, tels par exemple les défautsde paiement (fréquents) sur les cartes de crédit.

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

réaction aux problèmes de la première phase.La libéralisation des taux d’intérêt pratiqués parles S&L n’a en effet pas été accompagnéed’une réforme du système de protection des dé-pôts, le plafond assuré ayant même été relevé,ce qui a accru l’aléa moral.

La crise japonaise constitue un autre exemple in-téressant du rôle que peuvent jouer les procédu-res de régulation et de supervision dans le déve-loppement des comportements d’aléa moral et demimétisme1. Bien qu’un organisme d’assurancedes dépôts ait été créé en 1971, la principalecomposante du « filet de sécurité » (« safety net »)du système bancaire japonais dans les annéesseptante et quatre-vingt était la confiance dansune politique informelle d’intervention du Minis-tère des Finances et de la Banque du Japon encas de problèmes. Cette politique, fréquemmentdésignée sous l’appellation d’« approche enconvoi », se composait de plusieurs lignes deconduite distinctes mais liées entre elles, dontdécoulait une assurance implicite de l’Etat :

– garantir la survie du plus faible en fixant lestaux d’intérêt et en imposant d’autres régle-mentations à cette fin;

– ne permettre aucune faillite, la seule sortieautorisée du marché ne pouvant s’effectuerque par fusion avec une banque plus solide;

– impliquer la responsabilité de la banquemère ou principale créancière dans le casde difficultés d’une petite banque.

Les règles comptables en vigueur ont aussi jouéun rôle dans le développement de la crise, enrendant opaques les informations disponiblessur les institutions en difficulté. Ainsi, auxEtats-Unis, la baisse de la valeur des actifs desS&L à la suite de la hausse des taux d’intérêtn’a pas été prise en compte. Cette dissimulation

de l’insolvabilité grandissante des S&L a contri-bué à une absence de prise de conscience dudanger pour tous les acteurs concernés (S&L,déposants, superviseurs). Dans les pays scandi-naves et au Japon, pays dans lequel les règlescomptables étaient largement déficientes, lanon-valorisation des avoirs immobiliers aux prixdu marché empêchait aussi de clairement ren-dre compte de la situation. Ces insuffisancesdans les systèmes réglementaires et les méca-nismes institutionnels se sont souvent combi-nées à certaines déficiences dans les procédu-res de contrôle et de supervision.

Enfin, dans les pays étudiés, les politiquesmacroéconomiques ont souvent joué un rôlenon négligeable dans la gestation et le déclen-chement des crises.

D’une part, la politique monétaire a souvent étédéstabilisante. Aux Etats-Unis, le brusque res-serrement, à la fin de 1979, de la politique me-née par la Réserve fédérale a ainsi entraîné lapremière phase de la crise des S&L. A l’inverse,dans d’autres pays tels le Japon, la Norvège oula Finlande, la politique des taux a parfois ététrop accommodante, permettant le développe-ment de bulles financières. En Norvège, le créditaccordé par la banque centrale aux établisse-ments de crédit a été fortement augmenté en1986 par crainte d’un tarissement du finance-ment extérieur, qui ne s’est jamais concrétisé.L’orientation accommodante de la politique mo-nétaire était aussi parfois due à l’objectif dechange : en Finlande, la politique plus restrictive,qui aurait été justifiée par les développementsintérieurs, n’a pu être menée qu’à partir de 1989à la suite de la réévaluation du mark finlandais.

D’autre part, en matière de politique fiscale,le traitement favorable des intérêts débiteurs(Norvège, Suède) a sensiblement réduit lescharges d’endettement, dans un contexte où lestaux d’intérêt réels étaient déjà faibles. En outre,le mode de traitement fiscal des actifs et passifsbancaires, en ce compris les créances douteu-ses, s’est souvent révélé trop généreux.

1 A l’instar des Etats-Unis, le marché bancaire japonais était trèssegmenté en raison de fortes restrictions pesant sur l’activité desdifférentes catégories d’institutions. Ces contraintes semblentcependant avoir été détournées dans les faits, de sorte qu’elles n’ontpas joué un rôle aussi central qu’aux Etats-Unis dans l’apparition de lacrise.

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

2. LE DEROULEMENT ET LAGESTION DES CRISESBANCAIRES

2.1 ELEMENTS THEORIQUES

Les schémas théoriques d’explication du déclen-chement et de la propagation des crises bancai-res font souvent appel aux modèles d’informa-tion asymétrique, tels que ceux proposés notam-ment par Mishkin (1997). L’asymétrie dans l’in-formation se réfère au décalage pouvant existerentre les connaissances que les débiteurs desbanques ont de leur propre situation et les infor-mations que ces banques ont pu accumuler surle profil de risque de leurs emprunteurs.

Cette asymétrie peut donner naissance à undouble phénomène. Les clients peuvent êtretentés, une fois le prêt accordé, de prendre desrisques exagérés dans la recherche d’un rende-ment maximal, sachant que c’est la banque quisubira les pertes éventuelles. Il s’agit de l’aléamoral (« moral hazard »).

Par ailleurs, en période d’incertitude, les ban-ques peuvent être amenées à adopter des mé-canismes pervers de sélection de leurs clientsqui induisent une structure de risque biaisée(« sélection adverse »). Ainsi, une détériorationde l’environnement financier amène souvent lesbanques à procéder à un certain rationnementde leurs crédits en élargissant les marges d’inté-rêt. Ce comportement risque de décourager desdébiteurs solvables, qui auraient été disposés àaccepter des conditions de taux assurant unerentabilité satisfaisante pour les banques, etde concentrer les crédits sur des clients prêts àaccepter des taux plus élevés pour financer desopérations plus risquées.

Au-delà d’un certain seuil, ces deux problèmessont susceptibles d’entraîner une rupture descanaux d’intermédiation. Mishkin identifie quatrefacteurs qui aggravent les problèmes de sélec-tion adverse et d’aléa moral inhérents à l’activité

financière : une hausse des taux d’intérêt, unebaisse des marchés boursiers, une incertitudeaccrue et une détérioration du bilan des ban-ques1. Ces quatre facteurs ne sont évidemmentpas indépendants. Ainsi, la détérioration du bilandes banques peut provenir d’une baisse ducours des actions, celle-ci touchant l’actif desbanques non seulement directement, mais sur-tout indirectement, via une détérioration de laposition financière de leurs débiteurs. De même,le problème de déséquilibre des échéances, quise matérialise lors d’une hausse des taux d’inté-rêt, va également affaiblir la structure de bilandes banques.

L’aggravation des problèmes de sélection ad-verse et d’aléa moral nuit au traitement correctde l’information par la sphère financière et peutentraîner une contraction du crédit et de l’acti-vité économique. La situation financière des em-prunteurs continuant à se détériorer, la multi-plication des défauts de paiement peut alorsprovoquer une crise bancaire.

Cette crise bancaire est susceptible de se géné-raliser par effet de contagion. Celle-ci peutprendre différentes formes (Kaufman, 1999) :

– corrélation : un choc important touche simul-tanément de nombreuses banques, parexemple l’éclatement d’une bulle financière;

– réaction en chaîne directe : la faillite d’unebanque entraîne celle d’une autre. Cet effetdomino sera d’autant plus grand qu’il existede fortes interconnexions entre les banques;

– réaction en chaîne indirecte : la chute del’un fait craindre la chute de l’autre; dans cecas, des interconnexions plus faibles suffi-sent. Etant donné la difficulté de disposerrapidement de l’information nécessaire pour

1 Le rôle d’un cinquième facteur (crise de change) est surtout limité,selon Mishkin, à la propagation de l’instabilité financière dans les paysen développement. Une telle crise a toutefois contribué à détériorerla situation bilantaire du secteur privé dans les pays scandinaves(cf. section 2.2).

