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René et Renée Chaigneau Livre de vie

Livre de vie

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raconter la vie de deux personnes

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René et Renée ChaigneauLivre de vie

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À mes parents

Mes chers enfants et petits-enfants, je vous confie ce livre. Il témoigne de la vie de René et Renée Chaigneau, mon père et ma mère.

Viviane FavreauNovembre 2010

Sur la photo : mes deux parents (35 et 37 ans) et moi à l’âge de 11 ans.

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«!Quelle idée de faire écrire ses parents sur leur parcours. Mais vous savez, j’étais témoin de tellement de choses ! J’ai pensé qu’elles nous intéresseraient... Est-ce que la jeunesse est une maladie dont on ne guérit pas ? Cette belle réflexion pourrait expliquer ma démarche, peut-être.J’associe à ce travail la mémoire de mon mari Pierrot et je fais ce «!maigre!»!testament!à mes filles Claude et Nadine qui ont trouvé l’écho de cet héritage dans leur jeunesse. La lutte contre les injustices était le discours quotidien dans notre famille. Je pense qu’en lisant l’enfance et la vie de jeunes adultes de mes parents, vous comprendrez mieux pourquoi.Je termine sur les mots de Lucie Aubrac, grande résistante : «!Résister c’est exister!».

Tous les passages en italique qui vont suivre sont issus de textes écrits par René et Renée Chaigneau.!Toutes les photos et objets (lettres, statuettes, vêtements, sacs, assiettes...) sont conservés chez Viviane Favreau, à Niort.

René et Renée ChaigneauLeur livre de vie

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René Maurice Marcel Jules Chaigneau, à l’âge de six, sept ans, vers 1918-19, à Paris.Il est le fils de Ludovic (13 avril 1888 - 27 avril 1965) et de Juliette Chaigneau (23 novembre 1896 - 8 juillet 1923).En haut, à droite, une photo présumée des parents de René.

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René est né le 23 février 1912 à Paris, dans le 19e arrondissement, rue Jean Jaurès. « Mon père, alors jeune ouvrier peintre en bâtiment à Saint-Maixent (Deux-Sèvres) veut, comme beaucoup de jeunes de son époque, voir la grande ville. Il ne travailla pas longtemps comme peintre puisqu’il prit un petit magasin de couleurs et de vernis. C’était au 77 avenue Jean Jaurès. Ma mère était comptable. Elle s’appelait Juliette Mitsch. Ils se sont mariés le 4 juin 1910 et je suis né peu après.!»

René Chaigneau, son enfance

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De Paris à Saint-Maixent l’École

René se dit non désiré, il en veut pour preuve l’insistance de son oncle, Jules Chaigneau, pour que Ludovic le reconnaisse comme son fils à la mairie du 19e. On lui donne le prénom de René, camarade de son père, Maurice le prénom d’un oncle (frère de sa mère), Marcel, le prénom de sa tante (soeur de son père) et Jules, le prénom d’un autre oncle (frère de son père).

Ludovic prend rapidement la décision que René serait élevé loin de Paris, à Saint-Maixent, chez ses grands-parents paternels. Le voici donc tout jeune en partance pour la province, contre la décision de sa mère Juliette.

Il est accueilli dans une famille d’artisan-commerçant, Louis et Rosalie Chaigneau. Son grand-père est bottier et tient un magasin au 15 rue Taupineau. Cet homme boiteux de naissance partait tous les hivers à Nice accompagné de son ami Hipeau, marchand de confection (place du marché à Saint-Maixent). René raconte que ces deux hommes partaient ensemble pour «!laisser un peu les femmes tranquilles!». Louis jouait au casino... mais n’aurait jamais gagné. Il ajoute que la femme de M. Hipeau fréquentait beaucoup les curés, «!et bien sûr on disait qu’elle était bien avec celui de Saint-Maixent.!» La double vie existait déjà à cette époque...

«!Ma mère ne supportait plus l’idée de ne pas pouvoir m’élever. Elle est venue me chercher chez ma grand-mère et m’enleva de force. Je suis parti sans chaussures. C’est Louis Sapin... l’amant de ma grand-mère... qui me les porta à la gare.!»

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Le grand-père Louis Chaigneau à Saint-Maixent (Deux-Sèvres). Il se tient sur ses deux cannes à la porte de sa maison, rue Taupineau.

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Ramené par sa mère, René fait la connaissance de sa petite soeur, Viviane.

«!Je sais que ma mère avait trouvé ce prénom dans les romans des chevaliers de la table ronde, Lancelot du Lac et la fée Viviane. Ma soeur est née le 13 juin 1913.!»

Photos : René et sa soeur Viviane

De retour à Paris... Un frère et une soeur

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La première guerre mondiale et les déménagements

La famille réunie s’installe dans un nouvel appartement au 92 avenue Jean Jaurès, quasiment en face du magasin de Ludovic.Commerçant très entreprenant, ce dernier loue un grand magasin au coin du faubourg Saint-Martin et de la rue Saint-Laurent. «!Son idée était de faire comme les grandes surfaces aujourd’hui. Il était en avance sur son temps. Il y vendait de l’article de Paris, des vêtements...!»

L’ancien magasin du 77 rue Jean Jaurès est cédé à son beau-frère qui venait de se marier et qui le tiendra jusqu’à sa retraite en 1932.

Réformé à la guerre de 1914-1918, Ludovic continue à développer son activité. Il installe une succursale de ses magasins à Amiens, rue de Beauvais.

La mère de René est chargée de l’administrer. Elle part donc en direction d’Amiens avec ses deux enfants. «!Nous avions des employées pour aider notre mère. Mon père voyageait beaucoup, il était de fait souvent absent et le ménage ne marchait pas bien. Ma mère était très malheureuse.!»

René se souvient des bombardements de Paris pendant la première guerre mondiale : «!La Berta tirait sur la capitale. Nous subissions les tirs en 1915-1916. Presque toutes les nuits, nous descendions dans la cave. C’est pour nous mettre à l’abri de la guerre que mon père loua une maison à Grez-sur-Loing en Seine-et-Marne. Nous y habiterons jusqu’en fin 1917. Un jour, mon père est venu nous chercher dans une grande automobile pour retourner vivre à Paris dans notre ancien logement.!»

De cette période, René garde en mémoire la grippe espagnole qui sévissait sur Pantin. Les enterrements se succédaient.

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La famille emménage dans un nouvel appartement, rue Jean Menant, au pied des buttes Chaumont : douze pièces, une bonne et un chauffeur. «!Le chauffeur venait chercher ma mère pour les courses. Je me rappelle de mon lit, il était en cuivre.!» Le chauffeur est le beau-frère de Ludovic et de Juliette. Cet oncle Gustave est charcutier et Ludovic l’avait aidé à s’installer lorsqu’il prit un fond à Saint-Denis, au 150 avenue Wilson. «!Quand mon oncle montait rue Jean Menant avec le triporteur du magasin, ma soeur et moi, nous nous empressions de descendre par l’escalier de service pour aller faire un tour avec dans la rue. Il n’y avait pas de circulation comme aujourd’hui !!» Sa femme, Lucie Mitsch, a été une des premières femmes motocyclistes de son époque.

René prend des cours de violon chez M. Roudoux. «!À ce moment-là, mon père rentrait tous les soirs.!»

L’après-guerre, un bout de vie agréable

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Le train de vie de la famille est aisé, si bien que lorsque René doit se faire opérer des amygdales, il est décidé que l’opération se déroulera à la maison et non à l’hôpital. «!Un matin, je vois arriver dans ma chambre deux hommes habillés en noir. Ils mettent leur blouse blanche, m’enveloppent d’un drap et m’endorment avec un masque sur ma figure. J’entendais que l’on parlait de glace, c’est la seule chose agréable qui me reste en mémoire de cet évènement !!»

Ludovic avait fait la connaissance d’un artiste ténor qui était devenu directeur de théâtre, M. Ancelin. Il lui donnait des places gratuites pour l’opéra comique, et grâce à lui, «!nous avons vu presque toutes les opérettes du moment. » Pendant l’entracte, le père allait féliciter M. Ancelin et son épouse, Faéta Ancelin. Elle était soprano léger et elle chantait la Tosca˙, les cloches de Corneville˙...Profitant de l’intimité née entre Ludovic et Faéta et à la faveur d’un voyage à Paris, ils deviennent amants. Le bel et grand appartement loué pour Juliette et les deux enfants n’était finalement qu’un moyen de vivre plus librement cette relation.

«!Et puis, un beau matin, tout se ternit.!»

«!Mon père est entré dans notre chambre, nous a embrassés, ma soeur et moi, et nous a annoncé qu’il viendrait nous voir tous les huit jours. Ma mère pleurait, nous aussi.!»

Les parents de René se séparent. La vie change, encore. Moins d’argent à la maison, emménagement chez la grand-mère maternelle, rue d’Allemagne. C’était la misère. «!Le logement de ma grand-mère se composait d’une grande salle carrelée avec des carreaux rouges, une cuisine et une chambre que nous occupions, ma mère, ma soeur et moi. Ma pauvre grand-mère travaillait pour la cartonnerie de la rue de Rome. Je me souviens l’avoir vue revenir de l’usine chargée avec les cartons coupés. Son travail consistait à en faire des boîtes à bougies octogonales en collant les parois, une à une, autour d’un gabarit. Je la revois préparer sa livraison pour la cartonnerie et disparaître derrière le «!ballot!», comme une toilette qu’elle accrochait à son épaule.!»

