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SOMMAIRE Douleurs provoquées, bonnes pratiques et pathologies chroniques Etat des lieux sur la prise en charge des ponctions lombaires, myélogrammes en service d’onco-hématologie ................................................................................................................................. 1 «Quel chemin parcouru dans la prise en charge antalgique d’une ponction lombaire! » ........................ 6 Biopsie de prostate : quelle analgésie ? ................................................................................................. 11 Prévention et traitement des mucites buccales chimio et/ou radio induites .......................................... 16 Douleurs provoquées en secteur libéral Soins infirmiers à domicile : enquête de terrain DOLASI .................................................................... 26 Bénéfices du MEOPA en Médecine de ville ......................................................................................... 36 Evaluation des Pratiques Professionnelles (EPP) : un atout pour changer L’EPP « sans douleur » ......................................................................................................................... 43 Mise en place d’un protocole Xylocaïne® pour les Intramusculaire en HAD chez le nouveau-né porteur d’infection ................................................................................................................................. 50 MEOPA et prévention de la douleur induite chez le sujet âgé .............................................................. 63 Que font les équipes? Analgésie - Sédation en urgence préhospitalière lors de la mobilisation de patients traumatisés - Etude PRESEDOL ................................................................................................................................ 69 Douleurs provoquées par les soins chez l’adulte : succès et difficultés de la construction d’un audit dans un CHU parisien............................................................................................................................ 78 La douleur induite à la réfection des pansements .................................................................................. 88 Prise en charge du patient douloureux en imagerie médicale au Centre Hospitalier de Gonesse ......... 98 L’« Antal disque », un outil original pour mieux utiliser les antalgiques ........................................... 104

Livre Journée 2014

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SOMMAIRE

Douleurs provoquées, bonnes pratiques et pathologies chroniques

Etat des lieux sur la prise en charge des ponctions lombaires, myélogrammes en service

d’onco-hématologie ................................................................................................................................. 1

«Quel chemin parcouru dans la prise en charge antalgique d’une ponction lombaire! » ........................ 6

Biopsie de prostate : quelle analgésie ? ................................................................................................. 11

Prévention et traitement des mucites buccales chimio et/ou radio induites .......................................... 16

Douleurs provoquées en secteur libéral

Soins infirmiers à domicile : enquête de terrain DOLASI .................................................................... 26

Bénéfices du MEOPA en Médecine de ville ......................................................................................... 36

Evaluation des Pratiques Professionnelles (EPP) : un atout pour changer

L’EPP « sans douleur » ......................................................................................................................... 43

Mise en place d’un protocole Xylocaïne® pour les Intramusculaire en HAD chez le nouveau-né

porteur d’infection ................................................................................................................................. 50

MEOPA et prévention de la douleur induite chez le sujet âgé .............................................................. 63

Que font les équipes?

Analgésie - Sédation en urgence préhospitalière lors de la mobilisation de patients traumatisés -

Etude PRESEDOL ................................................................................................................................ 69

Douleurs provoquées par les soins chez l’adulte : succès et difficultés de la construction d’un audit

dans un CHU parisien ............................................................................................................................ 78

La douleur induite à la réfection des pansements .................................................................................. 88

Prise en charge du patient douloureux en imagerie médicale au Centre Hospitalier de Gonesse ......... 98

L’« Antal disque », un outil original pour mieux utiliser les antalgiques ........................................... 104

PROGRAMME

« Douleurs provoquée par les soins : 9ème

journée du CNRD »

16 octobre 2014

Faculté de Médecine des Saints-Pères, Paris 6ème

8h30 à 9H00 – Accueil des participants

Introduction de la journée

9h00 – Discours des intervenants

Madame la Ministre de la Santé ou son représentant

Docteur Elisabeth Collin, représentante de la SFETD au Conseil Scientifique

Docteur Michèle Binhas, représentante de la SFAR au Conseil Scientifique

Professeur Daniel Annequin, Président du Conseil Scientifique du CNRD

Conférence inaugurale

9h30 – « Comment les usagers peuvent-ils aider les professionnels à améliorer leurs

pratiques ? »

M. Thomas Sannié, Paris (75)

Douleurs provoquées, bonnes pratiques et pathologies chroniques

Modérateurs : Dr. Djéà Saravane, Thierry Moreaux

10h00 – Etat des lieux sur la prise en charge des ponctions lombaires, myélogrammes dans les

services d’onco-hématologie

I. Vannier, CHU Tours (37)

10h15 – Quel chemin parcouru dans la prise en charge antalgique d’une ponction lombaire !

A. Nué, Nancy (54)

10h30 – Biopsie de prostate : quelle analgésie ?

P. Mozer, Paris (75)

10h45 – Débat / Questions

11h00 à 11h30 – Pause, visite des stands

Modérateurs : Dr. Elisabeth Collin, Jean-François Cointault

11h30 – Soins de bouche lors des mucites

D. Collangettes, Clermont-Ferrand (63)

11h45 – Méthodes antalgiques chez l’insuffisant rénal dialysé

C. Isnard-Bagnis, Paris (75)

12h00 – Débat / Questions

Douleurs provoquées en secteur libéral

Modérateurs : Dr. Edith Gatbois- Dominique Arnel

12h15 – Soins infirmiers douloureux à domicile : enquête de terrain (DOLASI)

K. Malacarne, A. Manoliu, Paris (75)

12h30 – Bénéfices du MEOPA (Mélange Equimoléculaire d’Oxygène et de Protoxyde d’Azote)

en médecine de ville (vidéo)

F. Maillard, D. Annequin, Paris (75), E. Bures, D. Arnel, Angoulême (16)

12h45 – Débat / Questions

13h15 à 14h30 – Pause déjeuner

Evaluation des Pratiques Professionnelles (EPP) : un atout pour changer

Modérateurs : Dr. Jean-Baptiste Armengaud- Marie Thibaut

14h30 – L’EPP « sans douleur »

D. Mutabesha, Paris (75)

14h45 – Xylocaïne® pour les IM chez le nouveau-né en HAD : comment changer les pratiques

grâce aux puéricultrices ?

S. Yoncourt, E. Gatbois, Paris (75)

15h00 – Evaluation de l’utilisation du MEOPA chez le sujet âgé

V. Morize, Issy-les-Moulineaux (92)

15h15 – Débat / Questions

15h45 à 16h15- Pause, visite des stands

Que font les équipes ?

Modérateurs : Dr. Michèle Binhas, Evelyne Malaquin-Pavan

16h15 – Sédation-analgésie lors de la mobilisation des traumatisés en SMUR :

étude PRESEDOL

M. Galinski, Bondy (93)

16h30 – Douleurs des soins : enquête un jour donné

C. Guy-Coichard, Paris (75)

16h45 – Changement de pansements, changement de pratiques

A. Tainmont, Valenciennes (59)

17h00 – Imagerie médicale : attention aux patients algiques !

J. Rebière, E. Bourreau, Gonesse (95)

17h15 – « L’antaldisque » : un outil original pour mieux utiliser les antalgiques

I. Thiltges, Bar-le-Duc (55)

17h30 – Débat / Questions

18h00 - Clôture de la journée

1

Etat des lieux sur la prise en charge des ponctions lombaires,

myélogrammes en service d’onco-hématologie

Dr Isabelle Vannier

Unité médicale de coordination douleur, soins de support, soins palliatifs, CHU Tours (37)

Une douleur provoquée par les soins est une douleur créée par le médecin, le soignant

ou certaines procédures thérapeutiques.

Il s’agit d’une douleur aigue par excès de nociception.

Etant provoquée, elle est prévisible et si elle est prévisible, elle peut, et elle doit, être

prévenue.

Il faut distinguer une douleur provoquée d’une douleur iatrogène, également créée par

les soignants ou par le traitement, mais non intentionnelle et de ce fait beaucoup plus difficile

à prévenir.

Prévention de la douleur provoquée par les soins en cancérologie hématologique

Pourquoi ?

« Parce que c’est la loi » et parce que cela figure également en bonne place dans le

code de déontologie médicale, article 37, ainsi que dans les textes relatifs aux soins infirmiers

(décret n°194 du 11/02/2002).

Les établissements sont aussi tenus responsables de la prise en charge de la douleur dans la

charte du patient hospitalier (circulaire 95/22 du 6 mai 1995).

Il est à espérer néanmoins que les professionnels soignants n’aient pas besoin de loi

pour s’engager à prévenir les douleurs provoquées par les soins, alors que les motivations sont

multiples, humaines et empathiques avant tout, mais pas seulement.

Nous savons que les douleurs aigües mal gérées sont le lit des douleurs chroniques.

L’absence de douleur lors des soins améliore la compliance du patient face aux soins, aide à

préserver la relation de confiance soignant/patient et améliore la qualité de vie pendant la

prise en charge globale de la maladie.

2

Quand ?

Le plus souvent possible !

Le mot « toujours » n’existe pas en médecine et on ne peut pas être constamment

efficace sur les douleurs provoquées. L’analyse des facteurs responsables de la non prise en

charge des douleurs provoquées est importante à réaliser, pour améliorer la prise en charge en

améliorant les pratiques.

Comment ?

En cancérologie hématologique, deux gestes sont essentiellement reconnus comme

douloureux :

la ponction lombaire

la biopsie osseuse

La bibliographie nationale et internationale est très pauvre. Cela dit, des

recommandations de bonnes pratiques pour l’exécution de ces gestes invasifs chez l’adulte

atteint de cancer hématologique existent. Elles ont été élaborées lors d’un travail collégial en

2005 et sont consultables en ligne. Il s’agit des « standards options et recommandations pour

la prise en charge des douleurs provoquées lors des ponctions lombaires osseuses et

sanguines chez l’adulte atteint de cancer ».

Chacun peut donc se reporter à ces recommandations en ce qui concerne la technique de

la prévention des douleurs, en sachant que l’équipe rédactrice a insisté sur des

recommandations de bonnes pratiques qui s’ajoutent aux recommandations de pratique

clinique déjà présentées pour chaque geste invasif :

o Il faut systématiquement évaluer la nécessité d’effectuer un geste invasif douloureux.

o Tout geste invasif doit être exécuté par une personne formée utilisant un matériel

adapté.

o La mise en œuvre d’une intervention à visée antalgique et/ou anxiolytique doit

impérativement respecter le délai d’action du produit et la durée d’action de

l’intervention.

o Une évaluation systématique de la pénibilité du geste pour le patient doit être

effectuée, le résultat de chaque évaluation devant éventuellement modifier la prise en

charge si elle n’est pas satisfaisante.

3

En ce qui concerne la ponction lombaire, les recommandations sont donc :

apposition d’un pansement de lidocaïne / prilocaïne 120 minutes avant la

ponction ;

utilisation du MEOPA ;

utilisation d’aiguille fine.

Pour la prise en charge de la douleur liée aux ponctions osseuses chez l’adulte atteint de

cancer :

infiltration d’un anesthésique local ;

utilisation du MEOPA ;

cette prise en charge, au moment de l’acte, peut être complétée par l’application

topique d’un mélange de lidocaïne/prilocaïne 120 minutes avant le geste

associée à une prise d’opioïde, éventuellement d’un anxiolytique si le patient est

anxieux.

En ce qui concerne l’anxiolytique, on utilisera un anxiolytique de durée d’action

courte, administré 30 à 60 minutes avant le geste.

En ce qui concerne l’opioïde, soit le patient a un traitement de fond et on pourra

utiliser une interdose de 1/6ème

à 1/10ème

de la dose journalière ou une interdose de Fentanyl®

transmuqueux.

Si le patient ne prend pas de traitement opioïde de fond, il faudra donner une interdose de 5 à

10 mg de morphine.

L’idéal serait que ces recommandations soient toujours appliquées.

Des « bruits de couloir » laissent à penser que ce ne serait pas le cas. Nous avons

complété le rappel de ces recommandations par une enquête, un « quick audit » fait auprès

des soignants et des patients du service d’hématologie de notre hôpital afin d’avoir leur avis et

leur ressenti lors de ces gestes douloureux.

Nous avons interrogé 7 infirmières (4 en Hôpital de Jour et 3 en Hospitalisation

Complète) et 4 médecins (3 internes et 1 senior).

4

En résumé :

o Tous les gestes sont considérés comme douloureux (plus de 5/10 pour les IDE et plus

de 4/10 pour les internes et…à 2/10 par le médecin senior).

o Pas de protocoles écrits ; on se passe le « message » de collègue en collègue, et de

génération en génération.

o Les recommandations ne sont pas connues. Ce ne sont « que » des recommandations.

Cela laisse peut être trop de « liberté » d’interprétation par les intervenants et ce

d’autant plus que l’évaluation est plus difficile en raison du contexte psychologique

particulièrement délétère.

o Tous les patients ont une anesthésie locale (patch ou injection) dans de bonnes

conditions.

o Le MEOPA n’est pas proposé de façon systématique (alors qu’il est jugé comme

potentiellement efficace !). Il serait « possible » de le proposer systématiquement pour

les internes et « nécessaire » de le faire pour les IDE.

o Pas d’adaptation en fonction du profil du patient.

o Pas d’adaptation de la prise en charge de la douleur si lors d’un premier examen ou

d’une première tentative cela c’est mal passé.

Les freins que nous avons pu retrouver :

o Banalisation du geste par les soignants et par les patients.

o C’est une douleur d’intensité moyenne du fait de l’anesthésie locale, et de courte

durée :

il existe une acceptation par le patient (« y a pas le choix »), peu de patients se

« plaignent ».

o « Quand ça suffit [ce type d’analgésie] pour l’un ça doit suffire pour les autres ».

Une enquête observationnelle avait pourtant bien montré l’intérêt tant pour les patients que

pour les soignants d’une analgésie inhalée, globalement et dans les principaux actes

diagnostiques et de soins douloureux réalisés (« étude Serena »). Cette étude avait porté sur

les myélogrammes.

5

Quelques pistes d’amélioration :

Systématisation du MEOPA. L’utilisation de ce médicament semble évidente pour les

enfants mais il persiste quelques réticences pour les adultes. (« Y en a qui supportent

pas du tout »).

Protocole écrit et tracé. Cela serait plus incitatif et cela permettrait d’identifier les

patients qui n’ont pas bien « répondu ».

Nécessité d’adapter le protocole pour tout nouveau geste si le geste antérieur s’était

mal passé (d’où l’importance de la traçabilité).

Références

1. Circulaire DGS/DH n° 95-22 du 6 mai 1995 relative aux droits des patients

hospitalisés et comportant une charte du patient hospitalisé.

2. Annequin D, Carbajal R, Chauvin P, Gall O, Tourniaire B, Murat I, Fixed 50 %

nitrous oxygen mixture for painful procedures : A French survey. Pediatrics 2000 ;

105 : E47.

3. Décret n° 2002 du 11 février relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la

profession d’infirmier.

4. Krakowski I, Theobald S, Fabre N, Binhas M, Collin En Duclos R, et al.

Recommandations pour la pratique clinique 2005 : standards, options et

recommandations pour la prise en charge des 170 établissements de santé publiée par

l’Anaes en septembre 2004.

5. Chvetzoff G. Prise en charge de la douleur induite par les gestes techniques en

cancérologie. Rev Prat 2006 ; 56 : 2004-8.

6. Code de déontologie article 57 « en toutes circonstance, le médecin doit s’efforcer de

soulager les souffrances de son malade, l’assister moralement et éviter toute

obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique ». 2008.

7. Bordes-Demolis M. Gestion des douleurs induites en pédiatrie : JARCA 2008.

Disponible sur : http://reanesth.chu-

bordeaux.fr/onglets/formatio1/retrouve/jarca/jarca_2008/articles/pedia/03_bordes.pdf

(consulté le 17/09/2014)

8. Alain Serrie, Ivan Krakowski, Claire Delorme, Pierre Beltramo, François-André

Allaert, Analgésie inhalatoire : expérience et soulagement des patients (Etude Séréna).

Douleurs 2012 ;13 :115-123.

6

«Quel chemin parcouru dans la prise en charge antalgique d’une ponction

lombaire! »

Angeline Nué, Infirmière référente douleur, Institut de Cancérologie de Lorraine (ILC),

Alexis Vautrin, Nancy, (54)

1- Introduction

Au tout début… C’est Heinrich Irenaeus Quincke en 1891 qui fut le premier médecin

et chirurgien allemand à introduire la ponction lombaire. Mais aucune notion écrite n’a été

retrouvée sur l’antalgie utilisée…

Que de chemin parcouru depuis ces années !!! Infirmière en cancérologie depuis

15 ans, j’ai pu apprécier l’évolution de la prise en charge de la douleur, tant au niveau du

matériel utilisé, des médicaments prescrits, de la prise en charge non médicamenteuse qu’à

travers l’écoute et l’attitude des soignants vis-à-vis des patients bien souvent anxieux à l’idée

de subir cet examen.

Voici quelques exemples des douleurs induites en cancérologie :

Gestes et prélèvements diagnostiques : ponctions, biopsies, mammographies, etc.

Chirurgie : douleur post-opératoire, ablation de drain, pansements, douleur

neuropathique séquellaire ;

Radiothérapie : radiodermite, radiomucite, oesophagite, rectite, cystite, plexite radique

Oncologie : chimiothérapie (mucite, douleurs articulaires, musculaires) ;

Immunothérapie (syndrome grippal), traitements de support (facteurs de croissance,

antiémétiques, etc.).

L’arrivée du MEOPA au début des années 2000, la publication en 2005 des

« Standards, Options et Recommandations pour la prise en charge des douleurs provoquées

lors des ponctions lombaires, osseuses et sanguines chez l’adulte atteint de cancer » (SOR)

ont été une réelle aide dans la prévention de la douleur liée à cet acte.

2- Objectif

L’objectif de cette communication est de vous faire partager l’expérience de la prise

en charge des douleurs lors des ponctions lombaires au sein de l’ICL.

Cette communication est basée essentiellement sur les travaux réalisés dans

l’établissement et sur mon expérience personnelle en tant qu’infirmière référente douleur

depuis 2006.

7

Au sein de l’ICL, le CLUDS a été créé en 1999 sous l’impulsion du Pr. I. Krakowski.

En 2000, le premier poste d’infirmière douleur a été créé.

Dès lors la prise en charge de la douleur est restée une priorité pour l’établissement.

2-1 Etude 1999

Une enquête multicentrique a été publiée en 1999 sur l’évaluation de la douleur des

gestes invasifs répétitifs en cancérologie adulte [1].

Après la diffusion des résultats de l’étude, il nous est apparu essentiel de former le

personnel soignant (médical et non médical) à la prise en charge des douleurs induites ;

Particulièrement lors des ponctions lombaires, acte assez fréquent en cancérologie que ce soit

à visée diagnostique ou à visée thérapeutique.

Les résultats ont permis une prise de conscience de la douleur, en particulier par le personnel

infirmier à qui s’adressent en premier les patients.

Les patients se plaignent auprès :

o des infirmières (47%),

o des médecins (23%),

o n’en ont jamais parlé (40 %).

Les réactions observées des patients lors des ponctions sont :

o l’appréhension,

o la crispation et la nervosité,

o la résignation, l’acceptation.

2-2 Etude 2001-2002 sur l’intérêt du MEOPA

Dans le même temps, une nouvelle étude concernant un analgésique a été effectuée sur

le MEOPA. Le Centre Alexis Vautrin est un des 20 Centres de lutte contre le cancer.

Une étude de faisabilité sur l’intérêt du Kalinox® a été réalisée du 17/07/01 au

30/06/02 dans le cadre de la prise en charge des gestes invasifs dans l’ensemble de

l’établissement avant l’éventuelle généralisation de la méthode.

Les membres du CLUDS ont été impliqués dans cette étude. Cent quarante-deux

patients ont été inclus.

8

Objectifs

Objectif principal : déterminer si l’utilisation de Kalinox® permet d’améliorer la

prise en charge des douleurs provoquées par deux actes douloureux (en principe :

l’ablation des drains chirurgicaux et la réalisation de BPO. Décision finale des

gestes, après le retour des questionnaires), par une amélioration du contrôle

antalgique lors de la réalisation des gestes. L’évaluation du contrôle de la douleur

se fera par une mesure prédéfinie de l’EVA au décours de la procédure.

Objectif secondaire : évaluer la toxicité de la méthode, déterminer s’il existe une

différence d’efficacité et d’appréciation de la douleur au sein des deux groupes de

patients déterminés.

Méthode

Une étude randomisée, comparative en double aveugle, de phase IV, multicentrique,

franco-espagnole a été réalisée.

Une stratification en 2 groupes a été faite : patients présentant un fond douloureux

chronique préexistant vs patients sans douleurs au moment de l’inclusion.

Critère d’évaluation principal : Evaluation de la douleur provoquée : mesure d’EVA

Résultats

Cent quarante-trois patients ont été inclus, les gestes les plus fréquents ont été :

ablation redon, soins de nursing, MPBO, ponction lombaire et pansements complexes

(escarres, plaies tumorales).

L’étude a montré une bonne efficacité et une bonne tolérance du produit dans la

plupart des gestes testés.

Suite à cette étude, la nécessité d’utiliser le Kalinox® pour certains gestes a été

décidée par le CLUDS, la pharmacie et la Direction.

3- Audit et enquêtes réalisées en 2004

En 2004, un audit des gestes susceptibles d’être effectués de façon systématique sous

Kalinox® a été effectué auprès de tous les médecins et cadres du Centre :

9

Résultats

Trois gestes ont été l’objet de l’élaboration d’un protocole (ponction lombaire,

myélogramme et ponction biopsie osseuse, ablation de redon).

Trois autres enquêtes en cours concernant d’autres gestes potentiellement douloureux

conduiront ou non à l’administration systématique de Kalinox® (repérage mammographie

préopératoire des tumeurs, bilan radiologique osseux, ponction d’organe profond).

4- Actions mises en place

Une procédure systématique d’utilisation de la crème EMLA et du MEOPA a été

rédigée et validée au sein du CLUDS et diffusée largement. Plus aucun patient ne

passait à travers les « mailles » du MEOPA lors des ponctions lombaires…

Des formations annuelles ont été mises en place par l’IRD afin de maintenir la

sensibilisation.

Un travail en étroite collaboration avec les pharmaciens de l’ICL a été effectué quant

aux choix du matériel et surtout aux aiguilles à utiliser lors des ponctions lombaires.

Tous les 2 ans, nous avons effectué des enquêtes de satisfaction auprès des patients et

personnel soignant afin d’évaluer les connaissances et les besoins en formation quant à

la prise en charge de la douleur.

Aucune difficulté n’était signalée pour la prise en charge des douleurs induites et

notamment concernant les ponctions lombaires.

Les formations annuelles concernant la prise en charge de la douleur se sont

pérennisées ainsi qu’une formation spécifiquement dédiée au MEOPA.

Cependant, au fil du temps, les participants sont devenus moins nombreux (en 2013,

seulement 6 IDE ont participé à la formation douleur et 8 IDE ont été formées à

l’utilisation du MEOPA…)

Formation de 2 IDE et un médecin à l’hypnose à l’IFH à Paris qui ont pu former 65

personnes à l’hypnose conversationnelle.

On peut penser que de par les nouvelles réformes des IFSI ainsi que la formation

médicale grâce à la création du module 6, tous sont sensibilisés à la douleur provoquée

par certains soins….

Et pourtant….

10

5- Conclusion

L’ensemble de ces études ont permis aux professionnels de tester cette nouvelle

méthode thérapeutique, d’en voir les avantages et les limites, de sensibiliser l’ensemble des

professionnels à la douleur iatrogène et à la possibilité d’améliorer certaines pratiques.

