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LIVRET 2021-2022 / BTS 2 Objet d’étude : EXPRESSION ECRITE/SYNTHESE
Thème : De la musique avant toute chose Problématiques :
Quel est le rôle de la musique dans nos sociétés modernes ? Quel est l’impact de la musique sur l’individu ? La musique, est-elle une drogue ?
Objectifs Préparation à l’expression écrite et à la synthèse Se préparer à l’oral de rattrapage
SEQUENCE 1: DE LA MUSIQUE AVANT TOUTE CHOSE Séance 1 : Méthodologie sur la synthèse, dégager la problématique Exercice 1 Doc.1 : Les frères Grimm, Le joueur de flûte de Hamelin / Doc.2 : Prokofief, Pierre et le le loup / Doc.3 : Affiche Fantasia Exercice 2 Doc.1 : Ovide, Les Métamorphoses / Doc.2 : Verlaine, Sérénade
Séance 2 : Les animaux et la musique Support : Corpus : LES ANIMAUX ET LA MUSIQUE Doc. 1 : Victor Hugo « Les oiseaux », Les Contemplations, 1856 Doc. 2 : Guy de Maupassant, Une partie de Campagne, 1881 Doc. 3 : Emile Zola, article dans L’Evènement du 3 avril 866, « Les livres d’aujourd’hui et de demain », In Ecrits sur la musique Doc. 4 : Pascal Quignard, La Haine de la musique, 1996
Séance 3 : Expression écrite « A votre avis, les humains sont-ils plus sensibles à la musique que les animaux ? » (1er sujet)
Séance 4 : Méthodologie de la synthèse, mettre les mots clés en avant Trois exercices (un exercice par document) Doc.1 : Arthur Rimbaud, « Poésies » Doc.2 : Jean Jacques Rousseau, Dictionnaire de la Musique, Doc.3 : Jean Jacques Rousseau, Dictionnaire de la Musique,
Séance 5 : La musique, un vrai besoin Support : Corpus, LA MUSIQUE, UN VRAI BESOIN Doc.1 Marcel Proust, A la recherche du temps perdu, « Du côté de chez Swann » 1913 Doc.2 : http://bit.ly/Jimi_Hendrix_musique Doc.3 : Article e Figaro, la musique agit dans le cerveau-comme une drogue
Séance 6 : Expression écrite Quels sont les pouvoirs de la musique sur l’homme ? (2ème sujet)
Séance 7 : Langage et musique Support : Corpus : LANGAGE ET MUSIQUE Doc. 1 : Paul Verlaine, « Art poétique », Jadis et Naguère, 1884, Doc. 2 : Jean de la Fontaine, « La Cigale et la Fourmi », Fables, 1668 Doc. 3 : Louis Aragon, Chroniques du bel canto, 1947 Doc. 4 : Michel Rochan, Le Cerveau et la musique, 2018
Séance 8 : Expression écrite La musique n’a-t-elle pour but que de nous divertir ? (3ème sujet)
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SEQUENCE 2 : DANS MA MAISON Séance 1 : la maison de campagne Support : corpus : LA MAISON DE CAMPAGNE Doc.1 : Charles Perrault, Barbe Bleue Doc.2 : Marcel Pagnol, , Le Château de ma mère, 2004 Doc.3 : Le Figaro immobilier, Jean-Bernard Litzler, 27* avril 2020 Doc.4 : http://bit.ly/Vivreàlacampagne PUBLIÉ LE 31 mars 2017 par chatelliersurmulet
Séance 2 : Expression écrite « Selon vous, la maison de campagne est-elle un moyen de s’évader ? » Vous répondrez à cette question d’une façon argumentée en vous appuyant sur les documents du corpus, vos lectures et vos connaissances personnelles. (4ème sujet)
Séance 3 : la maison, témoin de notre vie Support : corpus : LA MAISON, TEMOIN DE NOTRE VIE Doc.1 : Maupassant, Une Vie, 1883, Doc.2 : Pascaline Messager, Au temps de nos maisons,2021, Doc.3 : Wikimedia commons, At Maison Lafitte, Mandeville, Louisiana, Infrogmation of New Orleans. Doc.4 : Serge Trigoud, Habiter : toute une histoire, 2020
Séance 4 : Expression écrite L’expérience du confinement va-t-elle modifier notre relation à l’habitat ? (5ème sujet)
Séance 5 : La maison, un refuge ? Support : Corpus : LA MAISON, UN REFUGE Doc.1 : François Vigouroux, L’âme des maisons, 1996-2012 Doc.2 : Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, 1957 Doc.3 : Georges Pérec, Espèces d’espaces, 1974-2000 Doc. 4 : Thomas Vinterberg, Festen, 1986
Séance 6 : Expression écrite Pensez-vous que la maison puisse toujours être un cocon protecteur ? (6ème sujet) Exemple d’oral de rattrapage en culture générale et expression BTSf
Thème : Dans ma maison
Problématiques :
La maison est-elle un facteur important pour le bien-être de
l’homme ?
La maison ne reflète-t-elle pas une grande variété de modes
de vie ?
La maison : un refuge ou une prison ?
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SEQUENCE 1 : DE LA MUSIQUE AVANT TOUTE CHOSE
Séance 1 : Méthodologie sur la synthèse : dégager la problématique
Exercice 1 : Trouvez la problématique des documents suivants
Document 1
L'étranger quitta l'Hôtel de ville et se dirigea vers la place du marché. Il commença à jouer une étrange
mélodie sur une simple flûte en bois. Dès les premières notes, les rats cessèrent de manger pour écouter la
chanson du Joueur de flûte. Puis, d'un même mouvement, tous accoururent des ruelles, détalèrent des
maisons, et s'élancèrent hors des boutiques pour venir se rassembler autour de lui.
Bientôt, la place du marché fut envahie de centaines de milliers de rats jouant toujours, l'étranger se mit à
marcher a travers la ville. Les rats le suivirent et franchirent derrière lui les portes d'Hamelin.
Lorsqu’il atteignit les berges de la rivière, le Joueur de flûte s'immobilisa sans cesser de jouer de son
instrument. Poursuivant leur galop, les rats se précipitèrent dans la rivière. Quand l'homme arrêta de jouer,
tous les rats d'Hamelin sans exception avaient été engloutis. Les gens se mirent à chanter et danser de joie,
les cloches de la ville carillonnèrent à toute volée...
Mais un matin, les habitants entendirent les doux accents d'une flûte, et ils comprirent que l'étranger était
de retour. Comme il jouait son étrange et merveilleuse mélodie, tous les enfants d'Hamelin se rassemblèrent
autour de lui en chantant, riant et dansant.
Leurs parents tentèrent de les retenir, mais ils étaient sous le charme de la musique du Joueur de flûte. Sans
la moindre crainte, les enfants suivirent l'étranger. En procession, ils franchirent le pont sur la rivière et
disparurent derrière les montagnes. Ni le Joueur de flûte ni les enfants ne réapparurent jamais à Hamelin.
Mais depuis ce jour-là, lorsque le vent souffle de derrière les montagnes, l'on peut entendre des rires
d'enfants heureux.
Le joueur de flûte de Hamelin, Les frères Grimm.
Document 2
Un beau matin, Pierre ouvrit ta porte du jardin et s'en alla dans les prés verts. Sur la plus haute branche d'un
grand arbre, était perché un petit oiseau, ami de Pierre. « Tout est calme ici. » gazouillait-il gaiement. Un
canard arriva bientôt en se dandinant, tout heureux que Pierre n'ait pas fermé la porte du jardin. Il en profita
pour aller faire un plongeon dans la mare, au milieu du pré. Apercevant le canard, le petit oiseau vint se
poser sur l'herbe tout près de lui. « Mais quel genre d'oiseau es-tu donc, qui ne sait voler ? » dit-il en
haussant les épaules. À quoi le canard répondit : « Quel genre d'oiseau es-tu qui ne sait pas nager ? » Et il
plongea dans la mare. Ils discutèrent longtemps, le canard nageant dans la mare, le petit oiseau voltigeant
au bord.
2
Soudain quelque chose dans l'herbe attira l'attention de Pierre, c'était le chat qui approchait en rampant. Le
chat se disait : « L'oiseau est occupé à discuter. Je vais en faire mon déjeuner. » Et comme un voleur, il
avançait sur ses pattes de velours. « Attention », cria Pierre, et l'oiseau aussitôt s'envola sur l'arbre. Tandis
que du milieu de la mare le canard lançait au chat des « coin-coin » indignés. Le chat rôdait autour de l'arbre
en se disant : « Est-ce la peine de grimper si haut ? Quand j'arriverai, l'oiseau se sera envolé. »
Tout à coup Grand-père apparut. Il était mécontent de voir que Pierre était allé dans le pré.
« L'endroit est dangereux. Si un loup sortait de la forêt, que ferais-tu ? » Pierre ne fit aucun cas des paroles
de son grand-père et déclara que les grands garçons n'avaient pas peur des loups. Mais Grand-père prit
Pierre par la main, l'emmena à la maison et ferma à clef la porte du jardin.
Il était temps. À peine Pierre était-il parti, qu'un gros loup gris sortit de la forêt. En un éclair, le chat grimpa
dans l'arbre. Le canard se précipita hors de la mare en caquetant. Mais maigre tous ses efforts, le loup
courait plus vite. Le voilà qui approcha de plus en plus près, plus près, il le rattrapa, s'en saisit et l'avala d'un
seul coup.
Et maintenant voici où en étaient les choses : le chat était assis sur une branche, l'oiseau sur une autre, à
bonne distance du chat, bien sûr, tandis que le loup faisait le tour de l'arbre et les regardait tous deux avec
des yeux gourmands.
Pendant ce temps, derrière la porte du jardin, Pierre observait ce qui se passait, sans la moindre frayeur.
Une des branches de l'arbre, autour duquel tournait le loup, s'étendait jusqu'au mur. Pierre s'empara de la
branche, puis monta dans l'arbre. Alors Pierre dit à l'oiseau : « Va voltiger autour de la gueule du loup mais
prends garde qu'il ne t'attrape. » De ses ailes, l'oiseau touchait presque la tête du loup qui sautait
furieusement après lui pour l'attraper. Oh que l'oiseau agaçait le loup I Et que le loup avait envie de
l'attraper ! Mais que l'oiseau était bien trop adroit et le loup en fut pour ses frais.
