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L’Archipel de Kerguelen : les plus vieilles îles dans le plus jeune océan par André Giret (1) , Dominique Weis (2) , Michel Grégoire (3) , , Nadine Mattielli ((2 Bertrand Moine (1) , Gilbert Michon (1) , James Scoates (2) , Sylvie Tourpin (1) , ) Guillaume Delpech (1) , Marie Christine Gerbe (1) Sonia Doucet (2) , Raynald Ethien (1) , and Jean-Yves Cottin ((1) (1) Dépt. Géologie, CNRS-UMR 6524, Université Jean Monnet, St. Etienne, France (2) ULB, Isotopes, Pétrologie et Environnement, av. F.D.Roosevelt, 50, CP 160/02, 1050 Bruxelles, Belgique (3) CNRS UMR 5562 "Dynamique Terrestre et Planétaire", Toulouse, France (d'après l'article publié dans Géologues, 2003, n°137, pp. 15-23) Photo 1 (cl. B. Moine) Le Mont Ross vu du Point Sublime. Au premier plan La Table, phonolitique Investigations géologiques aux Kerguelen Découvertes en 1772 par Y. de Kerguelen, les îles Kerguelen furent l'objet de plusieurs investigations scientifiques au cours des XVIII ème et XIX ème siècles ainsi qu'au début du XX ème siècle. Ce n'est pourtant qu'avec Aubert de la Rue (1932) que leur connaissance géologique s'affine, en particulier avec la découverte de massifs plutoniques dont certains contiennent des roches granitiques, ce qui les distinguent des autres îles océaniques. A partir de 1958, année géophysique internationale, les programmes d'exploration des océans apportent de nombreuses données bathymétriques, gravimétriques, paléomagnétiques, sismiques, sédimentologiques et géochimiques, qui précisent l'image et l'histoire de l'océan Indien. A la suite des synthèses océanographiques (Heezen et Tharp, 1965), géologiques (Nougier, 1970) et paléomagnétiques (Schlich, 1975), les îles Kerguelen deviennent une cible privilégiée des géologues pour qui elles sont un exemple unique d’informations géologiques sur des terres émergées de grandes surface (120 x 150 km) liées au magmatisme intraplaque et situées dans une région de l'océan Indien où les îles sont rares. L'archipel Kerguelen apparaît comme un maillon indispensable à la compréhension de ce secteur et offre un grand intérêt pour la connaissance du magmatisme en contexte géodynamique intraplaque océanique. A partir des années soixante dix, une attention particulière est portée aux granites dont l'origine continentale semblait alors démontrée. Leur présence, inexpliquée à Kerguelen, conduisait à supposer l'existence d'un fragment continental sous la jeune croûte océanique (Watkins et al., 1974). La géochimie isotopique (Rb/Sr, Sm/Nd) lèvera l'incertitude et les travaux de Dosso et al. (1976) prouvent l'origine océanique de toutes les roches magmatiques de l'archipel tandis que Lameyre et al. (1976) démontrent que des granites, ceux de Kerguelen en particulier, peuvent provenir du fractionnement de magmas mantelliques. L'attrait pour les complexes annulaires des îles Kerguelen s'accroît au cours des années quatre vingt et le modèle structural volcano-plutonique proposé par Giret (1983, 1990), confère une même source aux laves et aux roches plutoniques. Ces résultats obtenus à terre sont intégrés à ceux obtenus en mer (Goslin et Patriat, 1984) et il apparaît que les sources magmatiques qui sont à l'origine des îles Kerguelen et du plateau qui les supporte sont liées à l'activité de la ride Est-Indienne et à celle du point chaud de Kerguelen (Gautier et al., 1990). La découverte de nombreux gisements d'enclaves basiques et utrabasiques apporte un éclairage nouveau, tant sur l'origine des magmas que sur la structure de la lithosphère. L'archipel Kerguelen devient un modèle géologique, au même titre que

LÕArchipel de Kerguelen : les plus vieilles les dans le ...raynaldethien.fr/textes/Larchipel de Kerguelen, les plus vieilles... · intraplaque et situ es dans une r gion de l'oc

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L’Archipel de Kerguelen : les plus vieilles îles dans le plus jeune océan

par André Giret(1), Dominique Weis(2), Michel Grégoire(3),, Nadine Mattielli((2 Bertrand Moine(1), Gilbert Michon(1),

James Scoates(2), Sylvie Tourpin(1),) Guillaume Delpech(1), Marie Christine Gerbe(1) Sonia Doucet(2), Raynald Ethien(1),

and Jean-Yves Cottin((1)

(1) Dépt. Géologie, CNRS-UMR 6524, Université Jean Monnet, St. Etienne, France

(2) ULB, Isotopes, Pétrologie et Environnement, av. F.D.Roosevelt, 50, CP 160/02, 1050 Bruxelles, Belgique

(3) CNRS UMR 5562 "Dynamique Terrestre et Planétaire", Toulouse, France

(d'après l'article publié dans Géologues, 2003, n°137, pp. 15-23)

Photo 1 (cl. B. Moine)

Le Mont Ross vu du Point Sublime. Au premier plan La Table, phonolitique

Investigations géologiques aux Kerguelen

Découvertes en 1772 par Y. de Kerguelen, les

îles Kerguelen furent l'objet de plusieurs investigations

scientifiques au cours des XVIIIème et XIXème siècles

ainsi qu'au début du XXème siècle. Ce n'est pourtant

qu'avec Aubert de la Rue (1932) que leur connaissance

géologique s'affine, en particulier avec la découverte de

massifs plutoniques dont certains contiennent des

roches granitiques, ce qui les distinguent des autres îles

océaniques. A partir de 1958, année géophysique

internationale, les programmes d'exploration des

océans apportent de nombreuses données

bathymétriques, gravimétriques, paléomagnétiques,

sismiques, sédimentologiques et géochimiques, qui

précisent l'image et l'histoire de l'océan Indien. A la

suite des synthèses océanographiques (Heezen et

Tharp, 1965), géologiques (Nougier, 1970) et

paléomagnétiques (Schlich, 1975), les îles Kerguelen

deviennent une cible privilégiée des géologues pour

qui elles sont un exemple unique d’informations

géologiques sur des terres émergées de grandes

surface (120 x 150 km) liées au magmatisme

intraplaque et situées dans une région de l'océan Indien

où les îles sont rares. L'archipel Kerguelen apparaît

comme un maillon indispensable à la compréhension

de ce secteur et offre un grand intérêt pour la

connaissance du magmatisme en contexte

géodynamique intraplaque océanique.

A partir des années soixante dix, une attention

particulière est portée aux granites dont l'origine

continentale semblait alors démontrée. Leur présence,

inexpliquée à Kerguelen, conduisait à supposer

l'existence d'un fragment continental sous la jeune

croûte océanique (Watkins et al., 1974). La géochimie

isotopique (Rb/Sr, Sm/Nd) lèvera l'incertitude et les

travaux de Dosso et al. (1976) prouvent l'origine

océanique de toutes les roches magmatiques de

l'archipel tandis que Lameyre et al. (1976) démontrent

que des granites, ceux de Kerguelen en particulier,

peuvent provenir du fractionnement de magmas

mantelliques. L'attrait pour les complexes annulaires

des îles Kerguelen s'accroît au cours des années quatre

vingt et le modèle structural volcano-plutonique

proposé par Giret (1983, 1990), confère une même

source aux laves et aux roches plutoniques. Ces

résultats obtenus à terre sont intégrés à ceux obtenus en

mer (Goslin et Patriat, 1984) et il apparaît que les

sources magmatiques qui sont à l'origine des îles

Kerguelen et du plateau qui les supporte sont liées à

l'activité de la ride Est-Indienne et à celle du point

chaud de Kerguelen (Gautier et al., 1990).

La découverte de nombreux gisements

d'enclaves basiques et utrabasiques apporte un

éclairage nouveau, tant sur l'origine des magmas que

sur la structure de la lithosphère. L'archipel Kerguelen

devient un modèle géologique, au même titre que

2

l'Islande et Hawaii (Giret et al. 1997) et

l'épaississement crustal dont il témoigne appuie l'idée

qu'il peut représenter un exemple de nucléation

continentale en domaine océanique (Grégoire et al.,

1995, 1998), comme cela est suggéré dès l’Archéen

pour les ceintures de roches vertes interprétés comme

des reliques de vastes plateaux océaniques

insubductables (Abouchami et al. , 1990 ; Boher et

al.,1992). Les investigations géochimiques se

développent tant dans les îles Kerguelen que sur le

plateau océanique qui les supporte et qui est considéré

comme une grande province ignée (LIP= Large

igneous province). Le programme ODP multiplie les

forages dans cette structure, apportant de nouveaux

arguments aux réflexions concernant l'origine et

l'évolution du plateau et des îles Kerguelen (Wallace et

al., 2002; Ingle et al., 2002).

