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SOMMAIRE
Douleurs provoquées, bonnes pratiques et pathologies chroniques
Etat des lieux sur la prise en charge des ponctions lombaires, myélogrammes en service
d’onco-hématologie ................................................................................................................................. 1
«Quel chemin parcouru dans la prise en charge antalgique d’une ponction lombaire! » ........................ 6
Biopsie de prostate : quelle analgésie ? ................................................................................................. 11
Prévention et traitement des mucites buccales chimio et/ou radio induites .......................................... 16
Douleurs provoquées en secteur libéral
Soins infirmiers à domicile : enquête de terrain DOLASI .................................................................... 26
Bénéfices du MEOPA en Médecine de ville ......................................................................................... 36
Evaluation des Pratiques Professionnelles (EPP) : un atout pour changer
L’EPP « sans douleur » ......................................................................................................................... 43
Mise en place d’un protocole Xylocaïne® pour les Intramusculaire en HAD chez le nouveau-né
porteur d’infection ................................................................................................................................. 50
MEOPA et prévention de la douleur induite chez le sujet âgé .............................................................. 63
Que font les équipes?
Analgésie - Sédation en urgence préhospitalière lors de la mobilisation de patients traumatisés -
Etude PRESEDOL ................................................................................................................................ 69
Douleurs provoquées par les soins chez l’adulte : succès et difficultés de la construction d’un audit
dans un CHU parisien ............................................................................................................................ 78
La douleur induite à la réfection des pansements .................................................................................. 88
Prise en charge du patient douloureux en imagerie médicale au Centre Hospitalier de Gonesse ......... 98
L’« Antal disque », un outil original pour mieux utiliser les antalgiques ........................................... 104
PROGRAMME
« Douleurs provoquée par les soins : 9ème
journée du CNRD »
16 octobre 2014
Faculté de Médecine des Saints-Pères, Paris 6ème
8h30 à 9H00 – Accueil des participants
Introduction de la journée
9h00 – Discours des intervenants
Madame la Ministre de la Santé ou son représentant
Docteur Elisabeth Collin, représentante de la SFETD au Conseil Scientifique
Docteur Michèle Binhas, représentante de la SFAR au Conseil Scientifique
Professeur Daniel Annequin, Président du Conseil Scientifique du CNRD
Conférence inaugurale
9h30 – « Comment les usagers peuvent-ils aider les professionnels à améliorer leurs
pratiques ? »
M. Thomas Sannié, Paris (75)
Douleurs provoquées, bonnes pratiques et pathologies chroniques
Modérateurs : Dr. Djéà Saravane, Thierry Moreaux
10h00 – Etat des lieux sur la prise en charge des ponctions lombaires, myélogrammes dans les
services d’onco-hématologie
I. Vannier, CHU Tours (37)
10h15 – Quel chemin parcouru dans la prise en charge antalgique d’une ponction lombaire !
A. Nué, Nancy (54)
10h30 – Biopsie de prostate : quelle analgésie ?
P. Mozer, Paris (75)
10h45 – Débat / Questions
11h00 à 11h30 – Pause, visite des stands
Modérateurs : Dr. Elisabeth Collin, Jean-François Cointault
11h30 – Soins de bouche lors des mucites
D. Collangettes, Clermont-Ferrand (63)
11h45 – Méthodes antalgiques chez l’insuffisant rénal dialysé
C. Isnard-Bagnis, Paris (75)
12h00 – Débat / Questions
Douleurs provoquées en secteur libéral
Modérateurs : Dr. Edith Gatbois- Dominique Arnel
12h15 – Soins infirmiers douloureux à domicile : enquête de terrain (DOLASI)
K. Malacarne, A. Manoliu, Paris (75)
12h30 – Bénéfices du MEOPA (Mélange Equimoléculaire d’Oxygène et de Protoxyde d’Azote)
en médecine de ville (vidéo)
F. Maillard, D. Annequin, Paris (75), E. Bures, D. Arnel, Angoulême (16)
12h45 – Débat / Questions
13h15 à 14h30 – Pause déjeuner
Evaluation des Pratiques Professionnelles (EPP) : un atout pour changer
Modérateurs : Dr. Jean-Baptiste Armengaud- Marie Thibaut
14h30 – L’EPP « sans douleur »
D. Mutabesha, Paris (75)
14h45 – Xylocaïne® pour les IM chez le nouveau-né en HAD : comment changer les pratiques
grâce aux puéricultrices ?
S. Yoncourt, E. Gatbois, Paris (75)
15h00 – Evaluation de l’utilisation du MEOPA chez le sujet âgé
V. Morize, Issy-les-Moulineaux (92)
15h15 – Débat / Questions
15h45 à 16h15- Pause, visite des stands
Que font les équipes ?
Modérateurs : Dr. Michèle Binhas, Evelyne Malaquin-Pavan
16h15 – Sédation-analgésie lors de la mobilisation des traumatisés en SMUR :
étude PRESEDOL
M. Galinski, Bondy (93)
16h30 – Douleurs des soins : enquête un jour donné
C. Guy-Coichard, Paris (75)
16h45 – Changement de pansements, changement de pratiques
A. Tainmont, Valenciennes (59)
17h00 – Imagerie médicale : attention aux patients algiques !
J. Rebière, E. Bourreau, Gonesse (95)
17h15 – « L’antaldisque » : un outil original pour mieux utiliser les antalgiques
I. Thiltges, Bar-le-Duc (55)
17h30 – Débat / Questions
18h00 - Clôture de la journée
1
Etat des lieux sur la prise en charge des ponctions lombaires,
myélogrammes en service d’onco-hématologie
Dr Isabelle Vannier
Unité médicale de coordination douleur, soins de support, soins palliatifs, CHU Tours (37)
Une douleur provoquée par les soins est une douleur créée par le médecin, le soignant
ou certaines procédures thérapeutiques.
Il s’agit d’une douleur aigue par excès de nociception.
Etant provoquée, elle est prévisible et si elle est prévisible, elle peut, et elle doit, être
prévenue.
Il faut distinguer une douleur provoquée d’une douleur iatrogène, également créée par
les soignants ou par le traitement, mais non intentionnelle et de ce fait beaucoup plus difficile
à prévenir.
Prévention de la douleur provoquée par les soins en cancérologie hématologique
Pourquoi ?
« Parce que c’est la loi » et parce que cela figure également en bonne place dans le
code de déontologie médicale, article 37, ainsi que dans les textes relatifs aux soins infirmiers
(décret n°194 du 11/02/2002).
Les établissements sont aussi tenus responsables de la prise en charge de la douleur dans la
charte du patient hospitalier (circulaire 95/22 du 6 mai 1995).
Il est à espérer néanmoins que les professionnels soignants n’aient pas besoin de loi
pour s’engager à prévenir les douleurs provoquées par les soins, alors que les motivations sont
multiples, humaines et empathiques avant tout, mais pas seulement.
Nous savons que les douleurs aigües mal gérées sont le lit des douleurs chroniques.
L’absence de douleur lors des soins améliore la compliance du patient face aux soins, aide à
préserver la relation de confiance soignant/patient et améliore la qualité de vie pendant la
prise en charge globale de la maladie.
2
Quand ?
Le plus souvent possible !
Le mot « toujours » n’existe pas en médecine et on ne peut pas être constamment
efficace sur les douleurs provoquées. L’analyse des facteurs responsables de la non prise en
charge des douleurs provoquées est importante à réaliser, pour améliorer la prise en charge en
améliorant les pratiques.
Comment ?
En cancérologie hématologique, deux gestes sont essentiellement reconnus comme
douloureux :
la ponction lombaire
la biopsie osseuse
La bibliographie nationale et internationale est très pauvre. Cela dit, des
recommandations de bonnes pratiques pour l’exécution de ces gestes invasifs chez l’adulte
atteint de cancer hématologique existent. Elles ont été élaborées lors d’un travail collégial en
2005 et sont consultables en ligne. Il s’agit des « standards options et recommandations pour
la prise en charge des douleurs provoquées lors des ponctions lombaires osseuses et
sanguines chez l’adulte atteint de cancer ».
Chacun peut donc se reporter à ces recommandations en ce qui concerne la technique de
la prévention des douleurs, en sachant que l’équipe rédactrice a insisté sur des
recommandations de bonnes pratiques qui s’ajoutent aux recommandations de pratique
clinique déjà présentées pour chaque geste invasif :
o Il faut systématiquement évaluer la nécessité d’effectuer un geste invasif douloureux.
o Tout geste invasif doit être exécuté par une personne formée utilisant un matériel
adapté.
o La mise en œuvre d’une intervention à visée antalgique et/ou anxiolytique doit
impérativement respecter le délai d’action du produit et la durée d’action de
l’intervention.
o Une évaluation systématique de la pénibilité du geste pour le patient doit être
effectuée, le résultat de chaque évaluation devant éventuellement modifier la prise en
charge si elle n’est pas satisfaisante.
3
En ce qui concerne la ponction lombaire, les recommandations sont donc :
apposition d’un pansement de lidocaïne / prilocaïne 120 minutes avant la
ponction ;
utilisation du MEOPA ;
utilisation d’aiguille fine.
Pour la prise en charge de la douleur liée aux ponctions osseuses chez l’adulte atteint de
cancer :
infiltration d’un anesthésique local ;
utilisation du MEOPA ;
cette prise en charge, au moment de l’acte, peut être complétée par l’application
topique d’un mélange de lidocaïne/prilocaïne 120 minutes avant le geste
associée à une prise d’opioïde, éventuellement d’un anxiolytique si le patient est
anxieux.
En ce qui concerne l’anxiolytique, on utilisera un anxiolytique de durée d’action
courte, administré 30 à 60 minutes avant le geste.
En ce qui concerne l’opioïde, soit le patient a un traitement de fond et on pourra
utiliser une interdose de 1/6ème
à 1/10ème
de la dose journalière ou une interdose de Fentanyl®
transmuqueux.
Si le patient ne prend pas de traitement opioïde de fond, il faudra donner une interdose de 5 à
10 mg de morphine.
L’idéal serait que ces recommandations soient toujours appliquées.
Des « bruits de couloir » laissent à penser que ce ne serait pas le cas. Nous avons
complété le rappel de ces recommandations par une enquête, un « quick audit » fait auprès
des soignants et des patients du service d’hématologie de notre hôpital afin d’avoir leur avis et
leur ressenti lors de ces gestes douloureux.
Nous avons interrogé 7 infirmières (4 en Hôpital de Jour et 3 en Hospitalisation
Complète) et 4 médecins (3 internes et 1 senior).
4
En résumé :
o Tous les gestes sont considérés comme douloureux (plus de 5/10 pour les IDE et plus
de 4/10 pour les internes et…à 2/10 par le médecin senior).
o Pas de protocoles écrits ; on se passe le « message » de collègue en collègue, et de
génération en génération.
o Les recommandations ne sont pas connues. Ce ne sont « que » des recommandations.
Cela laisse peut être trop de « liberté » d’interprétation par les intervenants et ce
d’autant plus que l’évaluation est plus difficile en raison du contexte psychologique
particulièrement délétère.
o Tous les patients ont une anesthésie locale (patch ou injection) dans de bonnes
conditions.
o Le MEOPA n’est pas proposé de façon systématique (alors qu’il est jugé comme
potentiellement efficace !). Il serait « possible » de le proposer systématiquement pour
les internes et « nécessaire » de le faire pour les IDE.
o Pas d’adaptation en fonction du profil du patient.
o Pas d’adaptation de la prise en charge de la douleur si lors d’un premier examen ou
d’une première tentative cela c’est mal passé.
Les freins que nous avons pu retrouver :
o Banalisation du geste par les soignants et par les patients.
o C’est une douleur d’intensité moyenne du fait de l’anesthésie locale, et de courte
durée :
il existe une acceptation par le patient (« y a pas le choix »), peu de patients se
« plaignent ».
o « Quand ça suffit [ce type d’analgésie] pour l’un ça doit suffire pour les autres ».
Une enquête observationnelle avait pourtant bien montré l’intérêt tant pour les patients que
pour les soignants d’une analgésie inhalée, globalement et dans les principaux actes
diagnostiques et de soins douloureux réalisés (« étude Serena »). Cette étude avait porté sur
les myélogrammes.
5
Quelques pistes d’amélioration :
Systématisation du MEOPA. L’utilisation de ce médicament semble évidente pour les
enfants mais il persiste quelques réticences pour les adultes. (« Y en a qui supportent
pas du tout »).
Protocole écrit et tracé. Cela serait plus incitatif et cela permettrait d’identifier les
patients qui n’ont pas bien « répondu ».
Nécessité d’adapter le protocole pour tout nouveau geste si le geste antérieur s’était
mal passé (d’où l’importance de la traçabilité).
Références
1. Circulaire DGS/DH n° 95-22 du 6 mai 1995 relative aux droits des patients
hospitalisés et comportant une charte du patient hospitalisé.
2. Annequin D, Carbajal R, Chauvin P, Gall O, Tourniaire B, Murat I, Fixed 50 %
nitrous oxygen mixture for painful procedures : A French survey. Pediatrics 2000 ;
105 : E47.
3. Décret n° 2002 du 11 février relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la
profession d’infirmier.
4. Krakowski I, Theobald S, Fabre N, Binhas M, Collin En Duclos R, et al.
Recommandations pour la pratique clinique 2005 : standards, options et
recommandations pour la prise en charge des 170 établissements de santé publiée par
l’Anaes en septembre 2004.
5. Chvetzoff G. Prise en charge de la douleur induite par les gestes techniques en
cancérologie. Rev Prat 2006 ; 56 : 2004-8.
6. Code de déontologie article 57 « en toutes circonstance, le médecin doit s’efforcer de
soulager les souffrances de son malade, l’assister moralement et éviter toute
obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique ». 2008.
7. Bordes-Demolis M. Gestion des douleurs induites en pédiatrie : JARCA 2008.
Disponible sur : http://reanesth.chu-
bordeaux.fr/onglets/formatio1/retrouve/jarca/jarca_2008/articles/pedia/03_bordes.pdf
(consulté le 17/09/2014)
8. Alain Serrie, Ivan Krakowski, Claire Delorme, Pierre Beltramo, François-André
Allaert, Analgésie inhalatoire : expérience et soulagement des patients (Etude Séréna).
Douleurs 2012 ;13 :115-123.
6
«Quel chemin parcouru dans la prise en charge antalgique d’une ponction
lombaire! »
Angeline Nué, Infirmière référente douleur, Institut de Cancérologie de Lorraine (ILC),
Alexis Vautrin, Nancy, (54)
1- Introduction
Au tout début… C’est Heinrich Irenaeus Quincke en 1891 qui fut le premier médecin
et chirurgien allemand à introduire la ponction lombaire. Mais aucune notion écrite n’a été
retrouvée sur l’antalgie utilisée…
Que de chemin parcouru depuis ces années !!! Infirmière en cancérologie depuis
15 ans, j’ai pu apprécier l’évolution de la prise en charge de la douleur, tant au niveau du
matériel utilisé, des médicaments prescrits, de la prise en charge non médicamenteuse qu’à
travers l’écoute et l’attitude des soignants vis-à-vis des patients bien souvent anxieux à l’idée
de subir cet examen.
Voici quelques exemples des douleurs induites en cancérologie :
Gestes et prélèvements diagnostiques : ponctions, biopsies, mammographies, etc.
Chirurgie : douleur post-opératoire, ablation de drain, pansements, douleur
neuropathique séquellaire ;
Radiothérapie : radiodermite, radiomucite, oesophagite, rectite, cystite, plexite radique
Oncologie : chimiothérapie (mucite, douleurs articulaires, musculaires) ;
Immunothérapie (syndrome grippal), traitements de support (facteurs de croissance,
antiémétiques, etc.).
L’arrivée du MEOPA au début des années 2000, la publication en 2005 des
« Standards, Options et Recommandations pour la prise en charge des douleurs provoquées
lors des ponctions lombaires, osseuses et sanguines chez l’adulte atteint de cancer » (SOR)
ont été une réelle aide dans la prévention de la douleur liée à cet acte.
2- Objectif
L’objectif de cette communication est de vous faire partager l’expérience de la prise
en charge des douleurs lors des ponctions lombaires au sein de l’ICL.
Cette communication est basée essentiellement sur les travaux réalisés dans
l’établissement et sur mon expérience personnelle en tant qu’infirmière référente douleur
depuis 2006.
7
Au sein de l’ICL, le CLUDS a été créé en 1999 sous l’impulsion du Pr. I. Krakowski.
En 2000, le premier poste d’infirmière douleur a été créé.
Dès lors la prise en charge de la douleur est restée une priorité pour l’établissement.
2-1 Etude 1999
Une enquête multicentrique a été publiée en 1999 sur l’évaluation de la douleur des
gestes invasifs répétitifs en cancérologie adulte [1].
Après la diffusion des résultats de l’étude, il nous est apparu essentiel de former le
personnel soignant (médical et non médical) à la prise en charge des douleurs induites ;
Particulièrement lors des ponctions lombaires, acte assez fréquent en cancérologie que ce soit
à visée diagnostique ou à visée thérapeutique.
Les résultats ont permis une prise de conscience de la douleur, en particulier par le personnel
infirmier à qui s’adressent en premier les patients.
Les patients se plaignent auprès :
o des infirmières (47%),
o des médecins (23%),
o n’en ont jamais parlé (40 %).
Les réactions observées des patients lors des ponctions sont :
o l’appréhension,
o la crispation et la nervosité,
o la résignation, l’acceptation.
2-2 Etude 2001-2002 sur l’intérêt du MEOPA
Dans le même temps, une nouvelle étude concernant un analgésique a été effectuée sur
le MEOPA. Le Centre Alexis Vautrin est un des 20 Centres de lutte contre le cancer.
Une étude de faisabilité sur l’intérêt du Kalinox® a été réalisée du 17/07/01 au
30/06/02 dans le cadre de la prise en charge des gestes invasifs dans l’ensemble de
l’établissement avant l’éventuelle généralisation de la méthode.
Les membres du CLUDS ont été impliqués dans cette étude. Cent quarante-deux
patients ont été inclus.
8
Objectifs
Objectif principal : déterminer si l’utilisation de Kalinox® permet d’améliorer la
prise en charge des douleurs provoquées par deux actes douloureux (en principe :
l’ablation des drains chirurgicaux et la réalisation de BPO. Décision finale des
gestes, après le retour des questionnaires), par une amélioration du contrôle
antalgique lors de la réalisation des gestes. L’évaluation du contrôle de la douleur
se fera par une mesure prédéfinie de l’EVA au décours de la procédure.
Objectif secondaire : évaluer la toxicité de la méthode, déterminer s’il existe une
différence d’efficacité et d’appréciation de la douleur au sein des deux groupes de
patients déterminés.
Méthode
Une étude randomisée, comparative en double aveugle, de phase IV, multicentrique,
franco-espagnole a été réalisée.
Une stratification en 2 groupes a été faite : patients présentant un fond douloureux
chronique préexistant vs patients sans douleurs au moment de l’inclusion.
Critère d’évaluation principal : Evaluation de la douleur provoquée : mesure d’EVA
Résultats
Cent quarante-trois patients ont été inclus, les gestes les plus fréquents ont été :
ablation redon, soins de nursing, MPBO, ponction lombaire et pansements complexes
(escarres, plaies tumorales).
L’étude a montré une bonne efficacité et une bonne tolérance du produit dans la
plupart des gestes testés.
Suite à cette étude, la nécessité d’utiliser le Kalinox® pour certains gestes a été
décidée par le CLUDS, la pharmacie et la Direction.
3- Audit et enquêtes réalisées en 2004
En 2004, un audit des gestes susceptibles d’être effectués de façon systématique sous
Kalinox® a été effectué auprès de tous les médecins et cadres du Centre :
9
Résultats
Trois gestes ont été l’objet de l’élaboration d’un protocole (ponction lombaire,
myélogramme et ponction biopsie osseuse, ablation de redon).
Trois autres enquêtes en cours concernant d’autres gestes potentiellement douloureux
conduiront ou non à l’administration systématique de Kalinox® (repérage mammographie
préopératoire des tumeurs, bilan radiologique osseux, ponction d’organe profond).
4- Actions mises en place
Une procédure systématique d’utilisation de la crème EMLA et du MEOPA a été
rédigée et validée au sein du CLUDS et diffusée largement. Plus aucun patient ne
passait à travers les « mailles » du MEOPA lors des ponctions lombaires…
Des formations annuelles ont été mises en place par l’IRD afin de maintenir la
sensibilisation.
Un travail en étroite collaboration avec les pharmaciens de l’ICL a été effectué quant
aux choix du matériel et surtout aux aiguilles à utiliser lors des ponctions lombaires.
Tous les 2 ans, nous avons effectué des enquêtes de satisfaction auprès des patients et
personnel soignant afin d’évaluer les connaissances et les besoins en formation quant à
la prise en charge de la douleur.
Aucune difficulté n’était signalée pour la prise en charge des douleurs induites et
notamment concernant les ponctions lombaires.
Les formations annuelles concernant la prise en charge de la douleur se sont
pérennisées ainsi qu’une formation spécifiquement dédiée au MEOPA.
Cependant, au fil du temps, les participants sont devenus moins nombreux (en 2013,
seulement 6 IDE ont participé à la formation douleur et 8 IDE ont été formées à
l’utilisation du MEOPA…)
Formation de 2 IDE et un médecin à l’hypnose à l’IFH à Paris qui ont pu former 65
personnes à l’hypnose conversationnelle.
On peut penser que de par les nouvelles réformes des IFSI ainsi que la formation
médicale grâce à la création du module 6, tous sont sensibilisés à la douleur provoquée
par certains soins….
Et pourtant….
10
5- Conclusion
L’ensemble de ces études ont permis aux professionnels de tester cette nouvelle
méthode thérapeutique, d’en voir les avantages et les limites, de sensibiliser l’ensemble des
professionnels à la douleur iatrogène et à la possibilité d’améliorer certaines pratiques.
Une opération « coup de poing » a été menée en 2002-2003 au sein de
l’établissement afin de former et de sensibiliser tout le personnel à cette nouvelle technique
soit au total une centaine de personnes.
Dès lors, la formation s’est pérennisée chaque année depuis 2003.
Cependant, il faut toujours rester vigilant car récemment en juin 2014, j’ai été
interpellée dans un secteur de soin par une IDE expérimentée, à propos de l’utilisation du
MEOPA et du matériel à utiliser lors d’une ponction lombaire…
Références
[1] Krakowski, I. Schraub,S. Khayat, D. Serin, F. Monin, S. Evaluation de la douleur des
gestes invasifs répétitifs en oncologie adulte. Résultats d’une enquête multicentrique réalisée
auprès de 584 patients, de 113 infirmières et de 58 médecins. Douleur et Analgésie Vol 12 N°
1, p.99-100.
[2] Calthorpe, N. (2004), The history of spinal needles: getting to the point. Anaesthesia,
59: 1231–1241. doi: 10.1111/j.1365-2044.2004.03976.x.
[3] Collectif, DONNADIEU S, WROBEL JC. Les douleurs induites. INSTITUT UPSA DE
LA DOULEUR; 2005. 192 p.
[4] Standards, Options et Recommandations pour la prise en charge des douleurs provoquées
lors des ponctions lombaires, osseuses et sanguines chez l’adulte atteint
de cancer (2005).
11
Biopsie de prostate : quelle analgésie ?