Pendant ce temps, Pierre fit à la corde un nœud coulant, et les descendit tout doucement. Il attrapa le loup
par la queue et tira de toutes ses forces. Le loup, se sentant pris, se mit à faire des bonds sauvages pour
essayer de se libérer. Mais Pierre attacha l'autre bout de la corde à l'arbre, et les bonds que faisait le loup ne
firent que resserrer le nœud coulant.
C'est alors que les chasseurs sortirent de la forêt. Ils suivaient les traces du loup et tiraient des coups de fusil.
Pierre leur cria du haut de l'arbre : « Ne tirez pas. Petit oiseau et moi, nous avons déjà attrapé le loup.
Aidez-nous à l'emmener au jardin zoologique. » Et maintenant, imaginez la marche triomphale : Pierre en
tète ; derrière lui, les chasseurs traînant le loup, et, fermant la marche, Grand-père et le chat. Le grand-père,
mécontent, hochait la tête en disant : « Et si Pierre n'avait pas attrapé le loup, que serait-il arrivé ? »
Au-dessus d'eux, l'oiseau voltigeait en gazouillant : « Comme nous sommes braves, Pierre et moi. Regardez
ce que nous avons attrapé. » Et si vous écoutez attentivement, vous entendrez le canard caqueter dans le
ventre du loup, car dans sa hâte le loup l'avait avalé vivant !
Pierre et le loup, Prokofiev.
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Document 3
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Exercice 2 : Trouvez la problématique des textes suivants.
Document 1
« Les cordes de sa lyre frémissent ; il chante :
« O divinités de ce monde souterrain où retombe tout ce qui naît pour mourir, souffrez que laissant les
détours d'une éloquence artificieuse, je parle avec sincérité. Non, ce n'est pas pour voir le ténébreux Tartare
que je suis descendu sur ces bords. Non, ce n'est pas pour enchaîner le monstre dont la triple tête se hérisse
des serpents de méduse. Ce qui m'attire, c'est mon épouse. Une vipère, que son pied foula par malheur,
répandit dans ses veines un poison subtil, et ses belles années furent arrêtées dans leur cours. J'ai voulu me
résigner à ma perte ; je l'ai tenté, je ne le nierai pas : l'Amour a triomphé. L'Amour ! Il est bien connu dans
les régions supérieures. L'est-il de même ici, je l'ignore : mais ici même je le crois honoré, et si la tradition de
cet antique enlèvement n'est pas une fable, vous aussi. L'Amour a formé vos nœuds. Oh ! Par ces lieux pleins
de terreur, par ce chaos immense, par ce vaste et silencieux royaume. Eurydice !... de grâce, renouez ses
jours trop tôt brisés ! Tous nous vous devons tribut. Après une courte halte, un peu plus tôt, un peu plus
tard, nous nous empressons vers le même terme... C'est ici que nous tendons tous... Voici notre dernière
demeure, et vous tenez le genre humain sous votre éternel empire. Elle aussi, quand le progrès des ans aura
mûri sa beauté, elle aussi pourra subir vos lois. Qu'elle vive ! C'est la seule faveur que je demande. Ah ! Si les
destins me refusent la grâce d'une épouse, je l'ai juré, je ne veux pas revoir la lumière. Réjouissez-vous de
frapper deux victimes ! »
Il disait, et les frémissements de sa lyre se mêlaient à sa voix, et les pâles ombres pleuraient. Il disait, et
Tantale ne poursuit plus l'onde fugitive, et la roue d'Ixion s'arrête étonnée, et les vautours cessent de ronger
le flanc de Tityus, et les filles de Bélus se reposent sur leurs urnes, et toi, Sisyphe, tu t'assieds sur ton fatal
rocher. Alors, pour la première fois, des larmes, ô triomphe de l'harmonie ! Mouillèrent, dit-on, les joues des
Euménides. Ni la souveraine des morts, ni celui qui règne sur les mânes ne peuvent repousser sa prière. Ils
appellent Eurydice. Elle était là parmi les ombres nouvelles, et d'un pas ralenti par sa blessure, elle s'avance.
Il l'a retrouvée, mais c'est à une condition. Le chantre du Rhodope ne doit jeter les yeux derrière lui qu'au
sortir des vallées de l'Averne : sinon la grâce est révoquée.
Ils suivent, au milieu d'un morne silence, un sentier raide, escarpé, ténébreux, noyé d'épaisses vapeurs. Ils
n'étaient pas éloignés du but ; ils touchaient à la surface de la terre, lorsque, tremblant qu'elle n'échappe,
inquiet, impatient de voir, Orphée tourne la tête. Soudain elle est entraînée à nouveau dans l'abîme. »
Les métamorphoses, Ovide.
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Document 2
Comme la voix d'un mort qui chanterait
Du fond de sa fosse,
Maîtresse, entends monter vers ton retrait
Ma voix aigre et fausse.
Ouvre ton âme et ton oreille au son
De ma mandoline :
Pour toi j'ai fait, pour toi, cette chanson
Cruelle et câline.
Je chanterai tes yeux d’or et d'onyx
Purs de toutes ombres.
Puis le Léthé de ton sein, puis le Styx
De tes cheveux sombres.
Comme la voix d'un mort qui chanterait
Du fond de sa fosse,
Maîtresse, entends monter vers ton retrait
Ma voix aigre et fausse.
Puis je louerai beaucoup, comme il convient.
Cette chair bénie
Dont le parfum opulent me revient
Les nuits d'insomnie.
Et pour finir je dirai le baiser,
De ta lèvre rouge,
Et ta douceur à me martyriser,
- Mon Ange ! - ma Gouge I
Ouvre ton âme et ton oreille au son
De ma mandoline :
Pour toi j'ai fait, pour toi, cette chanson
Cruelle et câline.
Sérénade. Verlaine.
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
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SEQUENCE 1 : DE LA MUSIQUE AVANT TOUTE CHOSE
Séance 2 : Les animaux et la musique
Première partie : synthèse (40 points)
Vous rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :
Document 1 : Victor Hugo, « Les Oiseaux », Les Contemplations, 1856
Document 2 : Guy de Maupassant, Une partie de Campagne, 1881
Document 3 : Emile Zola, article dans l’Evènement du 3 avril 1866, « Les livres d’aujourd’hui et de demain »,
in Ecrits sur la musique
Document 4 : Pascal Quignard, La haine de la musique, Edtions Calmann-Lévy, 1996.
Document 1
Victor Hugo publie un recueil de poèmes durant son exil à Guernesey, en 1856. L'œuvre se présente
comme un carnet de souvenirs et de méditations dont le motif principal est le deuil de sa fille Léopoldine,
décédée en 1843. Dans les premières parties du recueil, le poète compile un ensemble de textes sur l'amour
et la nature, mais en suggérant la peine à venir du père tourmenté.
Je rêvais dans un grand cimetière désert;
De mon âme et des morts j'écoutais le concert,
Dieu veut que ce qui naît sorte de ce qui tombe.
Et l'ombre m'emplissait.
Autour de moi, nombreux,
Gais, sans avoir souci de mon front ténébreux,
Dans ce champ, lit fatal de la sieste dernière,
Des moineaux francs faisaient l'école buissonnière.
C'était l'éternité que taquine l'instant.
Ils allaient et venaient, chantant, volant, sautant,
Égratignant la mort de leurs griffes pointues,
Lissant leur bec au nez lugubre des statues,
Becquetant les tombeaux, ces grains mystérieux.
Je pris ces tapageurs ailés au sérieux;
Je criai : — Paix aux morts ! vous êtes des harpies (1).
— Nous sommes des moineaux, me dirent ces impies (2).
— Silence ! allez-vous-en ! repris-je, peu clément.
Ils s'enfuirent; j'étais le plus fort. Seulement,
Un d'eux resta derrière, et, pour toute musique,
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Dressa la queue, et dit : — Quel est ce vieux classique ?
Comme ils s'en allaient tous, furieux, maugréant,
Criant, et regardant de travers le géant,
Un houx noir (3) qui songeait près d'une tombe, un sage,
M'arrêta brusquement par la manche au passage,
Et me dit : — Ces oiseaux sont dans leur fonction.
Lalsse-les. Nous avons besoin de ce rayon.
Dieu les envoie. Ils font vivre le cimetière.
Homme, ils sont la gaîté de la nature entière;
Ils prennent son murmure au ruisseau, sa clarté
À l'astre, son sourire au matin enchanté;
Partout où rit un sage, ils lui prennent sa joie,
Et nous l'apportent ; l'ombre en les voyant flamboie ;
Ils emplissent leurs becs des cris des écoliers;
À travers l'homme et l'herbe, et l'onde, et les halliers (4)
Ils vont pillant la joie en l'univers immense.
Ils ont cette raison qui te semble démence.
Ils ont pitié de nous qui loin d'eux languissons;
Et, lorsqu'ils sont pleins de jeux et de chansons,
D'églogues (5), de baisers, de tous les commérages
Que les nids en avril font sous les verts ombrages,
Ils accourent, joyeux, charmants, légers, bruyants,
Nous jeter tout cela dans nos trous effrayants;
Et viennent, des palais, des bois, de la chaumière,
Quand mai nous les ramène, ô songeur, nous disons:
« Les voilà ! » tout s'émeut, pierres, tertres, gazons;
Le moindre arbrisseau parle, et l'herbe est en extase ;
Le saule pleureur chante en achevant sa phrase;
Ils confessent les ifs, devenus babillards (6);
Ils jasent de la vie avec les corbillards;
Des linceuls trop pompeux ils décrochent l'agrafe;
Ils se moquent du marbre; ils savent l'orthographe;
Et, moi qui suis ici le vieux chardon boudeur,
Devant qui le mensonge étale sa laideur,
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Et ne se gêne pas, me traitant comme un hôte,
Je trouve juste, ami, qu'en lisant à voix haute
L'épitaphe (6) où le mort est toujours bon et beau,
Ils fassent éclater de rire le tombeau.
(1) harpies: monstre fabuleux, méchant et rapace.