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Cette grand-mère leur confectionnait des sirops lorsqu’ils étaient, lui et sa soeur, enrhumés. «!Il était composé d’un jaune d’oeuf, de miel, de lait et de sucre.!»

De son côté, le père de René s’installe rue Saint-Laurent avec Faéta et son fils Vincent. René et Viviane voient leur père une journée tous les quinze jours selon un accord entre les deux parents. Le rendez-vous a lieu au bout de l’avenue Jean Jaurès devant le café du Pont (rond-point de la Villette). Ils se rendent très rarement au logement de leur père. René se souvient avoir été à la Scala voir le film «!Le train de 8h47˙ ». «!Un jour mon père nous apporta un auto-skiff˙˙, et c’est ma mère qui nous emmena une fois aux Buttes Chaumont pour en faire une partie.!»

Pendant ce temps-là, «!ma pauvre mère courait la tireuse de cartes et autres diseurs d’aventures, ce qui l’amena à consulter un magicien. Il lui demanda d’apporter un morceau de tissu pour envelopper une figurine en cire percée d’une aiguille pour faire mourir Faéta.!»

Sur ordre de sa mère, René sera donc chargé de la besogne. «!J’ai coupé deux queues de vison d’une pèlerine directement dans le placard de Faéta.!»

˙ La Tosca est un opéra en trois actes de Giacomo Puccini de 1900 qui connut un très grand succès populaire.

˙ Les cloches de Corneville est une opérette en trois actes de Robert Planquette de 1877.

˙ «!Le train de 8h47!» est un film français (comédie) réalisé par Henry Wulschleger d’après un roman de Georges Courteline.

˙ Un Auto-Skiff est un jouet, une voiture-rameur miniature. L’enfant tirait sur une corde qui reliée à des poulies permettait de faire tourner les roues.

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Juliette meurt de la tuberculose à l’âge de 37 ans, en 1923. Quelque temps plus tard, la soeur de sa mère devra également mourir de cette maladie, encore mal soignée dans les années Vingt. Avant son décès, le père de René, à la suite d’une consultation médicale, avait déjà décidé de placer, à nouveau, ses deux enfants à Saint-Maixent chez les grands-parents paternels.

Voilà René revenu en province, rue Taupineau et sa soeur confiée à l’oncle Jules et à la tante Pauline. Ce couple avait un magasin de bicyclettes et de machines à coudre, rue Vauclair, et habitait avenue de la gare. «!Parfois, le dimanche, j’aidais mon oncle à nettoyer les vélos.!»

Tuberculose : la vaccination, le BCG, n’existe pas encore quand Juliette décède de cette maladie. On soignait la tuberculose par des cures d’air, de soleil et de lumière dans les sanatoriums. Le premier test du vaccin sera effectué en 1921 et déployé en 1925.

À droite, René à Saint-MaixentPage de droite, l’oncle Jules

«!J’ai onze ans quand ma mère décède.!»

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«!À Saint-Maixent, j’allais à l’école laïque, rue Boutinard. J’étais dans une classe supérieure à mon niveau. Le maître, Monsieur Bonneau, avait désigné un élève, un des meilleurs, pour m’aider à suivre les cours.!»

René obtient son certificat d’études à 13 ans et reçoit même un «!beau prix!». «!Mon oncle Jules, socialiste, antimilitariste, n’a pas voulu que je me rende à la distribution des prix car la remise se passait dans une salle de l’école militaire.!»

Avec Jules Chaigneau, René s’initie à la politique et est «!bercé par l’esprit révolutionnaire!» dès ses neuf ans. Il se souvient d’un oncle emprisonné à la suite des grèves de 1920˙ ou encore désigné délégué, au congrès d’Amsterdam-Pleyel˙ en 1932.

˙ Grèves dans les chemins de fer et les mines du Nord en février-mars 1920.

˙ Congrès de 1932 : Henri Barbusse et Romain Rolland publient dans l'Humanité du 27 mai 1932, un appel pour la tenue d'un congrès contre la guerre.

«!J’ai treize ans et ma soeur douze quand mon père... décide de nous récupérer.!»

Le certificat en poche, René envisage de poursuivre ses études. Mais la vie de René et de Viviane à Saint-Maixent s’interrompt à nouveau quand leur père décide de les faire revenir à Paris. René est inscrit dans une école de mécanique, rue Blaumet. Le programme était de devenir ingénieur... «!Malheureusement, un mois après, mon père rentre à midi pour déjeuner et m’annonce qu’il m’avait trouvé une place dans un commerce, une mercerie en gros Wareau et Winter, spécialisée 50 boulevard Sébastopol.!»Même sort de placement autoritaire pour sa soeur. Viviane sera «!casée!» dans un cours de danse par l’intermédiaire de Faéta. Ce retournement de situation s’explique probablement par un manque d’argent. À court de liquidités, Ludovic avait dû négocier ses bons de la défense nationale contractés lors de la guerre 1914-18. «!Il avait même vendu mon vélo !!»

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L’apprentissage et le début de l’investissement politique.«!J’ai donc commencé mon apprentissage comme manoeuvre dans le commerce en gros. Je gagnais 175 francs par mois. Sur ce pauvre salaire, je devais payer mon transport pour rejoindre mon travail et payer mon déjeuner (entre 1,75 f. et 3,50 f. le repas).!»René se réunit souvent avec les «!jeunes du rayon bouton!». Comme il n’existait pas de syndicat pour dénoncer des salaires trop bas, il est désigné comme représentant pour aller demander une augmentation au patron. «!Il arriva ce que je pensais : je fus mis à la porte.!» Il trouve un autre travail similaire (réassortiment des rayons) à la société La Soie, 155 rue Saint-Denis. Grâce à son certificat d’études, il est embauché avec un salaire de 250 francs par mois, ce qui améliore son quotidien. «!Le soir, je rentrais, je couchais dans un fond de couloir avec Vincent, le fils de Faéta.!» Il travaille ensuite chez son oncle Gustave, à la charcuterie. Plus tard, son père lui trouve une place comme apprenti cuisinier au restaurant

Hôtel Chatam, rue d’Auman : 250 francs par mois, 3 repas fournis par jour, 9 heures de travail par jour, un jour de repos par semaine et parfois des gardes jusqu’à minuit avec les deux chefs, 35 à travailler dans un sous-sol, 6 pianos˙ qui chauffaient toute la journée, seulement quelques soupiraux. «!Le soir, quand le patron faisait une réception chez lui, nous, les apprentis, portions les plats à la cuisine où le chef arrangeait les plats que nous avions un peu bousculés. Le maître d’hôtel faisait ensuite le service. On pensait avoir des pourboires, mais c’était rare. C’était un métier fatigant. Six mois à ce rythme-là, je suis tombé malade, une furonculose et j’étais enfermé tous les jours.!»

René demande à ses grands-parents de Saint-Maixent de le reprendre. Ils acceptent aussitôt. Le billet du voyage est payé par son père et revoilà René en province. Il laisse sa pauvre petite soeur à ses cours de danse. Elle décèdera de la dureté de cette pratique artistique, à 16 ans. Il faudra deux à trois mois à René pour être soigné de sa furonculose.

˙ Un piano dans un restaurant est une grosse cuisinière. On parle de piano de cuisine.

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René travaille au Bazard de l’hôtel de ville, groom pour être chef de rayon. « Mais, je devais encore changer de métier. M. Sapin était menuisier, son atelier était en face de chez mes grands-parents. Il m’a proposé un contrat d’apprentissage de deux ans. Sans avoir le feu sacré, je suis donc devenu menuisier-charpentier.!» Les jours de repos, il aide l’oncle Jules à nettoyer les vélos contre «!une bonne pièce!». Ce petit boulot lui permet d’avoir de l’argent de poche en plus du salaire perçu toutes les semaines. «!J’étais suffisamment pourvu pour mes cigarettes et ma bière... La vie se déroulait normalement. J’étais heureux ! Ma famille me laissait beaucoup de liberté. Je retrouvais mes anciens camarades d’école le soir à la Porte Châlon.!» René évolue dans un milieu très politisé. Il se souvient de discussions très animées chez Jules, communiste (ancien

socialiste depuis le congrès de Tours en 1920).À gauche, Louis Sapin, menuisier

De retour à Saint-Maixent

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... échangeaient sur le Front Populaire. 1936 et les premiers congés payés en effet approchaient. Les échanges portaient aussi sur la franc-maçonnerie... le grand-père Louis, un peu plus calme, leur disait «!Vous voyez des francs-maçons partout !!» Grâce à sa grand-mère, René continue (dès son deuxième passage à Saint-Maixent, à la mort de sa mère) à prendre des cours de violon. Il se rendait chez un vieux peintre en bâtiment, M. Béguin.

À droite, sacoche de l’oncle Jules désigné représentant au congrès socialiste de 1912. Ci-dessous : violon de René.

Les clients qui fréquentaient le magasin...

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René fait son service militaire en Algérie, en Kabylie dans un régiment de Zouaves.

Une lettre rédigée sur place nous renseigne sur ses conditions de vie et sa perception du pays.

«!Je suis à l’infirmerie depuis huit jours... je ne pesais que 57 kg 400 au lieu de 69 quand je suis rentré... c’est-à-dire je suis à l’engrais...Je suis dans un pays où l’on m’a envoyé contre mon gré. Ce coin du monde serait admirable à visiter en touriste avec la jeunesse et le coeur que l’on a à 20 ans...Fort National est un bien petit pays de 300 habitants dont 30 (?) européens qui d’ailleurs ne sont pas «!sociables!» avec la troupe.

