7
En 1996, le CTSCCV a engagé des travaux relatifs aux voies de propagation de Listeria monocytogenes et Salmonella dans la filière porcine. Les premiers travaux (1996-1999) ont concerné l’abattage et la découpe de porcs. L’objectif du programme présenté dans cet article était de comprendre les voies de transmission de Listeria monocyto- genes et de Salmonella, du ressuyage des carcasses à la trans- formation des viandes en produits de charcuterie-salaison. Par ailleurs, ce programme proposait d’acquérir une meilleure connaissance des souches bactériennes isolées retrouvées en transformation et de les comparer à celles retrouvées plus en amont dans la filière. La réalisation du programme a comporté les étapes suivantes : 1. La collecte d’isolats du ressuyage des carcasses à la trans- formation de la viande de porc en produits de charcuterie- salaison ; 2. La caractérisation des souches de Listeria monocytogenes et de Salmonella par des techniques de typage : sérotypage et pulsotypage ; 3. L’analyse des données : diversité des souches et traçabilité des contaminations. Contamination et filière porcine Les matières premières jouent un rôle important GIOVANNACCI I. (1) , VENDEUVRE J-L. (1) , ERMEL G. (2) , PISSAVIN C. (2) , TOQUIN M-T. (2) , MICHEL Y. (2) , CARLIER V. (3) (1) CTSCCV, 7 avenue du Général de Gaulle, 94700 MAISONS-ALFORT (2) Afssa Ploufragan – Agence française de sécurité sanitaire des aliments, UR HQPAP, B.P. 53, 22440 PLOUFRAGAN, (3) ENVA – École nationale vétérinaire d’Alfort, 7 avenue du Général de Gaulle, 94700 MAISONS-ALFORT. Science et technique Listeria monocytogenes et Salmonella sont des micro-organismes d’intérêt majeur dans les industries de transformation. Identifier leurs sources, comprendre leurs voies de transmission sont des objectifs permanents. Après d’importants travaux menés par le CTSCCV en collaboration avec l’Afssa Ploufragan, il apparaît que la contamination est essentiellement véhiculée par les matières premières. Viandes Prod. Carnés Vol 24 (2) 55 Cet article reprend un texte publié dans le bulletin de Liaison du CTSCCV, Vol. 12, n°2

Listeria monocytogenes - La revue Viandes et produits

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Page 1: Listeria monocytogenes - La revue Viandes et produits

En 1996, le CTSCCV a engagé des travaux relatifs aux voiesde propagation de Listeria monocytogenes et Salmonella dansla filière porcine. Les premiers travaux (1996-1999) ontconcerné l’abattage et la découpe de porcs.

L’objectif du programme présenté dans cet article était decomprendre les voies de transmission de Listeria monocyto-genes et de Salmonella, du ressuyage des carcasses à la trans-formation des viandes en produits de charcuterie-salaison.

Par ailleurs, ce programme proposait d’acquérir une meilleureconnaissance des souches bactériennes isolées retrouvées entransformation et de les comparer à celles retrouvées plus enamont dans la filière.

La réalisation du programme a comporté les étapes suivantes :

1. La collecte d’isolats du ressuyage des carcasses à la trans-formation de la viande de porc en produits de charcuterie-salaison ;

2. La caractérisation des souches de Listeria monocytogeneset de Salmonella par des techniques de typage : sérotypageet pulsotypage ;

3. L’analyse des données : diversité des souches et traçabilitédes contaminations.

Contamination et filière porcine

Les matièrespremières jouent un rôleimportant

GIOVANNACCI I. (1), VENDEUVRE J-L. (1), ERMEL G. (2), PISSAVIN C. (2), TOQUIN M-T. (2), MICHEL Y.(2),

CARLIER V.(3)

(1) CTSCCV, 7 avenue du Général de Gaulle, 94700 MAISONS-ALFORT(2) Afssa Ploufragan – Agence française de sécurité sanitaire des aliments,

UR HQPAP, B.P. 53, 22440 PLOUFRAGAN,(3) ENVA – École nationale vétérinaire d’Alfort,

7 avenue du Général de Gaulle, 94700 MAISONS-ALFORT.