(2) impies: ici, créatures opposées à la religion, irrespectueuses.
(3) houx noir : arbre aux feuilles luisantes et piquantes, normalement vertes.
(4) halliers: buissons épais.
(5) églogues: poèmes amoureux mettant en scène des bergers.
(6) babillards: parieurs, bavards.
(7) épitaphe: inscription sur un tombeau.
Victor Hugo, « Les oiseaux », Les Contemplations. 1856
Document 2
Henriette Dufour est une jeune fille bourgeoise parisienne qui vient passer en famille une journée à la
campagne. Elle rencontre un jeune canotier, Henri, qui lui propose un tour en barque et finit par la conduire
dans son « cabinet particulier », un coin de verdure, à l'abri des regards, où il entend la séduire.
« Tiens, dit-il, les rossignols chantent dans le jour: c'est donc que les femelles couvent. »
Un rossignol I Elle n'en avait jamais entendu, et l'idée d'en écouter un fit se lever dans son cœur la vision
des poétiques tendresses. Un rossignol ! c'est-à-dire l'invisible témoin des rendez-vous d'amour qu'invoquait
Juliette sur son balcon; cette musique du ciel accordée aux baisers des hommes; cet éternel inspirateur de
toutes les romances langoureuses qui ouvrent un idéal bleu aux pauvres petits cœurs des fillettes attendries
I
Elle allait donc entendre un rossignol.
« Ne faisons pas de bruit, dit son compagnon, nous pourrons descendre dans le bois et nous asseoir tout
près de lui. »
[…]
Juste au-dessus de leur tête, perché dans un des arbres qui les abritaient, l'oiseau s'égosillait toujours. Il
lançait des trilles et des roulades, puis filait de grands sons vibrants qui emplissaient l'air et semblaient se
perdre à l'horizon, se déroulant le long du fleuve et s'envolant au-dessus des plaines, à travers le silence de
feu qui appesantissait la campagne.
Ils ne parlaient pas de peur de le faire fuir. [...]
Elle écoutait l'oiseau, perdue dans une extase. Elle avait des désirs infinis de bonheur, des tendresses
brusques qui la traversaient, des révélations de poésies surhumaines, et un tel amollissement des nerfs et du
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cœur, qu'elle pleurait sans savoir pourquoi. Le jeune homme la serrait contre lui maintenant; elle ne le
repoussait plus, n'y pensant pas.
Le rossignol se tut soudain. Une voix éloignée cria : « Henriette I
— Ne répondez point, dit-il tout bas, vous feriez envoler l'oiseau. » [...]
Tout était calme aux environs. L'oiseau se remit à chanter. Il jeta d'abord trois notes pénétrantes qui
semblaient un appel d'amour, puis, après un silence d'un moment, il commença d'une voix affaiblie des
modulations très lentes.
Une brise molle glissa, soulevant un murmure de feuilles, et dans la profondeur des branches passaient
deux soupirs ardents qui se mêlaient au chant du rossignol et au souffle léger du bols.
Une ivresse envahissait l'oiseau, et sa voix, s'accélérant peu à peu comme un incendie qui s'allume ou
une passion qui grandit, semblait accompagner sous l'arbre un crépitement de baisers. Puis le délire de son
gosier se déchaînait éperdument. Il avait des pâmoisons prolongées sur un trait, de grands spasmes
mélodieux.
Quelquefois il se reposait un peu, filant seulement deux ou trois sons légers qu'il terminait soudain par
une note suraiguë. Ou bien il partait d'une course affolée, avec des jaillissements de gammes, des
frémissements, des saccades, comme un chant d'amour furieux, suivi par des cris de triomphe.
Mais il se tut, écoutant sous lui un gémissement tellement profond qu'on l'eût pris pour l'adieu d'une
âme. Le bruit s'en prolongea quelque temps et s'acheva dans un sanglot.
Ils étaient pâles, tous les deux, en quittant leur lit de verdure. Le ciel bleu leur paraissait obscurci;
l'ardent soleil était éteint pour leurs yeux; ils s'apercevaient de la solitude et du silence.
Guy de Maupassant, Une partie de campagne, 1881
Document 3
M. Charles Beauquier (1) parle musique (2), il cherche à tracer nettement le domaine de cet art. Voici la
conclusion de son œuvre :
« Nous sommes arrivé à cette conclusion que la musique instrumentale, qui n'a pas eu recours à la
littérature, à l'expression des idées et des sentiments, constitue l'essence pure, l'essence même de l'art. »
L'auteur, le philosophe prétend que la musique ne peut être ni une langue ordinaire ni une langue
symbolique ; il lui refuse le pouvoir d'exprimer des sentiments déterminés, ce qui l'amène à conclure qu'il
n'y a pas de musique dramatique, et qu'en principe rien n'est plus absurde qu'un opéra. Je connais des
personnes qui se fâcheront, sans parler de Wagner.
M. Charles Beauquier parle de l'effet que produisent certains airs sur les animaux. Il s'agit de l'éléphant
du Jardin des Plantes.
« En 1811, on lui donna un véritable concert. À un chant joué sur le violon, il manifesta des signes de
plaisir, mais il demeura complètement indifférent aux variations de ce même air. Un air de bravoure de
Monsigny (3) le laissa tout à fait insensible.
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Ce qui sembla lui plaire le plus ce fut Charmante Gabrielle (4) joué sur le cor.
Aux sons de cet instrument, qui exerce un charme si puissant sur les oreilles humaines, il manifesta un
contentement très apparent, se balançant sur ses énormes piliers et poussant même quelques notes à
l'unisson...
Quand ce morceau fut fini, il caressa plusieurs fois l'exécutant avec sa trompe comme pour le remercier.
Ailleurs, M. Ch. Beauquier, parlant des cures merveilleuses que l'on a attribuées à la musique, conclut en
ces termes : « Puisque nous avons des homéopathes, des électriseurs, des magnétiseurs, pourquoi
n'aurions-nous pas des musicopathes ? » Je termine sur cet excellent désir.
(1) Charles Beauquier: homme politique contemporain de Zola. Grand défenseur des animaux, et en
particulier des oiseaux.
(2) Zola fait référence au livre de Charles Beauquier Intitulé Philosophie de la musique.
(3) Monsigny est un compositeur d'opéra comique du xvme siècle.
(4) Charmante Gobrielle : Titre d'une romance dont les paroles seraient du roi Henri IV.
Émile Zola, article dans L'Évènement du 3 avril 1866,
« Les Livres d'aujourd'hui et de demain », in Écrits sur la musique
Document 4
À Rome, les cerfs passaient pour des animaux lâches- indignes des sénateurs qui leur préféraient les
sangliers - parce qu'ils fuyaient quand on les attaquait et passaient pour adorer la musique. La chasse au cerf
se faisait à l'appeau (1) ou à l'appelant: soit une sorte de syrinx (2) au chant de mue, soit un cerf vivant
attaché qui servait d'appât en bramant. La chasse au cerf, considérée comme servile, ne se faisait pas à
l'épieu mais au filet: les bois se prenaient inextricablement dans les mailles.
Tous les contes racontent des histoires de jeunes hommes qui acquièrent, au cours de l'Initiation, le
langage des bêtes. L'appeau comme l'appelant hèlent l'émetteur dans son chant. La musique ne consiste
nullement à faire entrer dans une ronde humaine: elle fait pénétrer dans une ronde zoologique reproduite.
Leurs imitations s'entraînent mutuellement. Les oiseaux sont les seuls, comme les humains, à savoir imiter
les chants des espèces voisines. Les sons mimés, qui sont les masques sonores des proies, font entrer
l'animal céleste, l'animai terrestre, l'animal aquatique, tous les animaux prédateurs y compris l'homme, le
tonnerre, le feu, la mer, le vent, dans la ronde prédatrice. La musique fait circuler la ronde par les sons des
bêtes dans la danse, par les images des bêtes et des astres sur les parois des grottes plus anciennes. Elle en
intensifie la rotation. Car le monde tourne, comme le soleil et les étoiles, les saisons et les mues, les
floraisons et les fruits, les ruts et les reproductions des bêtes.
(1) Appeau (ou appelant) : instrument imitant le cri des oiseaux, pour attirer les proies dans un piège.
(2) Syrinx: flûte de Pan; partie du larynx des oiseaux qui permet le chant.
Pascal Quignard, La haine de la musique, Éditions Calmann-Lévy, 1996
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SEQUENCE 1 : DE LA MUSIQUE AVANT TOUTE CHOSE
Séance 3 : Expression écrite
Deuxième partie : écriture personnelle (20 points)
A votre avis, les humains sont-ils plus sensibles à la musique que les animaux ?
Vous répondrez à cette question d’une façon argumentée en vous appuyant sur les documents du corpus,
vos lectures de l’année et vos connaissances personnelles.
SEQUENCE 1 : DE LA MUSIQUE AVANT TOUTE CHOSE
Séance 4 : Méthodologie de la synthèse : mettre les mots clés en avant
Exercice 1
a) Relevez le champ lexical de la musique (2 minutes)
b) Quels éléments doivent figurer dans le tableau pour comparer les documents ? (5 minutes)
Relevez seulement les idées importantes ou les mots clés sans les articuler entre elles ou entre eux.
Document 1
À la musique
Place de la Gare, à Charleville.
Sur la place taillée en mesquines pelouses.
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.
- L'orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
-Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres.
Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs.
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Celles dont les volants ont des airs de réclames ;
Sur les bancs verts, des clubs d'épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme.
Fort sérieusement discutent les traités.
Puis prisent en argent, et reprennent : « En somme !... »
Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d’où le tabac par brins
Déborde - vous savez, c’est de la contrebande ; -
Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes...
Moi. je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien ; et tournent en riant.
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.
Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.
J'ai bientôt déniché la bottine, le bas...
- Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas...
- Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres...
« Poésies », Arthur Rimbaud.
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Exercice 2
Interrogez-vous sur l’utilité de chaque élément : surlignez ce qui vous semble important et reformulez de
façon succincte.
Document 2
L'année précédente, dans une soirée, il avait entendu une œuvre musicale exécutée au piano et au violon.
