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T RIMESTRIEL D INFORMATIONS EUROPÉENNES - O CTOBRE 2012 - WWW . DBFBRUXELLES . EU - ISSN 1372-3715 90 L’Observateur de Bruxelles ® Point sur… L’encadrement du lobbying par les institutions européennes Gérard LEGRIS, Coordinateur du Secrétariat commun du registre de transparence, Chef d’unité « Transparence » au Secrétariat général de la Commission européenne La signification et notification des actes Julie COUTURIER, Membre du Conseil d’administration de Droit et Procédure, Avocat au Barreau de Paris (AMCO) La reconnaissance des titres Céline RANJARD-NORMAND, Membre du Conseil d’administration de Droit et Procédure, Avocat au Barreau des Hauts de Seine L’injonction de payer et le recouvrement des petits litiges Jean-Michel HOCQUARD, Ancien Président de Droit et Procédure, Membre du Conseil d’administration de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Paris (AMCO) Le titre exécutoire européen Emmanuel JOLY, Ancien Président de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Bordeaux (AMCO) La procédure d’insolvabilité en Europe Alain PROVANSAL, Président de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Marseille Propos conclusifs Alain PROVANSAL, Président de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Marseille Dossier spécial Titrer et recouvrer les créances en Europe Distribué par L A REVUE D INFORMATION JURIDIQUE EUROPÉENNE DE LA D ÉLÉGATION DES B ARREAUX DE F RANCE Voir notamment : Arrêts de la CEDH sur les perquisitions réalisées dans le cabinet d’un avocat, Règlement relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, Paquet sur la directive « Services », Directive sur l’interconnexion des registres centraux, du commerce et des sociétés,… L’actualité du droit de l’Union européenne Editorial Jean-Jacques FORRER, Président de la Délégation des Barreaux de France, Avocat aux Barreaux de Strasbourg et de Bruxelles, Ancien Bâtonnier de l’Ordre L’Observateur de Bruxelles Octobre 2012 - 90 DOSSIER SPECIAL : Titrer et recouvrer les créances en Europe

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L’Observateur de Bruxelles®

Point sur… L’encadrement du lobbying par les institutions européennesGérard Legris, Coordinateur du Secrétariat commun du registre de transparence, Chef d’unité « Transparence » au Secrétariat général de la Commission européenne

La signification et notification des actesJulie Couturier, Membre du Conseil d’administration de Droit et Procédure, Avocat au Barreau de Paris (AMCO)

La reconnaissance des titresCéline ranjard-normand, Membre du Conseil d’administration de Droit et Procédure, Avocat au Barreau des Hauts de Seine

L’injonction de payer et le recouvrement des petits litigesJean-Michel HoCquard, Ancien Président de Droit et Procédure, Membre du Conseil d’administration de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Paris (AMCO)

Le titre exécutoire européenEmmanuel joLy, Ancien Président de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Bordeaux (AMCO)

La procédure d’insolvabilité en EuropeAlain ProvansaL, Président de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Marseille

Propos conclusifsAlain ProvansaL, Président de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Marseille

Dossier spécialTitrer et recouvrer

les créances en Europe

Distribué par

l a r e v u e d ’ i n f o r m a T i o n j u r i d i q u e e u r o p é e n n e d e l a d é l é g a T i o n d e s b a r r e a u x d e f r a n c e

Voir notamment : Arrêts de la CEDH sur les perquisitions réalisées dans le cabinet d’un avocat, Règlement relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, Paquet sur la directive « Services », Directive sur l’interconnexion des registres centraux, du commerce et des sociétés,…

L’actualité du droit de l’Union

européenne

Editorial Jean-Jacques Forrer, Président de la Délégation des Barreaux de France, Avocat aux Barreaux de Strasbourg et de Bruxelles, Ancien Bâtonnier de l’Ordre

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L’Observateur de Bruxelles®

Bruxelles

Délégation des Barreaux de France

Editorial

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Le dossier spécial de cette 90e édition de L’Observateur de Bruxelles, consacré à la reconnaissance des décisions, à la circulation des titres exécutoires et leur exécution et au recouvrement des créances transfrontalières, se veut avant tout didactique et pragmatique pour tous les praticiens qui nourrissent encore une appréhension dans l’utilisation de ces outils pourtant indispensables au regard du développement des échanges au sein du Marché intérieur.

A l’heure où l’opinion générale se complaît aisément à critiquer la complexité du système juridique de l’Union européenne, ce dossier spécial doit constituer la démonstration de ce que, concomitamment à cette construction européenne qui a généré des flux transfrontaliers considérables, celle-ci s’est également pré-occupée de créer et de développer une législation répondant à ces objectifs et constituant une incontestable simplification du droit, dans le but de créer un véritable espace juridique euro-péen dont l’illustration la plus emblématique est la création d’une Direction générale « Justice » au sein de la Commission européenne.

Alors que les contentieux intracommunautaires se développent de manière exponentielle au sein de nos juri-dictions nationales, ce qui multiplie les occasions de mettre en œuvre ces instruments juridiques, force est de constater qu’ils demeurent largement, sinon insuffisamment, maîtrisés alors que l’Union européenne a mis en œuvre des moyens considérables pour les faire connaître, notamment à travers le portail e-Justice, lancé en 2010 par la Commission européenne, permettant ainsi d’accéder très facilement et simplement à des fiches pratiques détaillant l’ensemble des moyens nécessaires à la mise en œuvre de ces procédures.

Faire connaître et expliquer les outils européens permettant de titrer et de recouvrer les créances transfron-talières était, précisément, l’objectif commun que s’étaient fixées les Associations des Avocats praticiens des procédures de l’exécution (AAPPE) et Droit et Procédure. Grâce à l’intervention d’éminents spécialistes de ces questions, c’est avec une grande pédagogie qu’ils ont relevé ce défi, dans le cadre du colloque qu’ils ont orga-nisé le 1er juin dernier à Paris.

C’est avec gratitude et grand plaisir que j’ai accueilli la proposition de Stéphane Lataste, Président de Droit et Procédure, et d’Alain Provansal, Président de l’AAPPE, de publier les travaux de cette formidable journée dans L’Observateur de Bruxelles. Je les remercie sincèrement et leur suis très reconnaissant de nous offrir de si brillantes contributions et de proposer ainsi à nos lecteurs un numéro qui, j’ose l’espérer, leur sera particuliè-rement utile.

Jean Jacques ForrerPrésident de la Délégation des Barreaux de FranceAvocat aux Barreaux de Strasbourg et de Bruxelles

Ancien Bâtonnier de l’Ordre

E D I T O R I A L

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L’Observateur de Bruxelles®

Bruxelles

Délégation des Barreaux de France

DOSSIER SPÉCIAL

7S O M M A I R E

Titrer et recouvrer les créances en Europe

S O M M A I R E

Signification et notification des actesJulie CouturierMembre du Conseil d’administration de Droit et Procédure, Avocat au Barreau de Paris (AMCO) .................................................................................................................................. 8

La reconnaissance des titresCéline Ranjard-NormandMembre du Conseil d’administration de Droit et Procédure, Avocat au Barreau des Hauts de Seine ........................................................................................................................ 14

Injonction de payer et recouvrement des petits litigesJean-Michel HocquardAncien Président de Droit et Procédure, Vice-Président du Conseil d’administration de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Paris (AMCO et AM Conseil National) ............................................................................................................................................................................................................................................................................................ 22

Le titre exécutoire européenEmmanuel JolyAncien Président de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Bordeaux (AMCO) .............................................................................................................................................................................................. 28

Procédures d’insolvabilité en EuropeAlain ProvansalPrésident de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Marseille ...................................................................................................................................................................................................................................... 35

Propos conclusifsAlain ProvansalPrésident de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Marseille ...................................................................................................................................................................................................................................... 40

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Dossierspécial

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I. INTRODUCTION

Le texte de référence en matière de notification des actes à l’étranger est la convention de La Haye relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et com-merciale, du 15 novembre 1965 1. Elle est applicable pour les transmissions d’actes entre pays signataires, à ce jour au nombre de 67, en ce compris les Etats de l’Union euro-péenne à l’exception de l’Autriche.

Les articles  683 à 688-8 du Code de procédure civile régissent également la notification des actes à l’étran-ger et la notification des actes en provenance de l’étran-ger, précision faite que ces dispositions ont été assez profondément modifiées par le décret du 28 décembre 2005 2 qui a rendu marginale la notification au Parquet. Le récent décret du 15 mars 2012 relatif à la signification des actes d’huissier de justice par voie électronique et les notifications internationales 3 modifie les dispositions du Code de procédure civile relatives à la notification des actes à l’étranger pour préciser les diligences accomplies par l’autorité française chargée de la notification (huis-siers de justice ou greffiers) et leurs effets. S’agissant des actes en provenance de l’étranger, il introduit la possi-bilité d’une notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

La notification et la signification des actes au sein de l’Union européenne ont donné lieu, parallèlement, à l’émergence d’un corpus juridique :

– la Convention de Bruxelles du 27  septembre 1968 relative à la compétence et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale 4 sans être, à propre-ment parler, consacrée à la question des notifica-tions, se voit annexer un protocole prévoyant une technique de transmission utilisable pour les notifi-cations entre pays membres (non exclusive dès lors que les Etats devaient également respecter les accords internationaux auxquels ils étaient parties) ;

– le règlement 1348/2000/CE 5 a été adopté le 29 mai 2000 et est entré en vigueur le 31 mai 2001 ;

– enfin le règlement 1393/2007/CE 6 du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudi-ciaires, qui abroge le règlement du 29 mai 2000, a été adopté par le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen et est entré en vigueur le 13 novembre 2008.