Une opération « coup de poing » a été menée en 2002-2003 au sein de

l’établissement afin de former et de sensibiliser tout le personnel à cette nouvelle technique

soit au total une centaine de personnes.

Dès lors, la formation s’est pérennisée chaque année depuis 2003.

Cependant, il faut toujours rester vigilant car récemment en juin 2014, j’ai été

interpellée dans un secteur de soin par une IDE expérimentée, à propos de l’utilisation du

MEOPA et du matériel à utiliser lors d’une ponction lombaire…

Références

[1] Krakowski, I. Schraub,S. Khayat, D. Serin, F. Monin, S. Evaluation de la douleur des

gestes invasifs répétitifs en oncologie adulte. Résultats d’une enquête multicentrique réalisée

auprès de 584 patients, de 113 infirmières et de 58 médecins. Douleur et Analgésie Vol 12 N°

1, p.99-100.

[2] Calthorpe, N. (2004), The history of spinal needles: getting to the point. Anaesthesia,

59: 1231–1241. doi: 10.1111/j.1365-2044.2004.03976.x.

[3] Collectif, DONNADIEU S, WROBEL JC. Les douleurs induites. INSTITUT UPSA DE

LA DOULEUR; 2005. 192 p.

[4] Standards, Options et Recommandations pour la prise en charge des douleurs provoquées

lors des ponctions lombaires, osseuses et sanguines chez l’adulte atteint

de cancer (2005).

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Biopsie de prostate : quelle analgésie ?

Adil Ouzzane1,2

, Pierre Mozer3, Arnauld Villers

1,2

1Service d’urologie, CHU Lille, Université Lille Nord de France, Lille (59)

2Inserm U703, CHRU Lille, Université Lille Nord de France, Loo (59)

3Service d’urologie, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris

(75)

Introduction

Environ 150 000 biopsies de prostate sont pratiquées chaque année en France chez des

hommes avec suspicion de cancer de prostate. Le taux de détection de cancer est proche de

51% et stable (1). Du fait des modalités de traitement par surveillance simple ou partielle, le

nombre de biopsies de réévaluation augmente en proportion pour atteindre près d’un tiers des

indications de biopsies. L’imagerie par IRM a pris une place importante dans le diagnostic du

cancer de prostate depuis 5 à 10 ans. Sa performance dans la détection des cancers de stade

intra-prostatique de volume et/ou de grade nécessitant un traitement permet d’envisager les

stratégies de diagnostic suivantes :

ne réaliser que 2 biopsies dirigées sur une lésion suspecte à l’IRM pré-biopsique ;

ne pas réaliser de biopsies si l’IRM est non suspecte.

Ces stratégies sont en cours d’évaluation. L’intérêt est de diminuer les indications de

biopsies, d’améliorer la qualité de l’échantillonnage et d’éviter le diagnostic de microfoyers

de bas grade qui ne nécessitent pas de traitement.

Le protocole standard actuel (2014) comprend une série de 12 biopsies systématisées

par voie trans-rectale sous guidage échographique, avec anesthésie locale par bloc péri-

prostatique, et en soin externe (figures 1 et 2).

Les modalités d’anesthésie ont été publiées en 2011 dans un article de

Recommandations pour la bonne pratique des biopsies prostatiques (2).

Une anesthésie locale à base de lidocaïne à 1% est recommandée pour améliorer la

tolérance de l’examen (Niveau de preuve 1) (3,4).

La réalisation d’un bloc péri-prostatique par voie endorectale écho-guidée avec une

aiguille 22 G est la technique de choix.

12

L’instillation intra-rectale de gel anesthésiant est moins efficace que le bloc péri-

prostatique (Niveau de preuve 1).

L’analgésie au MEOPA est possible, avec un personnel soignant formé et une salle

équipée, dans un environnement médicalisé. Le taux d’échec est de 10 à 30 % (5).

Une anesthésie générale ou loco-régionale peut être réalisée dans certains cas

particuliers représentant moins de 10% des actes : intolérance physique ou

psychologique à l'acte, sténose anale, antécédents de chirurgie ou de pathologie ano-

rectale, voie d’abord périnéale. Les facteurs ayant fait décider d’une anesthésie

générale ou loco-régionale doivent être précisés dans le dossier médical.

A noter que la surveillance post biopsique en soins externes fait l’objet d’un forfait

SE31 et que la réalisation en ambulatoire n’est plus remboursée. La remise au préalable, au

cours d’une consultation avec l’urologue des documents d’information et de préparation sont

importants pour le bon déroulement de l’acte et la diminution du risque d’infection ou de

saignement (< 5%).

Les recommandations de l’Association Européenne d’Urologie (European

Association of Urology Guidelines – 2014) indiquent que :

Pour l'anesthésie locale avant la biopsie, le bloc péri-prostatique à base de lidocaïne à

1% guidée par échographie est l'état de l'art (6) (niveau de preuve 1b).

Il n’y a pas de différence si le bloc d’infiltration prostatique est apical ou basal.

L’instillation intra-rectale d'un anesthésique local en gel est nettement inférieure au

bloc péri-prostatique (7) (niveau de preuve 1b).

En 2011 (8) une synthèse avait montré que la douleur et l'inconfort perçus pendant les

biopsies sont le résultat de différents facteurs anatomiques : la mise en place et de

déplacement de la sonde d'échographie transrectale dans le rectum et la ponction du rectum et

de la prostate. Les techniques d'anesthésie actuellement disponibles peuvent être divisées en

deux groupes:

1 Le forfait SE est une catégorie de prestations d'hospitalisation visant à couvrir les dépenses résultant des soins

non suivis d’hospitalisation et nécessitant la mise à disposition des "moyens nécessaires à la réalisation d'actes

requérant l'utilisation d'un secteur opératoire ou l'observation du patient dans un environnement hospitalier". Le

tarif du forfait SE3 en février 2013 était de 40,47 €.

13

1. gels intra-rectaux,

2. les blocs nerveux péri-prostatiques, blocs rachidiens, blocs de nerf honteux, et leurs

différentes combinaisons locales et systémiques (c'est à dire l'administration de

médicaments par voie orale / intraveineuse et de sédation).

La technique d'anesthésie la plus efficace pour les biopsies en soins externes réalisée

en ambulatoire est le bloc nerveux péri-prostatique avec 10 ml de lidocaïne à 1 ou 2%, associé

avec une bonne lubrification de la sonde. Néanmoins, le choix actuel de la technique

d'anesthésie dépend encore à la fois des caractéristiques des patients (âge, taille de la prostate,

du nombre et de l'emplacement des lésions, de la personnalité anxieuse, du besoin de re-

biopsie) et, surtout, des habitudes et de l'expérience et de l'urologue.

Une revue systématique publiée en 2014 résumant les techniques décrites à ce jour,

avec notamment les études sur la douleur liée à la biopsie utilisant une échelle analogique

visuelle ou numérique a été publiée en 2014 (9). Les procédures couramment utilisées qui

sont efficaces pour réduire la douleur et l'inconfort comprennent les sédations intraveineuses,

les agents d'inhalation et d'infiltration péri-prostatique par anesthésie locale. Alors que les

suppositoires de diclofénac (Voltarene®) sont plus efficaces que le placebo, les gels intra-

rectaux d’anesthésiques locaux ne semblent être d'aucune utilité. La pratique de biopsie de la

prostate sans aucune forme analgésie n'est pas appropriée.

Conclusion

La pratique de l’anesthésie par infiltration péri-prostatique sous contrôle échoguidé

doit être proposé pour tout patient chez qui une biopsie prostatique est indiquée. L’absence

d’anesthésie ou des techniques non efficaces comme les gels anesthésiants intra-rectaux ne

correspondent plus à une bonne pratique de prise en charge. Ceci est rappelé aux urologues

lors des formations initiales et continues dans le cadre de DIU d’onco-urologie.

Références

1 - Evolution du nombre de cas incidents de cancer de la prostate en France de 2001 à 2012 à

partir de données hospitalières de 5 centres. Helfrich O. Prog Urol Soumis 2014.

2 - Ouzzane A, Coloby P, Mignard JP, Allegre JP, Soulie M, Rebillard X, et al.

Recommandations pour la bonne pratique des biopsies prostatiques. Prog Urol 2011;21:18-28.

14

3 - Hergan L, Kashefi C, Parsons JK. Local anesthetic reduces pain associated with transrectal

ultrasound-guided prostate biopsy: a meta-analysis. Urology, 2007; 69: 520-5.

4 - Tiong HY, Liew LC, Samuel M, Consigliere D, Esuvaranathan K. A meta-analysis of

local anesthesia for transrectal ultrasound-guided biopsy of the prostate. Prostate Cancer

Prostatic Dis, 2007; 10: 127-36.

5 - Long JA, Manel A, Moalic R, Pellat JM, Boillot B, Descotes JL, et al. Utilisation du

MEOPA (melange protoxyde d'azote-oxygene) comme methode analgesique des biopsies de

prostate. Prog Urol, 2004; 14: 1167-70.

6 - Von Knobloch R, Weber J, Varga Z, et al. Bilateral fine-needle administered local

anaesthetic nerve block for pain control during TRUS-guided multi-core prostate biopsy: a

prospective randomised trial. Eur Urol 2002 May;41(5):508-14

7 - Adamakis I, Mitropoulos D, Haritopoulos K, et al. Pain during transrectal ultrasonography

guided prostate biopsy: a randomized prospective trial comparing periprostatic infiltration

with lidocaine with the intrarectal instillation of lidocaine-prilocain cream. World J Urol 2004

Oct;22(4):281-4.

8 - Maccagnano C, Scattoni V, Roscigno M, Raber M, Angiolilli D, Montorsi F, Rigatti P.

Anaesthesia in transrectal prostate biopsy: which is the most effective technique? Urol Int.

2011;87(1):1-13

9 - Lee C, Woo HH. Current methods of analgesia for transrectal ultrasonography (TRUS)-

guided prostate biopsy -- a systematic review. BJU Int. 2014 Mar;113 Suppl 2:48-56

Figures

Figure 1 : Vue sagittale du bassin montrant la position intra-rectale (Re) de la sonde

d’échographie munie de son guide de ponction dans lequel est plaçée l’aiguille 18 Gauge. La

prostate (P) est visualisée et les biopsies sont placées précisément soit selon un schéma

systématisé, soit dirigées sur une anomalie. Vessie (Ve).

15

Figure 2 : Schéma de 12 biopsies placées sous contrôle échographique en coupes prostatiques

frontales obliques ou transverses obtenues avec une sonde dont le faisceau est dans l’axe de la

sonde, au tiers supérieur, à la base (a), au tiers moyen, au milieu (b), et au tiers inférieur, à

l’apex (c). Les prélèvements se font au niveau de chaque secteur postérieur, à mi-distance

entre bord latéral et milieu de la prostate, (site médio-lobaire) et latéralement (site latéral),

suivant l'axe postéro-antérieur de la sonde, oblique vers le haut. La sonde est tournée de 180°

sur son axe pour biopsier le lobe contro-latéral. Les biopsies latérales prélèvent uniquement la

zone périphérique (en rose). Les biopsies médio-lobaires prélèvent la zone périphérique et la

zone de transition antérieure (en bleu).

16

Prévention et traitement des mucites buccales chimio et/ou radio induites

Denise Collangettes1, Pierre Berger

2, Eric Jadaud

3, Brigitte Tequi

4

1Odontologiste C.J. Perrin, Clermont-Ferrand (63),

2Médecin Infectiologue C.P.Calmettes,

Marseille (13), 3Médecin Radiothérapeute ICO P.Papin, Angers (49),

4Médecin Anesthésiste

Praticien hygiène et gestion des risques associés aux soins ICO R. Gauducheau, Nantes (44)

Avant-propos

La mucite est une complication fréquente lors des traitements d’onco-hématologie.

Un patient sur deux, recevant une chimiothérapie et/ou une radiothérapie, présente une

mucite.

La muqueuse de la bouche est particulièrement sensible, car les cellules des muqueuses

digestives sont parmi celles qui se divisent le plus vite au sein des tissus de l’organisme.

Cette procédure concerne les Médecins, Odontologistes, Infirmiers, Aides-soignants et

Diététiciens, elle décrit les modalités à mettre en œuvre pour :

prévenir l’apparition des mucites en informant, éduquant le patient à l’hygiène

bucco-dentaire, et en demandant un suivi régulier par le praticien traitant ;

prendre en charge les mucites buccales chimio et /ou radio induites.

Cette procédure est accompagnée d’une iconographie en couleurs dans sa version complète

téléchargeable, qui est disponible, entre autres, sur le site cnrd.fr .

1 - Définition

La mucite est une inflammation de la muqueuse qui recouvre l’intérieur des cavités et

des viscères. C’est une des toxicités chimio et/ou radio induites. Ces lésions peuvent aller

jusqu’à la nécrose. La mucite buccale est également appelée stomatite.

2 - Réalisation d’un bilan bucco-dentaire

2.1 Avant tout traitement de chimiothérapie

Réaliser systématiquement un bilan buccodentaire avec un orthopantomogramme

afin de prévoir la remise en état bucco-dentaire : détartrage et avulsions à réaliser avant le

début du traitement ou juste avant une cure de chimiothérapie.

17

2.2 Avant tout traitement de radiothérapie ORL ou à risque de modification du flux

salivaire

Adresser systématiquement le patient à la consultation d’odontologie pour soins,

avulsions et confection de gouttières en résine thermoformées pour l’hyposialie.

Ces gouttières seront utilisées un mois après la fin de la radiothérapie, 5 minutes par jour et

à vie pour une application topique de gel fluoré : FLUOCARIL BI FLUORE 2000® (seul gel

fluoré disposant d’une AMM) afin d’éviter une déminéralisation post-radique des dents en

raison d’une hyposialie et de l’acidité de la salive restante.

Les informations dosimétriques au niveau dentaire sont transmises à la consultation

d’odontologie (Cf. Fiche dentaire proposée en annexe I).

2.3 Avant tout traitement de curiethérapie ORL

Adresser systématiquement le patient à la consultation d’odontologie pour soins,

avulsions et confection de gouttière plombée afin d’isoler les tissus sains (dents et

maxillaires) des sources radioactives.

3 - Prévention de la mucite

Quand ? Lors de la consultation initiale, au cours des différentes hospitalisations et

consultations externes

Comment ? Par des séances d’information et d’éducation à l’hygiène bucco-dentaire

Qui ? L’odontologiste et/ou le praticien traitant

3.1 Informations sur l’hygiène bucco-dentaire

3.1.1 Informations systématiques

Utiliser une brosse à dents extra souple en nylon (post-chirurgicale), une brossette

inter-dentaire et du fil de soie dentaire (à utiliser avec une extrême prudence si

risques hémorragiques majeurs). Possibilité d’utiliser un appareil à jet d’eau à faible

puissance.

Si les gencives sont hémorragiques, utilisation de bâtonnets en mousse pédiatrique

inhibée d’eau oxygénée à 3% monodose (Dosoxygènée®).

Pré-requis : l’élimination soigneuse et fréquente de la plaque dentaire est indispensable à

la prévention de l’apparition des mucites et de ses possibles complications, d’où

l’importance d’informer et d’éduquer les patients

18

Eviter d’utiliser une brosse à dents électrique, cures dents interdits.

Brosser les dents après chaque repas, avec une pâte gingivale, de la gencive vers les

dents, par un mouvement de balayage, sans appuyer.

Enlever et nettoyer régulièrement sa prothèse dentaire.

L’utilisation de fiches conseils type « THERABEL Pharma® » est un complément

d’information utile qui pourra être remis aux patients (contacter le laboratoire pour mise à

disposition des fiches).

3.1.2 Informations selon le type de prise en charge

En oncologie :

Le médecin oncologue prévient le patient du risque de mucite lors de la consultation

d’annonce.

L’information est tracée dans le courrier au médecin traitant et dans le dossier du

patient.

En radiothérapie - curiethérapie :

Le médecin prévient le patient du risque d’ulcérations buccales lors de la première

consultation.

Un document d’information peut être donné au patient.

L’information est tracée dans le courrier au médecin traitant et dans le dossier du

patient.

3.2 Education thérapeutique

3.2.1. L’éducation à l’hygiène bucco–dentaire se fait de manière pluridisciplinaire :

Lors des consultations par l’odontologiste : éducation du patient pour le

brossage et pour les soins bucco dentaires dans son cabinet.

Lors des hospitalisations par le personnel soignant : éducation pour l’hygiène

bucco-dentaire. Ces informations sont notées dans le dossier de soins.

3.2.2 Conseils diététiques

Une fiche d’information nutritionnelle est donnée au patient en première intention

(annexe II) puis, adaptation de la texture de l’alimentation selon la douleur, passage à une

alimentation molle ou mixée ou liquide avec compléments nutritionnels oraux.

Si l’alimentation orale est impossible, possibilité de mise en place d’une alimentation

artificielle (entérale ou parentérale).

19

Un diagnostic diététique par une diététicienne est recommandé en présence de

critères permettant d’évoquer une dénutrition :

dénutrition modérée: perte de poids ≥ 10% en 6 mois ou ≥ 5% en 1 mois, IMC ≤

17 si < 70 ans, albuminémie < 30 g/l, préalbuminémie < 110 mg/l.

dénutrition sévère : perte de poids ≥ 15% en 6 mois ou ≥ 10% en 1 mois,

albuminémie <20g/l, préalbuminémie < 50 mg/l.

A recommander également lorsqu’une alimentation entérale par sonde est

nécessaire ou prévisible.

4 - Prise en charge de la mucite

4.1 Evaluation de la mucite

L’IDE informe quotidiennement le médecin de ses observations. Les résultats sont

notés dans le dossier médical. L’évaluation de l’état de la muqueuse buccale doit se

faire une fois par jour selon les cotations OMS.

Clinique – cotation (nci-ctcae v3.o/rtog)

Grade 0 Alimentation solide Pas de douleur Muqueuse normale

Grade 1 Alimentation normale Douleur modérée Enanthème

Grade 2 Alimentation solide encore

possible Douleur

Enanthème, ulcérations

non confluentes

Grade 3 Alimentation liquide Douleur Enanthème diffus,

ulcérations confluentes

Grade 4

Aphagie, alimentation

parentérale ou entérale /

sonde

Douleur sévère Ulcérations confluentes

4.2 Traitement de la mucite

4.2.1 A partir du début du traitement oncologique : prescription de bains de bouche

Dans tous les cas, sur prescription médicale, l’infirmière ou l’aide- soignante

précise au patient la méthode d’application, la posologie et la fréquence de ce soin.

L’infirmière ou l’aide- soignante est responsable de son application, incluant si

nécessaire l’éducation du patient et de son entourage.

Méthode / Bains de bouche

Bicarbonate de sodium 1.4% pur, sans adjonction d’un autre produit (volume de la

préparation : 500 ml).

20

Le bain de bouche se fait :

Aussi souvent que possible, au minimum 8 à 10 fois par jour, il faut que les

500 ml de solution soient pris dans les 8 heures après ouverture du flacon.

En gargarisme si possible.

En le laissant dans la bouche 30 à 60 secondes (sous contrôle de sa montre) avant de

le recracher.

A distance des repas.

Astuce : proposer d’utiliser le bain de bouche de Bicarbonate de sodium pour le rinçage

après chaque brossage de dents.

4.2.2 A partir du grade 2

Si un laser est à disposition et en cas de radiothérapie

Après chaque séance, l’odontologiste ou le médecin effectue une séance de laserthérapie :

Balayage de 40 sec/ cm² avec une énergie de 4 joules d’un faisceau laser Hélium

Néon basse énergie sur les lésions.

Fréquence : 3 à 5 fois par semaine.

Puis application de Jelonet® (même si le patient reçoit de l’oxygène par lunette

nasale mais interdit si le patient est sous masque à oxygène) : on récupère avec le doigt la

paraffine située sur le tissu Jelonet® et on l’applique sur les lésions ainsi que sur les dents

en regard.

Après explications, le patient peut être acteur de son soin.

Dans tous les cas

Traitement local par application de Jelonet (Cf. supra) en complément des bains de

bouche. Le traitement est tracé dans le dossier médical.

L’utilisation d’antiseptiques à base de chlorhexidine est déconseillée. Les associations

type « potion de Schwarzenberg » (Bicarbonate + Fungizone® + Xylocaïne® +…)

sont contre-indiquées

21

4.3 Traitement des complications de la mucite

4.3.1 Prise en charge de la douleur : Selon les recommandations locales

Prise en charge de la surinfection

4.3.2 Prise en charge de la surinfection

Dans tous les cas, elle doit s’appuyer sur des arguments d’orientation clinique

fortement évocateurs.

En cas d’échec clinique et/ou de terrain à risque d’infection systémique (aplasie de

longue durée notamment) la recherche d’une documentation par prélèvement

microbiologique peut apporter des éléments d’orientation thérapeutique.

La décision de réalisation d’un éventuel prélèvement tiendra compte du profil du

patient (haut risque infectieux ou pas, existence d’une éventuelle prophylaxie, échec sous

traitement de première ligne).

4.3.3 Présentations cliniques des surinfections

Candidose oro-pharyngée

Forme pseudomembraneuse ou muguet avec lésions blanc-jaunâtres, fermes en

placard ou confluentes qui adhèrent aux muqueuses. Après grattage la muqueuse est

érythémateuse et peut saigner.

Forme érythémateuse avec présence d’une muqueuse luisante avec possibilité de

macules rouges associées à des douleurs à type de brûlures ; généralement la langue est

dépapillée.

Chéilite angulaire ou perlèche

Forme hyperplasique moins fréquente : lésions chroniques légèrement épaissies

de type maculaire blanchâtre translucide ou en plaques denses de grande taille, rugueuses ou

dures. Ces plaques ne se détachent pas contrairement à la forme pseudomembraneuse.

Localisation préférentielle à la surface interne des joues, les commissures labiales et plus

rarement sur les joues.

La mise en route d’un traitement antifongique peut être décidée sur la base de la

clinique lorsqu’elle reste très évocatrice. Le traitement antifongique n’est jamais

Place des gels de Xylocaïne® : évaluer le rapport bénéfice/risque

Tenir compte du risque de fausse route, d’allergie, de retard à la cicatrisation

22

déclenché à titre préventif par rapport à l’existence seule d’une mucite.

Dans tous les cas, on privilégie un traitement antifongique à action locale parmi :

Amphotéricine B (Fungizone®) 10% en suspension buvable utilisé sous

forme de bains de bouche, 3 à 4 fois/j. Le bain de bouche doit être avalé

car la candidose n’est pas strictement limitée à la sphère oropharyngée.

Miconazole (Loramyc®) : 1 cp gingival muco-adhésif, une fois par jour,

le matin après le brossage de dents.

Le traitement est effectué après réalisation d’un bain de bouche de Bicarbonate de sodium.

Les prélèvements microbiologiques sont réservés :

aux situations d’échec clinique,

aux présentations atypiques,

aux mucites de grade 4 : si contexte d’aplasie au-delà de 15 jours, avec

fièvre persistante après une antibiothérapie bien conduite, en vue d’un

éventuel traitement antifongique systémique préemptif.

Arguments pour une réactivation d’infection virale

Le diagnostic clinique s’avère difficile car les lésions ulcérées ne sont pas

toujours distinguables de celles induites par la chimiothérapie ou la radiothérapie.

L’apparition de vésicules regroupées en bouquet reste particulièrement évocatrice

d’une infection virale.

La mise en route d’un traitement antiviral peut être décidée sur la base de la

clinique lorsqu’elle reste très évocatrice ou dans les tableaux majeurs (dès le grade 3 chez un

patient d’hématologie).

Mucite responsable d’une porte d’entrée bactérienne

Plus le grade de la mucite est élevé, plus le risque de colonisation bactérienne est important.