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Listeriamonocytogenes etSalmonella sont desmicro-organismesd’intérêt majeur dansles industries detransformation.Identifier leurssources, comprendreleurs voies detransmission sont desobjectifs permanents.Après d’importantstravaux menés par leCTSCCV encollaboration avecl’Afssa Ploufragan, ilapparaît que lacontamination estessentiellementvéhiculée par lesmatières premières.

Viandes Prod. Carnés Vol 24 (2) 55

Cet article reprend un texte publié dans le bulletin de Liaison duCTSCCV, Vol. 12, n°2

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LA COLLECTE D’ISOLATS ESTRÉALISÉE SUR DES SITESINDUSTRIELS VOLONTAIRES

Les campagnes de prélèvements ontété réalisées, sur la base du volontariat,dans quatre entreprises de transforma-tion de la viande de porc, désignéespar les codes E1 à E4.

Les caractéristiques principales de cesentreprises et les lignes de productiony ayant fait l’objet de prélèvementssont mentionnées dans le tableau I.

CAMPAGNES ET PLANS DEPRÉLÈVEMENTS SONTADAPTÉS À CHAQUEENTREPRISE

Les plans de prélèvements ontconcerné les zones de ressuyage descarcasses et ateliers de découpe deporc (E2 et E3) et les lignes de trans-formation de la viande de porc (E1 àE4).

Les prélèvements ont porté sur les« produits de porc »: carcasses en finde ressuyage, pièces de découpe pri-maire, matières premières en cours deréception ou de stockage, les produitsen cours de transformation jusqu’enfin de ligne de production.

Parallèlement, des prélèvements envi-ronnementaux ont été réalisés tout lelong des lignes de production, sur deszones en contact ou non avec le pro-duit, en cours de production et aprèsles opérations de nettoyage et dedésinfection.

Ainsi, 378 prélèvements ont été réa-lisés dans les entreprises E1 à E4, aucours de 12 séries de prélèvements,réparties d’octobre 1999 à novembre2000, dont 149 à partir de produits deporc et 229 dans l’environnement desentreprises.

Deux types de prélèvementssont effectués

Prélèvement environnementaux

Les prélèvements environnementauxont été réalisés par chiffonnage. Leschiffonnettes stériles (15 x 15 cm)étaient imbibées de 10 mL de trypto-ne-sel additionné de 10 % de neutrali-sant. Pour chaque prélèvement d’envi-ronnement, 2 chiffonnettes ont été uti-lisées dont 1 pour la recherche deSalmonella et 1 pour la recherche deListeria monocytogenes (surface largenon délimitée).

Prélèvements sur produits porcs

a.Prélèvements sur carcasses et jam-bons brutsLes prélèvements sur carcasses etjambons bruts ont été réalisés par chif-fonnage, à l’aide de chiffonnettes sté-riles imbibées de 10 mL de tryptone-sel.

Sur carcasses, la zone prélevée corres-pondait à un ensemble comprenant lacavité pelvienne et la face interne dujambon, la ligne de section ventrale etla gorge (Emborg et al., 1996).

Les jambons bruts ont été prélevés surl’intégralité de leur surface.

b.Prélèvements sur muscles en cours detransformation et pièces de découpeélaboréesDans ce cas, les prélèvements ont étéréalisées par excision à l’aide depinces et de scalpels stériles, en préle-vant des lambeaux minces en surface,de façon à obtenir des prélèvementsd’au moins 25 g. Lors des analyses,les pesées ont été ajustées à 25 g avantréalisation des dilutions.

c.Prélèvements sur produits trans-formésLes prélèvements sur jambons cuitsont été réalisés par excision de lam-beaux de surface (cf. prélèvements surmuscles).

Les mêlées (saucisserie fraîche etsalaisons sèches) ont été prélevéesdirectement à la main munie de gantsstériles et placés dans des sacs pourprélèvement stériles.

Les prélèvements sur produits finisont été réalisés en plaçant les produitsentiers ou des fractions de ces produitsdans des sacs stériles.