D'abord, il n'avait goûté que la qualité materielle des sons sécrétés par les instruments. Et ç'avait déjà été un
grand plaisir quand au dessous de la petite ligne du violon mince, résistante, dense et directrice, il avait vu
tout d'un coup chercher à s'élever en un clapotement liquide, la masse de la partie de piano, multiforme,
indivise, plane et entrechoquée comme la mauve agitation des flots que charme et bémolise le clair de lune.
Mais à un moment donné, sans pouvoir nettement distinguer un contour, donner un nom à ce qui lui
plaisait, charmé tout d'un coup, il avait cherché à recueillir la phrase ou l’harmonie - il ne savait lui-mème -
qui passait et qui lui avait ouvert plus largement l'âme, comme certaines odeurs de roses circulant dans l'air
humide du soir ont la propriété de dilater nos narines. Peut-être est-ce parce qu'il ne savait pas la musique
qu'il avait pu éprouver une impression aussi confuse, une de ces impressions qui sont peut-être pourtant les
seules purement musicales, inètendues, entièrement originales, irréductibles à tout autre ordre
d'impressions. Une impression de ce genre pendant un instant, est pour ainsi dire sine materia. Sans doute
les notes que nous entendons alors, tendent déjà, selon leur hauteur et leur quantité, à couvrir devant nos
yeux des surfaces de dimensions variées, à tracer des arabesques, à nous donner des sensations de largeur,
de ténuité, de stabilité, de caprice. Mais les notes sont évanouies avant que ces sensations soient assez
formées en nous pour ne pas être submergées par celles qu’éveillent déjà les notes suivantes ou même
simultanées. Et cette impression continuerait à envelopper de sa liquidité et de son « fondu » les motifs qui
par instants en émergent, à peine discernables, pour plonger aussitôt et disparaître, connus seulement par
le plaisir particulier qu'ils donnent, impossibles à décrire, à se rappeler, à nommer, ineffables - si la mémoire,
comme un ouvrier qui travaille a établir des fondations durables au milieu des flots, en fabriquant pour nous
des fac-similés de ces phrases fugitives, ne nous permettait de les comparer à celles qui leur succèdent et de
les différencier. Ainsi à peine la sensation délicieuse que Swann avait ressentie était-elle expirée, que sa
mémoire lui en avait fourni séance tenante une transcription sommaire et provisoire, mais sur laquelle il
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avait jeté les yeux tandis que le morceau continuait, si bien que quand la même impression était tout d'un
coup revenue, elle n'était déjà plus insaisissable. Il s'en représentait l'étendue, les groupements
symétriques, la graphie, la valeur expressive ; il avait devant lui cette chose qui n'est plus de la musique
pure, qui est du dessin, de l'architecture, de la pensée, et qui permet de se rappeler la musique. Cette fois il
avait distingué nettement une phrase s'élevant pendant quelques instants au-dessus des ondes sonores. Elle
lui avait proposé aussitôt des voluptés particulières, dont il n'avait jamais eu l'idée avant de l'entendre, dont
il sentait que rien autre qu'elle ne pourrait les lui faire connaître, et il avait éprouvé pour elle comme un
amour inconnu.
Dictionnaire de Musique. Jean-Jacques Rousseau
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Exercice 3 :
Repérez ce qui est important. Reformulez-le de façon à ne garder que l’idée générale.
Document 3
MUSIQUE, s. f. Art de combiner les sons d'une manière agréable à l'oreiller. Cet art devient une science et
même très profonde, quand on veut trouver les principes de ces combinaisons et les raisons des affections
qu'elles nous causent. Aristide Quintilien définit la musique, l'art du beau et de la décence dans les voix et
dans les mouvements. Il n'est pas étonnant qu'avec des définitions si vagues et si générales les anciens aient
donne une étendue prodigieuse à l'art qu'ils définissaient ainsi.
On suppose communément que le mot de musique vient de musa, parce qu'on croit que les muses ont
inventé cet art : mais Kircher, d'après Diodore, fait venir ce nom d'un mot Égyptien, prétendant que c'est en
Égypte que la musique a commencé à se rétablir après le déluge, et qu'on en reçut la première idée du son
que rendaient les roseaux qui croissent sur les bords du Nil, quand le vent soufflait dans leurs tuyaux. Quoi
qu'il en soit de l'étymologie du nom. l'origine de l'art est certainement plus près de l’homme, et si la parole
n'a pas commencé par du chant, il est sûr, au moins, qu'on chante partout où l'on parle.
La musique se devise naturellement en musique théorique ou spéculative, et en musique pratique.
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La musique spéculative est, si l’on peut parler ainsi, la connaissance de la matière musicale ; c'est-à-dire, des
différents rapports du gravé à l'aigu, du vite au lent, de l'aigre au doux, du fort au faible, dont les sons sont
susceptibles ; rapports qui. comprenant toutes les combinaisons possibles de la musique et des sons,
semblent comprendre aussi toutes les causes des impressions que peut faire leur succession sur l'oreille et
sur l'âme. La musique pratique est l'art d'appliquer et mettre en usage les principes de la spéculative ;
c'est-à-dire, de conduire et disposer les sons par rapport à la consonance, à la durée, à la succession, de telle
sorte que le tout produise sur l'oreille l'effet qu'on s'est proposé ; c'est cet art qu'on appelle composition.
(Voyez ce mot.) À l'égard de la production actuelle des sons par les voix ou par les instruments, qu'on
appelle exécution, c'est la partie purement mécanique et opérative, qui. Supposant seulement la faculté
d'entonner juste les intervalles, de marquer juste les durées, de donner aux sons le degré prescrit dans le
ton, et la valeur prescrite dans le temps, ne demande en rigueur d'autre connaissance que celle des
caractères de la musique, et l'habitude de les exprimer.
La musique spéculative se devise en deux parties ; savoir, la connaissance du rapport des sons ou de leurs
intervalles, celle de leurs durées relatives ; c'est-à-dire, de la mesure et du temps.
Dictionnaire de Musique, Jean-Jacques Rousseau.
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SEQUENCE 1 : DE LA MUSIQUE AVANT TOUTE CHOSE
Séance 5 : La musique, un vrai besoin
Exercice 1
En 10 minutes, vous allez mettre en avant les points communs des documents 1 à 3 de façon succincte.
Document 1
Mais peu lui importait, il la [la petite phrase de Vinteuil] considérait moins en elle- même, — en ce qu'elle
pouvait exprimer pour un musicien qui ignorait l'existence et de lui et d'Odette quand il l'avait composée, et
pour tous ceux qui l'entendraient dans des siècles —, que comme un gage, un souvenir de son amour qui,
même pour les Verdurin que pour le petit pianiste, faisait penser à Odette en même temps qu'à lui, les
unissait ; c'était au point que, comme Odette, par caprice, l'en avait prié, il avait renoncé à son projet de se
faire jouer par un artiste la sonate entière, dont il continua à ne connaître que ce passage. « Qu'avez-vous
besoin du reste ? lui avait-elle dit. C'est ça notre morceau. » [...]
À voir le visage de Swann pendant qu'il écoutait la phrase, on aurait dit qu'il était en train d'absorber un
anesthésique qui donnait plus d'amplitude à sa respiration. Et le plaisir que lui donnait la musique et qui
allait bientôt créer chez lui un véritable besoin, ressemblait en effet, à ces moments-la, au plaisir qu'il aurait
eu à expérimenter des parfums, à entrer en contact avec un monde pour lequel nous ne sommes pas faits,
qui nous semble sans forme parce que nos yeux ne le perçoivent pas, sans signification parce qu'il échappe à
notre intelligence, que nous n'atteignons que par un seul sens. Grand repos, mystérieuse rénovation pour
Swann [...] de se sentir transformé en une créature étrangère à l'humanité, aveugle, dépourvue de facultés
logiques, presque comme une fantastique licorne, une créature chimérique ne percevant le monde que par
l'ouïe. Et comme dans la petite phrase il cherchait cependant un sens où son intelligence ne pouvait
descendre, quelle étrange ivresse il avait à dépouiller son âme la plus intérieure de tous les secours du
raisonnement et à la faire passer seule dans le couloir, dans le filtre obscur du son. Il commençait à se
rendre compte de tout ce qu'il y avait de douloureux, peut-être même de secrètement inapaisé au fond de
la douceur de cette phrase, mais il ne pouvait pas en souffrir. Qu'importait qu'elle lui dit que l'amour est
fragile, le sien était si fort ! Il jouait avec la tristesse qu'elle répandait, il la sentait passer sur lui, mais comme
une caresse qui rendait plus profond et plus doux dans le sentiment qu'il avait de son bonheur.
À la recherche du temps perdu, t. 1, « Du côté de chez Swann » (1913), Marcel Proust
17
Document 2
Document 3
L'écoute musicale active les circuits cérébraux de la récompense, ont découvert des chercheurs canadiens.
Vous ne rateriez pour rien au monde le concert de votre groupe de rock favori ? Vous vous repassez en
boucle un air d'opéra ? Dès que c'est possible, vous branchez votre playlist ? Ne cherchez pas. Vous êtes
accro a la musique. Au sens propre du terme. La musique va déclencher les mêmes mécanismes chimiques
cérébraux que ceux activés par la nourriture, la drogue et le sexe. Des chercheurs de l'Université McGill à
Montréal ont en effet montré que les opioïdes interviennent directement sur le plaisir musical, selon une
étude publiée dans Scientific Reports, revue scientifique en ligne.
Dans cette étude, l'équipe du Pr Daniel Levitin a bloqué de façon sélective et temporaire les opioïdes
cérébraux à l'aide de la naltrexone, un médicament prescrit dans les dépendances à l'alcool ou aux opiacés.
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Les chercheurs ont ensuite mesuré les réponses à la musique chez les participants. Ils ont découvert que
même l'écoute de leurs morceaux préférés, quel que soit leur style musical, ne déclenchait plus aucune
sensation de plaisir chez ces derniers. En créant cette anhédonie musicale, heureusement temporaire, les
chercheurs peuvent en conclure que les opioïdes endogènes sont essentiels pour éprouver des émotions
positives et négatives avec la musique, qui utilise les voies de la récompense connues pour la nourriture, la
drogue et le plaisir sexuel.