Il convient, dans le cadre de la présente étude, de se concentrer sur la signification et la notification des actes dans l’espace européen, ce qui revient à analyser les dis-positions du règlement du 13 novembre 2007.

Titrer et recouvrer les créances en Europe

Signification et notification des actes

Julie Couturier*Membre du Conseil d’administration de Droit et Procédure, Avocat au Barreau de Paris (AMCO)(* Les observations contenues dans cet article appartiennent à leur auteur et n’engagent pas d’autres organismes ou

personnes)

1. Disponible à l’adresse suivante : http://www.hcch.net/index_fr.php ?act=conventions.text&cid=17.2. Décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, à certaines procédures d’exécution et à la procédure de changement de nom,

JORF n° 302 du 29 décembre 2005, p. 20350.3. Décret n° 2012-366 du 15 mars 2012 relatif à la signification des actes d’huissier de justice par voie électronique et aux notifications internationales

JORF n° 66 du 17 mars 2012, p. 4899.4. Disponible à l’adresse suivante : http://curia.europa.eu/common/recdoc/convention/fr/c-textes/brux-idx.htm.5. Règlement 1348/2000/CE du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extraju-

diciaires en matière civile et commerciale, JO L 160 du 30 juin 2000, p. 37-52.6. Règlement 1393/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats

membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (signification ou notification des actes), et abrogeant le règlement 1348/2000/CE du Conseil, JO L 324 du 10 décembre 2007, p. 79-120.

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II. LE REGLEMENT 1393/2007/CE DU 13  NOVEMBRE 2007  : ENTREE EN VIGUEUR, CHAMP D’APPLICATION, LIGNES DIRECTRICES, DEFINITIONS

A. Champ d’applicationQuant aux Etats  : le règlement s’applique entre tous les Etats membres de l’Union européenne y compris le Danemark qui a confirmé son intention de mettre en œuvre le contenu de ce règlement dans une déclaration s’appuyant sur un accord parallèle conclu avec la Com-munauté européenne.

Quant aux matières  : le règlement ne couvre pas les matières fiscales, douanières ou administratives, ni la responsabilité de l’Etat pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique 7.

Quant aux actes : le règlement est applicable en matière civile et commerciale lorsqu’un acte judiciaire ou extra-judiciaire doit être transmis d’un Etat membre à un autre pour y être signifié ou notifié 8.

Il ne s’applique pas lorsque l’adresse du destinataire de l’acte n’est pas connue 9.

Dès lors que l’acte entre dans le champ d’application du règlement, les dispositions de la convention de Bruxelles de 1968 ne peuvent pas être mises en œuvre.

Enfin, l’article  16 est relatif aux actes extrajudiciaires. Il prévoit que « les actes extrajudiciaires peuvent être trans-mis aux fins de signification ou de notification dans un autre Etat membre conformément aux dispositions du pré-sent règlement ». Ainsi, si le règlement est impératif pour la signification ou la notification des actes judiciaires, il n’est que facultatif pour la signification ou la notification des actes extrajudiciaires.

B. Les lignes directrices du règlementLe règlement vise à améliorer l’application du règlement 1348/2000/CE et apporte, à cette fin, des modifications de plusieurs ordres.

Les délais  : le règlement introduit une règle disposant que l’entité requise doit prendre toutes les mesures nécessaires pour signifier l’acte dans les meilleurs délais et, en tout état de cause, dans un délai d’un mois à comp-ter de la réception.

Les coûts : le règlement instaure une règle selon laquelle les frais occasionnés par l’intermédiaire d’un officier ministériel ou d’une personne compétente selon la loi de l’Etat membre requis doivent correspondre à un droit forfaitaire unique dont le montant est fixé à l’avance par cet Etat membre en respectant les principes de propor-tionnalité et de non-discrimination.

L’information des destinataires : le règlement contient un nouveau formulaire type pour informer le destina-taire de son droit de refuser de recevoir l’acte à signifier ou à notifier, soit au moment de la signification ou de la notification, soit en retournant l’acte à l’entité requise dans un délai d’une semaine.

L’uniformisation des conditions  : le règlement intro-duit des conditions uniformes pour la signification et la notification des actes par l’intermédiaire des services postaux.

C. Définitions préalablesL’entité d’origine est constituée par les officiers minis-tériels, autorités ou autres personnes, compétents pour transmettre les actes judiciaires ou extrajudiciaires aux fins de signification et de notification dans un autre Etat membre  10. En France, les entités d’origine sont les huis-siers de justice et les greffes et secrétariats-greffes des juridictions compétentes en matière de communication d’actes.

L’entité requise est constituée par les officiers ministé-riels, autorités ou autres personnes, compétents pour recevoir les actes judiciaires ou extrajudiciaires en pro-venance d’un autre Etat membre 11. En France, les enti-tés requises sont les huissiers de justice territorialement compétents, habilités à recevoir les actes à notifier.

7. Article 1 §1 du règlement 1393/2007/CE précité.8. Article 1 §1 du règlement 1393/2007/CE précité.9. Article 1 §2 du règlement 1393/2007/CE précité.10. Article 2 §1 du règlement 1393/2007/CE précité.11. Article 2 §2 du règlement 1393/2007/CE précité.

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Dossierspécial

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L’entité centrale est l’autorité chargée de fournir des informations aux entités d’origine, de rechercher des solutions aux difficultés de transmission des actes aux fins de signification ou notification. Tout Etat membre peut désigner soit une seule entité d’origine et une seule entité requise, soit une seule entité chargée des deux fonctions. Les Etats fédéraux, les Etats dans lesquels plusieurs systèmes de droit sont en vigueur et les Etats ayant des unités territoriales autonomes ont la faculté d’en désigner plusieurs. Cette désignation est valable pendant une période de cinq ans et peut être renouvelée tous les cinq ans 12.

Chaque Etat membre communique à la Commission les informations suivantes :

– les noms et adresses des entités requises visées à l’article 2 §2 et §3 ;

– l’indication de leur ressort de compétence territo-riale ;

– les moyens de réception des actes dont ces entités disposent ;

– les langues qui peuvent être utilisées pour complé-ter le formulaire type figurant en annexe.

Les Etats membres notifient à la Commission toute modi-fication ultérieure de ces informations.

Pour la France, l’autorité compétente est la chambre nationale des huissiers de justice.

III. LE PROCESSUS DE SIGNIFICATION DES ACTES

A. Transmission des actesSelon l’article  4 §1 du règlement, «  les actes judiciaires sont transmis directement et dans les meilleurs délais entre les entités d’origine et requises ».

L’article  4 §2 prévoit, quant à lui,  que «  la transmission des actes, demandes, confirmations, accusés de réception, attestations et toute autre pièce entre les entités d’origine et les entités requises peut être effectuée par tout moyen approprié, sous réserve que le contenu du document reçu soit fidèle et conforme à celui du document expédié et que toutes les mentions qu’il comporte soient aisément lisibles ».

Ainsi, le texte privilégie-t-il la rapidité de la transmission (l’expression « tout moyen approprié » ouvre la porte aux nouvelles technologies) et la sécurité dès lors que le document expédié doit être « conforme et fidèle aux docu-ments reçus ».

Selon l’article 4 §3 du règlement, « l’acte à transmettre est accompagné d’une demande établie au moyen du formu-laire type figurant à l’annexe I du règlement. La langue à uti-liser est celle de l’Etat membre requis ou toute autre langue officielle et / ou admise par ledit Etat membre. A cet égard, chaque Etat membre indique la ou les langues officielles de l’Union européenne autres que la sienne ou les siennes, dans laquelle ou lesquelles il accepte que le formulaire soit complété ».

La France accepte que le formulaire type de demande de transmission puisse être complété, en plus du français, dans l’une des langues suivantes : anglais, espagnol, alle-mand ou italien.

L’article  4 §4 dispose que  «  les actes ainsi que toutes les pièces transmises sont dispensés de légalisation et de toute formalité équivalente ».

Enfin, lorsque l’entité d’origine souhaite que lui soit retourné un exemplaire de l’acte avec l’attestation visée à l’article 10, elle adresse l’acte à signifier ou à notifier en double exemplaire, en vertu de l’article  4 §5 du règle-ment.

B. Traduction de l’acteL’acte doit être traduit dans les langues indiquées à l’ar-ticle 8 du règlement (c’est-à-dire une langue comprise du destinataire ou les langues officielles de l’Etat membre requis).

En effet, selon l’article 5 §1, « le requérant est avisé par l’en-tité d’origine à laquelle il remet l’acte aux fins de transmis-sion que le destinataire peut refuser de l’accepter s’il n’est pas établi dans l’une des langues indiquées à l’article 8 ».

L’article 5 §2 précise que « le requérant prend en charge les frais éventuels de traduction préalables à la transmission de l’acte, sans préjudice d’une éventuelle décision ultérieure de la juridiction ou de l’autorité compétente sur la prise en charge de ces frais ».