Le point chaud de Kerguelen, est à présent

bien défini (Weis et al., 1998, 2002) et la réflexion sur

sa participation relative ainsi que celle de la ride sud-

est indienne dans la formation de la LIP "Plateau de

Kerguelen et Broken Ridge", est bien étayée par les

arguments fournis par les îles Kerguelen (Weis et Frey,

2002; Doucet et al., 2002).

al., 2002; Ingle et al., 2002). Le point chaud de

Kerguelen, est à présent bien défini (Weis et al., 1998,

2002) et la réflexion sur sa participation relative ainsi

que celle de la ride sud-est indienne dans la formation

de la LIP "Plateau de Kerguelen et Broken Ridge", est

bien étayée par les arguments fournis par les îles

Kerguelen (Weis et Frey, 2002; Doucet et al., 2002).

Par ailleurs, les données pétrologiques, géochimiques

et isotopiques (radiogéniques et stables) obtenues

directement sur les enclaves ultrabasiques-basiques

mantelliques, récemment découvertes dans l’archipel,

indiquent clairement le caractère initialement

réfractaire et secondairement enrichi d’un manteau

océanique abondamment percolé et métasomatisé à

l’aplomb d’un panache mantellique (Grégoire et al.,

1997, 2000, 2001, Mattielli et al., 1996, 1999, Moine

et al. 2000, 2001).

Une morphologie propice à l'observation

géologique

Ce n'est qu'à partir des années soixante dix

que l'on a pu disposer de cartes géographiques

produites par l'IGN à partir de missions héliportées. Le

document initial (1 feuille) est au 1/200 000. Agrandi,

il a permis la publication de 3 feuille au 1/100 000 qui

bénéficient d'une toponymie plus riche (Durand de

Corbiac, 1970).

A une latitude moyenne de 49°15’ sud,

sensiblement celle de Paris dans l’hémisphère nord

(figure 1a), et à une longitude moyenne de 69°30’ est, à

peu près celle de Bombay, l'archipel Kerguelen se

trouvent au milieu de la partie sud de l'océan Indien. Sa

superficie de 7 215 km2 peut être comparée aux 8 722

km2 de la Corse (figure 1b). Il est constitué par une île

majeure représentant neuf dixième de la surface totale,

la Grande Terre (environ 6 675 km2) étendue sur 130

km d’est en ouest et sur 120 km du nord au sud, par

l’île Foch (220 km2), par huit grandes îles dont les

surfaces vont de 8,5 à 45 km2, et par trente cinq îles

allant de 1 à 5 km2, quarante cinq îlots de 4 à 70 ha, et

d’innombrables rochers et écueils. C'est donc

aujourd'hui une ensemble très morcelé dont la surface a

pu être, dans le passé, très supérieure à ce qu'il en reste.

Figure 1

a- Latitudes symétriques entre Europe et TAAF

b- Comparaison Corse-Kerguelen

La morphologie des îles Kerguelen est

principalement liée à leur origine magmatique et à

l'érosion glaciaire (figure 2). Le volcanisme a produit

de vastes et puissants entablements basaltiques qui

forment 80% de l'archipel, lui donnant souvent un

aspect monotone. Par endroits des ensembles volcano-

plutoniques plus jeunes traversent ces structures et

forment des reliefs, comme le Mont Ross, point

3

culminant à 1 850 m (Photo 1). Des filons basaltiques

linéaires s’étendant parfois sur plus de 5 km et

principalement orientés NNO-SSE et NE-SO

apparaissent en dépression ou en relief et forment un

découpage parfois très dense que l'on peut mettre en

relation avec les structures régionales du plancher

océanique . Cet ensemble a été profondément entaillé

par des glaciers qui creusent des vallées au fond plat et

aux flancs abruptes et qui évoluent en fjörds encaissés

(Photo 2). Les cours d'eau, au régime généralement

torrentiel, n'excèdent pas 20 km et participent aussi au

démantèlement. La terminaison orientale (péninsule

Courbet) est une vaste plaine littorale formée par

l’accumulation de sédiments glaciaires dont émergent

ça et là des reliques volcaniques.

Photo 2 (cl. A. Giret)

Une grande portion des régions occidentale et

centrale est recouverte par la calotte glaciaire Cook qui

culmine à 1 050 m et recouvre environ 550 km2. La

glace s’écoule par une vingtaine de langues divergentes

qui aboutissent à des lacs frontaux plus ou moins

importants et parfois directement à la mer. Les

principaux sommets de la Grande Terre étaient eux

aussi recouverts de nappes de glace permanentes

jusqu’à la fin du XXème siècle. Ces sommets sont de

plus en plus souvent dégagés, comme l’illustre le Mont

Ross (Photo 3) dont la crête de glace fond en été depuis

les années 1990. De ce volcan partent une dizaine de

langues glaciaires dont la principale est le glacier

Buffon (12 km) qui draine jusqu’à la mer les glaces et

les abondantes moraines accumulées dans le cratère au

fond duquel il prend naissance.

Photo 3 (cl. A. Giret)

Le Mont Ross, vu du Nord. A gauche le Grand Ross (1852m), à

droite le Petit Ross

Les sommets de la péninsule Rallier du Baty, au sud-

ouest, qui culminent à 1 262 m, étaient eux-aussi

englacés de façon permanente il y a quelques années

encore, donnant naissance à dix huit langues glaciaires

dont les plus importantes sont le glacier Ampère et le

glacier Arago (Photo 4). Au nord du Cook, les glaces

du Mont Guynemer (1 088 m) et la presqu’île de la

Société de Géographie qui culmine au Mont Richard (1

081 m) sont elles aussi en déliquescence, les glaciers

qui s’en écoulaient perdurant encore difficilement. Le

retrait glaciaire a été souligné dès 1970 par Durand de

Corbiac qui a montré que les glaciers de Chamonix et

Ampère avaient respectivement reculé de 40 et 60 m en

un an. Dans les années 1990, Frénot et al. (1993,

1997) ont montré que le recul du glacier Ampère s’est

amplifié d’environ 3 km en une trentaine d'années, de

1966 à 1997.

Photo 4 (cl. A. Giret)

Le glacier Arago, Péninsule Pallier du Baty

Les très nombreuses vallées sont alimentées

par des cascades et torrents qui deviennent violents à la

moindre précipitation. Ces vallées sont profondes et

encaissées, parfois très longues, comme le lac

d’Hermance qui s’étend sur 12 km pour une largeur

moyenne inférieure à 500m. Le tracé de ces vallées,

regroupées en faisceaux parallèles, semble bien avoir

été influencé par le réseau de fractures très dense.

Quelques inselbergs apparaissent parfois dans les

grandes plaines d’épandage.

Les lacs de crête et de fond sont très

nombreux. 56 ont de 1 à 5 km2 de superficie et 8 de 5 à

10 km2. C’est sur la plaine d’épandage de la péninsule

Courbet que se trouve le plus grand lac, lac Marville,

qui occupe une surface de 23 km2 et qui, seul de son

espèce, semble provenir de la fermeture d’une baie par

un cordon littoral. Cette plaine orientale, nommée "les

Basses Terres", d'altitude inférieure à 50 m, couvre 780

km2, soit plus de 12% de la surface des îles, et elle est

en outre parsemée d’une très grande quantité de petits

lacs ou d’étangs, d’origine glaciaire ou peut-être même

éolienne, dont beaucoup n’atteignent pas un hectare, et

qui donnent à cette région marécageuse un aspect qui

rappelle les Dombes en métropole.

Les côtes, généralement très abruptes, sont

façonnées par l’érosion marine qui, en sapant les bases,

provoquent d’importants effondrements aboutissant à

4

de hautes falaises. La falaise rigoureusement verticale

de la Baie de l’A-Pic, au sud de la presqu’île Jeanne

d’Arc, atteint par endroits 500 m de haut. Les plages

ouvertes sur la mer sont des plages de galets, celles qui

ferment les baies profondes ou les fjords sont

constituées de sables volcaniques généralement noirs

mais parfois blancs et riches en cristaux de sanidine

(Photo 5). Le vent active l’érosion entamée par la

glace, le gel et l’eau. Toutefois, une seule dune

éolienne a été observée. Elle se trouve en face des

Portes de l’Enfer, sur la côte nord-ouest de la péninsule

Rallier du Baty, dans la plaine du Styx où des sables

mouvants peuvent apparaître localement au pied de la

dune.