Le zouave (issu de l’arabo-berbère, d’une tribu kabyle) est un soldat d’un corps d’infanterie français créé en Algérie en 1830 et dissous en 1962 (à l’indépendance).

Nous sommes condamnés à l’abstinence la plus complète ; il ne faut pas compter approcher les femmes,surtout les kabyles, leurs mâles étant très jaloux n’hésiteraient pas à nous tuer comme un chien.!»

Le manque d’activité et l’opportunité de cette lettre l’incitent au «!bavardage!». René se plaît à décrire la géographie des lieux tendant à une évocation poétique du paysage de la haute Kabylie. «!À l’horizon, c’est la chaîne de Djurjura qui tantôt s’élève en pics effilés et semble monter à la conquête du ciel... Parfois quelques nuages viennent se former et semblent être accrochés comme un décor... des trainées blanches apparaissent, quelques brins de neige qui osent défier les rayons de l’arbre de vie, le tout baigné d’un ciel bleu profond portant au rêve et à la méditation.!»

Il termine sa lettre en «!serrant [à son ami] une cordiale poignée de main!» et en ajoutant «!tu as plus de veine que moi, tu peux aller en permission souvent ; tandis que moi ce sera la permission définitive dans sept mois.!»

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Cahier de notes de René en Algérie.Lettre envoyée le 15 juillet 1935 à «!mon vieux copain!» Jean. Lettre de trois pages

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Photo du régiment de René en Algérie. Il est allongé à droite.À droite, signature de la lettre adressé à son ami Jean.

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René avec ses amis de Saint-Maixent (il porte le béret à gauche de l’image) et s’amusant au tricycle. Il eut aussi rapidement la passion de la moto.

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René retrouve ses grands-parents et amis à Saint-Maixent. Nous sommes en 1931.Un jour, sa tante Marcelle Fayet l’emmène au bord de la mer. Il se rappelle son embarras quand elle a insisté pour qu’il enlève sa veste alors qu’il n’avait sur lui que le plastron de sa chemise (par manque d’argent).C’est encore elle que René aide lorsqu’elle est sur le marché à Saint-Maixent. Il était surnommé le «!petit Jules!» en rapport à son oncle Jules. Devenu très bon ouvrier menuisier, son patron, monsieur Sapin (le père de tante Marcelle car amant de sa grand-mère Rosalie) lui destinait sa succession.

À 22 ans, René a un métier, une vie d’artisan toute tracée. À 22 ans, il pense à se marier.

À son retour de régiment

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Escalier miniature réalisé par René

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Renée Girault, son enfance

Renée est née le 11 décembre 1910 à Rouillé (Vienne). Elle est alors le troisième enfant de la famille. Sa soeur Madeleine avait quatre ans (née le 4 mai 1906) et son frère Émile trois ans (né le 30 novembre 1907).

«!Je suis née à la maison, dans la pièce unique, exiguë. Mes parents habitaient route de l’Épine. Ils étaient très modestes. Mon père, peu instruit mais travailleur hors du commun, avait entrepris des «!charrois!». Il avait acheté à crédit chevaux et mulets, quatre ou cinq, pour transporter billes de bois qu’il lui fallait sortir des bois, transporter sur les routes et livrer à bon port. Il y avait aussi un petit coin sous l’écurie pour la chèvre qui nous donnait du lait et... un autre petit coin, qui faisait office de chambre pour les domestiques.!» Son père, Émile, comme «!très bon, honnête et travailleur!». Enfant, on lui disait «!Aimez, aimez votre père, il est l’un des plus travailleurs que nous connaissons !!» Sa mère, Camille, s’affaire à la maison. Elle est croyante mais n’allait jamais à la messe. Et pour cause ! Le père n’avait pas été élevé religieusement... son propre père était mort à

57 ans ignorant la religion. Il croyait dans le travail... il aspirait à devenir son propre maître et à gagner dignement sa vie, lui qui était «!né sur le bord de la route du Grand Breuil à Poitiers.!»!

« Les conditions de vie étaient dures, un manque d’hygiène terrible dans certains endroits de la maison... Par un escalier... et quel escalier... on accédait à la citerne qui recevait les eaux de pluie mais aussi des toilettes sales. Et nous en buvions l’eau ! J’avais huit ou dix ans quand un jour je remontais un seau d’eau. Penchée sur la margelle pour le rattraper, je vis un gros rat mort à la surface. De frayeur, j’ai tout relâché dedans !!!!» Ils iront aussi puiser de l’eau dans la citerne des Gauthier, aubergiste, dont la fille Suzanne, allait à l’école avec Renée. Pendant que le père est sur les routes jusque tard dans la nuit, la mère veille sur les enfants, s’occupe de la comptabilité, établit les factures. «!Mais généralement les rentrées d’argent ne compensaient pas les sorties.!Nous avions toujours des dettes, oh nous n’avons jamais été menacés, inquiétés par la justice ; mais on découvrait saint Pierre pour couvrir saint Paul ! »

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Renée et sa famille. De gauche à droite : Son père, Émile, sa mère, Camille, son petit frère Roger entre ses parents, Renée au milieu, Madeleine et Émile à droite. Elle est surnommée «!Nunuche!». Les photos de Renée jeune sont rares. La famille n’a pas les moyens de faire photographier leurs enfants, comme cela avait été le cas pour René.

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Payer les domestiques, nourrir, soigner les chevaux qui crevaient du travail ou des crises de colique, payer le vétérinaire les rares fois qu’il venait... la misère... «!Et toujours pareil, ce monsieur de Lusignan qui venait à moto présenter les traites ! Ma pauvre mère le sentait venir de loin. Repoussez, repoussez toujours le même scénario. Nous vivions tant bien que mal en mangeant, cependant, toujours à notre faim grâce à la basse-cour et au petit jardin.!»

La guerre de 1914-1918 éclate et Émile est mobilisé. Camille se retrouve seule avec ses trois enfants, les quelques chevaux et un domestique, Boyer, qui tentera de faire perdurer l’entreprise du père. «!Nous voilà ainsi en pleine guerre. Tous les jours, c’était entre voisins et autres «!Avez-vous des nouvelles ?!» Hélas, c’était l’angoisse et ces mauvaises nouvelles qui arrivaient du front ! Mon père a connu la bataille de la Somme en 1916, le chemin des dames, et tous ceux qui tombaient autour de lui.!Nous, nous étions trois «!badrouillots!», un quatrième ferait mettre le père à l’arrière. Mon frère Roger fût donc conçu et naquit le 10 février 1918.!» Une voisine, la «!mère Melin!» perdit ses fils à la guerre. La fin de la guerre a été une joie pour tous : «!Nous ne nous sommes pas

couchés, toute la nuit en bande, nous chantions des chants patriotiques, montions en haut du clocher pour activer les cloches au maximum.!»

Route de l’Épine, pour ramener de l’argent, Renée travaille les jours de congés ou pendant les vacances chez les Bannier, récupérateur de ferraille, chiffons et peaux de lapins. Elle trie des peaux pleines d’asticots et des chiffons. «!Les microbes ne nous faisaient pas peur.!» Le soir, elle soupait chez eux. Autre voisine, la «!mère Daroux!» avec ses deux fils Amédée et Lucien. Elle allait chiner du lait dans les fermes et le portait à la laiterie de Ligaudière. Elle partait avec Renée ou Robert Gauthier dans une charrette bâchée. Un jour, elle ramène une grande caisse d’oeufs qu’elle avait placée à l’arrière de la charrette. Au retour, elle donne sa «!pitance!» à Mouton, le cheval. Comme il pleuvait, elle ouvrit son parapluie. Le cheval prit peur, elle tomba et se cassa le poignet. Le cheval affolé continuait sa route. «!Moi, j’étais restée dans la carriole, la tête dans les oeufs, ballotée d’un côté et l’autre du «!charaban!». C’est le père Ballu, épicier qui faisait sa tournée qui a stoppé le cheval, à Thou. Nous rentrons à Rouillé essayant de nous en remettre.!»

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«!Durant la guerre, ma pauvre maman contracta la grippe espagnole qui faisait des ravages dans les campagnes. Toute sa vie, elle souffrira des suites, bronchite et de pneumonie qui lui occasionnaient des crises d’asthme atroces.!»

L’épidémie marqua la mémoire d’enfant de Renée : «!C’était terrible, le grand-père Ballu et son père en moururent. Je me souviens d’une fille Boury, d’une fille Cousin et d’autres d’une vingtaine d’années... Je revois le docteur Frison avec sa voiture automobile, une Renault ! C’était une curiosité ! Il habitait tout près et vivait avec sa mère et sa soeur. Oh ! Il ne manquait pas d’argent. Il pratiquait l’extraction des dents ; souvent le petit récipient dans lequel on crachait en contenait plusieurs extraites. Monsieur le curé Devergne venait aussi confectionner des cataplasmes à la farine de moutarde.!Il a été très bon et très présent pour nous.»Photo du curé Devergne (lors d’un départ pour Lourdes). Il avait fait la guerre 14-18 et y avait été blessé.

La grippe espagnole

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Le père revenu de la guerre en 1919 avait des projets plein la tête : les chevaux, le matériel de transport et la construction d’une maison. Au début de son mariage, il avait en effet acheté un grand terrain sur lequel «!il y aura une vraie grande maison, une grande cour et une grande écurie, mais à quel prix ! !Nous étions toujours «!gueux comme Job!». Que de misère, il manquait toujours de l’argent.!»