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

effectuer le tri entre les institutions à risqueet les autres, un phénomène de mimétismepeut se développer pendant une périodetransitoire, par lequel tous les investisseurstendent à se méfier de toutes les institu-tions sans discernement. Une telle conta-gion peut être justifiée ou non.

La contagion indirecte injustifiée est évidem-ment la plus dangereuse. Dans ce cas, même enl’absence d’un choc commun ou de liens directsou indirects, la chute d’une institution isolée (fré-quemment due à une mauvaise gestion) peutavoir des conséquences négatives sur d’autres.Dans les pays étudiés, la crise bancaire a es-sentiellement relevé du premier des trois effetsci-dessus (effet de corrélation).

Enfin, si la crise bancaire prend une ampleurtelle que la contraction de l’activité économiqueet de l’offre de crédit s’accompagne d’unebaisse des prix non anticipée, l’économie peutentrer dans une situation de déflation par lesdettes. La baisse des prix accroît le poids del’endettement et détériore davantage l’actif netdes entreprises et des ménages, aggravant en-core les problèmes de sélection adverse etd’aléa moral. L’économie peut alors entrer dansune phase prolongée de récession, ce qui s’estproduit au Japon.

2.2 DECLENCHEMENT ET DEROULEMENTDES CRISES BANCAIRES

La crise proprement dite est déclenchée par unou plusieurs événements, de nature réelle ou fi-nancière, qui provoquent l’éclatement des bullesfinancières et rendent le poids de l’endettementdu secteur privé insoutenable, mettant en périlles positions des débiteurs des banques et,in fine, les positions de ces dernières. Dansles pays étudiés, les événements déclencheursont été :

– un retournement conjoncturel : la baisse desprix du pétrole en 1986 pour la Norvège,

pays exportateur; l’effondrement du com-merce avec l’URSS en 1990 et la récessionprovoquée par la guerre du Golfe pour laFinlande;

– une révision des politiques macroéconomi-ques antérieures : durcissement de la politi-que monétaire aux Etats-Unis (premièrephase de la crise des S&L), au Japon et enSuède; suppression du traitement fiscal fa-vorable des intérêts débiteurs en Suède;

– une dépréciation de la monnaie nationaledans les trois pays scandinaves, qui a sur-tout posé problème en Finlande (1991-1993) et en Suède (1992), plus de la moi-tié de l’endettement des entreprises étantlibellé en devises.

Ces divers éléments déclencheurs ont, à leurtour, influencé le déroulement des crises dansles différents pays envisagés.

Dans les pays scandinaves, les facteurs con-joncturels ont prédominé, de sorte que les per-tes sur créances douteuses ont surtout con-cerné les entreprises domestiques, qui ont subide plein fouet le retournement cyclique. S’y estajouté un éclatement de la bulle dans le secteurimmobilier, particulièrement en Suède, où 50 à75 p.c. des créances douteuses étaient liés ausecteur immobilier. Par ailleurs, en Suède et enFinlande, les nombreuses entreprises endettéesen devises ont été frappées par la crise dechange.

Le retournement conjoncturel s’étant d’abordproduit en Norvège, la rentabilité des banquesde ce pays s’est détériorée dès 1987, pour de-venir légèrement négative en 1988. Le pro-blème s’est initialement limité aux banques peti-tes et moyennes, mais à partir du début desannées nonante, les pertes de l’ensemble dusecteur, y compris de plusieurs grandes ban-ques, ont atteint des proportions très élevées. Ladégradation de la rentabilité des banques finlan-daises a été tout aussi importante, et s’est, enoutre, prolongée plus longtemps. La gestion plusprompte et cohérente de la crise du système

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

TABLEAU 4 — ELEMENTS MARQUANTS DES CRISES BANCAIRES ETUDIEES

Etats-Unis(1980-1992)

Finlande(1991-1994)

Japon(1992- )

Norvège(1987-1993)

Suède(1990-1993)

Facteurs déclencheurs

Resserrement de la politique monétaire en octobre 1979

Resserrement de la politique monétaire en 1989

Resserrement de la politique monétaire à la fin de 1990

Chute des prix du pétrole en 1986

Resserrement de la politique monétaire au début des années 1990

Chocs asymétriques régionaux dans les années nonante

Réduction de la déductibilité fiscale des charges d’intérêts

Récession à partir de 1991

Dépréciation de la couronne à partir de 1986

Réduction de la déductibilité fiscale des charges d’intérêts

Chute du commerce avec l’URSS en 1990 et récession

Crise du mécanisme de change européen en 1992

Dépréciation du mark finlandais en 1991-1993

Déroulement La crise a d’abord frappé les S&L, ensuite les banques

Les pertes sur créances des banques ont surtout été liées au fort endettement en devises des entreprises

La crise a successivement frappé les petits établissements avec un gros portefeuille immobilier, sept des huit « jusen» qui ont été déclarées insolvables, puis les banques ayant des positions en actions et en immobilier ou étant impliquées dans les «jusen»

Le problème principal a été la bulle spéculative dans l’immobilier résidentiel

La crise a successivement frappé les sociétés de financement non bancaires en 1986-1987, les banques petites et moyennes en 1987-1989 et l’ensemble des banques au début des années nonante

Les deux principaux problèmes ont été la bulle spéculative dans l’immobilier commercial et le fort endettement en devises des entreprises

La crise a d’abord concerné les sociétés de financement non bancaires (1990-1991) puis l’ensemble des banques

Résolution Laisser-faire(1re phase)

Fonds de garantie gouvernemental (et garantie de l’Etat)

Laisser-faire pendant la 1re moitié des années nonante

Création de deux fonds gouvernementaux d’intervention financière

Garantie générale de l’Etat

Fusions et liquidations sous l’égide du «Resolution Trust Corporation»(2e phase)

Organisme de reprise des créances en souffrance

Création de deux organismes de reprise des créances en souffrance

Nationalisations Institution d’un organisme indépendant chargé d’organiser la résolution de la crise

Réforme structurelle en 1991: FDICIA, «Prompt Corrective Action»

Nationalisations temporaires

Fusions et liquidations

Réformes structurelles à partir de 1996

Création de deux organismes de reprise des créances en souffrance

Nationalisations temporaires

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

bancaire suédois a permis de limiter les effetssur la rentabilité des banques.

Pour les banques japonaises, la hausse destaux, à la suite du durcissement de la politiquemonétaire, a provoqué une baisse brutale desprix des actifs. Les premiers problèmes ont étéprovoqués par les pertes sur les investissementsimmobiliers. Par la suite, les établissements decrédit ont eu à faire face aux pertes sur le por-tefeuille d’actions et aux défauts de paiementliés à l’entrée en récession de l’économie japo-naise. La baisse du cours des actions a eud’autant plus d’incidence sur les banques japo-naises qu’elles détenaient un portefeuille d’ac-tions important et qu’elles pouvaient intégrer à

leur capital une partie des plus-values sur ceportefeuille.