Photo 5 (cl. A. Giret)

Le Doigt de Ste Anne et Le Peigne

Le tracé des côtes est extrêmement découpé et

leur développement est de l’ordre de 3 000 km, soit la

longueur du littoral de la France continentale. Du fait

de cet extrême morcellement du littoral, avec des fjords

qui pénètrent très profondément à l’intérieur de la

Grande île, aucun point de l’archipel ne se trouve à

plus de 16 km de la mer. L’ensemble de l’archipel

manifeste un ennoyage vers ESE, ce qui se traduit par

des côtes moins festonnées et beaucoup plus abruptes à

l’ouest que dans le reste de l’archipel.

La configuration actuelle de l'archipel, avec

une élévation des reliefs vers l'ouest et un ennoyage

vers l'est, est dû à un basculement généralisé vers l'ESE

(Verdier et al., 1988) auquel s'est superposé un

mouvement en touches de piano qui a provoqué

l'effondrement de certains blocs et la formation de

fossés. Les cycles de la glaciation quaternaire n'ont pas

pu être distingués. Toutefois le façonnage actuel doit

être relié au Würm (30 000 ans), exception faite de

quelques langues glaciaires qui se sont développées au

XVIIème siècle lors des derniers assauts du froid, connus

sous le nom de "Petit âge de la glace". La période

actuelle est caractérisée par un recul général des glaces

comme en témoigne la présence, au front de certains

glaciers, d'affleurements qui étaient masqués il y a

seulement 15 ans.

L'extrême découpage des îles Kerguelen, les

nombreux glaciers et le climat rigoureux qui empêche

le recouvrement végétal, sont propices à une grande

qualité des affleurement géologiques où les relations

entre les différentes formations magmatiques sont

clairement observables.

Figure 2

Schéma géologique des îles Kerguelen

1: calotte glaciaire, 2: basaltes tabulaires = basaltes des plateaux,

3: plaine d'épanchement morainique, 4: complexes volcano-

plutoniques, 5: complexes plutonque annulaire, 6: gisements

d'enclaves basiques et ultrabasiques.

Le contexte océanique

Figure 3

Place des îles Kerguelen dans l'océan Indien

a - Physiographie de l'océan Indien. Les îles : K=Kerguelen,

H=Heard et McDonald, A=Amsterdam, SP=St. Paul, C= Crozet,

M= Marion, PE= Prince Edward, R= Réunion et Maurice. BR =

plateau sous-marin Broken Ridge.

b - La grande province ignée (LIP) Kerguelen et Broken Ridge (BR)

: Le plateau de Kerguelen est subdivisé en NKP= partie nord,

CKP=partie centrale, SKP= partie sud et EB= banc de l'Elan.

5

Figure 4 - Dynamique de l'Océan Indien et formation de la LIP Kerguelen et Broken Ridge

(d'après Coffin et al. , 2002, et Nicolaysen et al., 2000, modifiés). Explications dans le texte. Figurés: 1=continent, 2=marges continentales, 3=croûte

océanique, 4= volcanisme de point chaud

.

Les rides océaniques découpent l'océan Indien en trois

vastes secteurs (figure 3a). Le premier appartient au

domaine africain et il est limité par la dorsale de

Carlsberg au NE et par la dorsale Ouest-Indienne au

SE. Il comprend Madagascar, les Seychelles, l'île de la

Réunion et l'île Maurice. Le second appartient à la

plaque australienne et s'étend vers l'ouest jusqu'à la ride

de Carlsberg qui se prolonge par la dorsale est-indienne

6

au sud du point triple de Rodriguez. Le troisième est

constitué par le domaine méridional que limitent les

deux branches du "Y" renversé formé par les dorsales

ouest-indienne et est-indienne. Il est relié à la plaque

antarctique par le plateau de Kerguelen (LIP) qui

s'élève au-dessus de l'isobathe 4000 depuis 46° jusqu'à

64° de latitude sud et selon une direction NNW-SSE

avec une largeur moyenne de l'ordre de 450 km. Cette

grande province ignée est divisée en sous-provinces

aux histoires sensiblement différentes (figure 3b): le

plateau de Kerguelen Sud (SKP) et le banc de l'Elan

(EB), le plateau de Kerguelen central (CKP) où se

trouvent les îles Heard et Mc Donald et le plateau de

Kerguelen nord (NKP) qui supporte l'archipel

Kerguelen. La partie sud (SKP + EB) a une origine en

partie continentale (Ingle et al., 2002; Neal et al.,

2002), une croûte atteignant 25 km d'épaisseur (Goslin

et Diament, 1987), et sa formation a commencé il y a

plus de 100 Ma (Leclaire et al., 1987). La partie nord

(CKP + NKP) est d'origine uniquement océanique

(Weis et Frey, 2002, Mattielli et al., 2002, Doucet et al.

2002), d'âge inférieur à 100 Ma (Nicolaysen et al.,

2000; Duncan, 2002) et une épaisseur de croûte

comprise entre 14 et 20 km (Recq et Charvis, 1986,

Grégoire et al. 1994, 1995). Il convient de rattacher à

cet ensemble le plateau de Broken Ridge (BRP) situé

de l'autre côté mais à même distance de la ride Est-

indienne, dont l'origine est la même que celle des CKP

et NKP dont il a été détaché sous l'effet de l'expansion

océanique il y a 42 Ma, l'anomalie 17 bordant au nord

le NKP et au sud le BRP (Goslin et Patriat, 1984;

Royer et Sandwell, 1989).

Si l'on accepte que l'isobathe 200 matérialise

son extension passée, l'archipel Kerguelen a pu

atteindre une surface de 50 000 km2 qui s'inscrit dans

un rectangle limité par les méridiens 68°30' et 70°35'

Est et par les parallèles 48°33' et 49°45' Sud. Sa partie

émergée (7 215 km2) ne représente plus que 13% de la

surface du NKP et seulement 2% de celle de la LIP

"Kerguelen", mais cela le classe quand même en

troisième position mondiale, après l'Islande et Hawaii.

L'âge de ces îles, 30 à 40 Ma (Giret 1993, Nicolaysen

et al., 2000) en fait le plus vieil archipel du domaine

strictement océanique. Son histoire (figure 4), inscrite

dans celle de la LIP Plateau de Kerguelen et Broken

Ridge, peut être résumée par les étapes suivantes (Weis

et al.; 1992Giret 1993, Yang et al., 1998; Nicolaysen et

al., 2000; Coffin et al., 2002; Duncan, 2002)

133-120 Ma: Dislocation continentale entre l'Australie

et l'Inde d'abord (133 Ma), l'Australie et l'Antarctique

ensuite (125 Ma). Les basaltes du Bunbury, au SW de

l'Australie, se mettent en place et marquent le début de

l'océanisation. Les parties continentales du Banc des

Elans (EB) et du Sud du Plateau de Kerguelen (SKP)

sont encore attachées à l'Inde. On peut comparer cette

étape à celles qui caractérise l'actuel rift Est-Africain,

la Mer Rouge et le Golfe d'Aden.

120-90 Ma: L'expansion océanique se poursuit entre

l'Inde, l'Australie et l'Antarctique. Les manifestations

du point chaud de Kerguelen conduisent d'abord (120-

110 Ma) à la formation du Sud du Plateau de

Kerguelen (SKP), des trapps de Rajmahal en Inde, et

de lamprophyres en Antarctiqu, ainsi qu'à la séparation

entre l'Inde et le banc des Elans, puis ensuite à la

formation de la partie centrale du Plateau de Kerguelen

(105-100 Ma) et à celle de Broken Ridge (100-95 Ma).

90-40 Ma: Le point chaud de Kerguelen produit la ride

du 90° Est (Ninety East Ridge) et du Skiff Bank (SB)

tandis que l'Inde poursuit sa dérive ves le Nord. La ride

Est-Indienne s'individualise. On peut voir ici l'image de

l'Islande divisée par la ride de Reykjavik.

40-25 Ma: L'expansion océanique s'active. La dorsale

Est-Indienne s'individualise entre Broken Ridge et la

partie nord du Plateau de Kerguelen, qui dorénavant

n'appartiennent plus à la même plaque. Le point chaud

produit la partie Nord du plateau de Kerguelen puis les

îles Kerguelen proprement dites qui bénéficient aussi

des magmas générés par l'ouverture océanique

(MORB). La poursuite de l'édification des îles

Kerguelen, soumises à la fois à un magmatisme

tholeiitique typique de ride océanique (MORB) et à un

magmatisme de point chaud (OIB), donne un ensemble

hybride défini par les suites tholéiitiques-

transitionnelles (Frey et al., 2000). Ce stade peut être

rapproché de celui de l'île de l'Ascension, à l'ouest de la

dorsale atlantique (Harris, 1983). Au cours de cette

étape la croûte s'épaissit, en particulier par le sous-

placage de matériaux mantelliques à l'interface croûte-

manteau (Grégoire et al., 1998).