Dans tous les cas, les quantités de pro-duit ont été ajustées à 25 g pour la réa-lisation de l’analyse.

LES ANALYSESMICROBIOLOGIQUES SONTMISES EN ŒUVRE LE JOURMÊME

Immédiatement après prélèvement,les échantillons ont été placés etconservés dans une glacière conte-nant des blocs réfrigérants préalable-ment congelés à –20°C. Les analysesont été mises en œuvre le jour duprélèvement.

La recherche de Listeria monocyto-genes a été effectuée selon la métho-de NF V08-055, modifiée par l’utili-sation des milieux chromogéniquesd’isolement ALOA (AESLaboratoire) et Rapid’Lmono (Bio-Rad).

La méthode de recherche deSalmonella était calquée sur laméthode de routine V08-052, modi-fiée comme succinctement décrit ci-après. Après le pré-enrichissementclassique, deux milieux d’enrichisse-ment ont été utilisés : le tétrathionatede Muller-Kauffmann (incubation 24h à 37°C) et le milieu MSRV(Modified semi Solid RappaportVassiliadis) (incubation 24 à 48 h à41,5°C).

Le bouillon d’enrichissement deMuller-Kauffmann a été isolé surgélose XLT4 (Difco), le MSRV surgélose Rambach (Chromagar).

Les colonies caractéristiques deSalmonella présentes sur les gélosessélectives (jusqu’à 3 colonies caracté-ristiques par prélèvement positif) ontfait l’objet d’une confirmation selonla méthode normalisée NF V08-052.

Tous les isolats de Listeria monocyto-genes et de Salmonella ont été mis enconservation à 4°C, sur tubes de gélo-se de conservation et, parallèlement, à-80°C, en bouillon BHI (Difco) addi-tionné de glycérol (15 % v/v).

Science etTechnique

Tableau I : COLLECTE D'ISOLATS

DE LISTERIA MONOCYTOGENES ET DE SALMONELLA

Code site Origine des matières premières Transformation

E1 Entreprise d'abattage-découpe et de transformation Charcuterie crueE2 Transformation des MP* de l'entreprise Salaisons cuites

E3 Transformation de MP* Salaisons cuitesE4 provenant de multiples fournisseurs Salaisons sèches

MP* : matières premières.

Caractéristiques des sites industriels de transformation de la viande de porc,volontaires pour la réalisation des campagnes de prélèvements

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57Viandes Prod. Carnés Vol 24 (2)

TYPAGE DE LISTERIAMONOCYTOGENES ET DESALMONELLA

Sérotypage

Tous les isolats de Listeria monocy-togenes ont été sérotypés à l’aided’une gamme d’anticorps soma-tiques O et flagellaires H (Eurobio,France). Les Salmonella ont étésérotypées par le laboratoire AfssaParis.

Pulsotypage

Le pulsotypage est devenu la tech-nique de typage de référence pourde nombreux micro-organismespathogènes, compte tenu de sonpouvoir discriminant élevé et de satrès bonne reproductibilité.

D’après l’expérience acquise lorsde précédents travaux (Giovannacciet al., 1999 ; 2001) et la bibliogra-phie sur l’emploi de cette tech-nique, les enzymes utilisées pour lepulsotypage ont été ApaI pourListeria monocytogenes et SpeIpour Salmonella.

L’électrophorèse en champs pulsés,l’acquisition des données par camé-ra et leur traitement ont été réalisésà l’aide d’un équipement Bio-Rad.

LES PRÉLÈVEMENTS SERÉVÈLENT POSITIFS

Le tableau II récapitule les prélève-ments positifs en Listeria monocyto-genes et en Salmonella pour les quatreentreprises, sur produits de porc et dansl’environnement.

Concernant la transformation, sur cha-cun des sites, trois zones ont été distin-guées :

1.la réception. Il s’agit des quais deréception des matières premières,zones de stockage de celles-ci et deszones de décongélation des matièrespremières,

2.la fabrication. Ce sont les zones où lesmatières premières crues subissentune transformation mécanique crue,un saumurage, moulage…

3.la zone sensible. Elle correspond auxzones à partir desquelles le produit nereçoit plus de traitement assainissantet subit une remanipulation.