En 1925, la famille emménage dans cette nouvelle maison, route de Saint-Sauvant. Le père avait repris ses chevaux, ses charrettes, fardiers, tombereaux et fardiers. «!Il y avait encore et pour encore des années, l’exploitation de la forêt de Saint-Sauvant. Chauvigny faisait sur place des lames de parquets qui se déchargeaient sur le quai de la gare ! Ma soeur allait en charger un wagon qui attendait en gare de Rouillé. Le tailleur de pierre attendait qu’un fardier lui apporte les blocs sur place. C’était l’homonyme de mon père, le père Girault (remarquable ouvrier) qui avait dix ans jour pour jour de

La nouvelle maison

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plus que mon père. Cinq filles étaient au foyer dont la plus jeune Denise, qui a fait sa vie à Paris, était une de mes amies.!Le fardier transportait des troncs d’arbres de quatre ou cinq mètres de circonférence. Mon père était heureux. Les routes n’étaient pas encore goudronnées et il fallait boucher les trous avec des cailloux extraits de la carrière. Nous avions des casseurs de cailloux ! Des SDF souvent qui passaient à la mairie étaient envoyés chez les Girault casser des cailloux.!Ils n’étaient pas sans poser des problèmes, parfois sérieux, à mon père. On craignait toujours pour lui, à toujours rester longtemps sur les routes. Ma mère et ma grande soeur étaient souvent angoissées.»

Madeleine se marie, mais le pauvre André était plus habitué à la terre qu’aux transports. Il fallait pour l’employer des terres en location et des vaches. ils eurent quatre enfants tous élevés dans la nouvelle maison.

À gauche :La maison de Saint-Sauvant avec, à la fenêtre, Madeleine, la soeur de Renée. Les quatre enfants sont ceux de Madeleine : Guy (avec le béret), Jacqueline (à droite), Roland et Claudette (en robe blanche).

Sensible à l’injusticeChez ses voisins, les Bannier (route de l’Épine), il y avait Mathurin le père, «!pas très commode!», Victoire la mère, trois filles et deux garçons. «!Les filles allaient à la campagne avec le chariot récupérer chiffons, peaux de lapins et payaient en vaisselle. Ces chemineaux venus de Bretagne se constituaient une petite fortune.!»

Elle se souvient de tout ce qui l’attirait dans le grenier de cette famille «!plus riche!» : poudre de riz, peignes... C’est un plaisir mais en même temps un pincement au coeur. Elle constate que certains enfants ont de l’argent et d’autres non. Son caractère se forge. Elle raconte une scène à l’école lors des promenades. Il était interdit de crier, les soeurs imposant le silence. Or, quelqu’un avait crié. Qui ? «!Alice Parnaudeau répond que c’était moi. Mais c’était faux. Je lui donne une gifle. La maîtresse rougit (mais ne me gronde pas). J’ai eu cette histoire de claque en moi pendant de longues années.!»

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Par sa mère, Renée est élevée dans une ambiance religieuse. Il n’en demeure pas moins qu’après les vêpres «!s’il y avait, sous les halles, une réunion publique, je ne la manquais pas. La réunion était faite par des tribuns de Poitiers, dont un avocat, M. Hulin˙.» Ces orateurs ont certainement dû ouvrir encore un peu plus l’esprit de Renée au monde qui l’entourait. «!Cela me confortait dans mes idées de révolte contre l’injustice.!»

Par défi (et aussi sans doute par humour), elle aime tourner en dérision les «!riches!» et sa propre pauvreté. Pour illustration, l’histoire du piano : «!Emma Boin, riche, avait un piano, et moi je n’en avais pas. Alors, j’avais découpé de grandes bandes de papier sur lesquelles j’avais simulé un clavier ! En appuyant sur les «!touches!», je marmonnais les notes, très fort, devant les fenêtres grandes ouvertes de la salle à manger... Je pensais à la révolution qui me permettrait d’aller chercher le piano de cette Emma. »

˙M. Hulin mourra en camp de concentration.

Un esprit révolutionnaire

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À l’école avec joie

Les quatre enfants ont suivi leur scolarité jusqu’au certificat d’études à l’école privée de Rouillé.«!Mes frères et soeurs n’étaient pas doués pour l’école, moi j’aimais y aller. Je travaillais bien. L’histoire de France m’est restée, les dates, les traités... sont intacts dans mon esprit. Je faisais mes devoirs d’arithmétique sur des papiers d’emballage, on n’avait pas les moyens d’acheter les fournitures scolaires. Mais peu importe. Quand la maîtresse nous donnait un problème, moi je faisais toute la page. J’avais résolu tous les problèmes avant mon certificat ! J’étais la première en calcul. En composition d’orthographe, c’était une voisine de mon âge, Suzanne Gauthier. »L’école libre est tenue par Mlle Berth et Mlle Noélie, issues de la congrégation des soeurs de la Sainte Famille de Rodez.

• À gauche, l’école libre de Rouillé. À 89 ans, Renée apprend en lisant le journal que ses maîtresses appartenaient à une congrégation fondée en 1819 par Émilie de Rodat, «!patronne des enfants!». Les soeurs se vouaient à l'instruction des filles pauvres, les autres soignaient les malades à domicile. « De ces filles, je faisais partie !!»

Renée explique qu’elle ne fréquentait pas les élèves de l’école publique «!sauf à la communion solennelle, nous étions devant et eux automatiquement en rang derrière nous.!»

«!Il y avait le buraliste qui était, je crois libre penseur et... à sa mort enterré comme tel. Nous faisions un écart sur la place pour ne pas être «!contaminés!». Il y avait une fille ida, institutrice. J’ai eu le plaisir jusqu’à il y a une dizaine d’années d’avoir des contacts amicaux avec elle. Mais disons-le, elle avait de l’atavisme et je pense qu’elle n’oubliait jamais d’où nous venions !!»

Renée allait à l’école dans une charrette à bras Tilbury. Au fil de ses notes, elle raconte que «!j’ai encore mon homonyme Denise Girault qui depuis quelques années me rappelle ces souvenirs d’enfance. Elle a fait sa vie à Paris et revient en vacances dans la propriété de ses parents. Je n’ai pas eu l’occasion dans ma vie de femme de la rencontrer ; peut-être n’avions-nous pas la même vision des choses !!»

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À l’école, les élèves suivent les préceptes de la religion appliquées à la lettre par les soeurs. L’emploi du temps est organisé autour des cours et de la prière. «!Pour la Fête Dieu, on édifiait un reposoir extérieur, dans la cour, on jetait des pétales de roses... bercée dans cette ambiance, j’ai passé ma communion solennelle avec beaucoup de ferveur. Ma mère souffrante était toujours le prétexte de mes prières.!J’étais la seule héritière de la croyance maternelle. » Renée ne rate rien des célébrations de la Sainte Vierge et du Sacré-Coeur aux mois de mai et de juin. Elle quitte la maison très tôt sans le dire, dépose sa serviette (cartable) sur les bancs des Fonds Baptismaux et s’en va chanter la petite messe à 7h30. «!Celle qui me plaisait le plus à chanter, c’était la messe des morts, le Libera me.!J’aimais la musique.»

• Renée en communiante à 10 ans, le 5 avril 1921 (elle avait été baptisée le 17 avril 1911). À droite, son souvenir de communion solennelle.

À l’école et à l’église

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Renée était chanteuse à la chorale de l’église. Mais un jour, elle décrète ne plus faire partie du choeur, «!il avait dû se passer je ne sais plus quoi!». Mademoiselle Frison, la soeur du dévoué docteur de famille, la prend à part et, en accord avec le curé Devergne, lui offre un voyage de huit jours à Lourdes si elle revenait sur sa décision. Après hésitation, elle accepte motivée d’aller prier de toute son âme pour sa mère et les autres. Elle avoue toutefois mal assumer la situation face à ses amies restées sur place.Renée conteste «!pas mal de choses dans le catéchisme!». Si elle était première en classe, elle était troisième en catéchisme... La confession ne lui plaisait pas car elle ne croyait pas en l’infaillibilité du Pape. «!J’étais choquée que le père demande à Renée Meunier si un garçon l’avait embrassée ! Et je le disais au curé, le pauvre il rougissait. J’avais quand même tendance à dire à mon amie de se taire, je trouvais qu’elle portait atteinte à la religion.!»

Esprit révolutionnaire même à l’église...

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Les lignes d’écriture consistaient à écrire des préceptes religieux en minuscule, en majuscule (en photo, écriture dite la «!bâtarde!» et «!gothique ornée!»). Exemple de «!proverbes!» à recopier : «!Pour un plaisir, mille douleurs!», «!une bonne action trouve toujours sa récompense!», «!Ne sois pas sage à tes propres yeux, crains le Seigneur, détourne-toi du mal.!»

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Voyage pour Lourdes avec le curé Devergne (assis à l’arrière de la voiture). Renée y participa après le fameux épisode de la chorale.

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«!À 13 ans, je suis reçue première et décroche la mention Bien à mon certificat. Ma soeur, elle, s’occupait de maman et de la cuisine. Moi, je voulais apprendre. Ma pauvre mère me disait de rester avec ma soeur, on parlait de me mettre en apprentissage ! À la Toussaint, ma tante Marie˙ et mon oncle Mineau, qui venaient acheter leurs volailles au marché de Rouillé, déjeunaient avec nous.!»

- Que va faire Renée maintenant ? - Oh, je crois qu’on va la mettre chez une couturière... Elle voudrait aller à l’école mais les moyens financiers manquent.!- !Donnez-la moi, elle ira à l’école à Châtellerault !! s’écria la tante à table.