25 Ma- Présent: Les îles Kerguelen sont franchement

en position intraplaque et ne subissent plus que le

magmatisme alcalin associé à leur point chaud (Giret,

1990). Les dernières manifestations magmatiques

importantes ont été datées à moins de 30 000 ans,

certaines coulées apparaissent mêmes historiques

comte tenu du recouvrement des moraines les plus

récentes (Gagnevin et al., sous presse) et l'on n'observe

plus à présent que quelques fumerolles (Delorme et al.,

1994). Le déplacement des îles Kerguelen vers le Sud

par rapport à la ride est-indienne s'est effectué à une

vitesse calculée variant de 2 à 3,4 cm/an (Schlich,

1975) selon les époques, ce qui s'accorde à peu près

avec la distance parcourue à partir de la dorsale

actuelle, environ 1500 km en 40 Ma.

Paléontologie: flore et faune témoignant de l'émersion depuis le Miocène

La nature essentiellement volcanique de

l'archipel ainsi que les régimes d'érosion glaciaire et

torrentielle qui le rabotent ne sont pas favorables à la

conservation des dépôts sédimentaires, et, par voie de

conséquence, à la formation de gisements fossilifères.

On ne s'étonnera donc pas que ces derniers soient très

rares, même s'ils sont plus fréquents à Kerguelen que

dans la plupart des autres îles océaniques.

Les premiers gisements ont été signalés à la

fin du XIXème siècle à Port Christmas, au Mont

7

Havergal dans la Baie de l'Oiseau. Il s'agit de niveaux

ligniteux centimétriques à décimétriques associés à des

sédiments fluviatiles plus ou moins grossiers (sables

feldspathiques, conglomérats). Au XXème siècle

plusieurs autres niveaux à lignite ont été décrits,

toujours dans le nord de l'archipel. On a trouvé par

ailleurs fréquemment des fragments de bois lignifiés

dans les alluvions torrentielles, sans qu'il ait été

possible de localiser exactement leur provenance

(Aubert de la Rüe, 1931; Crié, 1889; Seward, 1919;

Seward et Conway, 1934; Mechkova, 1969; Wace,

1960). Selon Nougier (1970), ces formations

fossilifères s'apparentent aux lignites de la catégorie

noirs-brillants pouvant être qualifiés de lignites

bitumineux, de lignites durs ou encore de "sub-

bituminous coals" dans la terminologie de Toronto. Ces

gisements du nord de l'archipel ont livré:

Cuporessoxylon antarcticum et C. Kerguelense,

Araucarioxylon, Dadoxylon (Araucarioxylon)

kerguelense que certains rapprochent au genre

Araucaria ou Agathis. Deux autres gisements décrits

par Nougier (1970) se situent au sud-est de l'archipel,

vers Port Jeanne d'Arc. Ils ont livré des Mousses,

Dicranites australis., Muscites thuilioides et Muscites

sp., des Fougères rappelant le genre Gleichenia, des

Gymnospermes, genre Araucaria dont les écailles

rappellent le type A. Rulei de Nouvelle Calédonie ou

A. excelsa de l'île Norfolk, A. Balansæ, Elatocladus,

deux formes de Monocotylédones voisines des

Graminées, des Cypéracées et des Typhacées, trois

formes différentes de Dicotylédones dont l'une est

proche de Nothofagus d'Amérique du Sud, une autre

ressemblant aux Myrtacées ou aux Ilicacées. Les

Ptéridophytes sont abondantes, au moins dix espèces

avec une majorité de Filicales. Des pollens de

Gymnospermes et d'Angiospermes ont été reconnus

sans avoir pu être vraiment classés. Cette flore

correspond à un âge vague, pouvant aller du Crétacé

supérieur au Pliocène. Les niveaux basaltiques

auxquels elle est associée (Photo 6) permettent

cependant de la situer entre 10 et 30 Ma c'est à dire du

Miocène à l'Oligocène.

Photo 6 (cl. A. Giret)

Presqu'île Ronarc'h, pillow lava sur niveau sableux

Un dernier gisement où les dimensions des

restes végétaux et leur état de conservation sont

exceptionnels a été découvert entre le Mont Rond et le

Cap Mac Lear, sur la presqu'île Ronarc'h (Philippe et

al., 1998). Il s'agit de branches et de troncs (Photo 7),

dont les restes peuvent atteindre 60 cm de diamètre et

plus de deux mètres de long, emballés dans un

conglomérat consolidé, dont l'âge est supérieur à 30

000 ans (inédit). On y a trouvé: Agathoxylon

kerguelense, qui semble correspondre à trois espèces

précédemment décrites, Agathoxylon kerguelense

(Crié, comb.nov.), Cupressoxylon kerguelense (Crié,

1889), Dadoxylon kerguelense (Steward, 1919)

etWiddringtonioxylon antarcticum (Beust, 1884) nov.

comb. qui semble identique à Cupressinoxylon

antarcticum (Beust, 1884).

Photo 7 (cl. A. Giret)

Arbres fossilisés dans une formation morainique, Mont Rond

Outre les niveaux ligniteux, il existe aussi des

niveaux à fragments végétaux totalement silicifiés.

Deux gisements importants ont été découverts (Giret et

al., 1999), l'un à Port Matha, dans le Nord-Ouest de

l'archipel, l'autre à l'Est, sur la rive droite de la rivière

Studer. Ces niveaux sont intercalés entre des coulées

basaltiques âgées de 25 à 30 Ma (Nicolaysen et al.,

2000, Damasceno et al., 2002), et associés à des

minéralisations siliceuses (géodes de quartz et placages

d'agate et de calcédoine).

Les gisements fossilifères marins sont encore

plus rares et l'on n'en a recensé que trois, tous situés

dans le sud-est de l'archipel et d'âge miocène (Tate,

1900; Fletcher, 1938; Nougier, 1970; Carriol et al.,

1992; Giret et al., 1994; Lauriat-Rage et al., 2002)

Deux d'entre-eux sont situés de part et d'autre de la

Passe Royale (Golfe du Morbihan). Le premier, situé

au Cap Milon (presqu'île du Prince de Galles) presque

au niveau de la mer, est intercalé entre deux horizons

sableux, l'ensemble ayant une puissance de 50 m. Le

niveau fossilifère renferme des nodules sphériques

grésifiés avec, en leur centre, des coquilles de

lamellibranches, des dents et des vertèbres de

mammifères marins et de poissons.

Le second, aux Oreilles de Chat (presqu'île

Ronarc'h), est épais d'une vingtaine de mètres et se

trouve à la cote 250. Le grès qui le contient est

déformé, pincé et surélevé par la mise en place d'une

extrusion phonolitique. La faune décrite renferme des

Bryozoaires (Membranipora, Phylactella), des

Lamellibranches (Chlamys mawsoni, Musculus

delicatula, Mytilus kerguelensis, Paleomarcia tatei, P.

sculpta, P. ovata, P. roberti, P. kergueleni, Frigichione

8

permagna, F. Lucina), des Gastéropodes (Natica

tremarici, Uba fallai Turitella hallii, Kergipenion

dubia), des Crustacés (Balanus flosculus sordidus)

ainsi que des traces d'annélides (Spirorbus).

Le troisième gisement se situe au Mont Rond

sur la presqu'île Ronarc'h (Photo 8). Il est très difficile

d'accès car situé en falaises au-dessus de la mer entre

les cotes 70 et 150. C'est le gisement le plus important

puisqu'il est représenté par une série sédimentaire

marine de 70 m d'épaisseur avec plusieurs niveaux

fossilifères. Il a livré des Veneridæ [Frigichione

permagna , F. (Paleomarcia) tatei, F. (P) kergueleni,

F. (P.) ovata et F. (P.) sculpta, Paleomarcia tatei,

Paleomarcia kergueleni], des Mytilidæ (Mytilus

magellanicus, M. kerguelenensis et M. sp., Perna

kerguelensis, Perna sp.), des Gastéropodes [Turitella

(s.l.) hallii (proche des genres Stiracolpus et Zeacolpus

connus dans le Miocène de Nouvelle Zélande), et

Natica (s.l.) tremariei], des Cirripèdes balanomorphes

[Notobalanus flosculus (s.str) et Austromegabalanus

(Notomegabalanus) decorus et N. (N.) decorus

ronarchensis, qui est une nouvelle sous espèce à placer

au départ d'une chronospéciation qui se poursuit en

Nouvelle Zélande], ainsi que peut-être des

Scaphopodes.