12. Article 2 §3 du règlement 1393/2007/CE précité.

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D O S S I E R S P E C I A L • T I T R E R E T R E C O U V R E R L E S C R E A N C E S E N E U R O P E 11

C. Réception de l’acte par l’entité requiseL’article 6 §1 du règlement dispose qu’« à la réception de l’acte, l’entité requise adresse par les moyens les plus rapides un accusé de réception à l’entité d’origine, dans les meil-leurs délais, et en tout état de cause, dans les sept jours qui suivent cette réception en utilisant le formulaire type figu-rant à l’annexe I ».

L’article 6 §2 précise que « si la demande de signification ou de notification ne peut aboutir en l’état des informations ou des pièces transmises, l’entité requise se met en relation, par les moyens les plus rapides, avec l’entité d’origine afin d’obtenir les informations ou les pièces qui font défaut ».

Si la demande de signification ou de notification sort manifestement du champ d’application du règlement ou si le non-respect des conditions de forme requises rend impossible la signification ou la notification, la demande et les pièces transmises sont retournées, dès leur récep-tion, à l’entité d’origine, accompagnées de l’avis de retour, en vertu de l’article 6 §3.

L’article 6 §4 prévoit enfin que « l’entité requise qui reçoit un acte pour la signification ou la notification duquel elle n’est pas territorialement compétente transmet cet acte, ainsi que la demande, à l’entité requise territorialement compétente du même Etat membre si la demande rem-plit les conditions prévues à l’article 4 §3 et elle en informe l’entité d’origine au moyen du formulaire type figurant à l’annexe I. L’entité requise territorialement compétente avise l’entité d’origine de la réception de l’acte selon les modalités prévues au §1 ».

D. Signification par l’entité requise

1. Modalités de signification ou de notification des actes

Selon l’article 7 §1 du règlement, « l’entité requise procède ou fait procéder à la signification ou à la notification de l’acte soit conformément à la législation de l’Etat membre requis, soit selon la forme particulière demandée par l’entité d’origine, sauf si cette méthode est incompatible avec la législation de cet Etat membre ».

L’article 7 §2 précise que « l’entité requise prend toutes les mesures nécessaires pour assurer la signification ou la noti-fication de l’acte dans les meilleurs délais et, en tout état de cause, dans un délai d’un mois à compter de la réception.

S’il n’a pas été possible de procéder à la signification ou à la notification dans un délai d’un mois à compter de la récep-tion, l’entité requise : a) en informe immédiatement l’entité d’origine au moyen de l’attestation dont le formulaire type figure à l’annexe I, qui doit être établie conformément aux conditions visées à l’article 10 §2 ; et b) continue à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la signification ou la notification de l’acte, sauf indication contraire de l’entité d’origine, lorsque la signification ou la notification semble possible dans un délai raisonnable ».

2. Refus de réception de l’acteSelon l’article 8 §1 du règlement, « l’entité requise informe le destinataire, au moyen du formulaire type figurant à l’annexe II, qu’il peut refuser de recevoir l’acte à signifier ou à notifier, au moment de la notification ou en retournant l’acte à l’entité requise dans un délai d’une semaine, si celui-ci n’est pas rédigé ou accompagné d’une traduction dans l’une des langues suivantes : a) une langue comprise du des-tinataire ou b) la ou les langues officielles de l’Etat membre requis ».

L’article 8 §2 indique que « si l’entité requise est informée que le destinataire refuse de recevoir l’acte conformément au §1, elle en informe immédiatement l’entité d’origine au moyen de l’attestation prévue à l’article 10 et lui retourne la demande ainsi que les actes dont la traduction est deman-dée ».

L’article 8 §3 précise qu’« en cas de refus de recevoir l’acte en vertu du §1, il est possible de remédier à la situation qui en résulte en signifiant ou notifiant au destinataire, conformément aux dispositions du présent règlement, l’acte accompagné d’une traduction dans l’une des lan-gues visées au §1. Dans ce cas, la date de signification ou de notification de l’acte est celle à laquelle l’acte accompa-gné de la traduction a été notifié conformément à la légis-lation de l’Etat membre requis. Toutefois, lorsque, confor-mément à la législation d’un Etat membre, un acte doit être signifié ou notifié dans un délai déterminé, la date à prendre en considération à l’égard du requérant est celle de la signification ou de la notification de l’acte initial, conformément à l’article 9 §2 ».

L’article 8 §4 complète en indiquant que les règles préci-tées s’appliquent également aux autres modes de trans-mission et de signification ou de notification d’actes judiciaires prévus par le règlement et examinés aux articles 12 à 15.

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3. Date de la signification ou de la notificationL’article 9 §1 dispose que « sans préjudice de l’article 8, la date de signification ou de notification d’un acte effectuée en application de l’article  7 est celle à laquelle l’acte a été signifié ou notifié conformément à la législation de l’Etat membre requis ».

L’article 9 §2 corrige « lorsque, conformément à la législa-tion d’un Etat membre, un acte doit être signifié ou notifié dans un délai déterminé, la date à prendre en considération à l’égard du requérant est celle fixée par la législation de cet Etat membre ».

Ainsi, la date sera, suivant la nature de l’acte à signifier ou à notifier, celle fixée par la législation de l’Etat membre requis ou requérant.

Là encore, les règles précitées s’appliquent également aux autres modes de transmission et de signification ou de notification d’actes judiciaires prévus par les articles 12 à 15 du règlement (article 9 §3 du règlement).

En France, il y a lieu de distinguer :

– les significations ou notifications sans délai à res-pecter  : la date de signification est alors celle à laquelle l’acte accompagné d’une traduction a été effectivement remis au destinataire ;

– les significations ou notifications dans un délai déterminé  : on retient soit la date de première remise au destinataire avec une traduction soit la date de première tentative de remise au destina-taire sans traduction, si ladite tentative a été suivie d’une signification ou d’une notification ultérieure faite au destinataire avec une traduction.

4. L’attestation – article 10L’article  10  dispose que «  dans le délai d’un mois de la réception de l’acte, l’entité requise envoie une attestation au moyen du formulaire type, à l’entité d’origine pour l’informer soit qu’il a été impossible de notifier ou de signifier, soit que le destinataire a refusé l’acte pour défaut de traduction ».

Hormis ce cas, à la suite de la notification ou de la signi-fication, l’entité requise établit une attestation au moyen du formulaire type, destinée à l’entité d’origine, accom-pagnée, quand un double exemplaire a été fourni par

cette dernière, d’une copie de l’acte signifié ou notifié en retour.

5. Frais de notification ou de significationSelon l’article 11 §1 du règlement, « les significations ou notifications d’actes judiciaires en provenance d’un autre Etat membre ne peuvent donner lieu au paiement ou au remboursement de taxes ou de frais pour les services de l’Etat membre requis. Toutefois, le requérant est tenu de payer ou de rembourser les frais occasionnés par l’interven-tion d’un officier ministériel ou d’une personne compétente selon la loi de l’Etat membre requis ainsi que les frais éven-tuellement occasionnés par le recours à un mode particulier de signification ou de notification ».

Selon l’article 11 §2, « les frais occasionnés par l’interven-tion d’un officier ministériel ou d’une personne compétente selon la loi de l’Etat membre requis correspondent à un droit forfaitaire unique dont le montant est fixé à l’avance par cet Etat membre et qui respecte les principes de proportionna-lité et de non-discrimination. Les Etats membres commu-niquent le montant de ce droit forfaitaire à la Commission ».

IV. LES AUTRES MOYENS DE TRANSMISSION

Les articles 12 à 15 visent d’autres moyens de significa-tion ou de notification laissés à la discrétion des Etats membres.

A. Transmission par voie consulaire ou diplomatique

En cas de circonstances exceptionnelles, chaque Etat membre a la faculté d’utiliser la voie consulaire ou diplo-matique pour notifier ou signifier les actes judiciaires destinés aux entités d’un autre Etat membre désignées en application de l’article  2 ou de l’article  3 du règle-ment 13.

B. Signification ou notification par les agents diplomatiques ou consulaires

Pour les personnes résidant sur un territoire d’un autre Etat membre, chaque Etat membre peut procéder par les agents diplomatiques ou consulaires 14.

13. Voir l’article 12 du règlement 1393/2007/CE précité.14. Voir l’article 13 §1 du règlement 1393/2007/CE précité.

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Mais l’article 13 §2 du règlement autorise l’Etat membre à s’opposer à l’usage de cette faculté sur son territoire, sauf si l’acte doit être signifié ou notifié à un ressortissant de l’Etat membre d’origine 15.

C. Signification ou notification par l’intermédiaire des services postaux

L’article 14 du règlement pose le principe d’une recon-naissance de la notification ou de la signification directe par voie postale des actes judiciaires aux personnes rési-dant dans un autre Etat membre.

D. Signification ou notification directeSelon l’article  15, «  toute personne intéressée à une ins-tance judiciaire peut faire procéder à la signification ou à la notification d’actes judiciaires directement par les soins des officiers ministériels, fonctionnaires, ou autres personnes compétentes de l’Etat membre requis, lorsqu’une telle signi-fication ou notification directe est autorisée par la loi de cet Etat membre. Tout Etat membre peut faire savoir qu’il est opposé à la signification ou à la notification des actes judi-ciaires sur son territoire » 16. En pratique, la signification ou la notification directe sont autorisées par le droit français.