Peu de risques pour la santé
« Ces résultats sont venus confirmer notre hypothèse », explique le Pr Levitin dans le communiqué de presse
publié sur le site de l'université. « Toutefois, les impressions qu'ont ressenties les sujets et dont ils nous ont
fait part après l'expérience étaient fascinantes. L'un d'entre eux nous a dit : "Je sais qu'il s'agit de ma
chanson favorite, mais je ne ressens pas la même chose que d'habitude en l'écoutant." Un autre nous a
affirmé : "C'est une belle chanson, mais elle ne vient pas me chercher." »
Un résultat qui n'étonne pas vraiment le Dr Laurent Karila, psychiatre à l'hôpital Paul- Brousse à Villejuif et
porte-parole de SOS Addiction. Lui-méme accro au... métal (genre dérivé du hard rock). « Chez les fans de
métal, cette dimension "addiction" est très présente. Mais avec les côtés uniquement positifs. L'envie
irrépressible d'écouter du son est contrôlée... ». souligne le psychiatre. En clair, il y a peu de risques pour la
santé. Sauf peut-être celui de devenir sourd si vous ne limitez pas les décibels.
Comment un tel mécanisme s'est mis en place avec la musique ? « C'est vrai que le lien entre circuit de la
récompense et musique est multiple et complexe. Simple hypothèse personnelle, mais, comme le
fonctionnement du cerveau est en partie électrique, on peut imaginer que la musique entre en résonance
avec les oscillations de ce dernier », avance Salah El Mestikawy, chercheur en neurosciences au CNRS.
Le « sexe, drogues et rock and roll» rendu populaire par le chanteur lan Dury trouve donc son explication
scientifique. À rappeler cependant qu'il n'est pas la peine de consommer les trois pour activer le circuit de la
récompense.
https ://sante.lefigaro.fr/article/la-musique-agit-dans-le-cerveau-comme-une-drogue
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Exercice 2 : Réaliser un tableau comparatif
En 10 minutes, vous allez mettre en avant les points communs des trois documents de l’exercice
précédent en faisant un tableau synoptique.
Document 1 Document 2 Document 3
SEQUENCE 1 : DE LA MUSIQUE AVANT TOUTE CHOSE
Séance 6 : Expression écrite
Quels sont les pouvoirs de la musique sur l’homme ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur
vos connaissances, sur les textes que vous avez étudiés sur vos deux années…
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SEQUENCE 1 : DE LA MUSIQUE AVANT TOUTE CHOSE
Séance 7 : Langage et musique
Vous rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :
Document 1 : Paul Verlaine, « Art poétique » In Jadis et naguère {1884)
Document 2 : Jean de La Fontaine, « La Cigale et (a Fourmi » In Fables (1663)
Document 3 : Louis Aragon, Chroniques du bel canto, 1947
Document 4 : Michel Rochon, Le cerveau et la musique (2018)
Document 1
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.
C'est des beaux yeux derrière des voiles,
C'est le grand jour tremblant de midi,
C'est par un ciel d'automne attiédi.
Le bleu fouillis des claires étoiles I
Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la Nuance I
Oh I la Nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor I
Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L'Esprit cruel et le Rire impur,
Oui font pleurer les yeux de l'Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine I
Prends l'éloquence et tords-lui son cou !
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Tu feras bien, en train d'énergie,
De rendre un peu la Rime assagie:
Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?
O qui dira les torts de la Rime I
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime?
De la musique encore et toujours I
Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres deux à d'autres amours.
Que ton vers soit la bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym...
Et tout le reste est littérature.
Paul Verlaine, « Art poétique » In Jadis et naguère {1884)
Document 2f
La Cigale ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
« Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'oût, foi d’animal,
Intérêt et principal. »
La Fourmi n'est pas prêteuse :
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C'est là son moindre défaut.
« Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise.
Vous chantiez ? J'en suis fort aise :
Eh bien I dansez maintenant. »
Jean de La Fontaine, « La Cigale et (a Fourmi » In Fables (1663)
Document 3
Pour ma part, je pense que c'est précisément lorsque nous comprenons, par des voies qui ne sont pas
nécessairement celles de la compréhension vulgaire, que commence la poésie. La poésie me fait atteindre
plus directement la réalité, par une sorte de raccourci où surprend la clairière découverte. L'émotion
poétique est le signe de la connaissance atteinte, de la conscience qui brûle les étapes. Et non pas le
contraire. Le chant, qui est toujours nécessairement à la fois de l'oreille et du cœur, s'éveille précisément
quand la musique et la voix se marient, quand il y a parfaite adéquation du fond et de la forme, quand cette
prétendue subjectivité du poète fait écho à quelque chose en moi qui le lit, et donc devient une objectivité
au sens propre du mot. Il y a chant quand le son émis éveille des harmoniques dans ce cristal à l'autre bout
de la pièce, et qui comprend si bien, à qui ce son est si vraiment musique, qu'il s'en brise.
Louis Aragon, Chroniques du bel canto, 1947
Document 4
Le silbo gomero : une musique qui imite le langage
Dans l'île Gomera, une île des Canaries, une autre communauté de plus de 22000 habitants pratique
toujours le silbo gomero, un langage sifflé, musical. Personne ne sait quand ce langage sifflé est arrivé sur
cette île. Il reste que contrairement au Mexique, l'Espagne est intervenue pour le sauvegarder. Il est
aujourd'hui enseigné à l'école et a été inscrit sur la Liste du patrimoine immatériel de l'UNESCO.
Comme le chinantèque (1), c'est un langage de communication utile dans un environnement
montagneux, car sa musique se déplace aisément d'une colline à l'autre.
Mais il y a des différences. Le silbo gomero n'est pas une reproduction stricte de la mélodie du langage
parlé, mais une forme réduite du castillan, puisqu'il en conserve seulement deux voyelles et quatre
consonnes. Le siffleur fait varier la durée et la hauteur des sifflements en utilisant directement une phalange
dans la bouche pour amplifier le son.
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Ces deux histoires pour le moins insolites nous démontrent une utilisation encore actuelle de la musique
comme langage. Son origine se perd toutefois dans la nuit des temps. Est-ce la mère de toutes les langues?
(1). Groupe de langues parlées au Mexique, dont l'auteur expose les caractéristiques un peu plus haut dans
le livre.
Michel Rochon, Le cerveau et la musique (2018)
SEQUENCE 1 : DE LA MUSIQUE AVANT TOUTE CHOSE
Séance 8 : Expression écrite
La musique n’a-t-elle pour but que de nous divertir ? Vous répondrez à cette question d’une façon
argumentée en vous appuyant sur les documents du corpus, vos lectures de l’année et vos connaissances
personnelles.
SEQUENCE 2 : DANS MA MAISON
Séance 1 : La maison de campagne
Première partie : synthèse (40 points)
Vous rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :
Document 1 : Charles Perrault Barbe Bleue, 1697
Document 2 : Marcel Pagnol, Extrait du livre Le Château de ma mère. Editions de Fallois ©, 2004
Document 3 : Le Figaro immobilier. 27 avril 2020, Jean-Bernard Litzler
Document 4 : http://bit.ly/Vivreàlacampagne
Document 1
« La Barbe bleue, pour faire connaissance, les mena, avec leur mère, et trois ou quatre de leurs meilleures
amies, et quelques jeunes gens du voisinage, à une de ses maisons de campagne, où on demeura huit jours
entiers. Ce n'était que promenades, que parties de chasse et de pèche, que danses et festins, que collations :
on ne dormait point, et on passait toute la nuit à se faire des malices les uns aux autres ; enfin tout alla si
bien, que la cadette commença à trouver que le maître du logis n'avait plus la barbe si bleue, et que c'était
un fort honnête homme. Dès qu'on fut de retour à la ville, le mariage se conclut. »
Barbe Bleue, Charles Perrault
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Document 2
« Mais voyons, gros bêta, disait ma mère, tu sais bien que ça ne pouvait pas durer toujours ! Et puis nous
reviendrons bientôt... Ce n'est pas bien loin, la Noël I »
Je pressentis un malheur.
- Qu'est-ce qu’elle dit ?
- Elle dit. répondit l'oncle, que les vacances sont finies I Et il se versa paisiblement un verre de vin.
Je demandai d'une voix étranglée : « C'est fini quand ?
- Il faut partir après-demain matin, dit mon père. Aujourd'hui c'est vendredi.
- Ce fut vendredi, dit l'oncle. Et nous partons dimanche matin.
-Tu sais bien que lundi, c'est la rentrée des classes I » dit la tante.
Je fus un instant sans comprendre et les regardai avec stupeur.
« Voyons, dit ma mère, ce n'est pas une surprise ! On en parle depuis huit jours I » C'est vrai qu'ils en avaient
parlé, mais je n'avais pas voulu entendre.
En classe, quand M. Besson, du bout d'une longue règle, suivait sur la carte les méandres d'un fleuve inutile,
le grand figuier du jas de Baptiste surgissait lentement du mur ; au-dessus de la masse des feuilles vernies
s'élançait la haute branche morte, et au bout, tout au bout, blanche et noire, une pie.
Alors, une douleur très douce élargissait mon cœur d'enfant, et pendant que la voix lointaine récitait des
noms d'affluents, j'essayais de mesurer l'éternité qui me séparait de la Noël. Je comptais les jours puis les
heures, puis j'en retranchais le temps du sommeil, et par la fenêtre, à travers la brume légère du matin
d'hiver, je regardais la pendule de l'école : sa grande aiguille avançait par saccades, et je voyais tomber les
petites minutes comme des fourmis décapitées.
Extrait du livre Le Château de ma mère. Editions de Fallois © Marcel Pagnol, 2004
Document 3
Les maisons de campagne séduisent plus que jamais depuis le confinement
Et si l'épidémie de Coronavirus marquait le retour en grâce de la maison de campagne, le type de bien
immobilier le plus délaissé de ces dernières années ? Il est vrai qu'avec l'envolée des prix et de la fiscalité
immobilières de ces dernières années, la résidence secondaire apparaît plus que jamais comme un luxe et
seules les stations les plus réputées à la mer comme à la montagne parvenaient à maintenir leurs prix. Le
Covid-19 pourrait cependant inverser certaines priorités et une nouvelle clientèle envisage désormais de
faire de ces propriétés rurales sa résidence principale.