Photo 8 (cl. A. Giret)

Miocène marin coquillier, presqu'île Ronarc'h, Mont Rond

La présence et la nature de la faune et de la

flore miocène indiquent un climat beaucoup plus chaud

qu'actuellement, en relation avec la paléoposition

géographique de l'archipel et avec les conditions

climatiques globales, chaudes à cette époque. Le fait

que ces fossiles soient encore au-dessus du niveau de la

mer implique que les Kerguelen ne se sont pas

enfoncées sous la mer comme cela est le cas du plateau

de Kerguelen en général (Wallace, 2002). L'altitude

actuelle des niveaux coquilliers marins, entre 70 et 150

m, correspond à la baisse générale des eaux depuis le

Miocène, sans exclure une légère élévation de

l'archipel.

Les appareils magmatiques, plutons et volcans cogénétiques

La formation de la partie nord du

plateau de Kerguelen (NKP) remonte à 40 Ma, mais

cette étape n'est pas représentée à l'affleurement. Après

la construction du plateau sous-marin, le volcanisme

fissural s'est poursuivi et l'empilement de laves fluides

a édifié une île aux reliefs tabulaires (Photo 9). Il s'agit

des "basaltes des plateaux", équivalents des "flood

basalts" de la terminologie anglo-saxonne.

Photo 9 (cl. A. Giret)

Basaltes tabulaires en baie de Recque, provinces du nord

Des venues magmatiques qui n'ont pu

atteindre la surface ont donné, localement, de puissants

filons-couches de gabbros interstratifiés dans

l'ensemble tabulaire. L'un des plus remarquables atteint

une épaisseur de 300 m, il se trouve dans la péninsule

Loranchet. D'autres appareils plutoniques se sont mis

en place de façon intrusive en bombant et en fracturant

les basaltes encaissants.

Ces massifs sont de petites dimensions (0,5 à

1 km de diamètre) et ils sont constitués d'une suite

pétrographique à tendance tholéiitique, c'est à dire à

hypersthène + quartz.

C'est le massif du Val Gabbro, situé à

l'extrémité SE de la presqu'île Jeanne d'Arc, qui

caractérise le mieux cette étape. Il est formé de

péridotites, de pyroxénites, de gabbros lités et de

microgranites, et il a fourni un âge isotopique K/Ar de

39 ± 3 Ma, mais dont la validité est remise en doute

puisque les récentes datations 40Ar/39Ar effectuées sur

les formations anciennes n'excèdent pas 30 Ma

(Nicolaysen et al., 2000) et que ce massif fait intrusion

dans des laves datées à 22 Ma. Cet ensemble

magmatique qui associe des mécanismes aériens et

souterrains forme une série ancienne transitionnelle

que l'on identifie bien sur les diagrammes alcalins/SiO2

(figure 5, tableau 1) en particulier par ses faibles

teneurs en K2O. Ces ensembles précoces ont ensuite été

recouverts par de nouvelles coulées tabulaires de

basaltes alcalins.

Les épisodes alcalins suivants ont produit

essentiellement des coulées plus ou moins épaisses (1 à

15m) de basaltes, hawaiites, mugéarites, qui ont

largement contribué à l'édification des grands

empilements volcaniques. Ce nouvel édifice

magmatique a été le siège de la mise en place de

complexes volcano-plutoniques dont le caractère

alcalin est exprimé tant par la minéralogie que par la

géochimie, avec présence systématique de biotite dans

les gabbros et de pyroxènes alcalins et amphiboles

alcalines dans les roches différenciées. Ces

9

manifestations qui ont débuté il y a 26 Ma aux

Montagnes Vertes se sont ensuite échelonnées dans le

temps jusqu'à l'époque actuelle comme l'attestent, dans

la péninsule Rallier du Baty, d'une part les trachytes

qui recouvrent les moraines, et d'autre part les

fumerolles qui traversent les glaces (Photo 10).

Photo 10 (cl. A. Giret)

Prélèvement de fumerolles, péninsule Rallier du Baty

Selon leur âge et selon les mouvements

verticaux et l'érosion qui les ont affectés, ces

complexes volcano-plutoniques offrent à l'affleurement

des niveaux structuraux différents (figure 5). Les îles

Kerguelen sont à ce titre un véritable musée dont les

différentes pièces ont permis de modéliser ce type

d'appareils (Photos 11 et 12). La durée de vie de ces

complexes est de l'ordre de 4 Ma (Lameyre et al.,

1976), ce qui est comparable à la période d'activité des

différents volcans océaniques connus. Les complexes

plutoniques ont une structure annulaire et leur mise en

place s'est effectuée selon des mécanismes de

subsidence souterraine. Le poinçonnement vertical qui

leur est lié provoque des fractures concentriques et

radiaires permettant au magma d'atteindre la surface.

C'est à la faveur de ces accidents que s'édifient

progressivement les cônes volcaniques sus-jacents. Le

diamètre de ces complexes varie de 1 à 15 km. Les plus

importants d'entre eux sont celui du Mont Ross pour le

niveau volcanique (Giret et al., 1988) et celui de la

péninsule Rallier du Baty (Lameyre et al. 1976) pour le

niveau plutonique.

Photo 11 (cl. A. Giret)

Monts Ballons, apex d'une intrusion composite de gabbro, monzonite

et syénite néphélinique

Photo 12 (cl. A. Giret)

Le Mont Léon Lutaud, péninsule Rallier du Baty. Intrusion syénitique

coiffée de basaltes (roof pendant) et screens basaltique (latéraux)

Figure 5

Les produits magmatiques des îles Kerguelen dans le diagramme

alcalins/silice

a: roches volcaniques et plutoniques de type tholeiitique-

transitionnel, b: roches plutoniques alcalines sursaturées en silice, c:

roches plutoniques alcalines sous-saturées en silice, d: roches

volcaniques moyennement alcalines, e: roches volcaniques fortement

alcalines, Ne: néphéline, Qz: quartz, M: limite entre les domaines

alcalin et subalcalin (d'après Myashiro, 1978), SR: limite des

champs sous-saturé et sursaturé en silice (d'après Schwartzer et

Rogers, 1974.

10

Tableau 1

Les principaux types pétrographiques des îles Kerguelen/ Analyses chimiques et normes CIPW.

Suite plutonique transitionnelle : 1= gabbro, 2= gabbro lité, 3= microsyénite quartzique, 4= aplite granitique.

Suite plutonique alcaline sous-saturée en silice : 5=gabbro, 6=micromonzonite, 7= syénite néphélinifère, 8= syénité néphélinique.

Suite plutonique alcaline sursaturée en silice : 9= gabbro, 10= monzonite, 11= syénite quartzique, 12= granite aplitique.

Basaltes : 13= basalte transitionnel à tendance tholéiitique, 14= basalte transitionnel à tendance alcaline, 15= basalte moyennement alcalin, 16=

basalte fortement alcalin.

En-dessous : Principales caractéristiques des magmas d'après les basaltes émis.

Les associations pétrographiques constituant

ces complexes volcano-plutoniques présentent des

compositions chimiques et des assemblages

minéralogiques (Giret et al., 1980; Bonin et Giret,

1990) caractéristiques des suites alcalines, mais on y

distingue deux lignées d'évolution exprimées chacune

dans une région géographique particulière. La première

lignée évolue vers des roches sursaturées en silice. Elle

est caractérisée par une séquence pétrographique allant

des gabbros aux syénites quartzifères ou quartziques et

exceptionnellement à des granites alcalins pour les

termes plutoniques, et des basaltes aux trachytes et

rhyolites pour les termes volcaniques, ce qui est

exprimé par la présence de néphéline normative en

faibles proportions dans les roches basiques et par celle

de quartz + ægyrine dans les roches différenciées.

Cette lignée n'existe que dans les provinces

occidentales, à l'ouest d'une ligne N165-N145. L'autre

lignée évolue vers une sous-saturation en silice, ce qui

se traduit par une série de roches plutoniques allant des

gabbros aux syénites néphélinifères et néphéliniques

ainsi que par leurs équivalents volcaniques, basaltes,

basanites, trachytes et phonolites. Cette lignée ne se

trouve que dans les provinces centrale et orientale, à

l'est de la frontière précédemment définie.