15. Article 13 du règlement 1393/2007/CE précité.16. Conformément à l’article 23 du règlement 1393/2007/CE précité.

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I. INTRODUCTION

Aux termes de son article 220, le Traité de Rome pose les bases de la création d’un «  espace judiciaire européen  » instaurant des négociations par les Etats membres en vue d’assurer à leurs ressortissants une simplification pour la reconnaissance et l’exécution réciproque des décisions judiciaires.

La Convention de Bruxelles  1 du 27  septembre 1968 dresse les grandes lignes de la reconnaissance et de l’exécution en matière civile et commerciale.

Le traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 renforce la coo-pération judiciaire, rappelant que celle-ci relève du pou-voir législatif des institutions européennes. Il prévoit, en son article 65, la création de mesures visant à améliorer et simplifier la reconnaissance et l’exécution des déci-sions en matière civile et commerciale. Celles-ci seront établies par le règlement 44/2001/CE 2 du 22 décembre 2000, dit « Bruxelles I », dont l’objectif est de supprimer l’exequatur et de créer un système d’exequatur «  allé-gée » et « accélérée. »

Le règlement 2201/2003/CE 3 du 27 novembre 2003, dit « Bruxelles II bis », allège et supprime dans certains cas les mesures intermédiaires précédant l’exécution d’une décision rendue par un Etat membre et devant être exé-cutée dans un autre Etat membre. Il confère force exécu-toire dans tous les Etats membres aux décisions rendues en matière familiale, relatives aux droits de visite ou au retour d’un enfant en cas de déplacement illicite.

La notion de reconnaissance n’est pas définie par les textes mais par la jurisprudence : « la reconnaissance doit avoir pour effet d’attribuer aux décisions l’autorité et l’effi-cacité dont elles jouissent dans l’Etat où elles ont été ren-dues » 4.

Une décision étrangère reconnue en vertu de l’article 26 de la Convention doit déployer, en principe dans l’Etat requis, les mêmes effets qu’elle a dans l’Etat d’origine.

L’article 33 du règlement « Bruxelles I » pose ce principe : «  les décisions rendues dans un Etat membre sont recon-nues dans les autres Etats membres sans qu’il soit néces-saire de recourir à une quelconque procédure  ». Le prin-cipe de la reconnaissance est établi par les articles 26 à 30 de la Convention et les articles 33 à 37 du règlement « Bruxelles I ».

L’«  efficacité substantielle  » de la décision est reconnue si elle est exécutoire, celui qui bénéficie d’une décision ne pouvant introduire une demande identique dans un autre Etat membre et une décision déjà rendue pouvant être invoquée au soutien d’une exception de chose jugée afin de faire obstacle à une nouvelle demande dans un autre Etat membre. La décision a « force obligatoire ».

La notion de reconnaissance diffère de la notion d’exé-cution.

Cette dernière donne force exécutoire ou « déclare exécu-toire » sur les territoires d’un autre Etat membre une déci-sion, un droit qui va être réalisé par la contrainte publique

La reconnaissance des titres

Céline Ranjard-Normand*Membre du Conseil d’administration de Droit et Procédure, Avocat au Barreau des Hauts de Seine(* Les observations contenues dans cet article appartiennent à leur auteur et n’engagent pas d’autres organismes ou

personnes)

1. Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO L 299 du 31 décembre 1972, p. 32-42.

2. Règlement 44/2001/CE du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO L 12 du 16 janvier 2001, p. 1-23.

3. Règlement 2201/2003 /CE du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matri-moniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement 1347/2000/CE, JO L 338 du 23 décembre 2003, p. 1-29.

4. Arrêt de la CJUE du 4 février 1988, Horst Ludwig Martin Hoffmann / Adelheid Krieg, aff. 145/86, Rec. 1988 p. 645.

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sur les personnes ou les biens. C’est la demande de décla-ration d’exécution d’une décision. La notion d’exécution est abordée aux articles 31 à 46 de la Convention et aux articles 38 à 52 du règlement.

La procédure tendant à voir déclarer exécutoire une décision est identique tant pour la reconnaissance que pour l’exécution.

II. LES TITRES

A. Les décisions de justiceOrigine : La décision doit émaner d’un Etat membre. Elle doit être rendue par une juridiction indépendante par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif. Ce n’est pas forcément une décision rendue par un tribunal. En effet, elle peut émaner d’un service public, notamment le ser-vice public suédois de recouvrement forcé ou les auto-rités administratives danoises. La décision résulte d’une procédure judiciaire où le principe du contradictoire a été respecté, de même que les droits de la défense.

Nature : Peu importe la nature de la juridiction, qu’elle soit civile, commerciale ou pénale (statuant sur les inté-rêts civils), ou que celle-ci ait statué en matière gracieuse ou contentieuse.

Dans un arrêt LTU / Eurocontrol 5 en date du 14 octobre 1976, la Cour rappelle « que l’article 1, en précisant que la Convention s’applique quelle que soit la nature de la juridic-tion, indique que la notion de matière civile et commerciale ne saurait être interprétée en fonction de la seule réparti-tion de compétence entre les différents ordres juridiction-nels existant dans certains Etats » et « qu’il y a donc lieu de considérer la notion visée comme une notion autonome qu’il faut interpréter en se référant, d’une part, aux objectifs et aux systèmes de la Convention et, d’autre part, aux prin-cipes généraux qui se dégagent de l’ensemble des systèmes de droit nationaux ». Elle en déduit « qu’en vertu de ces cri-tères doit être exclue du champ d’application de la Conven-tion une décision rendue dans un litige opposant une auto-rité publique à une personne privée où l’autorité publique a agi dans l’exercice de la puissance publique ».

Le litige concernait un recouvrement de redevances dues par une société privée à un organisme public pour l’uti-

lisation de ses installations et services. En l’occurrence Eurocontrol demandait aux juridictions allemandes l’autorisation d’exécuter une condamnation à l’encontre de la société LTU à la suite d’une décision rendue par les juridictions belges. La nationalité des parties importe peu, de même que la compétence de la juridiction au regard des règles de compétence européennes. Un juge-ment français rendu en application des dispositions des articles  14 et 15 à l’encontre d’un canadien peut être reconnu et exécuté en France.

Matières  exclues  : la matière de la décision doit rele-ver de la Convention ou des règlements. Sont exclus les domaines d’application suivants :

– état et capacité des personnes, – régimes matrimoniaux, – testaments, – successions, – faillites, – arbitrage, – sécurité sociale.

L’on peut s’interroger sur la nécessité d’une procédure de reconnaissance puisqu’en réalité elle existe de plein droit au regard des textes, soit la Convention et le règlement de « Bruxelles I ». Il est nécessaire néanmoins de recourir à la procédure en cas de contestation et d’engager la pro-cédure de demande de déclaration de force exécutoire si l’on souhaite pratiquer une mesure d’exécution dans l’Etat requis.

B. Les transactions judiciaires et actes authentiques

La question de la reconnaissance de la transaction judi-ciaire et de l’acte authentique n’est abordée ni par la Convention de Bruxelles ni par le règlement « Bruxelles I », ceux-ci ne s’intéressant qu’à leur exécution.

Transactions judiciaires  : le règlement «  Bruxelles  I  » en son article  58 et la Convention de Bruxelles en son article 51 limitent la transaction à celle qui a été conclue et homologuée par le juge en cours de procédure. Cette définition de la transaction sera élargie lors de la création du titre exécutoire qui évoquera la transaction extraju-diciaire.

5. Arrêt de la CJUE du 14 octobre 1976, LTU Lufttransportunternehmen GmbH & Co. KG / Eurocontrol, aff. 29-76, Rec.1976 p. 1541.

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Actes authentiques : l’acte authentique sera certifié en tant que titre exécutoire européen et, en conséquence, il ne sera plus possible de contester sa reconnaissance.

Dans un arrêt Unibank  6, la Cour n’a pas reconnu le caractère exécutoire à trois titres de créance d’Unibank, banque danoise établie à Aarhus (Danemark), signés par Monsieur Christensen. Le titre de créance dénommé « gaeldsbrev » du droit danois est un acte sous seing privé dactylographié sans l’intervention d’un officier public ou ministériel, mais pouvant servir à une exécution forcée. La Cour, dans cet arrêt, rappelle d’emblée que «  l’ar-ticle  50 de la Convention de Bruxelles assimile «  les actes authentiques reçus et exécutoires dans un Etat contrac-tant », eu égard à leur force exécutoire dans les autres Etats contractants, aux décisions judiciaires au sens de l’article 25 de cette même Convention, en déclarant applicables les dis-positions relatives à l’exécution prévues par les articles 31 et suivants de celle-ci […] ». Elle en conclut qu’« un titre de créance exécutoire en vertu du droit de l’Etat d’origine dont l’authenticité n’a pas été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à ce faire par cet Etat, ne constitue pas un acte authentique au sens de l’article 50 de la Convention de Bruxelles ».

III. L’OBJET DU CONTROLE

A. Le principeLe principe posé par les articles 36 et 45-2 du règlement est l’interdiction de la révision au fond de la décision  : «  en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l’objet d’une révision au fond ». Le contrôle est purement formel.

Le postulat posé est la confiance qui entraîne la recon-naissance de plein droit des décisions étrangères sans qu’il soit nécessaire de recourir à une quelconque pro-cédure.