Exode urbain
« C'est une lame de fond, peut-être le début d'un exode urbain, veut croire Bertrand Couturié, directeur
associé chez Barnes Propriétés et Châteaux. Ce slogan qui a émergé il y a une dizaine d'années disant que
l'espace c'est le luxe de demain est en train de prendre tout son sens. Et alors que les lieux de villégiature à
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la mer ou à la montagne sont des endroits de grande promiscuité, la campagne offre la place et la
tranquillité. » Comme tout le monde, il note que l'expérience du télétravail a grande échelle s'est avérée
concluante pour une grande majorité de Français pour peu que leur activité soit adaptée à cette pratique. Et
si l'on ne se rend sur son lieu de travail que deux jours par semaine, changer sa résidence principale devient
parfaitement envisageable.
Patrice Besse, dont le réseau immobilier est spécialisé dans les biens ruraux de caractère pense lui aussi que
ce qui a été un temps moqué comme la « France du vide » pourrait bien devenir la « France du luxe ». Sans
songer à abandonner les villes, les événements récents prouvent selon lui qu'il est urgent « de réhabiliter et
ré-habiter les campagnes ». Un lieu où l’on peut faire vivre un incroyable patrimoine bâti et où, selon lui, les
surfaces que l'on peut s'offrir permettent « d'accueillir ses aïeux, de leur éviter l'Ehpad dont nous sommes
en Europe les champions et dont nous voyons aujourd'hui les conséquences dramatiques ».
Peur panique du virus
« Depuis le début du confinement, nous enregistrons une très nette poussée de l'interét de nos clients pour
nos propriétés de campagne, explique pour sa part Alexander Kraft, PDG de Sotheby's International Realty
France. Nous pensions au début que c'était pour réver ou pour passer le temps mais en fait ils nous posent
des questions très complètes, réclament des plans, essaient de fixer des rendez-vous pour
l'après-confinement. »
Sans pouvoir garantir que cette tendance sera durable, il note que cette envie est surtout le fait des 28-45
ans, selon lui les générations les plus ouvertes au télétravail. Pour l'instant, la Normandie, la Bretagne et le
Sud-Ouest semblent attirer particulièrement et dans son enseigne où les transactions se montent souvent à
plusieurs millions d'euros, il reconnaît que l'on peut se faire plaisir avec un bien de qualité à moins de 500
000 euros. De son côté, Bertrand Couturié chez Barnes note qu'à côté de ces jeunes télétravailleurs, les
seniors sont aussi une clientèle particulièrement séduite. « Certaines de ces personnes ont une peur panique
de ce virus car les difficultés respiratoires les terrorisent, explique-t-il. C'est pourquoi la campagne les séduit.
J'ai même actuellement un projet d'un quadra qui veut acheter avec ses parents. »
Mais une chose est sûre : quel que soit leur âge, les nouveaux acquéreurs ne veulent par transiger pas sur la
qualité des infrastructures. Il leur faut un lieu accessible, bien doté en transports (gare, idéalement TGV,
aéroport, autoroute), il est également indispensable de disposer de bonnes écoles et d'hôpitaux de qualité à
proximité. Une bonne connexion Internet est un plus, mais ce point n'est plus aussi discriminant qu'à une
époque, le territoire étant plutôt bien couvert et dans le pire des cas, il est possible de doper son installation
téléphonique pour se connecter dans de meilleures conditions au réseau d'Internet mobile.
Le facteur météo
De son côté, le reseau Emile Garcin relève un nouvel appétit pour la côte varoise et les Alpilles émanant de
clients qui révent de pouvoir revenir au soleil, dans les campagnes environnantes ou au bord de l'eau. Et à
côté des demandes traditionnelles de résidence secondaire, qui séduisent toujours les étrangers,
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apparaissent celles de Français, notamment des Parisiens rêvant d'une nouvelle vie. « Cet attrait pour la
maison de campagne, c'est une vraie tendance, pas un épiphénomène, estime Marc Foujols, fondateur du
réseau immobilier de luxe qui porte son nom. Nous sentions déjà cette envie monter chez une partie de la
clientèle au vu de l'envolée prix parisiens. Ils peuvent s'offrir de sublimes maisons au vert pour une fraction
du tarif d'un logement dans la capitale. » Au-delà des seuls télétravailleurs, il estime que l'Oise où son
réseau est très présent a largement développé son tissu économique, offrant de nombreuses opportunités.
Réaliste, il ne cherche pas non plus à brosser un tableau trop idyllique : « Nous sommes aussi aidés par
l'extraordinaire météo de ces dernières semaines, les clients devront prendre garde à ne pas être déçus avec
le retour des mauvais jours. >»
Le Figaro immobilier. 27 avril 2020, Jean-Bernard Litzler
Document 4
http://bit.ly/Vivreàlacampagne
Séance 2 : Expression écrite
Deuxième partie : écriture personnelle (20 points)
« Selon vous, la maison de campagne est-elle un moyen de s’évader ? » Vous répondrez à cette question
d’une façon argumentée en vous appuyant sur les documents du corpus, vos lectures de l’année et vos
connaissances personnelles.
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SEQUENCE 2 : DANS MA MAISON
Séance 3 : La maison, témoin de notre vie
Première partie : synthèse (40 points)
Vous rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :
Document 1 : Maupassant, Une vie, 1883.
Document 2 : Pascaline Messager, Au temps de nos maisons, Ellipses, 2021
Document 3 : Wikimedia commons, At Maison Lafitte, Mandeville, Louisiana, Infrogmation of New Orléans
Document 4 : Serge Trigoud, Habiter: toute une histoire, Ellipses, 2020
Document 1
Ruinée par son fils, Jeanne est contrainte de vendre la demeure familiale héritée de ses parents. Elle doit
choisir les meubles qui la suivront dans son nouveau logis aux proportions bien plus modeste.
Elle allait de pièce en pièce, cherchant les meubles qui lui rappelaient des événements, ces meubles amis qui
font partie de notre vie, presque de notre être, connus depuis la jeunesse et auxquels sont attachés des
souvenirs de joies ou de tristesses, des dates de notre histoire, qui ont été les compagnons muets de nos
heures douces ou sombres, qui ont vieilli, qui se sont usés à côté de nous, dont l'étoffe est crevée par places
et la doublure déchirée, dont les articulations branlent, dont la couleur s'est effacée.
Elle les choisissait un à un, hésitant souvent, troublée comme avant de prendre des déterminations
capitales, revenant à tout instant sur sa décision, balançant les mérites de deux fauteuils ou de quelque
vieux secrétaire comparé à une ancienne table à ouvrage.
Elle ouvrait les tiroirs, cherchait à se rappeler des faits; puis, quand elle s'était bien dit : « Oui, je prendrai
ceci », on descendait l'objet dans la salle à manger.
Elle voulut garder tout le mobilier de sa chambre, son lit, ses tapisseries, sa pendule, tout.
Elle prit quelques sièges du salon, ceux dont elle avait aimé les dessins dès sa petite enfance; le renard et la
cigogne, le renard et le corbeau, la cigale et la fourmi, et le héron mélancolique.
Puis, en rôdant par tous les coins de cette demeure qu'elle allait abandonner, elle monta, un jour, dans le
grenier.
Elle demeura saisie d'étonnement ; c'était un fouillis d'objets de toute nature, les uns brisés, les autres salis
seulement, les autres montés là on ne sait pourquoi, parce qu'ils ne plaisaient plus, parce qu’ils avaient été
remplacés. Elle apercevait mille bibelots connus jadis, et disparus tout à coup sans qu'elle y eût songé, des
riens qu'elle avait maniés, ces vieux petits objets insignifiants qui avaient traîné quinze ans à côté d'elle,
qu'elle avait vus chaque jour sans les remarquer et qui, tout à coup, retrouvés là, dans ce grenier à côté
d'autres plus anciens dont elle se rappelait parfaitement les places
aux premiers temps de son arrivée, prenaient une importance soudaine de témoins oubliés, d'amis
retrouvés. Ils lui faisaient l'effet de ces gens qu'on a fréquentés longtemps sans qu'ils se soient jamais
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révélés et qui soudain, un soir à propos de rien, se mettent à bavarder sans fin, à raconter toute leur âme
qu'on ne soupçonnait pas.
Elle allait de l'un a l'autre avec des secousses au cœur se disant : "tiens, c'est moi qui ai fêlé cette tasse de
Chine, un soir quelques jours avant mon mariage. - Ah ! voici la petite lanterne de mère et la canne que petit
père a cassée en voulant ouvrir la barrière dont le bois était gonflé par la pluie. ”
Il y avait aussi là-dedans beaucoup de choses qu'elle ne connaissait pas, qui ne lui rappelaient rien, venues
de ses grands-parents, ou de ses arrière-grands-parents, de ces choses poudreuses qui ont l'air exilées dans
un temps qui n'est plus le leur et qui semblent tristes de leur abandon, dont personne ne sait l'histoire, les
aventures, personne n'ayant vu ceux qui les ont choisies, achetées, possédées, aimées, personne n'ayant
connu les mains qui les maniaient familièrement et les yeux qui les regardaient avec plaisir.
Une vie, Maupassant, 1883.
Document 2
La sociologie s'est attachée à décrire les contours de l'individu ; ainsi, Didier Anzieu a défini le concept du «
moi-peau » : cette enveloppe qui fait le tour de notre corps et de notre être. Plus périphérique mais jouant
sans doute le même rôle se trouve le logis. La maison que nous habitons joue un rôle enveloppant de
premier ordre. Cette habitation est une carapace qui nous protège de l'extérieur : on y est « chez soi ». ce
qui signifie que la maison est, tout d'abord, un cadre intime dans lequel ne peuvent figurer que nos très
proches.