Les premières institutions touchées ont doncété de petites institutions ayant un gros porte-feuille immobilier, ensuite les « jusen », enfin lesbanques. Les « jusen », au nombre de huit,étaient des filiales de banques, sociétés de titresou compagnies d’assurances-vie créées au mi-lieu des années septante, et spécialisées dansle crédit à la consommation, délaissé par lesbanques. Lorsque ces dernières, à la recherchede nouvelles activités, se sont finalement tour-nées vers ce secteur, les « jusen » se sont spé-cialisées dans les prêts hypothécaires, au milieudes années quatre-vingt. Elles ont donc été tou-chées directement par le retournement des prixde l’immobilier à la fin de 1989 et, après quel-ques années pendant lesquelles les autoritésont laissé la situation se détériorer sans interve-nir, sept des huit « jusen » sont devenues insol-vables. La crise immobilière s’est étendue auxbanques en raison de leur participation dans les« jusen », mais aussi de leurs opérations propres.Les banques avaient en effet directement con-currencé leurs filiales afin de profiter des oppor-tunités de profit dans le domaine du créditimmobilier. Dans la mesure où elle a été con-tournée, comme en témoignent aussi les largespositions des banques japonaises en actions, lasegmentation des marchés pourrait avoir jouéun rôle moindre au Japon (à l’exception des« jusen ») qu’aux Etats-Unis. Comme il ressort dugraphique 5, la politique de laisser-faire adoptéepar les autorités japonaises, jointe à des métho-des de reporting de qualité insuffisante, n’a faitque différer l’apparition d’une rentabilité négativeen 1995, six ans après l’éclatement de la bulle.

Aux Etats-Unis, l’évolution de la rentabilité desS&L illustre les deux phases de la crise dont il adéjà été question. Après une première détériora-tion en 1981-1982 à la suite des problèmesliés à la transformation d’échéances, la libérali-sation qui y a répondu a entraîné une diversifi-cation des activités des S&L hors de leur champtraditionnel des crédits hypothécaires. Cette

Sources : OCDE, Office of Thrift Supervision.1 Résultat net en pourcentage de la moyenne du bilan.

GRAPHIQUE 5 — RENTABILITE DES BANQUES : RENDEMENT DES ACTIFS

(bénéfices avant impôts en pourcentage de la moyenne du bilan)

81 83 85 87 89 91 93 95 97-4

-2

0

2

-4

-2

0

2

81 83 85 87 89 91 93 95 97-1,5

-1

-0,5

0

0,5

1

-1,5

-1

-0,5

0

0,5

1

81 83 85 87 89 91 93 95 97-0,8

-0,4

0

0,4

0,8

1,2

-0,8

-0,4

0

0,4

0,8

1,2JAPON

PAYS SCANDINAVES

Finlande

NorvègeSuède 1

ETATS-UNIS (SAVINGS AND LOAN)

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

recherche de rentabilité a été stimulée par lepassage d’un nombre croissant de ces établis-sements, du statut de société coopérative où lesbénéfices sont mis intégralement en réserve, àun statut de société commerciale. La rentabilitéa pu être temporairement restaurée mais au prixd’une importante prise de risques. En 1987, lasituation s’est à nouveau détériorée, cette foisen raison de la mauvaise qualité des actifs. Larentabilité est redevenue négative entraînant ladisparition de nombreuses institutions. Ce mou-vement a cependant été freiné, ce qui ressort del’augmentation graduelle durant les annéesquatre-vingt du nombre de mois pendant les-quels un établissement insolvable placé sous latutelle du « Resolution Trust Corporation » conti-nuait ses activités.

2.3 GESTION DES CRISES BANCAIRES

2.3.1 Considérations générales

Pour éviter que l’apparition de problèmes ne dé-génère en l’éclatement d’une crise, il est essen-tiel d’agir rapidement, si possible de manièrepréventive. Ceci implique, d’une part, de poserun diagnostic correct, d’autre part, de mettreefficacement en œuvre les instruments structu-rels à la disposition des autorités de contrôle.Celles-ci peuvent, en effet, en fonction descirconstances, imposer des augmentations decapital, une limite à la croissance du bilan, uneréduction ou un abandon de certaines activitésou encore une restructuration interne des systè-mes de gestion ou des organes de direction.Idéalement, ces mesures devraient permettre dedésamorcer la crise et ce n’est qu’en casd’échec que des interventions plus directesdevraient être envisagées.

Ce schéma d’un diagnostic précis suivi d’un re-cours à des mesures structurelles en vue d’évi-ter des interventions plus contraignantes n’a ce-pendant pas coïncidé avec le scénario suivi lorsdes accidents recensés dans cette étude.Ceux-ci n’ont été détectés qu’avec retard, alorsque les problèmes évoluaient déjà vers une si-tuation de crise. Au surplus, la réaction initialedes autorités a souvent été le laisser-faire, dansl’espoir qu’un changement dans l’environnementconjoncturel permettrait à la crise de se résou-dre d’elle-même. Les interventions des autoritésont ensuite dû être d’autant plus lourdes qu’ellesont été plus tardives. Ce n’est qu’après coup, entirant la leçon des événements, que les autoritésont entrepris des réformes structurelles visant àaméliorer les instruments de supervision.

Cette séquence d’un diagnostic directementsuivi d’une gestion de crise et, ensuite seule-ment, de l’introduction de réformes structurellesa été retenue comme plan pour la suite de cechapitre. Si elle est conforme à la chronologiedes trois crises examinées dans cet article, il

Source : Barth J.R. and Litan R.E. (1998).1 Concerne les institutions mises sous tutelle du « Resolution Trust Corporation ».

GRAPHIQUE 6 — LA CRISE DES « SAVINGS AND LOAN » AMERICAINES

80 82 84 86 88 90 92 94 960

20

40

60

80

100

0

20

40

60

80

100

80 82 84 86 88 90 92 94 960

10

20

30

40

50

0

1000

2000

3000

4000

5000

Nombre de mois d’insolvabilité avantla fermeture 1 (échelle de gauche)

Nombre de S&L (échelle de droite)

Part des actifs hypothécaires dans letotal du bilan (pourcentages)

Part des actifs détenus par des S&Ln’ayant pas le statut de coopérative(pourcentages)

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

faut toutefois être conscient qu’elle ne peut enaucun cas être considérée comme un déroule-ment idéal.

2.3.2 Diagnostic

Lorsqu’elles ont à faire face à des crises bancai-res, les autorités doivent se prononcer sur uncertain nombre d’éléments. Certains d’entre euxpeuvent être débattus et tranchés indépendam-ment de l’éclatement d’une crise. Il s’agit notam-ment de la fixation du cadre général dans lequelune crise éventuelle doit être gérée (mise aupoint d’un manuel de procédure, canaux à utili-ser pour la communication des informations, ...).D’autres questions sont à envisager lorsque lesystème bancaire ou d’importantes institutionsindividuelles rencontrent effectivement des diffi-cultés. Il s’agit alors de poser un diagnosticavant d’envisager quelles réponses apporter à lacrise. Cette phase est primordiale et c’est biensouvent en raison d’une mauvaise évaluation dela situation que certaines crises bancaires ontété particulièrement longues. Les autorités de-vront répondre aux questions suivantes :

– S’agit-il d’un problème isolé ou systémique ?L’objectif des autorités doit être d’assurer lastabilité du système dans son ensemble etnon la sauvegarde de l’une ou l’autre ban-que en particulier. La difficulté est alors dedéterminer si le système est mis en péril, cequi justifie une intervention, ou si le pro-blème reste circonscrit. Ce sont évidemmentles situations « intermédiaires » (concernantnotamment des banques de moyenne im-portance) qui sont les plus délicates à éva-luer.