Deux hypothèses sont avancées pour expliquer

la divergence des suites alcalines (Giret, 1990). La

première privilégie le fractionnement magmatique. Le

magma initial, faiblement sous-saturé en silice, est

supposé identique dans les deux lignées alcalines. Dans

la province occidentale il serait fractionné en

profondeur par l'amphibole qui est un minéral très

sous-saturé en silice et dont la cristallisation provoque

de ce fait l'enrichissement en silice des liquides

résiduels. En revanche, dans les autres provinces,

l'amphibole ne cristalliserait pas en profondeur et c'est

la cristallisation des clinopyroxènes et des plagioclases,

minéraux plus riches en silice que le magma, qui

provoquerait l'appauvrissement en silice des liquides

résiduels. Cette hypothèse suggère que la croûte exerce

un rôle différent que l'on peut relier à la quantité de

H2O qu'elle renferme et qui permettra ou non la

cristallisation de l'amphibole.

La seconde hypothèse est favorable à une

différence dès l'origine, c'est à dire dans les sources

magmatiques elles-mêmes. Elle s'appuie sur une

modélisation arithmétique du fractionnement,

démarche qui permet de reconstituer les magmas

initiaux à partir des roches évoluées et des cumulats

minéraux généralement trouvés en enclaves. Cette

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16

SiO2 40,55 43,70 57,64 68,34 45,33 53,81 57,58 54,61 43,17 58,86 67,20 69,95 45,11 46,58 44,30 43,37

Al2O3 18,02 18,83 17,27 13,73 15,52 19,06 22,80 18,88 12,03 18,11 15,73 13,03 12,50 16,53 15,80 16,88

Fe2O3 10,00 5,53 5,43 3,35 7,51 3,41 1,35 3,14 1,85 1,82 2,15 3,73 2,31 1,94 2,20 1,93

FeO 6,61 4,50 2,15 1,35 3,43 3,27 1,70 3,15 9,88 2,65 1,33 2,15 11,71 9,83 11,12 9,76

MnO 0,20 0,05 0,02 0,00 0,14 0,14 0,10 0,12 0,11 0,07 0,12 0,13 0,24 0,18 0,16 0,18

MgO 6,55 9,06 1,23 1,65 5,91 1,58 0,00 1,11 8,47 1,49 0,25 0,10 4,95 5,62 4,20 4,65

CaO 12,70 12,60 3,14 0,29 8,74 4,69 0,71 3,24 12,05 2,96 0,26 0,00 9,29 8,69 9,83 9,94

Na2O 1,22 1,55 4,57 4,10 3,50 4,77 8,33 6,01 1,76 5,07 5,64 5,37 2,73 3,20 2,89 3,21

K2O 0,33 0,16 4,16 5,96 2,65 5,17 6,07 5,74 1,01 5,44 5,58 4,68 0,64 0,83 1,19 1,03

TiO2 2,95 0,76 1,33 0,61 3,02 1,19 0,09 1,18 5,05 1,06 0,34 0,37 3,63 2,74 3,29 3,37

P2O5 0,17 0,18 0,20 1,19 0,76 0,48 0,00 0,33 0,00 0,00 0,00 0,00 0,52 0,64 0,43 0,63

P.F. 1,58 1,52 1,11 0,67 1,38 1,60 1,20 1,58 2,43 1,61 1,21 0,55 3,46 0,58 3,12 3,12

TOTAL 100,88 98,44 98,25 101,24 97,89 99,17 99,93 99,09 97,81 99,14 99,81 100,06 97,09 97,36 98,53 98,07

Normes CIPW

Quartz 0,00 0,00 7,13 19,22 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,07 11,99 20,93 0,00 0,00 0,00 0,00

Orthose 1,95 0,94 24,58 35,22 15,66 30,55 35,87 33,92 5,96 32,14 32,97 27,65 3,78 4,90 7,03 6,08

Albite 10,32 13,11 38,66 34,68 20,75 32,88 35,37 31,62 12,89 42,89 47,71 40,98 23,10 27,07 22,19 20,65

Anorthite 42,72 43,95 14,28 0,00 18,82 15,34 3,52 7,60 21,94 10,60 1,13 0,00 19,96 28,29 26,63 28,61

Néphéline 0,00 0,00 0,00 0,00 4,79 4,04 19,01 10,41 1,07 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 1,22 3,52

Diopside 14,92 13,68 0,00 0,00 15,27 3,87 0,00 5,14 30,45 3,29 0,12 0,00 18,90 8,88 16,14 13,71

Hypersthène 9,39 18,66 3,06 4,10 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 3,85 0,89 1,86 14,90 7,99 0,00 0,00

Olvine 0,00 0,00 0,00 0,00 5,35 2,56 1,57 1,25 10,75 0,00 0,00 0,00 1,51 10,20 11,74 11,69

Acmite 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 3,92 0,00 0,00 0,00 0,00

éléments incompatibles

(Th,Ta,Zr,Hf,Rb,LREE)

Na2O+K2O

(% pds)

K2O

(% pds)

> 0,705

!Nd

> 0

< 0

87Sr /

86Sr

< 1

> 1

Compositions chimiques

basaltes tholéiitiques-transitionnels

basaltes alcalins fortement enrichis

< 0,705 2,5 à 5

2,5 à 8

moyennement enrichis

11

méthode conduit à proposer deux magmas faiblement

différenciés à l'origine des lignées sursaturées et sous-

saturées en silice. Ces magmas ont respectivement 5,3

et 6,4 % d'alcalins (Na2O+K2O) pour un taux de silice

fixe (45,3%), ou 50,2% ou 46,9% de SiO2 pour un taux

fixe d'alcalins (7,1%). Il faut cependant retenir que

cette hypothèse accorde, elle aussi, un rôle important

au fractionnement par l'amphibole. On peut aussi

envisager que les deux processus s'exercent

simultanément, accordant un rôle comparable à la

nature du liquide initial (source, conditions de fusion)

et au fractionnement magmatique. Par ailleurs, la

signature isotopique d’un certain nombre de ces

complexes plutoniques est comparable à celle des laves

au chimisme comparable, ce qui penche en faveur de la

première hypothèse (Weis et Giret, 1994).

Zéolitisation des îles Kerguelen

SBU* espèce formule stœchiométrique intervalle de composition aux îles Kerguelen

natrolite Na16(Al16Si24O80)16H2O Na15 Ca0,5 (Al16Si24O80)16H2O

Mésolite Na5,3Ca5,3(Al16Si24O80)21,3H2O Na2,5Ca6,75(Al16Si24O80)26H2O

Na6Ca5(Al16Si24O80)24H2O

Scolécite Ca8(Al16Si24O80)24H2O Ca8(Al16Si24O80)27H2O

Na2Ca7(Al16Si24O80)26H2O

Thomsonite Na4Ca8(Al20Si20O80)24H2O Na4Ca7,5(Al19Si21O80)26H2O

Na4Ca7,5(Al17,8Si22,2O90)11H2O

4-1

Gonnardite Na5Ca2(Al9Si11O40)12H2O Na6,2Ca1,15(Al8,5Si11,5O40)11H2O

Analcite Na16(Al16Si32O96)16H2O Na15(Al15Si33O96)17,5H2O

S4R

Laumontite Ca4(Al8Si16O48)16H2O (Na,K)0,24Ca3,68(Al7,6Si16,4O48)16,5H2O

Gismondine Ca4(Al8Si8O32)16H2O Na1,5Ca3(Al7,5Si8,5O32)17H2O

D4 R

Phillipsite K2(Ca0,5Na)4 (Al6Si10O32)12H2O K1,5(Ca1,85Na0,5 (Al5,7Si10,3O32)11H2O

Chabasite Ca2(Al4Si8O24)12H2O (Na,K)0,7Ca1,7(Al4,1Si7,9O24)10,5H2O

Lévyte NaCa2,5(Al6Si12O36)18H2O K0,2Na1,4Ca2,5(Al6,6Si11,4O36)15H2O

Erionite Na0,5K2MgCa1,5(Al8Si28O72)28H2O Na0,5K1,7MgCa2,5(Al9,2Si26,8O72)26H2O

6R

Offrétite KCaMg(Al5Si13O36)15H2O KNa0,2Ca1,72Mg0,35(Al5,3Si12,7O36)15H2O

Mordénite Na3KCa2(Al8Si40O96)28H2O Na3K0,5Ca2,15(Al7,8Si40,2O96)28H2O

Dachiardite (Na,K,Ca0,5)4(Al4Si20O48)18H2O Na2,7K0,5Ca0,4(Al4Si20O48)14,5H2O

5.1

Epistilbite Ca3(Al6Si18O48)16H2O Na0,4Ca2,8(Al6Si18O48)16,5H2O

Heulandite (Na,K)Ca4(Al9Si27O72)24H2O

(Na,K)6(Al6Si30O72)20H2O

(Na,K)Ca4(Al9Si27O72)24H2O

(Na,K)2,5 Ca2(Al6,5Si29,5O72)22H2O

4-4

-1

Stellerite

Stilbite

Ca4(Al8Si28O72)28H2O

NaCa4(Al9Si27O72)30H2O

Ca4(Al8Si28O72)27,5H2O

Na1,5Ca4(Al9,5Si26,5O72)28H2O (*) SBU (secondary building units) et formules stœchiométriques d'après Meier, 1968, Meier et Olson, 1978, Gottardi, 1978 et Gottardi et Galli,