Adil Ouzzane1,2
, Pierre Mozer3, Arnauld Villers
1,2
1Service d’urologie, CHU Lille, Université Lille Nord de France, Lille (59)
2Inserm U703, CHRU Lille, Université Lille Nord de France, Loo (59)
3Service d’urologie, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris
(75)
Introduction
Environ 150 000 biopsies de prostate sont pratiquées chaque année en France chez des
hommes avec suspicion de cancer de prostate. Le taux de détection de cancer est proche de
51% et stable (1). Du fait des modalités de traitement par surveillance simple ou partielle, le
nombre de biopsies de réévaluation augmente en proportion pour atteindre près d’un tiers des
indications de biopsies. L’imagerie par IRM a pris une place importante dans le diagnostic du
cancer de prostate depuis 5 à 10 ans. Sa performance dans la détection des cancers de stade
intra-prostatique de volume et/ou de grade nécessitant un traitement permet d’envisager les
stratégies de diagnostic suivantes :
ne réaliser que 2 biopsies dirigées sur une lésion suspecte à l’IRM pré-biopsique ;
ne pas réaliser de biopsies si l’IRM est non suspecte.
Ces stratégies sont en cours d’évaluation. L’intérêt est de diminuer les indications de
biopsies, d’améliorer la qualité de l’échantillonnage et d’éviter le diagnostic de microfoyers
de bas grade qui ne nécessitent pas de traitement.
Le protocole standard actuel (2014) comprend une série de 12 biopsies systématisées
par voie trans-rectale sous guidage échographique, avec anesthésie locale par bloc péri-
prostatique, et en soin externe (figures 1 et 2).
Les modalités d’anesthésie ont été publiées en 2011 dans un article de
Recommandations pour la bonne pratique des biopsies prostatiques (2).
Une anesthésie locale à base de lidocaïne à 1% est recommandée pour améliorer la
tolérance de l’examen (Niveau de preuve 1) (3,4).
La réalisation d’un bloc péri-prostatique par voie endorectale écho-guidée avec une
aiguille 22 G est la technique de choix.
12
L’instillation intra-rectale de gel anesthésiant est moins efficace que le bloc péri-
prostatique (Niveau de preuve 1).
L’analgésie au MEOPA est possible, avec un personnel soignant formé et une salle
équipée, dans un environnement médicalisé. Le taux d’échec est de 10 à 30 % (5).
Une anesthésie générale ou loco-régionale peut être réalisée dans certains cas
particuliers représentant moins de 10% des actes : intolérance physique ou
psychologique à l'acte, sténose anale, antécédents de chirurgie ou de pathologie ano-
rectale, voie d’abord périnéale. Les facteurs ayant fait décider d’une anesthésie
générale ou loco-régionale doivent être précisés dans le dossier médical.
A noter que la surveillance post biopsique en soins externes fait l’objet d’un forfait
SE31 et que la réalisation en ambulatoire n’est plus remboursée. La remise au préalable, au
cours d’une consultation avec l’urologue des documents d’information et de préparation sont
importants pour le bon déroulement de l’acte et la diminution du risque d’infection ou de
saignement (< 5%).
Les recommandations de l’Association Européenne d’Urologie (European
Association of Urology Guidelines – 2014) indiquent que :
Pour l'anesthésie locale avant la biopsie, le bloc péri-prostatique à base de lidocaïne à
1% guidée par échographie est l'état de l'art (6) (niveau de preuve 1b).
Il n’y a pas de différence si le bloc d’infiltration prostatique est apical ou basal.
L’instillation intra-rectale d'un anesthésique local en gel est nettement inférieure au
bloc péri-prostatique (7) (niveau de preuve 1b).
En 2011 (8) une synthèse avait montré que la douleur et l'inconfort perçus pendant les
biopsies sont le résultat de différents facteurs anatomiques : la mise en place et de
déplacement de la sonde d'échographie transrectale dans le rectum et la ponction du rectum et
de la prostate. Les techniques d'anesthésie actuellement disponibles peuvent être divisées en
deux groupes:
1 Le forfait SE est une catégorie de prestations d'hospitalisation visant à couvrir les dépenses résultant des soins
non suivis d’hospitalisation et nécessitant la mise à disposition des "moyens nécessaires à la réalisation d'actes
requérant l'utilisation d'un secteur opératoire ou l'observation du patient dans un environnement hospitalier". Le
tarif du forfait SE3 en février 2013 était de 40,47 €.
13
1. gels intra-rectaux,
2. les blocs nerveux péri-prostatiques, blocs rachidiens, blocs de nerf honteux, et leurs
différentes combinaisons locales et systémiques (c'est à dire l'administration de
médicaments par voie orale / intraveineuse et de sédation).
La technique d'anesthésie la plus efficace pour les biopsies en soins externes réalisée
en ambulatoire est le bloc nerveux péri-prostatique avec 10 ml de lidocaïne à 1 ou 2%, associé
avec une bonne lubrification de la sonde. Néanmoins, le choix actuel de la technique
d'anesthésie dépend encore à la fois des caractéristiques des patients (âge, taille de la prostate,
du nombre et de l'emplacement des lésions, de la personnalité anxieuse, du besoin de re-
biopsie) et, surtout, des habitudes et de l'expérience et de l'urologue.
Une revue systématique publiée en 2014 résumant les techniques décrites à ce jour,
avec notamment les études sur la douleur liée à la biopsie utilisant une échelle analogique
visuelle ou numérique a été publiée en 2014 (9). Les procédures couramment utilisées qui
sont efficaces pour réduire la douleur et l'inconfort comprennent les sédations intraveineuses,
les agents d'inhalation et d'infiltration péri-prostatique par anesthésie locale. Alors que les
suppositoires de diclofénac (Voltarene®) sont plus efficaces que le placebo, les gels intra-
rectaux d’anesthésiques locaux ne semblent être d'aucune utilité. La pratique de biopsie de la
prostate sans aucune forme analgésie n'est pas appropriée.
Conclusion
La pratique de l’anesthésie par infiltration péri-prostatique sous contrôle échoguidé
doit être proposé pour tout patient chez qui une biopsie prostatique est indiquée. L’absence
d’anesthésie ou des techniques non efficaces comme les gels anesthésiants intra-rectaux ne
correspondent plus à une bonne pratique de prise en charge. Ceci est rappelé aux urologues
lors des formations initiales et continues dans le cadre de DIU d’onco-urologie.
Références
1 - Evolution du nombre de cas incidents de cancer de la prostate en France de 2001 à 2012 à
partir de données hospitalières de 5 centres. Helfrich O. Prog Urol Soumis 2014.
2 - Ouzzane A, Coloby P, Mignard JP, Allegre JP, Soulie M, Rebillard X, et al.
Recommandations pour la bonne pratique des biopsies prostatiques. Prog Urol 2011;21:18-28.
14
3 - Hergan L, Kashefi C, Parsons JK. Local anesthetic reduces pain associated with transrectal
ultrasound-guided prostate biopsy: a meta-analysis. Urology, 2007; 69: 520-5.
4 - Tiong HY, Liew LC, Samuel M, Consigliere D, Esuvaranathan K. A meta-analysis of
local anesthesia for transrectal ultrasound-guided biopsy of the prostate. Prostate Cancer
Prostatic Dis, 2007; 10: 127-36.
5 - Long JA, Manel A, Moalic R, Pellat JM, Boillot B, Descotes JL, et al. Utilisation du
MEOPA (melange protoxyde d'azote-oxygene) comme methode analgesique des biopsies de
prostate. Prog Urol, 2004; 14: 1167-70.
6 - Von Knobloch R, Weber J, Varga Z, et al. Bilateral fine-needle administered local
anaesthetic nerve block for pain control during TRUS-guided multi-core prostate biopsy: a
prospective randomised trial. Eur Urol 2002 May;41(5):508-14
7 - Adamakis I, Mitropoulos D, Haritopoulos K, et al. Pain during transrectal ultrasonography
guided prostate biopsy: a randomized prospective trial comparing periprostatic infiltration
with lidocaine with the intrarectal instillation of lidocaine-prilocain cream. World J Urol 2004
Oct;22(4):281-4.
8 - Maccagnano C, Scattoni V, Roscigno M, Raber M, Angiolilli D, Montorsi F, Rigatti P.
Anaesthesia in transrectal prostate biopsy: which is the most effective technique? Urol Int.
2011;87(1):1-13
9 - Lee C, Woo HH. Current methods of analgesia for transrectal ultrasonography (TRUS)-
guided prostate biopsy -- a systematic review. BJU Int. 2014 Mar;113 Suppl 2:48-56
Figures
Figure 1 : Vue sagittale du bassin montrant la position intra-rectale (Re) de la sonde
d’échographie munie de son guide de ponction dans lequel est plaçée l’aiguille 18 Gauge. La
prostate (P) est visualisée et les biopsies sont placées précisément soit selon un schéma
systématisé, soit dirigées sur une anomalie. Vessie (Ve).
15
Figure 2 : Schéma de 12 biopsies placées sous contrôle échographique en coupes prostatiques
frontales obliques ou transverses obtenues avec une sonde dont le faisceau est dans l’axe de la
sonde, au tiers supérieur, à la base (a), au tiers moyen, au milieu (b), et au tiers inférieur, à
l’apex (c). Les prélèvements se font au niveau de chaque secteur postérieur, à mi-distance
entre bord latéral et milieu de la prostate, (site médio-lobaire) et latéralement (site latéral),
suivant l'axe postéro-antérieur de la sonde, oblique vers le haut. La sonde est tournée de 180°
sur son axe pour biopsier le lobe contro-latéral. Les biopsies latérales prélèvent uniquement la
zone périphérique (en rose). Les biopsies médio-lobaires prélèvent la zone périphérique et la
zone de transition antérieure (en bleu).
16
Prévention et traitement des mucites buccales chimio et/ou radio induites
Denise Collangettes1, Pierre Berger
2, Eric Jadaud
3, Brigitte Tequi
4
1Odontologiste C.J. Perrin, Clermont-Ferrand (63),
2Médecin Infectiologue C.P.Calmettes,
Marseille (13), 3Médecin Radiothérapeute ICO P.Papin, Angers (49),
4Médecin Anesthésiste
Praticien hygiène et gestion des risques associés aux soins ICO R. Gauducheau, Nantes (44)
Avant-propos
La mucite est une complication fréquente lors des traitements d’onco-hématologie.
Un patient sur deux, recevant une chimiothérapie et/ou une radiothérapie, présente une
mucite.
La muqueuse de la bouche est particulièrement sensible, car les cellules des muqueuses
digestives sont parmi celles qui se divisent le plus vite au sein des tissus de l’organisme.
Cette procédure concerne les Médecins, Odontologistes, Infirmiers, Aides-soignants et
Diététiciens, elle décrit les modalités à mettre en œuvre pour :
prévenir l’apparition des mucites en informant, éduquant le patient à l’hygiène
bucco-dentaire, et en demandant un suivi régulier par le praticien traitant ;
prendre en charge les mucites buccales chimio et /ou radio induites.
Cette procédure est accompagnée d’une iconographie en couleurs dans sa version complète
téléchargeable, qui est disponible, entre autres, sur le site cnrd.fr .
1 - Définition
La mucite est une inflammation de la muqueuse qui recouvre l’intérieur des cavités et
des viscères. C’est une des toxicités chimio et/ou radio induites. Ces lésions peuvent aller
jusqu’à la nécrose. La mucite buccale est également appelée stomatite.
2 - Réalisation d’un bilan bucco-dentaire
2.1 Avant tout traitement de chimiothérapie
Réaliser systématiquement un bilan buccodentaire avec un orthopantomogramme
afin de prévoir la remise en état bucco-dentaire : détartrage et avulsions à réaliser avant le
début du traitement ou juste avant une cure de chimiothérapie.
17
2.2 Avant tout traitement de radiothérapie ORL ou à risque de modification du flux
salivaire
Adresser systématiquement le patient à la consultation d’odontologie pour soins,
avulsions et confection de gouttières en résine thermoformées pour l’hyposialie.
Ces gouttières seront utilisées un mois après la fin de la radiothérapie, 5 minutes par jour et
à vie pour une application topique de gel fluoré : FLUOCARIL BI FLUORE 2000® (seul gel
fluoré disposant d’une AMM) afin d’éviter une déminéralisation post-radique des dents en
raison d’une hyposialie et de l’acidité de la salive restante.
Les informations dosimétriques au niveau dentaire sont transmises à la consultation
d’odontologie (Cf. Fiche dentaire proposée en annexe I).
2.3 Avant tout traitement de curiethérapie ORL
Adresser systématiquement le patient à la consultation d’odontologie pour soins,
avulsions et confection de gouttière plombée afin d’isoler les tissus sains (dents et
maxillaires) des sources radioactives.
3 - Prévention de la mucite
Quand ? Lors de la consultation initiale, au cours des différentes hospitalisations et
consultations externes
Comment ? Par des séances d’information et d’éducation à l’hygiène bucco-dentaire
Qui ? L’odontologiste et/ou le praticien traitant
3.1 Informations sur l’hygiène bucco-dentaire
3.1.1 Informations systématiques
Utiliser une brosse à dents extra souple en nylon (post-chirurgicale), une brossette
inter-dentaire et du fil de soie dentaire (à utiliser avec une extrême prudence si
risques hémorragiques majeurs). Possibilité d’utiliser un appareil à jet d’eau à faible
puissance.
Si les gencives sont hémorragiques, utilisation de bâtonnets en mousse pédiatrique
inhibée d’eau oxygénée à 3% monodose (Dosoxygènée®).
Pré-requis : l’élimination soigneuse et fréquente de la plaque dentaire est indispensable à
la prévention de l’apparition des mucites et de ses possibles complications, d’où
l’importance d’informer et d’éduquer les patients
18
Eviter d’utiliser une brosse à dents électrique, cures dents interdits.
Brosser les dents après chaque repas, avec une pâte gingivale, de la gencive vers les
dents, par un mouvement de balayage, sans appuyer.
Enlever et nettoyer régulièrement sa prothèse dentaire.
L’utilisation de fiches conseils type « THERABEL Pharma® » est un complément
d’information utile qui pourra être remis aux patients (contacter le laboratoire pour mise à
disposition des fiches).
3.1.2 Informations selon le type de prise en charge
En oncologie :
Le médecin oncologue prévient le patient du risque de mucite lors de la consultation
d’annonce.
L’information est tracée dans le courrier au médecin traitant et dans le dossier du
patient.
En radiothérapie - curiethérapie :
Le médecin prévient le patient du risque d’ulcérations buccales lors de la première
consultation.
Un document d’information peut être donné au patient.
L’information est tracée dans le courrier au médecin traitant et dans le dossier du
patient.
3.2 Education thérapeutique
3.2.1. L’éducation à l’hygiène bucco–dentaire se fait de manière pluridisciplinaire :
Lors des consultations par l’odontologiste : éducation du patient pour le
brossage et pour les soins bucco dentaires dans son cabinet.
Lors des hospitalisations par le personnel soignant : éducation pour l’hygiène
bucco-dentaire. Ces informations sont notées dans le dossier de soins.
3.2.2 Conseils diététiques
Une fiche d’information nutritionnelle est donnée au patient en première intention
(annexe II) puis, adaptation de la texture de l’alimentation selon la douleur, passage à une
alimentation molle ou mixée ou liquide avec compléments nutritionnels oraux.
Si l’alimentation orale est impossible, possibilité de mise en place d’une alimentation
artificielle (entérale ou parentérale).
19
Un diagnostic diététique par une diététicienne est recommandé en présence de
critères permettant d’évoquer une dénutrition :
dénutrition modérée: perte de poids ≥ 10% en 6 mois ou ≥ 5% en 1 mois, IMC ≤
17 si < 70 ans, albuminémie < 30 g/l, préalbuminémie < 110 mg/l.
dénutrition sévère : perte de poids ≥ 15% en 6 mois ou ≥ 10% en 1 mois,
albuminémie <20g/l, préalbuminémie < 50 mg/l.
A recommander également lorsqu’une alimentation entérale par sonde est
nécessaire ou prévisible.
4 - Prise en charge de la mucite
4.1 Evaluation de la mucite
L’IDE informe quotidiennement le médecin de ses observations. Les résultats sont
notés dans le dossier médical. L’évaluation de l’état de la muqueuse buccale doit se
faire une fois par jour selon les cotations OMS.
Clinique – cotation (nci-ctcae v3.o/rtog)
Grade 0 Alimentation solide Pas de douleur Muqueuse normale
Grade 1 Alimentation normale Douleur modérée Enanthème
Grade 2 Alimentation solide encore
possible Douleur
Enanthème, ulcérations
non confluentes
Grade 3 Alimentation liquide Douleur Enanthème diffus,
ulcérations confluentes
Grade 4
Aphagie, alimentation
parentérale ou entérale /
sonde
Douleur sévère Ulcérations confluentes
4.2 Traitement de la mucite
4.2.1 A partir du début du traitement oncologique : prescription de bains de bouche
Dans tous les cas, sur prescription médicale, l’infirmière ou l’aide- soignante
précise au patient la méthode d’application, la posologie et la fréquence de ce soin.
L’infirmière ou l’aide- soignante est responsable de son application, incluant si
nécessaire l’éducation du patient et de son entourage.
Méthode / Bains de bouche
Bicarbonate de sodium 1.4% pur, sans adjonction d’un autre produit (volume de la
préparation : 500 ml).
20
Le bain de bouche se fait :
Aussi souvent que possible, au minimum 8 à 10 fois par jour, il faut que les
500 ml de solution soient pris dans les 8 heures après ouverture du flacon.
En gargarisme si possible.
En le laissant dans la bouche 30 à 60 secondes (sous contrôle de sa montre) avant de
le recracher.
A distance des repas.
Astuce : proposer d’utiliser le bain de bouche de Bicarbonate de sodium pour le rinçage
après chaque brossage de dents.
4.2.2 A partir du grade 2
Si un laser est à disposition et en cas de radiothérapie
Après chaque séance, l’odontologiste ou le médecin effectue une séance de laserthérapie :
Balayage de 40 sec/ cm² avec une énergie de 4 joules d’un faisceau laser Hélium
Néon basse énergie sur les lésions.
Fréquence : 3 à 5 fois par semaine.
Puis application de Jelonet® (même si le patient reçoit de l’oxygène par lunette
nasale mais interdit si le patient est sous masque à oxygène) : on récupère avec le doigt la
paraffine située sur le tissu Jelonet® et on l’applique sur les lésions ainsi que sur les dents
en regard.
Après explications, le patient peut être acteur de son soin.
Dans tous les cas
Traitement local par application de Jelonet (Cf. supra) en complément des bains de
bouche. Le traitement est tracé dans le dossier médical.
L’utilisation d’antiseptiques à base de chlorhexidine est déconseillée. Les associations
type « potion de Schwarzenberg » (Bicarbonate + Fungizone® + Xylocaïne® +…)
sont contre-indiquées
21
4.3 Traitement des complications de la mucite
4.3.1 Prise en charge de la douleur : Selon les recommandations locales
Prise en charge de la surinfection
4.3.2 Prise en charge de la surinfection
Dans tous les cas, elle doit s’appuyer sur des arguments d’orientation clinique
fortement évocateurs.
En cas d’échec clinique et/ou de terrain à risque d’infection systémique (aplasie de
longue durée notamment) la recherche d’une documentation par prélèvement
microbiologique peut apporter des éléments d’orientation thérapeutique.
La décision de réalisation d’un éventuel prélèvement tiendra compte du profil du
patient (haut risque infectieux ou pas, existence d’une éventuelle prophylaxie, échec sous
traitement de première ligne).
4.3.3 Présentations cliniques des surinfections
Candidose oro-pharyngée
Forme pseudomembraneuse ou muguet avec lésions blanc-jaunâtres, fermes en
placard ou confluentes qui adhèrent aux muqueuses. Après grattage la muqueuse est
érythémateuse et peut saigner.
Forme érythémateuse avec présence d’une muqueuse luisante avec possibilité de
macules rouges associées à des douleurs à type de brûlures ; généralement la langue est
dépapillée.
Chéilite angulaire ou perlèche
Forme hyperplasique moins fréquente : lésions chroniques légèrement épaissies
de type maculaire blanchâtre translucide ou en plaques denses de grande taille, rugueuses ou
dures. Ces plaques ne se détachent pas contrairement à la forme pseudomembraneuse.
Localisation préférentielle à la surface interne des joues, les commissures labiales et plus
rarement sur les joues.
La mise en route d’un traitement antifongique peut être décidée sur la base de la
clinique lorsqu’elle reste très évocatrice. Le traitement antifongique n’est jamais
Place des gels de Xylocaïne® : évaluer le rapport bénéfice/risque
Tenir compte du risque de fausse route, d’allergie, de retard à la cicatrisation
22
déclenché à titre préventif par rapport à l’existence seule d’une mucite.
Dans tous les cas, on privilégie un traitement antifongique à action locale parmi :
Amphotéricine B (Fungizone®) 10% en suspension buvable utilisé sous
forme de bains de bouche, 3 à 4 fois/j. Le bain de bouche doit être avalé
car la candidose n’est pas strictement limitée à la sphère oropharyngée.
Miconazole (Loramyc®) : 1 cp gingival muco-adhésif, une fois par jour,
le matin après le brossage de dents.
Le traitement est effectué après réalisation d’un bain de bouche de Bicarbonate de sodium.
Les prélèvements microbiologiques sont réservés :
aux situations d’échec clinique,
aux présentations atypiques,
aux mucites de grade 4 : si contexte d’aplasie au-delà de 15 jours, avec
fièvre persistante après une antibiothérapie bien conduite, en vue d’un
éventuel traitement antifongique systémique préemptif.
Arguments pour une réactivation d’infection virale
Le diagnostic clinique s’avère difficile car les lésions ulcérées ne sont pas
toujours distinguables de celles induites par la chimiothérapie ou la radiothérapie.
L’apparition de vésicules regroupées en bouquet reste particulièrement évocatrice
d’une infection virale.
La mise en route d’un traitement antiviral peut être décidée sur la base de la
clinique lorsqu’elle reste très évocatrice ou dans les tableaux majeurs (dès le grade 3 chez un
patient d’hématologie).
Mucite responsable d’une porte d’entrée bactérienne
Plus le grade de la mucite est élevé, plus le risque de colonisation bactérienne est important.
Le risque bactérien est généralement pris en compte par les antibiothérapies
empiriques des protocoles de prise en charge de la neutropénie fébrile.
Hors aplasie, pas de recours à une antibiothérapie empirique systématique.
Privilégier les soins locaux (Bains de bouche avec Bicarbonate de sodium) en dehors d’une
documentation particulière de germe pathogène (évaluer la place d’une éventuelle
documentation).
23
Remarque
Place du Caphosol® comme adjuvant aux traitements standards d'hygiène buccale :
Caphosol® est présenté comme adjuvant aux traitements standards d'hygiène buccale pour
la prévention et le traitement de la mucite causée par une radiothérapie ou une
chimiothérapie à haute dose, principalement en cas de sècheresse de bouche ou de
l’oropharynx (hyposalivation, xérostomie). A ce jour, il n’y a pas d’étude qui permettent
de comparer ce produit au traitement de référence par bains de bouche de bicarbonate
de sodium.
Références
Référentiels inter régionaux en SOS / AFSOS / 2 et 3-12-2010.
HS Antunes & al. Phase III trial of low-level laser therapy to prevent induced oral
mucositis in head and neck. Cancer patients submitted to concurrent chemoradiation.