«!Quelle joie pour nous ! Ma soeur me broda les bas d’un petit manteau, repris mes galoches et, je pense, le vendredi suivant, on m’emmenait.!»

˙ Tante Marie avait un commerce de volailles rue Bourbon à Châtellerault.

• Certificat «!public!» avec la mention Bien, le 27 janvier 1923. Elle passe deux certificats, un laïc à Lusignan, un privé à Couhé-Vérac.

Continuer les études

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Grâce à sa tante, Renée poursuit ses études à Châtellerault, à l’école supérieure. «!J’ai eu des professeurs que je n’ai jamais oubliés à mon grand âge. Ils m’enseignèrent l’anglais, les mathématiques, le français... et je me consacrais entièrement à mes études, je travaillais tard le soir.!Mon école était dans la même enceinte que le lycée Henri IV. Un vrai immeuble, tout en pierre ! Mais, on ne se mélangeait pas. Je ne me souviens pas m’être fait des amis. La plus mauvaise élève était Brion, constamment rappelée à l’ordre.»

Bonne élève, elle réussit à rattraper son retard (elle avait rejoint les cours un mois après la rentrée). À la fin du deuxième trimestre, la directrice la fait appeler. «!J’ai eu une peur bleue, j’ai cru à une remontrance. Mais non !! La directrice me remet le prix d’accessit˙ et un compliment pour mon travail. J’en suis sortie toute émue.!» Une de ses amies, une élève du lycée, était même venue lui demander d’écrire une carte pour Madame la directrice... car Renée avait appris avec Mlle Noélie différentes écritures, dont la «!ronde!» et la «!bâtarde!».

Comme à Rouillé, elle continue à aller à la messe tous les dimanches, dans une église tout près, elle y tenait.

« Ma famille me manque.!»Un souci, une peine la torture cependant, elle en pleurait dans son lit le soir : plusieurs mois sans voir ses parents. Elle raconte qu’elle espérait voir son père à chaque fois qu’elle entendait la sonnette de la porte du lycée. «!Je pensais qu’il pouvait passer, lui seul étant susceptible de livrer du bois ou autre par ici. L’équipe partait parfois en Haute-Vienne, les chevaux, les fardiers, les hommes... alors pourquoi ne pas venir à Châtellerault. Utopie sans doute, mais ma famille me manquait vraiment.!»

Enfin, les grandes vacances arrivent. C’est le moment tant attendu de rentrer à la maison. Dans la camionnette, son oncle décide de passer d’abord à Poitiers voir les siens. Au moment de repartir, sa tante tombe et se casse le bras. Il fallait rentrer rue Bourbon ! «!Je n’ai pas voulu. J’avais trop de chagrin à être loin de mes parents. Ainsi s’est terminé ma scolarité à Châtellerault, je n’en n’étais pas satisfaite... je devais trouver un autre moyen de poursuivre mes cours.!»

˙ Prix d’accessit : mention honorable décernée à celui le plus proche du premier prix.

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Renée et sa famille sous le hangar à Rouillé. On reconnaît son père, Émile, à gauche avec les moustaches, sa mère, Camille, au milieu. Elle pose sa main sur l’épaule de Madeleine, la soeur ainée qui s’apprête à enlacer le petit frère Roger. Renée est à droite (salut militaire). On retrouve les mêmes personnes sur la photo suivante.

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Madeleine, la soeur ainée de Renée, est assise à droite de la photo. «!Elle était destinée à soigner ma pauvre mère malade et à faire marcher la maison (cuisine, ménage, potager, conserves de légumes, cueillette... ). Nous étions toujours assez nombreux à table, la famille, les domestiques et les petits neveux qui pointaient leur nez...!»

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Émile, dit «!Tit Girault!», le frère ainé de Renée. «!Il suivait mon père avec bonheur sur les routes, l’école ne l’intéressait pas. Il a voué sa jeunesse aux chevaux, aux arbres à sortir des bois, aux tombereaux, aux cailloux à parsemer sur les routes.!»

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Roger, dit «!Titi!», le plus jeune frère de Renée. «!Intrépide, aventureux, il s’était cassé la clavicule en faisant des escapades avec son vélo sur un tas de sable. Un jour, il me demanda de lui descendre un poids d’une étagère. Le poids tomba sur mon nez. J’en porte encore les stigmates... en ce temps, on ne réparait pas.!»

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«!Me voilà partie affronter le cours élémentaire de Lusignan ! Oh, quelle déception ! L’enseignement n’était pas le même. Je n’ai jamais oublié les deux filles qui ont voulu m’aider. C’était Lilette Vergne, la fille du pasteur et Alice Poupard, elles m’ont passé leur cahier de littérature et autres pour me mette à niveau.!»

Mais le résultat est mitigé. Découragée, Renée n’a plus envie de continuer. Elle arrête l’école sans aucune perspective, après ces deux années qui ont suivi le certificat d’études. Elle a quinze ans.À quelques mois d’intervalle, son ancienne maîtresse lui envoie deux lettres pour l’inciter à se consacrer à Dieu. «!Peut-être me voyait-elle en soeur sécularisée !!» Dans la foulée, le curé la fait appeler pour lui suggérer de devenir institutrice. «!Je n’étais pas tentée, elles avaient un maigre salaire et moi j’en voulais un vrai !!»

Renée (en blanc) déguisée pour une pièce de théâtre. Vers 1925

De retour à Rouillé

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Violon et sa boîte d’origine achetés à Châtellerault, 70 francs, rue de l’Arceau. «!J’en étais très fière. Le solfège m’a donné un petit plus toute ma vie. Je prenais des leçons, je déchiffrais des petits morceaux, passage d’opérettes et mélodies. À Rouillé, je jouais avec Mlle Frison (piano) et deux autres personnes ( Albert Péron et Roger Bertinaud). Mon frère et ma soeur me classaient «!la demoiselle!».

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Voyager«!On ne voyageait pas beaucoup à l’époque, à plus forte raison pour moi. Un jour, mon oncle Charles vient au pays, c’était le frère de maman. Il travaillait à Passages près de San Sebastian (Espagne) dans une usine de fabrication de disques, dirigée par mon oncle Simard (époux de la soeur de maman).!» Ils avaient deux filles, l’aînée travaillait à l’usine et Paulette avec qui Renée avait de grands fous rires. Elle part donc en Espagne avec son oncle, elle avait d’ailleurs mis tout le village au courant ! Son oncle n’était «!pas très sympathique!» mais sa tante rigolote. Elle tenait son rang : «!bonne table avec ses messieurs et toilette sobre mais bien.!» Là-bas, dans cette Espagne d’Alphonse XIII, elle assiste à une course. «!Voir les massacres et tortures de ces chevaux, de ces taureaux ne me réjouissait pas. Mon oncle en a conclu que je ne m’intéressais à rien !!Et toujours loin de ma famille, le soir dans mon lit, je pleurais. Heureusement que j’avais Paulette et qu’il ne nous fallait pas grand chose pour rire. J’allais faire quelques courses apprenant quelques mots espagnols.»

Au bout d’un mois, Renée rentre à Rouillé et commence à 14, 15 ans à se poser des questions sur son avenir. Le temps s’écoule entre travail et distraction. «!J’aidais ma soeur dans les champs, je m’occupais des animaux de la basse-cour. Je crois avoir enfilé des perles, ma fille a dû trouver le châssis au grenier. Mais tout ceci ne m’intéressait pas. J’avais goûté à autre chose, à ce petit savoir qui a beaucoup compté dans ma vie. J’ai regretté ne pas avoir poursuivi mes études, mais l’affection de mes parents était là. J’assurais les écritures de mon père, faisait des ménages. Les distractions vers 1925 : les pièces de théâtre montées avec les copines chez monsieur de curé ou avec la mairie, le chant, ma musique, les balades à vélo et puis aussi le bal. Et ma foi, on reluquait bien celui des garçons qui dansait le mieux.!»À la maison, la famille lisait «!La France de Bordeaux et du Sud-Ouest!». Le journal évoquait les «!trains de plaisir!» qui permettaient de voyager vers des destinations touristiques. «!Pour une modique somme, on allait à Lisieux.!» Elle part seule, munie du panier préparé par sa soeur. Sur le trajet, elle s’arrête à Deauville où elle se souvient avoir «!arpenté!les planches de la plage.!»

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De 18 à 23 ans, Renée suit Mme Fayet sur les marchés. Celle-ci avait repris l’affaire de son grand-père, propriétaire d’un gros magasin à Pamproux. Avec son premier salaire, Renée offre une ménagère en argent et une alliance à sa mère qu’elle n’avait jamais pu s’acheter. En cinq ans, elle réussit à économiser de l’argent qu’elle dépose sur son livret de Caisse d’Épargne.

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À 18 ans, quoi faire ?

Elle accepte de suivre Mme Fayet sur les marchés en «!Berlier!» : Lezay, Lusignan, La Mothe Saint-Héray, Rouillé, Saint-Maixent... Il lui fallait de l’aide, M. Fayet étant souvent arrêté par des crachements de sang sérieux (prisonnier à la guerre 1914-1918). Roger qui n’apprenait rien à l’école rejoint Renée. Frère et soeur habitent ainsi tous les deux chez les Fayet à la Mothe. Un jour, ils partent ensemble aux escargots. Ils en ramènent «!peut-être un millier!» qu’ils stockent dans le garage. «!Le lendemain, la berline toute neuve de nos patrons était maculée d’escargots ! On a dû faire disparaître très vite les traces, les Fayet n’étaient pas très contents...!Mais nous, nous étions heureux d’emporter notre trouvaille le lendemain à Rouillé.!» Un sou était un sou, les escargots se vendent, on économise sur les billets d’autobus pour rejoindre le train. «!Mme Fayet nous payait le car, mais quand nous pouvions, sans le dire, nous filions tous les deux sur la route de Pamproux pour y prendre le train, ce qui nous faisait gagner un peu.