Ce contrôle n’interviendra qu’en cas de contestation à titre principal ou à titre incident :

– contrôle principal à fin de reconnaissance  : Ce contrôle intervient en cas de contestation ainsi qu’il est stipulé à l’article  33-2 du règlement et à l’ar-ticle 26 alinéa 2 de la Convention. Tel est le cas pour

établir un droit de propriété ou pour éviter une action en responsabilité qui pourrait être engagée à l’encontre d’un banquier ou d’un notaire ;

– contrôle incident à fin de reconnaissance : Tel est le cas lorsque la décision d’origine est invoquée dans une procédure en cours, établissant un droit de propriété ou un droit de créance, auquel cas il sera sollicité un sursis dans l’attente de la procédure de reconnaissance de la décision en cause.

B. Les contrôles opérésLe contrôle s’exerce sur la régularité formelle de la déci-sion.

Les motifs du refus sont identiques tant dans le cadre d’un refus de reconnaissance que dans le cadre d’un refus d’exécution.

La liste des motifs du refus est exprimée limitativement aux dispositions des articles 34 et 35 du règlement.

En matière d’astreinte, l’exequatur allégée n’est accordée que si le montant de l’astreinte est fixé dans la décision d’origine.

Les motifs du refus sont les suivants.

1. Contrariété de l’ordre publicL’ordre public de fond  : L’article  34 édicte un refus si «  la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public ».

Dans un arrêt Pordéa du 16 mars 1999 7, la 1e Chambre civile de la Cour de cassation a cassé un arrêt rendu par la Cour d’appel de Bordeaux qui avait accordé l’exequa-tur à des décisions de condamnation pour des frais de justice. Un ressortissant français avait assigné, devant la High Court of Justice à Londres, le Times et un journaliste en réparation d’un préjudice résultant de la publication d’articles qu’il estimait diffamatoires. Une caution de 25 000 livres lui a été réclamée. Le ressortissant français a été condamné à payer cette cautio judicatum solvi alors qu’il n’avait pas versé la somme requise et sans même que le litige ait été tranché au fond. La Cour motive son arrêt sur les dispositions de l’article 27-1 de la Convention de Bruxelles et l’article 6-1 de la Convention européenne de

6. Arrêt de la CJUE du 17 juin 1999, Unibank A/S / Flemming G. Christensen, aff. C-260/97, Rec. 1999 p. I-3715.7. Cass 1e civ, 16 mars 1999, n° de pourvoi : 97-17598, Bull. n° 92.

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sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fonda-mentales statuant ainsi : « L’importance des frais ainsi mis à la charge de Monsieur X, dont la demande n’avait même pas été examinée, avait été de nature à faire objectivement obstacle à son libre accès à la justice ». La décision anglaise est fondée en outre sur la nationalité du plaideur et, en conséquence, la reconnaissance de cette décision est contraire à l’ordre public de l’Etat requis.

Dans un arrêt du 9 octobre 1991 8, la 1e Chambre civile de la Cour de cassation a déclaré contraire à l’ordre public une décision non motivée rendue par défaut par le Landgericht de Sarrebruck. Il faut rappeler qu’en droit interne la motivation est exigée en vertu de l’article 458 du Code de procédure civile. La jurisprudence considère qu’a priori l’ordre public est respecté si la décision est rendue par un Etat membre puisqu’aussi bien les pays membres sont soumis aux dispositions de la Convention de Bruxelles et au principe du procès équitable établi par la Cour européenne des droits de l’homme.

Dans l’arrêt Hoffmann / Krieg, la Cour rappelle que «  le recours à la clause de l’ordre public ne doit jouer que dans les cas exceptionnels  »  ; il est en tout cas exclu lorsque, comme en l’espèce, le problème posé est celui de la compatibilité d’une décision étrangère avec une déci-sion nationale.

Dans un arrêt du 30 juin 2004 9, la 1e Chambre civile de la Cour de cassation a considéré que n’était pas contraire à l’ordre public international et donc à l’ordre juridique français, une injonction dite « mareva » prononcée par la High Court of Justice de Londres, aux termes de laquelle le débiteur a interdiction d’effectuer toutes opérations sur l’un de ses biens dans la mesure où il s’agit d’une décision provisoire et conservatoire dont les limites ont été fixées par le juge d’origine.

L’ordre public de fond peut être invoqué en cas de fraude au jugement étant précisé que, dans un tel cas, on peut se heurter au principe de l’interdiction de révision au fond de la décision.

La 1e  Chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 29 janvier 2002 10, a écarté le moyen de fraude au jugement invoqué par un justiciable français à l’encontre

d’une décision de la High Court of Justice de Londres, le condamnant à payer un solde d’honoraires à un cabinet d’avocats, précisant que le moyen de fraude aurait dû être présenté devant le juge étranger et qu’il ne pouvait être présenté devant le juge français de l’exequatur pour la première fois.

La notion d’ordre public est également écartée par la 1e Chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 26  janvier 1994  11, reconnaissant ainsi un jugement rendu par le Tribunal de Cologne (Allemagne), le 1er avril 1987, mettant à la charge du père une pension alimen-taire pour l’entretien de son enfant en application d’un barème qui tenait compte de l’âge de l’enfant et des res-sources du débiteur.

L’ordre public de procédure : Le juge requis, s’il n’a pas à rechercher si la procédure suivie a bien été appliquée par le juge d’origine au regard de la loi du pays d’origine, se doit de vérifier que les droits de la défense ont été res-pectés.

Le droit au procès équitable est reconnu par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 12  décembre 2007, qui est entrée en vigueur le 1er  décembre 2009. Elle comprend un titre  IV intitulé « Justice » dont il convient de rappeler les dispositions de l’article 47, relatif au droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial : « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raison-nable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide est nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la jus-tice ».

2. Violation des droits de la défenseLes droits de la défense sont garantis par la Charte de l’Union européenne en son article 48.

8. Cass 1e civ, 9 octobre 1991, n° de pourvoi : 90-13449, Bull. n° 251.9. Cass 1e civ, 30 juin 2004, n° de pourvoi : 01-03248 et 01-15452, Bull. n° 191.10. Cass 1e civ, 29 janvier 2002, n° de pourvoi : 00-11956, Bull. n° 30.11. Cass. 1e civ, 26 janvier 1994, n° de pourvoi : 91-11390, Bull. n° 30.

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Le juge de l’Etat requis vérifie que le défendeur a eu la possibilité de se défendre devant le juge d’origine et que l’acte introductif d’instance lui a bien été notifié. L’article 34 alinéa 1 du règlement stipule qu’une décision n’est pas reconnue si «  l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre, à moins qu’il n’ait pas exercé de recours à l’en-contre de la décision alors qu’il était en mesure de le faire ».

Décisions par défaut  : Le justiciable doit avoir pu se défendre dès l’introduction de l’instance, ce qui ne per-met pas de reconnaître les décisions d’injonction de payer pour le cas où aucune opposition n’a été formée à leur encontre et ce même si l’opposition a été jugée irrecevable car formée hors délais. C’est là un régime presque trop protecteur mais qui est devenu obsolète par l’instauration de la nouvelle procédure d’injonction de payer au niveau européen.

Signification irrégulière : La date de l’acte signifié cor-respond à la législation de l’Etat requis. Si la signification ou la notification est irrégulière, la violation des droits de la défense est constituée.

Absence d’un temps utile pour se défendre  : C’est le cas d’un défendeur qui a été informé de l’acte introductif d’instance mais n’a pas eu le temps utile pour préparer sa défense. Il peut également n’avoir jamais été informé de l’acte introductif d’instance si la signification ne l’a pas touché. Il peut arriver que sa comparution personnelle en matière pénale ne soit pas obligatoire. Même en ce cas, la décision rendue sur l’action civile ne peut être reconnue ni exécutée si le prévenu n’a pas comparu per-sonnellement à l’audience. Il est important de noter que le juge de l’Etat requis n’a pas l’obligation de vérifier si les dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme exigeant la tenue d’un procès équitable ont bien été appliquées dès lors que ce texte est applicable en droit interne.

Dans un arrêt rendu le 16 novembre 2004 12, la 1e Chambre civile de la Cour de cassation rappelle que « Les décisions étrangères ne sont pas reconnues en France si l’acte intro-ductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signi-fié ou notifié au défendeur défaillant régulièrement et en

temps utile pour qu’il puisse se défendre ». Dans cet arrêt, la Cour de cassation parle de « deux conditions cumula-tives » et non pas alternatives.

Le droit d’être entendu et d’être assisté d’un avocat est illustré par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union euro-péenne rendu le 28  mars 2000 dans une affaire Krom-bach / Bamberski  13. Monsieur Krombach demeurant en Allemagne a été condamné par la Cour d’assises de Paris aux termes d’un arrêt rendu le 13 mars 1995 à payer une somme de 350000 frs à Monsieur Bamberski sur intérêts civils. Or, il s’agissait d’un jugement rendu dans le cadre d’une procédure de contumace. L’arrêt de la Cour d’as-sises ayant été déclaré exécutoire en Allemagne par le Président d’une Chambre civile du Tribunal de Kempten, Monsieur Krombach a contesté la décision en déclarant qu’il n’avait pu se défendre de manière effective devant la juridiction française, et a obtenu gain de cause.