J Clin Oncol 29:2011 (suppl; abstr LBA5524) ASCO 2011.
Bjordal JM, Bensadoun RJ& al. A systematic review with meta-analysis of the effect
of low-level laser therapy (LLLT) in cancer therapy-induced oral mucositis. Support
Care Cancer. 2011 Aug;19(8):1069-77. Epub 2011 Jun 10.
Peterson DE, Bensadoun RJ, Roila F; ESMO Guidelines Working Group.
Management of oral and gastrointestinal mucositis: ESMO Clinical Practice
Guidelines. Ann Oncol. 2010 May;21 Suppl 5:v261-5.
Peterson D.E., Bensadoun R.J.& al. Management of oral and gastrointestinal
mucositis: ESMO Clinical Practice Guidelines 2011 (Annals Oncol 2011, accepté
pour publication).
25
Annexe II : fiche d’information nutritionnelle destinée au patient
ALIMENTS PERMIS
PERMIS SELON
TOLERANCE
PERSONNELLE
INTERDITS
LAIT ET
FROMAGES
Tous les laits
Petits suisses fromage
blanc
Fromages à pâte molle
(Camembert, Brie,
etc…)
Fromages à pâte cuite
(St Paulin, Pyrénées,
etc…)
Yaourt
Fromages forts
(Roquefort, chèvre,
etc…)
VIANDE
CHARCUTERIE
POISSONS
Toutes viandes
cuisinées
Toutes charcuteries
Tous poissons cuisinés
Crustacés mollusques
Quenelles
Viandes panées
Poissons panés
Poissons en conserve,
au vin ou au vinaigre
Sauce tomate
CEREALES
Mie de pain ou pain de
mie trempés
Biscottes trempées
Pates
Riz bien cuit
Tapioca
Flocons d’avoine
Pain d’épices
Semoule
Croûte de pain
Pomme de terre en
flocons (irritantes pour
les muqueuses
Purée de pomme de
terre seule
LEGUMES SECS Tous
LEGUMES
VERTS
Tous cuits
Assaisonnement sans
vinaigre et sans citron
Eviter les crudités Tomates (irritantes
pour les muqueuses)
Vinaigrette
FRUITS Tous si cuits Banane Tous si crus
SUCRE
CONFISERIE Pâtisseries Tous Pâtisserie à alcool
BOISSONS
Eau
Café
Tisane
Thé
Chocolat
Bouillons
Sirop
Limonade
Eaux aromatisées
Vin
Bière
Jus de fruit pur
Cidre
Alcool fort (cognac,
mirabelle)
Alcool doux (vins
cuits, liqueurs, etc…)
CONDIMENTS
aucun Sauf sel en petite
quantité
Tous (moutarde,
poivre, cornichons,
curry, piment,
vinaigre, ketchup)
GRAISSES
Toutes (huile, beurre,
lard, margarine,
saindoux, crème)
mayonnaise
aucune
26
Soins infirmiers à domicile : enquête de terrain DOLASI
Kevin Malacarne1, Aurore Manoliu
1, Fréderic Maillard
2, Patricia Cimerman
2
1Infirmier(e) DE, Cabinet ASI (Action Soins Infirmiers), Paris (75)
2Centre de Ressources de Lutte contre la Douleur (CNRD), Hôpital Armand Trousseau,
Paris (75)
Introduction
Les infirmiers libéraux sont souvent confrontés dans leur quotidien à pratiquer des
actes douloureux et ils n’ont pas forcément à disposition les moyens thérapeutiques
permettant de les prendre en charge.
En effet l’exercice libéral expose à des contraintes multiples pour prendre en charge
convenablement les douleurs liées aux soins. Le professionnel intervient seul au domicile et
n’a donc pas de médecin disponible, contrairement à l’hôpital. Il n’a pas la possibilité
d’utiliser des protocoles de soins élaborés par un médecin au sein d’un service, comme en
HAD2 par exemple. Dans le cadre actuel de la réglementation, seule une prescription
anticipée d’antalgique par le médecin hospitalier ou le médecin traitant peut permettre aux
paramédicaux libéraux de disposer d’un moyen efficace pour lutter contre la douleur
provoquée par les soins.
Quels types de soins se révèlent les plus douloureux, avec quelle intensité ?
Les infirmiers disposent-ils de prescriptions d’antalgiques pour y faire face, quel type
d’antalgique est prescrit, avec quelle efficacité ?
La ville de Paris compte environ 1200 Infirmiers Libéraux Diplômés d’Etat (IDEL)
pour plus de 2 millions d’habitants, soit 6 IDEL pour 10 000 habitants. Cette densité est assez
basse par rapport à la moyenne nationale qui est de 10 IDEL pour 10 000 habitants. L’offre de
soins est très morcelée car de nombreux cabinets exercent en petit nombre sur des secteurs
limités. Le cabinet Actions Soins Infirmiers (ASI), en couvrant toute la capitale avec un
effectif de collaborateurs très important pour une seule structure, a vocation à clarifier l’offre
de soins. Le secrétariat central réceptionne les demandes de soins et les transferts sur les
smartphones des collaborateurs des secteurs concernés par l’intermédiaire d’un système de
messagerie sécurisé.
2 Hospitalisation A Domicile
27
ASI facilite l’exercice de ses collaborateurs en leur offrant une formation initiale et
continue, du matériel, une patientèle, un secrétariat, un logiciel de facturation, la récupération
des DASRI (Déchets d’Activité de Soins à Risques Infectieux), la gestion des remplacements,
des congés maladie et maternité… Chaque collaborateur reste indépendant et exerce sur un
secteur défini avec un binôme une semaine sur deux. Pour améliorer les conditions de travail
et pour offrir une plage horaire de soins très étendue, les horaires de coupe ont été supprimés,
constituant des équipes du matin et des équipes du soir.
Chaque équipe du matin ou du soir soigne entre 20 et 35 patients quotidiennement.
Les équipes du matin débutent vers 6h, elles sont relayées par les équipes d’après-midi à 14h
qui terminent vers 22h. L’astreinte de nuit est assurée par un des 15 infirmiers seniors du
cabinet. ASI ne se démarque pas des autres cabinets de soins infirmiers dans le recrutement
des patients :
deux patients sur trois sont atteints de maladies chroniques et entrent dans le cadre du
maintien à domicile : diabète, nursing, plaies chroniques, préparation et surveillance
de traitement, nutrition entérale, soins de stomies…
le reste de la patientèle est constitué de patients nécessitant des soins aigus ou
subaigüs : pansements post-opératoires, injections d’anticoagulants, d’antibiotiques ou
d’hormones, perfusions, sondages, ablations de fils, prélèvements sanguins…
Le groupement ASI soigne chaque jour près de 700 patients.
En 2013 le CNRD a contacté ASI pour mener une étude épidémiologique dans le
cadre de la prise en charge de la douleur provoquée par les soins, pouvant ainsi s’appuyer sur
un large panel de patients.
L’étude DOLASI donne un premier état des lieux, sur le terrain, de façon prospective,
de la prise en charge de la douleur des soins réalisés à domicile.
Un recueil épidémiologique a été réalisé au printemps 2014 par les infirmiers
collaborateurs libéraux volontaires du groupement Action Soins Infirmiers (ASI).
Objectifs du projet
Réaliser un état des lieux sur la fréquence des soins réalisés à domicile.
Décrire l’intensité douloureuse et les moyens analgésiques utilisés.
28
Méthode
Il s’agissait d’une étude descriptive réalisée chez des patients habituellement pris en
charge par le groupement ASI. La prise en charge des patients et les soins réalisés étaient
semblables à ceux effectués habituellement (patients « chroniques », patients « aigus »).
Le recueil de données était réalisé de façon prospective, en temps réel, au domicile du
patient par l’infirmier exécutant les soins lors d’une ou de deux journées de travail de son
choix. Une fiche spécifique était élaborée, permettant de recueillir :
les caractéristiques du patient,
son motif principal de prise en charge (problème de santé principal),
son degré d’autonomie,
sa capacité de communication,
ses traitements antalgiques de fond prescrits,
les soins réalisés le jour du recueil (à partir d’une liste pré-établie), leur durée,
le nombre de tentatives,
l’analgésie spécifique prescrite et les résultats de l’évaluation de la douleur.
Pour les patients capables de faire une autoévaluation de la douleur, l’échelle
Numérique [EN] était utilisée, avec un score entre 0 et 10, où 0 correspond à l’absence de
douleur et 10 à la douleur maximum imaginable. L’échelle ALGOPLUS© (score de 0 à 5)
était utilisée pour les patients dyscommunicants.
Avant le démarrage de l’étude, des réunions d’information avaient été mises en place
avec l’ensemble des infirmiers, un dossier spécifique avec les documents de l’étude avait été
remis à chacun.
Résultats
L’étude s’est déroulée d’avril à mai 2014.
Neuf infirmier(e)s du cabinet ASI ont accepté d’y participer (8 femmes et 1 homme),
leur âge moyen était de 31 ans, tous avaient une expérience professionnelle de moins de 5 ans
(dont 2 de moins d’un an).
Interrogés sur leur activité, ils ont déclaré avoir vu, en moyenne, une vingtaine de
patients lors de leur dernière journée de travail, dont un tiers leur avait paru douloureux.
Les scores de douleur qu’ils estimaient a priori en rapport avec les gestes les plus
couramment pratiqués sont résumés au tableau 1.
29
Tableau 1 : Scores de douleur pour chaque geste, estimés a priori par les IDE
participant à l’étude
Gestes envisagés
Valeurs moyennes (sur 10)
Soins de bouche 0,5
Prévention d’escarres 0,6
Toilette 0,9
Ponction au doigt (dextro) 1,9
Injection sous cutanée 2,1
Ablation de sutures 2,3
Ponction veineuse 2,6
Retrait d’adhésifs d’une perfusion 2,8
Pose d’une sonde urinaire chez une femme 3,4
Pose d’une voie veineuse périphérique 3,8
Pose d’une sonde naso-gastrique 3,8
Injection intra-musculaire 4,0
Pose d’une sonde urinaire chez un homme 4,8
Pansement d’escarre 5,5
Pansement d’ulcère de jambe 6,3
Cent quatorze patients ont été inclus dont 71 femmes (62,3%), dans six
arrondissements parisiens répartis comme suit : 60 patients (52,6%) dans le 15ème
, 28 (24,6%)
dans le 16ème
, 16 (14%) dans le 13ème
, 8 (7%) dans le 7ème
, 1 patient dans le 5ème
et 1 dans le
1er
arrondissement. Le tableau 2 résume les caractérisques des patients.
Tableau2 : Caractéristiques démographiques des 114 patients inclus
Caractéristiques
Valeurs
%
Hommes 43 37,7
Femmes 71 62,3
Age (ans), moyenne (DS*), 76,7 (18,5)
médiane, IQ, extrêmes 82 [69-89, 10-105]
Patients autonomes 65 57
Patients ayant un entourage familial 88 77,2
Patients estimés algiques par IDE 56 49,1
Patients capables de faire une autoévaluation 87 76,3
Patients ayant un traitement antalgique de fond
47
41.2
Paracétamol 41
AINS 4
Autres 11
(morphine, palier II)
Motifs principaux de prise en charge 112
Diabète 34 30,4
Perte autonomie, aide à la personne 26 23,2
Pathologies neurologiques, vasculaires 22 19,6
Prise en charge post-opératoire 21 18,8
Cancer 9 8
*DS : Déviation Standard
30
Nombre de gestes et catégories de gestes
Au total, 299 gestes ont été effectués à domicile chez les 114 patients inclus. Quarante
patients (35,1%) ont eu un geste, 37 patients (32,5%) deux gestes, 8 patients (7%) trois gestes,
15 patients (13,2%) quatre gestes, 4 patients (3,5) cinq gestes, 4 patients (3,5) six gestes,
1 patient (0,9%) sept gestes, 1 patient (0,9%) huit gestes, 2 patients (1,8%) neuf gestes et 2
patients (1,8%) douze gestes.
Les dix actes les plus fréquents, par ordre décroissant, étaient : les ponctions
capillaires (16,4%), les toilettes au lavabo ou à la douche (15,7%), les injections sous cutanées
(13,7%), les pansements (9,4%), la mise en place ou le retrait de bas de contention (5,7%),
l’aide au lever ou au coucher (4,3%), les toilettes au lit (3,7%), les préventions d’escarres
(3,7%), les soins d’yeux (3,3%) et l’aide à l’observance des traitements (3,0%).
Tous ces gestes appartiennent à des catégories de soins qui ont déjà été définies (1) et qui sont
résumées au tableau 3.
Tableau 3 : Liste des actes par catégorie de soins
Caractéristiques
Valeurs
%
Soins d’hygiène, d’aide et de confort 132 44,1
Piqûre avec accès vasculaire 53 17,7
Piqûre sans accès vasculaire 46 15,4
Soins de plaies, pansements 44 14,7
Sondes 10 3,3
Autres* 14 4,7
Total
299
100
*aérosol, alimentation entérale, prises de constantes
31
La durée moyenne (DS) pour l’ensemble des gestes était de 8,7 (7,1) minutes avec des
extrêmes allant de une à 30 minutes. La moitié des gestes étaient réalisés en 5 minutes, 8,5%
en 20 minutes, 2,1% en 30 minutes. Les actes réalisés en 30 minutes concernaient les toilettes
(lit ou lavabo).
La majorité des gestes (98,9%) étaient réalisés en une tentative.
Analgésie lors des gestes
Trente-quatre soins (11,4%) ont été effectués avec une analgésie, 27 avec du
paracétamol seul ou associé à un palier II, 3 avec de la crème anesthésiante EMLA®, 1 avec
de la morphine et 3 avec un AINS.
Evaluation de l’intensité de la douleur lors des gestes
L’échelle numérique (EN) a été utilisée par les patients pour 65,6 % des gestes
(n=196).
Le score moyen (DS) de douleur avec l’EN était de 1,32 (1,9) avec des valeurs
extrêmes allant de 0 à 10. Cent soixante quinze gestes (89,3%) avaient un score ≤ 3.
Onze gestes avaient un score ≥ 6. Les actes concernés étaient, toilette au lavabo (5), dextro
(2), pansements d’ulcères de jambe ou escarres (4).
L’échelle ALGOPLUS© a été utilisée pour 33,8% des gestes (n=101).
Le score moyen (DS) avec ALGOPLUS© était de 1,36 (1,6) avec des valeurs
extrêmes allant de 0 à 5.
32
Trente-six gestes (35,6%) avaient un score ≤ 2. Quinze gestes (14,9%) avaient un
score ≥ 4. Les actes concernés étaient les pansements avec méchage, les pansements d’ulcères
de jambe, les pansements d’escarres, les préventions d’escarres, les changements de position
et les poses de perfusion sous-cutanées.
Discussion et perspectives
La mobilisation, difficile, d’infirmiers volontaires au sein d’ASI (seulement 20% des
collaborateurs ont accepté de réaliser le recueil de données) a limité le nombre des inclusions
à 114 patients.
Une quinzaine de collaborateurs ayant débuté leur activité moins de 6 mois avant le
début de l’étude, il est probable que cette étude pouvait ne pas leur sembler prioritaire.
L’étude était non rémunérée, et il est impossible d’imposer un rôle d’investigateur au regard
du statut libéral des collaborateurs, interdisant tout rapport hiérarchique. La plupart des
soignants demeurent peu habitués à la démarche scientifique, en marge du soin proprement
dit.
La population étudiée est âgée en moyenne de 76 ans confirmant que les soins
infirmiers réalisés par les libéraux se concentrent sur le maintien à domicile et la dépendance.
Les soins relèvent au 2/3 de pathologies chroniques mais les gestes techniques sont assez
divers.
Dans notre échantillon, 90% des soins infirmiers pratiqués sont peu ou pas douloureux
(EN inférieure à 3) et 41,2% des patients disposent de traitement antalgique de palier I.
Les médecins semblent rester assez réticents à l’utilisation de palier III.
Ces traitements antalgiques pouvant souffrir encore de connotations péjoratives ou de craintes
à l’utilisation en ville.
Les soignants ont semblé maitriser les techniques d’évaluation de la douleur, en
particulier en matière d’hétéro-évaluation. L’échelle Algoplus® a été utilisée pour un tiers des
gestes. Les méthodes d’hétéro-évaluation comme Doloplus® assez récemment diffusées dans
les IFSI3 ont été bien intégrées par les infirmiers participants, leur moyenne d’âge étant ici
inférieure à 30 ans.
Sur les 299 gestes étudiés dans DOLASI, 11 ont été très douloureux (EN supérieure ou
égale à 6).
3 Institut de Formation en Soins Infirmiers
33
Ces situations générant une douleur intense sont traumatisantes pour le patient et
génératrices d’anxiété pour les soins à venir, mais aussi très inconfortables pour le praticien
qui ressent une sensation d’échec. Avoir mal lors d’un soin n’est pas une fatalité, des moyens
efficaces existent pour lutter contre ce type de douleur (2).
Quelles propositions pour ne plus provoquer des douleurs évaluées supérieures à 6.
La formation :
La formation initiale doit inclure la prise en considération de la douleur provoquée par
les soins. Le nouveau Dispositif Professionnel Continu a pour objectif d’accélérer la mise à
niveau de l’ensemble des professionnels. Il est impératif que les infirmiers et les médecins
s’investissent dans cette obligation déontologique. Ce dispositif doit également bénéficier aux
auxiliaires de vie qui participent de plus en plus aux soins à domicile, par carence
d’aides-soignantes.
Les soins chroniques :
Les patients en fin de vie ou en soins palliatifs à domicile sont particulièrement
exposés aux douleurs provoquées par les soins. La simple mobilisation est parfois
douloureuse, qu’elle soit causée par des métastases osseuses, des escarres ou des
malpositions, par exemple.(3, 4)
Ces patients nécessitent une prise en charge globale par des professionnels formés.
A Paris, les médecins traitants et hospitaliers sont parfois difficiles à joindre et l’infirmière
peut se trouver démunie devant certaines situations. Il faut rappeler l’importance des réseaux
de soins qui améliorent la communication et l’organisation entre les différents acteurs :
réseaux gérontologiques, réseaux de cancérologie, réseaux de soins palliatifs, les CLIC4…
dont l’existence devrait être mieux portée à la connaissance des infirmières libérales.
Dans ce contexte, l’utilisation d’antalgiques de palier III ne devrait pas être entravée
par des craintes infondées (5).
4 Les Centre Locaux d’Information et de Coordination gérontologiques sont des guichets d’accueil de conseil et
d’orientation des personnes âgées, chargés de faciliter l’accès aux droits, et d’améliorer leur vie quotidienne.
34
Concernant les soins associés à des pathologies aigües :
Des outils efficaces existent, dont l’utilisation pourrait être développée. Le cathéter
péri-nerveux est une mini-révolution dans la prise en charge de la douleur post-opératoire en
orthopédie. Il ouvre aussi des perspectives pour des patients atteints de plaies chroniques.
Outre le confort pour le patient, son utilisation en ambulatoire est susceptible de réduire la
durée des séjours hospitaliers et pourrait être une source d’économie pour le régime
d’assurance maladie (6).
L’utilisation du MEOPA a fait ses preuves à l’hôpital, il doit investir le soin à
domicile (7, 8). Il y des contraintes de transport et de délivrance mais des solutions peuvent
être trouvées via les prestataires de services. L’utilisation doit être réalisée sous protocoles de
soins par l’infirmière libérale préalablement formée comme à l’hôpital. Le protocole et la
formation pourrait être diffusés par des médecins expérimentés, dans le cadre de réseaux.
A l’heure actuelle, le frein principal à l’utilisation de ces deux techniques est l’absence
de cotation spécifique correspondant à leur utilisation, et donc l’absence de remboursement de
l’acte comme du matériel et du médicament.
Certaines délégations d’actes permettraient d’autonomiser l’infirmière à domicile.
Il ne parait pas utopique de permettre à une infirmière de prescrire certaines formes
d’anesthésiques locaux (Lidocaïne-Prilocaïne en patch ou lidocaïne en spray). L’expérience
de leur utilisation en pédiatrie pour les gestes invasifs superficiels ou pour la détersion de
certaines plaies comme les abcès est associée à un confort indéniable.
Conclusion
Le vieillissement de la population et la maîtrise des coûts de santé imposent de
développer des soins à domicile de qualité par des professionnels formés disposant des outils
nécessaires à leur mission. Au domicile des patients, il est essentiel d’améliorer les moyens
actuels de prise en charge de la douleur provoquée par les soins, d’augmenter les prescriptions
d’antalgiques efficaces dans cette indication, pour permettre aux soignants libéraux
d’optimiser la qualité des soins prodigués.
L’étude DOLASI décrit les situations de douleurs provoquées par les soins à domicile
qui permettront d’évaluer les pratiques et de construire sur des bases concrètes les réflexions
qui les feront évoluer.
Cette enquête a été un excellent moyen d’impliquer les professionnels soignants dans
une démarche scientifique.
35
Références bibliographiques
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3 - Lhuillery D, Cosquéric G. Douleurs induites par les soins : analyse de l’évolution des
données d’une enquête annuelle de prévalence de la douleur. Douleurs : Evaluation -
Diagnostic - Traitement. 2008;9(3):113-7.
4 - Alcalay V, Perdereau S, Adiceom F, Kipper M-C, Perriot M, Henry F, et al. Douleurs
induites par les soins en situation de fin de vie : analyse, réflexion et propositions à partir de
l’expérience des soignants. Médecine Palliative : Soins de Support - Accompagnement -
Éthique. 2010;9(3):142-7.
5 - Serra É. Les outils de repérage d’un risque d’addiction chez les patients douloureux traités
par opioïdes. Douleur analg. 2012;25(2):67-71.
6 - Bures É, Rivet P, Steiner T, Stoll G, Combret C, Etienne G, et al. De la douleur à la
cicatrisation : traitement du patient artéritique à domicile par cathéter périnerveux continu de
longue durée. Douleurs : Evaluation - Diagnostic - Traitement. 2011;12(4):181-8.
7 - Annequin D, editor. Un an après la sortie du MEOPA* de la réserve hospitalière. Etat des
lieux. Douleur provoquée par les soins, 6ème
journée du CNRD; 2011; Paris. Disponible sur
www.cnrd.fr.
8 - Gatbois E, Balladur E, Grisolet G, Galinski M, editors. Evaluation de l’utilisation du
MEOPA en HAD : étude MEOPHAD - Résultats préliminaires. Douleur provoquée par les
soins, 6ème
journée du CNRD; 2011; Paris. Disponible sur : www.cnrd.fr.
9 - AMBROGI V, TEZENAS du MONCEL S, COLLIN E, COUTAUX A, BOURGEOIS P,
BOURDILLON F. Care-related pain in hospitalized patients : severity and patient perception
of management.
La douleur liée aux soins chez les patients hospitalisés : sévérité et perception par les patients
de la prise en charge]. European Journal of pain. 2014:1-9.
36
Bénéfices du MEOPA en Médecine de ville
Frédéric Maillard1, Eric Bures
2, Dominique Arnel
2, Daniel Annequin
1
1Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur, Hôpital Trousseau, Paris
2Réseau SOS-Douleur à Domicile, Angoulême
Introduction
L’inhalation de MEOPA (Mélange Equimolaire d’Oxygène et de Protoxyde d’Azote)
permet une antalgie de surface et une anxiolyse compatibles avec la majorité des soins de
routine, tout en ayant une grande sécurité d’utilisation.