La route était longue, on avait beau trouver sur notre chemin quelque chose à grignoter dans les haies, Roger n’appréciait pas toujours.!Madame Fayet aurait préféré me voir sortir avec la bonne de Madame Pouilloux. Mais j’étais libre et sans mépris. J’avais fait la connaissance de Melle Gourdon et d’une autre institutrice. Nous allions pique-niquer au «!Fouilloux!» ou ailleurs. J’avais là, il faut croire des conversations qui m’allaient. J’ai des années après retrouver Madeleine Gourdon et son mari avec un énorme plaisir !!»

Fin mars 1934, Camille décède. Elle avait demandé à Renée de rester auprès de sa soeur. Ce qu’elle fait. Elle cherche dans les journaux de la maison une idée de métier. «!La seule situation pour laquelle on ne me demandait pas de diplôme était infirmière. Je n’avais pas le choix. Je m’inscris à l’école universelle pour des cours par correspondance. J’avais de très bonnes notes. Mais, je ne savais pas où cela me menait !!»

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Séjour en bord de mer. Renée est tout sourire au milieu du groupe (à gauche, avec les lunettes, sa cousine germaine Paulette Simard avec qui elle passa un mois en Espagne).

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Vers les années 1930, Emile quitte la maison pour travailler chez un marchand de chevaux, «!il a fait sa vie aisée comme il lui a été permis de le faire.!». Il tiendra une entreprise de car. Quant à Roger, il part chez des collègues faire son apprentissage, chez les Chaigneau, à Chef-Boutonne. Il passera toute sa vie sur les marchés. Madeleine, mariée, reste à la maison-mère avec son père, ses enfants et son mari.

À 23 ans, Renée dit : «!le jeune homme qui me demanderait en mariage n’est pas encore là !!»

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La rencontre de René et Renée

«!C’était à Noël 1934, après le décès de maman. Je travaillais mes devoirs près de ma soeur quand arrive une voiture. J’étais surprise, monsieur et madame Fayet venaient m’inviter chez eux pour le 1er de l’an.!Leur neveu était là... René Chaigneau... Les choses vont aller très vite. Timidement, il me demande dans l’après-midi si je voulais toujours devenir infirmière. Je ne sais plus ce que j’ai répondu, mais il me réplique : «!Si je vous demandais en mariage !?!»

L’invitation au 1er de l’an était donc un prétexte pour cette demande en mariage express. René et Renée s’étaient déjà croisés sur le marché de Saint-Maixent. En effet, Louis Sapin envoyait le «!petit Jules!» aider à monter le banc.René pensait à se marier et en avait fait part à sa tante Marcelle. « Me connaissant bien, et mes qualités aussi, elle lui conseilla de m’en parler ! Voilà une chose de ma vie très importante, j’en étais fière. »

Renée savait finalement peu de choses de René, juste qu’il était né à Paris, que son père s’était remarié avec Faéta (le 15 septembre 1925), que sa soeur Viviane était décédée lors d’une tournée et qu’il était cultivé. «!Oh, il s’était beaucoup instruit à Paris, les musées, les spectacles, les opéras et le papa de Faéta, directeur de théâtre, l’intéressait beaucoup.!»

Renée accepte la demande en mariage et Émile, son père, accorde sa fille. Le gendre est un bon ouvrier, donc un gage. L’affaire est donc entendue. Le mariage est fixé le 24 avril 1935. Madeleine s’attelle au petit trousseau de sa soeur, le père fait don d’un lit «!tout monté!»!et René s’emploie «!à nous faire un luxueux logement au-dessus de l’atelier de Sapin.!»

Pour René, «!en avance sur son temps!», une union libre aurait suffi, mais Renée visait le mariage religieux. En guise de compromis, ils se marièrent civilement «!mais j’ai réussi à faire bénir notre mariage!» souligne Renée.

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Viviane naît le 23 octobre 1936. L’époque est heureuse. «!Nous (Sapin, Demoiselles Paillé et la petite) allions à Ronce-les-bains, au bord de la rivière. Les manifestations, les congés payés nous réjouissaient. Nous achetons même une B14.!» Souvenirs de Renée.

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Le début du mariage

Renée a conscience de lier sa vie à un homme «!très cultivé, aimant la lecture et ayant activement milité au parti communiste.!»!Et cela lui allait bien, l’état d’esprit de son mari n’étant pas opposé à son sentiment de révolte.Le couple emménage rue Vauclair à Saint-Maixent, en face des grands-parents Sapin et de l’oncle Jules. Renée raconte l’effervescence des conciliabules qui avaient lieu tous les soirs. Étaient là le grand-père, l’oncle, les voisins Goffier, marchands de parapluies, Rondet, fabricant de pantoufles... Renée s’intéresse aux débats. «!Tout le monde avait la parole dans ces discussions politiques. Inoubliable ! Et quelle euphorie pour la classe ouvrière quand le front populaire est sorti gagnant des élections !!»La même année, en 1936, naît l’unique enfant du couple, Viviane, du prénom de la soeur décédée de René. Il lui fait une belle petite chambre peinte par M. Aubert (cette chambre sera occupée par les enfants de Nadine, une des filles de Viviane). Et puis, les évènements se précipitent. La grand-mère Rosalie décède, occasionnant un profond

chagrin à René. «!Me voilà alors contrainte de faire la cuisine pour Sapin, le grand-père et l’oncle Jules. J’avais un petit potager et une cuisine «!un peu noire!». Un jour, elle prépare une sauce à l’aide d’une cuillère en étain. «!La cuillère a fondu ! Heureusement, le produit est resté au fond de la casserole... Personne n’a été malade.!»En juillet 1936 éclate la guerre civile en Espagne. «!Nous étions prêts à accueillir et à venir en aide aux familles de réfugiés, chaussures, vêtements... Les Bernard recueillent Pépita, les Villeneuve deux autres enfants. Cette guerre nous traumatisait. C’était une répétition de ce qui devait nous arriver quelques années plus tard...!»À trois ans, Viviane est prise d’une forte fièvre qui ne la quittera pas pendant plusieurs semaines. À cette époque, pas

d’antibiotiques contre la septicémie, la pénicilline n’existait pas encore. Des jours et des jours d’angoisse pour les parents, entourés de toute la sympathie de leurs proches. «!Notre docteur Motheau avait obtenu qu’un grand médecin de Niort, le docteur Joubert, vienne, puis un autre de Poitiers. Ils étaient tous impuissants devant une maladie alors très grave.

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Le docteur Motheau m’accordait tous les soirs un moment de réconfort. Le père Grant gentiment était venu aussi. Après un mois de détresse, notre petite fille demande du lait dans son petit lit bleu !!La pauvre, elle ne savait plus marcher. »

Le grand-père Chaigneau décède. Son «!maigre héritage!» est partagé. Viviane raconte : «!En raison de son attitude indigne, la part revenant à Ludovic, son fils, est donnée à mon père, René. Mais l’apprenant, Ludovic débarque chez nous pour réclamer cette somme que mon père lui jeta à la figure, le priant de prendre l’escalier très vite. Le sac, lui, est resté et il est toujours en ma possession. On m’a rapporté que du haut de mes trois ans, je parcourais la cuisine trainant le sac.!»

Photos : • Le père Grant, d’un grand secours moral auprès de la famille• Le neveu de Renée, Roland.• Les fameuses assiettes en émail de Renée• Le sac en cuir de Ludovic

1939, la mobilisation, la guerre...«!Quelle catastrophe ! Mon mari est mobilisé au 70e régiment d’infanterie à Châtellerault. Je réussis à le rejoindre sur place chez ma tante Marie. Il s’inquiétait «!Que vas-tu faire pendant mon absence à la guerre ?!» Tout allait vite, je devais rejoindre Saint-Maixent et quitter mon mari sans savoir quand je le reverrais. » Le frère Émile est mobilisé dans le même régiment que René. Roger, le plus jeune frère, rejoint les corps francs˙. Pendant ces années de guerre, la solidarité s’organise à Saint-Maixent. Renée accueille les réfugiés, leur loue quelques petits meubles et ustensiles de cuisine. «!Les pauvres, ils arrivaient sans rien d’autre qu’eux-mêmes. On avait peur de la guerre et de tout ce qu’elle pouvait impliquer.!Avec la débâcle, en 1940, rien ne nous a été épargné, l’occupation allemande, les otages, les fusillés, les bombardements, la peur au quotidien.» ˙Dès octobre 1939, des corps francs sont constitués par l'armée française et mènent une guerre d'embuscade à l'avant de la ligne Maginot, face aux allemands.

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Les femmes se soudent entre elles pour élever le plus dignement possible les enfants. En 1943, Renée prend en charge son neveu, Roland Migault, et le soustrait d’une carence d’enseignement à Rouillé, ne sachant encore ni lire ni écrire à dix ans. Roland réussit ses études, une joie pour Renée, une raison de plus de s’accrocher. Pour la petite histoire, elle était très nerveuse et anxieuse et cassait beaucoup de vaisselle, d’où l’achat d’assiettes en émail.Les femmes, inquiètes pour leur mari et leurs proches, invoquaient l’esprit des absents autour d’un guéridon à trois pieds confectionnés dans l’atelier de bois.