– S’agit-il d’un problème d’illiquidité ou d’insol-vabilité ? Face à un problème temporaired’illiquidité, l’intervention de la banque cen-trale comme prêteur en dernier ressort sejustifie et est généralement suffisante pourrésorber les difficultés (injection de liquiditésà court terme). Il est cependant très fré-quent qu’un problème de liquidité reflète un

problème, plus fondamental, d’insolvabilité.Une perspective à plus long terme est né-cessaire afin de déterminer si les banquesen difficulté sont « viables » ou non.

– Comment les responsabilités doivent-ellesêtre partagées ? La rapidité d’interventionest un facteur primordial dans la résolutiondes crises bancaires. Dans ce contexte, l’at-tribution des responsabilités entre les diffé-rents intervenants doit être clairement éta-blie. Chaque autorité doit disposer d’uneautonomie suffisante pour prendre et appli-quer les décisions dans le domaine de res-ponsabilité qui est le sien.

– Faut-il rendre les interventions publiques ou,au contraire, garder une certaine confidenti-alité ? Cette dernière est parfois requiseafin d’éviter la panique, ce qui n’exclut pasque les autorités aient à justifier leur actionex post, lorsque le risque de contagion adisparu. Si des rumeurs concernant la crisecommencent à circuler, la confidentialité ris-que toutefois de devenir contre-productive.

– Qui doit supporter les coûts des interven-tions et comment ceux-ci seront-ils récupé-rés ? La question de la prise en charge descoûts par le budget de l’Etat et/ou par labanque centrale doit idéalement être tran-chée au préalable, afin de ne pas différerl’éventuelle intervention des autorités. Il enva de même concernant la question de larécupération des sommes engagées. Lesactionnaires d’une banque ne peuvent pasdevenir les bénéficiaires d’une interventionpublique.

Les réponses à ces questions ne sont pas indé-pendantes, dans la mesure où la nature du pro-blème va conditionner la répartition des respon-sabilités. Ceci est vrai en particulier pour les in-terventions de la banque centrale en tant queprêteur en dernier ressort. Ce thème importantsort quelque peu du cadre de cette étude, dansla mesure où les crises examinées ont corres-pondu à de graves problèmes de solvabilitéfrappant simultanément plusieurs institutionsd’un même pays. Dans de tels cas, la nécessité

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s’impose d’une intervention plus globale, impli-quant les pouvoirs publics ou l’ensemble de lacommunauté financière (« taxpayers or privatemoney solution »). Ceci n’empêche pas que labanque centrale puisse jouer un rôle d’intermé-diaire (« honest broker function ») dans la miseen œuvre des solutions.

2.3.3 Modalités de résolution

2.3.3.1 Le laisser-faire (« forbearance »)

Les autorités confrontées à une crise bancairepeuvent adopter la politique du laisser-faire.Dans cette optique, elles peuvent même êtreamenées à assouplir certaines contraintes régle-mentaires afin de donner le temps aux banquesde résoudre leurs difficultés par elles-mêmes.

Ce type d’attitude est souvent adopté dans unephase initiale, lorsque l’importance de la criseest encore incertaine et que les problèmes po-tentiels ne contraignent pas encore les banquesen difficulté à payer des taux excessivementélevés sur leurs sources de financement exter-nes. Toutefois, le laisser-faire peut égalementdécouler du fait que les organes chargés de lasupervision sont réticents à reconnaître l’am-pleur de la crise, parce qu’ils craignent une miseen cause de l’efficacité des contrôles ou encoreparce qu’ils redoutent, par effet de contagion,d’amplifier la crise financière.

Les autorités américaines n’ont pas immédiate-ment réagi dans la phase initiale de la crise desS&L au début des années quatre-vingt. Lesmoyens dont disposait le fonds de garantie desdépôts (« Federal Savings and Loan InsuranceCorporation » ou FSLIC) se sont révélés beau-coup trop limités, ce qui pourrait constituer unedes raisons pour lesquelles les autorités ne sontpas intervenues, car elles comptaient que lareprise économique et le retournement des tauxd’intérêt seraient de nature à rétablir la solvabi-lité de nombreux établissements. Les règles desolvabilité des S&L ont d’ailleurs été assouplies.

La réaction des S&L a été de prendre de plusen plus de risques dans le but de récupérer lespertes déjà encourues, si bien que la situations’est rapidement dégradée.

Si les autorités des pays scandinaves l’ont évité,le laisser-faire a également été de mise pendantde nombreuses années au Japon, particulière-ment dans le cas des « jusen ». Ainsi, ces der-nières n’ont pas fait l’objet des limitations aucrédit immobilier mises en œuvre en 1990.Alors que les inspections du Ministère des Fi-nances avaient, dès 1991, montré que 40 p.c.des crédits des « jusen » étaient douteux, il a étédécidé de ne rien faire en espérant un retourne-ment à la hausse des prix de l’immobilier. Celui-ci ne se produisant pas, un plan de réhabilitationsur dix ans a été monté en 1993 pour aboutir,en 1995, à un revirement de politique sous laforme d’une décision de liquidation des sept« jusen » insolvables. Trois quarts de leurs prêtsétaient alors devenus douteux.

La politique de laisser-faire s’est donc révéléeinadaptée, ce qui a forcé les autorités à mettreen œuvre des programmes d’interventions direc-tes. Ces mesures, recensées ci-après, ont rare-ment été exclusives l’une de l’autre, si bien queles solutions apportées ont le plus souvent com-biné plusieurs types d’opérations.

2.3.3.2 Octroi de garanties

Les ressources des fonds de protection desdépôts sont généralement insuffisantes dans lecas de crises systémiques. La garantie qu’ilsoffrent perd alors son sens et l’Etat peut êtreamené à accorder une garantie beaucoup plusvaste.

Ainsi, en Suède, le gouvernement a annoncéen septembre 1992 que tous les engagementsdes banques seraient intégralement honoréset qu’aucun déposant ou créancier n’aurait àencourir de pertes. Ce plan de garantie généralea été mis sur pied afin de préserver la crédibilitéinternationale du système bancaire suédois. Il

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

a été abrogé en 1996 et remplacé par unsystème d’assurance limitée des dépôts. EnFinlande aussi, le Parlement a approuvé unerésolution par laquelle les autorités se portaientgarantes de toutes les obligations contractéespar les banques. En Norvège, la banque centralea, au début de la crise, accordé un prêt au fondsde garantie qui a servi à rembourser les dépo-sants d’une petite banque mise en liquidation.

Aux Etats-Unis, les autorités ont également étéamenées à couvrir les engagements des ban-ques qui ne bénéficiaient pourtant pas de lagarantie du FDIC (« Federal Deposit InsuranceCorporation »). A partir de 1992, le FDICIA(FDIC Improvement Act) a mis fin à cette prati-que de protection généralisée. L’objectif étaitalors de ramener une certaine discipline au seindu marché.

2.3.3.3 Restructuration des bilans

Il s’agit des mesures de résolution des crises lesplus souvent appliquées. L’objectif des autoritésest d’assainir les structures de bilan des ban-ques défaillantes en procédant à deux typesd’intervention.

Les autorités peuvent procéder à une reca-pitalisation des établissements de crédit enapportant des capitaux sans modification dureste de la structure d’actionnariat des établis-sements bénéficiant d’une intervention (« openbank assistance »). Cette technique a étéappliquée en Norvège où l’agence publique« Government Bank Insurance Fund », mise surpied en 1991, a octroyé des prêts aux fonds deprotection des dépôts afin que ceux-ci dispo-sent de ressources suffisantes pour leur per-mettre d’injecter des capitaux dans les banquesen difficulté.