La Cour statue ainsi  : « s’agissant du droit à être défendu auquel fait référence la question préjudicielle, il convient de relever qu’il occupe une place éminente dans l’organisa-tion et le déroulement d’un procès équitable et qu’il figure parmi les droits fondamentaux qui résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres. Plus pré-cisément encore la Cour européenne des droits de l’homme a jugé à plusieurs reprises en matière pénale que, quoique non absolu, le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat, au besoin commis d’office, figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable et qu’un accusé ne perd pas le bénéfice d’un tel droit du seul fait de son absence aux débats. Il ressort de cette jurispru-dence que le juge national d’un Etat contractant est en droit de considérer que le refus d’entendre la défense d’un accusé absent aux débats constitue une violation manifeste d’un droit fondamental ».

C’est à la suite de cet arrêt que la procédure de contu-mace a été abrogée en droit français par la loi du 9 mars 2004 14.

Sur la possibilité de se défendre et d’être entendu, nous citerons l’arrêt Gambazzi du 2  avril 2009  15. Monsieur Gambazzi a reçu des injonctions « freezing order » de la High Court anglaise qu’il n’a pas exécutées et est déclaré coupable de «  comptainted of court  » c’est-à-dire exclu

12. Cass 1e civ, 16 novembre 2004, n° de pourvoi : 03-11174, Bull. n° 267.13. Arrêt de la CJUE du 28 mars 2000, Dieter Krombach / André Bamberski, aff. C-7/98, Rec. 2000 I-1935.14. Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, JORF n° 59 du 10 mars 2004, p. 4567.15. Arrêt de la CJUE du 2 avril 2009, Marco Gambazzi / DaimlerChrysler Canada Inc. et CIBC Mellon Trust Company, aff. C-394/07, Rec. 2009 p. I-2563.

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de la procédure et condamné à payer des dommages et intérêts.

La juridiction italienne a saisi la Cour de justice d’une ques-tion préjudicielle l’interrogeant sur le point de savoir si le juge de l’Etat requis pouvait tenir compte du fait que le juge de l’Etat d’origine avait statué sans entendre le défen-deur. Dans le cas de l’espèce, il est établi que le défendeur n’a pas été entendu et qu’il a même été exclu de la procé-dure et que, dès lors, la décision de la High Court anglaise contrevient à l’ordre public procédural de l’Etat requis.

3. Incompatibilité d’une décision étrangère inconciliable avec une autre décision

Il s’agit de décisions rendues entre les mêmes parties qui entraîneraient des conséquences juridiques qui s’ex-cluent mutuellement et sont donc par là même inconci-liables. Peu importe la date à laquelle elles ont été pro-noncées.

Nous citerons à cet égard l’arrêt rendu par la Cour de jus-tice de l’Union européenne dans l’affaire Hoffmann / Kieg relevant l’incompatibilité d’un jugement allemand fixant une contribution aux charges du mariage avec un juge-ment néerlandais prononçant un divorce.

C’est au niveau de l’exécution que ces jugements sont insusceptibles de recevoir une exécution parallèle. L’identité de parties, d’objet et de cause est exigée.

La question peut se poser en matière de marques (inter-diction-autorisation), également en matière contrac-tuelle (inexécution d’un contrat, nullité d’un contrat).

C. Les contrôles supprimésDeux contrôles ont été supprimés par le règlement tou-jours dans le souci d’allègement de la procédure.

Incompétence du tribunal étranger : Le juge de l’Etat requis n’a pas à vérifier la compétence du juge de l’Etat d’origine sauf exception en matière de compétence protégeant l’assuré et le consommateur. En matière de consommation, le tribunal qui statue doit être le tribu-nal de l’Etat du domicile du consommateur. En matière d’assurance, la compétence peut être située au lieu du dommage. L’incompétence du tribunal étranger est sup-primée en vertu de l’article 26 du règlement.

Contrôle de la loi appliquée : Le contrôle de la loi appli-quée par le tribunal étranger est supprimé.

IV. LA PROCEDURE DE CONTROLE

Celle-ci est la même pour une demande de reconnais-sance d’une décision de justice que pour une demande d’exécution, cette dernière étant appelée la demande de déclaration de force exécutoire. Il s’agit d’une procédure non contradictoire qui ne le devient qu’en cas de recours.

A. Première phase non contradictoire  : la requête

Qualité : Celle-ci est déposée par « toute partie intéres-sée ».

Compétence : – matérielle  : Celle-ci est régie par les dispositions des articles  509-1 et 509-2 du Code de procédure civile, ce dernier stipulant « Les requêtes aux fins de reconnaissance ou de constatation de la force exécu-toire, sur le territoire de la république, des titres exécu-toires étrangers, en application du règlement du Conseil 44/2001/CE du 22 décembre 2000 constatant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécu-tion en matière civile et commerciale, sont présentées au greffier en chef du tribunal de grande instance ». S’il s’agit d’un acte notarié, la demande est faite devant le Président de la Chambre des Notaires en applica-tion des dispositions de l’article 509-3 du Code de procédure civile qui dispose que «  Par dérogation aux articles  509-1 et 509-2, les requêtes aux fins de certification, de reconnaissance ou de constatation de la force exécutoire des actes authentiques notariés, en application du règlement précité du 22  décembre 2000 sont présentées au Président de la Chambre des Notaires ou, en cas d’absence ou d’empêchement, à son suppléant désigné parmi les membres de la Chambre ».

– territoriale : Le domicile de la partie contre laquelle l’exécution est demandée et, si elle n’a pas de domi-cile dans l’Etat requis, le lieu d’exécution.

Modalités : A la requête, en double exemplaire, doivent être annexés :

– l’expédition de la décision étrangère, – le certificat de la juridiction d’origine attestant du caractère exécutoire de celle-ci dans le pays d’ori-gine, étant précisé qu’elle peut être déclarée exécu-toire par provision. Si la décision rendue est une

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décision par défaut, il y a lieu de produire l’acte introductif d’instance.

Le demandeur doit faire élection de domicile dans le res-sort de la juridiction saisie.

Sur le fond, le contrôle de régularité est purement formel, les motifs de refus ayant été examinés précédemment.

La décision rendue doit être notifiée par le greffe et, durant le délai de recours, il convient d’attendre l’issue de ce délai pour exécuter.

B. Deuxième phase contradictoire  : le recours

Modalités : – Contre l’ordonnance autorisant la reconnaissance  : seule la partie contre laquelle la reconnaissance est demandée peut exercer le recours, le tiers étant exclu.

– Contre l’ordonnance refusant la reconnaissance  : l’article  509-7 du Code de procédure civile précise que le recours s’effectue devant le Président du Tribunal de Grande Instance, lequel statue en der-nier ressort sur requête après avoir entendu le requérant et l’autorité requise.

Délai : Un mois de la signification de l’ordonnance et, si le défendeur n’est pas domicilié dans l’Etat requis, le délai est de deux mois. Ce délai est suspensif. Néanmoins, des mesures conservatoires peuvent être prises. La procé-dure instituée est à bref délai.

V. LA SPECIFICITE DE LA RECONNAISSANCE DES DECISIONS EN MATIERE FAMILIALE

Le règlement «  Bruxelles II bis  » concerne la reconnais-sance des décisions en matière matrimoniale et de res-ponsabilité parentale consacrant la reconnaissance automatique relative au droit de visite des enfants et à leur droit de retour. Le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires rendues dans l’Union européenne est d’ores et déjà consacré, conséquence de la « confiance mutuelle entre les Etats ». La décision du juge d’origine équivaut donc à une décision nationale.

L’article 373-2 du Code civil, résultant de la loi du 4 mars 2002, dispose que « chacun des père et mère doit mainte-

nir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent ».

L’article  373-2-1 du Code civil dispose que «  si l’intérêt de l’enfant le commande, le juge peut confier l’exercice de l’autorité parentale à l’un des deux parents. L’exercice du droit de visite et d’hébergement ne peut être refusé à l’autre parent que pour des motifs graves ».

Lorsque la continuité et l’effectivité des liens de l’enfant avec ce parent l’exigent, le juge aux affaires familiales peut organiser le droit de visite dans un espace de ren-contre désigné à cet effet. Le parent conserve le droit et le devoir de surveiller l’entretien et l’éducation de l’en-fant. Il doit être informé des choix importants de la vie de ce dernier. Il doit respecter l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 371-2 du Code civil.

La Convention de La Haye du 25  octobre 1980 a pour objet d’assurer le retour immédiat dans l’Etat de leur rési-dence habituelle des enfants retenus illicitement dans tout autre Etat contractant.

A. Champ d’application et objectifsLes matières sont visées à l’article  1er  du règlement « Bruxelles II bis » : divorce, séparation de corps et annu-lation de mariage, attribution, exercice, délégation ou retrait de l’autorité parentale appelée ici « responsabilité parentale », droit de garde et droit de visite, tutelle, cura-telle, placement, mesures de protection.

Sont exclus du champ d’application du règlement « Bruxelles II bis » : la filiation, l’adoption, le nom, l’émancipation, les obli-gations alimentaires, les successions, les mesures faisant suite aux infractions pénales commises par des enfants.

Le règlement a pour objectif de garantir l’égalité de tous les enfants et pose le principe selon lequel l’audition de l’enfant est possible.