Le risque bactérien est généralement pris en compte par les antibiothérapies

empiriques des protocoles de prise en charge de la neutropénie fébrile.

Hors aplasie, pas de recours à une antibiothérapie empirique systématique.

Privilégier les soins locaux (Bains de bouche avec Bicarbonate de sodium) en dehors d’une

documentation particulière de germe pathogène (évaluer la place d’une éventuelle

documentation).

23

Remarque

Place du Caphosol® comme adjuvant aux traitements standards d'hygiène buccale :

Caphosol® est présenté comme adjuvant aux traitements standards d'hygiène buccale pour

la prévention et le traitement de la mucite causée par une radiothérapie ou une

chimiothérapie à haute dose, principalement en cas de sècheresse de bouche ou de

l’oropharynx (hyposalivation, xérostomie). A ce jour, il n’y a pas d’étude qui permettent

de comparer ce produit au traitement de référence par bains de bouche de bicarbonate

de sodium.

Références

Référentiels inter régionaux en SOS / AFSOS / 2 et 3-12-2010.

HS Antunes & al. Phase III trial of low-level laser therapy to prevent induced oral

mucositis in head and neck. Cancer patients submitted to concurrent chemoradiation.

J Clin Oncol 29:2011 (suppl; abstr LBA5524) ASCO 2011.

Bjordal JM, Bensadoun RJ& al. A systematic review with meta-analysis of the effect

of low-level laser therapy (LLLT) in cancer therapy-induced oral mucositis. Support

Care Cancer. 2011 Aug;19(8):1069-77. Epub 2011 Jun 10.

Peterson DE, Bensadoun RJ, Roila F; ESMO Guidelines Working Group.

Management of oral and gastrointestinal mucositis: ESMO Clinical Practice

Guidelines. Ann Oncol. 2010 May;21 Suppl 5:v261-5.

Peterson D.E., Bensadoun R.J.& al. Management of oral and gastrointestinal

mucositis: ESMO Clinical Practice Guidelines 2011 (Annals Oncol 2011, accepté

pour publication).

24

Annexe I : fiche dentaire

25

Annexe II : fiche d’information nutritionnelle destinée au patient

ALIMENTS PERMIS

PERMIS SELON

TOLERANCE

PERSONNELLE

INTERDITS

LAIT ET

FROMAGES

Tous les laits

Petits suisses fromage

blanc

Fromages à pâte molle

(Camembert, Brie,

etc…)

Fromages à pâte cuite

(St Paulin, Pyrénées,

etc…)

Yaourt

Fromages forts

(Roquefort, chèvre,

etc…)

VIANDE

CHARCUTERIE

POISSONS

Toutes viandes

cuisinées

Toutes charcuteries

Tous poissons cuisinés

Crustacés mollusques

Quenelles

Viandes panées

Poissons panés

Poissons en conserve,

au vin ou au vinaigre

Sauce tomate

CEREALES

Mie de pain ou pain de

mie trempés

Biscottes trempées

Pates

Riz bien cuit

Tapioca

Flocons d’avoine

Pain d’épices

Semoule

Croûte de pain

Pomme de terre en

flocons (irritantes pour

les muqueuses

Purée de pomme de

terre seule

LEGUMES SECS Tous

LEGUMES

VERTS

Tous cuits

Assaisonnement sans

vinaigre et sans citron

Eviter les crudités Tomates (irritantes

pour les muqueuses)

Vinaigrette

FRUITS Tous si cuits Banane Tous si crus

SUCRE

CONFISERIE Pâtisseries Tous Pâtisserie à alcool

BOISSONS

Eau

Café

Tisane

Thé

Chocolat

Bouillons

Sirop

Limonade

Eaux aromatisées

Vin

Bière

Jus de fruit pur

Cidre

Alcool fort (cognac,

mirabelle)

Alcool doux (vins

cuits, liqueurs, etc…)

CONDIMENTS

aucun Sauf sel en petite

quantité

Tous (moutarde,

poivre, cornichons,

curry, piment,

vinaigre, ketchup)

GRAISSES

Toutes (huile, beurre,

lard, margarine,

saindoux, crème)

mayonnaise

aucune

26

Soins infirmiers à domicile : enquête de terrain DOLASI

Kevin Malacarne1, Aurore Manoliu

1, Fréderic Maillard

2, Patricia Cimerman

2

1Infirmier(e) DE, Cabinet ASI (Action Soins Infirmiers), Paris (75)

2Centre de Ressources de Lutte contre la Douleur (CNRD), Hôpital Armand Trousseau,

Paris (75)

Introduction

Les infirmiers libéraux sont souvent confrontés dans leur quotidien à pratiquer des

actes douloureux et ils n’ont pas forcément à disposition les moyens thérapeutiques

permettant de les prendre en charge.

En effet l’exercice libéral expose à des contraintes multiples pour prendre en charge

convenablement les douleurs liées aux soins. Le professionnel intervient seul au domicile et

n’a donc pas de médecin disponible, contrairement à l’hôpital. Il n’a pas la possibilité

d’utiliser des protocoles de soins élaborés par un médecin au sein d’un service, comme en

HAD2 par exemple. Dans le cadre actuel de la réglementation, seule une prescription

anticipée d’antalgique par le médecin hospitalier ou le médecin traitant peut permettre aux

paramédicaux libéraux de disposer d’un moyen efficace pour lutter contre la douleur

provoquée par les soins.

Quels types de soins se révèlent les plus douloureux, avec quelle intensité ?

Les infirmiers disposent-ils de prescriptions d’antalgiques pour y faire face, quel type

d’antalgique est prescrit, avec quelle efficacité ?

La ville de Paris compte environ 1200 Infirmiers Libéraux Diplômés d’Etat (IDEL)

pour plus de 2 millions d’habitants, soit 6 IDEL pour 10 000 habitants. Cette densité est assez

basse par rapport à la moyenne nationale qui est de 10 IDEL pour 10 000 habitants. L’offre de

soins est très morcelée car de nombreux cabinets exercent en petit nombre sur des secteurs

limités. Le cabinet Actions Soins Infirmiers (ASI), en couvrant toute la capitale avec un

effectif de collaborateurs très important pour une seule structure, a vocation à clarifier l’offre

de soins. Le secrétariat central réceptionne les demandes de soins et les transferts sur les

smartphones des collaborateurs des secteurs concernés par l’intermédiaire d’un système de

messagerie sécurisé.

2 Hospitalisation A Domicile

27

ASI facilite l’exercice de ses collaborateurs en leur offrant une formation initiale et

continue, du matériel, une patientèle, un secrétariat, un logiciel de facturation, la récupération

des DASRI (Déchets d’Activité de Soins à Risques Infectieux), la gestion des remplacements,

des congés maladie et maternité… Chaque collaborateur reste indépendant et exerce sur un

secteur défini avec un binôme une semaine sur deux. Pour améliorer les conditions de travail

et pour offrir une plage horaire de soins très étendue, les horaires de coupe ont été supprimés,

constituant des équipes du matin et des équipes du soir.

Chaque équipe du matin ou du soir soigne entre 20 et 35 patients quotidiennement.

Les équipes du matin débutent vers 6h, elles sont relayées par les équipes d’après-midi à 14h

qui terminent vers 22h. L’astreinte de nuit est assurée par un des 15 infirmiers seniors du

cabinet. ASI ne se démarque pas des autres cabinets de soins infirmiers dans le recrutement

des patients :

deux patients sur trois sont atteints de maladies chroniques et entrent dans le cadre du

maintien à domicile : diabète, nursing, plaies chroniques, préparation et surveillance

de traitement, nutrition entérale, soins de stomies…

le reste de la patientèle est constitué de patients nécessitant des soins aigus ou

subaigüs : pansements post-opératoires, injections d’anticoagulants, d’antibiotiques ou

d’hormones, perfusions, sondages, ablations de fils, prélèvements sanguins…

Le groupement ASI soigne chaque jour près de 700 patients.

En 2013 le CNRD a contacté ASI pour mener une étude épidémiologique dans le

cadre de la prise en charge de la douleur provoquée par les soins, pouvant ainsi s’appuyer sur

un large panel de patients.

L’étude DOLASI donne un premier état des lieux, sur le terrain, de façon prospective,

de la prise en charge de la douleur des soins réalisés à domicile.

Un recueil épidémiologique a été réalisé au printemps 2014 par les infirmiers

collaborateurs libéraux volontaires du groupement Action Soins Infirmiers (ASI).

Objectifs du projet

Réaliser un état des lieux sur la fréquence des soins réalisés à domicile.

Décrire l’intensité douloureuse et les moyens analgésiques utilisés.

28

Méthode

Il s’agissait d’une étude descriptive réalisée chez des patients habituellement pris en

charge par le groupement ASI. La prise en charge des patients et les soins réalisés étaient

semblables à ceux effectués habituellement (patients « chroniques », patients « aigus »).

Le recueil de données était réalisé de façon prospective, en temps réel, au domicile du

patient par l’infirmier exécutant les soins lors d’une ou de deux journées de travail de son

choix. Une fiche spécifique était élaborée, permettant de recueillir :

les caractéristiques du patient,

son motif principal de prise en charge (problème de santé principal),

son degré d’autonomie,

sa capacité de communication,

ses traitements antalgiques de fond prescrits,

les soins réalisés le jour du recueil (à partir d’une liste pré-établie), leur durée,

le nombre de tentatives,

l’analgésie spécifique prescrite et les résultats de l’évaluation de la douleur.

Pour les patients capables de faire une autoévaluation de la douleur, l’échelle

Numérique [EN] était utilisée, avec un score entre 0 et 10, où 0 correspond à l’absence de

douleur et 10 à la douleur maximum imaginable. L’échelle ALGOPLUS© (score de 0 à 5)

était utilisée pour les patients dyscommunicants.

Avant le démarrage de l’étude, des réunions d’information avaient été mises en place

avec l’ensemble des infirmiers, un dossier spécifique avec les documents de l’étude avait été

remis à chacun.

Résultats

L’étude s’est déroulée d’avril à mai 2014.

Neuf infirmier(e)s du cabinet ASI ont accepté d’y participer (8 femmes et 1 homme),

leur âge moyen était de 31 ans, tous avaient une expérience professionnelle de moins de 5 ans

(dont 2 de moins d’un an).

Interrogés sur leur activité, ils ont déclaré avoir vu, en moyenne, une vingtaine de

patients lors de leur dernière journée de travail, dont un tiers leur avait paru douloureux.

Les scores de douleur qu’ils estimaient a priori en rapport avec les gestes les plus

couramment pratiqués sont résumés au tableau 1.

29

Tableau 1 : Scores de douleur pour chaque geste, estimés a priori par les IDE

participant à l’étude

Gestes envisagés

Valeurs moyennes (sur 10)

Soins de bouche 0,5

Prévention d’escarres 0,6

Toilette 0,9

Ponction au doigt (dextro) 1,9

Injection sous cutanée 2,1

Ablation de sutures 2,3

Ponction veineuse 2,6

Retrait d’adhésifs d’une perfusion 2,8

Pose d’une sonde urinaire chez une femme 3,4

Pose d’une voie veineuse périphérique 3,8

Pose d’une sonde naso-gastrique 3,8

Injection intra-musculaire 4,0

Pose d’une sonde urinaire chez un homme 4,8

Pansement d’escarre 5,5

Pansement d’ulcère de jambe 6,3

Cent quatorze patients ont été inclus dont 71 femmes (62,3%), dans six

arrondissements parisiens répartis comme suit : 60 patients (52,6%) dans le 15ème

, 28 (24,6%)

dans le 16ème

, 16 (14%) dans le 13ème

, 8 (7%) dans le 7ème

, 1 patient dans le 5ème

et 1 dans le

1er

arrondissement. Le tableau 2 résume les caractérisques des patients.

Tableau2 : Caractéristiques démographiques des 114 patients inclus

Caractéristiques

Valeurs

%

Hommes 43 37,7

Femmes 71 62,3

Age (ans), moyenne (DS*), 76,7 (18,5)

médiane, IQ, extrêmes 82 [69-89, 10-105]

Patients autonomes 65 57

Patients ayant un entourage familial 88 77,2

Patients estimés algiques par IDE 56 49,1

Patients capables de faire une autoévaluation 87 76,3

Patients ayant un traitement antalgique de fond

47

41.2

Paracétamol 41

AINS 4

Autres 11

(morphine, palier II)

Motifs principaux de prise en charge 112

Diabète 34 30,4

Perte autonomie, aide à la personne 26 23,2

Pathologies neurologiques, vasculaires 22 19,6

Prise en charge post-opératoire 21 18,8

Cancer 9 8

*DS : Déviation Standard

30

Nombre de gestes et catégories de gestes

Au total, 299 gestes ont été effectués à domicile chez les 114 patients inclus. Quarante

patients (35,1%) ont eu un geste, 37 patients (32,5%) deux gestes, 8 patients (7%) trois gestes,

15 patients (13,2%) quatre gestes, 4 patients (3,5) cinq gestes, 4 patients (3,5) six gestes,

1 patient (0,9%) sept gestes, 1 patient (0,9%) huit gestes, 2 patients (1,8%) neuf gestes et 2

patients (1,8%) douze gestes.

Les dix actes les plus fréquents, par ordre décroissant, étaient : les ponctions

capillaires (16,4%), les toilettes au lavabo ou à la douche (15,7%), les injections sous cutanées

(13,7%), les pansements (9,4%), la mise en place ou le retrait de bas de contention (5,7%),

l’aide au lever ou au coucher (4,3%), les toilettes au lit (3,7%), les préventions d’escarres

(3,7%), les soins d’yeux (3,3%) et l’aide à l’observance des traitements (3,0%).

Tous ces gestes appartiennent à des catégories de soins qui ont déjà été définies (1) et qui sont

résumées au tableau 3.

Tableau 3 : Liste des actes par catégorie de soins

Caractéristiques

Valeurs

%

Soins d’hygiène, d’aide et de confort 132 44,1

Piqûre avec accès vasculaire 53 17,7

Piqûre sans accès vasculaire 46 15,4

Soins de plaies, pansements 44 14,7

Sondes 10 3,3

Autres* 14 4,7

Total

299

100

*aérosol, alimentation entérale, prises de constantes

31

La durée moyenne (DS) pour l’ensemble des gestes était de 8,7 (7,1) minutes avec des

extrêmes allant de une à 30 minutes. La moitié des gestes étaient réalisés en 5 minutes, 8,5%

en 20 minutes, 2,1% en 30 minutes. Les actes réalisés en 30 minutes concernaient les toilettes

(lit ou lavabo).

La majorité des gestes (98,9%) étaient réalisés en une tentative.

Analgésie lors des gestes

Trente-quatre soins (11,4%) ont été effectués avec une analgésie, 27 avec du

paracétamol seul ou associé à un palier II, 3 avec de la crème anesthésiante EMLA®, 1 avec

de la morphine et 3 avec un AINS.

Evaluation de l’intensité de la douleur lors des gestes

L’échelle numérique (EN) a été utilisée par les patients pour 65,6 % des gestes

(n=196).

Le score moyen (DS) de douleur avec l’EN était de 1,32 (1,9) avec des valeurs

extrêmes allant de 0 à 10. Cent soixante quinze gestes (89,3%) avaient un score ≤ 3.

Onze gestes avaient un score ≥ 6. Les actes concernés étaient, toilette au lavabo (5), dextro

(2), pansements d’ulcères de jambe ou escarres (4).

L’échelle ALGOPLUS© a été utilisée pour 33,8% des gestes (n=101).

Le score moyen (DS) avec ALGOPLUS© était de 1,36 (1,6) avec des valeurs

extrêmes allant de 0 à 5.

32

Trente-six gestes (35,6%) avaient un score ≤ 2. Quinze gestes (14,9%) avaient un

score ≥ 4. Les actes concernés étaient les pansements avec méchage, les pansements d’ulcères

de jambe, les pansements d’escarres, les préventions d’escarres, les changements de position

et les poses de perfusion sous-cutanées.

Discussion et perspectives

La mobilisation, difficile, d’infirmiers volontaires au sein d’ASI (seulement 20% des

collaborateurs ont accepté de réaliser le recueil de données) a limité le nombre des inclusions

à 114 patients.

Une quinzaine de collaborateurs ayant débuté leur activité moins de 6 mois avant le

début de l’étude, il est probable que cette étude pouvait ne pas leur sembler prioritaire.

L’étude était non rémunérée, et il est impossible d’imposer un rôle d’investigateur au regard

du statut libéral des collaborateurs, interdisant tout rapport hiérarchique. La plupart des

soignants demeurent peu habitués à la démarche scientifique, en marge du soin proprement

dit.

La population étudiée est âgée en moyenne de 76 ans confirmant que les soins

infirmiers réalisés par les libéraux se concentrent sur le maintien à domicile et la dépendance.

Les soins relèvent au 2/3 de pathologies chroniques mais les gestes techniques sont assez

divers.

Dans notre échantillon, 90% des soins infirmiers pratiqués sont peu ou pas douloureux

(EN inférieure à 3) et 41,2% des patients disposent de traitement antalgique de palier I.

Les médecins semblent rester assez réticents à l’utilisation de palier III.

Ces traitements antalgiques pouvant souffrir encore de connotations péjoratives ou de craintes

à l’utilisation en ville.

Les soignants ont semblé maitriser les techniques d’évaluation de la douleur, en

particulier en matière d’hétéro-évaluation. L’échelle Algoplus® a été utilisée pour un tiers des

gestes. Les méthodes d’hétéro-évaluation comme Doloplus® assez récemment diffusées dans

les IFSI3 ont été bien intégrées par les infirmiers participants, leur moyenne d’âge étant ici

inférieure à 30 ans.

Sur les 299 gestes étudiés dans DOLASI, 11 ont été très douloureux (EN supérieure ou

égale à 6).

3 Institut de Formation en Soins Infirmiers

33

Ces situations générant une douleur intense sont traumatisantes pour le patient et

génératrices d’anxiété pour les soins à venir, mais aussi très inconfortables pour le praticien

qui ressent une sensation d’échec. Avoir mal lors d’un soin n’est pas une fatalité, des moyens

efficaces existent pour lutter contre ce type de douleur (2).

Quelles propositions pour ne plus provoquer des douleurs évaluées supérieures à 6.

La formation :

La formation initiale doit inclure la prise en considération de la douleur provoquée par

les soins. Le nouveau Dispositif Professionnel Continu a pour objectif d’accélérer la mise à

niveau de l’ensemble des professionnels. Il est impératif que les infirmiers et les médecins

s’investissent dans cette obligation déontologique. Ce dispositif doit également bénéficier aux

auxiliaires de vie qui participent de plus en plus aux soins à domicile, par carence

d’aides-soignantes.

Les soins chroniques :

Les patients en fin de vie ou en soins palliatifs à domicile sont particulièrement

exposés aux douleurs provoquées par les soins. La simple mobilisation est parfois

douloureuse, qu’elle soit causée par des métastases osseuses, des escarres ou des

malpositions, par exemple.(3, 4)

Ces patients nécessitent une prise en charge globale par des professionnels formés.

A Paris, les médecins traitants et hospitaliers sont parfois difficiles à joindre et l’infirmière

peut se trouver démunie devant certaines situations. Il faut rappeler l’importance des réseaux

de soins qui améliorent la communication et l’organisation entre les différents acteurs :

réseaux gérontologiques, réseaux de cancérologie, réseaux de soins palliatifs, les CLIC4…

dont l’existence devrait être mieux portée à la connaissance des infirmières libérales.

Dans ce contexte, l’utilisation d’antalgiques de palier III ne devrait pas être entravée

par des craintes infondées (5).

4 Les Centre Locaux d’Information et de Coordination gérontologiques sont des guichets d’accueil de conseil et

d’orientation des personnes âgées, chargés de faciliter l’accès aux droits, et d’améliorer leur vie quotidienne.

34

Concernant les soins associés à des pathologies aigües :

Des outils efficaces existent, dont l’utilisation pourrait être développée. Le cathéter

péri-nerveux est une mini-révolution dans la prise en charge de la douleur post-opératoire en

orthopédie. Il ouvre aussi des perspectives pour des patients atteints de plaies chroniques.

Outre le confort pour le patient, son utilisation en ambulatoire est susceptible de réduire la

durée des séjours hospitaliers et pourrait être une source d’économie pour le régime

d’assurance maladie (6).

L’utilisation du MEOPA a fait ses preuves à l’hôpital, il doit investir le soin à

domicile (7, 8). Il y des contraintes de transport et de délivrance mais des solutions peuvent

être trouvées via les prestataires de services. L’utilisation doit être réalisée sous protocoles de

soins par l’infirmière libérale préalablement formée comme à l’hôpital. Le protocole et la

formation pourrait être diffusés par des médecins expérimentés, dans le cadre de réseaux.

A l’heure actuelle, le frein principal à l’utilisation de ces deux techniques est l’absence

de cotation spécifique correspondant à leur utilisation, et donc l’absence de remboursement de

l’acte comme du matériel et du médicament.

Certaines délégations d’actes permettraient d’autonomiser l’infirmière à domicile.

Il ne parait pas utopique de permettre à une infirmière de prescrire certaines formes

d’anesthésiques locaux (Lidocaïne-Prilocaïne en patch ou lidocaïne en spray). L’expérience

de leur utilisation en pédiatrie pour les gestes invasifs superficiels ou pour la détersion de

certaines plaies comme les abcès est associée à un confort indéniable.

Conclusion

Le vieillissement de la population et la maîtrise des coûts de santé imposent de

développer des soins à domicile de qualité par des professionnels formés disposant des outils

nécessaires à leur mission. Au domicile des patients, il est essentiel d’améliorer les moyens

actuels de prise en charge de la douleur provoquée par les soins, d’augmenter les prescriptions

d’antalgiques efficaces dans cette indication, pour permettre aux soignants libéraux

d’optimiser la qualité des soins prodigués.

L’étude DOLASI décrit les situations de douleurs provoquées par les soins à domicile

qui permettront d’évaluer les pratiques et de construire sur des bases concrètes les réflexions

qui les feront évoluer.

Cette enquête a été un excellent moyen d’impliquer les professionnels soignants dans

une démarche scientifique.

35

Références bibliographiques

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the American Medical Association. 2008;300(1):60-70. Epub 2008/07/03.

2 - Cimerman P, Thibault P. Douleurs induites par les soins. In: EMC, editor. Savoirs et soins

infirmiers 2009. p. 1-5 [Article 60-615-M-10].

3 - Lhuillery D, Cosquéric G. Douleurs induites par les soins : analyse de l’évolution des

données d’une enquête annuelle de prévalence de la douleur. Douleurs : Evaluation -

Diagnostic - Traitement. 2008;9(3):113-7.

4 - Alcalay V, Perdereau S, Adiceom F, Kipper M-C, Perriot M, Henry F, et al. Douleurs

induites par les soins en situation de fin de vie : analyse, réflexion et propositions à partir de

l’expérience des soignants. Médecine Palliative : Soins de Support - Accompagnement -

Éthique. 2010;9(3):142-7.

5 - Serra É. Les outils de repérage d’un risque d’addiction chez les patients douloureux traités

par opioïdes. Douleur analg. 2012;25(2):67-71.

6 - Bures É, Rivet P, Steiner T, Stoll G, Combret C, Etienne G, et al. De la douleur à la

cicatrisation : traitement du patient artéritique à domicile par cathéter périnerveux continu de

longue durée. Douleurs : Evaluation - Diagnostic - Traitement. 2011;12(4):181-8.

7 - Annequin D, editor. Un an après la sortie du MEOPA* de la réserve hospitalière. Etat des

lieux. Douleur provoquée par les soins, 6ème

journée du CNRD; 2011; Paris. Disponible sur

www.cnrd.fr.