Ces propriétés font actuellement du MEOPA un médicament incontournable dans les
stratégies de prise en charge de la douleur provoquée par les soins (1-3).
Historique de l’utilisation du MEOPA
Basé sur les propriétés du protoxyde d’azote, connues en anesthésie depuis la fin du
18ème
siècle, le mélange équimolaire avec l’oxygène a été réalisé et mis en bouteille pour la
première fois en 1961 en Grande-Bretagne. Son utilisation en France ne s’est développée que
depuis les années 1990, particulièrement dans certains services hospitaliers pédiatriques.
Doté de l’appellation « médicament » et d’une AMM en 2001, le MEOPA n’est plus réservé
aux seuls anesthésistes, ni au bloc opératoire, et, même si son usage n’est pas généralisé, il a
pu être introduit dans les services de soins (4) ou d’imagerie (5) pour les adultes ou les
personnes âgées (6). En HAD, où il est utilisé régulièrement depuis plus d’une dizaine
d’années il a permis de faire bénéficier aux patients des mêmes conditions d’analgésie qu’en
établissement (7). Pour les dentistes hospitaliers, il améliore la coopération des plus
phobiques (8).
La Sortie de la Réserve Hospitalière (SRH) du MEOPA en novembre 2009 devait,
en théorie, permettre sa plus large utilisation par les professionnels en ville (hors HAD), que
ce soit au cabinet ou au domicile. Certaines spécialités et professions sont susceptibles de
promouvoir son utilisation (9-13) : dermatologues, stomatologues, ORL, dentistes, mais aussi
infirmiers, kinésithérapeutes,… En 2011, A. Verrat a réalisé dans le 11ème
arrondissement de
Paris une enquête téléphonique auprès de médecins généralistes et infirmiers libéraux,
montrant que le MEOPA leur était connu pour respectivement 69% et 68%, mais que son
utilisation effective n’était rapportée que pour 29% et 32%. Ces professionnels estimaient le
37
MEOPA principalement utile pour les soins d’escarres, les réfections de pansement
complexes, les réalisations/ablations de sutures et les toilettes/mobilisations (14).
Des problèmes de financement
Ce produit demeure quasi-absent de l’activité de la plupart des praticiens libéraux.
Déjà mentionné au sujet de l’HAD (7), le problème du mode de financement de son utilisation
en libéral a été à nouveau posé lors de la SRH (10). L’acte « inhalation du MEOPA » n’est
pas identifié à la nomenclature et le médicament lui-même n’est pas couvert par l’assurance
maladie, l’ensemble étant à la charge soit des professionnels de santé, soit, in fine, des
patients. Alors que cette difficulté peut-être gommée dans le cadre d’un établissement de
santé où le budget de sa Pharmacie à Usage Intérieur (PUI) est susceptible d’intégrer la
consommation de MEOPA, le problème surgit immédiatement dans le cadre du colloque
singulier médecin/patient.
Au-delà du cas « MEOPA » l’absence d’évolution parallèle de la législation et de
certains actes effectués pour lutter contre la douleur provoquée par les soins pose depuis
quelques années un problème de valorisation allant à l’encontre d’une prise en charge de
qualité (15), ce qui été encore récemment évoqué par des professionnels de la prise en charge
de la douleur5.
Un film pour lever des obstacles
Le CNRD souhaite contribuer à résoudre les problèmes de financement du MEOPA
afin de permettre à tous les patients d’accéder à ce produit essentiel en matière de douleur
provoquée par les soins.
Pour convaincre professionnels et décideurs de l’utilité et de la faisabilité du MEOPA
en ambulatoire, et en particulier au domicile, le CNRD a réalisé et produit des séquences
vidéos à propos de son utilisation dans ce contexte.
Les conditions nécessaires à cette étude de faisabilité ont pu être réunies grâce à la
présence de deux autres acteurs :
Le réseau « SOS douleur à domicile » situé en Charentes
La société Air Liquide Santé®, fournisseur de MEOPA
5 Il en a été question lors de la 5
ème Journée du CLUD-SP de l’AP-HP, le 9 janvier 2014
38
Le réseau « SOS Douleur à domicile » et son activité6
Le réseau « SOS douleur à domicile » s’est donné pour mission d’améliorer la qualité
de la prise en charge des malades présentant des douleurs aigües ou chroniques des membres
grâce aux cathéters péri-nerveux diffusant une anesthésie loco-régionale. L’objectif du réseau
à sa création était de maintenir ce type de patient à domicile pour répondre, d’une part, aux
exigences des recommandations en matière de qualité des soins (prise en charge de la
douleur), et, d’autre part, à un souci de maîtrise des dépenses de santé, la prise en charge à
domicile de ce type de patient évitant les hospitalisations de longue durée, coûteuses (16, 17).
Le réseau ainsi financé a été à même de rétribuer les actes infirmiers libéraux contribuant à la
prise en charge par cathéters péri-nerveux, en laissant augurer un développement national de
ce type d’initiative (voir à ce propos le film réalisé par le Dr Daniel Annequin en 2006).
La politique actuelle de développement de « réseaux de coordination », plutôt que de
« réseaux de soins » conduit pourtant à la restriction budgétaire à destination de ces actes
nécessaires à la qualité et la continuité des soins, et également facteurs d’économies.
Grâce à son expérience dans le domaine de l’analgésie pour les pansements des
membres inférieurs, le réseau a pu cibler les patients pouvant relever d’une indication au
MEOPA à domicile, soit dans le cas de lésions cutanées dont la gravité modérée remettait en
question la pose d’un cathéter à demeure, soit en cas de complication d’un cathéter déjà en
place.
Organisation générale de l’étude
Formation des intervenants
Au préalable une séance de formation avait été menée dans les locaux du réseau à
Angoulême, en présence d’une trentaine de ses membres. Les objectifs et la motivation de la
démarche ont été présentés, suivis d’éléments de formation théorique (film du CNRD7,
intervention de l’équipe d’Air Liquide Santé®), mais aussi pratique (maniement du matériel
sur place), et de séances de questions/réponses.
6 visiter le site internet du réseau https://www.sos-douleur-domicile.org/
7 « Utilisation du mélange oxygène protoxyde d’azote (MEOPA) chez l’enfant, l’adulte et la personne âgée »,
DVD disponible auprès du secrétariat du CNRD ([email protected])
39
Choix des patients
Aux cabinets des médecins angiologue et dermatologue participant à cette démarche
avec le réseau, les patients reconnus éligibles pouvaient bénéficier du MEOPA dès l’initiation
des premiers soins. Les critères de tolérance et d’efficacité à ce stade permettaient d’opter
pour une poursuite des soins au domicile, par une infirmière libérale.
Déroulement des soins
L’approvisionnement en MEOPA était assurée par le réseau, en lien avec l’infirmière
chargée des soins.
Entre autres, la possibilité d’une sédation consciente, la facilité d’utilisation du dernier
modèle de valve à la demande, l’aide apportée par un membre de la famille ou
l’auto-administration par le patient ont rendu possible cette méthode d’analgésie qui n’a pas
entravé la réalisation des pansements à domicile. Les infirmières ont ainsi pu réaliser leurs
soins tout en gardant un contact verbal avec leur patient.
Lors de cette étude, le MEOPA a été utilisé pour une première patiente lors de séances
de 5 à 6 min qui ont permis la cicatrisation en un mois et demi d’une 1ère
plaie de la jambe
gauche, puis, en moins d’un mois d’une 2ème
, artérielle, douloureuse, apparue ensuite sur la
jambe droite.
Pour la seconde patiente qui présentait une plaie douloureuse circonférentielle,
étendue, qui nécessitait un grattage quotidien et un renouvellement très fréquent de
pansements absorbants : les inhalations de MEOPA avaient lieu une fois par jour le matin
pendant 7 à 10 minutes, alors que le pansement de propreté du soir, moins douloureux,
permettait de s’en passer. Le MEOPA a été utilisé pour une période d’environ 4 mois, puis le
relais a été pris avec des applications locales de crème EMLA®, le grattage étant devenu
inutile.
Tournage des séquences vidéo
Avec l’accord des protagonistes, des images ont pu être tournées à différents
moments : lors de la séance de formation, lors de consultations en cabinet au cours des
premiers soins, ainsi qu’au domicile des patients pour la réfection des pansements. Ces
séquences pourront être consultées sur le site du CNRD, après la 9ème
journée du CNRD, où
40
un film en version courte résumant la problématique et montrant la simplicité d’utilisation du
MEOPA sera projeté.
Pour la réalisation de ces documents vidéos, le CNRD n’a bénéficié d’aucune aide
financière émanant de l’industrie, les seules aides, matérielles, se résumant à la mise à
disposition des locaux du réseau SOS Douleur et le prêt à titre gratuit, par Air Liquide
Santé®, de bouteilles de MEOPA.
Une évolution nécessaire
Les obstacles à l’utilisation du MEOPA en ville ont pour conséquence des soins
imparfaitement réalisés, ou rendus impossibles en dehors d’un établissements de santé compte
tenu de la douleur provoquée.
L’analgésie efficace et sûre au domicile autorise le relais précoce avec les soins
hospitaliers, diminuant la durée des séjours, avec l’opportunité d’une meilleure maîtrise des
couts globaux de santé, dans une démarche gagnant pour le patient – gagnant pour la
collectivité.
Par cette initiative, le CNRD et le réseau SOS douleur à domicile entendent stimuler
les décisions politiques permettant le remboursement du MEOPA et la valorisation des actes
correspondant à son utilisation.
Informer sur le MEOPA et démontrer son efficacité, sa sécurité d’utilisation dans le
secteur libéral doit lever les freins rencontrés chez certains professionnels, mais doit surtout
conduire les décideurs à modifier leur approche dans le contexte actuel de développement des
soins ambulatoires.
Comme le souligne le Dr A. Chateau dans son travail de thèse (18), lors de soins
programmés (en dentisterie ou en dermatologie, par exemple), l’établissement à priori d’un
« devis MEOPA » peut conduire à une participation financière librement consentie par le
patient, mais dans des cas de situation d’urgence le patient doit alors faire ce choix sous la
contrainte de la douleur, facturation à l’éthique discutable…
L’évolution du mode de financement du MEOPA est nécessaire pour le secteur dit
« de ville » et met les professionnels de santé devant leurs responsabilités déontologiques
comme les décideurs devant leurs valeurs et idéaux politiques.
41
Références (pages internet accédées le 04/09/2014)
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les soins, 1ère
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MEOPA en HAD : étude MEOPHAD - Résultats préliminaires. Douleur provoquée par les
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journée du CNRD; 2007;
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42
14. Verrat A. Évaluation du recours au MEOPA en médecine de ville. Thèse pour le
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15. Ortiz M, Calvino S. Prise en charge des douleurs induites : évolutions récentes.
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16. Bures É, Rivet P, Steiner T, Stoll G, Combret C, Etienne G, et al. De la douleur à la
cicatrisation : traitement du patient artéritique à domicile par cathéter périnerveux continu de
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18. Chateau A. Utilisation du mélange équimolaire Protoxyde d’Azote – Oxygène en
cabinet de Médecine de Montagne : Identifier et décrire les freins à son utilisation. Thèse pour
le doctorat en Médecine, Diplôme d'état: Université Joseph Fourier; 2012.
43
L’EPP « sans douleur »
Dunia Mutabesha, Ingénieur qualité à l’hôpital Saint-Antoine, GH HUE, Paris 12ème
(75)
Introduction
La politique d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) s’inscrit dans la
politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. L’EPP fait partie intégrante
du développement professionnel continu (DPC) qui, depuis la loi HPST du 21 juillet 2009,
est une obligation pour tous les professionnels de santé.
L'enjeu de l'évaluation des pratiques professionnelles est de répondre aux exigences
légitimes des patients et des usagers du système de santé.
Dans le manuel de certification V2010, la HAS renforce ses exigences en termes de
structuration et de déploiement de la mise en œuvre des démarches d’évaluation des pratiques
professionnelles pour les établissements de santé.
La mise en place de l’EPP doit tenir compte des orientations stratégiques de
l’établissement, et également des orientations nationales ou régionales et des enjeux liés à la
prise en charge des patients, ce qui est le cas de la prise en charge de la douleur, priorité de
santé publique depuis 1998.
Force est de constater que malgré les plans successifs de lutte contre la douleur, et la
reconnaissance du soulagement de la douleur comme droit fondamental de toute personne par
la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé,
il existe encore des malades dont la douleur n’est pas évaluée et n’est pas soulagée.
La douleur est un domaine propice à la mise en place des démarches d’EPP.
Pour aboutir à l’amélioration de la prise en charge de la douleur, donc de la qualité des soins,
ces démarches doivent être portées par les équipes et ne pas reposer uniquement sur
l’expertise des unités ou centres de prise en charge de la douleur.
44
Pour réussir l’équation8 EP2 = AP2, certains principes sont à respecter, notamment
ceux utilisés dans la conduite de projet. Avant de se lancer dans cette démarche, il est d’abord
nécessaire de se poser la question de la pertinence de l’EPP, c’est-à-dire savoir pourquoi,
pour qui, et avec quels moyens, la fait-on, puis définir ensuite une stratégie.
Objectif pédagogique
Cette intervention a pour objectif de donner les quelques principes de base à respecter
pour éviter des écueils et permettre de réussir la mise en œuvre d’une démarche d’EPP.
Le plan suivi sera :
o définition de l’EPP
o les différentes méthodes d’EPP
o principes de base pour réussir une EPP
o exemple d’EPP en imagerie interventionnelle dont les conditions de réalisation seront
analysées.
L’EPP : du concept à la réalisation
Définition
Le décret du 14 avril 2005 définit l’EPP comme « l’analyse de la pratique
professionnelle en référence à des recommandations et selon une méthode élaborée ou
validée par la Haute Autorité de Santé, et qui inclut la mise en œuvre et le suivi d’actions
d’amélioration des pratiques. »
La démarche d’EPP est une approche intégrée à l’exercice professionnel. C’est une
démarche structurée d’amélioration des pratiques et de la qualité des soins, dans le but
d’assurer un meilleur service rendu aux patients par les professionnels de santé. Elle vise à
promouvoir la qualité, la sécurité, l’efficacité et l’efficience des soins et de la prévention et
plus généralement la santé publique, dans le respect des règles déontologiques.
8 L’AP2 est un système de recensement des programmes d’EPP à l’AP-HP répertoriant tous les programmes
d’Analyses et d’Amélioration des Pratiques Professionnelles (AP2) développés par les professionnels de santé, et
on sait par ailleurs que EPP = EP2…
45
Méthodes d’EPP
Dès lors qu’un enjeu d’amélioration de la qualité et la sécurité des soins est identifié,
toute démarche ou programme comparant des pratiques réalisées à un référentiel de bonnes
pratiques correspondant est une démarche valide d’EPP.
Néanmoins, la HAS n’a validé que certaines méthodes. Ce sont ces méthodes que nous
aborderons uniquement. Elles sont issues de plusieurs approches. En règle générale, Le choix
de la méthode se fait au regard de l’objectif que l’équipe veut atteindre.
Objectifs de l’EPP Approche Exemple de méthodes utilisées
Réaliser le bilan d’une pratique au
regard de l’état de l’art
Approche par
comparaison à un
référentiel
Audit clinique/ciblé
Enquête de pratique
Revue de pertinence
Améliorer une prise en charge
Maitriser les risques d’un secteur
ou d’une activité
Approche par processus
Analyse de processus
Chemin clinique
Analyser et traiter des évènements
indésirables
Traiter un dysfonctionnement
Approche par problème
Revue de mortalité –morbidité
Méthode de résolution de problème
Analyse des processus
Analyse des causes
Surveiller un phénomène important
et agir en fonction du résultat Approche par suivi
d’indicateur Mise en place et analyse des indicateurs
Principes de base pour réussir une EPP
Avoir une bonne connaissance de la méthode est nécessaire mais non suffisant pour
réussir la démarche d’EPP. Pour ce faire, il convient de respecter les principes suivants :
Choisir un sujet pertinent, qui répond aux besoins des patients et des professionnels et
qui soit porteur d’un enjeu d’amélioration.
Avoir un soutien institutionnel, témoin de l’engagement de l’établissement dans la
politique EPP et la mise en œuvre de ces démarches. Cela garantit un soutien et un
accompagnement par les directions et ou commissions ad hoc.
Avoir du temps dédié et planifier des réunions de travail.
46
Associer le plus grand nombre possible de professionnels. Une démarche centrée sur
une réflexion partagée des différents acteurs enrichit l’analyse des pratiques, permet
une mise en commun des actions d’amélioration possible et ainsi favorise l’adhésion
de l’ensemble de l’équipe.
Fixer des objectifs clairs et réalisables. L’identification d’objectifs explicites
d’amélioration donne du sens à la démarche. Des objectifs modestes et réalistes
conduisent à des résultats concrets et visibles. C’est un facteur important de
satisfaction et de motivation pour pérenniser le travail.
Choisir une méthode d’EPP adaptée au sujet.
Identifier les recommandations de bonne pratique par rapport à des référentiels valides
et adaptés. Cela garantit la rigueur et la légitimité de la démarche
Définir des indicateurs de suivi simples et pertinents, pour mesurer l’impact des
actions mises en œuvre.
Prévoir un plan de communication et communiquer tout au long de la démarche :
d’abord à l’équipe, puis aux autres services.
S’assurer que les besoins en formations identifiés au décours de ces EPP figurent dans
le plan de formation institutionnel.
Le respect de ces règles permet d’éviter un certain nombre d’écueils à condition d’avoir
un pilote à bord, une personne qui coordonne la démarche et qui est le garant du respect de la
méthodologie.
Exemple d’un programme d’EPP en imagerie interventionnelle
Le programme concerne l’amélioration de la prise en charge de la douleur provoquée
par les gestes (soins) en imagerie interventionnelle, suite au constat de l’absence d’évaluation
systématique de la douleur avec des échelles validées. Les professionnels (MER, AS,
médecins) ne sont pas formés à la prise en charge de la douleur. Par ailleurs le protocole
habituellement utilisé dans le service pour prévenir la douleur provoquée par les soins
(analgésie locale + Perfalgan® ± morphine 1%) semble inefficace selon l’équipe
paramédicale.
La cadre de santé du service décide de mobiliser l’équipe médicale et paramédicale
autour de ce programme avec comme objectifs de permettre :
47
L’évaluation systématique de la douleur des patients à l’aide d’une échelle validée
lors des gestes suivants : biopsie hépatique, autre biopsie, ponction, drainage, chimio
embolisation, alcoolisation.
L’utilisation systématique du MEOPA pour les chimio-embolisations.
Pour ce faire, la cadre de santé s’appuie sur l’expertise du Centre d’Evaluation et du
Traitement de la douleur. Elle constitue un groupe de travail. Elle nomme deux référents
douleur dans le service, qui sont formés à l’évaluation de la douleur et à l’utilisation du
MEOPA.
Le groupe de travail réalise un audit initial qui permet d’objectiver l’insuffisance du
protocole habituel du service pour prévenir la douleur. Mais il n’y a pas de consensus
d’équipe (médicale) quant à l’utilisation systématique du MEOPA pour tous ces gestes. Il est
donc décidé d’utiliser systématiquement le MEOPA uniquement pour les gestes « réputés »
douloureux, c’est-à-dire les chimio-embolisations alcoolisation et les gestes effectués sous
scanner.
Deux ans plus tard, il n’existe pas de mesure d’impact des actions mises en œuvre.
L’EPP a permis d’améliorer partiellement la qualité des soins. Le taux d’évaluation de
la douleur des patients à l’aide d’échelles validées a augmenté, mais l’utilisation du MEOPA
reste insignifiante : deux administrations en un an…
Les raisons de cette absence de résultats sont multiples. Elles découlent d’erreurs dans
la gestion du projet, du manque d’implication de l’équipe médicale en radiologie, de
l’absence de communication avec les services cliniques qui sont supposés « être les
prescripteurs ».
Alors que le choix du sujet était pertinent, les objectifs fixés étaient simples et clairs,
la méthode adaptée au sujet, mais le pilote de la démarche a commis des erreurs stratégiques :
Ne pas associer de praticiens des services cliniques à la démarche en leur demandant
seulement de prescrire et de renvoyer un formulaire attestant que le patient ne présente aucune
contre-indication à l’utilisation du MEOPA :
48
« je soussignée Dr …….déclare avoir pris connaissance des contre-
indications à l’utilisation du MEOPA et atteste que mon patient M. . …
ne présente aucune contre-indication, qu’il a été informé et qu’il est
consentant pour recevoir du MEOPA »
alors que ce rôle de prescription est primordial, en plus de celui d’informer le patient sur les
bénéfices et éventuels effets secondaires du produit.
Ne pas former des professionnels en nombre suffisant, seuls deux manipulateurs sont
formés, aucun médecin du service.
Ne pas communiquer sur la démarche qui a été présentée en dix minutes aux cadres de
santé lors d’une réunion, sans présentation en réunion du CLUD, ou en commission EPP, pas
d’article dans le magazine du GH, etc…
Présenter la démarche comme une obligation liée à la certification :
« chers collègues des services cliniques, dans le cadre de la certification
de notre GH et l’EPP, le service d’imagerie a engagé une démarche
d’amélioration de la prise en charge de la douleur induite… »
Ces erreurs de communication ont contribué au désintérêt des professionnels vis-à-vis
de cette démarche qui pourtant a du sens pour les patients.
Beaucoup de temps s’est écoulé depuis le début de la démarche (un an) pour espérer
avoir des résultats.
Sans doute faudra-t-il clôturer cette EPP et recommencer la démarche en y associant
les bonnes personnes, et en s’appuyant davantage sur les instances et commissions de
l’hôpital pour faire connaitre le projet et permettre son avancée.
En soi, une EPP n’est pas compliquée à réaliser à condition de la conduire comme une
démarche projet, de respecter toutes les étapes méthodologiques et de ne pas s’éloigner de sa
finalité. Il s’agit en effet de permettre l’amélioration des pratiques professionnelles,
c’est-à-dire l’acquisition et/ou le perfectionnement des connaissances et des compétences,
le tout au profit du patient mais aussi du soignant, qui améliore sa pratique et limite ses
situations d’échec : c’est une démarche gagnante.
49
Références bibliographiques
1 - Décret n°2005-346 du 14 avril 2005 relatif à l’évaluation des pratiques professionnelles.
2 - Décret n°2006-653 du 2 juin 2006 relatif à l’évaluation des pratiques professionnelles.
3 - HAS Manuel de certification des établissements de santé, avril 2011.
4 - HAS Evaluations des pratiques professionnelles en établissement de santé publics et privés
participant au service public hospitalier. Version 0-Octobre 2006.
5 - HAS L’audit clinique Bases méthodologiques de l’Evaluation des pratiques
professionnelles.
6 - Loi n°2209-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la
santé et aux territoires.
50
Mise en place d’un protocole Xylocaïne® pour les Intramusculaire en HAD
chez le nouveau-né porteur d’infection
Sandrine Yoncourt1, infirmière puéricultrice coordinatrice
Edith Gatbois1, 2
, pédiatre
1Hospitalisation A Domicile, Assistance-Publique, Hôpitaux de Paris (HAD AP-HP), (75)
2Unité Fonctionnelle de Lutte contre la Douleur, Hôpital Trousseau AP-HP, Paris (75)
Mots clés : Prémédication intramusculaire, nouveau-né, démarche qualité, douleur provoquée
par les soins, hospitalisation à domicile, évaluation des pratiques professionnelles.