1985)

Tableau 2

Dans les années quatre vingt, marquées par un

grand élan des travaux géothermiques, la mise en

évidence de nombreuses espèces de zéolites dans les

roches magmatiques a suscité beaucoup d'intérêt. Leur

inventaire et l'étude de leur répartition ont été

programmés. Aux huit espèces déjà reconnues (Roth,

1875; Lacroix, 1915; Aubert de la Rüe; 1929; Nativel

et Nougier, 1983), onze autres ont été ajoutées

(Verdier, 1989). Ces minéraux, dont les compositions

chimiques (tableau 2) attestent l'origine hydrothermale

peuvent être associés au quartz, aragonite, calcite,

céladonite, saponite et chlorite.

Les minéralisations hydrothermales

apparaissent principalement dans les basaltes, y

remplissant des vacuoles amygdalaires de 1 à 10 cm de

diamètre. Elles sont plus abondantes au sommet et à la

base scoriacée des coulées, mais elles existent aussi

sous forme de matrice cimentant les niveaux

pyroclastiques poreux. L'inventaire exhaustif a permis

de dénombrer 50 associations (Giret et al., 1992) dont

28 seulement sont relativement fréquentes (tableau 2).

Il s'agit d'assemblages à 2, 3 et parfois 4 minéraux

cogénétiques L'approche zonéographique de la

répartition de ces associations révèle en premier lieu

une prédominance des types de haute température à

l'ouest (scolécite, mésolite, thomsonite, analcite,

heulandite, stellerite, stilbite, céladonite), tandis que les

types de basse température sont confinés à l'est de

l'archipel (phillipsite, chabasite, aragonite, saponite).

Cette particularité a été mise en relation avec la

structure des entablements basaltiques, inclinés de 5°

vers l'E-SE,

12

Zonéographie des zéolites des îles Kerguelen

ZONES MINERAUX INDEX PRINCIPALES PARAGENESES T (°C)

I

PHILLIPSITE

CHABASITE

chabasite + phillipsite

thomsonite + chabasite + phillipsite

40-80

II

SAPONITE

ANALCITE

THOMSONITE

thomsonite + chabasite + saponite

thomsonite + analcite + chabasite

thomsonite + analcite + saponite

thomsonite + saponite

thomsonite + analcite

mésolite + thomsonite + saponite

mésolite + thomsonite + analcite

70-110

III

MESOLITE

STILBITE

stilbite + mésolite + thomsonite

stilbite + mésolite

scolécite + stilbite + mésolite

100-140

IVa

SCOLECITE

STELLERITE

HEULANDITE

stellerite + stilbite + scolécite

stellerite + scolécite + mésolite

heulandite + scolécite + mésolite

heulandite + stellerite + stilbite

heulandite + stellerite + scolécite

IVb

CELADONITE

MORDENITE

HEULANDITE

céladonite + heulandite + scolécite

heulandite + quartz + mordénite

céladonite + heulandite +mordénite

céladonite + quartz + calcite

céladonite + heulandite + stellerite

130-180

V

LAUMONTITE

CHLORITE

laumontite + heulandite + stellerite

laumontite + heulandite

laumontite + quartz + heulandite

chlorite + laumontite + heulandite

chlorite + laumontite

170-240

Tableau 3

Figure 6 - Zonéographie des zéolites,

comparaison avec l'Islande

Les zones III, IVa et IVb ne sont pas différenciées en Islande. La

puissance de l'ensemble zéolitisé est moindre en Islande, peut être à

cause du gradient géothermique supérieur.

qui met à l'affleurement des niveaux plus anciens, donc

plus profonds, au NW qu'au SE. En second lieu, des

coupes détaillées (figure 6) ont permis de montrer que

la zéolitisation s'est développée sur 2000 m d'épaisseur,

et que l'on pouvait, verticalement, déterminer 5 zones

(tableau 3) dont les plans de séparation plongent de 2 à

4° vers l'Est, recoupant ainsi le plan stratigraphique des

empilements basaltiques.

Figure 7

13

Relation Température de cristallisation/profondeur et estimation

du gradient géothermique responsable de la zéolitisation.

L'âge de ces évènements hydrothermaux a été

établi de façon relative par leurs relations avec les

complexes volcano-plutoniques. Les complexes de

type transitionnel et alcalin qui ont plus de 13 Ma sont

zéolitisés et présentent les mêmes associations

hydrothermales que celles des basaltes encaissants où

elles se surimposent aux paragénèses du

métamorphisme de contact. La seule différence affecte

les compositions chimiques des zéolites qui sont

légèrement plus sodiques dans les roches très

différenciées comme les syénites néphéliniques et les

granites. En revanche, dans les complexes plus jeunes

(Rallier du Baty, 12 à 4 Ma, Mont Ross, 4 à 0,2 Ma)

les zéolites sont absentes. Enfin, dans les complexes

d'âges intermédiaires (Monts Ballons, 14-12 Ma;

Péninsule de la Société de Géographie, 15-12 Ma), les

associations à zéolites sont d'intensité moindre que

dans les basaltes encaissants. Ces arguments

chronologiques établissent clairement qu'un champ

géothermique intense s'est manifesté à 15 Ma et a

diminué jusqu'à 12 Ma.

L'absence d'un niveau supérieur non zéolitisé

résulte, selon toute vraisemblance, de l'érosion

glaciaire, comme cela a été proposé en Islande

(Walker, 1960). En prenant en compte les épaisseurs

relatives des différentes zones zéolitiques, l'érosion a

été de 1 500 à 2 000 m à l'ouest et seulement de 500 à 1

000m à l'est, depuis la fin du processus de zéolitisation.

Ces estimations sont du même ordre de grandeur que

celles établies par Lecœur (1980) dans le contexte

irlandais sous un climat comparable, où la vitesse

d'érosion est de 0,12 à 0,15 mm.an-1.

Les données expérimentales (Thomson, 1970;

Liou, 1971 a et b; Zeng et Liou, 1982, Miyashiro et

Shido, 1970, Cho et al., 1986) et les observations de

terrain, replacées dans un diagramme température-

profondeur (figure 7), calibrent le gradient

géothermique responsable de la zéolitisation dans un

intervalle de 70 à 100°C.km-1, ce qui est légèrement

inférieur à ce qui a été observé en Islande, 80 à

110°C.km-1 (Walker, 1960). Une telle différence peut

s'expliquer par le fait que l'Islande bénéficie de la

synergie d'une ouverture océanique et d'un point chaud,

tandis qu'il y a 15 Ma les îles Kerguelen avaient quitté

l'influence de la dorsale est-indienne et n'étaient plus

soumises qu'aux apports thermiques du point chaud,

initié plus de 100 Ma auparavant. Le point chaud de

Kerguelen a donc été réactivé il y a 15 Ma, c'est à dire

à une période où débute la mise en place de la plupart

des complexes volcano-plutoniques alcalins.

Enclaves basiques et ultrabasiques, témoins

d’un sous-placage à l’interface manteau

croûte océanique épaissie Les campagnes de sismique réfraction (Recq

et al., 1990; Charvis et al., 1993) ont mis en évidence

des anomalies structurales dans la lithosphère

océanique des îles Kerguelen. Le niveau 2 (vitesses

sismiques Vp = 5,5 km.s-1) est épaissi et atteint 8 à 9

km tandis que le niveau 3 (Vp = 6,6 km.s-1) atteint 14

à 17 km de profondeur. La limite manteau-croûte, qui

forme normalement une surface sismique bien définie

(MOHO), se présente ici comme une zone à vitesses

anormalement faibles (Vp de 7,2 à 7,5 km.s-1) qui

traduit un passage progressif de la croûte au manteau.

Ces anomalies sismiques, d'abord interprétées comme

le résultat d'une hydratation de la croûte inférieure et

du manteau supérieur par les sismologues, ont été

ensuite attribuées à un épaississement dû au sous-

placage de matériaux magmatiques, comme l'indiquent

les études des enclaves profondes remontées par les

laves (Grégoire et al., 1992, 1994, 1995).