Les autorités peuvent aussi procéder à un ra-chat des créances douteuses par l’intermédiaired’une structure ad hoc, généralement appelée« bad bank » ou « hospital bank », financée pardes fonds publics. Les actifs « sains » continuent

à être gérés par la banque défaillante (paysscandinaves) ou sont revendus aux enchères àd’autres établissements (Etats-Unis). Les ban-ques assainies peuvent ainsi reprendre leurs ac-tivités sur de nouvelles bases, sans qu’une inter-vention publique ultérieure ne soit requise. Deplus, les banques, lorsqu’elles sont ainsi déles-tées de leurs créances douteuses, ne devraienten principe plus être tentées de se lancer dansdes opérations plus risquées dans le but decompenser les pertes encourues. Qui plus est,les agences spécialisées dans le recouvrementde dettes font généralement preuve d’une plusgrande efficacité, notamment en raison de leurplus grande expertise, d’économies d’échelle etde l’approche collective qu’elles peuvent adopterlorsqu’une partie défaillante est endettée vis-à-vis de plusieurs établissements bancaires.

L’exemple le plus parlant en la matière vient dela Suède. L’Etat y a racheté les deux plus gran-des banques pour les diviser chacune en deuxentités, un organisme reprenant les créancesdouteuses et une banque continuant à gérer lesactifs « sains ». Après avoir fusionné les deuxbanques assainies, l’Etat suédois s’est partielle-ment désengagé de la nouvelle entité ainsiconstituée dès qu’elle eut retrouvé une certainerentabilité.

2.3.3.4 Réorganisation du secteur

Les autorités peuvent aussi procéder à uneréorganisation plus en profondeur du secteurbancaire, par le biais de nationalisations, d’opé-rations de fusions et acquisitions entre établis-sements ou de mises en liquidation.

En Norvège, à la fin de 1991, l’Etat est devenu,via le « Government Bank Investment Fund »,l’actionnaire unique ou principal des trois plusgrandes banques commerciales. En 1994, lesautorités norvégiennes ont clairement affirméleur intention de rester actionnaires des deuxplus grandes banques du pays. Les deux plusgrandes banques de Suède ont également étéprovisoirement nationalisées. En Finlande, le

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fonds de garantie gouvernemental a repris pro-visoirement l’une des plus grandes banquescommerciales du pays, après une interventioninitiale de la banque centrale, qui était, au débutde la crise, la seule autorité en position de pro-céder à une telle opération. Le fonds de garan-tie a aussi repris la quasi-totalité des banquesd’épargne.

Dans plusieurs cas, les autorités ont égalementencouragé les rapprochements entre établisse-ments de crédit afin de faciliter les réductionsde coûts et de renforcer la solidité du secteurbancaire.

En Finlande et en Suède, l’Etat a procédé à laconstitution de très grandes entités par la fusionmassive1 de banques en difficulté et de banques« saines » ou par le regroupement des plusgrands établissements défaillants. Il est à noterque la reprise des banques en difficulté par desétablissements étrangers a été envisagée dansces deux pays, mais aucun repreneur n’a finale-ment été trouvé. La Norvège s’est, quant à elle,montrée beaucoup plus réservée quant à l’éven-tuelle entrée de banques étrangères sur le mar-ché national.

La technique dite du « purchase and assump-tion » 2 a été aussi largement utilisée aux Etats-Unis, sous l’égide du « Resolution Trust Corpora-tion », créé en 1989 en remplacement duFSLIC, et au Japon. Dans ce dernier pays, elledécoulait directement du principe informel deresponsabilité des grandes banques vis-à-visdes petites.

Enfin, une mesure ultime est la liquidation.Celle-ci est utilisée le plus souvent dans le casde banques de petite taille et pour autant que ladisparition de l’établissement ne soit pas de na-ture à entraîner des répercussions systémiques.

2.3.4. Réformes structurelles introduites aposteriori

Les crises bancaires ont souvent incité les auto-rités à introduire, après coup, des réformesstructurelles en vue d’éviter que ne se reprodui-sent des accidents similaires.

Cela a été plus particulièrement le cas auxEtats-Unis. Une nouvelle politique, dénommée« Structured Early Intervention and Resolution »(SEIR), a été élaborée à la fin des annéesquatre-vingt. Elle a pour objectif d’assurer uneintervention préventive des autorités en casde difficultés rencontrées par une banque(« Prompt Corrective Action »). L’accent y est missur les coefficients de fonds propres. Si ceux-citombent au-dessous de seuils critiques pré-définis, certains types d’interventions ou sanc-tions sont prévus. Dans les faits, ce n’est qu’autravers du FDICIA approuvé par le Congrès en1991 que les principes de la SEIR ont étéappliqués. Si la philosophie du programme initialn’a pas été modifiée, les seuils d’interventionfinalement retenus ont été fixés à des niveauxjugés trop peu élevés par certains. Toutefois,l’intérêt du nouveau système mis en place a étéde faire prendre conscience par le secteurbancaire que la politique du laisser-faire étaitrévolue. Par précaution, de nombreuses banquesont d’ailleurs augmenté leur capital au-delà desminima requis. Il a également été prévu demoduler les contributions au système d’assu-rance-dépôts en fonction des risques individuelssupportés par chaque banque.

Au Japon, plus encore peut-être que dans lesautres pays, les procédures, formelles ou infor-melles, de supervision ont clairement montréleurs limites. C’est pourquoi plusieurs réformes,dans lesquelles on retrouve des éléments desréformes américaines, ont été entreprises à par-tir de 1996. Celles-ci doivent être replacéesdans le contexte du grand programme d’actionvisant à compléter la libéralisation du systèmefinancier japonais d’ici 2001. De façon générale,

1 Ainsi, en Finlande, pas moins de 41 banques ont fusionné pour formerla Savings Bank of Finland.

2 Une banque rachète les actifs d’une banque défaillante et en assumeles dettes.

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elles ont visé à institutionnaliser le « filet de sé-curité » des banques, à le rendre explicite et àréduire de la sorte le pouvoir discrétionnaire dessuperviseurs. On y trouve entre autres les élé-ments suivants :

– une procédure explicite d’action rapide simi-laire à celle que l’on trouve aux Etats-Unis,couplée à la possibilité offerte aux autoritésde procéder à la restructuration ou la liqui-dation d’une banque en difficulté;

– la création d’un nouvel organisme indépen-dant afin d’y transférer une large part descompétences de supervision auparavant dé-tenues par le Ministère des Finances;

– la fusion en une nouvelle institution desdeux organismes existants de recouvrementdes créances;

– un rôle accru du fonds d’assurance des dé-pôts dans le traitement des institutions endifficulté.

2.3.5 Coûts économiques et budgétaires

L’intervention des pouvoirs publics s’est souventrévélée nécessaire dans la résolution des crisesbancaires. L’évaluation du coût budgétaire deces interventions est toutefois malaisée, les esti-mations relatives aux crises examinées dans laprésente étude étant souvent assez différented’une source à l’autre. Les données ci-dessousdoivent donc être considérées comme desordres de grandeur.

Parmi les pays scandinaves, c’est en Finlandeque la crise aura été la plus onéreuse. Le coûtest en effet estimé à 10 à 15 p.c. du PIB. EnSuède, le coût est estimé à 5 à 6 p.c. du PIB,tandis qu’en Norvège, il se serait limité à 2,5 à3 p.c. du PIB. Les chiffres cités pour les Etats-Unis font état d’un coût se chiffrant à environ7 p.c. du PIB pour la crise des S&L, tandis queles pertes encourues par les banques au Japon(il ne s’agit pas réellement d’un coût budgétaire)se chiffreraient quant à elles à quelque 10 p.c.du PIB.