8 - Gatbois E, Balladur E, Grisolet G, Galinski M, editors. Evaluation de l’utilisation du

MEOPA en HAD : étude MEOPHAD - Résultats préliminaires. Douleur provoquée par les

soins, 6ème

journée du CNRD; 2011; Paris. Disponible sur : www.cnrd.fr.

9 - AMBROGI V, TEZENAS du MONCEL S, COLLIN E, COUTAUX A, BOURGEOIS P,

BOURDILLON F. Care-related pain in hospitalized patients : severity and patient perception

of management.

La douleur liée aux soins chez les patients hospitalisés : sévérité et perception par les patients

de la prise en charge]. European Journal of pain. 2014:1-9.

36

Bénéfices du MEOPA en Médecine de ville

Frédéric Maillard1, Eric Bures

2, Dominique Arnel

2, Daniel Annequin

1

1Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur, Hôpital Trousseau, Paris

2Réseau SOS-Douleur à Domicile, Angoulême

Introduction

L’inhalation de MEOPA (Mélange Equimolaire d’Oxygène et de Protoxyde d’Azote)

permet une antalgie de surface et une anxiolyse compatibles avec la majorité des soins de

routine, tout en ayant une grande sécurité d’utilisation.

Ces propriétés font actuellement du MEOPA un médicament incontournable dans les

stratégies de prise en charge de la douleur provoquée par les soins (1-3).

Historique de l’utilisation du MEOPA

Basé sur les propriétés du protoxyde d’azote, connues en anesthésie depuis la fin du

18ème

siècle, le mélange équimolaire avec l’oxygène a été réalisé et mis en bouteille pour la

première fois en 1961 en Grande-Bretagne. Son utilisation en France ne s’est développée que

depuis les années 1990, particulièrement dans certains services hospitaliers pédiatriques.

Doté de l’appellation « médicament » et d’une AMM en 2001, le MEOPA n’est plus réservé

aux seuls anesthésistes, ni au bloc opératoire, et, même si son usage n’est pas généralisé, il a

pu être introduit dans les services de soins (4) ou d’imagerie (5) pour les adultes ou les

personnes âgées (6). En HAD, où il est utilisé régulièrement depuis plus d’une dizaine

d’années il a permis de faire bénéficier aux patients des mêmes conditions d’analgésie qu’en

établissement (7). Pour les dentistes hospitaliers, il améliore la coopération des plus

phobiques (8).

La Sortie de la Réserve Hospitalière (SRH) du MEOPA en novembre 2009 devait,

en théorie, permettre sa plus large utilisation par les professionnels en ville (hors HAD), que

ce soit au cabinet ou au domicile. Certaines spécialités et professions sont susceptibles de

promouvoir son utilisation (9-13) : dermatologues, stomatologues, ORL, dentistes, mais aussi

infirmiers, kinésithérapeutes,… En 2011, A. Verrat a réalisé dans le 11ème

arrondissement de

Paris une enquête téléphonique auprès de médecins généralistes et infirmiers libéraux,

montrant que le MEOPA leur était connu pour respectivement 69% et 68%, mais que son

utilisation effective n’était rapportée que pour 29% et 32%. Ces professionnels estimaient le

37

MEOPA principalement utile pour les soins d’escarres, les réfections de pansement

complexes, les réalisations/ablations de sutures et les toilettes/mobilisations (14).

Des problèmes de financement

Ce produit demeure quasi-absent de l’activité de la plupart des praticiens libéraux.

Déjà mentionné au sujet de l’HAD (7), le problème du mode de financement de son utilisation

en libéral a été à nouveau posé lors de la SRH (10). L’acte « inhalation du MEOPA » n’est

pas identifié à la nomenclature et le médicament lui-même n’est pas couvert par l’assurance

maladie, l’ensemble étant à la charge soit des professionnels de santé, soit, in fine, des

patients. Alors que cette difficulté peut-être gommée dans le cadre d’un établissement de

santé où le budget de sa Pharmacie à Usage Intérieur (PUI) est susceptible d’intégrer la

consommation de MEOPA, le problème surgit immédiatement dans le cadre du colloque

singulier médecin/patient.

Au-delà du cas « MEOPA » l’absence d’évolution parallèle de la législation et de

certains actes effectués pour lutter contre la douleur provoquée par les soins pose depuis

quelques années un problème de valorisation allant à l’encontre d’une prise en charge de

qualité (15), ce qui été encore récemment évoqué par des professionnels de la prise en charge

de la douleur5.

Un film pour lever des obstacles

Le CNRD souhaite contribuer à résoudre les problèmes de financement du MEOPA

afin de permettre à tous les patients d’accéder à ce produit essentiel en matière de douleur

provoquée par les soins.

Pour convaincre professionnels et décideurs de l’utilité et de la faisabilité du MEOPA

en ambulatoire, et en particulier au domicile, le CNRD a réalisé et produit des séquences

vidéos à propos de son utilisation dans ce contexte.

Les conditions nécessaires à cette étude de faisabilité ont pu être réunies grâce à la

présence de deux autres acteurs :

Le réseau « SOS douleur à domicile » situé en Charentes

La société Air Liquide Santé®, fournisseur de MEOPA

5 Il en a été question lors de la 5

ème Journée du CLUD-SP de l’AP-HP, le 9 janvier 2014

38

Le réseau « SOS Douleur à domicile » et son activité6

Le réseau « SOS douleur à domicile » s’est donné pour mission d’améliorer la qualité

de la prise en charge des malades présentant des douleurs aigües ou chroniques des membres

grâce aux cathéters péri-nerveux diffusant une anesthésie loco-régionale. L’objectif du réseau

à sa création était de maintenir ce type de patient à domicile pour répondre, d’une part, aux

exigences des recommandations en matière de qualité des soins (prise en charge de la

douleur), et, d’autre part, à un souci de maîtrise des dépenses de santé, la prise en charge à

domicile de ce type de patient évitant les hospitalisations de longue durée, coûteuses (16, 17).

Le réseau ainsi financé a été à même de rétribuer les actes infirmiers libéraux contribuant à la

prise en charge par cathéters péri-nerveux, en laissant augurer un développement national de

ce type d’initiative (voir à ce propos le film réalisé par le Dr Daniel Annequin en 2006).

La politique actuelle de développement de « réseaux de coordination », plutôt que de

« réseaux de soins » conduit pourtant à la restriction budgétaire à destination de ces actes

nécessaires à la qualité et la continuité des soins, et également facteurs d’économies.

Grâce à son expérience dans le domaine de l’analgésie pour les pansements des

membres inférieurs, le réseau a pu cibler les patients pouvant relever d’une indication au

MEOPA à domicile, soit dans le cas de lésions cutanées dont la gravité modérée remettait en

question la pose d’un cathéter à demeure, soit en cas de complication d’un cathéter déjà en

place.

Organisation générale de l’étude

Formation des intervenants

Au préalable une séance de formation avait été menée dans les locaux du réseau à

Angoulême, en présence d’une trentaine de ses membres. Les objectifs et la motivation de la

démarche ont été présentés, suivis d’éléments de formation théorique (film du CNRD7,

intervention de l’équipe d’Air Liquide Santé®), mais aussi pratique (maniement du matériel

sur place), et de séances de questions/réponses.

6 visiter le site internet du réseau https://www.sos-douleur-domicile.org/

7 « Utilisation du mélange oxygène protoxyde d’azote (MEOPA) chez l’enfant, l’adulte et la personne âgée »,

DVD disponible auprès du secrétariat du CNRD ([email protected])

39

Choix des patients

Aux cabinets des médecins angiologue et dermatologue participant à cette démarche

avec le réseau, les patients reconnus éligibles pouvaient bénéficier du MEOPA dès l’initiation

des premiers soins. Les critères de tolérance et d’efficacité à ce stade permettaient d’opter

pour une poursuite des soins au domicile, par une infirmière libérale.

Déroulement des soins

L’approvisionnement en MEOPA était assurée par le réseau, en lien avec l’infirmière

chargée des soins.

Entre autres, la possibilité d’une sédation consciente, la facilité d’utilisation du dernier

modèle de valve à la demande, l’aide apportée par un membre de la famille ou

l’auto-administration par le patient ont rendu possible cette méthode d’analgésie qui n’a pas

entravé la réalisation des pansements à domicile. Les infirmières ont ainsi pu réaliser leurs

soins tout en gardant un contact verbal avec leur patient.

Lors de cette étude, le MEOPA a été utilisé pour une première patiente lors de séances

de 5 à 6 min qui ont permis la cicatrisation en un mois et demi d’une 1ère

plaie de la jambe

gauche, puis, en moins d’un mois d’une 2ème

, artérielle, douloureuse, apparue ensuite sur la

jambe droite.

Pour la seconde patiente qui présentait une plaie douloureuse circonférentielle,

étendue, qui nécessitait un grattage quotidien et un renouvellement très fréquent de

pansements absorbants : les inhalations de MEOPA avaient lieu une fois par jour le matin

pendant 7 à 10 minutes, alors que le pansement de propreté du soir, moins douloureux,

permettait de s’en passer. Le MEOPA a été utilisé pour une période d’environ 4 mois, puis le

relais a été pris avec des applications locales de crème EMLA®, le grattage étant devenu

inutile.

Tournage des séquences vidéo

Avec l’accord des protagonistes, des images ont pu être tournées à différents

moments : lors de la séance de formation, lors de consultations en cabinet au cours des

premiers soins, ainsi qu’au domicile des patients pour la réfection des pansements. Ces

séquences pourront être consultées sur le site du CNRD, après la 9ème

journée du CNRD, où

40

un film en version courte résumant la problématique et montrant la simplicité d’utilisation du

MEOPA sera projeté.

Pour la réalisation de ces documents vidéos, le CNRD n’a bénéficié d’aucune aide

financière émanant de l’industrie, les seules aides, matérielles, se résumant à la mise à

disposition des locaux du réseau SOS Douleur et le prêt à titre gratuit, par Air Liquide

Santé®, de bouteilles de MEOPA.

Une évolution nécessaire

Les obstacles à l’utilisation du MEOPA en ville ont pour conséquence des soins

imparfaitement réalisés, ou rendus impossibles en dehors d’un établissements de santé compte

tenu de la douleur provoquée.

L’analgésie efficace et sûre au domicile autorise le relais précoce avec les soins

hospitaliers, diminuant la durée des séjours, avec l’opportunité d’une meilleure maîtrise des

couts globaux de santé, dans une démarche gagnant pour le patient – gagnant pour la

collectivité.

Par cette initiative, le CNRD et le réseau SOS douleur à domicile entendent stimuler

les décisions politiques permettant le remboursement du MEOPA et la valorisation des actes

correspondant à son utilisation.

Informer sur le MEOPA et démontrer son efficacité, sa sécurité d’utilisation dans le

secteur libéral doit lever les freins rencontrés chez certains professionnels, mais doit surtout

conduire les décideurs à modifier leur approche dans le contexte actuel de développement des

soins ambulatoires.

Comme le souligne le Dr A. Chateau dans son travail de thèse (18), lors de soins

programmés (en dentisterie ou en dermatologie, par exemple), l’établissement à priori d’un

« devis MEOPA » peut conduire à une participation financière librement consentie par le

patient, mais dans des cas de situation d’urgence le patient doit alors faire ce choix sous la

contrainte de la douleur, facturation à l’éthique discutable…

L’évolution du mode de financement du MEOPA est nécessaire pour le secteur dit

« de ville » et met les professionnels de santé devant leurs responsabilités déontologiques

comme les décideurs devant leurs valeurs et idéaux politiques.

41

Références (pages internet accédées le 04/09/2014)

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MEOPA en HAD : étude MEOPHAD - Résultats préliminaires. Douleur provoquée par les

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42

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15. Ortiz M, Calvino S. Prise en charge des douleurs induites : évolutions récentes.

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cabinet de Médecine de Montagne : Identifier et décrire les freins à son utilisation. Thèse pour

le doctorat en Médecine, Diplôme d'état: Université Joseph Fourier; 2012.

43

L’EPP « sans douleur »

Dunia Mutabesha, Ingénieur qualité à l’hôpital Saint-Antoine, GH HUE, Paris 12ème

(75)

Introduction

La politique d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) s’inscrit dans la

politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. L’EPP fait partie intégrante

du développement professionnel continu (DPC) qui, depuis la loi HPST du 21 juillet 2009,

est une obligation pour tous les professionnels de santé.

L'enjeu de l'évaluation des pratiques professionnelles est de répondre aux exigences

légitimes des patients et des usagers du système de santé.

Dans le manuel de certification V2010, la HAS renforce ses exigences en termes de

structuration et de déploiement de la mise en œuvre des démarches d’évaluation des pratiques

professionnelles pour les établissements de santé.

La mise en place de l’EPP doit tenir compte des orientations stratégiques de

l’établissement, et également des orientations nationales ou régionales et des enjeux liés à la

prise en charge des patients, ce qui est le cas de la prise en charge de la douleur, priorité de

santé publique depuis 1998.

Force est de constater que malgré les plans successifs de lutte contre la douleur, et la

reconnaissance du soulagement de la douleur comme droit fondamental de toute personne par

la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé,

il existe encore des malades dont la douleur n’est pas évaluée et n’est pas soulagée.

La douleur est un domaine propice à la mise en place des démarches d’EPP.

Pour aboutir à l’amélioration de la prise en charge de la douleur, donc de la qualité des soins,

ces démarches doivent être portées par les équipes et ne pas reposer uniquement sur

l’expertise des unités ou centres de prise en charge de la douleur.

44

Pour réussir l’équation8 EP2 = AP2, certains principes sont à respecter, notamment

ceux utilisés dans la conduite de projet. Avant de se lancer dans cette démarche, il est d’abord

nécessaire de se poser la question de la pertinence de l’EPP, c’est-à-dire savoir pourquoi,

pour qui, et avec quels moyens, la fait-on, puis définir ensuite une stratégie.

Objectif pédagogique

Cette intervention a pour objectif de donner les quelques principes de base à respecter

pour éviter des écueils et permettre de réussir la mise en œuvre d’une démarche d’EPP.

Le plan suivi sera :

o définition de l’EPP

o les différentes méthodes d’EPP

o principes de base pour réussir une EPP

o exemple d’EPP en imagerie interventionnelle dont les conditions de réalisation seront

analysées.

L’EPP : du concept à la réalisation

Définition

Le décret du 14 avril 2005 définit l’EPP comme « l’analyse de la pratique

professionnelle en référence à des recommandations et selon une méthode élaborée ou

validée par la Haute Autorité de Santé, et qui inclut la mise en œuvre et le suivi d’actions

d’amélioration des pratiques. »

La démarche d’EPP est une approche intégrée à l’exercice professionnel. C’est une

démarche structurée d’amélioration des pratiques et de la qualité des soins, dans le but

d’assurer un meilleur service rendu aux patients par les professionnels de santé. Elle vise à

promouvoir la qualité, la sécurité, l’efficacité et l’efficience des soins et de la prévention et

plus généralement la santé publique, dans le respect des règles déontologiques.

8 L’AP2 est un système de recensement des programmes d’EPP à l’AP-HP répertoriant tous les programmes

d’Analyses et d’Amélioration des Pratiques Professionnelles (AP2) développés par les professionnels de santé, et

on sait par ailleurs que EPP = EP2…

45

Méthodes d’EPP

Dès lors qu’un enjeu d’amélioration de la qualité et la sécurité des soins est identifié,

toute démarche ou programme comparant des pratiques réalisées à un référentiel de bonnes

pratiques correspondant est une démarche valide d’EPP.

Néanmoins, la HAS n’a validé que certaines méthodes. Ce sont ces méthodes que nous

aborderons uniquement. Elles sont issues de plusieurs approches. En règle générale, Le choix

de la méthode se fait au regard de l’objectif que l’équipe veut atteindre.

Objectifs de l’EPP Approche Exemple de méthodes utilisées

Réaliser le bilan d’une pratique au

regard de l’état de l’art

Approche par

comparaison à un

référentiel

Audit clinique/ciblé

Enquête de pratique

Revue de pertinence

Améliorer une prise en charge

Maitriser les risques d’un secteur

ou d’une activité

Approche par processus

Analyse de processus

Chemin clinique

Analyser et traiter des évènements

indésirables

Traiter un dysfonctionnement

Approche par problème

Revue de mortalité –morbidité

Méthode de résolution de problème

Analyse des processus

Analyse des causes

Surveiller un phénomène important

et agir en fonction du résultat Approche par suivi

d’indicateur Mise en place et analyse des indicateurs

Principes de base pour réussir une EPP

Avoir une bonne connaissance de la méthode est nécessaire mais non suffisant pour

réussir la démarche d’EPP. Pour ce faire, il convient de respecter les principes suivants :

Choisir un sujet pertinent, qui répond aux besoins des patients et des professionnels et

qui soit porteur d’un enjeu d’amélioration.

Avoir un soutien institutionnel, témoin de l’engagement de l’établissement dans la

politique EPP et la mise en œuvre de ces démarches. Cela garantit un soutien et un

accompagnement par les directions et ou commissions ad hoc.

Avoir du temps dédié et planifier des réunions de travail.

46

Associer le plus grand nombre possible de professionnels. Une démarche centrée sur

une réflexion partagée des différents acteurs enrichit l’analyse des pratiques, permet

une mise en commun des actions d’amélioration possible et ainsi favorise l’adhésion

de l’ensemble de l’équipe.

Fixer des objectifs clairs et réalisables. L’identification d’objectifs explicites

d’amélioration donne du sens à la démarche. Des objectifs modestes et réalistes

conduisent à des résultats concrets et visibles. C’est un facteur important de

satisfaction et de motivation pour pérenniser le travail.

Choisir une méthode d’EPP adaptée au sujet.

Identifier les recommandations de bonne pratique par rapport à des référentiels valides

et adaptés. Cela garantit la rigueur et la légitimité de la démarche

Définir des indicateurs de suivi simples et pertinents, pour mesurer l’impact des

actions mises en œuvre.

Prévoir un plan de communication et communiquer tout au long de la démarche :

d’abord à l’équipe, puis aux autres services.

S’assurer que les besoins en formations identifiés au décours de ces EPP figurent dans

le plan de formation institutionnel.

Le respect de ces règles permet d’éviter un certain nombre d’écueils à condition d’avoir

un pilote à bord, une personne qui coordonne la démarche et qui est le garant du respect de la

méthodologie.

Exemple d’un programme d’EPP en imagerie interventionnelle

Le programme concerne l’amélioration de la prise en charge de la douleur provoquée

par les gestes (soins) en imagerie interventionnelle, suite au constat de l’absence d’évaluation

systématique de la douleur avec des échelles validées. Les professionnels (MER, AS,

médecins) ne sont pas formés à la prise en charge de la douleur. Par ailleurs le protocole

habituellement utilisé dans le service pour prévenir la douleur provoquée par les soins

(analgésie locale + Perfalgan® ± morphine 1%) semble inefficace selon l’équipe

paramédicale.

La cadre de santé du service décide de mobiliser l’équipe médicale et paramédicale

autour de ce programme avec comme objectifs de permettre :

47

L’évaluation systématique de la douleur des patients à l’aide d’une échelle validée

lors des gestes suivants : biopsie hépatique, autre biopsie, ponction, drainage, chimio

embolisation, alcoolisation.

L’utilisation systématique du MEOPA pour les chimio-embolisations.

Pour ce faire, la cadre de santé s’appuie sur l’expertise du Centre d’Evaluation et du

Traitement de la douleur. Elle constitue un groupe de travail. Elle nomme deux référents

douleur dans le service, qui sont formés à l’évaluation de la douleur et à l’utilisation du

MEOPA.

Le groupe de travail réalise un audit initial qui permet d’objectiver l’insuffisance du

protocole habituel du service pour prévenir la douleur. Mais il n’y a pas de consensus

d’équipe (médicale) quant à l’utilisation systématique du MEOPA pour tous ces gestes. Il est

donc décidé d’utiliser systématiquement le MEOPA uniquement pour les gestes « réputés »

douloureux, c’est-à-dire les chimio-embolisations alcoolisation et les gestes effectués sous

scanner.

Deux ans plus tard, il n’existe pas de mesure d’impact des actions mises en œuvre.

L’EPP a permis d’améliorer partiellement la qualité des soins. Le taux d’évaluation de

la douleur des patients à l’aide d’échelles validées a augmenté, mais l’utilisation du MEOPA

reste insignifiante : deux administrations en un an…

Les raisons de cette absence de résultats sont multiples. Elles découlent d’erreurs dans

la gestion du projet, du manque d’implication de l’équipe médicale en radiologie, de

l’absence de communication avec les services cliniques qui sont supposés « être les

prescripteurs ».

Alors que le choix du sujet était pertinent, les objectifs fixés étaient simples et clairs,

la méthode adaptée au sujet, mais le pilote de la démarche a commis des erreurs stratégiques :

Ne pas associer de praticiens des services cliniques à la démarche en leur demandant

seulement de prescrire et de renvoyer un formulaire attestant que le patient ne présente aucune

contre-indication à l’utilisation du MEOPA :

48

« je soussignée Dr …….déclare avoir pris connaissance des contre-

indications à l’utilisation du MEOPA et atteste que mon patient M. . …

ne présente aucune contre-indication, qu’il a été informé et qu’il est

consentant pour recevoir du MEOPA »

alors que ce rôle de prescription est primordial, en plus de celui d’informer le patient sur les

bénéfices et éventuels effets secondaires du produit.

Ne pas former des professionnels en nombre suffisant, seuls deux manipulateurs sont

formés, aucun médecin du service.

Ne pas communiquer sur la démarche qui a été présentée en dix minutes aux cadres de

santé lors d’une réunion, sans présentation en réunion du CLUD, ou en commission EPP, pas

d’article dans le magazine du GH, etc…

Présenter la démarche comme une obligation liée à la certification :

« chers collègues des services cliniques, dans le cadre de la certification

de notre GH et l’EPP, le service d’imagerie a engagé une démarche

d’amélioration de la prise en charge de la douleur induite… »

Ces erreurs de communication ont contribué au désintérêt des professionnels vis-à-vis

de cette démarche qui pourtant a du sens pour les patients.

Beaucoup de temps s’est écoulé depuis le début de la démarche (un an) pour espérer

avoir des résultats.

Sans doute faudra-t-il clôturer cette EPP et recommencer la démarche en y associant

les bonnes personnes, et en s’appuyant davantage sur les instances et commissions de

l’hôpital pour faire connaitre le projet et permettre son avancée.

En soi, une EPP n’est pas compliquée à réaliser à condition de la conduire comme une

démarche projet, de respecter toutes les étapes méthodologiques et de ne pas s’éloigner de sa

finalité. Il s’agit en effet de permettre l’amélioration des pratiques professionnelles,

c’est-à-dire l’acquisition et/ou le perfectionnement des connaissances et des compétences,

le tout au profit du patient mais aussi du soignant, qui améliore sa pratique et limite ses

situations d’échec : c’est une démarche gagnante.

49

Références bibliographiques

1 - Décret n°2005-346 du 14 avril 2005 relatif à l’évaluation des pratiques professionnelles.

2 - Décret n°2006-653 du 2 juin 2006 relatif à l’évaluation des pratiques professionnelles.

3 - HAS Manuel de certification des établissements de santé, avril 2011.

4 - HAS Evaluations des pratiques professionnelles en établissement de santé publics et privés

participant au service public hospitalier. Version 0-Octobre 2006.

5 - HAS L’audit clinique Bases méthodologiques de l’Evaluation des pratiques

professionnelles.