Résultats sur les produits porcs

a. Carcasses et pièces de découpe

Pour les 2 entreprises testées, 50 % descarcasses ont montré une contamina-tion à la fois en Listeria monocytogenes

et en Salmonella. Dans cette étude, lesrésultats relatifs à la présence deListeria monocytogenes sur pièces dedécoupe de porc (1 présence / 6 prélè-vements) sont faibles par rapport auxdonnées classiques (cf. études menéespar l’Institut Technique du Porc, ITP) .

Concernant Salmonella, les résultatsrécents des plans de contrôle conduitsen abattoirs et ateliers de découpe mon-trent, pour 13 ateliers, une prévalencemoyenne de Salmonella de 16 % surcarcasses, de 15 % sur pièces de décou-pe brutes et de 6 % sur pièces de décou-pe élaborées (Données ITP –Restitution de travaux à l’Ofival – jan-vier 2002).

b. Matières premières et produits encours de transformation

Plus de 50 % des échantillons dematières premières analysées sontapparus contaminés par Listeria mono-cytogenes et près de 8 % contaminéspar Salmonella. Les taux de contamina-tion des produits en cours de transfor-mation sont apparus très analogues àceux rencontrés pour les matières pre-mières, à la fois pour Listeria monocy-togenes (56 %) et pour Salmonella(6 %). Aucune présence de Listeriamonocytogenes ou de Salmonella n’aété constatée sur des produits ayant subiune cuisson.

Science etTechnique

Tableau II : ENVIRONNEMENT ET PRODUITS PORCS, LES PRÉLÈVEMENTS SONT POSITIFS

TYPES DE PRÉLÈVEMENTS Listeria monocytogenes Salmonella

PRÉLÈVEMENTS SUR PORC Total = 79 / 149 Total = 14 / 149

ABATTAGE - DÉCOUPECarcasses en fin de ressuyage 3 / 6 3 / 6Pièces de découpe brutes 1 / 6 1 / 6

TRANSFORMATIONMatières premières carnées 48 / 89 7 / 89Produits en cours de transformation 27 / 48 3 / 48

PRÉLÈVEMENTS ENVIRONNEMENTAUX Total = 48 / 229 Total = 5 / 229

(A) (1) ND (2) (A) (1) ND (2)39 / 129 9 / 100 5 / 129 0 / 100

ABATTAGE - DÉCOUPESalles de ressuyage 3 / 9 1 / 6 0 / 9 0 / 6Atelier de découpe 3 /14 0 / 12 0 /14 0 / 12

TRANSFORMATIONZones de réception 7 / 13 3 / 10 0 / 13 0 / 10Zones de fabrication 25 / 73 4 / 54 4 / 73 0 / 54Étapes sensibles 1 / 20 1 / 18 1 / 20 0 / 18

(1) : Prélèvements réalisés en cours d'activité.(2) : Prélèvements réalisés après nettoyage et désinfection.

Résultats de présence de Listeria monocytogenes et de Salmonella (nombre de prélèvements positifs / nombre total de prélèvements réalisés)

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Il n’existe que très peu de donnéespubliées concernant la présence deSalmonella dans les sites de transfor-mation de la viande de porc mais destaux de présence dans le secteur crucompris entre 5 et 10 % semblent êtreen accord avec le constat fait par lesindustriels (données non publiées).

Concernant Listeria monocytogenes,les travaux de Chasseignaux (1999)ont montré des taux de contaminationde 39 % sur matières premières (porcet volaille) et de 44 % sur produits encours de transformation (recherchessur 10 g). Les niveaux de contamina-tion supérieurs rencontrés dans lecadre de notre étude sont vraisembla-blement liés au fait que les recherchesde Listeria monocytogenes ont étéeffectuées sur 25 g ou sur des chif-fonnages de surfaces larges.

Résultats dansl’environnement

a. Ressuyage et ateliers de découpe deporc

Listeria monocytogenes a étéretrouvée dans 24 % des prélève-ments en salle de ressuyage et ateliersde découpe de porcs en cours d’acti-vité et 5,6 % après nettoyage et désin-fection. Aucune présence deSalmonella n’a été observée dans lessalles de ressuyage et ateliers dedécoupe sur 41 prélèvements réalisés.