Au-delà des coûts directs liés au sauvetage desbanques en péril et à la protection des dépo-sants, une crise bancaire a des coûts en termesde croissance économique. Ceux-ci sont encoreplus délicats à évaluer, car il est difficile d’isolerl’incidence directe de la crise bancaire. Parmi lespays scandinaves, c’est en Finlande que le ra-lentissement économique a été le plus sévère.Après avoir atteint une moyenne de 4,5 p.c. de1987 à 1989, la croissance fut nulle en 1990avant de devenir fortement négative ensuite(moyenne de -4 p.c. de 1991 à 1993). EnNorvège et en Suède, le ralentissement a étéplus modéré et n’a pas uniquement été dû à lacrise bancaire.

Aux Etats-Unis, la crise des S&L a surtout eudes conséquences dans certaines régions, endéprimant le marché immobilier via une contrac-tion du crédit. Cette réduction s’est étendue àl’ensemble de l’économie en raison de la faiblecapitalisation de nombreuses banques, ce qui acontribué à ralentir la reprise qui a suivi la réces-sion de 1990-1992.

Enfin, au Japon, la prise en charge tardive desproblèmes a eu pour conséquence de prolongerla crise et ses effets néfastes sur la croissance,en minant la confiance du public dans le sys-tème bancaire.

Sources : Drees B. et Pazarbasioglu C. (1998), Hoshi T. (2000), Lambert T. etal. (1997).

1 A l’exception du Japon, il s’agit des coûts d’intervention des autorités et desfonds d’assurance. Pour la Finlande et la Suède, le second pourcentage inclutles octrois de garantie par l’Etat, même s’ils n’ont finalement pas eu d’implica-tion budgétaire.

TABLEAU 5 — COUT DES CRISES BANCAIRES 1

(pourcentages du PIB)

Finlande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10-15

Etats-Unis (S&L) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Suède . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5-6

Norvège . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2,5-3

p.m. pertes encourues par les banques japo-naises (situation en mars 1999) . . . . . . 10

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3. ENSEIGNEMENTS POURL’AVENIR

Les deux premiers chapitres de cet article ontmis en exergue le processus par lequel, dans lesannées quatre-vingt, des changements structu-rels, essentiellement la libéralisation des mar-chés financiers et des mouvements internatio-naux de capitaux, ont entraîné des comporte-ments déstabilisateurs de la part des agentséconomiques qui, in fine, ont provoqué la crisede secteurs bancaires fragilisés.

La question qui se pose est de savoir si unetelle séquence est susceptible de se reproduireétant donné que le processus de déréglementa-tion des marchés financiers nationaux est à pré-sent largement réalisé 1.

3.1 CHANGEMENTS STRUCTURELSACTUELLEMENT A L’ŒUVRE ETREACTION DES INTERMEDIAIRESFINANCIERS

Les mutations structurelles restent à l’évidencetrès nombreuses au sein du système financier,mais elles ont changé de nature par rapportaux années quatre-vingt. Elles se caractérisentaujourd’hui surtout par une suppression desfrontières, tant entre les marchés financiers na-tionaux qu’entre les types d’activité (établisse-ments de crédit, sociétés de services d’investis-sement, investisseurs institutionnels). Certes, cemouvement d’ouverture n’est pas neuf puisqu’ils’était déjà largement amorcé durant la décen-nie précédente à la suite de la libéralisation des

mouvements de capitaux. Toutefois, durant cettepériode, l’élargissement des activités s’étaitessentiellement effectué à partir d’institutionsqui restaient spécialisées dans une branchespécifique des services financiers et qui gar-daient un caractère national bien marqué.

Ce sont ces deux caractéristiques qui tendentaujourd’hui à disparaître. En Europe, en particu-lier, la création du marché unique et l’entrée envigueur de l’UEM rendent possible la constitu-tion de groupes financiers réellement transnatio-naux. De même, on assiste à un décloisonne-ment entre les catégories de services financiers,dont la constitution de groupes de bancassu-rance est un bon exemple.

Ces divers développements correspondent enquelque sorte, à une libéralisation internationale,qui fait pendant aux déréglementations à l’inté-rieur des frontières des années quatre-vingt. Ilss’appuient sur une seconde vague d’innovations.Alors que les progrès dans le domaine de l’infor-matique avaient, à la fin des années septante etau début des années quatre-vingt, permis auxétablissements de crédit de considérablementaccroître la vitesse et l’efficacité de traitementde leurs opérations, les nouveaux produits decommunication et d’accès à distance dévelop-pés durant la dernière décennie facilitent à pré-sent l’arrivée de nouveaux acteurs.

Les diversifications d’activité et les fusions etacquisitions auxquelles procèdent les intermé-diaires financiers ont pour effet d’accroître lataille des banques, d’augmenter le degré deconcentration et d’entraîner la formation degroupes multinationaux intégrant les différentsmétiers de la finance. L’influence de ces évolu-tions sur la stabilité du système financier n’estpas univoque.

Ainsi, le processus de consolidation devrait pro-duire des gains d’efficacité et une plus grandediversification des actifs, ce qui contribue à ré-duire les risques de crédit en diminuant l’expo-sition des banques aux problèmes spécifiques

1 Du moins dans les économies industrialisées. C’est moins le cas dansles autres pays, où des déréglementations récentes ont entraîné ourisquent d’entraîner au cours des années à venir des crises bancaires.

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à un secteur ou à un pays particulier. Mais laconsolidation a aussi contribué à augmenter lenombre des institutions d’une taille telle qu’ellessont susceptibles de présenter un risque systé-mique en cas de défaillance.

Les nouveaux produits financiers, en permettantune réallocation des risques, contribuent théori-quement eux aussi à une meilleure efficacitédes marchés financiers. Leur complexité et lesforts effets de leviers qu’ils incorporent rendentcependant leur gestion particulièrement délicate.Les nouvelles activités se traduisent égalementpar un accroissement des recours directs auxmarchés. Ce phénomène de désintermédiationentraîne des changements dans la structure desbilans des banques. A la constitution des actifset passifs traditionnels, les banques substituentprogressivement des opérations hors bilan oùelles ne jouent plus un rôle direct d’intermé-diation. La collecte de dépôts se combine ainsi àla commercialisation de parts d’OPC ou de pro-duits d’assurance-vie. L’octroi de crédits estcomplété par la prestation de services liés à desprogrammes d’émissions de titres, à des intro-ductions en bourse...

Cette réorientation des activités permet, dans denombreux cas, de réduire les risques de crédit. Ils’agit d’ailleurs d’un des objectifs spécifiquementpoursuivis par les établissements de crédit envue d’abaisser les exigences en fonds propres.Cette meilleure utilisation des capitaux permetde dégager une rentabilité plus élevée et de sa-tisfaire les actionnaires. Ceux-ci peuvent êtred’autant plus exigeants vis-à-vis de la directionque le nouvel environnement de marché seprête plus facilement à des reprises d’établisse-ments moins performants par des institutionsplus rentables.

Toutefois d’autres risques surgissent ou s’ac-croissent. Les fusions et acquisitions, surtout en-tre institutions opérant dans des branches d’ac-tivité différentes, entraînent d’importants risquesstratégiques et commerciaux. La gestion desproduits hors bilan s’accompagne de risquesopérationnels. Les activités de conseil reposent,davantage que l’intermédiation traditionnelle, surune relation de confiance et sur une bonne con-naissance des besoins et des désirs des clients,ce qui, en cas de problèmes, peut faire surgirdes risques dits de « réputation ».