6 - Loi n°2209-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la

santé et aux territoires.

50

Mise en place d’un protocole Xylocaïne® pour les Intramusculaire en HAD

chez le nouveau-né porteur d’infection

Sandrine Yoncourt1, infirmière puéricultrice coordinatrice

Edith Gatbois1, 2

, pédiatre

1Hospitalisation A Domicile, Assistance-Publique, Hôpitaux de Paris (HAD AP-HP), (75)

2Unité Fonctionnelle de Lutte contre la Douleur, Hôpital Trousseau AP-HP, Paris (75)

Mots clés : Prémédication intramusculaire, nouveau-né, démarche qualité, douleur provoquée

par les soins, hospitalisation à domicile, évaluation des pratiques professionnelles.

1. Introduction

L’Hospitalisation A Domicile de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (HAD

AP-HP) est un établissement public de santé au service des patients qui assure la mise en

place des soins au domicile et la coordination des différents professionnels participants au

projet personnalisé pour plus de 800 patients par jour. Le territoire géographique couvert

comprend Paris et les communes de la petite couronne, réparti en trois secteurs : Nord-Ouest

(N-O), Nord-Est (N-E), et Sud (S).

Une centaine d’enfants bénéficie chaque jour de cette organisation des soins au

domicile. Pour chaque projet personnalisé, les axes d’interventions s’articulent autour de la

prévention, l’éducation à la santé, le traitement vers l’autonomie des familles en préservant la

dimension fondamentale du domicile pour permettre le développement de la vie malgré la

maladie. Les puéricultrices sont le pivot de la prise en charge des enfants en HAD.

Elles interviennent « en première ligne » et interpellent les autres professionnels en fonction

de leur évaluation. La cohérence médicale du projet est évaluée toutes les semaines lors d’un

staff interdisciplinaire piloté par le pédiatre coordonnateur en lien avec le cadre.

L’interface avec les services prescripteurs est assurée par des puéricultrices de

coordination présentes dans chacun des hôpitaux pédiatriques de l’AP-HP.

Les équipes soignantes HAD pédiatrique sont pour la grande majorité composées de

femmes et d’hommes ayant une maturité professionnelle (recul par rapport au soin technique)

qui leur permette de réaliser seul au domicile des enfants malades, des soins de niveau

hospitalier. Ce projet est porté par leur professionnalisme et leur investissement auprès des

enfants.

51

2. Problématique et contexte

A la demande des familles et pour répondre aux contraintes d’organisation de service,

des maternités ont proposé des transferts en HAD de nouveau-nés traités par antibiothérapie

en intraveineux (IV) pour des infections materno-foetales. Ces nouveau-nés, pour la plupart

eutrophes avaient parfois leur capital veineux déjà bien sollicité. Assez vite certains d’entre

eux devenaient « impiquables » autant dans les conditions du domicile qu’après un retour à la

maternité. La poursuite du traitement était alors réalisée par voie intramusculaire (IM).

Malgré l’application d’un anesthésique topique en association avec du saccharose et succion

(mesures antalgiques standards), les scores de douleurs lors de ces soins étaient élevés. Les

puéricultrices ont été à l’initiative d’un changement de pratique.

3. Objectif

L’objectif de cette étude est dans un premier temps d’améliorer la prise en charge de la

douleur lors des IM chez le nouveau-né infecté et dans un second temps d’harmoniser ces

bonnes pratiques auprès des équipes HAD. Ce travail s’inscrit dans une démarche qualité

d’évaluation des pratiques professionnelles.

4. Méthode de travail

Un groupe de travail a été composé de puéricultrices référentes douleur, d’un cadre de

santé, d’un pédiatre et d’un pharmacien.

Le premier temps de notre démarche a été une étude rétrospective à partir de dossiers

pour les nouveau-nés pris en charge en 2011 pour une infection materno-fœtale, suivie de

l’élaboration d’un protocole pour les prémédications des IM avec de la Xylocaïne®, puis dans

un second temps une étude prospective.

4.1. Etude rétrospective

L’analyse rétrospective de 35 dossiers d’enfants traités pour une infection

materno-fœtale sur les 3 unités durant l’année 2011 a permis de relever les scores de douleur

lors des injections, les prescriptions ainsi que les échelles d’évaluation utilisées.

Le choix de l’échelle d’évaluation de la douleur avait été la DAN9 pour 23 dossiers, l’EDIN

10

pour 10 dossiers et 2 par EVENDOL11

.

9 Echelle d’évaluation de la Douleur Aiguë du Nouveau-né

10 Echelle de Douleur et d’Inconfort du Nouveau-né

11 Echelle d’EValuation ENfant DOuLeur

52

Vingt-deux nouveau-nés avaient été transférés pour une infection materno-fœtale avec

un âge moyen de 6,4 jours (3 à 27j), et 13 pour pyélonéphrite avec un âge moyen de 23,7

jours (11 à 28j) soit au total 35 nouveau-nés. L’ensemble des prescriptions initiales des

antibiotiques étaient par voie intraveineuse :

La prescription de Rocephine® concernait 22 nouveau-nés soit 62 %.

La prescription de Clamoxyl® ou Claforan® en 2 ou 3 injections quotidiennes

concernait 12 nouveau-nés soit 34%.

L’association de Clamoxyl® + Claforan® concernait un seul nouveau-né, soit 2%.

La durée moyenne de la prise en charge en HAD a été de 3,8 jours (1 à 8 j).

Cent-onze injections intraveineuses ont été réalisées. Sur 21 tentatives pour reposer un

cathéter, 7 ont été posées avec succès. Vingt-et-un nouveau-nés ont eu 43 injections

intramusculaires après échec de pose de cathéter. Deux enfants ont été ré-adressés à l’hôpital

d’origine.

Quatre nouveau-nés ont eu de la crème EMLA®12

seul en prémédication, trois la mise

au sein seul, et les autres l’association de la crème EMLA® + sein ou saccharose avec

succion.

L’évaluation de la douleur a été faite à l’aide de l’échelle DAN pour 23 nouveau-nés,

l’EDIN pour 10 et l’EVENDOL pour 2.

Seuls les scores réalisés avec la DAN ont été pris en compte. Pour les injections IV

(n=47), ils étaient en moyenne de 1/10. Pour les injections IM (n=43) les scores étaient

supérieurs à 6/10 malgré la prémédication par EMLA, saccharose et succion. Les pleurs des

nouveau-nés étaient prolongés.

Sachant que le nouveau-né est plus vulnérable à la douleur que l’enfant ou le nourrisson

(systèmes de contrôle inhibiteurs immatures), nous avons considéré que ces scores étaient

inacceptables d’où la nécessité d’une mise en place d’une prémédication efficace urgente.

12

Crème anesthésique topique de type EMLA® (lidocaïne, prilocaïne)

53

Mise en place d’un protocole

A partir de l’analyse de la littérature et du protocole mis en place dans le service

d’hépatologie de l’hôpital Bicêtre, le groupe « douleur pédiatrique » a élaboré une première

version d’un protocole de prémédication par la Xylocaïne® tamponnée. Ce protocole

prévoyait d’injecter dans un premier temps la Xylocaine® tamponnée, de désadapter la

seringue, de laisser l’aiguille en place puis de réadapter la nouvelle seringue avec

l’antibiotique. Il avait été validé par les pharmaciens et le CLUD de l’HAD. Il a été testé par

les puéricultrices des unités de soins et très vite modifié pour être réalisable dans le cadre du

domicile (injection en un temps).

Une fiche de recueil de données a été proposée ainsi qu’une prescription pré établie.

4.2 Analyse prospective

4.2.1. Méthode

Cette analyse prospective a débuté en novembre 2012 et s’est poursuivie jusqu’en juin

2014 soit au total 20 mois. Le travail s’est effectué en partenariat avec les services de

maternité (unité kangourou), de néonatalogie et à moindre mesure les services de pédiatrie

générale. Elle a été réalisée par les puéricultrices des 3 unités de soins.

Notre protocole de prise en charge de la douleur lors des injections IM avait été

présenté par l’équipe HAD aux équipes médicales et paramédicales des différentes maternités

et services de néonatologie (hôpitaux Louis Mourier, Bichat, Lariboisière…).

Après échanges avec ces équipes, nous avons modifié, clarifié et simplifié notre

protocole et notre prescription ce qui a permis une étroite collaboration et une relation de

confiance afin de poursuivre l’antibiothérapie au domicile en assurant la sécurité et la qualité

des soins.

Soixante-dix enfants ont été retenus pour cette analyse. Les nouveau-nés de plus de 28

jours ont été exclus de cette étude. Tous les nouveau-nés étaient atteints d’une infection

materno-fœtale.

Les nouveau-nés inclus ont principalement été transférés depuis l’hôpital Louis

Mourier et l’hôpital Bichat.

La voie intraveineuse a été privilégiée dans la mesure du possible.

En cas d’échec de repose de cathéter au niveau du service d’origine, les injections

étaient d’emblée faites en intramusculaire. Quatre re-poses de cathéter ont été faites au

54

domicile lorsque la durée de l’antibiothérapie était supérieure à 4 jours, afin d’éviter la

multiplication des injections IM.

La durée moyenne d’un cathéter était variable d’un enfant à l’autre mais rarement pour

toute la durée de l’antibiothérapie, qui était généralement de 7 jours.

4.2.2. Résultats

Sur les 70 nouveau-nés, 55 soit 79% avaient 8 jours ou moins, 15 soit 21% avaient

plus de 8 jours.

Pour 4 nouveau-nés les fiches n’ont pu être exploitées.

La durée moyenne de l’antibiothérapie au domicile étaient de :

2 jours ou moins pour 18 nouveau-nés soit 26%

3 à 5 jours pour 47 nouveau-nés soit 67%

6 jours à 8 jours pour 5 nouveau-nés soit 7%

La grande majorité des nouveau-nés étaient traités par de la Rocéphine® en une

injection quotidienne (68 nouveau-nés soit 97%) ; seuls deux nouveau-nés recevaient pour

l’un du Claforan® et pour l’autre du Clamoxyl ® en deux injections.

Pour les 66 nouveau-nés dont les fiches étaient exploitables, il y a eu au total 227

injections d’antibiotiques au domicile dont :

132 injections intramusculaires soit 58%

95 injections intraveineuses soit 42%

Vingt-cinq nouveau-nés (38%) ont eu l’ensemble de leur traitement en intramusculaire, 20

(30%) en intraveineuse, et 21 (32%) un relais de la voie intraveineuse à la voie

intramusculaire.

Dans 100% des cas, la douleur a été évaluée. L’échelle d’évaluation de la douleur

utilisée par les puéricultrices lors des injections qu’elles soient IV ou IM était la DAN dans

94%. Malgré l’accompagnement des équipes pour ce protocole, l’évaluation de la douleur lors

des injections a été faite par l’échelle EDIN pour 4 nouveau-nés13

.

13

A cet âge-là l’échelle EDIN est utile pour évaluer la douleur prolongée, pas la douleur aiguë provoquée par les

soins

55

Une attention des équipes a été portée sur l’importance de l’installation du nouveau-né

dans les bras de sa mère (au sein si possible) en association à une succion, du saccharose et la

crème anesthésiante (mesures antalgiques standards), en complément de la prémédication par

Xylocaïne® pour les injections IM.

Sur les 95 injections intraveineuses, 87 ont été évaluées par l’échelle DAN avec des

scores à 0 pour 67 injections (77%), à 1 pour 5 (5,7%), à 2 pour 8 (9,2 %), à 3 pour 5 (5,7%)

et à 6 pour 2 (2,4%) figure 1.

Huit injections ont été évaluées par l’échelle EDIN avec des scores entre 2 et 6 sur 15.

Pour 97,6 % des injections intraveineuses, les scores de douleurs évalués par l’échelle DAN

sont inférieurs ou égaux à 3/10.

Sur les 132 injections intramusculaires, 125 ont été évaluées par l’échelle DAN avec des

scores à 0 pour 41 injections (32,8%), à 1 pour 20 (16%), à 2 pour 17 (13,6 %), à 3 pour 29

(23,2%) et à 4 pour 5 (4%), à 5 pour 6 (4,8%), à 6 pour 2 (1,6%), à 7 pour 3 (2,4%), à 8 pour

1 (0,8%) et à 9 pour 1 (0,8%). Figure 1

Figure 1 : Scores de DAN (0 à 10) pour les injections IV et IM

56

Sept injections intramusculaires ont été évaluées par l’échelle EDIN avec des scores

entre 0 et 6 sur 15.

Pour 85,6% des injections intramusculaires, les scores de douleur évalués par l’échelle DAN

sont inférieurs ou égaux à 3/10 avec une moyenne à 1,9.

L’évaluation de la douleur à 5 minutes après les injections intramusculaires étaient à

zéro/ 10 (DAN) dans 100% des cas.

Le prélèvement sanguin en fin de traitement pour analyse de la C-Réactive Protéine

(CRP) a été le plus souvent réalisé au talon, avec les mêmes mesures antalgiques standards

utilisées lors de l’injection d’antibiotique.

Quarante questionnaires de satisfaction ont été recueillis auprès des familles soit

59,7%. Tous étaient satisfaits ou très satisfaits. Une seule famille, tout en étant satisfaite, a

alerté sur un défaut de coordination entre l’hôpital et l’HAD (sortie décalée de 24 heures sans

que l’HAD soit prévenue, visite au domicile de la puéricultrice alors que l’enfant était encore

hospitalisé).

5. Discussion et conclusion

Les scores moyens de douleur pour les injections intramusculaires évaluées par

l’échelle DAN passent de 7,35 dans l’étude rétrospective à 1,9 dans l’étude prospective.

Pour un nouveau-né, une contre-indication à la Xylocaïne® a été retenue après une réaction

inflammatoire locale après la première injection intramusculaire à l’hôpital.

L’ensemble des nouveau-nés avait eu à l’hôpital une première injection de

Rocéphine® en relais de la bithérapie administrée, par voie intraveineuse ou intramusculaire.

Cette précaution a été choisie pour éviter les réactions de mauvaises tolérances au

domicile. Tous les enfants ont reçu une prémédication par anesthésique topique associée à une

succion en plus d’une solution sucrée ou de la mise au sein (mesures antalgiques standards).

La crème EMLA® était remise par la puéricultrice coordinatrice de l’HAD directement aux

parents avant leur sortie de la maternité.

Cette démarche de changement de pratique a été bénéfique en premier lieu pour les

nouveau-nés et leurs parents et surtout pour les équipes. Le temps d’hospitalisation

conventionnel est réduit. En plus du traitement antibiotique, un accompagnement du retour de

57

la maternité avec renforcement de la relation parent-enfant et les conseils de puériculture sont

mis en place au domicile.

Les soins douloureux au domicile sont perçus comme très éprouvants pour les

puéricultrices de l’HAD. Pouvoir mettre en application des mesures efficaces, à leur initiative

est à la fois valorisant et gratifiant. Ce protocole a montré une bonne efficacité pour la prise

en charge de la douleur lors des injections IM, même s’il est parfois refusé par certaines

équipes que ce soit pour un choix d’antibiotiques différents dans cette indication des

infections materno-fœtales, ou par refus d’utiliser la voie IM.

Cette démarche a fait collaborer l’ensemble des équipes de l’HAD avec nos

partenaires hospitaliers. Ce protocole a été adopté par certains services hospitaliers avec des

témoignages de satisfaction des équipes soignantes. Il a également été présenté à des réseaux

de périnatalogie et au GEN-IF14

.

Annexe 1 : Protocole

Annexe 2 : Prescription pré établie

Références bibliographiques

1 - Recommandations des bonnes pratiques : prise en charge médicamenteuse de la douleur

aigüe et chronique chez l’enfant AFSSAPS nov 2009.

2 - HAS (ANAES) Evaluation et stratégie de la prise en charge de la douleur aiguë en

ambulatoire chez l’enfant de 1 mois à 15 ans Mars 2000.

3 - 17ème

journée de la douleur de l’enfant dec 2010 : Injections IM sans douleur, c’est

possible ! Hélène Darretain*, Dr Élisabeth Fournier-Charrière**

4 - Livret pédiadol douleur de l’enfant, site www.pediadol.org.

5 - Loi du2002-303 du 4 mars 2002, loi Kouchner, droit des malades et à la qualité du

système de santé.

14

Groupe d’Étude en Néonatologie de l’Ile-de-France

58

Annexe 1 : Protocole

59

60

61

62

Annexe 2 : Prescription pré établie

63

MEOPA et prévention de la douleur induite chez le sujet âgé

Dr. Véronique Morize, Equipe mobile douleur soins palliatifs

Hôpital Corentin-Celton – Assistance-Publique, Hôpitaux de Paris (75)

1. Introduction

Cette présentation vient faire mémoire d’un travail collectif et collaboratif des équipes

médicales, paramédicales et de pharmacie de l’hôpital Corentin-Celton, 7 années durant

(2005-2012), ayant conduit à la mise en place de l’usage du MEOPA auprès des grands

vieillards pour les douleurs induites par les soins.

La mise en place des démarches qualité dans nos hôpitaux, ces 10 dernières années a

fait grincer les dents de bien des cliniciens, perdus dans les tâches administratives, les

acronymes, les évaluations à blanc, les groupes de certification, les PEP15

et autres cotations.

Peu habiles (et surtout pas formés) à utiliser les concepts des "experts qualité", nous avons

navigué avec perplexité ou agacement dans cet univers nouveau peuplé de mots obscurs :

chemin clinique, audit ciblé, processus d'organisation, procédures, RMM16

, PDCA17

,

indicateurs de soin, brainstorming et logigrammes. Que soient remerciées nos collègues des

directions de soin qui avec patience et persévérance (et comme toujours une longueur

d'avance) ont jour après jour tenté de nous acclimater à cette nouvelle approche, convaincus

que les bonnes pratiques médicales et soignantes ne pouvaient qu'être valorisées par cet

éclairage.

Voici donc, l'implantation d'un traitement antalgique, à ce temps relativement novateur

en gériatrie, soutenue par une démarche institutionnelle relevant des Evaluations de Pratiques

Professionnelles.

Etape par étape, nous relaterons les phases qui ont été nécessaires et utiles à ce

changement de pratique de soin.

Comme toujours, de ces travaux en découlent d'autres ayant permis des constats

cliniques.

Depuis des années la direction des soins de l'hôpital suivait par audits la question de la

prévalence des plaies d’escarres en SSR et USLD (à l'entrée et acquises).

Les travaux de 2005 relevaient des plaies chroniques graves pour 12% en SSR et 6 %

en USLD un jour donné. Soixante-dix-sept porteurs d’escarres pour 282 dossiers audités

15

Pratique Exigible Prioritaire 16

Revue de Morbi-Mortalité 17

Plan Do Check Act (mise en œuvre du processus qualité : préparer, réaliser, vérifier, améliorer)

64

(29 en MCO/SSR et 43 en USLD) porteurs de 114 plaies au total. Pour 40 des patients

porteurs, les escarres étaient évaluées de stades 2, 3 ou 4.

La littérature nous permettait d'évaluer la prévalence des autres types de plaies

chroniques (ulcères) à près de 20% au-delà de 80 ans.

L'implantation de l'EMDSP18

sur le site depuis plus de 5 ans, avait alors permis de

relever nombre de situations où douleur/plaies et fin de vie se trouvaient en interface.

Les patients fragilisés par la polypathologie et le grand âge devenant parfois intolérants aux

prémédications antalgiques et anxiolytiques nécessaires à la réalisation des soins (sédation au-

delà du temps du pansement grevant la bonne prise du repas suivant, facilitateur de fausses

routes de déglutition) et parfois soulagement insuffisant (menant de plus à des détersions

incomplètes).

La structuration de la démarche d'implantation sous forme d'une démarche

institutionnelle de recherche a été rendue incontournable du fait des résistances fortes de la

part des pharmaciens (peur du produit, du coût) et de certains médecins (peur du volet

anesthésique, expériences antérieures infructueuses, crainte de la nouveauté), malgré le recul

déjà acquis en milieu pédiatrique.

L'appui sur les instances locales a été déterminant (cf. CLUD) et parfois limitant

(cf. COMED19

de l’AP-HP), mais a rendu obligatoire la rigueur de la démarche.

2. Phase préliminaire (septembre 2005 - mars 2006)

Appuyé sur les programmes nationaux de lutte contre la douleur (2002-2005) faisant

priorité à la prévention et au traitement des douleurs induites, puis sur le plan d'amélioration

de la prise en charge de la douleur 2006-2010, un petit groupe de professionnels

interdisciplinaire a débuté un travail d'investigation :

- analyse bibliographique de l'existant (surtout pédiatrique),

- recueil des protocoles gériatriques locaux des hôpitaux de l'AP-HP (inter groupe

CLUD- gériatrique).

Forts de ces premiers éléments, a été rédigé un protocole d'usage du MEOPA et de

surveillance adapté aux patients de l'établissement.

Une aide méthodologique a été reçue de l'équipe du CNRD (Centre National de

Ressources de lutte contre la Douleur) pour élaborer un masque de saisie informatique de

relevé des données d'administration et de surveillance (logiciel Epidata 3.1).

18

Equipe Mobile Douleur et Soins Palliatifs 19

COmité du MEDicament

65

Ce groupe noyau a ensuite formé aux indications, contre-indications, méthodes de

délivrance et de surveillance du produit, un groupe de "testeurs délivreurs", volontaires et

répartis dans les différents secteurs de l'hôpital (janvier - mars 2006).

3. Phase de test du MEOPA (ou tour N° 1= état des lieux) (mars - octobre 2006)

Durant cette première phase, les soins sous MEOPA ont tous été réalisés en

compagnonnage avec l'équipe de l'EMDSP sur appel de celle-ci, chargée de

l'approvisionnement du médicament et du matériel. Pour chaque soin réalisé un relevé

exhaustif des données pharmacologiques et cliniques a été réalisé :

Sur 52 soins réalisés auprès de 5 patients : âge moyen 85 ans, altération des fonctions

supérieures pour 50, haut niveau dépendance pour 48 (Karnofsky= 20%), 47 escarres, durée

moyenne 22 minutes (hors USLD), 43 antalgiques associés, 100% bonne tolérance au

masque, efficacité très satisfaisante : 88% ECPA ≤ 5 (score/16) pendant le soin, 2 effets

secondaires mineurs (1 somnolence/1 logorrhée) (- 4%).

Une restitution de ces résultats très positifs au CLUD en novembre 2006 a permis de

lever les dernières résistances et de conduire à l'acceptation du produit par le COMED.

4. Phase d'implantation du MEOPA et d'actions d'amélioration (2006-2008)

Dès lors la poursuite de l'implantation du médicament sur ce secteur gériatrique a

poursuivi plusieurs objectifs :

- une pérennisation du bon usage du MEOPA,

- une autonomisation des services dans leur recours au MEOPA.

Pour ce faire, des sessions de formations locales "aptitude à la délivrance du MEOPA"

ont été proposées aux soignants (infirmiers et kinésithérapeutes) de façon biannuelle par les

membres de l'EMSP (178 soignants formés de 2006 à 2012, suivi du listing nominatif par

secteur, certificat nominatif). Un atelier par semestre a permis la formation des médecins

juniors et séniors (83).

Une réflexion organisationnelle a été menée avec les cadres de soins de secteurs

concernés et la pharmacie (lieux de stockage des bouteilles en cours, commandes des chariots,

des consommables, traçabilité de la prescription et de la surveillance).

66

5. Phase de pérennisation (ou Tour N° 2 de l'évaluation) (octobre 2006-mai 2008)

159 soins ont pu être analysés à partir des feuilles de suivi et de surveillance : 144 en

SSR et 15 en USLD :

Autonomisation pour 30% (soins réalisés sans l’EMSP) :

32% en SSR (46/144) - 13% en USLD (2/15)

Indications ciblées sur spécificités du site :

escarres 56%, ulcères 14%, post amputation 29%.