Des enquêtes de terrain menées en1995 par l’ITP avaient montré destaux de contamination par Listeriamonocytogenes de 57 % et 30 % ensalles de ressuyage (respectivementen cours d’activité et après nettoyageet désinfection) et de 67 % et 24 % enateliers de découpe de porcs (respec-tivement en cours d’activité et aprèsnettoyage et désinfection) (Corrégé,1997).

Des études plus récentes (1998-2000)conduites par l’ITP ont montré uneamélioration globale de la situation,avec des taux moyens de contamina-tion par Listeria monocytogenes de4 % dans les salles de ressuyage et de8 % dans les ateliers de découpe aprèsles opérations de nettoyage et dedésinfection (résultats ITP, présentésà l’Ofival en janvier 2002).

b. Ateliers de transformation de laviande de porc

Sur 187 prélèvements environnemen-taux réalisés dans les sites de trans-

formation, 21,9 % étaient positifs enListeria monocytogenes au total, avec32 % de positifs en cours d’activité et10 % après nettoyage et désinfection.

Les prélèvements positifs en Listeriamonocytogenes concernent essentiel-lement les zones de réception et depremière transformation, où les pro-duits n’ont pas subi de traitementsassainissants. Dans la zone sensibledes entreprises, les prélèvementspositifs en Listeria monocytogenesétaient de 5 % et 5,6 %, respective-ment en cours d’activité et après net-toyage et désinfection.

Au total, 2,7 % étaient des surfacescontaminées par Salmonella. AucuneSalmonella n’a été retrouvée aprèsnettoyage et désinfection.

Ces données montrent une améliora-tion de la situation par rapport à uneétude menée suite aux épisodesépidémiques de 1992 et de 1993. Eneffet, Salvat et al. (1995) avaientmontré des taux de présence deListeria monocytogenes dans 7 entre-prises de charcuterie de :- 68 % (activité) et 17 % (nettoyage et

désinfection) dans le « secteurcru »,

- 33 % (activité) et de 7 % (nettoyageet désinfection) dans le « secteurcuit ».

Plus récemment, Chasseignaux(1999) a montré des taux de contami-nation de 38 % (activité) et de 7,7 %(nettoyage et désinfection) sur dessites de transformation de viande deporc et de volaille. Ces données sontsimilaires à celles produites dans lecadre de la présente étude.

TYPAGE DE LISTERIAMONOCYTOGENES ET DESALMONELLA ET DIVERSITÉOBSERVÉE

Listeria monocytogenes

Sérotypage

Les résultats de sérotypage des 321isolats de Listeria monocytogenesfigurent dans le tableau III.

Le sérotype 1/2a représente près de60 % des isolats collectés, ce quiconfirme une nouvelle fois sa prédo-minance dans les filières agro-ali-mentaires liées aux produits carnés(Jay, 1996 ; Giovannacci et al., 1999).Viennent ensuite, par ordre d’impor-

tance décroissant, les sérotypes 1/2 c(23 %), 1/2 b (9,7 %) et 4b (5,3 %).Les autres sérotypes (3a, 4a, 4ab, 4c,1/2) identifiés sont très peu repré-sentés (2 % pour l’ensemble).

Pulsotypage

Le pulsotypage avec ApaI a été appli-qué à 291 isolats de Listeria monocy-togenes.

Trente quatre pulsotypes ApaI diffé-rents, représentés sur la figure 1, ontété identifiés. Ces pulsotypes peuventêtre rassemblés en 5 grandes lignéesclonales de Listeria monocytogenes,désignées par les lettres A, B, C, D etN. A côté de ces 5 lignées clonales,un dernier groupe hétérogène ras-semble, quant à lui, des pulsotypesdivers et faiblement représentés.

La répartition des 34 pulsotypes ApaIde Listeria monocytogenes, parmi lessites industriels E1 à E4, est rapportéedans le tableau IV.