TABLEAU 6 — FONCTIONNEMENT DU SYSTEME BANCAIRE DANS UN ENVIRONNEMENT MARQUE PAR LA DISPARITIONDES FRONTIERES GEOGRAPHIQUES ET SECTORIELLES

Structure : élimination des frontières – Création du marché financier unique au sein de l’UE– Constitution de l’UEM– Décloisonnement entre les activités bancaires, de services d’investisse-

ment et d’assurances– Utilisation des technologies d’accès à distance

Comportement : accent sur l’expansion – Recherche des gains de taille (fusions et acquisitions, conduisant à uneconcentration du secteur financier)

– Diversification des activités (notamment par la bancassurance)– Désintermédiation des flux financiers

Performance : rentabilité élevée maisfragile

– Contrôle strict des besoins en capitaux pour satisfaire les actionnaires(« shareholder value »)

– Nécessité de dégager des profits élevés pour se positionner dans le jeudes fusions et acquisitions

apparition de nouveauxrisques

– Développement de nouveaux produits et d’activités hors bilan en vue deréduire les risques de crédit et les besoins en capitaux mais …

– Risques stratégiques, risques opérationnels, risques de réputation

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3.2 FACTEURS DE RISQUES

Les changements de comportement des inter-médiaires financiers n’ont certainement pas con-tribué à réduire leur sensibilité aux évolutionsdes conditions de marché. Il s’agit d’un facteurimportant dans la mesure où, comme on l’a vuau premier chapitre, les crises bancaires sontsouvent précédées d’une bulle des prix desactifs.

Les pays examinés dans cette étude n’enregis-trent pas à l’heure actuelle, une hausse desprix des actifs immobiliers comparable à celleobservée au cours des années quatre-vingt(cf. graphique 4) 1. Sauf au Japon, on semble, enrevanche, y observer l’émergence d’une bullespéculative sur le marché des actions. Cetteévolution n’est pas propre à ces pays; elle con-cerne de nombreuses économies industrialisées.

Les risques directs que ces bulles pourraientcréer pour les banques semblent à l’heure ac-tuelle relativement circonscrits, la détention d’ac-tions par les intermédiaires financiers étant sou-mise à des règles assez strictes, en particulierdans l’UE.

L’exposition est davantage de nature indirecte.D’une part, les commissions que les banquesperçoivent en tant que gestionnaires de patri-moines privés, ainsi que sur les services qu’ellesprestent en tant qu’intermédiaires pour l’exécu-tion des ordres de bourse, pour le placement deproduits financiers tels que les parts d’OPC ouencore pour l’organisation de programmesd’émissions de titres, fléchiraient notablementdans le cas d’une chute des cours boursiers.D’autre part, les banques pourraient égalementêtre affectées par les conséquences macroéco-nomiques et macrofinancières de la chute desprix des actifs boursiers sur le comportementdes agents économiques en général et de

ceux qui sont endettés en particulier (effet derichesse).

Ces considérations conduisent à examiner lesdéveloppements qui seraient susceptiblesd’ébranler la stabilité du secteur bancaire. Parmiles trois facteurs recensés à la section 2.2 (crisede change, retournement conjoncturel, politiquemacroéconomique), le premier semble le moinsprobable. C’est le cas, en particulier, en Europeoù l’instauration d’une monnaie unique a sup-primé, pour nombre de marchés financiers, lacontrainte que pouvait représenter la défense dela parité de change en période de spéculation.

Un retournement conjoncturel n’est cependantpas à exclure, plus particulièrement aux Etats-Unis, pays qui connaît une phase d’expansionéconomique sans précédent de par sa longueur.Une entrée en récession risquerait de provoquerune chute brutale des cours de bourse, créantun effet de richesse négatif.

Sources : BRI, FMI.1 Déflatés par l’indice des prix à la consommation.

GRAPHIQUE 7 — PRIX REELS 1 DES ACTIONS

(1986 = 100)

81 83 85 87 89 91 93 95 97 9910

100

1000

10

100

1000

500

50

500

50

Etats-Unis

Japon

Finlande

Norvège

Suède

échelle logarithmique

1 Dans d’autres pays, toutefois, tels les Pays-Bas ou l’Irlande,l’augmentation des prix des actifs immobiliers a été assez sensible aucours des dernières années.

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RESOLUTION DES CRISES BANCAIRES

Comme on l’a vu à la section 2.2, des change-ments de politique macroéconomique peuventse combiner à des retournements de cycle dansl’apparition des crises bancaires. Ces interac-tions ont renforcé la prise de conscience, par lesautorités monétaires, des liens étroits existantentre la stabilité monétaire et la stabilité finan-cière. Compte tenu du rôle joué par l’inflationdans le développement des crises, il est à pré-sent reconnu qu’un respect rigoureux de la sta-bilité des prix constitue la meilleure contributionque les banques centrales puissent apporter à lastabilité financière.

D’autres volets des politiques macroéconomi-ques sont également susceptibles d’influencerles marchés financiers. En matière de politiquebudgétaire, le pacte de stabilité et de croissanceréduit la pression que l’endettement des pouvoirspublics exerce sur les marchés financiers. Toute-fois, si cette évolution s’accompagne d’un ac-croissement de l’endettement du secteur privé, ildevrait en découler une augmentation des ris-ques supportés par les institutions financières.

Enfin, les systèmes fiscaux jouent un rôle trèsimportant. De nombreux segments des marchésfinanciers ou secteurs d’activité se sont dévelop-pés en tirant parti de la législation fiscale. Unemodification, dans le cadre notamment d’uneharmonisation européenne, imposerait des ef-forts substantiels de reconversion ou de réorien-tation de ces marchés et de ces activités.

3.3 RENFORCEMENT DU CONTROLEINTERNE ET DE LA DISCIPLINE DEMARCHE

Pour éviter l’émergence d’un processus aboutis-sant à une crise bancaire, il est crucial de dispo-ser de mécanismes correcteurs efficaces, queceux-ci soient de nature privée ou aient davan-tage un caractère public.

Il est sans doute inutile de rappeler que laresponsabilité de maintenir la solvabilité d’une

banque repose en première instance sur lesactionnaires et sur la direction de l’institutionelle-même. Comme on l’a vu, des dysfonctionne-ments peuvent apparaître à ce niveau en raisondes asymétries d’information susceptibles decréer des problèmes d’aléa moral et de sélectionadverse.

Les principes de gouvernement d’entreprise(« corporate governance ») doivent donc êtreclairement précisés et leur application vérifiée.Ils concernent des aspects tels que la structurede la banque, la capacité des actionnaires à ob-tenir de la direction des informations détaillées,la transparence dans la gestion et dans la répar-tition des responsabilités, l’autorité et les com-pétences de la direction ou encore les procédu-res de contrôle interne.

Cette structure interne sera idéalement doubléede facteurs favorisant une discipline de marché(« peer pressure »). La source principale de cettediscipline est le marché interbancaire. Lorsquela situation financière d’une banque ou d’ungroupe de banques se détériore, ceci se traduitsouvent par un renchérissement des conditionsde financement sur ce marché. Un des exem-ples connus est la prime (« japanese spread »)que les banques japonaises ont eu, à diversesreprises, à supporter sur leurs emprunts inter-bancaires. Il s’agit toutefois d’une arme à doubletranchant. Un tel renchérissement peut jouerun rôle préventif utile, mais risque, lorsqu’il estimposé tardivement, d’aggraver les problèmesexistants.