Mais la maison est aussi, et avant, tout un lieu « habité-» qui porte nos traces, qui témoignent de ce que
nous sommes ou ce que nous avons été. C'est, pour cette raison, un lieu chargé en émotions. Quand vient Je
moment de « vider la maison », son contenu fait alors l'objet d'un inventaire minutieux et la valeur des
objets de la maison revit dans les mains de celui ou de celle qui les manipule. « Je n'ai jamais pu me résoudre
à trier ses affaires » dit un veuf au décès de sa femme. Ce sont des voisines, proches de la défunte, qui se
sont chargées de faire du rangement. Cet homme n'était pas forcément un hypersensible, sa difficulté tenait
au fait que la maison « respire » le parfum de ses habitants. L'émotion est donc vive quand l'habitant
(l'habitante, en l'occurrence) n'est plus mais que la maison vit encore à travers ses objets familiers.
Plus encore, la maison est une représentation volumétrique de la famille. Les ados se terrent dans leurs
chambres, les plus jeunes y font leurs devoirs ou y bouquinent; on se retrouve dans le salon. La maison
témoigne de la place de chacun : l'intimité de la chambre, la collectivité du séjour, les fonctions essentielles
du corps s'y jouent (nutrition, hygiène), la maison orchestre les fonctions vitales de la tribu familiale. On
comprend quels enjeux elle incarne aujourd'hui comme hier.
Pascaline Messager, Au temps de nos maisons, Ellipses, 2021
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Document 3
Source : Wikimedia commons, At Maison Lafitte, Mandeville, Louisiana, Infrogmation of New Orléans
Document 4
Ce n'est pas la valeur des objets qui fait la valeur d'une maison. C'est plutôt sa valeur affective. Prenez un
cadre assez modeste, l'invité se dira «voilà un endroit bien insignifiant » tandis que ses habitants
accorderont une immense valeur à tel ou tel objet. La maison nous définit, la maison nous désigne, elle nous
renvoie à ce que nous sommes.
Bien plus encore, la maison nous renvoie à ce que nous avons été. Nous conservons en effet des objets pour
leur valeur sentimentale. La maison nous rattache à l'enfance, en témoigne ces fonds de placards qui
abritent un vieux jouet, un doudou ancestral, un vêtement de bébé. Comment se défaire de ce qui nous a
accompagné si longtemps ? C'est une mission dans laquelle nous sommes peu nombreux à nous engager de
bon cœur, sauf contraints. [...].
Il existe une pathologie peu connue : la syllogomanie, qui touche des milliers de personnes incapables de se
séparer de certains objets. Mais bien loin de ce travers très incommodant, la plupart des gens « normaux »
peinent à jeter et gardent plus qu'ils ne devraient certains objets parce que l'action d'« habiter » nécessite
de s'entourer d'objets familiers. Une maison, c'est un miroir, celui de nos âmes, celui de notre passé. Vivre
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et habiter, en somme, cela revient à remplir la maison d'objets qui nous font exister.
Serge Trigoud, Habiter: toute une histoire, Ellipses, 2020
SEQUENCE 2 : DANS MA MAISON
Séance 4 : Expression écrite
Deuxième partie : écriture personnelle (20 points)
L’expérience du confinement va-t-elle modifier notre relation à l’habitat ? Vous répondrez à cette question
d’une façon argumentée en vous appuyant sur vos lectures de l’année et vos connaissances personnelles.
SEQUENCE 2 : DANS MA MAISON
Séance 5 : La maison, un refuge ?
Première partie : synthèse (40 points)
Vous rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :
Doc.1 : François Vigouroux, L’âme des maisons, 1996-2012
Doc.2 : Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, 1957
Doc.3 : Georges Pérec, Espèces d’espaces, 1974-2000
Doc. 4 : Thomas Vinterberg, Festen, 1986
Document 1
Dans son essai L'Âme des maisons, le psychanalyste et romancier François Vigouroux (1936-2013) s'interroge
sur la relation que les hommes tissent avec leur habitat Selon lui, chaque maison s'adapte avant tout au
mode de vie de ses habitants. Car l'âme des maisons est toujours le reflet de celles et ceux qui ont choisi de
s'y établir.
Habiter une maison qui nous ressemble
La maison qu’on achète, celle qu’on hérite, celle qu’on édifie ou celle qu’on restaure, constitue notre «
dessin » d’adulte. Aussi bien que nos dessins d’enfant, elle dit ce que nous sommes et, surtout, ce que nous
faisons de nous-mêmes. Quels que soient notre âge, notre condition ou notre caractère, toute activité
d’aménagement ou de construction de la maison nous révèle. Notre maison est notre seconde peau. Et si
notre peau, par sa couleur, sa texture, son irrigation1, son élasticité, sa tonicité atteste de ce que nous
sommes, la maison, elle, nous raconte. Elle ne se résume pas en une identification un peu simpliste au corps
Texture, irrigation: éléments de composition de la peau
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humain : ses fenêtres comme des yeux, sa porte comme une bouche, ses tuyauteries comme des artères ou
des intestins, sa cave où sont dissimulées toutes les forces inconscientes, son grenier pour les rêves et
l’imaginaire, ses poutres, ses murs et ses pierres comme autant d’éléments qui structurent le corps humain.
Cela est vrai, sans doute, mais il ne faut pas en rester aux analogies1, il faut aller plus loin, entrer dans les
histoires des personnes et, pour découvrir les véritables mouvements de leur cœur, interroger leurs
passions, leurs engouements2, leurs joies et leurs malheurs innombrables avec les maisons. [...]
Car les maisons sont des prolongements du moi, et le moi y joue en direct ses aventures. Ce sont toujours
des histoires de possession ou d’appropriation, d’exclusion ou de manque et, naturellement, des histoires
d’amour. Nous nous comportons avec elles comme nous le ferions avec un être aimé, des enfants fragiles ou
de vieux parents malades ! On parle d’elles comme de personnes véritables, bienveillantes ou malveillantes,
dotées de sentiments, de volontés ou d’exigences propres, et même quelquefois chargées d’un passé plus
ou moins connu et mystérieux. Accueillantes ou hostiles, parfois maléfiques, elles nous aident ou nous
entravent comme le feraient nos semblables. Elles sont à l’image de nos territoires intérieurs, et nous
faisons avec elles tout à fait autre chose que ce que nous disons ou croyons faire. Elles ne sont que des
prétextes qui manifestent la véritable nature de nos relations et de nos sentiments envers nos parents,
notre famille, nos amours, tous ceux avec qui nous avons vécu - et dont elles ne seront toujours que les
doubles.
L'Âme des maisons, © PUF, 1996-2012 ■
Document 2
Pour Gaston Bachelard (1884-1962), philosophe français, la maison constitue dans toutes les civilisations un
« berceau » au sein duquel les hommes peuvent trouver le repos. À I’abri des tourments de l'existence, ils
peuvent commencer à rêver de leur vie future.
La maison, ce cocon protecteur
Dans ces conditions, si l’on nous demandait le bienfait le plus précieux de la maison, nous dirions : la maison
abrite la rêverie, la maison protège le rêveur, la maison nous permet de rêver en paix. Il n’y a pas que les
pensées et les expériences qui sanctionnent les valeurs humaines. À la rêverie appartiennent des valeurs qui
marquent l’homme en sa profondeur. La rêverie a même un privilège d’auto valorisation. Elle jouit
directement de son être. Alors, les lieux où l’on a vécu la rêverie se restituent d’eux-mêmes dans une
nouvelle rêverie. C’est parce que les souvenirs des anciennes demeures sont revécus comme des rêveries
que les demeures du passé sont en nous impérissables.
Notre but est maintenant clair : il nous faut montrer que la maison est une des plus grandes puissances
d'intégration pour les pensées, les souvenirs et les rêves de l’homme. Dans cette intégration, le principe
liant, c’est la rêverie. Le passé, le présent et l’avenir donnent à la maison des dynamismes différents, des
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dynamismes qui souvent interfèrent, parfois s’opposant, parfois s excitant l’un l’autre. La maison, dans la vie
de l’homme, évince des contingences, elle multiplie ses conseils de continuité. Sans elle l’homme serait un
être dispersé. Elle maintient l’homme à travers les orages du ciel et les orages de la vie. Elle est corps et
âme. Elle est le premier monde de l’être humain. Avant d’être «jeté au monde» comme le professent les
métaphysiques rapides, l’homme est déposé dans le berceau de la maison. Et toujours, en nos rêveries, la
maison est un grand berceau. Une métaphysique concrète ne peut laisser de côté ce fait, ce simple fait,
d'autant que ce fait est une valeur, une grande valeur à laquelle nous revenons dans nos rêveries. L’être est
tout de suite une valeur. La vie commence bien, elle commence enfermée, protégée, toute tiède dans le
giron de la maison. L’homme arrive dans l'existence sans protection aucune.
1. Son être : de la manière dont elle est faite. 2. Liant: qui fait le lien 3. Évince des contingences: élimine les aléas de l'existence 4. Conseils: solutions. 5. «Jeté au monde»: citation de Martin Heidegger 6. Métaphysiques rapides: condamnation par Bachelard des conceptions superficielles de la nature
profonde des choses comme celles de Heidegger.
La Poétique de l'espace, © PUF, 1957 ■
Document 3
Dans Espèces d'espaces, l'écrivain Georges Perec (1936-1982) explore les différents espaces qui structurent le
quotidien de tout individu, à commencer par la maison. Pour l'écrivain la maison permet de dresser une
barrière entre soi et le monde pour préserver son intimité.
La maison, un espace contre le reste du monde
On se protège, on se barricade. Les portes arrêtent et séparent.
La porte casse l’espace, le scinde, interdit l’osmose, impose le cloisonnement: d’un côté, il y a moi et mon
chez-moi, le privé, le domestique (l’espace surchargé de mes propriétés : mon lit, ma moquette, ma table,
ma machine à écrire, mes livres, mes numéros dépareillés de La Nouvelle Revue française...), de l’autre côté,
il y a les autres, le monde, le public, le politique. On ne peut pas aller de l’un à l'autre en se laissant glisser,
on ne passe pas de l’un à l’autre, ni dans un sens ni dans un autre : il faut un mot de passe, il faut franchir le
seuil, il faut montrer patte blanche, il faut communiquer, comme le prisonnier communique avec l’extérieur.
Dans le film Planète interdite, on déduit de la forme triangulaire et de la taille phénoménale des portes
quelques-unes des caractéristiques morphologiques de leurs très anciens bâtisseurs ; l’idée est aussi
spectaculaire que gratuite (pourquoi triangulaire?) mais s’il n’y avait pas eu de portes du tout, on aurait pu
en tirer des conclusions beaucoup plus étonnantes.