Dans le cadre de cette étude, leslignées clonales « A » et « B », lesplus représentées en nombre d’isolats(58 % des isolats) ont pu être identi-fiées dans les 4 entreprises volon-taires.

Les lignées clonales « A, B et C »ont été précédemment identifiéeslors d’une étude réalisée dans cinqentreprises d’abattage et découpede porcs (1995-1997) où ellesreprésentaient 99 % des isolats deListeria monocytogenes caracté-risés (Giovannacci et al., 1999).Ces trois lignées représentent plusde 3/4 (77 %) des isolats caracté-risés dans le cadre de cette étude.

Science etTechnique

Tableau III : SÉROTYPES ETNOMBRE D'ISOLATS DE

LISTERIAMONOCYTOGENES DECHAQUE SÉROTYPE

Sérotypes Nombre d'isolats

1/2 a 1891/2 c 741/2 b 314 b 173 a 34 a 2

4 ab 21/2* 24 c 1

*: antigènes somatiques du sérogroupe1/2 et absence d'agglutination desantigènes flagellaires

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En particulier, la lignée « A » estmajoritaire (36 % des isolats col-lectés), ce qui est en accord avecdes études précédemment menéesen abattage-découpe de porc(Giovannacci et al., 1999) et enabattage-transformation de volailleet de porc (Chasseignaux, 1999).

La lignée « D », associée au séroty-pe 1/2b, et la lignée « N », associéeau sérotype 4b, sont nouvellementidentifiées dans la filière porcine.

L’analyse de l’origine des diffé-rents pulsotypes identifiés dans lecadre de cette étude ne montre pasde lien spécifique entre une souchedonnée et une origine de prélève-ment.

Salmonella

Sérotypage

Les sérotypes de Salmonella identi-fiés sont rapportés dans le tableauV.

Les sérotypes Typhimurium etDerby représentent près de 80 %des isolats collectés, résultat trèsclassique dans la filière porcine enFrance et dans d’autres pays depuisplusieurs années (Giovannacci etal. 2001). Les sérotypesBrandenburg et Infantis sont aussiclassiquement retrouvés dans lafilière porcine (Brisabois et al.1998).

Pulsotypage de Salmonella

Le pulsotypage avec SpeI a étéappliqué à 25 isolats de Salmonella,soit sur 1 isolat par prélèvementpositif.

Il a été possible de distinguer despulsotypes dans chaque sérotypedont 4 pulsotypes de SalmonellaTyphimurium (notés T1 à T4) et 3pulsotypes de Salmonella Derby(notés D1 à D3).

Science etTechnique

Figure 1 : DIVERSITÉ DES LISTERIA MONOCYTOGENES

Représentation schématique des 34 pulsotypes ApaI obtenus parmi 291 isolats de Listeria monocytogenes

Tableau IV : RÉPARTITION DES 34 PULSOTYPES DE L. MONOCYTOGENES DANS E1 ET E4

Groupes Pulsotypes ApaI nE1 nE2 nE3 nE4 nTot Sérotype A 105 1/2 a

a1 8 1 28 5 42 (ou 3a)a2 4 10 14a3 3 9 12a4 22 2 3 27a5 3 3a6 3 3 4a6' 1 1

B 64 1/2 cb1 5 4 14 10 33b2 1 5 10 16b3 9 9b4 3 3b5 3 3

C 56 1/2 ac1 30 16 46c2 4 3 3 10

D 30 1/2 bd1 9 2 11 22d2 1 1d3 3 3d4 2 2d5 1 1d6 1 1

N 17 4bn1 1 1n4 1 1n3 8 8n2 7 7

Divers 19 v 781 2 2 1/2 cV 962 5 5 1/2 aV 898 2 2 4aV 800 1 1 1/2 bV 907 1 1 4 abv 1073 1 1 1 /2 av 1596 1 1 1/2 bv 1597 2 2 4 ab, 4cv 1039 3 3 1/2 av 686 1 1 4 a

nE1, …nE4 et ntot désignent le nombre d'isolats de Listeria monocytogenes de chaque pul-sotype retrouvé dans les entreprises E1 à E4 et le nombre total d'isolats de chaque pulsoty-pe. La colonne sérotype associé donne les sérotypes rencontrés pour chaque groupe (A àN) et pour chaque type " divers "