1. Introduction
L’Hospitalisation A Domicile de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (HAD
AP-HP) est un établissement public de santé au service des patients qui assure la mise en
place des soins au domicile et la coordination des différents professionnels participants au
projet personnalisé pour plus de 800 patients par jour. Le territoire géographique couvert
comprend Paris et les communes de la petite couronne, réparti en trois secteurs : Nord-Ouest
(N-O), Nord-Est (N-E), et Sud (S).
Une centaine d’enfants bénéficie chaque jour de cette organisation des soins au
domicile. Pour chaque projet personnalisé, les axes d’interventions s’articulent autour de la
prévention, l’éducation à la santé, le traitement vers l’autonomie des familles en préservant la
dimension fondamentale du domicile pour permettre le développement de la vie malgré la
maladie. Les puéricultrices sont le pivot de la prise en charge des enfants en HAD.
Elles interviennent « en première ligne » et interpellent les autres professionnels en fonction
de leur évaluation. La cohérence médicale du projet est évaluée toutes les semaines lors d’un
staff interdisciplinaire piloté par le pédiatre coordonnateur en lien avec le cadre.
L’interface avec les services prescripteurs est assurée par des puéricultrices de
coordination présentes dans chacun des hôpitaux pédiatriques de l’AP-HP.
Les équipes soignantes HAD pédiatrique sont pour la grande majorité composées de
femmes et d’hommes ayant une maturité professionnelle (recul par rapport au soin technique)
qui leur permette de réaliser seul au domicile des enfants malades, des soins de niveau
hospitalier. Ce projet est porté par leur professionnalisme et leur investissement auprès des
enfants.
51
2. Problématique et contexte
A la demande des familles et pour répondre aux contraintes d’organisation de service,
des maternités ont proposé des transferts en HAD de nouveau-nés traités par antibiothérapie
en intraveineux (IV) pour des infections materno-foetales. Ces nouveau-nés, pour la plupart
eutrophes avaient parfois leur capital veineux déjà bien sollicité. Assez vite certains d’entre
eux devenaient « impiquables » autant dans les conditions du domicile qu’après un retour à la
maternité. La poursuite du traitement était alors réalisée par voie intramusculaire (IM).
Malgré l’application d’un anesthésique topique en association avec du saccharose et succion
(mesures antalgiques standards), les scores de douleurs lors de ces soins étaient élevés. Les
puéricultrices ont été à l’initiative d’un changement de pratique.
3. Objectif
L’objectif de cette étude est dans un premier temps d’améliorer la prise en charge de la
douleur lors des IM chez le nouveau-né infecté et dans un second temps d’harmoniser ces
bonnes pratiques auprès des équipes HAD. Ce travail s’inscrit dans une démarche qualité
d’évaluation des pratiques professionnelles.
4. Méthode de travail
Un groupe de travail a été composé de puéricultrices référentes douleur, d’un cadre de
santé, d’un pédiatre et d’un pharmacien.
Le premier temps de notre démarche a été une étude rétrospective à partir de dossiers
pour les nouveau-nés pris en charge en 2011 pour une infection materno-fœtale, suivie de
l’élaboration d’un protocole pour les prémédications des IM avec de la Xylocaïne®, puis dans
un second temps une étude prospective.
4.1. Etude rétrospective
L’analyse rétrospective de 35 dossiers d’enfants traités pour une infection
materno-fœtale sur les 3 unités durant l’année 2011 a permis de relever les scores de douleur
lors des injections, les prescriptions ainsi que les échelles d’évaluation utilisées.
Le choix de l’échelle d’évaluation de la douleur avait été la DAN9 pour 23 dossiers, l’EDIN
10
pour 10 dossiers et 2 par EVENDOL11
.
9 Echelle d’évaluation de la Douleur Aiguë du Nouveau-né
10 Echelle de Douleur et d’Inconfort du Nouveau-né
11 Echelle d’EValuation ENfant DOuLeur
52
Vingt-deux nouveau-nés avaient été transférés pour une infection materno-fœtale avec
un âge moyen de 6,4 jours (3 à 27j), et 13 pour pyélonéphrite avec un âge moyen de 23,7
jours (11 à 28j) soit au total 35 nouveau-nés. L’ensemble des prescriptions initiales des
antibiotiques étaient par voie intraveineuse :
La prescription de Rocephine® concernait 22 nouveau-nés soit 62 %.
La prescription de Clamoxyl® ou Claforan® en 2 ou 3 injections quotidiennes
concernait 12 nouveau-nés soit 34%.
L’association de Clamoxyl® + Claforan® concernait un seul nouveau-né, soit 2%.
La durée moyenne de la prise en charge en HAD a été de 3,8 jours (1 à 8 j).
Cent-onze injections intraveineuses ont été réalisées. Sur 21 tentatives pour reposer un
cathéter, 7 ont été posées avec succès. Vingt-et-un nouveau-nés ont eu 43 injections
intramusculaires après échec de pose de cathéter. Deux enfants ont été ré-adressés à l’hôpital
d’origine.
Quatre nouveau-nés ont eu de la crème EMLA®12
seul en prémédication, trois la mise
au sein seul, et les autres l’association de la crème EMLA® + sein ou saccharose avec
succion.
L’évaluation de la douleur a été faite à l’aide de l’échelle DAN pour 23 nouveau-nés,
l’EDIN pour 10 et l’EVENDOL pour 2.
Seuls les scores réalisés avec la DAN ont été pris en compte. Pour les injections IV
(n=47), ils étaient en moyenne de 1/10. Pour les injections IM (n=43) les scores étaient
supérieurs à 6/10 malgré la prémédication par EMLA, saccharose et succion. Les pleurs des
nouveau-nés étaient prolongés.
Sachant que le nouveau-né est plus vulnérable à la douleur que l’enfant ou le nourrisson
(systèmes de contrôle inhibiteurs immatures), nous avons considéré que ces scores étaient
inacceptables d’où la nécessité d’une mise en place d’une prémédication efficace urgente.
12
Crème anesthésique topique de type EMLA® (lidocaïne, prilocaïne)
53
Mise en place d’un protocole
A partir de l’analyse de la littérature et du protocole mis en place dans le service
d’hépatologie de l’hôpital Bicêtre, le groupe « douleur pédiatrique » a élaboré une première
version d’un protocole de prémédication par la Xylocaïne® tamponnée. Ce protocole
prévoyait d’injecter dans un premier temps la Xylocaine® tamponnée, de désadapter la
seringue, de laisser l’aiguille en place puis de réadapter la nouvelle seringue avec
l’antibiotique. Il avait été validé par les pharmaciens et le CLUD de l’HAD. Il a été testé par
les puéricultrices des unités de soins et très vite modifié pour être réalisable dans le cadre du
domicile (injection en un temps).
Une fiche de recueil de données a été proposée ainsi qu’une prescription pré établie.
4.2 Analyse prospective
4.2.1. Méthode
Cette analyse prospective a débuté en novembre 2012 et s’est poursuivie jusqu’en juin
2014 soit au total 20 mois. Le travail s’est effectué en partenariat avec les services de
maternité (unité kangourou), de néonatalogie et à moindre mesure les services de pédiatrie
générale. Elle a été réalisée par les puéricultrices des 3 unités de soins.
Notre protocole de prise en charge de la douleur lors des injections IM avait été
présenté par l’équipe HAD aux équipes médicales et paramédicales des différentes maternités
et services de néonatologie (hôpitaux Louis Mourier, Bichat, Lariboisière…).
Après échanges avec ces équipes, nous avons modifié, clarifié et simplifié notre
protocole et notre prescription ce qui a permis une étroite collaboration et une relation de
confiance afin de poursuivre l’antibiothérapie au domicile en assurant la sécurité et la qualité
des soins.
Soixante-dix enfants ont été retenus pour cette analyse. Les nouveau-nés de plus de 28
jours ont été exclus de cette étude. Tous les nouveau-nés étaient atteints d’une infection
materno-fœtale.
Les nouveau-nés inclus ont principalement été transférés depuis l’hôpital Louis
Mourier et l’hôpital Bichat.
La voie intraveineuse a été privilégiée dans la mesure du possible.
En cas d’échec de repose de cathéter au niveau du service d’origine, les injections
étaient d’emblée faites en intramusculaire. Quatre re-poses de cathéter ont été faites au
54
domicile lorsque la durée de l’antibiothérapie était supérieure à 4 jours, afin d’éviter la
multiplication des injections IM.
La durée moyenne d’un cathéter était variable d’un enfant à l’autre mais rarement pour
toute la durée de l’antibiothérapie, qui était généralement de 7 jours.
4.2.2. Résultats
Sur les 70 nouveau-nés, 55 soit 79% avaient 8 jours ou moins, 15 soit 21% avaient
plus de 8 jours.
Pour 4 nouveau-nés les fiches n’ont pu être exploitées.
La durée moyenne de l’antibiothérapie au domicile étaient de :
2 jours ou moins pour 18 nouveau-nés soit 26%
3 à 5 jours pour 47 nouveau-nés soit 67%
6 jours à 8 jours pour 5 nouveau-nés soit 7%
La grande majorité des nouveau-nés étaient traités par de la Rocéphine® en une
injection quotidienne (68 nouveau-nés soit 97%) ; seuls deux nouveau-nés recevaient pour
l’un du Claforan® et pour l’autre du Clamoxyl ® en deux injections.
Pour les 66 nouveau-nés dont les fiches étaient exploitables, il y a eu au total 227
injections d’antibiotiques au domicile dont :
132 injections intramusculaires soit 58%
95 injections intraveineuses soit 42%
Vingt-cinq nouveau-nés (38%) ont eu l’ensemble de leur traitement en intramusculaire, 20
(30%) en intraveineuse, et 21 (32%) un relais de la voie intraveineuse à la voie
intramusculaire.
Dans 100% des cas, la douleur a été évaluée. L’échelle d’évaluation de la douleur
utilisée par les puéricultrices lors des injections qu’elles soient IV ou IM était la DAN dans
94%. Malgré l’accompagnement des équipes pour ce protocole, l’évaluation de la douleur lors
des injections a été faite par l’échelle EDIN pour 4 nouveau-nés13
.
13
A cet âge-là l’échelle EDIN est utile pour évaluer la douleur prolongée, pas la douleur aiguë provoquée par les
soins
55
Une attention des équipes a été portée sur l’importance de l’installation du nouveau-né
dans les bras de sa mère (au sein si possible) en association à une succion, du saccharose et la
crème anesthésiante (mesures antalgiques standards), en complément de la prémédication par
Xylocaïne® pour les injections IM.
Sur les 95 injections intraveineuses, 87 ont été évaluées par l’échelle DAN avec des
scores à 0 pour 67 injections (77%), à 1 pour 5 (5,7%), à 2 pour 8 (9,2 %), à 3 pour 5 (5,7%)
et à 6 pour 2 (2,4%) figure 1.
Huit injections ont été évaluées par l’échelle EDIN avec des scores entre 2 et 6 sur 15.
Pour 97,6 % des injections intraveineuses, les scores de douleurs évalués par l’échelle DAN
sont inférieurs ou égaux à 3/10.
Sur les 132 injections intramusculaires, 125 ont été évaluées par l’échelle DAN avec des
scores à 0 pour 41 injections (32,8%), à 1 pour 20 (16%), à 2 pour 17 (13,6 %), à 3 pour 29
(23,2%) et à 4 pour 5 (4%), à 5 pour 6 (4,8%), à 6 pour 2 (1,6%), à 7 pour 3 (2,4%), à 8 pour
1 (0,8%) et à 9 pour 1 (0,8%). Figure 1
Figure 1 : Scores de DAN (0 à 10) pour les injections IV et IM
56
Sept injections intramusculaires ont été évaluées par l’échelle EDIN avec des scores
entre 0 et 6 sur 15.
Pour 85,6% des injections intramusculaires, les scores de douleur évalués par l’échelle DAN
sont inférieurs ou égaux à 3/10 avec une moyenne à 1,9.
L’évaluation de la douleur à 5 minutes après les injections intramusculaires étaient à
zéro/ 10 (DAN) dans 100% des cas.
Le prélèvement sanguin en fin de traitement pour analyse de la C-Réactive Protéine
(CRP) a été le plus souvent réalisé au talon, avec les mêmes mesures antalgiques standards
utilisées lors de l’injection d’antibiotique.
Quarante questionnaires de satisfaction ont été recueillis auprès des familles soit
59,7%. Tous étaient satisfaits ou très satisfaits. Une seule famille, tout en étant satisfaite, a
alerté sur un défaut de coordination entre l’hôpital et l’HAD (sortie décalée de 24 heures sans
que l’HAD soit prévenue, visite au domicile de la puéricultrice alors que l’enfant était encore
hospitalisé).
5. Discussion et conclusion
Les scores moyens de douleur pour les injections intramusculaires évaluées par
l’échelle DAN passent de 7,35 dans l’étude rétrospective à 1,9 dans l’étude prospective.
Pour un nouveau-né, une contre-indication à la Xylocaïne® a été retenue après une réaction
inflammatoire locale après la première injection intramusculaire à l’hôpital.
L’ensemble des nouveau-nés avait eu à l’hôpital une première injection de
Rocéphine® en relais de la bithérapie administrée, par voie intraveineuse ou intramusculaire.
Cette précaution a été choisie pour éviter les réactions de mauvaises tolérances au
domicile. Tous les enfants ont reçu une prémédication par anesthésique topique associée à une
succion en plus d’une solution sucrée ou de la mise au sein (mesures antalgiques standards).
La crème EMLA® était remise par la puéricultrice coordinatrice de l’HAD directement aux
parents avant leur sortie de la maternité.
Cette démarche de changement de pratique a été bénéfique en premier lieu pour les
nouveau-nés et leurs parents et surtout pour les équipes. Le temps d’hospitalisation
conventionnel est réduit. En plus du traitement antibiotique, un accompagnement du retour de
57
la maternité avec renforcement de la relation parent-enfant et les conseils de puériculture sont
mis en place au domicile.
Les soins douloureux au domicile sont perçus comme très éprouvants pour les
puéricultrices de l’HAD. Pouvoir mettre en application des mesures efficaces, à leur initiative
est à la fois valorisant et gratifiant. Ce protocole a montré une bonne efficacité pour la prise
en charge de la douleur lors des injections IM, même s’il est parfois refusé par certaines
équipes que ce soit pour un choix d’antibiotiques différents dans cette indication des
infections materno-fœtales, ou par refus d’utiliser la voie IM.
Cette démarche a fait collaborer l’ensemble des équipes de l’HAD avec nos
partenaires hospitaliers. Ce protocole a été adopté par certains services hospitaliers avec des
témoignages de satisfaction des équipes soignantes. Il a également été présenté à des réseaux
de périnatalogie et au GEN-IF14
.
Annexe 1 : Protocole
Annexe 2 : Prescription pré établie
Références bibliographiques
1 - Recommandations des bonnes pratiques : prise en charge médicamenteuse de la douleur
aigüe et chronique chez l’enfant AFSSAPS nov 2009.
2 - HAS (ANAES) Evaluation et stratégie de la prise en charge de la douleur aiguë en
ambulatoire chez l’enfant de 1 mois à 15 ans Mars 2000.
3 - 17ème
journée de la douleur de l’enfant dec 2010 : Injections IM sans douleur, c’est
possible ! Hélène Darretain*, Dr Élisabeth Fournier-Charrière**
4 - Livret pédiadol douleur de l’enfant, site www.pediadol.org.
5 - Loi du2002-303 du 4 mars 2002, loi Kouchner, droit des malades et à la qualité du
système de santé.
14
Groupe d’Étude en Néonatologie de l’Ile-de-France
63
MEOPA et prévention de la douleur induite chez le sujet âgé
Dr. Véronique Morize, Equipe mobile douleur soins palliatifs
Hôpital Corentin-Celton – Assistance-Publique, Hôpitaux de Paris (75)
1. Introduction
Cette présentation vient faire mémoire d’un travail collectif et collaboratif des équipes
médicales, paramédicales et de pharmacie de l’hôpital Corentin-Celton, 7 années durant
(2005-2012), ayant conduit à la mise en place de l’usage du MEOPA auprès des grands
vieillards pour les douleurs induites par les soins.
La mise en place des démarches qualité dans nos hôpitaux, ces 10 dernières années a
fait grincer les dents de bien des cliniciens, perdus dans les tâches administratives, les
acronymes, les évaluations à blanc, les groupes de certification, les PEP15
et autres cotations.
Peu habiles (et surtout pas formés) à utiliser les concepts des "experts qualité", nous avons
navigué avec perplexité ou agacement dans cet univers nouveau peuplé de mots obscurs :
chemin clinique, audit ciblé, processus d'organisation, procédures, RMM16
, PDCA17
,
indicateurs de soin, brainstorming et logigrammes. Que soient remerciées nos collègues des
directions de soin qui avec patience et persévérance (et comme toujours une longueur
d'avance) ont jour après jour tenté de nous acclimater à cette nouvelle approche, convaincus
que les bonnes pratiques médicales et soignantes ne pouvaient qu'être valorisées par cet
éclairage.
Voici donc, l'implantation d'un traitement antalgique, à ce temps relativement novateur
en gériatrie, soutenue par une démarche institutionnelle relevant des Evaluations de Pratiques
Professionnelles.
Etape par étape, nous relaterons les phases qui ont été nécessaires et utiles à ce
changement de pratique de soin.
Comme toujours, de ces travaux en découlent d'autres ayant permis des constats
cliniques.
Depuis des années la direction des soins de l'hôpital suivait par audits la question de la
prévalence des plaies d’escarres en SSR et USLD (à l'entrée et acquises).
Les travaux de 2005 relevaient des plaies chroniques graves pour 12% en SSR et 6 %
en USLD un jour donné. Soixante-dix-sept porteurs d’escarres pour 282 dossiers audités
15
Pratique Exigible Prioritaire 16
Revue de Morbi-Mortalité 17
Plan Do Check Act (mise en œuvre du processus qualité : préparer, réaliser, vérifier, améliorer)
64
(29 en MCO/SSR et 43 en USLD) porteurs de 114 plaies au total. Pour 40 des patients
porteurs, les escarres étaient évaluées de stades 2, 3 ou 4.
La littérature nous permettait d'évaluer la prévalence des autres types de plaies
chroniques (ulcères) à près de 20% au-delà de 80 ans.
L'implantation de l'EMDSP18
sur le site depuis plus de 5 ans, avait alors permis de
relever nombre de situations où douleur/plaies et fin de vie se trouvaient en interface.
Les patients fragilisés par la polypathologie et le grand âge devenant parfois intolérants aux
prémédications antalgiques et anxiolytiques nécessaires à la réalisation des soins (sédation au-
delà du temps du pansement grevant la bonne prise du repas suivant, facilitateur de fausses
routes de déglutition) et parfois soulagement insuffisant (menant de plus à des détersions
incomplètes).
La structuration de la démarche d'implantation sous forme d'une démarche
institutionnelle de recherche a été rendue incontournable du fait des résistances fortes de la
part des pharmaciens (peur du produit, du coût) et de certains médecins (peur du volet
anesthésique, expériences antérieures infructueuses, crainte de la nouveauté), malgré le recul
déjà acquis en milieu pédiatrique.
L'appui sur les instances locales a été déterminant (cf. CLUD) et parfois limitant
(cf. COMED19
de l’AP-HP), mais a rendu obligatoire la rigueur de la démarche.
2. Phase préliminaire (septembre 2005 - mars 2006)
Appuyé sur les programmes nationaux de lutte contre la douleur (2002-2005) faisant
priorité à la prévention et au traitement des douleurs induites, puis sur le plan d'amélioration
de la prise en charge de la douleur 2006-2010, un petit groupe de professionnels
interdisciplinaire a débuté un travail d'investigation :
- analyse bibliographique de l'existant (surtout pédiatrique),
- recueil des protocoles gériatriques locaux des hôpitaux de l'AP-HP (inter groupe
CLUD- gériatrique).
Forts de ces premiers éléments, a été rédigé un protocole d'usage du MEOPA et de
surveillance adapté aux patients de l'établissement.
Une aide méthodologique a été reçue de l'équipe du CNRD (Centre National de
Ressources de lutte contre la Douleur) pour élaborer un masque de saisie informatique de
relevé des données d'administration et de surveillance (logiciel Epidata 3.1).
18
Equipe Mobile Douleur et Soins Palliatifs 19
COmité du MEDicament
65
Ce groupe noyau a ensuite formé aux indications, contre-indications, méthodes de
délivrance et de surveillance du produit, un groupe de "testeurs délivreurs", volontaires et
répartis dans les différents secteurs de l'hôpital (janvier - mars 2006).
3. Phase de test du MEOPA (ou tour N° 1= état des lieux) (mars - octobre 2006)
Durant cette première phase, les soins sous MEOPA ont tous été réalisés en
compagnonnage avec l'équipe de l'EMDSP sur appel de celle-ci, chargée de
l'approvisionnement du médicament et du matériel. Pour chaque soin réalisé un relevé
exhaustif des données pharmacologiques et cliniques a été réalisé :
Sur 52 soins réalisés auprès de 5 patients : âge moyen 85 ans, altération des fonctions
supérieures pour 50, haut niveau dépendance pour 48 (Karnofsky= 20%), 47 escarres, durée
moyenne 22 minutes (hors USLD), 43 antalgiques associés, 100% bonne tolérance au
masque, efficacité très satisfaisante : 88% ECPA ≤ 5 (score/16) pendant le soin, 2 effets
secondaires mineurs (1 somnolence/1 logorrhée) (- 4%).
Une restitution de ces résultats très positifs au CLUD en novembre 2006 a permis de
lever les dernières résistances et de conduire à l'acceptation du produit par le COMED.
4. Phase d'implantation du MEOPA et d'actions d'amélioration (2006-2008)
Dès lors la poursuite de l'implantation du médicament sur ce secteur gériatrique a
poursuivi plusieurs objectifs :
- une pérennisation du bon usage du MEOPA,
- une autonomisation des services dans leur recours au MEOPA.
Pour ce faire, des sessions de formations locales "aptitude à la délivrance du MEOPA"
ont été proposées aux soignants (infirmiers et kinésithérapeutes) de façon biannuelle par les
membres de l'EMSP (178 soignants formés de 2006 à 2012, suivi du listing nominatif par
secteur, certificat nominatif). Un atelier par semestre a permis la formation des médecins
juniors et séniors (83).
Une réflexion organisationnelle a été menée avec les cadres de soins de secteurs
concernés et la pharmacie (lieux de stockage des bouteilles en cours, commandes des chariots,
des consommables, traçabilité de la prescription et de la surveillance).
66
5. Phase de pérennisation (ou Tour N° 2 de l'évaluation) (octobre 2006-mai 2008)
159 soins ont pu être analysés à partir des feuilles de suivi et de surveillance : 144 en
SSR et 15 en USLD :
Autonomisation pour 30% (soins réalisés sans l’EMSP) :
32% en SSR (46/144) - 13% en USLD (2/15)
Indications ciblées sur spécificités du site :
escarres 56%, ulcères 14%, post amputation 29%.
Sécurité : tolérance conforme à la littérature : 4% effets secondaires.
Population receveuse représentative du site : fonctions cognitives altérées dans 35%
des soins, grande dépendance dans 48% des soins.
Efficacité constatée : auto-évaluation : douleur « absente ou faible » 89%,
hétéro évaluation : ECPA au cours du soin (cotation sur 16) ≤ 4 dans 84%.