Sécurité : tolérance conforme à la littérature : 4% effets secondaires.

Population receveuse représentative du site : fonctions cognitives altérées dans 35%

des soins, grande dépendance dans 48% des soins.

Efficacité constatée : auto-évaluation : douleur « absente ou faible » 89%,

hétéro évaluation : ECPA au cours du soin (cotation sur 16) ≤ 4 dans 84%.

Traçabilité délivrance conforme : 100% prescription informatisée Actipidos®.

100% feuilles de surveillance dans dossier IDE.

6. Phase de suivi et poursuite des améliorations (2008-2012)

L'usage quotidien du MEOPA en prévention des douleurs induites s'est très

naturellement élargi en gériatrie (soins de bouche et stomato chez grands déments, extractions

de fécalome) et au-delà, au SSR de médecine vasculaire (soins de plaies quotidiens), à l'HDJ

de rééducation orthopédique (injections de toxine botulique) ainsi qu'au centre du planning

familial (IVG instrumentales). L'accompagnement de cette diffusion a été suivi et favorisé par

les correspondants douleur du CLUD local.

La relecture et réécriture de la procédure est quasi annuelle à partir de la veille

bibliographique.

Devant certaines questions d'organisation, les formations ont été ouvertes aux

aides-soignants, qui peuvent être habilités à la délivrance du médicament sous la

responsabilité d'un IDE dans la chambre (réalise le pansement après avoir surveillé le patient

lors de l'induction).

L'informatisation du dossier de soins infirmiers sur Actipidos® a permis un travail

d'inclusion d'un onglet de suivi du MEOPA, permettant la saisie des données d'administration

et de tolérance.

67

Le suivi des indicateurs s'est élargi au-delà de la gériatrie et simplifié :

consommation annuelle du médicament par chaque secteur de l'hôpital

nombre de soignants et de médecins formés à l'usage et à la surveillance du

médicament.

L'EPP a été clôturée en 2012 (7 ans après) mais une vigilance quotidienne doit être

exercée par l'équipe de l'EMSP, les référents douleur du CLUD et les cadres de soins, si l'on

veut s'assurer de la pérennité et de la sécurité d'utilisation du médicament.

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69

Analgésie - Sédation en urgence préhospitalière lors de la mobilisation de

patients traumatisés - Etude PRESEDOL

Galinski Michel1, Hoffmann Laure

2, Bregeaud Delphine

3, Alhéritière Armelle

1, Kamboua

Mounir4, Ageron François-Xavier

5, Rouanet Catherine

6, Pevirieri Florence

1, Huber Jean-

Christophe7, Istria Jacques

8, Delgado David

5, Ruscev Mirko

9, Noirot Frédéric

10, Lapostolle

Frédéric1, Adnet Frédéric

1.

1APHP, Urgences-SAMU 93, Hôpital Avicenne, Bobigny (93),

2SMUR Centre hospitalier

François Quesnay, Mantes-La–Jolie (78), 3SAMU-SMUR 36, Centre hospitalier de

Châteauroux (36), 4SAMU 91, Centre hospitalier du Sud Francilien, Corbeil Essonne (91),

5SAMU 74 – Centre hospitalier d’Annecy (74),

6APHP, SMUR de l’hôpital Beaujon, Clichy

sur seine (92), 7SMUR de l’hôpital Delafontaine, Saint Denis (93),

8SAMU 83, Centre

hospitalier de Toulon (83), 9SAMU 60, Centre hospitalier de Beauvais (60),

10SAMU 77,

Centre Hospitalier Marc Jacquet, Melun (77).

1. Introduction

Les gestes douloureux provoqués lors d’un soin ou un geste sont particulièrement

fréquents en médecine d’urgence. Un travail avait mesuré un taux de 47%, certains d’entre

eux étant associés à des douleurs intenses 1. Les traumatisés sont particulièrement concernés

par ce type de douleurs que ce soit lors de la mobilisation ou lors des réductions de fracture.

Or ces douleurs sont prévisibles par définition, et il est fondamental de les éviter afin d’en

limiter les conséquences. Les sédatifs efficaces existent puisqu’ils sont largement utilisés en

anesthésie mais ils sont associés à des effets indésirables, certains pouvant être graves

lorsqu’ils sont utilisés par des personnes non formées et non entraînées.

Les recommandations internationales, depuis longtemps et françaises depuis moins longtemps

(2010), ont proposé l’utilisation de ces sédatifs par les urgentistes pour la réalisation de

certains gestes très douloureux 2- 4. Les experts français ont proposé en 2010 l’utilisation

d’un sédatif pour la mobilisation de patients traumatisés lorsque la titration morphinique était

insuffisante 2. Or s’il existe beaucoup d’études sur la réalisation de « sédation-analgésie

procédurale » aux urgences (intrahospitalières), il n’en existe aucune en urgence

extrahospitalière.

Or, en médecine d’urgence extrahospitalière, la traumatologie sévère représente 10 à

15 % de l’activité [5].

L’objectif principal de ce travail était de décrire les modalités thérapeutiques

effectivement utilisées dans cette situation par les équipes extrahospitalières et d’en mesurer

l’efficacité.

70

2. Méthode

Il s’agissait d’une étude observationnelle prospective multicentrique, ouverte, réalisée

du 1er

Janvier 2012 au 30 décembre 2013 par 10 services mobiles d’urgence et de réanimation

(SMUR), 24h sur 24. En France, les urgences médicales extrahospitalières sont prises en

charge par le SAMU qui répond à un numéro de téléphone national unique (N° 15) [6].

Les médecins urgentistes, les régulateurs, répondent à l’appel et décident de la nature de

l’aide à apporter. Lorsque c’est nécessaire, ils peuvent envoyer une équipe médicale.

Cette équipe est composée d’un médecin urgentiste, d’une infirmier(e) spécialisée en

réanimation et d’un ambulancier formé au secourisme. Les ambulances sont équipées de tout

le matériel de réanimation, comprenant notamment les médicaments d’anesthésie et

d’analgésie 6, 7.

Critères d’inclusion et de non inclusion

Nous avons inclus consécutivement tous les patients traumatisés, sans détresse vitale,

communicants et capables de faire une auto-évaluation de la douleur.

Nous n’avons pas inclus les patients en détresse vitale, polytraumatisés, non communicants ou

ayant une barrière linguistique.

Variables étudiées

Nous avons recueillis les variables démographiques et morphologiques (âge, sexe,

poids et taille de la victime), la nature et les circonstances de l’accident, la nature des lésions

principales, la nature du principal geste effectué, l’intensité de la douleur, le niveau de

sédation lors du geste, le délai de récupération après sédation ainsi que la pression artérielle,

la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire et la saturation en oxygène. Par ailleurs, les

traitements antalgiques et sédatifs administrés étaient colligés. Parmi les effets indésirables

attendus, la bradypnée était définie par une fréquence respiratoire inférieure à 10 cycles min-1

,

l’apnée par une pause respiratoire supérieure à 20 secondes, la désaturation par une SaO2

inférieure ou égale à 90%.

Mesure de l’intensité de la douleur

L’intensité de la douleur était évaluée avec l’échelle d’autoévaluation habituellement

utilisée par les soignants, le protocole d’étude ne donnant aucune consigne particulière.

71

Les échelles utilisées étaient l’échelle visuelle analogique (EVA), l’échelle numérique (EN)

ou l’échelle verbale simple (EVS) [5, 8, 9. L’intensité de la douleur était recueillie par

l’équipe à son arrivée auprès du patient, pendant le geste et après le geste. L’intensité de la

douleur pendant le geste était recueillie juste après celui-ci. La douleur était définie comme

modérée à intense si l’EVA ou l’EN était > 3/10 et < 6/10, ou l’EVS égale à 3. Elle était

sévère si l’EVA ou l’EN était 6/10 ou l’EVS égale à 4 2.

Mesure du niveau de sédation

Le niveau de sédation était mesuré avec l’échelle de Ramsay, de 1 à 6, 1 représentant un

patient anxieux et agité et 6 un patient n’ayant aucune réaction à la stimulation de la glabelle

[10].

Critère principal de jugement

Le critère principal de jugement était l’intensité de la douleur et/ou le niveau de sédation

lors du geste. L’objectif thérapeutique était considéré comme atteint si l’EVA ou l’EN ≤ 3 ou

l’EVS <2 et/ou le score de Ramsay ≤3 2.

Analyse statistique

Les variables quantitatives ont été présentées soit avec leurs moyennes et déviations

standard soit avec leur médiane et les percentiles 25 et 75 (Interquartile). Les variables

quantitatives ayant une distribution normale étaient comparées avec un test t de Student et les

autres variables avec un test non paramétrique. Les variables qualitatives ont été présentées en

pourcentage et avec leur intervalle de confiance à 95% et étaient comparées avec un test de

Chi2. Une valeur de p ≤0.05 était considérée comme significative. L’association entre les

modalités antalgiques et sédatives utilisées et leur efficacité a été mesurée avec l’aide d’un

modèle de régression logistique multivariée. Toutes les variables ayant une significativité

définie par p ≤0.2 en analyse univariée ont été incluses dans le modèle. Ces associations ont

été exprimées en Odds Ratio (OR). Nous avons utilisé le logiciel de statistique SPSS 17.0

(SPSS Inc, Chicago, Illinois, USA).

72

Ethique

Cette étude a été revue et approuvée par le Comité de Protection des Personnes de

l’hôpital R. Ballanger (Aulnay-sous-Bois, 93). Une information orale et écrite concernant

l’étude a été donnée au patient.

3. Résultats

Caractéristiques générales

Au total, 208 patients traumatisés ont été analysés. Les caractéristiques générales des

patients sont présentées dans le tableau 1. A l’arrivée de l’UMH20

, la douleur spontanée était

sévère chez 83% des patients.

Vingt modalités thérapeutiques antalgiques et/ou sédatives différentes ont été utilisées

lors de la prise en charge du patient. Ces traitements pouvaient associer un antalgique de

palier 1, du MEOPA, une anesthésie loco-régionale, de la morphine, un sédatif. Au moins un

sédatif (propofol, kétamine, midazolam, étomidate) a été administré chez 115 patients (55%).

Efficacité

Lors de la réalisation du geste, 112 patients avaient atteint l’objectif thérapeutique, soit

un taux d’efficacité de 54% IC95%= 47 - 61.

En analyse multivariée, les variables associées à l’objectif thérapeutique étaient

l’utilisation d’un sédatif, en association ou non avec de la morphine et la réduction d’une

fracture ou d’une luxation (tableau 2). Parmi les patients douloureux lors du geste (N=120),

47% avaient une douleur sévère.

Parmi les 115 patients ayant reçu au moins un sédatif pour le geste, le taux d’efficacité

était de 72% 64 - 80. La distribution des doses des différents sédatifs utilisés et leur

efficacité sont présentées dans le tableau 3.

Effets indésirables

Huit effets indésirables ont été rapportés parmi les patients ayant reçu un sédatif :

2 apnées, une bradypnée et une désaturation, un état d’agitation, une obnubilation et un

vomissement.

20

Unité Mobile Hospitalière

73

Tableau 1 : Caractéristiques générales des patients

Caractéristiques des patients N = 208

Age – Médiane (IQR), ans 38 (23 – 62)

Sex ratio, M (%) 70

Type de traumatologie N (%)

AVP

Chutes

Accidents de sport

Autres

Non renseigné

66 (32)

66 (32)

23 (11)

19 (9)

34 (16)

Lésion unique N (%) 168 (81)

Principales lésions N (%)

Fracture/luxation membre inférieur

Fracture/luxation membre supérieur

Fracture/luxation sans précision

Contusions, plaies

Non renseigné

123 (59)

31 (15)

8 (4)

33 (16)

13 (6)

Geste principal N (%)

Réduction de fracture ou de luxation

Pose d’une attelle

Mobilisation simple

Autres

108 (52)

31 (15)

54 (26)

15 (7)

74

Tableau 2 : Variables associées à l’objectif thérapeutique. Analyse multivariée prenant en

compte l’âge et le sexe des patients dans le modèle.

Variables OR IC95%

Traitement

Morphine sans sédatif

Sédatif et Morphine

Sédatif sans morphine

1

3.1 1.4 – 7.0

8.2 2.0 – 33.1

Geste

Mobilisation simple

Réduction de fracture/luxation

Pose d’une attelle

1

2.9 1.1 – 7.7

Tableau 3 : Distribution des doses des sédatifs utilisée et de leur efficacité

Médiane [Interquartiles] Extrêmes

Sédatifs mg/kg

Kétamine (N=53)

Propofol (N=34)

Midazolam (N=43)

0.33 [0.26 – 0.64]

1.0 [0.83 – 1.56]

0.03 [0.02 – 0.05]

0.11 – 1.66

0.46 – 3.75

0.003 – 0.05

Score de Ramsay (N=105) 3 [2 - 5] 1 - 6

Durée du geste (N=71) 3 [2 - 5] 0 - 20

Délai de récupération min (N=98) 1 [0 - 7] 0 - 30

75

4. Discussion

Ce travail a montré que lors de la réalisation d’un geste chez un traumatisé en

médecine d’urgence extrahospitalière, les modalités antalgiques utilisées étaient très variables.

Près d’un patient sur deux n’a pas atteint l’objectif thérapeutique. L’utilisation d’un sédatif

était significativement associée à l’atteinte de cet objectif mais les effets indésirables n’étaient

pas négligeables.

Un certain nombre de patients a donc eu des gestes douloureux sans sédatif ou une

sédation insuffisante. Un travail avait étudié le souvenir du geste et son association avec la

profondeur de la sédation, la douleur et la satisfaction du patient, lors de la réalisation de

sédations procédurales aux urgences 11. Le souvenir du geste était inversement corrélé à la

profondeur de la sédation. De plus le souvenir était associé aux plus fortes douleurs et à une

plus faible satisfaction des patients 11.

Une sédation efficace permet de réaliser avec succès la plupart des gestes comme l’ont

démontré de nombreux travaux. Les échecs sont le plus souvent associés à une difficulté liée

au geste mais aussi à une sédation insuffisante 12.

Dans la littérature, le taux des complications liées à la sédation varie de 2 à 17 % et

sont exceptionnellement graves 12, 13, 14, 15. Les différentes études ont montré qu’elles

étaient associées le plus souvent à l’utilisation de certains médicaments (midazolam) ou à

l’utilisation mal maîtrisée d’autres produits (propofol).

Ceci montre deux choses, d’une part que certaines molécules doivent être évitées et

d’autre part que des urgentistes entraînés peuvent utiliser ces sédatifs de façon sûre.

Cette maîtrise est en effet indispensable. Un travail avait mis en évidence que lors de

la réalisation d’une sédation pour des procédures aux urgences chez 1402 patients, le taux de

complications était de 3.5%. Celles-ci étaient le plus souvent associées aux sédations les plus

profondes ou effectuées la nuit 14.

Les deux molécules qui ressortent comme les plus sûres dans la littérature et les plus

efficaces dans ce contexte sont la kétamine et le propofol, dans la mesure où les praticiens

connaissent leur maniement 2, 16-18.

5. Conclusion

Dans ce travail, 46 % des patients traumatisés étaient douloureux lors de la

mobilisation. Près de la moitié avait une douleur sévère. L’utilisation d’un sédatif était

associée à une meilleure analgésie lors du geste mais n’était pas dénué d’effet indésirable.

76

Il est important que la sédation lors des gestes très douloureux soit plus systématique dans la

mesure où elle est réalisée par des praticiens formés et entraînés.

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78

Douleurs provoquées par les soins chez l’adulte : succès et difficultés de la

construction d’un audit dans un CHU parisien

Christian Guy-Coichard21

, Lydia Allouch, Rebecca Weinstein, Marie-José Masanes,

Sylvie Rostaing-Rigattieri.

Hôpitaux Universitaires de L’Est Parisien (HUEP, AP-HP), Paris (75).

1. Introduction : la douleur provoquée par les soins

Si la douleur des patients hospitalisés, au fil de trois plans successifs de santé publique

(1998, 2002, 2005), commence à faire l’objet de recommandations d’évaluation systématique

et de prise en charge, les douleurs provoquées par les soins (DPS) ont suscité peu d’études et

leur prise en charge est en conséquence peu standardisée.

La définition la plus consensuelle des DPS semble s’établir autour des caractères aigu,

indu, prévisible, et iatrogène. Ces douleurs sont donc susceptibles d’être prévenues par des

mesures adaptées.

Mais les DPS souffrent, dans le système hospitalier, avant tout d’un manque de

(re)connaissance, contrairement aux douleurs aiguës péri ou post-opératoires. On peut citer

plusieurs hypothèses à ce déficit : la banalisation des situations ou des gestes, la résistance ou

le déni des soignants, la méconnaissance des possibilités thérapeutiques, les représentations

culturelles ou sociales des patients, et le caractère chronique de certaines de ces douleurs.

A l’exception des structures pédiatriques, pionnières dans le domaine, la littérature

médicale est encore assez pauvre sur le sujet. Pourtant, plusieurs enquêtes en France ont

permis d’estimer la fréquence de ces douleurs provoquées, chez l’adulte, entre 30% et 65%

des patients hospitalisés.

Le « Livre blanc de la douleur » rédigé par le Comité d’Organisation des Etats

Généraux de la Douleur en 2005 mettait pour la première fois en avant la nécessité d’une

« amélioration de la prise en charge de la douleur axée sur la prévention », proposant des

démarches d’évaluation des pratiques professionnelles, et l’élaboration de « protocoles de

prévention de la douleur iatrogène ». Ce souhait aura été entendu puisque la prise en charge

de ces douleurs fera l’objet d’une priorité du second Plan National de lutte contre la douleur.

Cependant, la variabilité des situations et des conclusions des études ne permettent

pas, pour l’instant, de définir, à l’échelle d’une structure hospitalière, une stratégie générale de

21

Auteur correspondant. : Christian GUY-COICHARD, Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur,

Hôpital St Antoine, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, 184 rue du Faubourg St Antoine, 75012 Paris.

[email protected] .

79

prévention et de traitement des DPS. Il reste nécessaire de mieux appréhender l'incidence et le

périmètre de ces douleurs, pour espérer construire des outils de formation efficaces, et une

prévention plus standardisée.

2. Une enquête pilote en 2011

Le Comité de Lutte contre la Douleur (CLUD) de l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP,

Paris) a procédé en 2011, en association avec la Direction des Soins de l’établissement, à une

étude descriptive monocentrique « un jour donné ». L’enquête a été coordonnée et organisée

par un Comité de Pilotage, qui a en outre supervisé la saisie des données et l’analyse des

résultats.

Le Comité de Pilotage a établi une liste de soins et gestes potentiellement douloureux,

couramment pratiqués dans l’établissement (toilette au lit, pose de sonde gastrique ou

urinaire, pansement, transfert sur brancard, ponction d’ascite, osseuse ou hépatique).

Il a également constitué une liste d’enquêteurs soignants (médecins, cadres et infirmières).

Tous les patients majeurs hospitalisés dans l’établissement depuis au moins 24 heures,

bénéficiant le jour de l’enquête d’un soin ou d’un geste médical faisant partie de la liste

précitée, et consentants, ont été inclus dans l’étude. Ont été cependant exclus les patients

présentant des troubles avérés de la vigilance et/ou de la parole ou une démence, et

globalement les services de psychiatrie, de réanimation médicale et chirurgicale, et les

Urgences.

Le jour de l’enquête, les enquêteurs ont établi le matin dans chaque unité de soin

concernée la liste des patients incluables.

Les données ont été recueillies à l’aide d’un questionnaire destiné aux patients inclus,

et d’un questionnaire destiné à l’infirmière en charge du patient. La traçabilité des données

recueillies a été recherchée dans le dossier de soins du patient. Pour les patients ayant

bénéficié de plusieurs gestes potentiellement douloureux, un questionnaire a été rempli pour

chaque geste.

La passation des questionnaires (soignant et patient) avait lieu entre une et deux heures

après le geste potentiellement douloureux. Le questionnaire soignant interrogeait pour chaque

patient inclus l’existence de prescriptions préventives, d’une évaluation avant et après le

geste. Le questionnaire patient relevait la présence ou non d’une douleur, son intensité sur une

échelle numérique, l’existence selon le patient d’une évaluation avant et après le geste,

80

le degré de satisfaction de la prise en charge de la douleur (échelle numérique, valeurs

extrêmes 0 et 10).

Soixante-sept sur les 538 (12,5%) patients hospitalisés le jour de l’enquête répondaient

aux critères d’inclusion et 43 ont signalé une DPS (8% des patients hospitalisés, 64% des

patients inclus), correspondant à 69 gestes ou soins.

Les pansements, les toilettes au lit et les transferts sur brancard représentent les soins

jugés les plus douloureux. La moyenne d’intensité douloureuse est de 5.58 ± 2.55 sur 10 sur

l’échelle numérique (n=80).

Le degré moyen de satisfaction du patient, quant à la prise en charge globale de sa

douleur, est de 6.79 ± 2.57 pour les patients ayant jugé le geste douloureux (n = 61), et de

7.48 ± 2.58 pour la totalité des patients (n=67), semblant évoluer avec les scores de douleur

après le geste.

Dans 24 cas (34.7%), les patients se sont vus proposer un traitement de la douleur

avant le geste. Cela va de 44% (12 cas sur 27) pour les pansements, à 26% (7 cas sur 27) pour

la toilette au lit, 33% pour une pose de sonde (1 cas sur 3), et 0% pour un transfert sur

brancard (sur 5 cas).

L’évaluation de la douleur après l’acte jugé douloureux est signalée par le patient dans

27 cas (42%), alors qu’une trace de celle-ci est signalée dans 84% des dossiers de soins

correspondants. Selon le patient, un traitement de la douleur a été proposé dans 16 cas (25%)

après le geste.

Le croisement avec les questionnaires « soignant » est instructif ; la prévention de la

douleur a été proposée par les infirmières dans 58% des cas (45 cas sur 77) ; ce taux atteint

64% pour les pansements (23 cas sur 36), 59% pour les toilettes au lit (19 cas sur 32).

Quatre-vingt-quatre pour cent des soignants ignorent l’existence éventuelle d’un

protocole ou d’une procédure de prise en charge de la DPS dans leur service.

3. Cet audit pilote débouche sur un plan d’actions…

Quatre-vingt-six pour cent des gestes et soins investigués sont considérés par les

patients comme générateurs de douleurs. La fréquence des DPS n’est donc pas négligeable,

au contraire. La moyenne de l’intensité douloureuse, pour les patients douloureux, est de 5.58

sur 10 (douleur moyenne à intense). La DPS peut donc être, dans un grand nombre de cas,

d’intensité élevée, même pour des actes jugés souvent bénins (toilette au lit, pansement,

transfert brancard).

81

Pour les patients ayant signalé un geste douloureux, seul un tiers s’est vu proposer un

traitement préventif de la douleur avant le geste, et seulement un quart un traitement curatif

après le geste, ce qui est un taux anormalement bas. En parallèle, la douleur n’a été évaluée

après l’acte douloureux que dans 42% des cas. L’octroi éventuel d’un traitement antalgique

est donc probablement doublement filtré par l’opinion de l’évaluateur :

est-il utile d’évaluer la douleur si l’on pense être seul juge de l’utilité d’un

traitement antalgique ?

et pourquoi proposer un traitement antalgique si l’on n’a pas évalué la douleur ?

Le tableau des propositions de traitement antalgique selon l’intensité signalée de la

douleur montre une incohérence générale, en tous cas l’absence d’une démarche structurée.