Répartition des 34 pulsotypes de L. monocytogenes dans E1 à E4

Tableau V : SÉROTYPES DE SALMONELLA

Sérotypes Nombre d'isolats

Typhimurium 45

Derby 19

Infantis 5

Brandenburg 2

" OMB " 3

Non déterminés 8

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60 Viandes Prod. Carnés Vol 24 (2)

TRAÇABILITÉ : L’ENQUÊTECONDUIT AUX MATIÈRESPREMIÈRES

Listeria monocytogenes

Parmi 34 pulsotypes identifiés au totaldans les 4 entreprises, 21 étaient direc-tement identifiables au niveau des sitesd’abattage-découpe et/ou sur lesmatières premières à réception :- lignée « A » (pulsotypes a1, a2, a 3,

a4, a6), - lignée « B » (pulsotypes b1, b2, b3), - lignée « C » (pulsotypes c1 et c2), - lignée « D » (pulsotypes d1, d3, d6),- lignée « N » (pulsotypes n1, n3, n4),- et les pulsotypes divers : v898, v962,

v1073, v1596 et v1597.Les pulsotypes suivants : a5, a6’, b5,d2, d4, d5, n2, v686, v781, v800, v907,v1039, n’ont pas été directement identi-fiés sur les matières premières à récep-tion ou dans les sites d’abattage-décou-pe. Toutefois, chacun de ces pulsotypesa été mis en évidence de façon occa-sionnelle en cours d’activité et stricte-ment dans des zones de réception dematières premières (d4, d5), dedécongélation des matières premières(v 800 et v 907) ou de première trans-formation crue des muscles (a5, a6’, b5,d2, n2, v 686, v 781 et v 1039). Comptetenu de ces sites de prélèvements trèsamont au niveau des procédés de trans-formation, il est probable que l’originede ces souches soit également directe-ment les matières premières.

Salmonella

Tous les pulsotypes de SalmonellaTyphimurium (T1 à T4), de SalmonellaDerby (D1 à D3), de SalmonellaInfantis (I1) et de SalmonellaBrandenburg (B1) étaient identifiablesau niveau de carcasses et/ou dematières premières à réception, exceptéT2 et D3. Mais compte tenu des stadesde prélèvement où on les a isolés(étapes de transformation du muscle cruavant tout traitement assainissant) et dufait qu’aucune Salmonella n’ait étémise en évidence après nettoyage etdésinfection, il est probable que ces 2souches aient également pour origineles matières premières.

Traçabilité des contaminations :le bilan

L’essentiel des souches de Listeriamonocytogenes et de Salmonellaisolées sur les sites de transformationont une origine amont (abattage-découpe).

Toutefois, nous insisterons sur le faitque le croisement de circuits peut ame-ner à retrouver des souches d’origineamont dans les secteurs sensibles deentreprises de transformation.

Nous prendrons un exemple rencontrédans une entreprise intégrée : un seulprélèvement positif en Salmonella a étéobservé dans le secteur sensible du sitede transformation de cette entreprise. Ils’agissait d’une zone de stockageréfrigéré des produits cuits. Pour lasérie de prélèvements correspondante,le pulsotypage a permis de tracer cettecontamination en Salmonella jusqu’ausite d’abattage–découpe. En effet, lasouche impliquée, une SalmonellaTyphimurium, de pulsotype T1, a étéretrouvée sur les carcasses en sortie defroid choc, sur les carcasses en sortie deressuyage et sur les matières premièresau stockage en transformation.

La présence de Salmonella et/ou demonocytogenes sur les sites de trans-formation, d’après la traçabilité éta-blie par typage, est liée à la contami-nation véhiculée par les matières pre-mières.

Salmonella

Le taux de présence de Salmonella surles surfaces des sites de transformationest apparu faible, avec environ 5 % dessurfaces positives en cours d’activité etaucune présence observée après lesopérations de nettoyage et de désinfec-tion. Les taux de présence sur matièrespremières et sur produits en cours defabrication étaient compris entre 5 et10 %.