Comment préciser? Il ne s’agit pas d’ouvrir ou de ne pas ouvrir sa porte, il ne s’agit pas de « laisser sa clé sur
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la porte » ; le problème n’est pas qu’il y ait ou non des clés : s’il n’y avait pas de porte, il n'y aurait pas de clé.
Il est évidemment difficile d’imaginer une maison qui n’aurait pas de porte. J’en ai vu une un jour, il y a
plusieurs années, à Lansing, Michigan, États-Unis d’Amérique. Elle avait été construite par Franck Lloyd
Wright : on commençait par suivre un sentier doucement sinueux sur la gauche duquel s’élevait, très
progressivement, et même avec une nonchalance extrême, une légère déclivité qui, d’abord oblique, se
rapprochait petit à petit de la verticale. Peu à peu, comme par hasard, sans y penser, sans qu’à aucun instant
on ait été en droit d'affirmer avoir perçu quelque chose comme une transition, une coupure, un passage,
une solution de continuité, le sentier devenait pierreux, c’est-à-dire que d’abord il n’y avait que de l’herbe,
puis il se mettait à y avoir des pierres au milieu de l’herbe, puis il y avait un peu plus de pierres et cela
devenait comme une allée dallée et herbue, cependant que sur la gauche, la pente du terrain commençait à
ressembler, très vaguement, à un muret, puis à un mur en opus incertum. Puis apparaissait quelque chose
comme une toiture à claire-voie pratiquement indissociable de la végétation qui l’envahissait. Mais en fait, il
était déjà trop tard pour savoir si l’on était dehors ou dedans : au bout du sentier, les dalles étaient jointives
et l’on se trouvait dans ce que l'on nomme habituellement une entrée qui ouvrait directement sur une assez
gigantesque pièce dont un des prolongements aboutissait d’ailleurs sur une terrasse agrémentée d’une
grande piscine. Le reste de la maison n’était pas moins remarquable, pas seulement pour son confort, ni
même pour son luxe, mais parce que l’on avait l’impression qu’elle s’était coulée dans sa colline comme un
chat qui se pelotonne" dans un coussin.
La chute de cette anecdote est aussi morale que prévisible : une dizaine de maisons à peu près semblables
étaient disséminées sur les pourtours d’un club privé de golf. Le golf était entièrement clôturé ; des gardes
dont on n’avait aucun mal à s’imaginer qu’ils étaient armés de carabines à canon scié (j’ai vu beaucoup de
films américains dans ma jeunesse) surveillaient l’unique entrée.
Espèces d'espaces, DR, 1974-2000
3 Franck Lloyd Wright : architecte américain (1867-1959), célèbre pour ses maisons dites «usoniennes» qui sont des petites habitations construites en harmonie avec leur environnement.
4 Déclivité: terrain en pente. 5 Solution de continuité: rupture. 6 Pierreux: rempli de pierres. 7 française du xx" siècle. 8 Le politique: la vie de la cité. 9 Planète interdite: film américain (1956) de science-fiction de Fred Wilcox mettant en scène
des hommes qui, sur une planète hostile, découvrent une civilisation inconnue. 10 Morphologiques: formes des corps.
Document 4
La maison, lieu des douloureux secrets de famille
Dans son film Festen, sorti en 1998, le cinéaste danois Thomas Vinterberg (né en 1969) présente l'histoire de
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Helge Kiingenfeldt, un riche notable, qui a réuni sa famille et ses amis dans sa grande et accueillante maison
afin d'y fêter ses 60 ans. Mais, dès le début de la fête, la maison de famille devient le lieu de la révélation
d'un terrible secret: Christian, le fils aîné, prend la parole devant toute l'assistance pour révéler que son père
s'est renc/u coupable d'inceste lorsque, lui et Linda, sa sœur jumelle qui s'est suicidée Tannée précédente,
étaient enfants. C'est la stupeur générale
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SEQUENCE 2 : DANS MA MAISON
Séance 6 : expression écrite
Deuxième partie : écriture personnelle (20 points)
« Pensez-vous que la maison puisse toujours être un cocon protecteur ? » Vous répondrez à cette question
d’une façon argumentée en vous appuyant sur les documents du corpus, vos lectures de l’année et vos
connaissances personnelles.
SUJET 1 : Thème - À toute vitesse !
Vous présenterez et confronterez les documents suivants afin de répondre à cette question : « En quoi ces
documents éclairent-ils votre réflexion sur le thème au programme? ».
Document 1 :
Déborah Corrèges, « La tyrannie de la vitesse », Sciences Humaines, n°239, Juillet 2012
Cette modification perceptive du temps est fondée. Les faits témoignent indéniablement d’une «
accélération technique » - la plus visible et documentée : l’augmentation de la vitesse de déplacement, de
transmission de l’information et de production. Dans ces domaines, la technique nous permet d’effectuer,
par rapport à nos grands-parents, les mêmes actions dans 5 un temps beaucoup plus court. L’histoire de la
vitesse de transport - de la marche à pied au navire à vapeur, au vélo, à l’automobile, au train à grande
vitesse (TGV), à la fusée spatiale - montre que l’on effectue la même distance en beaucoup moins de temps.
Pareil pour le transport des informations : alors qu’il fallait des semaines aux messagers à cheval et aux
pigeons voyageurs pour transmettre des informations, le temps requis avec Internet est celui 10 d’un simple
clic. Pourquoi sommes-nous alors débordés, en manque de temps, alors que la technique est censée nous en
avoir libéré ? Voici l’un des plus grands paradoxes : plus nous gagnons du temps, moins nous en avons. Le
calcul, illogique, interpelle. Où sont alors tous ces gains de temps, ce nouveau «temps libre» généré par la
technique? Remis en circuit. Comme le souligne H. Rosa, « nous produisons plus vite mais aussi davantage »,
les gains de 15 temps étant ainsi absorbés par l’augmentation de la croissance. Voilà le problème : l’homme
moderne est si gourmand qu’il veut parcourir, transmettre, produire trois fois plus (de distance,
d’informations, de choses) alors même que la technique lui permet d’aller seulement deux fois plus vite. Si
bien qu’il en vient à avoir moins de temps que son congénère en avait au siècle dernier. Par conséquent, un
sentiment d’urgence, anxiogène, pousse à accélérer la cadence. 20 Ce qui entraîne, selon H. Rosa, une
«accélération du rythme de vie», qualifiée de « densification » ou « intensification du temps quotidien »,
dans le but d’effectuer plus d’actions dans une même unité de temps.
Document 2 :
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« Sais-tu tout ce que tu manques? ». Campagne de la sécurité routière québécoise, 2015.
SUJET 2 : Thème - De la musique avant toute chose ?
Vous présenterez et confronterez les documents suivants afin de répondre à cette question : « En quoi ces
documents éclairent-ils votre réflexion sur le thème au programme? ».
Document 1 :
« Quand le bruit devient-il musique ? », francemusique.fr, 20 octobre 2020
Depuis qu’il existe un son agréable à entendre, le son musical, il existerait un son opposé et désagréable,
le bruit. Connoté de manière péjorative, le bruit est vu comme une impureté sonore face aux ondes pures et
parfaitement maîtrisées d’un son musical.
Mais la musique n’est-elle pas le bruit d’un autre, et vice versa ? Que dire des musiques des cultures
étrangères qualifiées de « bruits » dans les récits d’innombrables voyageurs européens aux XVIIe et XVIIIe
siècles ? Ne se conformant pas aux formes et aux normes musicales de ceux qui les découvrent, ces sons,
pourtant musicaux pour les autochtones, se voient relégués au domaine du bruit, du son dépourvu de sens.
Ainsi, définir les sons permissibles dans la musique, et inversement ce qui est à exclure, dépend
beaucoup des schémas personnels et culturels de réception, variables à l’infini. Entre le bruit et le son
n’existe qu’une distinction créée par la perception que les publics peuvent en avoir. (...)
Certains compositeurs feront appel aux bruits pour reproduire les sons de la nature et du quotidien afin
de faire entrer dans la musique le monde qui nous entoure et sa palette infinie de possibilités sonores. Du
côté de la musique orchestrale, la percussion devient un élément incontournable du bruit maitrisé dans la
musique, par exemple par sa soudaineté ou par un excès de volume : le tonnerre et l’orage dans la
Symphonie no.6 « Pastorale » de Ludwig van Beethoven en sont l'exemple parfait. (...)
Cependant, le XXe siècle entraîne avec lui une évolution radicale dans l’écoute musicale mais aussi dans
la pensée artistique, dont un refus du bien-être auditif jusqu’alors dominant dans la musique classique. De
nombreux compositeurs en Europe et aux Etats-Unis font preuve d’un nouveau schéma de réflexion qui
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tente d’utiliser les objets et machines et les nouvelles technologies à leur disposition pour faire ressortir les
aspects mélodiques, rythmiques et percussifs des bruits qui nous entourent : entendre le potentiel musical
des bruits jusqu’alors exclus de la musique et supprimer toute hiérarchie entre un son créé avec une
intention musicale et un bruit créé de manière aléatoire et naturelle. (...)
Plus d'un siècle après les premières expérimentations, le bruit semble avoir incontestablement et
pleinement pénétré la sphère musicale. En lien avec les nouvelles technologies en constante évolution qui
viennent offrir aux compositeurs de nouvelles formes de création musicale, les bruits d'aujourd'hui
deviennent les sons musicaux de demain.
Quand donc le bruit devient-il musique ? A l’instar d’une œuvre visuelle ou plastique devenue œuvre
d’art lorsque celle-ci est présentée dans une galerie, un bruit ne devient-il musique que lorsque son public
décide, et accepte, que ce dernier convient aux règles et aux formes d’un art musical ? La réponse,
semble-t-il, serait plus simple. Le bruit devient musique quand nous décidons de l’écouter et de l’entendre
comme tel, car la musique naît dans l’oreille de celui qui l’écoute.
Document 2 :
« Quand le bruit devient-il musique ? », francemusique.fr, 20 octobre 2020 - image d’illustration de
l’article (© Getty / Price)