Revenons à René. Il avait fait en sorte de passer un conseil de réforme s’étant débrouillé à l’infirmerie pour ne pas partir au front. Une lettre réconfortante apprend à Renée qu’il était inapte aux armées, à pied et à cheval «!par un petit rien à la jambe!». Pour lui, c’est «!la sale guerre!» à laquelle il faisait tout pour ne pas y participer et surtout ne pas être fait prisonnier. Son supérieur était Georges Pierre-Puységur, des «!grands!» de Niort. Entre le communiste convaincu et le professeur de biologie catholique, des discussions philosophiques ont lieu,

chacun essayant de comprendre l’autre. Les parents de Georges et plus tard, lui-même, viendront voir Renée. Il avouera être prêtre ouvrier, adhérent à la CGT et recommandera à René «!de faire bien attention car d’autres que lui ne le comprendront peut-être pas.!»

Drôle de guerre. Jusqu’en juin 40, «!les voilà presque inapte à tout dans un cantonnement à Crouzille près de Tours.!» Renée va le voir avec Viviane. «!Les trains bondés de blessés, c’était la débâcle. les allemands avançaient vite et bombardent au passage.!» Pour éviter d’être fait prisonnier, il s’enfuit avec deux autres personnes, Paul Tamain et un certain Chartron. Pourchassés par les allemands, ils arpentent, à pied, les routes clandestinement pour revenir chez eux. René réussit à rejoindre sa famille et il reprend son activité de menuisier à l’atelier, cédé par Sapin contre une modeste somme. «!La menuiserie marchait bien, mais nous étions occupés par les allemands. Que nous en avions assez de ces «!boches!» qui nous prenaient nos récoltes. Les allemands parcouraient les rues, réquisitionnaient les voitures. Notre B14 a été du nombre. Les collabos arrogants aussi étaient là.!Les denrées se faisaient de plus en plus rares, ma famille, à Rouillé, nous aidait à manger. »

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La résistance à Saint-Maixent

En dépit de la répression du mouvement communiste (parti dissous en 1939 et décret Sérol en 1940), «!communiste était mon mari avant la guerre et plus encore dans la clandestinité.!»En 1941, René reprend contact avec les anciens membres du parti communiste pour organiser le premier mouvement Organisation Spéciale, dite OS. La vie s’organise alors dans la clandestinité. Les rencontres se tiennent chez les Delavault, famille durement éprouvée par les exécutions. Les résistants fonctionnaient par trois, en «!triangle!», pour limiter les contacts en cas d’arrestation : René est responsable politique avec Jean Jamain, le «!technique!» chez qui un premier dépôt d’armes s’était constitué, et Charles Coutant. Ce groupe de Francs Tireurs Partisans (FTP) cache des armes, édite des tracts. Le 1er mars 1943, ils adhèrent au Triangle 16 secteur 4. C’est le moment où Jean Moulin joue un grand rôle de rassembleur de la résistance (CNR).

Mais en 1944, les arrestations se multiplient : Charles Coutant (fusillé), Rutigliano (Front National Clandestin), Émile Le Foll (Front National, fusillé) et plusieurs Saint-Maixentais, Fritsch, Proust, Batonnier, Bernier (arrêtés et fusillés à Biard en mars 44).

«!J’ai 90 ans et je vis cette douloureuse période comme au premier jour. Mais il fallait continuer. J’en ai eu des clandestins à la maison, notamment Bedja (fusillé) et Rutigliano (mort à Dachau).!»

La SPAC (Service de Police Anti Communiste) continuait à faire sa terrible besogne et l’organisation clandestine est presque démantelée. À la libération, Renée ira témoigner avec le Père Thebault (Camille Thebault est mort sous la torture) au tribunal «!contre ces voyous de la SPAC, et Rousselet, le chef, sera fusillé.!»

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L’arrestation de René le 5 mai 1944 à 16 heures

Renée raconte l’arrestation : «!Le lendemain de l’arrestation de Coutant, on était tous inquiets au plus haut point. Je revenais de la Poste avec la petite Viviane quand M. Ayraud me fit asseoir dans son magasin. La maison était cernée et il demandait où était René ! Chez moi, tout avait été fouillé, les tiroirs ouverts, tout sans dessus dessous. René avait été arrêté avec Jean Jamain.!» Le seul témoin est le voisin, Jean Vandier : René avait été «!cueilli!» en rentrant d’un chantier et jeté avec brutalité dans la traction Avant. Il y rejoint Charles Coutant, méconnaissable après les interrogatoires. Ils ne pouvaient se faire aucun signe sous peine de se dévoiler. René part pour la prison de la Pierre Levée à Poitiers. Avec Mme Jamain, Renée rend visite à son mari à vélo. «!Quand je suis arrivée pour prendre des nouvelles de René, un officier me crie depuis le 2 ou 3e étage d’aller à la porte « mari terroriste » et me menace de m’arrêter...!J’étais là aussi quand on a remis à la veuve de Pierre Coutant un paquet avec un gilet maculé de son sang.

Quelle tristesse ! » Désabusée, elle va chercher du réconfort auprès du docteur Guyonnet qui lui dit : «!Oh, pour eux, terroriste et communiste, c’est pareil !!» Ce n’était pas grand chose, mais ça m’a fait du bien.!» Elle se souvient également de la proposition de M. Aubert de porter à bicyclette des colis pour René.

En juin 1944, Poitiers est bombardé. Depuis Saint-Maixent, Renée voit les flammes et les lueurs des incendies. Dès le lendemain, Renée prend le train avec Viviane. «!Le train s’est arrêté à Saint-Benoit, les bombes éclataient de tous côtés. Quel spectacle ! Pauvres gens fuyant, nous marchions sur les gravats, les ambulances et voitures pleines de morts et blessés affluaient à la porte des hôpitaux. La gare bombardée, les prisonniers de la Pierre Levée n’avaient pas pu partir pour Compiègne. Un espoir pour nous.!» Renée ne réussit à avoir des nouvelles ni de René ni de son frère Roger hospitalisé à l’hôtel Dieu. De retour à Poitiers, on lui remettra un paquet dans lequel se trouvaient des vêtements et des chaussures. Un petit papier caché dans un talon lui apprend le départ de René.

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Petit papier écrit en 1944 par René à la prison de la Pierre Levée et caché dans un talon de sa chaussure.

«!J’ai bien reçu mes deux colis, ma dernière lettre est du 28 mai. Je suis avec Jean en instance de partir pour ? (Deutsch) ma santé est bonne j’espère que vous êtes aussi bien portantes et qu’à Saint-Maixent, il n’y a pas eu de bombardements. Je t’enverrai le moins possible de linge sale au cas où je partirai sans délai et pour ne pas être démuni. Comme nous avons l’eau courante on fait le menu linge. Ma chérie, je te remercie du mal que tu te donnes pour la confection de mes colis et de la rapidité avec laquelle je les reçois. J’espère que cela ne durera pas longtemps. Embrasse bien ma petite Vivi qui doit souvent demander de mes nouvelles. Je t’embrasse bien fort. Votre petit père qui ne pense qu’à vous. Grosse bise!»

Lettre de 7,5 cm de large sur 9,5 cm de haut.

Papier caché dans un talon

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De Poitiers, René embarque en juin 1944 pour Compiegne Royallieu, l’un des principaux camps de transit avant l’Allemagne. René faisait parti du «!convoi de la mort!» en direction de Dachau, premier camp de concentration construit sous le régime nazi en 1933. Trois jours de voyage dans des conditions épouvantables du 3 au 5 juillet 1945.René est dirigé au Kommando de Dikarov, dit de la mort. Il y est responsable de la solidarité au bloc 12-13-23 et membre de l’organisation secrète du camp. Très affaibli en décembre 1944, René doit sa survie au docteur Laffitte, infirmier au Kommando, qui se prive pendant trois jours de son «!petit déjeuner!».

Le camp est libéré le 29 avril 1945 par les troupes américaines. Avec ses camarades, René est conduit sur le lac de Constance. Il y reprend des forces jusqu’à la fin du mois de juin 1945.

René est déporté à Dachau.

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Lettres de Dachau

À la libération, René fait parvenir de ses nouvelles à Renée. Voici quelques extraits de lettres :

«!Ma chérie ainsi que ma petite fille adorée,L’occasion m’étant offerte de vous envoyer de mes nouvelles, je ne manque pas de le faire depuis un an que je ne sais ce que vous êtes devenues, je suis impatient de rentrer... Je ne veux pas par lettre te conter les souffrances physiques et morales que nous avons endurées. Pour te donner une idée du tableau seulement, je te donnerai comme détail de départ, sur 2 500 partant de Compiègne, nous avons perdu 900 camarades morts de faim et étouffés dans les wagons dans lesquels nous étions 120 et depuis environ 1200 autres sont morts de misère physiologique dûe au manque de nourriture et aux coups. Je ne sais pas ce que je dois remercier pour ma part d’avoir traversé cette catastrophe et être encore vivant... Au moment le plus dur de l’hiver et par je ne sais quel prodige, [ le docteur Laffitte] a réussi à me faire changer de commando et me mettre à l’abri. Cela se passait à la fin février sous une température variant de 20 à 30° degrés en-dessous de zéro. Je termine car la personne qui emmène courrier part...!» Lettre rédigée à Dachau.