Les îles Kerguelen offrent en effet de

nombreuses occurences de gisements d'enclaves

basiques et ultrabasiques remontées par les laves

alcalines (Photo 13). Ces enclaves sont très variées et

offrent tous les types connus, à l'exception des

éclogites qui caractérisent les zones de subduction.

Elles ont été classées en quatre groupes principaux:

1- enclaves de manteau (harzburgites à spinelle et

dunites à spinelle)

2- enclaves basiques et ultrabasiques

métamorphisées mais présentant des reliques de

textures magmatiques (ensemble à 2 pyroxènes +

spinelle, ensemble à clinopyroxène + ilménite +

spinelle, métagabbro à ilménite)

3- cumulats basiques et ultrabasiques (péridotite,

pyroxénite, hornblendite, biotitite,

clinopyroxénite à biotite, gabbro)

4- enclaves mixtes associant deux des trois types

précédant.

Les enclaves ultrabasiques mantelliques,

correspondant au premier groupe, montrent de

nombreuses évidences d’un très important stade

précoce de fusion partielle (harzbugites) lié au

fonctionnement de la ride sud-est indienne (Grégoire et

al., 1997) suivi d’un ou plusieurs stades de

métasomatisme par des liquides de composition soit

basaltique très alcaline, soit carbonatitique. Les

compositions minéralogiques, géochimiques et

isotopiques (radiogéniques et stables) de ces enclaves

métasomatisées reflètent la signature de magmas

différenciés issus du panache de Kerguelen.

L’association de ces fluides métasomatiques avec le

panache de Kerguelen fournit des contraintes

importantes sur les processus de percolation et

d’enrichissement du réservoir mantellique (EM) à la

source de Kerguelen (Mattielli et al., 1999; Grégoire et

al., 2000B ; Moine et al. 2000, 2001).

Le second groupe, celui des roches

magmatiques métamorphisées est très abondant et

représente plus de 40% des échantillons récoltés, ce qui

suggère une grande abondance également en

profondeur. Il s'agit de cumulats profonds dont les

compositions en isotopes et en éléments en trace

indiquent que ces enclaves sont cogénétiques aux

14

basaltes tholéiitiques - transitionnels, qui caractérisent

l’activité volcanique antérieure à 25 Ma sur l’archipel

(Grégoire et al., 1994, Mattielli et al., 1996; Grégoire

et al., 1998). La principale caractéristique de ces

roches à plagioclase est d'avoir été rééquilibrées dans

les conditions du faciès granulite, c'est-à-dire dans des

conditions P-T allant de celles du manteau océanique

(métagabbro à grenat) à celles de la base de la croûte

océanique épaissie (webstérites à olivine + plagioclase)

en passant par celles de l'interface croûte-manteau

(métagabbro sans grenat). L'évolution dynamique,

trajet P-T, de ces enclaves (figure 8) illustre -

.

Photo 13 (cl. A. Giret)

Enclaves ultrabasiques dans un filon basanitique, Dôme Rouge,

péninsule Jeanne d'Arc : l'accès au manteau.

l'augmentation de pression qu'elles ont subi, c'est-à-dire

leur enfoncement en profondeur, mécanisme attribué à

l'épaississement crustal dû en partie à l'abondant

volcanisme et en partie à l'accumulation de vastes

volumes de magmas au niveau passage progressif

« manteau croûte », caractéristique du plateau de

Kerguelen. Des mesures de vitesse de propagation des

ondes sismiques dans ces roches ont été faites an

laboratoire (Grégoire et al., 2001) et ont montré

qu'elles étaient tout à fait comparables à celles de

l'interface croûte-manteau où les vitesses Vp sont

anormalement faibles (Vp de 7,2 à 7,5 km.s-1). Ces

résultats expérimentaux attestent le rôles que jouent les

matériaux sous-plaqués dans l'abaissement des vitesses

sismiques des horizons où ils se trouvent.

Un tel métamorphisme granulitique n'avait

jamais été décrit en domaine océanique.

Kerguelen, un troisième type d'île oéanique

Longévité du magmatisme (30-40 Ma), abondance des

complexes volcano-plutoniques, existence de roches

différenciés sous-saturées et sursaturées en silice,

épaississement crustal, enclaves magmatiques

granulitisées, réactivation tardive du point chaud,

persistance de l'émersion depuis le Miocène sont autant

de particularités qui font des îles Kerguelen un

exemple original et unique.

Figure 8

Evolution de la croûte sous-jacente au cours de l'histoire des îles

Kerguelen

1: magmas tholéiitiques-transitionnels, 2: magmas alcalins

En cartouche: Evolution P-T des enclaves magmatiques, basiques et

ultrabasiques, métamorphisées. A domaine des granulites de basse

pression, B: domaine des granulites à pyroxène, C: domaine des

granulites à grenat. Les courbes 1, 2, 3 et 4 représentent des limites

de stabilité minérale, S est le solidus du manteau.

A l'exception des ars insulaires qui sont liés

aux zones de subduction, les îles océaniques sont

régies par deux principaux modèles de référence, celui

de l'Islande et celui de Hawaii. En Islande le

magmatisme résulte de l'activité d'un point chaud

localisé sous une ride; c'est le modèle du "ridge

centered hot-spot" de Ribe et al. (1995). La croûte est

également épaissie mais n'excède cependant pas 15 km,

les roches les plus anciennes n'ont que 6 Ma (Donn et

Ninkovich, 1980), et les enclaves basiques et

ultabasiques sont des roches mantelliques ou crustales

non métamorphisées (Nixon, 1987). A Hawaii, âgée

seulement de 1 Ma (Wilson, 1989), la croûte atteint 20

km à cause d'un volcanisme très abondant, mais elle

n'excède pas 5 à 6 km dès que l'on s'éloigne de l'île

(Watts et al., 1985), les enclaves profondes sont

nombreuses et variées mais ne sont pas non plus

métamorphisées. Bien qu'elles présentent une histoire

qui associe celle de l'Islande, lorsqu'elles se trouvaient

sur la ride est-indienne et sous l'influence du point

chaud, et celle de Hawaii, depuis qu'elles sont en

position intraplaque, il est clair que les îles Kerguelen

se distinguent bien de ces deux modèles (tableau 4) et

qu'elles constituent un troisième type d'île océanique

(Giret et al., 1997).

15

A l'extrémité nord du plateau de Kerguelen

(ODP Leg 183, site 1140), les données physiques sur

les pressions partielles de gaz dans les verres

volcaniques indiquent une subsidence de 1 700 m

depuis 34 Ma, ce qui est conforme à la subsidence

estimée dans les autres sites du plateau de Kerguelen

pour une lithosphère indo-océanique normale (Wallace,

2002). Cela signifie-t-il que les îles Kerguelen suivront

le devenir de toutes les îles océaniques qui plongent et

atteignent un profil d'équilibre en profondeur dès que

leur lithosphère n'est plus dilatée par la chaleur

magmatique? Les particularités de ces îles permettent

d'en douter et de s'interroger. En effet, la densité de la

croûte est diminuée par le volume des nombreux

complexes volcano-plutoniques aux roches

différenciées et par l'effet du sous-placage magmatique

dans les niveaux profonds. Cela peut conduire à

"l'insubmersibilité" de l'archipel. Dans ce cas, les

Kerguelen représenteraient un microprotolithe

continental et offriraient un exemple actuel de

nucléation continentale, comparable à ce qui a pu

générer les tout premiers microcontinents (Grégoire et

al., 1998).

ISLANDE

HAWAII

KERGUELEN

DOMAINE GEODYNAMIQUE

ride médio-océanique intraplaque de ride médio-océanique

à intraplaque AGE LE PLUS GRAND DES

AFFLEUREMENTS 6 My 1 My 30-40 My

SEQUENCE MAGMATIQUE tholéïtique et alcalin en

s’éloignant de la ride

alcalin, tholéïtique,

puis fortement alcalin

tholéïtique à transitionnel,

puis alcalin COMPLEXES

PLUTONIQUES quelques uns pas encore apparents nombreux

DEGRE DE

DIFFERENCIATION

rhyolite et granite néphélinite, mélilitite,

trachyte hyperalcalin

phonolite et syénite

néphélinique, granite et

rhyolite

EPAISSEUR DE LA CROUTE

15 km 15 - 20 km > 20 km

ZONE DU MOHO normale normale épaissie

METAMORPHISME DE LA CROUTE PROFONDE

pas encore observé pas encore observé faciès des granulites

Tableau 4 – Les 3 types d'îles océaniques

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