D’aucuns envisagent des processus de disci-pline de marché plus sophistiqués. On peut citer,à titre d’exemple :

– obliger les banques à émettre des obliga-tions subordonnées. Comme les détenteursde tels titres ne partagent pas, contraire-ment aux actionnaires, les bénéfices éven-tuels d’opérations risquées, mais supportentun risque quasiment équivalent de perte encapital en cas de faillite, ils ont un intérêt

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majeur à s’assurer de la solvabilité de l’insti-tution émettrice. Leur appréciation se tradui-rait par une prime de risque incorporée dansle prix de l’obligation qui ferait l’objet d’unecotation en bourse;

– une expérience extrême et sans doute diffi-cilement exportable est effectuée enNouvelle-Zélande. Les autorités de ce paysont en effet décidé de faire reposer l’essen-tiel du contrôle prudentiel sur la disciplinede marché . Elles imposent aux banques ladiffusion régulière d’informations détailléessur leurs activités et leur situation financièreet font porter sur la direction la responsabi-lité première de la qualité des informationsdiffusées 1.

L’exploitation de ces différentes pistes requierttoutefois la disponibilité d’informations suffisam-ment précises et détaillées. A cette fin, il est né-cessaire, comme on l’a déjà relevé à la section1.3.2, d’appliquer des règles comptables adé-quates, permettant de procéder à une évaluationcorrecte des risques supportés par les établisse-ments de crédit. Une difficulté supplémentaireest liée aux délais de mise à disposition desdonnées, des analyses fondées sur des donnéesdisponibles tardivement risquant d’être plus oumoins largement dépassées 2.

3.4 ADAPTATION DES REGLEMENTATIONSET DES MODALITES D’INTERVENTIONDES AUTORITES DE CONTROLE

La rapidité de communication des informationsest un problème auquel sont également con-frontées les autorités de contrôle. Le contrôleprudentiel constitue le second volet des systè-mes destinés à servir de « garde-fou ». Les mé-canismes de marché ne dispensent pas en effetde procéder à une surveillance des intermédiai-res financiers dans un cadre plus institutionnel.

Les modalités du contrôle prudentiel constituentune matière vaste, actuellement en pleine évolu-

tion et qui fait l’objet de nombreux débats auniveau tant national qu’international. Ce thèmedéborde largement du cadre de cet article.

Le processus d’ouverture et d’internationalisa-tion des marchés a progressivement démantelétoutes les barrières qui étaient susceptiblesd’isoler un système financier ou bancaire de tur-bulences ayant leur origine à l’étranger.

La désegmentation des activités financières ades conséquences similaires. Les autorités doi-vent superviser des institutions dont les activitéssont de plus en plus comparables, alors que lecadre du contrôle prudentiel est encore souventfondé sur un cloisonnement institutionnel (ban-ques, services d’investissement, compagniesd’assurances).

Les deux évolutions qui précèdent plaident pourune coordination étroite des règlements et pro-cédures de supervision au niveau internationalet entre les différentes branches du secteur fi-nancier. Ceci est aussi nécessaire pour préser-ver un « level playing field » entre entreprisesengagées dans un même type d’activité, comptetenu de la capacité qu’ont à présent les intermé-diaires financiers d’opérer des arbitrages entrecadres juridiques, fiscaux et réglementaires 3.

En dehors des structures d’organisation, lesautorités sont aussi amenées à reconsidérerla philosophie devant présider au contrôleprudentiel.

1 Il convient toutefois de préciser que le système bancaire néo-zélandaiscompte essentiellement des filiales de banques étrangères, qui selonle principe du contrôle sur une base consolidée font déjà l’objet d’unesurveillance par les autorités de leur pays d’origine.

2 Les tentatives de mise au point de modèles de prévision des crisesdéveloppés jusqu’à présent (cf. par exemple le modèle Goldstein-Rheinhart) fournissent encore trop de signaux d’alerte erronés. Detelles pistes de recherche peuvent toutefois se révéler richesd’enseignement, ne serait-ce que parce qu’elles contribuent par uneapproche rigoureuse et systématique à mettre en évidence les lacunesen matière d’informations financières disponibles.

3 Cette coordination peut être bilatérale (« Memorandum of Under-standing » entre les superviseurs de deux pays différents) ou multi-latérale (sous la forme de travaux menés dans des enceintes et groupesinternationaux).

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Ces adaptations concernent, en premier lieu, lesméthodes. Les autorités de contrôle cherchentdésormais à ajouter une évaluation plus qualita-tive aux règles quantitatives traditionnelles. Cesdernières sont en effet de moins en moins enmesure d’intégrer toute la complexité et la vola-tilité des risques liés à des opérations de créditou de marché devenues souvent très complexes.En outre, de nouvelles formes de risque tendentà s’accroître, tels les risques opérationnels,légaux ou de réputation, qui peuvent difficile-ment être jaugés par de simples coefficientstechniques.

Dans le même temps, les autorités s’efforcentd’adopter des procédures de supervision plus in-dividualisées afin de définir des exigences defonds propres adaptées au profil de risque dechaque banque. Cette nouvelle orientation peutse fonder sur un recours aux notations externes.Elle pourrait aussi faire appel aux systèmes denotations internes ou aux modèles de gestiondes risques utilisés par les banques individuelles,ce qui donnerait alors à ces dernières une res-ponsabilité directe dans la fixation de leurs exi-gences de fonds propres.

Cette approche s’inscrit dans une seconde ten-dance qui consiste à faire davantage jouer, enmatière de contrôle, les interactions existantesentre les différents agents concernés par la sta-bilité du système financier.

Ces intervenants sont nombreux et ne se limi-tent pas aux seules autorités de contrôlemicroprudentiel. Le rôle de la banque centrale adéjà été évoqué à diverses reprises ci-dessus.Outre la fonction de prêteur en dernier ressort,

qui concerne essentiellement des accidents plusponctuels et plus circonscrits que ceux qui ontété examinés dans cet article, la banque cen-trale a également des responsabilités dans lemaintien de la stabilité macroprudentielle dusystème financier.

Cette contribution de la banque centrale passeavant tout par la poursuite d’une politique axéesur la stabilité des prix. Cette étude a en effetmontré à suffisance qu’une inflation élevéeconstitue un des grands facteurs susceptiblesde fragiliser le secteur bancaire et, ainsi, de ser-vir de déclencheur d’une crise. La promotion desystèmes de paiement sûrs et efficaces consti-tue un autre apport important des banques cen-trales à la stabilité des marchés financiers. Detels systèmes devraient permettre d’éviterqu’une rupture dans la chaîne des paiementsn’entraîne, par effet de contagion, un dysfonc-tionnement de l’ensemble des marchés.

Les initiatives des autorités tant micropruden-tielles que macroprudentielles doivent naturelle-ment s’appuyer sur les procédures de contrôleinterne et les mécanismes de disciplines demarché présentés à la section précédente. Lemaintien de la stabilité du système financier doitêtre considéré comme une responsabilité collec-tive des superviseurs, des autorités monétaires,des actionnaires et organes de direction desinstitutions individuelles, des contrôleurs exté-rieurs et des marchés financiers au sens large.Se dessine ainsi un modèle multidimensionnels’appuyant sur quatre piliers, le gouvernementd’entreprise, la discipline de marché, la régle-mentation et le contrôle microprudentiel, la sur-veillance macroprudentielle.

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