Ces résultats sont à mettre en regard avec les déclarations des infirmières concernées.

En effet, pour celles-ci, la prévention de la douleur a été proposée dans 58% des cas (64%

pour les pansements, 59% pour les toilettes au lit) ; et une traçabilité de l’évaluation se

retrouve dans 84% des dossiers de soins. Tout ceci incite à renforcer la formation sur la

douleur, et en particulier sur son caractère subjectif, et les préjugés sur la douleur liée aux

soins, et tout particulièrement sur l’évaluation de la DPS, avec des outils et une procédure

codifiés.

Enfin, la présence éventuelle, dans l’unité de soins, d’un protocole de prise en charge

de la DPS est réfutée par 84% des soignants, et cette forte proportion est retrouvée quel que

soit le geste. Que ces protocoles existent ou non, leur utilisation est marginale et peut devenir,

là aussi, un objectif de travail du CLUD.

La satisfaction du patient est malgré tout élevée, malgré les insuffisances de la prise en

charge de la douleur, ce qui est classiquement retrouvé dans les études rétrospectives sur la

douleur. La confiance dans les médecins, l’empathie des infirmières, jouent sans doute un rôle

important dans ce niveau de satisfaction quant à la prise en charge de la douleur, et aussi

peut-être la brièveté de certaines douleurs, dont il n’est pas sûr qu’elles nécessitent un

traitement, voire les représentations propres du patient, ou le soulagement de son anxiété.

Ce sont des pistes que des études ultérieures devront explorer. Cependant, le niveau de

satisfaction permet d’espérer un objectif bien supérieur, en particulier pour les toilettes au lit.

Le CLUD, associé à la Direction des Soins de l’établissement, a pu s’appuyer sur les

résultats de l’enquête pour dresser une liste argumentée d’actions à mener, en terme de

formation des personnels et de révision des procédures de prise en charge de la douleur :

82

cibler les toilettes au lit (et les gestes considérés comme bénins), systématiser l’évaluation a

posteriori, ainsi que les propositions de traitement, améliorer la traçabilité réelle des actions.

Une présentation des résultats a été faite devant le CLUD, ainsi qu’en réunion des

cadres de proximité de l’hôpital. L’audit et le plan d’actions, ont fait l’objet d’un message

d’information sur l’intranet. Un programme de formation à l’évaluation de la douleur a

ensuite été mis en place à l’échelle de l’hôpital, en direction de tous les soignants.

L’investissement des services n’a cependant permis d’avoir qu’un taux faible de participation

(environ 15%).

4. …mais aussi sur une nécessaire évolution de la méthodologie

L’enquête pilote a permis un affinement et une adaptation de la méthodologie pour les

enquêtes suivantes.

Rappelons les critères d’inclusion : patients adultes hospitalisés en hôpital de jour,

ou depuis plus de 24h dans une unité d’hospitalisation conventionnelle.

Critères d’exclusion : patients hors d’état de répondre à une enquête par

questionnaire ; patients hospitalisés dans les unités de psychiatrie ; patients présentant des

troubles de la vigilance, de la parole, de la communication en général.

Le principal biais de l’étude pilote était l’élaboration d’une liste « a priori » et

volontairement restreinte de gestes potentiellement douloureux. Nous avons donc jugé

nécessaire d’adapter la liste des gestes pour chaque catégorie professionnelle (médecins,

infirmières, aides-soignantes), en balayant largement les gestes classiquement réalisés (à

l’exception des ponctions veineuses) :

les toilettes au lit

les transferts sur brancard et brancardages

les pansements (ulcère, escarre, plaie traumatique, post-chirurgical)

les poses et retraits de sondes (urinaires, gastriques, drains, redons)

les ponctions médicales (liste limitative : ponctions artérielles, pose de cathéter

central ou de PiccLine, ponctions-biopsie, ponctions évacuatrices ou

diagnostiques d’ascite, pleurale ou lombaire).

Un deuxième biais dans l’étude était représenté par la rédaction des questionnaires, et

l’interprétation possible de certaines questions. Il ne nous a pas semblé utile de maintenir un

questionnaire « soignant » qui laissait trop de place à la subjectivité, même si la confrontation

83

des points de vue « soignant » et « patient » était intéressante. Ce questionnaire a été remplacé

par un questionnaire « dossier » qui recherche des éléments objectifs d’évaluation de la

douleur (avec outil validé) après le geste, et la proposition d’un traitement antalgique.

Côté patient, le questionnaire a été purgé des questions parfois mal comprises par le

patient (« à quoi attribuez-vous votre douleur ») pour se concentrer là aussi sur des éléments

objectifs : évaluation de la douleur après le geste (échelle numérique EN de 0 à 10),

proposition ou non d’un traitement, évaluation ou non de la douleur après le geste, degré de

satisfaction globale (EN) ; la cohérence globale de l’évaluation est représentée par la question

« accepteriez-vous que ce geste soit refait dans les mêmes conditions ? ». Enfin, le

consentement du patient est sollicité et acté, et l’anonymat est garanti dès le consentement

(voir les questionnaires en annexe).

Un troisième biais était représenté par l’exclusion d’un certain nombre d’unités de

soins, où la faisabilité de l’enquête semblait difficile, mais qui pouvaient cependant être

pourvoyeuses de DPS spécifiques. Nous avons donc intégré, afin de tendre vers une meilleure

exhaustivité, dans les services concernés, les hôpitaux de jour et de semaine, ainsi que les

services de réanimation ou de soins intensifs.

Par ailleurs, le déroulement de l’enquête (bonne participation en termes d’enquêteurs,

mais passivité des services) nous a incités à réfléchir à une plus grande implication des

services : rédaction d’un protocole d’enquête, implication de la direction de la

communication, sollicitation précoce des cadres, et de personnels des services le jour même.

Les chefs de pôle, chefs de service et d’unités de soins, cadres de pôle et de service, sont

sollicités par courrier afin de libérer la journée d’enquête des évaluateurs choisis parmi les

soignants volontaires pour participer à l’étude et les référents du CLUD. Le cadre infirmier

responsable de l’unité de soins a la responsabilité de l’enquête dans l’unité. La liste des

patients éligibles est établie la veille et complétée en début de journée avec le binôme

évaluateur, les dossiers de soins mis à disposition en fin de journée.

5. Résultats de l’audit en 2013

L’enquête a donc été renouvelée en 2013, avec la nouvelle méthodologie. Elle a

concerné 4 pôles et 32 services ou unités de soins. Le nombre d’enquêteurs dégagés est plus

réduit qu’en 2011, signant une moindre mobilisation des services, sans doute partiellement

liée à des contraintes d’effectifs, mais aussi au contexte (pression des procédures de

certification de l’établissement dans les mois précédents).

84

Vingt-cinq services (78%) ont procédé à une présélection en fonction des gestes et

soins prévus ; le taux d’inclusion dans les services ayant joué le jeu de la présélection était de

18.2% (72/395), et de 10.2 % (13/127) dans les autres services concernés.

L’inclusion a été proposée à 85 patients (13.7% des 671 patients présents), 74 ont

donné leur consentement, 11 ont refusé. 89 gestes ou soins sont concernés par l’enquête

(16 patients ont eu deux gestes, aucun plus de 2).

Le ratio F/H est de 1.05, l’âge moyen de 69.8 ans ± 15.8.

L’intensité de la DPS se répartit comme suit : absente 40 gestes ou soins (45%),

faible 23 (26%), modérée 14 (16%) et sévère 11 (12%).

Les toilettes au lit représentent 48.3 % des gestes concernés, les pansements 29%,

les poses ou retraits de sonde 11%, les ponctions médicales 7% et les transferts sur brancard

3%.

Dix-sept pour cent des toilettes au lit et 12% des pansements sont jugés pourvoyeurs

de douleur sévère par le patient (EN >6).

Le degré de satisfaction moyen est de 7.9/10, 85% des patients se déclarent satisfaits

ou très satisfaits (EN>5).

La comparaison des déclarations du patient, et des éléments du dossier, concernant

l’évaluation de la douleur et la proposition d’un traitement antalgique, après le geste ou le

soin, donne le tableau suivant :

Selon le patient Selon le dossier

Proposition de traitement après le geste 19 (21.8 %) 15 (21.7 %)

Evaluation de la douleur après le geste 33 (37.1 %) 9 (13.9%)

Enfin, les enquêteurs ont recherché l’existence, dans les unités de soins, de protocoles

de prise en charge de la douleur induite par les soins, en questionnant soignants et cadres.

L’existence d’un protocole de ce type est retrouvée dans 11% des cas (8 gestes), et l’existence

d’un protocole spécifique pour le geste concerné dans 9% des cas (6 gestes).

6. Discussion et perspectives

Des objectifs de travail confirmés

Malgré les écueils méthodologiques que nous discutons ci-dessous, le second audit

confirme globalement les conclusions et les pistes de travail de la première enquête. Le plan

d’actions, établi conjointement par le CLUD et la Direction des Soins de l’établissement,

85

et qui sera présenté aux cadres de proximité, aura pour axes principaux : systématiser

l’évaluation a posteriori des DPS, ainsi que les propositions de traitement antalgique,

améliorer la traçabilité de ces actions, renforcer la formation du personnel sur les DPS, leur

évaluation et leur prévention, et cibler les gestes jugés bénins et cependant gros pourvoyeurs

de DPS, comme les toilettes au lit.

Par ailleurs, l’enquête peut servir à la construction d’un indicateur annuel ou

bisannuel de qualité de la prise en charge de la DPS sur l’établissement ou le groupe

hospitalier. Cela incitera à dégager des moyens spécifiques de formation et d’évaluation des

pratiques.

Enfin, cet audit a été déclaré comme procédure d’évaluation des pratiques

professionnelles (EPP) au niveau de l’établissement ; cela devrait encourager les diverses

structures concernées (CLUD, DSI, Cellule Qualité) à pérenniser ces actions et leur donner un

caractère régulier.

Une méthodologie difficile à mettre en place, plus cohérente mais toujours à

affiner

Certains écueils méthodologiques ont été levés (les biais signalés au paragraphe 3)

grâce à une enquête pilote préalable. Les unités de soins qui ont joué le jeu de la participation

montrent nettement une bien meilleure qualité des données et une plus grande facilité de

l’enquête. Cependant, d’autres écueils sont apparus, qui tiennent plus spécifiquement à la

mobilisation et la motivation des acteurs. Nous sommes encore loin de l’exhaustivité qui nous

permettrait de faire un état des lieux précis et exhaustif, et de calculer incidence ou prévalence

des douleurs induites par les soins sur l’établissement.

On pourra discuter l’importance des mécanismes de résistance des soignants et de

l’encadrement dans ce domaine, ou au contraire l’importance du contexte, en particulier des

nombreux efforts demandés aux services et aux cadres en termes d’évaluation et

d’amélioration de la qualité. Cela nous oblige cependant à évoquer des adaptations

supplémentaires.

Il est proposé d’ouvrir encore la liste des gestes potentiellement douloureux, en

incluant les ponctions veineuses, écartées au nom de la faisabilité de l’enquête, au prix d’une

réduction importante de l’exhaustivité. La liste inclura donc la totalité des gestes et soins

couramment réalisés dans ces services.

Afin de mieux formaliser la démarche, et de mieux encadrer les différents

intervenants, avant et pendant l’enquête, il a été proposé que cet audit fasse l’objet d’un

86

protocole de recherche. Une recherche de financement spécifique permettrait de dégager des

moyens techniques et en personnel, qui rendraient moins aléatoire la recherche d’exhaustivité.

En particulier, la présence d’un Assistant de Recherche Clinique (ARC) pendant quelques

jours permettrait un meilleur et plus strict encadrement de l’enquête, et un contrôle de qualité.

Ceci ne remplacerait cependant pas le lien indispensable entre la Direction des soins et

l’encadrement de proximité.

7. Conclusion et Perspectives

La prise en compte des douleurs provoquées par les soins doit imposer au préalable un

recensement rigoureux des gestes, une classification de ces douleurs, une identification des

situations génératrices, un inventaire des facteurs de résistance, avant même de pouvoir

songer au volet préventif ou thérapeutique. Parce qu’elles sont la conséquence de gestes

diagnostiques, d’actes thérapeutiques ou de soins, leur prévention et leur prise en charge sont

de la responsabilité des soignants, et tout particulièrement des prescripteurs.

Cette étude pilote, malgré les limitations discutées ci-dessus, à défaut de permettre une

estimation de l’incidence importante des DPS, a mis en évidence un défaut de prise en

compte, par le personnel hospitalier en général, de certaines d’entre elles, associées à des

gestes ou soins jugés, à tort, moins pourvoyeurs de douleur. Elle permet de s’appuyer sur des

données concrètes pour dégager un plan d’actions à l’échelle des services ou de

l’établissement.

Elle a le mérite d’avoir obligé à formaliser progressivement le protocole d’enquête, en

vue d’en faire une évaluation régulière des pratiques professionnelles. Le travail est cependant

loin d’être fini, et la prochaine enquête, en 2015, devrait permettre de poser les bases d’une

possible extension à la totalité du Groupe hospitalier, et pourquoi pas à d’autres

établissements.

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88

La douleur induite à la réfection des pansements

Adéline Tainmont, Infirmière Ressource Douleur Clinicienne,

Centre Hospitalier Jean Bernard, Valenciennes (59).

« On peut souvent vivre toute sa vie sans avoir besoin de traitement ou de réparation, mais on

ne peut pas vivre sans soin : soigner est différent de traiter ». Marie-Françoise Collière

1. Introduction

Les réfections de pansement sont souvent appréhendées par le patient, la douleur

provoquée par cet acte peut engendrer du stress et de l’anxiété, voire une véritable phobie des

soins. En effet, une douleur non correctement prévenue et traitée, peut entraîner un retard de

cicatrisation et à long terme affecter la qualité de vie du patient.

Cette problématique concerne le patient bien sûr, et également le soignant qui ne peut

réaliser le soin de manière efficace.

Infirmière Ressource Douleur depuis 2011, j’ai réalisé lors de ma prise de fonction,

un recensement des référents douleurs de l’hôpital et fait un état des lieux sur l’existant en

matière de prise en charge de la douleur liée aux soins (moyens pharmacologiques, moyens

non médicamenteux, démarche d’évaluation de la douleur…).

Un tiers des appels au centre de la douleur relevait d’une demande de conseils sur la

prise en charge de la douleur lors d’une réfection de pansement avec de nombreux

questionnements des soignants sur la douleur induite, des demandes de formations se

rapportant au MEOPA, aux moyens non pharmacologiques (distraction, respiration…).

Ainsi, le groupe « douleur et pansement » du CHV (1800 lits) a été créé en vue de mettre en

place des mesures d’amélioration.

Le groupe est constitué d’une interne en pharmacie, d’une cadre, d’infirmières,

d’aides-soignantes « référentes douleur » de services médico-chirurgicaux : hémodialyse,

endocrinologie, dermatologie, chirurgie gynécologique, médecine polyvalente et oncologie.

L’objectif global étant de proposer des recommandations de bonnes pratiques

cliniques pour la gestion de la douleur lors du changement d’un pansement, adaptées aux

spécificités et ressources de chaque service.

89

2. Pourquoi agir sur cette douleur ?

Afin d’éviter et prévenir :

Pour le patient

Un retard de cicatrisation, l’appréhension, la peur des soins, les troubles de l’humeur,

l’irritabilité, la modification de l’image de soi. En effet, au-delà des modifications physiques

liées à la plaie elle-même, les représentations que chaque patient peut avoir de la douleur, de

la façon dont il doit pouvoir la supporter, la surmonter, peut ébranler l’image qu’il a de

lui-même. Cela peut entraîner une perte de l’estime de soi, des troubles du sommeil,

une dépression.

Pour le soignant

Les difficultés à réaliser le soin de manière efficace. En effet, par peur de faire mal, le

soignant peut éviter une détersion trop longue, un lavage de la plaie important, bien que cela

soit nécessaire. Un soin réalisé de cette manière n’est pas suffisamment efficace et va induire

un retard de guérison et des soins sur de longues périodes. Cette problématique rend la

relation avec le patient complexe. Le soignant, pourvoyeur de douleur, peut appréhender lui

aussi le soin, avoir peur de faire mal.

3. Les types de plaies les plus fréquentes

Le mal perforant plantaire

C’est l’essentiel des pansements dans le service d’endocrinologie. Le patient doit se

rendre en soins externes pour réaliser toutes les semaines un suivi et une réfection de son

pansement. Cette plaie est souvent exsudative et inflammatoire. Elle apparaît chez le patient

diabétique à cause d’une hyperpression, d’un durillon ou d’un corps étranger sous le pied

entraînant une ouverture de la peau, et une infection. Le suivi est important et l’exploration de

la plaie également.

L’ulcère artériel et veineux

Cette plaie est particulièrement douloureuse et demande une prise en charge

pluridisciplinaire. C’est une plaie chronique qui engendre des douleurs aigües et chroniques.

L’ulcère artériel est décrit comme étant le plus douloureux.

90

La plaie d’escarre

L’escarre est due à une ischémie provoquée par la compression de la microcirculation

qui est formée par des artérioles et veinules. Cette ischémie entraîne une nécrose des tissus.

Au niveau des artérioles on observe une diminution du flux sanguin, donc de l’apport en

oxygène (hypoxie) et d’une diminution des apports des éléments nutritifs. Au niveau des

veinules on observe une diminution du flux sanguin ce qui entraîne une accumulation des

métaboliques toxiques : CO2 et produits de dégradation des matières organiques.

Les stades de destruction de l'escarre

Stade 0 absence de rougeur

Stade 1 érythème réversible

Stade 2 érythème persistant, phlyctène,

Stade 3 nécrose : plaque noire sèche puis suintante

Stade 4 ulcération : décollement de la plaque noire, nécrose ouverte,

visualisation de l'os

Stades de reconstruction de l'escarre

Stade 0 (noir) nécrose

Stade 1 (jaune) détersion : élimination des tissus

Stade 2 (rouge) bourgeonnement, rétrécissement des bords de l'escarre

Stade 3 (rose) épidémisation

Le récapitulatif des différents types de pansements selon la nature de la plaie est décrit en

annexe 2.

4. Etat des lieux et audit de dossiers

Au sein de l’établissement, nous avons réalisé un état des lieux sur les différentes

pratiques des services de chirurgie et médecine, il en est ressorti un manque d’homogénéité

des pratiques sur la prise en charge de la douleur lors de réfection des pansements, un manque

de connaissances des équipes soignantes sur les traitements antalgiques (délai, durée d’action,

indication par rapport aux types de douleur), une sous-utilisation des outils d’évaluation de la

douleur et un manque de traçabilité de l’évaluation de la douleur avant, pendant, après la

réfection du pansement.

91

Nous avons réalisé un audit de dossiers « un jour donné » en mai 2013 sur des patients

adultes communicants dans plusieurs services choisis par le groupe douleur et pansement.

Sur 32 dossiers audités (19 en format papier, 13 informatisés) et 80 réfections de pansements,

aucun patient n’a bénéficié de méthodes non médicamenteuses. L’évaluation de la douleur à

l’entrée était notée dans 90% des dossiers papiers et 100% des dossiers informatisés dont 93%

avec une échelle adaptée. Vingt-quatre patients sur 32 avaient une prescription anticipée

antalgique. La dispensation antalgique spécifique avant les soins a été effectuée pour 13

patients sur 32 patients.

5. Actions mises en place par le groupe

Nous avons travaillé en sous-groupe selon la fonction de chacun (médecin,

aide-soignant, infirmiers). A partir de la recherche bibliographique sur les douleurs induites

par les réfections de pansements, nous avons réfléchi sur l’installation, le confort,

l’ergonomie, les moyens médicamenteux et les méthodes non pharmacologiques.

Nous avons élaboré une affiche « Prévenir la douleur induite »

Elaboration d’une affiche validée par le CLUD

Cette affiche a été diffusée par chaque référent douleur dans son service de soins et lors

des formations douleur annuelles.

92

Elaboration d’un guide pratique concernant la douleur, disponible en format papier dans un

classeur dans chaque service. Il reprend la partie législative, la définition de la douleur aiguë,

la douleur chronique, la douleur induite et des fiches relatives à la réfection de pansements.

Elaboration d’un mémo avec les délais d’action des médicaments disponibles sur

l’hôpital, affiché dans les salles de soins et en format « poche » ultérieurement.

6. Perspectives

La diffusion du travail du groupe douleur a démarré par le biais de la présentation d’un

poster à la Société Française d’Evaluation et Traitement de la Douleur en novembre 2013,

où j’ai eu la chance de rencontrer l’équipe du CNRD (Centre National de Ressources de lutte

contre la Douleur).

Nous envisageons de refaire un audit en 2015. L’axe principal concernera l’évaluation

de la douleur, la réévaluation et la délivrance dans le meilleur délai d’un antalgique avant la

réalisation d’un soin.

7. Conclusion

Je pense que le plus important est d’être présent sur le terrain. Cela permet d’être à

l’écoute des difficultés des équipes, de faire ensemble et de valoriser leurs compétences.

Le rôle de l’IRD dans la formation est essentiel, je peux, grâce à cela, véhiculer les nouvelles

pratiques, diffuser les informations acquises lors de journées ou congrès spécialisés, comme la

journée du CNRD.

93

Références

1 - LIRON A. Conseils pratiques d'une infirmière conseil en pansements. LA REVUE DE

L'INFIRMIERE. 2007(130):20-2.

2 - La réfection d'un pansement in : THIBAULT P, CIMERMAN P, LIRON A. Douleur liée

aux soins. L'infirmière magazine. 2008;Cahier de formation continue(236):I-XIX.

3 - THIBAULT P, CIMERMAN P. Douleur liée aux soins : prévention et prise en charge.

Objectif Soins. 2008(166):34-9.

4 - MEAUME S, GUIBON O. La douleur au quotidien chez les patients souffrant de plaies

chroniques. Journal des plaies et cicatrisations. 2006;10(56):9.

5 - FROMANTIN, I. Plaies cancéreuses, prise en charge infirmière. Journal des Plaies et

Cicatrisations, 2000(25):15-7.

6 - FROMANTIN, I, CHARITANSKY, H. La détersion en pratique. SOINS. 2007(713):19-

22

GUILLEMIN E. Réfection des pansements vasculaires et gestion de la douleur. LA REVUE

DE L'INFIRMIERE. 2007(130):18-9.

7 - LOBSTEIN A, MARINIER F. Soins infirmiers et huiles essentielles en gériatrie. SOINS

GERONTOLOGIE. 2014(108):29-32.

8 - Maillard, F. Délai d’action des antalgiques : quand réaliser le soin ? [En ligne] 2014 Mars

[consulté le 11 août 2014]. Consultable à l’URL : http://cnrd.fr/Delai-d-action-des-

antalgiques.html

94

Annexe 1 : Grille Audit dossier 2013 « Douleur Induite par les soins lors d’un pansement chez un adulte communicant » Service :

Dialyse/Dossier papier Dermatologie/Dossier informatisé

Endocrinologie/Dossier papier USP/Dossier informatisé

Chirurgie Gynécologique/Dossier papier Médecine Polyvalente/Dossier informatisé

Age du patient :

Type du pansement : Ulcère artériel Ulcère veineux Escarre stade 3 Escarre

stade 4 Escarre stade 5

Plaie de moignon propre plaie de moignon infectée plaie cicatricielle post chirurgicale

Pied diabétique autre, précisez :

Evaluation de la douleur à l’arrivée du patient dans le service

Oui Par une échelle si oui laquelle : Par un commentaire Score :

Non

Evaluation de la douleur lors des soins.