«!Chère petite femme et petite fille,Depuis hier soir, nous sommes avec les troupes françaises, à ce coup des hommes libres. Nous avons quitté notre camp hier matin et nous sommes arrivés sur les bords du lac de Constance.... Nous avons été reçus avec tous les égards possibles, logés dans les plus beaux hôtels de la région et pour la première fois depuis un an, j’ai couché dans un bon lit avec des draps, aussi ce matin c’est à 11 heures que je me suis levé juste pour prendre un petit déjeuner substantiel non abondant mais exquis, pain blanc, une tartine beurrée et confiture, lait et café sucré. Ils pensaient que vu notre état il ne faut pas trop manger et pourtant je t’assure que mon appétit n’a pas diminué... excuse-moi de toujours parler de manger, nous avons eu tellement faim... C’est grâce à la Croix-Rouge que beaucoup parmi nous sont encore vivants. À partir du 20 février, nous recevions toutes les semaines un colis de 5 kg... Il fallait travailler constamment dehors depuis le matin 6h jusqu’à 6h30 le soir sous les bourrasques de neige et de givre et en plus mal vêtu et presque pieds nus, j’ai passé des semaines avec des habits mouillés... Ma chérie, je parle toujours de mes souffrances, je suis un peu égoïste mais sache que je ne vous ai jamais oubliées une minute et que vous avez été le seul lien qui m’a tenu la vie rivée au corps...!» Rheisnau, le 23 mai 1945

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René a gardé sa plaque de déporté avec son numéro de matricule : 76632. Avec le bois de son «!châlit!» de Dachau, il a fabriqué une valise peinte par Cathy Girault Michaudel. À droite : l’entrée du camp de Dachau. Inscription sur la grille : «!Arbeit macht frei!», «!le travail rend libre!». René a également transité par le Kommando d’Allach, proche de Dachau (en Bavière, au nord de Munich).

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Broche perlée siglée UFF, Union des Femmes Françaises, vaste mouvement de femmes résistantes amorcée dès 1940. Elle a été fabriquée par les internés du camp de Rouillé (vers 1943-44). L’union regroupait une centaine de membres... jusqu’à ce que le curé indique son origine communiste. «!Le lendemain, les papillons se sont envolés...!»

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Pendant la déportation de RenéRenée était sans nouvelles de son mari depuis son départ de Poitiers. Pendant un an, chaque soir, elle écoute la radio qui annonçait la liste des survivants des camps, jamais le nom de René ! Elle fait prier Viviane et Roland en disant à sa fille que si son père revenait, elle serait baptisée (ce que Viviane refusera...). Renée poursuit seule l’activité de l’atelier, aidée par un ouvrier très sérieux, Lucien Bidault. Elle en tenait la comptabilité depuis que Sapin avait cédé l’affaire. Viviane se souvient de ce Lucien qui, à son grand étonnement, mangeait les arêtes des carpes... Il était un homme de confiance : René lui avait demandé de faire disparaître les armes, cachées dans son atelier, en cas d’arrestation. L’exode avait rempli l’hôpital de Saint-Maixent de personnes âgées des Ardennes et les cercueils se livraient en masse dans les charrettes à bras.Dès 1940, Renée avait repris ses marchés. «!Quelques rares maisons de gros de l’est m’envoient un peu de tissus à vendre ! Sur les marchés, je faisais deux ou trois paquets

légers et en charrette à bras, avec Roland et Viviane, je les emmenais jusqu’à la gare de Saint-Maixent, et, à La Mothe, les cheminots nous donnaient un petit coup de main. J’allais ainsi faire le marché de La Mothe.!Je faisais petit, c’était la guerre. Il fallait voir plus grand, j’ai passé avec succès mon permis de conduire. Me voilà à faire plusieurs marchés, ce qui mettait un peu de beurre dans les épinards. » En 1944, «!nous allions Madame Jamain, ses deux enfants, ma petite Viviane et moi coucher à Fiole chez Borges (dit Caroline) partageant nos idées.!» Ils partaient tous ensemble à pied, avant le couvre-feu. Renée allait souvent à Rouillé où sa soeur et son père étaient des plus inquiets. «!Chez eux aussi, combien de clandestins s’y sont réfugiés. Gens du fameux camp de Rouillé. Christian le capitaine a été reçu à la maison de Rouillé. La famille Delavault y est restée huit jours. Le frère de M. Delavault est mort sous la torture à la Pierre Levée. Je me souviens du car nous emmenant à ses funérailles près de Mirebeau.!»

Dans l’été 44, la France commence à se libérer. Renée reprend le flambeau de son mari au Parti Communiste. Elle crée l’Union des Femmes Françaises : «!Il fallait continuer l’oeuvre de nos maris.!»

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«!Le 8 mai 1945, Mme Villeneuve, receveuse à la Poste, nous apporta dès le matin un télégramme en s’écriant «!des nouvelles de René!! » Quelle joie, il avait été libéré et remis d’aplomb. Le père Fleury part, à la fin du mois de mai 1945, en autobus chercher les déportés pour les ramener. À leur retour, c’est la liesse Place d’armes à Poitiers.

«!Je n’ai pas reconnu mon père, il était si maigre, il pesait 37 kg!» se souvient Viviane alors âgée de neuf ans. René était le seul rescapé de Saint-Maixent.

Le retour de Dachau

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Après sa libération, René reprend son métier de menuisier, au début pour fabriquer des sépultures dignes des fusillés de Biard. Mais tuberculeux, il est contraint de fermer son atelier et de se faire soigner en Suisse. Renée, elle, reprend les marchés.

En janvier 1947, Renée et Viviane le rejoignent René à Arosa. Ils rentrent tous les trois à Saint-Maixent. «!Je fis un magnifique voyage au milieu de mes deux parents!» dira Viviane. Au retour de ce voyage, Renée passe par la rue du Sentier à Paris et achète quelques marchandises à revendre sur les marchés (c’était la pénurie en province). Viviane se souvient qu’elle lui achèta un livre d’Heidi et un très beau serre-livres.

Renée reprend donc ses marchés emportant les balles de tissus en autobus, Viviane la suivant le plus possible. Elle avait, avec elle, sa caisse peinte par Cathy Girault Michaudel (celle qui a redonné une seconde vie à la valise de Dachau). «!Combien de fois a-t-elle reçu des pieds à reposer...!» dit encore Viviane.

Photos de haut en bas : papier en-tête de la menuiserie de René, atelier de René, Renée sur le marché de Saint-Maixent (sur la photo, elle est au fond du banc) et caisse peinte de Renée.

La vie reprend son cours.

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Cette photo a été prise en Suisse (à Arosa) en 1947. René, tuberculeux, y avait été soigné. Renée a 37 ans, René 35 et Viviane 11 ans.

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Meubles miniatures fabriqués par René pour jouer à la dinette ! Il copiait le mobilier de la maison de Saint-Maixent. La cuisinière est celle de Renée (cf épisode de la cuillère en étain...).

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À son bureau, René travaille devant Staline et Jean Jaurès. «!La grande souffrance de sa vie militante fut la découverte des atrocités commises par Staline, ayant été aux côtés de militants qui mouraient en criant «!Vive Staline!».!Viviane, 2010Le manifeste du Parti Communiste est celui de Viviane.

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René reprit son travail mais sans jamais oublier les absents et sans cesser sa lutte politique. Il se présente aux élections cantonales de 1979 pour le Parti Communiste Français. Il ne sera pas élu.

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René et Renée ont accueilli dans leur maison la tante Adèle et le grand-père Sapin. « Tante Adèle était célibataire, ancienne couturière. Je l’aidais à enfiler ses aiguilles. Je coiffais parfois sa coiffe, la Malvina de Saint-Georges de Noisné. Je me rappelle bien de son écuelle dont le peu d’eau lui servait à faire sa toilette et ce pendant de longues années ! » Viviane Favreau

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Tante Adèle est la soeur du grand-père Chaigneau. Viviane a conservé son bonnet de nuit et son écuelle qu’elle utilisait pour sa toilette. À gauche : un modèle de torchon raccommodé avec des morceaux ouvragés de chemises de coton.

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En 1974, en présence du maire de Niort (René Gaillard), René reçoit de M. Marquet (secrétaire du Préfet) la médaille de la Légion d’honneur. Il est entouré de ses deux petites-filles, Claude (à gauche) et Nadine (à droite). Photo prise devant l’escalier d’honneur de l’hôtel de ville de Niort.

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Viviane prononce le 22 février 2009 un discours à la mémoire de son père. Une plaque est fixée sur le mur de leur maison rue Vauclair à Saint-Maixent rappelant son passé de résistant et de déporté.

René Chaigneau est décédé le 25 mai 1996 à l’âge de 84 ans. Il est enterré à Saint-Maixent.

Renée Chaigneau est décédée le 9 mai 2008 à l’âge de 98 ans. Elle est enterrée à Saint-Maixent.

Devoir de mémoire

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Cahiers, bloc-notes, lettres... tous ces documents ont servi à rédiger ce livret. Page de gauche : documents de Renée. Deux cahiers à spirales, en bas à gauche, cahier d’école.

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Cahiers, lettres de René. Lettre rédigée à la prison de la Pierre Levée, le 31 mai 1944.Le cahier de notes du régiment 9ème Zouaves, Fort National, Algérie (couverture et pages intérieures). Lettre envoyée à son ami Jean le 15 juillet 1935.

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Renée

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René

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De sa pile de documents sur ses parents, Viviane sort cette enveloppe. Renée y posait ses multiplications et divisions pour ses conversions en francs ou en euros. Elle avait 96 ans et toujours aussi douée en maths !

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René et Renée, livre de vie

Selon les mémoires écrites de René et Renée Chaigneau

Réécriture : Cécile Girardin - Photographie : Éric Chauvet