Traçabilité délivrance conforme : 100% prescription informatisée Actipidos®.
100% feuilles de surveillance dans dossier IDE.
6. Phase de suivi et poursuite des améliorations (2008-2012)
L'usage quotidien du MEOPA en prévention des douleurs induites s'est très
naturellement élargi en gériatrie (soins de bouche et stomato chez grands déments, extractions
de fécalome) et au-delà, au SSR de médecine vasculaire (soins de plaies quotidiens), à l'HDJ
de rééducation orthopédique (injections de toxine botulique) ainsi qu'au centre du planning
familial (IVG instrumentales). L'accompagnement de cette diffusion a été suivi et favorisé par
les correspondants douleur du CLUD local.
La relecture et réécriture de la procédure est quasi annuelle à partir de la veille
bibliographique.
Devant certaines questions d'organisation, les formations ont été ouvertes aux
aides-soignants, qui peuvent être habilités à la délivrance du médicament sous la
responsabilité d'un IDE dans la chambre (réalise le pansement après avoir surveillé le patient
lors de l'induction).
L'informatisation du dossier de soins infirmiers sur Actipidos® a permis un travail
d'inclusion d'un onglet de suivi du MEOPA, permettant la saisie des données d'administration
et de tolérance.
67
Le suivi des indicateurs s'est élargi au-delà de la gériatrie et simplifié :
consommation annuelle du médicament par chaque secteur de l'hôpital
nombre de soignants et de médecins formés à l'usage et à la surveillance du
médicament.
L'EPP a été clôturée en 2012 (7 ans après) mais une vigilance quotidienne doit être
exercée par l'équipe de l'EMSP, les référents douleur du CLUD et les cadres de soins, si l'on
veut s'assurer de la pérennité et de la sécurité d'utilisation du médicament.
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69
Analgésie - Sédation en urgence préhospitalière lors de la mobilisation de
patients traumatisés - Etude PRESEDOL
Galinski Michel1, Hoffmann Laure
2, Bregeaud Delphine
3, Alhéritière Armelle
1, Kamboua
Mounir4, Ageron François-Xavier
5, Rouanet Catherine
6, Pevirieri Florence
1, Huber Jean-
Christophe7, Istria Jacques
8, Delgado David
5, Ruscev Mirko
9, Noirot Frédéric
10, Lapostolle
Frédéric1, Adnet Frédéric
1.
1APHP, Urgences-SAMU 93, Hôpital Avicenne, Bobigny (93),
2SMUR Centre hospitalier
François Quesnay, Mantes-La–Jolie (78), 3SAMU-SMUR 36, Centre hospitalier de
Châteauroux (36), 4SAMU 91, Centre hospitalier du Sud Francilien, Corbeil Essonne (91),
5SAMU 74 – Centre hospitalier d’Annecy (74),
6APHP, SMUR de l’hôpital Beaujon, Clichy
sur seine (92), 7SMUR de l’hôpital Delafontaine, Saint Denis (93),
8SAMU 83, Centre
hospitalier de Toulon (83), 9SAMU 60, Centre hospitalier de Beauvais (60),
10SAMU 77,
Centre Hospitalier Marc Jacquet, Melun (77).
1. Introduction
Les gestes douloureux provoqués lors d’un soin ou un geste sont particulièrement
fréquents en médecine d’urgence. Un travail avait mesuré un taux de 47%, certains d’entre
eux étant associés à des douleurs intenses 1. Les traumatisés sont particulièrement concernés
par ce type de douleurs que ce soit lors de la mobilisation ou lors des réductions de fracture.
Or ces douleurs sont prévisibles par définition, et il est fondamental de les éviter afin d’en
limiter les conséquences. Les sédatifs efficaces existent puisqu’ils sont largement utilisés en
anesthésie mais ils sont associés à des effets indésirables, certains pouvant être graves
lorsqu’ils sont utilisés par des personnes non formées et non entraînées.
Les recommandations internationales, depuis longtemps et françaises depuis moins longtemps
(2010), ont proposé l’utilisation de ces sédatifs par les urgentistes pour la réalisation de
certains gestes très douloureux 2- 4. Les experts français ont proposé en 2010 l’utilisation
d’un sédatif pour la mobilisation de patients traumatisés lorsque la titration morphinique était
insuffisante 2. Or s’il existe beaucoup d’études sur la réalisation de « sédation-analgésie
procédurale » aux urgences (intrahospitalières), il n’en existe aucune en urgence
extrahospitalière.
Or, en médecine d’urgence extrahospitalière, la traumatologie sévère représente 10 à
15 % de l’activité [5].
L’objectif principal de ce travail était de décrire les modalités thérapeutiques
effectivement utilisées dans cette situation par les équipes extrahospitalières et d’en mesurer
l’efficacité.
70
2. Méthode
Il s’agissait d’une étude observationnelle prospective multicentrique, ouverte, réalisée
du 1er
Janvier 2012 au 30 décembre 2013 par 10 services mobiles d’urgence et de réanimation
(SMUR), 24h sur 24. En France, les urgences médicales extrahospitalières sont prises en
charge par le SAMU qui répond à un numéro de téléphone national unique (N° 15) [6].
Les médecins urgentistes, les régulateurs, répondent à l’appel et décident de la nature de
l’aide à apporter. Lorsque c’est nécessaire, ils peuvent envoyer une équipe médicale.
Cette équipe est composée d’un médecin urgentiste, d’une infirmier(e) spécialisée en
réanimation et d’un ambulancier formé au secourisme. Les ambulances sont équipées de tout
le matériel de réanimation, comprenant notamment les médicaments d’anesthésie et
d’analgésie 6, 7.
Critères d’inclusion et de non inclusion
Nous avons inclus consécutivement tous les patients traumatisés, sans détresse vitale,
communicants et capables de faire une auto-évaluation de la douleur.
Nous n’avons pas inclus les patients en détresse vitale, polytraumatisés, non communicants ou
ayant une barrière linguistique.
Variables étudiées
Nous avons recueillis les variables démographiques et morphologiques (âge, sexe,
poids et taille de la victime), la nature et les circonstances de l’accident, la nature des lésions
principales, la nature du principal geste effectué, l’intensité de la douleur, le niveau de
sédation lors du geste, le délai de récupération après sédation ainsi que la pression artérielle,
la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire et la saturation en oxygène. Par ailleurs, les
traitements antalgiques et sédatifs administrés étaient colligés. Parmi les effets indésirables
attendus, la bradypnée était définie par une fréquence respiratoire inférieure à 10 cycles min-1
,
l’apnée par une pause respiratoire supérieure à 20 secondes, la désaturation par une SaO2
inférieure ou égale à 90%.
Mesure de l’intensité de la douleur
L’intensité de la douleur était évaluée avec l’échelle d’autoévaluation habituellement
utilisée par les soignants, le protocole d’étude ne donnant aucune consigne particulière.
71
Les échelles utilisées étaient l’échelle visuelle analogique (EVA), l’échelle numérique (EN)
ou l’échelle verbale simple (EVS) [5, 8, 9. L’intensité de la douleur était recueillie par
l’équipe à son arrivée auprès du patient, pendant le geste et après le geste. L’intensité de la
douleur pendant le geste était recueillie juste après celui-ci. La douleur était définie comme
modérée à intense si l’EVA ou l’EN était > 3/10 et < 6/10, ou l’EVS égale à 3. Elle était
sévère si l’EVA ou l’EN était 6/10 ou l’EVS égale à 4 2.
Mesure du niveau de sédation
Le niveau de sédation était mesuré avec l’échelle de Ramsay, de 1 à 6, 1 représentant un
patient anxieux et agité et 6 un patient n’ayant aucune réaction à la stimulation de la glabelle
[10].
Critère principal de jugement
Le critère principal de jugement était l’intensité de la douleur et/ou le niveau de sédation
lors du geste. L’objectif thérapeutique était considéré comme atteint si l’EVA ou l’EN ≤ 3 ou
l’EVS <2 et/ou le score de Ramsay ≤3 2.
Analyse statistique
Les variables quantitatives ont été présentées soit avec leurs moyennes et déviations
standard soit avec leur médiane et les percentiles 25 et 75 (Interquartile). Les variables
quantitatives ayant une distribution normale étaient comparées avec un test t de Student et les
autres variables avec un test non paramétrique. Les variables qualitatives ont été présentées en
pourcentage et avec leur intervalle de confiance à 95% et étaient comparées avec un test de
Chi2. Une valeur de p ≤0.05 était considérée comme significative. L’association entre les
modalités antalgiques et sédatives utilisées et leur efficacité a été mesurée avec l’aide d’un
modèle de régression logistique multivariée. Toutes les variables ayant une significativité
définie par p ≤0.2 en analyse univariée ont été incluses dans le modèle. Ces associations ont
été exprimées en Odds Ratio (OR). Nous avons utilisé le logiciel de statistique SPSS 17.0
(SPSS Inc, Chicago, Illinois, USA).
72
Ethique
Cette étude a été revue et approuvée par le Comité de Protection des Personnes de
l’hôpital R. Ballanger (Aulnay-sous-Bois, 93). Une information orale et écrite concernant
l’étude a été donnée au patient.
3. Résultats
Caractéristiques générales
Au total, 208 patients traumatisés ont été analysés. Les caractéristiques générales des
patients sont présentées dans le tableau 1. A l’arrivée de l’UMH20
, la douleur spontanée était
sévère chez 83% des patients.
Vingt modalités thérapeutiques antalgiques et/ou sédatives différentes ont été utilisées
lors de la prise en charge du patient. Ces traitements pouvaient associer un antalgique de
palier 1, du MEOPA, une anesthésie loco-régionale, de la morphine, un sédatif. Au moins un
sédatif (propofol, kétamine, midazolam, étomidate) a été administré chez 115 patients (55%).
Efficacité
Lors de la réalisation du geste, 112 patients avaient atteint l’objectif thérapeutique, soit
un taux d’efficacité de 54% IC95%= 47 - 61.
En analyse multivariée, les variables associées à l’objectif thérapeutique étaient
l’utilisation d’un sédatif, en association ou non avec de la morphine et la réduction d’une
fracture ou d’une luxation (tableau 2). Parmi les patients douloureux lors du geste (N=120),
47% avaient une douleur sévère.
Parmi les 115 patients ayant reçu au moins un sédatif pour le geste, le taux d’efficacité
était de 72% 64 - 80. La distribution des doses des différents sédatifs utilisés et leur
efficacité sont présentées dans le tableau 3.
Effets indésirables
Huit effets indésirables ont été rapportés parmi les patients ayant reçu un sédatif :
2 apnées, une bradypnée et une désaturation, un état d’agitation, une obnubilation et un
vomissement.
20
Unité Mobile Hospitalière
73
Tableau 1 : Caractéristiques générales des patients
Caractéristiques des patients N = 208
Age – Médiane (IQR), ans 38 (23 – 62)
Sex ratio, M (%) 70
Type de traumatologie N (%)
AVP
Chutes
Accidents de sport
Autres
Non renseigné
66 (32)
66 (32)
23 (11)
19 (9)
34 (16)
Lésion unique N (%) 168 (81)
Principales lésions N (%)
Fracture/luxation membre inférieur
Fracture/luxation membre supérieur
Fracture/luxation sans précision
Contusions, plaies
Non renseigné
123 (59)
31 (15)
8 (4)
33 (16)
13 (6)
Geste principal N (%)
Réduction de fracture ou de luxation
Pose d’une attelle
Mobilisation simple
Autres
108 (52)
31 (15)
54 (26)
15 (7)
74
Tableau 2 : Variables associées à l’objectif thérapeutique. Analyse multivariée prenant en
compte l’âge et le sexe des patients dans le modèle.
Variables OR IC95%
Traitement
Morphine sans sédatif
Sédatif et Morphine
Sédatif sans morphine
1
3.1 1.4 – 7.0
8.2 2.0 – 33.1
Geste
Mobilisation simple
Réduction de fracture/luxation
Pose d’une attelle
1
2.9 1.1 – 7.7
Tableau 3 : Distribution des doses des sédatifs utilisée et de leur efficacité
Médiane [Interquartiles] Extrêmes
Sédatifs mg/kg
Kétamine (N=53)
Propofol (N=34)
Midazolam (N=43)
0.33 [0.26 – 0.64]
1.0 [0.83 – 1.56]
0.03 [0.02 – 0.05]
0.11 – 1.66
0.46 – 3.75
0.003 – 0.05
Score de Ramsay (N=105) 3 [2 - 5] 1 - 6
Durée du geste (N=71) 3 [2 - 5] 0 - 20
Délai de récupération min (N=98) 1 [0 - 7] 0 - 30
75
4. Discussion
Ce travail a montré que lors de la réalisation d’un geste chez un traumatisé en
médecine d’urgence extrahospitalière, les modalités antalgiques utilisées étaient très variables.
Près d’un patient sur deux n’a pas atteint l’objectif thérapeutique. L’utilisation d’un sédatif
était significativement associée à l’atteinte de cet objectif mais les effets indésirables n’étaient
pas négligeables.
Un certain nombre de patients a donc eu des gestes douloureux sans sédatif ou une
sédation insuffisante. Un travail avait étudié le souvenir du geste et son association avec la
profondeur de la sédation, la douleur et la satisfaction du patient, lors de la réalisation de
sédations procédurales aux urgences 11. Le souvenir du geste était inversement corrélé à la
profondeur de la sédation. De plus le souvenir était associé aux plus fortes douleurs et à une
plus faible satisfaction des patients 11.
Une sédation efficace permet de réaliser avec succès la plupart des gestes comme l’ont
démontré de nombreux travaux. Les échecs sont le plus souvent associés à une difficulté liée
au geste mais aussi à une sédation insuffisante 12.
Dans la littérature, le taux des complications liées à la sédation varie de 2 à 17 % et
sont exceptionnellement graves 12, 13, 14, 15. Les différentes études ont montré qu’elles
étaient associées le plus souvent à l’utilisation de certains médicaments (midazolam) ou à
l’utilisation mal maîtrisée d’autres produits (propofol).
Ceci montre deux choses, d’une part que certaines molécules doivent être évitées et
d’autre part que des urgentistes entraînés peuvent utiliser ces sédatifs de façon sûre.
Cette maîtrise est en effet indispensable. Un travail avait mis en évidence que lors de
la réalisation d’une sédation pour des procédures aux urgences chez 1402 patients, le taux de
complications était de 3.5%. Celles-ci étaient le plus souvent associées aux sédations les plus
profondes ou effectuées la nuit 14.
Les deux molécules qui ressortent comme les plus sûres dans la littérature et les plus
efficaces dans ce contexte sont la kétamine et le propofol, dans la mesure où les praticiens
connaissent leur maniement 2, 16-18.
5. Conclusion
Dans ce travail, 46 % des patients traumatisés étaient douloureux lors de la
mobilisation. Près de la moitié avait une douleur sévère. L’utilisation d’un sédatif était
associée à une meilleure analgésie lors du geste mais n’était pas dénué d’effet indésirable.
76
Il est important que la sédation lors des gestes très douloureux soit plus systématique dans la
mesure où elle est réalisée par des praticiens formés et entraînés.
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78
Douleurs provoquées par les soins chez l’adulte : succès et difficultés de la
construction d’un audit dans un CHU parisien
Christian Guy-Coichard21
, Lydia Allouch, Rebecca Weinstein, Marie-José Masanes,
Sylvie Rostaing-Rigattieri.
Hôpitaux Universitaires de L’Est Parisien (HUEP, AP-HP), Paris (75).
1. Introduction : la douleur provoquée par les soins
Si la douleur des patients hospitalisés, au fil de trois plans successifs de santé publique
(1998, 2002, 2005), commence à faire l’objet de recommandations d’évaluation systématique
et de prise en charge, les douleurs provoquées par les soins (DPS) ont suscité peu d’études et
leur prise en charge est en conséquence peu standardisée.
La définition la plus consensuelle des DPS semble s’établir autour des caractères aigu,
indu, prévisible, et iatrogène. Ces douleurs sont donc susceptibles d’être prévenues par des
mesures adaptées.
Mais les DPS souffrent, dans le système hospitalier, avant tout d’un manque de
(re)connaissance, contrairement aux douleurs aiguës péri ou post-opératoires. On peut citer
plusieurs hypothèses à ce déficit : la banalisation des situations ou des gestes, la résistance ou
le déni des soignants, la méconnaissance des possibilités thérapeutiques, les représentations
culturelles ou sociales des patients, et le caractère chronique de certaines de ces douleurs.
A l’exception des structures pédiatriques, pionnières dans le domaine, la littérature
médicale est encore assez pauvre sur le sujet. Pourtant, plusieurs enquêtes en France ont
permis d’estimer la fréquence de ces douleurs provoquées, chez l’adulte, entre 30% et 65%
des patients hospitalisés.
Le « Livre blanc de la douleur » rédigé par le Comité d’Organisation des Etats
Généraux de la Douleur en 2005 mettait pour la première fois en avant la nécessité d’une
« amélioration de la prise en charge de la douleur axée sur la prévention », proposant des
démarches d’évaluation des pratiques professionnelles, et l’élaboration de « protocoles de
prévention de la douleur iatrogène ». Ce souhait aura été entendu puisque la prise en charge
de ces douleurs fera l’objet d’une priorité du second Plan National de lutte contre la douleur.
Cependant, la variabilité des situations et des conclusions des études ne permettent
pas, pour l’instant, de définir, à l’échelle d’une structure hospitalière, une stratégie générale de
21
Auteur correspondant. : Christian GUY-COICHARD, Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur,
Hôpital St Antoine, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, 184 rue du Faubourg St Antoine, 75012 Paris.
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prévention et de traitement des DPS. Il reste nécessaire de mieux appréhender l'incidence et le
périmètre de ces douleurs, pour espérer construire des outils de formation efficaces, et une
prévention plus standardisée.
2. Une enquête pilote en 2011
Le Comité de Lutte contre la Douleur (CLUD) de l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP,
Paris) a procédé en 2011, en association avec la Direction des Soins de l’établissement, à une
étude descriptive monocentrique « un jour donné ». L’enquête a été coordonnée et organisée
par un Comité de Pilotage, qui a en outre supervisé la saisie des données et l’analyse des
résultats.
Le Comité de Pilotage a établi une liste de soins et gestes potentiellement douloureux,
couramment pratiqués dans l’établissement (toilette au lit, pose de sonde gastrique ou
urinaire, pansement, transfert sur brancard, ponction d’ascite, osseuse ou hépatique).
Il a également constitué une liste d’enquêteurs soignants (médecins, cadres et infirmières).
Tous les patients majeurs hospitalisés dans l’établissement depuis au moins 24 heures,
bénéficiant le jour de l’enquête d’un soin ou d’un geste médical faisant partie de la liste
précitée, et consentants, ont été inclus dans l’étude. Ont été cependant exclus les patients
présentant des troubles avérés de la vigilance et/ou de la parole ou une démence, et
globalement les services de psychiatrie, de réanimation médicale et chirurgicale, et les
Urgences.
Le jour de l’enquête, les enquêteurs ont établi le matin dans chaque unité de soin
concernée la liste des patients incluables.
Les données ont été recueillies à l’aide d’un questionnaire destiné aux patients inclus,
et d’un questionnaire destiné à l’infirmière en charge du patient. La traçabilité des données
recueillies a été recherchée dans le dossier de soins du patient. Pour les patients ayant
bénéficié de plusieurs gestes potentiellement douloureux, un questionnaire a été rempli pour
chaque geste.
La passation des questionnaires (soignant et patient) avait lieu entre une et deux heures
après le geste potentiellement douloureux. Le questionnaire soignant interrogeait pour chaque
patient inclus l’existence de prescriptions préventives, d’une évaluation avant et après le
geste. Le questionnaire patient relevait la présence ou non d’une douleur, son intensité sur une
échelle numérique, l’existence selon le patient d’une évaluation avant et après le geste,
80
le degré de satisfaction de la prise en charge de la douleur (échelle numérique, valeurs
extrêmes 0 et 10).
Soixante-sept sur les 538 (12,5%) patients hospitalisés le jour de l’enquête répondaient
aux critères d’inclusion et 43 ont signalé une DPS (8% des patients hospitalisés, 64% des
patients inclus), correspondant à 69 gestes ou soins.
Les pansements, les toilettes au lit et les transferts sur brancard représentent les soins
jugés les plus douloureux. La moyenne d’intensité douloureuse est de 5.58 ± 2.55 sur 10 sur
l’échelle numérique (n=80).
Le degré moyen de satisfaction du patient, quant à la prise en charge globale de sa
douleur, est de 6.79 ± 2.57 pour les patients ayant jugé le geste douloureux (n = 61), et de
7.48 ± 2.58 pour la totalité des patients (n=67), semblant évoluer avec les scores de douleur
après le geste.
Dans 24 cas (34.7%), les patients se sont vus proposer un traitement de la douleur
avant le geste. Cela va de 44% (12 cas sur 27) pour les pansements, à 26% (7 cas sur 27) pour
la toilette au lit, 33% pour une pose de sonde (1 cas sur 3), et 0% pour un transfert sur
brancard (sur 5 cas).
L’évaluation de la douleur après l’acte jugé douloureux est signalée par le patient dans
27 cas (42%), alors qu’une trace de celle-ci est signalée dans 84% des dossiers de soins
correspondants. Selon le patient, un traitement de la douleur a été proposé dans 16 cas (25%)
après le geste.
Le croisement avec les questionnaires « soignant » est instructif ; la prévention de la
douleur a été proposée par les infirmières dans 58% des cas (45 cas sur 77) ; ce taux atteint
64% pour les pansements (23 cas sur 36), 59% pour les toilettes au lit (19 cas sur 32).
Quatre-vingt-quatre pour cent des soignants ignorent l’existence éventuelle d’un
protocole ou d’une procédure de prise en charge de la DPS dans leur service.
3. Cet audit pilote débouche sur un plan d’actions…
Quatre-vingt-six pour cent des gestes et soins investigués sont considérés par les
patients comme générateurs de douleurs. La fréquence des DPS n’est donc pas négligeable,
au contraire. La moyenne de l’intensité douloureuse, pour les patients douloureux, est de 5.58
sur 10 (douleur moyenne à intense). La DPS peut donc être, dans un grand nombre de cas,
d’intensité élevée, même pour des actes jugés souvent bénins (toilette au lit, pansement,
transfert brancard).
81
Pour les patients ayant signalé un geste douloureux, seul un tiers s’est vu proposer un
traitement préventif de la douleur avant le geste, et seulement un quart un traitement curatif
après le geste, ce qui est un taux anormalement bas. En parallèle, la douleur n’a été évaluée
après l’acte douloureux que dans 42% des cas. L’octroi éventuel d’un traitement antalgique
est donc probablement doublement filtré par l’opinion de l’évaluateur :
est-il utile d’évaluer la douleur si l’on pense être seul juge de l’utilité d’un
traitement antalgique ?
et pourquoi proposer un traitement antalgique si l’on n’a pas évalué la douleur ?
Le tableau des propositions de traitement antalgique selon l’intensité signalée de la
douleur montre une incohérence générale, en tous cas l’absence d’une démarche structurée.
Ces résultats sont à mettre en regard avec les déclarations des infirmières concernées.
En effet, pour celles-ci, la prévention de la douleur a été proposée dans 58% des cas (64%
pour les pansements, 59% pour les toilettes au lit) ; et une traçabilité de l’évaluation se
retrouve dans 84% des dossiers de soins. Tout ceci incite à renforcer la formation sur la
douleur, et en particulier sur son caractère subjectif, et les préjugés sur la douleur liée aux
soins, et tout particulièrement sur l’évaluation de la DPS, avec des outils et une procédure
codifiés.