Réalisation pansement J1 Réalisation pansement J2 Réalisation pansement J3

Dispensation

d’antalgique avant le soin

OUI NON OUI NON OUI NON

Evaluation Avant le pansement

OUI : Par une échelle

/ Score :___

Par un commentaire

NON

OUI : Par une échelle

/Score :___

Par un commentaire

NON

OUI : Par une échelle

/Score :___

Par un commentaire

NON

Evaluation Pendant le pansement

OUI : Par une échelle

/Score :__

Par un commentaire

NON

OUI : Par une échelle

/Score :___

Par un commentaire

NON

OUI Par une échelle

/Score:___

Par un commentaire

NON

Evaluation

Après le pansement

OUI : Par une échelle

/Score : ___

Par un commentaire

NON

OUI : Par une échelle

/Score : ___

Par un commentaire

NON

OUI : Par une échelle

/Score : ___

Par un commentaire

NON

Réajustement

thérapeutique selon évaluation

OUI NON OUI NON OUI NON

95

Existe-t-il une prescription médicale anticipée individualisée d’antalgiques ? (si douleur ou si

EVA >...)

Oui Non

Existe-t-il des protocoles de service pour la prise en charge de la douleur induite par le soin ?

Oui Non

Le délai d’action de l’antalgique est-il pris en compte pour organiser le soin ?

Oui Non Non évaluable

La durée d’action de l’antalgique est-elle prise en compte pour organiser le soin

Oui Non Non évaluable

Utilisation de moyens non pharmacologiques à visée antalgique:

Oui Lesquels :

Non

Existence d’une fiche de suivi spécifique :

Oui Non

96

Annexe 2 : Tableau récapitulatif, quelle plaie ? Quel pansement

TYPE DE PLAIE ACTION QUEL PANSEMENT ? CONSEILS Rougeur non fixée SURVEILLER Produit de prévention

ex : Sanyrèn ® / huile de soins

Changement de position toutes les 3 à 4h effleurage, surélévation des membres, matelas anti- escarres

Rougeur Plaie Superficielle

et Plaie Bourgeonnante

PROTEGER Pansement Gras ex: Urgotulle®, Tulle Gras®, Adaptic® Hydrocolloïdes et Plaques minces

ex: Algoplaque® mince Si très exsudatif: Hydrocellulaires et Plaques non adhésives ex: Allevyn®

Ne pas associer aux antiseptiques Lavage Eau et Savon CI: Brûlures 3ème degré, Plaies infectées, Mycoses CI : Plaies Diabétiques et artériopathies stade IV

Plaie Hyper bourgeonnante

REDUIRE LE BOURGEON

Nitrate d'Argent sur prescription médicale

Zone très localisée

Plaie Hémorragique REPARER PREVENIR

Alginates ex:Algostéril®,Askina Sorb®, curasorb®

Lavage de la plaie avec Eau et Savon

Plaie Infectée Malodorante

LUTTER CONTRE L'INFECTION

Pansement au Charbon ex: Actisorb® Pansement à base d'argent sur prescription médicale ex: Aquacel Argent®

Pansement à réaliser tous les jours

Plaie Exsudative ABSORBER Hydrocellulaire ex: Biatain®, Mépilex®, Allevyn® Alginates ex:Algostéril®, Askinasorb®

Réfection du pansement à saturation ou toutes les 48 heures

Plaie tunnelisée DRAINER Alginates mèche ex: Algostéril® mèche

Lavage Eau et Savon Humidifier le pansement si besoin pour le retrait

Plaie cavitaire DRAINER ET REPARER

Hydrocolloïde Gel ex: Comfee®l gel ou Askina® gel Alginate mèche ex: Algostéril® mèche Hydrocellulaires ex: Allevyn coussinet

Lavage Eau et Savon

Plaie fibrineuse Nécrose humide

DETERGER Hydrocolloïde Gel ex: Comfeel® gel ou Askina® gel

Détersion mécanique à associer avec plaque mince ou un film type algoplaque scarification au scalpel si nécessaire

Nécrose sèche HUMIDIFIER DETERGER

Hydrogel ex: Intrasite® gel

Ne pas utiliser d'hydrocellulaire

Nécrose suintante DETERGER Alginates Hydrofibres ex:Aquacel® Hydrocolloïdes

A réévaluer en fonction des sécrétions

Brûlure REPARER Pansement Gras ex: Urgotulle®, Tulle Gras® Hydrocolloïdes en plaques minces

Ne pas utiliser de biogaze car maille coton

97

Annexe 3 : Protocole aromathérapie n°1 Dénomination du protocole

Détente

Objectif du protocole

Provoquer un moment de détente, lâcher prise

Huiles essentielles utilisées

Ylang Ylang 5 gouttes

Petit grain bigarade 5 gouttes

Lavande fine 10 gouttes

Actions recherchées

Ylang ylang : antifatigue et antalgique pour les douleurs profondes

Petit grain bigarade calme et détente

Lavande fine apaise les nerfs et anti douleur

Contre-indications et effets secondaires

Ylang ylang contre indiqué pendant le premier trimestre de grossesse et chez les mamans qui allaitent

Petit grain bigarade pas avant 36 mois chez l’enfant

Lavande fine pas de contre-indication

Mode d’utilisation

En diffusion pendant 20 minutes

Commencer la diffusion 10 minutes avant la réfection de pansement

Date 27/09/2010

Nom et signature du médecin :

98

Prise en charge du patient douloureux en imagerie médicale au Centre

Hospitalier de Gonesse

Élodie Bourreau, Jennifer Rebière, Manipulatrices en électroradiologie médicale et relais

CLUD en Imagerie Médicale, Equipe du service de radiologie, CH de Gonesse,

Val-d’Oise (95)

1. Introduction

Le Centre Hospitalier de Gonesse prend en charge la population du territoire 95-2,

le plus jeune territoire d’Ile- de-France. Il dessert plus de 260 000 habitants.

Avec plus de 900 lits, il assure une prise en charge pluridisciplinaire médicale et

médico-technique et réalise chaque année plus de 25 000 hospitalisations, 75 000 passages

aux urgences et plus de 180 000 consultations externes. Plus de 2 300 bébés voient le jour à

Gonesse chaque année.

Il est également inscrit dans une dynamique des réseaux en cancérologie, pédiatrie et

périnatalité, pédopsychiatrie, gériatrie…

La qualité étant une préoccupation constante au Centre Hospitalier de Gonesse,

il existe de nombreuses instances et comités au sein de l’établissement dont le CLUD, créé

officiellement en 2005. L’instance est organisée pour promouvoir la prévention et la lutte

contre la douleur dans l’établissement en mettant en place des « relais douleur » dans chaque

secteur d’activité clinique et médico-technique.

C’est ainsi que nous, « relais douleur » de l’Imagerie Médicale, souhaitions participer

au même titre que les autres soignants à la prise en charge et à la prévention de la douleur.

Bien que l’imagerie médicale soit le plus souvent un service « de transit », la prise en

charge du patient douloureux nous incombe tout autant qu’aux autres services de soins.

Cette implication est d’autant plus forte que 75 % des patients bénéficient d’examens

radiologiques.

Ces examens peuvent être générateurs de douleur et/ou d’inconfort d’une part par les actions

d’installation et de mobilisation et d’autre part par des actions de soins invasifs liés à

l’examen telles que la pose de perfusion, l’introduction d’une sonde (lavement ou

cystographie), la biopsie ou la ponction …

99

2. Etudes réalisées en 2007 et en 2010 en Imagerie médicale (Dieudonné AGOUNYOH et

Christophe DETILLEUX et l’équipe d’Imagerie Médicale)

2.1 Objectif

Ces deux études avaient pour but d’évaluer la douleur des patients durant leurs

parcours en imagerie médicale.

2.2 Méthodologie

Nous avons distribué aux patients d’imagerie un questionnaire ayant pour but de

déterminer s’ils étaient douloureux et si oui quel était leur score algique.

Les questionnaires ont été distribués à cinq étapes de la prise en charge du patient :

1. Avant leur admission en radiologie (dans leur service d’hospitalisation pour les

patients hospitalisés et chez eux ou en salle d’attente pour les externes)

2. Pendant leur transport avec le brancardier jusqu’en imagerie (patients hospitalisés)

3. Lors de l’installation et/ou le transfert du patient sur la table d’examen

4. Lors de l’examen lui-même (échographie, scanner, IRM, radiographie, examens

spéciaux : lavement barité, cystographie, transit oeso-gastro-duodénal,

hystéro-salpingo-graphie, biopsie, ponction, arthrographie…

5. Après l’examen

2.3 Résultats

Les résultats montraient que dans 25 % des cas le transfert sur la table d’examen et la

manipulation lors de l’examen radiologique provoquaient des douleurs dont le score

dépassait 3 sur l’EN (Échelle Numérique).

2.4 Actions mises en place

L’accent est alors mis sur la formation institutionnelle à la manutention des malades

pour les personnels d’imagerie médicale (manipulateurs et brancardiers).

Conjointement, un atelier de manutention des malades spécifique à l’imagerie est mis

en place par une manipulatrice qui est aussi formatrice manutention des malades dans

l’hôpital et relais douleur. L’atelier consistait à revoir les techniques de manutention

avec un petit groupe et mise en situation dans les conditions réelles d’examen

(utilisation des matériels présents en imagerie : disque de transfert, matelas de transfert

100

et autres…). Le but est de ne pas amplifier la douleur du patient et de ne pas lui

en créer.

De plus, 40 % des patients étaient douloureux avant l’admission en radiologie. Il est

alors décidé de faire figurer sur les prescriptions d’examen l’état douloureux du

patient et son score algique avec les outils d’auto ou d’hétéro-évaluation retenus dans

l’institution.

3. Etude des prescriptions conduite en 2012 (Mme LAME-BOURGUIGNON, cadre

supérieure d’Imagerie Médicale et Mlles Élodie BOURREAU et Jennifer REBIERE,

manipulatrices en électroradiologie médicale).

3.1 Objectif

Cette étude avait pour but d’analyser dans un premier temps le renseignement de l’état

douloureux du patient hospitalisé sur les prescriptions d’examen au scanner, à l’IRM et à

l’échographie.

3.2 Méthodologie

Sur une semaine, 60 prescriptions ont été étudiées nous permettant de savoir :

Si l’état douloureux du patient était renseigné sur la prescription.

Si oui, s’il existe un score algique nous permettant de chiffrer sa douleur avant

l’examen.

3.3 Résultats

Les résultats montraient que l’état douloureux du patient était renseigné dans 68% des

cas.

Dans 29% des cas le patient est douloureux. Mais le score algique n’est indiqué que

pour un quart des patients.

3.4 Actions mises en place

L’action prioritaire est, d’une part, de sensibiliser les personnels de l’institution sur

l’importance de renseigner l’état douloureux du patient sur la prescription. D’autre part, les

professionnels de l’imagerie médicale sont engagés à prendre en compte la douleur du patient

pour la réalisation d’un examen dans les meilleures conditions.

101

La collaboration de toutes les équipes est alors renforcée :

Le personnel d’Imagerie Médicale peut prioriser l’examen d’un patient

hospitalisé connu douloureux et effectuer rapidement son retour dans son service

de soins en réduisant le temps passé en salle d’attente.

Le personnel des services de soins peut mettre en place une action de prévention

de la douleur (prémédication, prise d’un antalgique) et, en accord avec les

manipulateurs et les radiologues, réaliser l’examen dans le temps où l’efficacité

du traitement est maximale.

A distance de ces études, une réévaluation de la douleur des patients tout au long de

leur parcours en imagerie médicale et l’analyse des prescriptions (en incluant la radiologie

conventionnelle) nous permettra d’avoir une prise en charge du patient douloureux optimale.

3.5 Actions envisagées

Nous pourrons ainsi envisager d’autres actions d’amélioration de la prise en charge

des patients douloureux en Imagerie Médicale :

Sensibiliser le personnel à l’utilisation plus systématique du matériel de

manutention et de confort pour les patients lors des examens.

Former le personnel à l’utilisation du MEOPA.

Former les « relais douleur » à l’hypnose.

4- Conclusion

Ces actions d’amélioration de la prise en charge de la douleur s’inscrivent dans la

démarche qualité et suivent les recommandations de l’HAS.

Le service de radiologie fait partie du parcours de soins du patient. La prévention et la

prise en charge de la douleur doivent être considérées et faire l’objet d’un protocole dans les

services médico-techniques.

Cette prise en charge nécessite des mesures d’accompagnement au niveau matériel et

financier et aussi et surtout un investissement humain visant à mettre le bien-être du patient au

centre de notre engagement.

Il serait intéressant, pour poursuivre cette démarche, d’étendre ces études aux autres

plateaux techniques de l’établissement et/ou à d’autres établissements.

102

Références

« Livret d’accueil de l’hôpital de Gonesse » remis aux patients hospitalisés)

Articles

1 - DUGUEY I, POTIEZ E, DIXMERIAS F, MONNIN D, LAKDJA F. Mélange oxygène

protoxyde d'azote (MEOPA) en radiologie interventionnelle : expérience lors des

cimentoplasties percutanées. DOULEURS Evaluation - Diagnostic - Traitement. 2009

(HS 4):A 56

2 - LOISEAU-AUDIRAC M-P, POTIEZ E, PALUSSIERE J. Exemple de prise en charge des

douleurs induites en radiologie interventionnelle. Le manipulateur d'imagerie médicale et de

radiothérapie. 2011(203):10-3.

3 - RENOUF N, LLOP M. Promotion de la bientraitance en imagerie médicale.

LA REVUE DE L'INFIRMIERE. 2012(186):38-9.

Articles en ligne

1 - Balehouane, Z. La prise en charge de la douleur : un défi en imagerie ? [En ligne]. 2013

Octobre [Consulté le 2 septembre 2014] ; Consultable à l’URL:

http://www.cnrd.fr/IMG/pdf/Z%20BALEHOUANE.pdf

2 - Berger, M. Terrier, B. Ancelin-Berger, E. Prise en charge de la douleur provoquée lors

d’examens en imagerie médicale [En ligne]. 2013 Octobre [Consulté le 2 septembre 2014] ;

Consultable à l’URL: http://www.cnrd.fr/IMG/pdf/M%20BERGER.pdf

3 - Maillard, F. Problématique de la douleur en radiologie. [En ligne]. 2013 Octobre [Consulté

le 2 septembre 2014] ; Consultable à l’URL:

http://www.cnrd.fr/IMG/pdf/F%20MAILLARD.pdf

4 - Panaïté, G. Les difficultés de la prise en charge de la douleur

en imagerie médicale. [En ligne]. 2013 Octobre [Consulté le 2 septembre 2014] ; Consultable

à l’URL: http://www.cnrd.fr/IMG/pdf/G%20PANAITE.pdf

5 - Richioud, B. Douleurs provoquées et imagerie médicale : comment améliorer les pratiques

? [En ligne]. 2013 Octobre [Consulté le 2 septembre 2014] ; Consultable à l’URL:

http://www.cnrd.fr/IMG/pdf/B%20RICHIOUD.pdf

103

104

L’« Antal disque », un outil original pour mieux utiliser les antalgiques

Isabelle Thiltges-Althuser*, Manuela Baccaro**, Noëlle Dhaussy***,

Pascaline Bloch***, Marie Sergio****

(*médecin responsable de l’EMSP du CH de Bar-le-Duc, **médecin assistant spécialiste,

***IDE, ****Psychologue)

Depuis plusieurs années, on souligne des progrès dans la prise en charge de la douleur dans

les établissements de santé avec la mise en place des Comités de Lutte contre la Douleur, la

nomination de référents douleur au sein des services, les formations institutionnelles…

Néanmoins, la prise de conscience de la problématique des douleurs induites est récente : priorité du

deuxième programme national de lutte contre la douleur (2002-2005), définition donnée en France

par François BOURREAU et création du Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur

lors du programme 2002-2005.

« Les douleurs induites sont des douleurs de courte durée causées par le médecin ou les soignants

dans des circonstances de survenue prévisibles et susceptibles d’être prévenues par des mesures

adaptées »

Constats

La création de l’Antal disque est le fruit d’un travail d’une équipe pluridisciplinaire à

Bar-le-Duc composé de l’EMSP, du CLUD’S et du Groupe Référents Douleur, qui font les

constats suivants à l’automne 2012 :

Une étude réalisée en interne par le CLUD en 2006, puis en 2010, retrouve que les

douleurs induites représentent 1/3 des douleurs de l’hôpital. On remarque que ce

chiffre est comparable à d’autres structures hospitalières.

Les formations institutionnelles réalisées entre 2007 et 2010 ont apporté peu

d’améliorations.

L’analyse des dossiers met en évidence qu’un traitement est souvent prescrit mais « le

délai entre la prise et la réalisation du soin n’est pas connu, renseigné et ou

respecté ».

Les outils existants du centre hospitalier (mémentos, protocoles) ou ceux d’autres

établissements sont peu pratiques.

105

Méthodologie et Résultats

L’EMSP et le Groupe Référents Douleur élaborent un cahier des charges d’un outil à

l’usage des soignants afin d’optimiser la prise en charge des douleurs induites.

Le recensement des molécules référencées dans l’établissement en partenariat avec le service

de la pharmacie s’effectue en octobre 2012.

Il est décidé que cet outil renseigne l’ensemble des antalgiques des trois paliers, les

anesthésiques et le protoxyde d’azote, ainsi que les voies d’administration.

L’originalité de « l’Antal disque » est de présenter de manière quasi-ludique les délais

d’action des médicaments.

La première idée de Noëlle Dhaussy, IDE de l’EMSP, est de superposer deux disques

pour permettre la présentation des données.

La deuxième idée est l’utilisation du code couleur universel rouge, orange et vert.

Le vert désigne la période optimum de réalisation du soin selon la biodisponibilité de la

molécule. L’orange, la période où le soin peut commencer ou terminer, et le rouge, celle où le

soin ne doit pas être fait.

Enfin, la troisième idée est l’ajout d’un troisième disque pour permettre de renseigner

l’ensemble des antalgiques et de simplifier la lecture en distinguant les molécules du

palier III.

En novembre 2012, le 2ème

prototype est réalisé par le groupe de travail, et il est décidé

de mettre en place une évaluation qualitative et quantitative.

L’étude se déroule entre novembre 2012 et mars 2013 en 2 phases successives.

La population questionnée est composée d’infirmiers, d’aides-soignants et de

médecins. Les services concernés par la phase 1 et 2 sont différents.

Quatre-vingt-quatre soignants ont participé à la phase 1 qui comporte deux

parties, l’une sur la conception graphique (IA) et l’autre sur l’expérimentation (IB).

Les résultats (IA) mettent en évidence un outil trop coloré, un manque de lisibilité et

une imprécision de l’échelle (n = 38 renseignés).

Les résultats (IB) indiquent que le support est compréhensible mais qu’il comporte

trop d’informations (n = 35 renseignés).

106

L’analyse des résultats de cette première phase permet des ajustements de l’outil tant

au niveau graphique que du contenu.

Le groupe de travail adapte le disque aux exigences hospitalières : format poche,

hygiène, et rédige une notice explicative sous forme d’une pochette reprenant les modalités

d’utilisation et la bibliographie.

Ainsi la version définitive est évaluée par 42 soignants issus de services vierges

d’audits. Les résultats sont un plébiscite avec 93 % des interrogés qui estiment que l’outil est

compréhensible, utile et adapté.

En mai 2013, l’Antal disque est diffusé dans l’établissement. Une version grand

format est créée afin d’être affichée et d’être disponible dans les salles de soins pour

encourager l’utilisation du disque et sensibiliser davantage les soignants dans la lutte contre

les douleurs induites.

Les premiers constats sont la création d’un dynamisme dans la prise en charge de la

douleur dans toutes les unités de soins et la demande de diffusion de l’outil vers d’autres

établissements de santé.

Devant cet enthousiasme, le concept de l’Antal disque est enregistré à l’INPI en juin 2013.

Au cours du deuxième semestre 2013, ce travail est valorisé par l’obtention d premier

prix du concours Hélioscope de la Fondation des Hôpitaux de Paris et des Hôpitaux de

France, le prix poster de la SFETD et le prix poster du comité scientifique des Journées

Internationales de la Qualité Hospitalière et en Santé.

Afin de prouver que cet outil, accompagné d’une sensibilisation aux équipes

soignantes, permettrait une réduction de la prévalence des douleurs induites, une étude

multicentrique est réalisée entre avril et juin 2014 dans le cadre d’un mémoire de DESC de

médecine palliative et médecine de la Douleur. Il s’agit d’une étude d’évaluation de la qualité

des soins selon la technique d’étude « ici-ailleurs »

Cette étude se déroule dans 9 établissements du sud du département de la Meuse.

107

La population concerne des personnes de plus de 18 ans, capables de se soumettre à

une auto-évaluation de la douleur par l’échelle du service et bénéficiant déjà d’un traitement

antalgique de fond.

Deux groupes homogènes de patients sont comparés. Le premier est composé de

patients pris en charge dans des services ou structures sensibilisés par une information sur

l’utilisation de l’Antal disque. Le deuxième est constitué de patients pris en charge dans des

services ou structures qui ne disposent pas de l’outil et ne sont pas sensibilisés à son

utilisation. Les questionnaires ont été mis à disposition des équipes soignantes pendant 3

mois.

Des critères d’inclusion et d’exclusion sont définis, ainsi que les types de soins

(ponction biopsie osseuse (PBO), ponction d’ascite, ponction de plèvre, réalisation de

pansements, toilette, extraction de fécalome….)

A l’issue des 3 mois, 241 questionnaires ont été administrés sur les 2 groupes dont 154

questionnaires ont été renseignés et conformes aux critères d’inclusion et d’exclusion.

L’analyse et la présentation des résultats sont attendues pour le mois d’octobre 2014.

Conclusions

La réalisation ce travail original apporte un nouveau dynamisme dans la prise en

charge de la douleur dans l’ensemble de l’établissement et dans les établissements voisins.

Le fruit d’un travail collectif autour d’un projet a motivé les équipes soignantes et

médicales d’une manière inattendue. Actuellement l’écoute des patients, l’évaluation de la

douleur et les questionnements face aux situations des douleurs induites semblent retenir

beaucoup plus l’attention des soignants du centre hospitalier de Bar-le-Duc.

Des projets de création d’autres outils, à destination des services de pédiatrie ou des

soignants de la médecine de ville, sont en réflexion.

Des rencontres entre libéraux et médecins de l’EMSP sont déjà organisées, la volonté

d’un travail collaboratif est retenue pour permettre la création d’un outil le plus adapté, gage

d’une meilleure adhésion des soignants dans la volonté d’optimiser et de généraliser la prise

en charge des douleurs induites.

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Bibliographie :

(1) Enquête du CLUD’S Bar le Duc juin 2010

(2) VIDAL 2013

(3) COMPENDIUM Suisse des médicaments 2013

(4) Douleurs rebelles en situation palliative, recommandations de bonnes pratiques.

AFSSAPS juin 2010

(5) MORISSON, S. VASSAL, P, et al. Médicaments administrables par voie sous-cutanée en

soins palliatifs : revue de la littérature et recommandations. Médecine Palliative.

2012;11(1):39-49

(6) COUTAUX A, COLLIN E. Douleurs induites par les soins : épidémiologie,

retentissements, facteurs prédictifs. Douleur et analgésie. 2008;21(3):126-38.

(7) Collectif, DONNADIEU S, WROBEL JC. Les douleurs induites. RUEIL-MALMAISON:

INSTITUT UPSA DE LA DOULEUR; 2005. 192 p

(8) FRAPPE, P. Initiation à la recherche. Global Média Santé; 2011.