B. Absence de procédureLes décisions relatives au droit de visite et au retour de l’enfant ont force exécutoire sans qu’il soit nécessaire d’engager une procédure de reconnaissance ou de décla-ration conférant la force exécutoire ainsi qu’en disposent les articles 40 et 41 du règlement « Bruxelles II bis ».

L’article 41 dispose que « le droit de visite visé à l’article 40, paragraphe 1.a accordé par une décision étrangère rendue

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dans un Etat membre est reconnu et jouit de la force exécu-toire dans un Etat membre sans qu’aucune déclaration lui reconnaissant force exécutoire ne soit requise et sans qu’il soit possible de s’opposer à sa reconnaissance si la décision a été certifiée dans l’Etat membre d’origine conformément au paragraphe 2 […] ».

Le retour de l’enfant visé à l’article  40 §1 b) résultant d’une décision rendue dans un Etat membre est reconnu et jouit de la force exécutoire dans un autre Etat membre sans qu’aucune déclaration lui reconnaissant force exécutoire ne soit requise et sans qu’il soit possible de s’opposer à sa reconnaissance si la décision a été certi-fiée dans l’Etat membre d’origine conformément au §2. Il suffira donc de produire le titre exécutoire en original et un certificat de la juridiction d’origine.

C. ProcédureCompétence :

– Divorce  : Est compétente la juridiction de l’Etat membre sur le territoire duquel se trouve la rési-dence habituelle des époux ou la dernière résidence habituelle des époux si l’un d’eux y réside encore, ou la résidence habituelle du défendeur. En cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux, ou la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé au moins une année avant l’introduction de la demande. La notion de résidence habituelle est remplacée par la notion de domicile au Royaume-Uni et en Irlande. Peut être compétente la juridiction de la nationalité des deux époux.

– Autorité parentale : L’article 8 du règlement précise qu’en cette matière le juge compétent est le juge de la résidence habituelle de l’enfant. Il s’agit d’une notion autonome en droit de l’Union européenne définie par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 2  avril 2009  16. Le juge doit être proche du cadre de vie de l’enfant dans un souci de proximité pour assurer sa protection. En cas d’enlè-vement d’enfant, l’article  10 déclare que la juridic-tion de l’Etat membre dans lequel l’enfant avait sa résidence immédiatement avant son déplacement conserve sa compétence tant qu’il n’a pas une rési-dence habituelle fixée dans un autre Etat membre. L’article  15 prévoit un déclinatoire de compétence

au profit d’une juridiction « mieux placée » lorsque cela sert l’intérêt supérieur de l’enfant. Les mesures relatives au retour de l’enfant prévoient qu’une juri-diction saisie d’une demande de retour ne peut refuser celui-ci, doit statuer à bref délai dans les six semaines de sa saisine et entendre l’enfant au cours de la procédure en application des dispositions des articles 12 et 13 de la Convention de La Haye.

Contrôle du juge : Hors le cas d’enlèvement d’enfant, de droit de visite et de retour de l’enfant, la procédure de recon-naissance est identique à celle précédemment évoquée.

Il convient de saisir le juge par voie de requête et celui-ci n’exerce qu’un contrôle formel sans pouvoir de réviser la décision au fond.

Aux motifs du refus, que sont la contrariété à l’ordre public ou avec une décision précédente et la violation des droits de la défense, s’ajoutent deux motifs supplé-mentaires que sont l’absence d’audition de l’enfant et de la comparution du parent.

Il convient de rappeler que, si une partie intéressée peut demander une décision de reconnaissance, la procédure n’est pas obligatoire puisque l’article  21 du règlement dispose que « les décisions rendues dans un Etat membre sont reconnues dans les autres Etats membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure ».

La place donnée à la parole de l’enfant, critère décisif dans la reconnaissance d’une décision, est très importante et pourra être à l’avenir source de jurisprudence puisque les règles procédurales sont très différentes entre la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni.

VI. CONCLUSION

De l’exequatur « allégée » instaurée par le règlement de «  Bruxelles I  », nous passons à la suppression de toute forme d’exequatur avec la création du titre exécutoire européen qui permet la circulation des jugements sans procédure pour les créances incontestées, établissant le principe de la reconnaissance mutuelle des jugements.

La traditionnelle procédure de reconnaissance des déci-sions de justice perdure nonobstant les réformes ulté-rieures et présente l’avantage d’être un outil facile à utili-ser quant à sa mise en œuvre et sa rapidité.

16. Arrêt de la CJUE du 2 avril 2009, Procédure engagée par A, aff. C-523/07, Rec. 2009 I-2805.

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Amoureux de l’alexandrin, s’abstenir !

Ceux qui rêvent encore des belles écritures dans la langue de Molière vont être déçus : la Commission euro-péenne fait dans le pragmatisme. Elle a ainsi adopté et créé divers instruments permettant d’éviter les entraves à l’accès à la justice, quel que soit le pays, et d’éviter encore les problèmes liés aux différences de régimes entre les systèmes juridiques des Etats membres  ; mais les langues étant multiples, elle a fait dans le PPCD  : le formulaire. Ainsi, le 30  novembre 2000, étaient adop-tés de nouveaux outils permettant la mise en œuvre du principe de reconnaissance des décisions de justice en matière civile et commerciale.

Puis, en avril 2002, une proposition de règlement envi-sageait ou préconisait la création d’un titre exécutoire européen (ci-après « TEE  ») pour les créances incontes-tées.

C’est finalement une procédure d’injonction de payer, ressemblant à celle dont nous disposons en France, mais qui existe également dans d’autres Etats, qui a été adop-tée avec le règlement 1896/2006/CE  1, paru au Journal officiel de l’Union européenne le 30  décembre 2006  ; cette procédure est applicable depuis le 12  juin 2008. Puis, le 11 juillet 2007, était instaurée une procédure spéci-fique mais sur le même cadre, pour les petits litiges (en des-sous de 2.000 €).

A l’instar de la procédure française, la procédure d’in-jonction de payer européenne est une procédure non contradictoire, comportant plusieurs étapes, et adap-tée au recouvrement de créances liquides, exigibles et incontestées.

Le créancier présente une demande à la juridiction (ou l’autorité selon les cas) compétente à l’aide d’un formu-laire type. Si la demande est acceptée, la décision est alors notifiée à l’adversaire qui peut soit accepter et exé-cuter la demande, soit s’opposer. L’injonction de payer européenne est signifiée ou notifiée au défendeur selon les dispositions du droit national de l’Etat où la signifi-cation ou la notification doit être effectuée. En France, l’injonction est donc signifiée par acte d’huissier de jus-tice. La demande doit être chiffrée, voire chiffrable, et la procédure ne s’appliquerait pas, par exemple, à une demande d’expulsion. Elle doit, par ailleurs, avoir trait à une relation contractuelle.

Le défendeur dispose d’un délai de trente jours pour for-mer opposition à l’injonction. L’opposition doit être for-mulée par écrit, même électronique, étant précisé que l’injonction de payer européenne est délivrée sur le seul fondement des informations fournies par le demandeur, non vérifiées par la juridiction (ou l’autorité selon le cas) et qu’elle peut donc devenir exécutoire à défaut d’oppo-sition auprès de la juridiction d’origine.

Cette procédure simplifie, accélère et réduit les coûts des litiges transfrontaliers sur les créances pécuniaires incon-testées.

Il est apparu nécessaire, pour permettre le développe-ment du Marché intérieur, que les opérateurs, et notam-ment les créanciers, disposent d’outils leur permettant d’exercer leurs droits par-delà les frontières, au même titre qu’ils contractent ou commercent dorénavant très facilement avec des partenaires ou clients d’autres Etats membres. Le règlement 1896/2006/CE assure, en effet, la

Injonction de payer et recouvrement des petits litiges

Jean-Michel Hocquard*Ancien Président de Droit et Procédure, Vice-Président du Conseil d’administration de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Paris (AMCO et AM Conseil National)(* Les observations contenues dans cet article appartiennent à leur auteur et n’engagent pas d’autres organismes ou

personnes)

1. Règlement 1896/2006/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer, JO L 399 du 30 décembre 2006, p. 1-32.

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libre circulation des injonctions de payer européennes au sein de l’ensemble des Etats membres en établissant des normes minimales dont le respect rend inutile toute procédure intermédiaire dans l’Etat membre d’exécution préalablement à la reconnaissance et à l’exécution (sup-pression de l’exequatur).

L’injonction de payer européenne est reconnue et exécu-tée dans tous les Etats membres, à l’exception du Dane-mark, sans qu’une déclaration constatant la force exécu-toire soit nécessaire.

Simple — trop simple — à voir… !

En tout cas, il a été fait de même, le 11 juillet 2007, par le règlement 861/2007/CE instituant une procédure euro-péenne de règlement des petits litiges 2. L’esprit procédural est le même sauf qu’il ne s’agit pas seulement de créances incontestées (d’origine contractuelle) mais d’obligations de toute nature, même indemnitaire, mais limitées à 2.000 €. Le règlement est applicable depuis le 1er  janvier 2009 dans tous les Etats membres (sauf le Danemark).

Le tout a été inséré dans notre procédure civile par un décret du 17 décembre 2008 3, et dans le Code de procé-dure civile aux articles 1382 à 1390 pour les petits litiges, et 1424-1 à 15 et 1425 pour l’injonction de payer.