Enfin, la présence éventuelle, dans l’unité de soins, d’un protocole de prise en charge
de la DPS est réfutée par 84% des soignants, et cette forte proportion est retrouvée quel que
soit le geste. Que ces protocoles existent ou non, leur utilisation est marginale et peut devenir,
là aussi, un objectif de travail du CLUD.
La satisfaction du patient est malgré tout élevée, malgré les insuffisances de la prise en
charge de la douleur, ce qui est classiquement retrouvé dans les études rétrospectives sur la
douleur. La confiance dans les médecins, l’empathie des infirmières, jouent sans doute un rôle
important dans ce niveau de satisfaction quant à la prise en charge de la douleur, et aussi
peut-être la brièveté de certaines douleurs, dont il n’est pas sûr qu’elles nécessitent un
traitement, voire les représentations propres du patient, ou le soulagement de son anxiété.
Ce sont des pistes que des études ultérieures devront explorer. Cependant, le niveau de
satisfaction permet d’espérer un objectif bien supérieur, en particulier pour les toilettes au lit.
Le CLUD, associé à la Direction des Soins de l’établissement, a pu s’appuyer sur les
résultats de l’enquête pour dresser une liste argumentée d’actions à mener, en terme de
formation des personnels et de révision des procédures de prise en charge de la douleur :
82
cibler les toilettes au lit (et les gestes considérés comme bénins), systématiser l’évaluation a
posteriori, ainsi que les propositions de traitement, améliorer la traçabilité réelle des actions.
Une présentation des résultats a été faite devant le CLUD, ainsi qu’en réunion des
cadres de proximité de l’hôpital. L’audit et le plan d’actions, ont fait l’objet d’un message
d’information sur l’intranet. Un programme de formation à l’évaluation de la douleur a
ensuite été mis en place à l’échelle de l’hôpital, en direction de tous les soignants.
L’investissement des services n’a cependant permis d’avoir qu’un taux faible de participation
(environ 15%).
4. …mais aussi sur une nécessaire évolution de la méthodologie
L’enquête pilote a permis un affinement et une adaptation de la méthodologie pour les
enquêtes suivantes.
Rappelons les critères d’inclusion : patients adultes hospitalisés en hôpital de jour,
ou depuis plus de 24h dans une unité d’hospitalisation conventionnelle.
Critères d’exclusion : patients hors d’état de répondre à une enquête par
questionnaire ; patients hospitalisés dans les unités de psychiatrie ; patients présentant des
troubles de la vigilance, de la parole, de la communication en général.
Le principal biais de l’étude pilote était l’élaboration d’une liste « a priori » et
volontairement restreinte de gestes potentiellement douloureux. Nous avons donc jugé
nécessaire d’adapter la liste des gestes pour chaque catégorie professionnelle (médecins,
infirmières, aides-soignantes), en balayant largement les gestes classiquement réalisés (à
l’exception des ponctions veineuses) :
les toilettes au lit
les transferts sur brancard et brancardages
les pansements (ulcère, escarre, plaie traumatique, post-chirurgical)
les poses et retraits de sondes (urinaires, gastriques, drains, redons)
les ponctions médicales (liste limitative : ponctions artérielles, pose de cathéter
central ou de PiccLine, ponctions-biopsie, ponctions évacuatrices ou
diagnostiques d’ascite, pleurale ou lombaire).
Un deuxième biais dans l’étude était représenté par la rédaction des questionnaires, et
l’interprétation possible de certaines questions. Il ne nous a pas semblé utile de maintenir un
questionnaire « soignant » qui laissait trop de place à la subjectivité, même si la confrontation
83
des points de vue « soignant » et « patient » était intéressante. Ce questionnaire a été remplacé
par un questionnaire « dossier » qui recherche des éléments objectifs d’évaluation de la
douleur (avec outil validé) après le geste, et la proposition d’un traitement antalgique.
Côté patient, le questionnaire a été purgé des questions parfois mal comprises par le
patient (« à quoi attribuez-vous votre douleur ») pour se concentrer là aussi sur des éléments
objectifs : évaluation de la douleur après le geste (échelle numérique EN de 0 à 10),
proposition ou non d’un traitement, évaluation ou non de la douleur après le geste, degré de
satisfaction globale (EN) ; la cohérence globale de l’évaluation est représentée par la question
« accepteriez-vous que ce geste soit refait dans les mêmes conditions ? ». Enfin, le
consentement du patient est sollicité et acté, et l’anonymat est garanti dès le consentement
(voir les questionnaires en annexe).
Un troisième biais était représenté par l’exclusion d’un certain nombre d’unités de
soins, où la faisabilité de l’enquête semblait difficile, mais qui pouvaient cependant être
pourvoyeuses de DPS spécifiques. Nous avons donc intégré, afin de tendre vers une meilleure
exhaustivité, dans les services concernés, les hôpitaux de jour et de semaine, ainsi que les
services de réanimation ou de soins intensifs.
Par ailleurs, le déroulement de l’enquête (bonne participation en termes d’enquêteurs,
mais passivité des services) nous a incités à réfléchir à une plus grande implication des
services : rédaction d’un protocole d’enquête, implication de la direction de la
communication, sollicitation précoce des cadres, et de personnels des services le jour même.
Les chefs de pôle, chefs de service et d’unités de soins, cadres de pôle et de service, sont
sollicités par courrier afin de libérer la journée d’enquête des évaluateurs choisis parmi les
soignants volontaires pour participer à l’étude et les référents du CLUD. Le cadre infirmier
responsable de l’unité de soins a la responsabilité de l’enquête dans l’unité. La liste des
patients éligibles est établie la veille et complétée en début de journée avec le binôme
évaluateur, les dossiers de soins mis à disposition en fin de journée.
5. Résultats de l’audit en 2013
L’enquête a donc été renouvelée en 2013, avec la nouvelle méthodologie. Elle a
concerné 4 pôles et 32 services ou unités de soins. Le nombre d’enquêteurs dégagés est plus
réduit qu’en 2011, signant une moindre mobilisation des services, sans doute partiellement
liée à des contraintes d’effectifs, mais aussi au contexte (pression des procédures de
certification de l’établissement dans les mois précédents).
84
Vingt-cinq services (78%) ont procédé à une présélection en fonction des gestes et
soins prévus ; le taux d’inclusion dans les services ayant joué le jeu de la présélection était de
18.2% (72/395), et de 10.2 % (13/127) dans les autres services concernés.
L’inclusion a été proposée à 85 patients (13.7% des 671 patients présents), 74 ont
donné leur consentement, 11 ont refusé. 89 gestes ou soins sont concernés par l’enquête
(16 patients ont eu deux gestes, aucun plus de 2).
Le ratio F/H est de 1.05, l’âge moyen de 69.8 ans ± 15.8.
L’intensité de la DPS se répartit comme suit : absente 40 gestes ou soins (45%),
faible 23 (26%), modérée 14 (16%) et sévère 11 (12%).
Les toilettes au lit représentent 48.3 % des gestes concernés, les pansements 29%,
les poses ou retraits de sonde 11%, les ponctions médicales 7% et les transferts sur brancard
3%.
Dix-sept pour cent des toilettes au lit et 12% des pansements sont jugés pourvoyeurs
de douleur sévère par le patient (EN >6).
Le degré de satisfaction moyen est de 7.9/10, 85% des patients se déclarent satisfaits
ou très satisfaits (EN>5).
La comparaison des déclarations du patient, et des éléments du dossier, concernant
l’évaluation de la douleur et la proposition d’un traitement antalgique, après le geste ou le
soin, donne le tableau suivant :
Selon le patient Selon le dossier
Proposition de traitement après le geste 19 (21.8 %) 15 (21.7 %)
Evaluation de la douleur après le geste 33 (37.1 %) 9 (13.9%)
Enfin, les enquêteurs ont recherché l’existence, dans les unités de soins, de protocoles
de prise en charge de la douleur induite par les soins, en questionnant soignants et cadres.
L’existence d’un protocole de ce type est retrouvée dans 11% des cas (8 gestes), et l’existence
d’un protocole spécifique pour le geste concerné dans 9% des cas (6 gestes).
6. Discussion et perspectives
Des objectifs de travail confirmés
Malgré les écueils méthodologiques que nous discutons ci-dessous, le second audit
confirme globalement les conclusions et les pistes de travail de la première enquête. Le plan
d’actions, établi conjointement par le CLUD et la Direction des Soins de l’établissement,
85
et qui sera présenté aux cadres de proximité, aura pour axes principaux : systématiser
l’évaluation a posteriori des DPS, ainsi que les propositions de traitement antalgique,
améliorer la traçabilité de ces actions, renforcer la formation du personnel sur les DPS, leur
évaluation et leur prévention, et cibler les gestes jugés bénins et cependant gros pourvoyeurs
de DPS, comme les toilettes au lit.
Par ailleurs, l’enquête peut servir à la construction d’un indicateur annuel ou
bisannuel de qualité de la prise en charge de la DPS sur l’établissement ou le groupe
hospitalier. Cela incitera à dégager des moyens spécifiques de formation et d’évaluation des
pratiques.
Enfin, cet audit a été déclaré comme procédure d’évaluation des pratiques
professionnelles (EPP) au niveau de l’établissement ; cela devrait encourager les diverses
structures concernées (CLUD, DSI, Cellule Qualité) à pérenniser ces actions et leur donner un
caractère régulier.
Une méthodologie difficile à mettre en place, plus cohérente mais toujours à
affiner
Certains écueils méthodologiques ont été levés (les biais signalés au paragraphe 3)
grâce à une enquête pilote préalable. Les unités de soins qui ont joué le jeu de la participation
montrent nettement une bien meilleure qualité des données et une plus grande facilité de
l’enquête. Cependant, d’autres écueils sont apparus, qui tiennent plus spécifiquement à la
mobilisation et la motivation des acteurs. Nous sommes encore loin de l’exhaustivité qui nous
permettrait de faire un état des lieux précis et exhaustif, et de calculer incidence ou prévalence
des douleurs induites par les soins sur l’établissement.
On pourra discuter l’importance des mécanismes de résistance des soignants et de
l’encadrement dans ce domaine, ou au contraire l’importance du contexte, en particulier des
nombreux efforts demandés aux services et aux cadres en termes d’évaluation et
d’amélioration de la qualité. Cela nous oblige cependant à évoquer des adaptations
supplémentaires.
Il est proposé d’ouvrir encore la liste des gestes potentiellement douloureux, en
incluant les ponctions veineuses, écartées au nom de la faisabilité de l’enquête, au prix d’une
réduction importante de l’exhaustivité. La liste inclura donc la totalité des gestes et soins
couramment réalisés dans ces services.
Afin de mieux formaliser la démarche, et de mieux encadrer les différents
intervenants, avant et pendant l’enquête, il a été proposé que cet audit fasse l’objet d’un
86
protocole de recherche. Une recherche de financement spécifique permettrait de dégager des
moyens techniques et en personnel, qui rendraient moins aléatoire la recherche d’exhaustivité.
En particulier, la présence d’un Assistant de Recherche Clinique (ARC) pendant quelques
jours permettrait un meilleur et plus strict encadrement de l’enquête, et un contrôle de qualité.
Ceci ne remplacerait cependant pas le lien indispensable entre la Direction des soins et
l’encadrement de proximité.
7. Conclusion et Perspectives
La prise en compte des douleurs provoquées par les soins doit imposer au préalable un
recensement rigoureux des gestes, une classification de ces douleurs, une identification des
situations génératrices, un inventaire des facteurs de résistance, avant même de pouvoir
songer au volet préventif ou thérapeutique. Parce qu’elles sont la conséquence de gestes
diagnostiques, d’actes thérapeutiques ou de soins, leur prévention et leur prise en charge sont
de la responsabilité des soignants, et tout particulièrement des prescripteurs.
Cette étude pilote, malgré les limitations discutées ci-dessus, à défaut de permettre une
estimation de l’incidence importante des DPS, a mis en évidence un défaut de prise en
compte, par le personnel hospitalier en général, de certaines d’entre elles, associées à des
gestes ou soins jugés, à tort, moins pourvoyeurs de douleur. Elle permet de s’appuyer sur des
données concrètes pour dégager un plan d’actions à l’échelle des services ou de
l’établissement.
Elle a le mérite d’avoir obligé à formaliser progressivement le protocole d’enquête, en
vue d’en faire une évaluation régulière des pratiques professionnelles. Le travail est cependant
loin d’être fini, et la prochaine enquête, en 2015, devrait permettre de poser les bases d’une
possible extension à la totalité du Groupe hospitalier, et pourquoi pas à d’autres
établissements.
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La douleur induite à la réfection des pansements
Adéline Tainmont, Infirmière Ressource Douleur Clinicienne,
Centre Hospitalier Jean Bernard, Valenciennes (59).
« On peut souvent vivre toute sa vie sans avoir besoin de traitement ou de réparation, mais on
ne peut pas vivre sans soin : soigner est différent de traiter ». Marie-Françoise Collière
1. Introduction
Les réfections de pansement sont souvent appréhendées par le patient, la douleur
provoquée par cet acte peut engendrer du stress et de l’anxiété, voire une véritable phobie des
soins. En effet, une douleur non correctement prévenue et traitée, peut entraîner un retard de
cicatrisation et à long terme affecter la qualité de vie du patient.
Cette problématique concerne le patient bien sûr, et également le soignant qui ne peut
réaliser le soin de manière efficace.
Infirmière Ressource Douleur depuis 2011, j’ai réalisé lors de ma prise de fonction,
un recensement des référents douleurs de l’hôpital et fait un état des lieux sur l’existant en
matière de prise en charge de la douleur liée aux soins (moyens pharmacologiques, moyens
non médicamenteux, démarche d’évaluation de la douleur…).
Un tiers des appels au centre de la douleur relevait d’une demande de conseils sur la
prise en charge de la douleur lors d’une réfection de pansement avec de nombreux
questionnements des soignants sur la douleur induite, des demandes de formations se
rapportant au MEOPA, aux moyens non pharmacologiques (distraction, respiration…).
Ainsi, le groupe « douleur et pansement » du CHV (1800 lits) a été créé en vue de mettre en
place des mesures d’amélioration.
Le groupe est constitué d’une interne en pharmacie, d’une cadre, d’infirmières,
d’aides-soignantes « référentes douleur » de services médico-chirurgicaux : hémodialyse,
endocrinologie, dermatologie, chirurgie gynécologique, médecine polyvalente et oncologie.
L’objectif global étant de proposer des recommandations de bonnes pratiques
cliniques pour la gestion de la douleur lors du changement d’un pansement, adaptées aux
spécificités et ressources de chaque service.
89
2. Pourquoi agir sur cette douleur ?
Afin d’éviter et prévenir :
Pour le patient
Un retard de cicatrisation, l’appréhension, la peur des soins, les troubles de l’humeur,
l’irritabilité, la modification de l’image de soi. En effet, au-delà des modifications physiques
liées à la plaie elle-même, les représentations que chaque patient peut avoir de la douleur, de
la façon dont il doit pouvoir la supporter, la surmonter, peut ébranler l’image qu’il a de
lui-même. Cela peut entraîner une perte de l’estime de soi, des troubles du sommeil,
une dépression.
Pour le soignant
Les difficultés à réaliser le soin de manière efficace. En effet, par peur de faire mal, le
soignant peut éviter une détersion trop longue, un lavage de la plaie important, bien que cela
soit nécessaire. Un soin réalisé de cette manière n’est pas suffisamment efficace et va induire
un retard de guérison et des soins sur de longues périodes. Cette problématique rend la
relation avec le patient complexe. Le soignant, pourvoyeur de douleur, peut appréhender lui
aussi le soin, avoir peur de faire mal.
3. Les types de plaies les plus fréquentes
Le mal perforant plantaire
C’est l’essentiel des pansements dans le service d’endocrinologie. Le patient doit se
rendre en soins externes pour réaliser toutes les semaines un suivi et une réfection de son
pansement. Cette plaie est souvent exsudative et inflammatoire. Elle apparaît chez le patient
diabétique à cause d’une hyperpression, d’un durillon ou d’un corps étranger sous le pied
entraînant une ouverture de la peau, et une infection. Le suivi est important et l’exploration de
la plaie également.
L’ulcère artériel et veineux
Cette plaie est particulièrement douloureuse et demande une prise en charge
pluridisciplinaire. C’est une plaie chronique qui engendre des douleurs aigües et chroniques.
L’ulcère artériel est décrit comme étant le plus douloureux.
90
La plaie d’escarre
L’escarre est due à une ischémie provoquée par la compression de la microcirculation
qui est formée par des artérioles et veinules. Cette ischémie entraîne une nécrose des tissus.
Au niveau des artérioles on observe une diminution du flux sanguin, donc de l’apport en
oxygène (hypoxie) et d’une diminution des apports des éléments nutritifs. Au niveau des
veinules on observe une diminution du flux sanguin ce qui entraîne une accumulation des
métaboliques toxiques : CO2 et produits de dégradation des matières organiques.
Les stades de destruction de l'escarre
Stade 0 absence de rougeur
Stade 1 érythème réversible
Stade 2 érythème persistant, phlyctène,
Stade 3 nécrose : plaque noire sèche puis suintante
Stade 4 ulcération : décollement de la plaque noire, nécrose ouverte,
visualisation de l'os
Stades de reconstruction de l'escarre
Stade 0 (noir) nécrose
Stade 1 (jaune) détersion : élimination des tissus
Stade 2 (rouge) bourgeonnement, rétrécissement des bords de l'escarre
Stade 3 (rose) épidémisation
Le récapitulatif des différents types de pansements selon la nature de la plaie est décrit en
annexe 2.
4. Etat des lieux et audit de dossiers
Au sein de l’établissement, nous avons réalisé un état des lieux sur les différentes
pratiques des services de chirurgie et médecine, il en est ressorti un manque d’homogénéité
des pratiques sur la prise en charge de la douleur lors de réfection des pansements, un manque
de connaissances des équipes soignantes sur les traitements antalgiques (délai, durée d’action,
indication par rapport aux types de douleur), une sous-utilisation des outils d’évaluation de la
douleur et un manque de traçabilité de l’évaluation de la douleur avant, pendant, après la
réfection du pansement.
91
Nous avons réalisé un audit de dossiers « un jour donné » en mai 2013 sur des patients
adultes communicants dans plusieurs services choisis par le groupe douleur et pansement.
Sur 32 dossiers audités (19 en format papier, 13 informatisés) et 80 réfections de pansements,
aucun patient n’a bénéficié de méthodes non médicamenteuses. L’évaluation de la douleur à
l’entrée était notée dans 90% des dossiers papiers et 100% des dossiers informatisés dont 93%
avec une échelle adaptée. Vingt-quatre patients sur 32 avaient une prescription anticipée
antalgique. La dispensation antalgique spécifique avant les soins a été effectuée pour 13
patients sur 32 patients.
5. Actions mises en place par le groupe
Nous avons travaillé en sous-groupe selon la fonction de chacun (médecin,
aide-soignant, infirmiers). A partir de la recherche bibliographique sur les douleurs induites
par les réfections de pansements, nous avons réfléchi sur l’installation, le confort,
l’ergonomie, les moyens médicamenteux et les méthodes non pharmacologiques.
Nous avons élaboré une affiche « Prévenir la douleur induite »
Elaboration d’une affiche validée par le CLUD
Cette affiche a été diffusée par chaque référent douleur dans son service de soins et lors
des formations douleur annuelles.
92
Elaboration d’un guide pratique concernant la douleur, disponible en format papier dans un
classeur dans chaque service. Il reprend la partie législative, la définition de la douleur aiguë,
la douleur chronique, la douleur induite et des fiches relatives à la réfection de pansements.
Elaboration d’un mémo avec les délais d’action des médicaments disponibles sur
l’hôpital, affiché dans les salles de soins et en format « poche » ultérieurement.
6. Perspectives
La diffusion du travail du groupe douleur a démarré par le biais de la présentation d’un
poster à la Société Française d’Evaluation et Traitement de la Douleur en novembre 2013,
où j’ai eu la chance de rencontrer l’équipe du CNRD (Centre National de Ressources de lutte
contre la Douleur).
Nous envisageons de refaire un audit en 2015. L’axe principal concernera l’évaluation
de la douleur, la réévaluation et la délivrance dans le meilleur délai d’un antalgique avant la
réalisation d’un soin.
7. Conclusion
Je pense que le plus important est d’être présent sur le terrain. Cela permet d’être à
l’écoute des difficultés des équipes, de faire ensemble et de valoriser leurs compétences.
Le rôle de l’IRD dans la formation est essentiel, je peux, grâce à cela, véhiculer les nouvelles
pratiques, diffuser les informations acquises lors de journées ou congrès spécialisés, comme la
journée du CNRD.
93
Références
1 - LIRON A. Conseils pratiques d'une infirmière conseil en pansements. LA REVUE DE
L'INFIRMIERE. 2007(130):20-2.
2 - La réfection d'un pansement in : THIBAULT P, CIMERMAN P, LIRON A. Douleur liée
aux soins. L'infirmière magazine. 2008;Cahier de formation continue(236):I-XIX.
3 - THIBAULT P, CIMERMAN P. Douleur liée aux soins : prévention et prise en charge.
Objectif Soins. 2008(166):34-9.
4 - MEAUME S, GUIBON O. La douleur au quotidien chez les patients souffrant de plaies
chroniques. Journal des plaies et cicatrisations. 2006;10(56):9.
5 - FROMANTIN, I. Plaies cancéreuses, prise en charge infirmière. Journal des Plaies et
Cicatrisations, 2000(25):15-7.
6 - FROMANTIN, I, CHARITANSKY, H. La détersion en pratique. SOINS. 2007(713):19-
22
GUILLEMIN E. Réfection des pansements vasculaires et gestion de la douleur. LA REVUE
DE L'INFIRMIERE. 2007(130):18-9.
7 - LOBSTEIN A, MARINIER F. Soins infirmiers et huiles essentielles en gériatrie. SOINS
GERONTOLOGIE. 2014(108):29-32.
8 - Maillard, F. Délai d’action des antalgiques : quand réaliser le soin ? [En ligne] 2014 Mars
[consulté le 11 août 2014]. Consultable à l’URL : http://cnrd.fr/Delai-d-action-des-
antalgiques.html
94
Annexe 1 : Grille Audit dossier 2013 « Douleur Induite par les soins lors d’un pansement chez un adulte communicant » Service :
Dialyse/Dossier papier Dermatologie/Dossier informatisé
Endocrinologie/Dossier papier USP/Dossier informatisé
Chirurgie Gynécologique/Dossier papier Médecine Polyvalente/Dossier informatisé
Age du patient :
Type du pansement : Ulcère artériel Ulcère veineux Escarre stade 3 Escarre
stade 4 Escarre stade 5
Plaie de moignon propre plaie de moignon infectée plaie cicatricielle post chirurgicale
Pied diabétique autre, précisez :
Evaluation de la douleur à l’arrivée du patient dans le service
Oui Par une échelle si oui laquelle : Par un commentaire Score :
Non
Evaluation de la douleur lors des soins.