D’un point de vue diversité desSalmonella, les sérotypes rencontréssont classiquement associés à la filièreporcine : Typhimurium, Derby,Brandenburg, Infantis. Le pulsotypagea montré sa capacité à distinguer dessouches à l’intérieur d’un sérotypedonné.

La grande majorité des pulsotypes deSalmonella appartenant aux différents

sérotypes identifiés dans le cadre decette étude pouvaient être isolés à partirde carcasses ou de matières premières àréception.

Listeria monocytogenes

Les données produites dans le cadre decette étude ont montré des prévalencesmoyennes en Listeria monocytogenesdans l’environnement de 4 sites detransformation de la viande de porc de22 %, avec des niveaux de présence de32 % sur les surfaces en cours d’activitéet de 10 % après nettoyage et désinfec-tion.

Si on considère le secteur sensible desentreprises, les données sont de l’ordrede 5 à 6 % de prélèvements positifs, à lafois en cours d’activité et après nettoya-ge et désinfection. Ces résultats de pré-sence de Listeria monocytogenes sonten accord avec d’autres travaux récentset montrent une nette amélioration de lasituation par rapport aux années 1992-1993.

Concernant la diversité des souches, lesérotype 1/2a a une nouvelle fois mon-tré sa large prédominance dans le sec-teur des produits carnés. Le pulsotypagea fourni une discrimination fine dessouches, avec identification de 34 pul-sotypes différents, regroupés en cinqlignées clonales : A, B, C, D et N. Si leslignées A, B et C étaient décrites depuis1996, les lignées D et N (sérotypes 1/2 bet 4b) sont nouvellement décrites dansla filière.

L’étude de la traçabilité des contamina-tions a montré l’implication desmatières premières comme source d’en-trée de Listeria monocytogenes dans lesentreprises. En effet, la plupart des pul-sotypes identifiés en transformationétaient des pulsotypes identifiables auniveau directement des matières pre-mières ou au niveau des sites d’abattageet découpe de porcs.

Science etTechnique

REMERCIEMENTS

Ce travail a bénéficié de subventions du ministère de la Recherche (Programme « AQS1999 ») et de l’Ofival. Le programme de recherche complet, intitulé « Étude de l’écologie deListeria monocytogenes et de Salmonella dans la filière porcine – Mise au point d’un dispositifd’épidémio-surveillance de l’abattage à la transformation » a fait l’objet d’un rapport remisau ministère de la Recherche et à l’Ofival en janvier 2002.

Par ailleurs, les travaux de typage réalisés au CTSCCV ont bénéficié d’investissementsmatériels réalisés par l’Association ASA. (Animal Société Aliment).

Nous adressons également tous nos remerciements aux entreprises volontaires qui ontparticipé à la production des données.

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B I B L I O G R A P H I E

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LEXIQUE (RAPPEL)

On appelle isolat une population de cellules bactériennes en culture pure, provenant d’une colonie isolée sur gélose etqui a été caractérisée jusqu’au niveau de l’espèce (ex : un isolat de Listeria monocytogenes). Le typage bactérien

permet de créer des subdivisions au sein des espèces bactériennes.

Il existe des techniques de typage phénotypique, comme c’est le cas du sérotypage (détermination des antigènes desurface somatiques et flagellaires de la bactérie) et des techniques de typage génotypique qui consistent à établir des

profils d’ADN, assimilables à des codes barres. En particulier, le pulsotypage (découpage de l’ADN total et obtentionde profils par électrophorèse en champs pulsés de l’ADN) est une technique génotypique très performante.

On appelle génotype un ensemble de profils obtenus par différentes techniques de typage.

On appelle souche un isolat ou un groupe d’isolats présentant des caractéristiques phénotypiques ou génotypiquesdistinctes de celles d’autres isolats de la même espèce.

En épidémiologie bactérienne, un clone (ou une lignée clonale) correspond soit à un génotype donné soit, plusgénéralement, à un ensemble de génotypes très proches entre eux (ex. : dans cette étude, les pulsotypes c1 et c2

sont regroupés dans le clone « C »).

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