Réalisation pansement J1 Réalisation pansement J2 Réalisation pansement J3
Dispensation
d’antalgique avant le soin
OUI NON OUI NON OUI NON
Evaluation Avant le pansement
OUI : Par une échelle
/ Score :___
Par un commentaire
NON
OUI : Par une échelle
/Score :___
Par un commentaire
NON
OUI : Par une échelle
/Score :___
Par un commentaire
NON
Evaluation Pendant le pansement
OUI : Par une échelle
/Score :__
Par un commentaire
NON
OUI : Par une échelle
/Score :___
Par un commentaire
NON
OUI Par une échelle
/Score:___
Par un commentaire
NON
Evaluation
Après le pansement
OUI : Par une échelle
/Score : ___
Par un commentaire
NON
OUI : Par une échelle
/Score : ___
Par un commentaire
NON
OUI : Par une échelle
/Score : ___
Par un commentaire
NON
Réajustement
thérapeutique selon évaluation
OUI NON OUI NON OUI NON
95
Existe-t-il une prescription médicale anticipée individualisée d’antalgiques ? (si douleur ou si
EVA >...)
Oui Non
Existe-t-il des protocoles de service pour la prise en charge de la douleur induite par le soin ?
Oui Non
Le délai d’action de l’antalgique est-il pris en compte pour organiser le soin ?
Oui Non Non évaluable
La durée d’action de l’antalgique est-elle prise en compte pour organiser le soin
Oui Non Non évaluable
Utilisation de moyens non pharmacologiques à visée antalgique:
Oui Lesquels :
Non
Existence d’une fiche de suivi spécifique :
Oui Non
96
Annexe 2 : Tableau récapitulatif, quelle plaie ? Quel pansement
TYPE DE PLAIE ACTION QUEL PANSEMENT ? CONSEILS Rougeur non fixée SURVEILLER Produit de prévention
ex : Sanyrèn ® / huile de soins
Changement de position toutes les 3 à 4h effleurage, surélévation des membres, matelas anti- escarres
Rougeur Plaie Superficielle
et Plaie Bourgeonnante
PROTEGER Pansement Gras ex: Urgotulle®, Tulle Gras®, Adaptic® Hydrocolloïdes et Plaques minces
ex: Algoplaque® mince Si très exsudatif: Hydrocellulaires et Plaques non adhésives ex: Allevyn®
Ne pas associer aux antiseptiques Lavage Eau et Savon CI: Brûlures 3ème degré, Plaies infectées, Mycoses CI : Plaies Diabétiques et artériopathies stade IV
Plaie Hyper bourgeonnante
REDUIRE LE BOURGEON
Nitrate d'Argent sur prescription médicale
Zone très localisée
Plaie Hémorragique REPARER PREVENIR
Alginates ex:Algostéril®,Askina Sorb®, curasorb®
Lavage de la plaie avec Eau et Savon
Plaie Infectée Malodorante
LUTTER CONTRE L'INFECTION
Pansement au Charbon ex: Actisorb® Pansement à base d'argent sur prescription médicale ex: Aquacel Argent®
Pansement à réaliser tous les jours
Plaie Exsudative ABSORBER Hydrocellulaire ex: Biatain®, Mépilex®, Allevyn® Alginates ex:Algostéril®, Askinasorb®
Réfection du pansement à saturation ou toutes les 48 heures
Plaie tunnelisée DRAINER Alginates mèche ex: Algostéril® mèche
Lavage Eau et Savon Humidifier le pansement si besoin pour le retrait
Plaie cavitaire DRAINER ET REPARER
Hydrocolloïde Gel ex: Comfee®l gel ou Askina® gel Alginate mèche ex: Algostéril® mèche Hydrocellulaires ex: Allevyn coussinet
Lavage Eau et Savon
Plaie fibrineuse Nécrose humide
DETERGER Hydrocolloïde Gel ex: Comfeel® gel ou Askina® gel
Détersion mécanique à associer avec plaque mince ou un film type algoplaque scarification au scalpel si nécessaire
Nécrose sèche HUMIDIFIER DETERGER
Hydrogel ex: Intrasite® gel
Ne pas utiliser d'hydrocellulaire
Nécrose suintante DETERGER Alginates Hydrofibres ex:Aquacel® Hydrocolloïdes
A réévaluer en fonction des sécrétions
Brûlure REPARER Pansement Gras ex: Urgotulle®, Tulle Gras® Hydrocolloïdes en plaques minces
Ne pas utiliser de biogaze car maille coton
97
Annexe 3 : Protocole aromathérapie n°1 Dénomination du protocole
Détente
Objectif du protocole
Provoquer un moment de détente, lâcher prise
Huiles essentielles utilisées
Ylang Ylang 5 gouttes
Petit grain bigarade 5 gouttes
Lavande fine 10 gouttes
Actions recherchées
Ylang ylang : antifatigue et antalgique pour les douleurs profondes
Petit grain bigarade calme et détente
Lavande fine apaise les nerfs et anti douleur
Contre-indications et effets secondaires
Ylang ylang contre indiqué pendant le premier trimestre de grossesse et chez les mamans qui allaitent
Petit grain bigarade pas avant 36 mois chez l’enfant
Lavande fine pas de contre-indication
Mode d’utilisation
En diffusion pendant 20 minutes
Commencer la diffusion 10 minutes avant la réfection de pansement
Date 27/09/2010
Nom et signature du médecin :
98
Prise en charge du patient douloureux en imagerie médicale au Centre
Hospitalier de Gonesse
Élodie Bourreau, Jennifer Rebière, Manipulatrices en électroradiologie médicale et relais
CLUD en Imagerie Médicale, Equipe du service de radiologie, CH de Gonesse,
Val-d’Oise (95)
1. Introduction
Le Centre Hospitalier de Gonesse prend en charge la population du territoire 95-2,
le plus jeune territoire d’Ile- de-France. Il dessert plus de 260 000 habitants.
Avec plus de 900 lits, il assure une prise en charge pluridisciplinaire médicale et
médico-technique et réalise chaque année plus de 25 000 hospitalisations, 75 000 passages
aux urgences et plus de 180 000 consultations externes. Plus de 2 300 bébés voient le jour à
Gonesse chaque année.
Il est également inscrit dans une dynamique des réseaux en cancérologie, pédiatrie et
périnatalité, pédopsychiatrie, gériatrie…
La qualité étant une préoccupation constante au Centre Hospitalier de Gonesse,
il existe de nombreuses instances et comités au sein de l’établissement dont le CLUD, créé
officiellement en 2005. L’instance est organisée pour promouvoir la prévention et la lutte
contre la douleur dans l’établissement en mettant en place des « relais douleur » dans chaque
secteur d’activité clinique et médico-technique.
C’est ainsi que nous, « relais douleur » de l’Imagerie Médicale, souhaitions participer
au même titre que les autres soignants à la prise en charge et à la prévention de la douleur.
Bien que l’imagerie médicale soit le plus souvent un service « de transit », la prise en
charge du patient douloureux nous incombe tout autant qu’aux autres services de soins.
Cette implication est d’autant plus forte que 75 % des patients bénéficient d’examens
radiologiques.
Ces examens peuvent être générateurs de douleur et/ou d’inconfort d’une part par les actions
d’installation et de mobilisation et d’autre part par des actions de soins invasifs liés à
l’examen telles que la pose de perfusion, l’introduction d’une sonde (lavement ou
cystographie), la biopsie ou la ponction …
99
2. Etudes réalisées en 2007 et en 2010 en Imagerie médicale (Dieudonné AGOUNYOH et
Christophe DETILLEUX et l’équipe d’Imagerie Médicale)
2.1 Objectif
Ces deux études avaient pour but d’évaluer la douleur des patients durant leurs
parcours en imagerie médicale.
2.2 Méthodologie
Nous avons distribué aux patients d’imagerie un questionnaire ayant pour but de
déterminer s’ils étaient douloureux et si oui quel était leur score algique.
Les questionnaires ont été distribués à cinq étapes de la prise en charge du patient :
1. Avant leur admission en radiologie (dans leur service d’hospitalisation pour les
patients hospitalisés et chez eux ou en salle d’attente pour les externes)
2. Pendant leur transport avec le brancardier jusqu’en imagerie (patients hospitalisés)
3. Lors de l’installation et/ou le transfert du patient sur la table d’examen
4. Lors de l’examen lui-même (échographie, scanner, IRM, radiographie, examens
spéciaux : lavement barité, cystographie, transit oeso-gastro-duodénal,
hystéro-salpingo-graphie, biopsie, ponction, arthrographie…
5. Après l’examen
2.3 Résultats
Les résultats montraient que dans 25 % des cas le transfert sur la table d’examen et la
manipulation lors de l’examen radiologique provoquaient des douleurs dont le score
dépassait 3 sur l’EN (Échelle Numérique).
2.4 Actions mises en place
L’accent est alors mis sur la formation institutionnelle à la manutention des malades
pour les personnels d’imagerie médicale (manipulateurs et brancardiers).
Conjointement, un atelier de manutention des malades spécifique à l’imagerie est mis
en place par une manipulatrice qui est aussi formatrice manutention des malades dans
l’hôpital et relais douleur. L’atelier consistait à revoir les techniques de manutention
avec un petit groupe et mise en situation dans les conditions réelles d’examen
(utilisation des matériels présents en imagerie : disque de transfert, matelas de transfert
100
et autres…). Le but est de ne pas amplifier la douleur du patient et de ne pas lui
en créer.
De plus, 40 % des patients étaient douloureux avant l’admission en radiologie. Il est
alors décidé de faire figurer sur les prescriptions d’examen l’état douloureux du
patient et son score algique avec les outils d’auto ou d’hétéro-évaluation retenus dans
l’institution.
3. Etude des prescriptions conduite en 2012 (Mme LAME-BOURGUIGNON, cadre
supérieure d’Imagerie Médicale et Mlles Élodie BOURREAU et Jennifer REBIERE,
manipulatrices en électroradiologie médicale).
3.1 Objectif
Cette étude avait pour but d’analyser dans un premier temps le renseignement de l’état
douloureux du patient hospitalisé sur les prescriptions d’examen au scanner, à l’IRM et à
l’échographie.
3.2 Méthodologie
Sur une semaine, 60 prescriptions ont été étudiées nous permettant de savoir :
Si l’état douloureux du patient était renseigné sur la prescription.
Si oui, s’il existe un score algique nous permettant de chiffrer sa douleur avant
l’examen.
3.3 Résultats
Les résultats montraient que l’état douloureux du patient était renseigné dans 68% des
cas.
Dans 29% des cas le patient est douloureux. Mais le score algique n’est indiqué que
pour un quart des patients.
3.4 Actions mises en place
L’action prioritaire est, d’une part, de sensibiliser les personnels de l’institution sur
l’importance de renseigner l’état douloureux du patient sur la prescription. D’autre part, les
professionnels de l’imagerie médicale sont engagés à prendre en compte la douleur du patient
pour la réalisation d’un examen dans les meilleures conditions.
101
La collaboration de toutes les équipes est alors renforcée :
Le personnel d’Imagerie Médicale peut prioriser l’examen d’un patient
hospitalisé connu douloureux et effectuer rapidement son retour dans son service
de soins en réduisant le temps passé en salle d’attente.
Le personnel des services de soins peut mettre en place une action de prévention
de la douleur (prémédication, prise d’un antalgique) et, en accord avec les
manipulateurs et les radiologues, réaliser l’examen dans le temps où l’efficacité
du traitement est maximale.
A distance de ces études, une réévaluation de la douleur des patients tout au long de
leur parcours en imagerie médicale et l’analyse des prescriptions (en incluant la radiologie
conventionnelle) nous permettra d’avoir une prise en charge du patient douloureux optimale.
3.5 Actions envisagées
Nous pourrons ainsi envisager d’autres actions d’amélioration de la prise en charge
des patients douloureux en Imagerie Médicale :
Sensibiliser le personnel à l’utilisation plus systématique du matériel de
manutention et de confort pour les patients lors des examens.
Former le personnel à l’utilisation du MEOPA.
Former les « relais douleur » à l’hypnose.
4- Conclusion
Ces actions d’amélioration de la prise en charge de la douleur s’inscrivent dans la
démarche qualité et suivent les recommandations de l’HAS.
Le service de radiologie fait partie du parcours de soins du patient. La prévention et la
prise en charge de la douleur doivent être considérées et faire l’objet d’un protocole dans les
services médico-techniques.
Cette prise en charge nécessite des mesures d’accompagnement au niveau matériel et
financier et aussi et surtout un investissement humain visant à mettre le bien-être du patient au
centre de notre engagement.
Il serait intéressant, pour poursuivre cette démarche, d’étendre ces études aux autres
plateaux techniques de l’établissement et/ou à d’autres établissements.
102
Références
« Livret d’accueil de l’hôpital de Gonesse » remis aux patients hospitalisés)
Articles
1 - DUGUEY I, POTIEZ E, DIXMERIAS F, MONNIN D, LAKDJA F. Mélange oxygène
protoxyde d'azote (MEOPA) en radiologie interventionnelle : expérience lors des
cimentoplasties percutanées. DOULEURS Evaluation - Diagnostic - Traitement. 2009
(HS 4):A 56
2 - LOISEAU-AUDIRAC M-P, POTIEZ E, PALUSSIERE J. Exemple de prise en charge des
douleurs induites en radiologie interventionnelle. Le manipulateur d'imagerie médicale et de
radiothérapie. 2011(203):10-3.
3 - RENOUF N, LLOP M. Promotion de la bientraitance en imagerie médicale.
LA REVUE DE L'INFIRMIERE. 2012(186):38-9.
Articles en ligne
1 - Balehouane, Z. La prise en charge de la douleur : un défi en imagerie ? [En ligne]. 2013
Octobre [Consulté le 2 septembre 2014] ; Consultable à l’URL:
http://www.cnrd.fr/IMG/pdf/Z%20BALEHOUANE.pdf
2 - Berger, M. Terrier, B. Ancelin-Berger, E. Prise en charge de la douleur provoquée lors
d’examens en imagerie médicale [En ligne]. 2013 Octobre [Consulté le 2 septembre 2014] ;
Consultable à l’URL: http://www.cnrd.fr/IMG/pdf/M%20BERGER.pdf
3 - Maillard, F. Problématique de la douleur en radiologie. [En ligne]. 2013 Octobre [Consulté
le 2 septembre 2014] ; Consultable à l’URL:
http://www.cnrd.fr/IMG/pdf/F%20MAILLARD.pdf
4 - Panaïté, G. Les difficultés de la prise en charge de la douleur
en imagerie médicale. [En ligne]. 2013 Octobre [Consulté le 2 septembre 2014] ; Consultable
à l’URL: http://www.cnrd.fr/IMG/pdf/G%20PANAITE.pdf
5 - Richioud, B. Douleurs provoquées et imagerie médicale : comment améliorer les pratiques
? [En ligne]. 2013 Octobre [Consulté le 2 septembre 2014] ; Consultable à l’URL:
http://www.cnrd.fr/IMG/pdf/B%20RICHIOUD.pdf
104
L’« Antal disque », un outil original pour mieux utiliser les antalgiques
Isabelle Thiltges-Althuser*, Manuela Baccaro**, Noëlle Dhaussy***,
Pascaline Bloch***, Marie Sergio****
(*médecin responsable de l’EMSP du CH de Bar-le-Duc, **médecin assistant spécialiste,
***IDE, ****Psychologue)
Depuis plusieurs années, on souligne des progrès dans la prise en charge de la douleur dans
les établissements de santé avec la mise en place des Comités de Lutte contre la Douleur, la
nomination de référents douleur au sein des services, les formations institutionnelles…
Néanmoins, la prise de conscience de la problématique des douleurs induites est récente : priorité du
deuxième programme national de lutte contre la douleur (2002-2005), définition donnée en France
par François BOURREAU et création du Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur
lors du programme 2002-2005.
« Les douleurs induites sont des douleurs de courte durée causées par le médecin ou les soignants
dans des circonstances de survenue prévisibles et susceptibles d’être prévenues par des mesures
adaptées »
Constats
La création de l’Antal disque est le fruit d’un travail d’une équipe pluridisciplinaire à
Bar-le-Duc composé de l’EMSP, du CLUD’S et du Groupe Référents Douleur, qui font les
constats suivants à l’automne 2012 :
Une étude réalisée en interne par le CLUD en 2006, puis en 2010, retrouve que les
douleurs induites représentent 1/3 des douleurs de l’hôpital. On remarque que ce
chiffre est comparable à d’autres structures hospitalières.
Les formations institutionnelles réalisées entre 2007 et 2010 ont apporté peu
d’améliorations.
L’analyse des dossiers met en évidence qu’un traitement est souvent prescrit mais « le
délai entre la prise et la réalisation du soin n’est pas connu, renseigné et ou
respecté ».
Les outils existants du centre hospitalier (mémentos, protocoles) ou ceux d’autres
établissements sont peu pratiques.
105
Méthodologie et Résultats
L’EMSP et le Groupe Référents Douleur élaborent un cahier des charges d’un outil à
l’usage des soignants afin d’optimiser la prise en charge des douleurs induites.
Le recensement des molécules référencées dans l’établissement en partenariat avec le service
de la pharmacie s’effectue en octobre 2012.
Il est décidé que cet outil renseigne l’ensemble des antalgiques des trois paliers, les
anesthésiques et le protoxyde d’azote, ainsi que les voies d’administration.
L’originalité de « l’Antal disque » est de présenter de manière quasi-ludique les délais
d’action des médicaments.
La première idée de Noëlle Dhaussy, IDE de l’EMSP, est de superposer deux disques
pour permettre la présentation des données.
La deuxième idée est l’utilisation du code couleur universel rouge, orange et vert.
Le vert désigne la période optimum de réalisation du soin selon la biodisponibilité de la
molécule. L’orange, la période où le soin peut commencer ou terminer, et le rouge, celle où le
soin ne doit pas être fait.
Enfin, la troisième idée est l’ajout d’un troisième disque pour permettre de renseigner
l’ensemble des antalgiques et de simplifier la lecture en distinguant les molécules du
palier III.
En novembre 2012, le 2ème
prototype est réalisé par le groupe de travail, et il est décidé
de mettre en place une évaluation qualitative et quantitative.
L’étude se déroule entre novembre 2012 et mars 2013 en 2 phases successives.
La population questionnée est composée d’infirmiers, d’aides-soignants et de
médecins. Les services concernés par la phase 1 et 2 sont différents.
Quatre-vingt-quatre soignants ont participé à la phase 1 qui comporte deux
parties, l’une sur la conception graphique (IA) et l’autre sur l’expérimentation (IB).
Les résultats (IA) mettent en évidence un outil trop coloré, un manque de lisibilité et
une imprécision de l’échelle (n = 38 renseignés).
Les résultats (IB) indiquent que le support est compréhensible mais qu’il comporte
trop d’informations (n = 35 renseignés).
106
L’analyse des résultats de cette première phase permet des ajustements de l’outil tant
au niveau graphique que du contenu.
Le groupe de travail adapte le disque aux exigences hospitalières : format poche,
hygiène, et rédige une notice explicative sous forme d’une pochette reprenant les modalités
d’utilisation et la bibliographie.
Ainsi la version définitive est évaluée par 42 soignants issus de services vierges
d’audits. Les résultats sont un plébiscite avec 93 % des interrogés qui estiment que l’outil est
compréhensible, utile et adapté.
En mai 2013, l’Antal disque est diffusé dans l’établissement. Une version grand
format est créée afin d’être affichée et d’être disponible dans les salles de soins pour
encourager l’utilisation du disque et sensibiliser davantage les soignants dans la lutte contre
les douleurs induites.
Les premiers constats sont la création d’un dynamisme dans la prise en charge de la
douleur dans toutes les unités de soins et la demande de diffusion de l’outil vers d’autres
établissements de santé.
Devant cet enthousiasme, le concept de l’Antal disque est enregistré à l’INPI en juin 2013.
Au cours du deuxième semestre 2013, ce travail est valorisé par l’obtention d premier
prix du concours Hélioscope de la Fondation des Hôpitaux de Paris et des Hôpitaux de
France, le prix poster de la SFETD et le prix poster du comité scientifique des Journées
Internationales de la Qualité Hospitalière et en Santé.
Afin de prouver que cet outil, accompagné d’une sensibilisation aux équipes
soignantes, permettrait une réduction de la prévalence des douleurs induites, une étude
multicentrique est réalisée entre avril et juin 2014 dans le cadre d’un mémoire de DESC de
médecine palliative et médecine de la Douleur. Il s’agit d’une étude d’évaluation de la qualité
des soins selon la technique d’étude « ici-ailleurs »
Cette étude se déroule dans 9 établissements du sud du département de la Meuse.
107
La population concerne des personnes de plus de 18 ans, capables de se soumettre à
une auto-évaluation de la douleur par l’échelle du service et bénéficiant déjà d’un traitement
antalgique de fond.
Deux groupes homogènes de patients sont comparés. Le premier est composé de
patients pris en charge dans des services ou structures sensibilisés par une information sur
l’utilisation de l’Antal disque. Le deuxième est constitué de patients pris en charge dans des
services ou structures qui ne disposent pas de l’outil et ne sont pas sensibilisés à son
utilisation. Les questionnaires ont été mis à disposition des équipes soignantes pendant 3
mois.
Des critères d’inclusion et d’exclusion sont définis, ainsi que les types de soins
(ponction biopsie osseuse (PBO), ponction d’ascite, ponction de plèvre, réalisation de
pansements, toilette, extraction de fécalome….)
A l’issue des 3 mois, 241 questionnaires ont été administrés sur les 2 groupes dont 154
questionnaires ont été renseignés et conformes aux critères d’inclusion et d’exclusion.
L’analyse et la présentation des résultats sont attendues pour le mois d’octobre 2014.
Conclusions
La réalisation ce travail original apporte un nouveau dynamisme dans la prise en
charge de la douleur dans l’ensemble de l’établissement et dans les établissements voisins.
Le fruit d’un travail collectif autour d’un projet a motivé les équipes soignantes et
médicales d’une manière inattendue. Actuellement l’écoute des patients, l’évaluation de la
douleur et les questionnements face aux situations des douleurs induites semblent retenir
beaucoup plus l’attention des soignants du centre hospitalier de Bar-le-Duc.
Des projets de création d’autres outils, à destination des services de pédiatrie ou des
soignants de la médecine de ville, sont en réflexion.
Des rencontres entre libéraux et médecins de l’EMSP sont déjà organisées, la volonté
d’un travail collaboratif est retenue pour permettre la création d’un outil le plus adapté, gage
d’une meilleure adhésion des soignants dans la volonté d’optimiser et de généraliser la prise
en charge des douleurs induites.
108
Bibliographie :
(1) Enquête du CLUD’S Bar le Duc juin 2010
(2) VIDAL 2013
(3) COMPENDIUM Suisse des médicaments 2013
(4) Douleurs rebelles en situation palliative, recommandations de bonnes pratiques.
AFSSAPS juin 2010
(5) MORISSON, S. VASSAL, P, et al. Médicaments administrables par voie sous-cutanée en
soins palliatifs : revue de la littérature et recommandations. Médecine Palliative.
2012;11(1):39-49
(6) COUTAUX A, COLLIN E. Douleurs induites par les soins : épidémiologie,
retentissements, facteurs prédictifs. Douleur et analgésie. 2008;21(3):126-38.
(7) Collectif, DONNADIEU S, WROBEL JC. Les douleurs induites. RUEIL-MALMAISON:
INSTITUT UPSA DE LA DOULEUR; 2005. 192 p
(8) FRAPPE, P. Initiation à la recherche. Global Média Santé; 2011.