Les procédures européennes auraient-elles donc de l’es-prit ? Pas vraiment de l’humour, mais des critères com-muns qui, en ces périodes d’économies tous azimuts, risquent d’inspirer les futures réformes du monde judi-ciaire... dans le sens d’un désengagement : tout ce qui est du domaine privé doit pouvoir se traiter en dehors, aux frais des intéressés, la « Justice » ne gardant plus ce qui ressort de l’Ordre public.

Jugez en vous-même : – procédure écrite – sans audience – soumise à une structuration forcée des écritures, le formulaire

– pas d’avocat – frais uniquement en cas de contestation.

I. LA PROCEDURE D’INJONCTION DE PAYER EUROPEENNE  : MODALITES PRATIQUES

L’Union européenne a donc mis en place une procédure commune de recouvrement applicable aux créances exigibles dont le paiement est incontestable (d’origine contractuelle)  : l’injonction de payer européenne (ci-après «  IPE  »). Cette procédure encore peu appliquée pourrait devenir un moyen fort de persuasion des créan-ciers réticents. Elle se trouve toutefois en concurrence avec les procédures locales de recouvrement. Quelle procédure préférer si vous êtes créancier d’une entre-prise située hors de France mais en Europe et si celle-ci ne vous paye pas ? Voici les grandes lignes de la procé-dure à mettre en place et des réflexes à avoir, chaque cas nécessitant une analyse au cas par cas.

A. Les conditions de recevabilitéL’IPE vise, d’une part, à simplifier et à accélérer le trai-tement des litiges transfrontaliers et, d’autre part, à réduire les coûts (notamment par absence d’avocat !) de recouvrement des créances pécuniaires incontestées. Cette procédure est applicable aux résidents des Etats membres de l’Union européenne depuis le 12 décembre 2008, à l’exception du Danemark.

Aucun seuil minimum de créances à détenir n’est défini par le règlement européen. Elle ne peut être utilisée que pour assurer le recouvrement de créances certaines, liquides, exigibles et quasi incontestables. Il est conseillé de vérifier que cette condition est remplie pour éviter une éventuelle contestation.

B. L’envoi du formulaire et des pièces justificatives à la juridiction compétente

La demande est effectuée via un formulaire type où le demandeur produit «  une description des éléments de preuve à l’appui de sa demande », en fait une description des faits et un renvoi aux éléments justificatifs : factures, contrats,… 4

2. Règlement 861/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges, JO L 199 du 31 juillet 2007, p. 1-22.

3. Décret n° 2008-1346 du 17 décembre 2008 relatif aux procédures européennes d’injonction de payer et de règlement des petits litiges, JORF du 19 décembre 2008.

4. On trouve le formulaire « A » de demande, notamment sur le site : http://ec.europa.eu/justice_home/judicialatlascivil/html/epo_form1_fr.jsp ?countrySession=2&txtPageBack=epo_filling_fr_fr.htm.

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Attention, les langues acceptées dépendent bien sûr du lieu du siège de l’entreprise et il faut se renseigner préa-lablement à ce sujet. Nous conseillons de toujours faire traduire les pièces pour éviter toute difficulté.

Le demandeur vérifiera le coût de la procédure d’IPE en ligne  5 et appellera idéalement le tribunal pour savoir à quel ordre le paiement doit être effectué. Une fois le formulaire rempli, le demandeur l’adresse au greffe du tribunal compétent (tribunal du lieu où le défendeur a son siège social) accompagné des pièces justificatives (généralement les factures, les bons de commande et le contrat) et du règlement des frais. Le plus souvent, il s’agira d’un formulaire papier adressé par voie postale au greffe du tribunal concerné, mais la pratique tend à généraliser la demande en ligne avec paiement des frais par carte bancaire directement sur le site du greffe.

En Angleterre et au Pays de Galles par exemple, les juri-dictions compétentes pour recevoir une injonction de payer européenne sont les tribunaux de comté (County Courts) et la Haute Cour de justice (High Court of Jus-tice) 6.

C. L’examen de la demandeUne fois les éléments reçus et si elle est complète, le tri-bunal examine la demande dans les meilleurs délais et rend une ordonnance d’acceptation ou de refus. L’ordon-nance d’injonction de payer, une fois délivrée, est noti-fiée au demandeur, à charge pour lui d’en informer le défendeur.

L’article 13 du règlement instituant l’IPE exige la preuve de la réception de la notification lorsque la notification au défendeur a été effectuée par voie postale ou électro-nique. Il appartient au tribunal de veiller à ce que l’injonc-tion de payer soit signifiée ou notifiée conformément au droit national. Dès lors, le plus souvent, la signification sera effectuée par ministère d’huissier (ou équivalent à l’étranger) en main propre afin de disposer d’un élément de preuve incontestable.

Précisons que le formulaire « F » d’opposition à l’IPE doit être annexé à l’acte de signification. Cet acte doit égale-ment contenir l’indication du tribunal devant lequel l’op-

position doit être portée, du délai imparti et des formes selon lesquelles elle doit être faite.

Si dans certains pays, la notification par simple dépôt dans une boîte aux lettres est admise, elle est toutefois à déconseiller.

En cas de rejet de l’IPE, le demandeur est informé des motifs. Cette ordonnance de refus n’est pas susceptible de recours. La juridiction peut également demander au demandeur de compléter ou de rectifier sa demande.

D. Les recours ouverts au défendeurA la réception de l’ordonnance, le défendeur peut former opposition pour contester sa dette (au moyen du for-mulaire « F ») dans les 30 jours à compter de la significa-tion ou de la notification de l’injonction de payer. Cette opposition doit être formée au greffe de la juridiction d’origine, soit par récépissé, soit par lettre recomman-dée. Il s’ensuivra l’ouverture immédiate d’une procédure au fond devant une juridiction locale (application des règles locales et le plus souvent nécessité de prendre un conseil).

Sauf cas exceptionnels, le défendeur n’a pas le droit de demander le réexamen de l’IPE au-delà du délai de trente jours. S’il ne forme pas opposition dans les 30 jours, l’IPE devient exécutoire et le demandeur doit en informer la juridiction en justifiant de la preuve de la notification / signification.

Ensuite, la juridiction délivrera l’équivalent d’un «  titre exécutoire  » et la décision deviendra définitive. L’exé-cution sera gouvernée par le droit national de l’Etat membre d’exécution. Il n’y aura pas de différence à ce niveau avec une décision exécutoire rendue dans l’Etat membre d’exécution (application du droit local).

E. Une procédure encore peu utiliséeUne étude du greffe du Tribunal de commerce de Paris montre qu’en 2009, il y a eu 46 demandes d’IPE (émanant de demandeurs européens). Par comparaison, le greffe a reçu 12700 dossiers de demande d’injonction de payer de droit français.

5. http://www.greffes.com/fr/formalites/guide-desformalites/fond_referes_requetes/injonctions_de_payer/procedure_europeenne_d_injonction_de_payer/152-445.html.

6. Pour plus de détails, pays par pays, vous pouvez consulter le site : http://ec.europa.eu/justice_home/judicialatlascivil/html/epo_information_fr.htm.

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Ce peu d’engouement pour l’IPE peut s’expliquer par le fait que les demandeurs préfèrent négocier plutôt que de s’exposer à des coûts de procédure et de traduction et surtout au risque d’une procédure d’opposition en droit étranger, les contraignant à prendre un avocat local sans maîtrise réelle des tenants et aboutissants de la procé-dure. Il est donc essentiel de bien se renseigner sur le droit local avant d’utiliser cette procédure, qui reste très efficace en l’absence d’opposition.

En tout cas, même si le problème de la monnaie unique peut sembler un facteur de facilitation de règlement des frais, les lourdeurs bancaires transfrontalières ne facilitent pas le flux et la langue reste un handicap dès lors qu’un contact téléphonique peut s’avérer nécessaire pour débloquer un problème, surtout avec les greffes.

Dans certains cas, il faudra choisir entre une procédure de saisie conservatoire, qui sera plus sécurisante pour le créancier, et l’injonction de payer européenne. Une pro-cédure de saisie nécessite le plus souvent d’initier une action au fond et ce avant même de connaître le résul-tat de l’éventuelle saisie. Dès lors, si vous avez décidé de recouvrer des sommes dues, que votre débiteur n’a pas d’actif identifié à saisir et qu’une action au fond ne vous effraye pas davantage, débuter par une demande d’IPE pourrait vous permettre de gagner un temps précieux, de prendre l’initiative et de négocier plus facilement.

L’Europe tente donc de mettre en place un système « uni-fié » de règlement des litiges en commençant par la base, qu’est l’injonction de payer. Si son intérêt est réel, l’ab-sence d’unification procédurale du reste du processus et notamment par exemple en Angleterre, le fait de devoir prendre en charge les coûts de défense (très élevés) de l’adversaire dans le cas des procédures au fond, la rend encore fragile.

II. LA PROCEDURE EUROPEENNE DES PETITS LITIGES  : MODALITES PRATIQUES

… vous allez en avoir pour 2.000 € …

A. Déroulement de la procédureLa procédure européenne pour le règlement des petits litiges, pour laquelle la représentation par un avocat n’est

pas obligatoire (voire surtout pas  !), se déroule en plu-sieurs étapes.

Demande  : Le demandeur d’un montant de moins de 2.000 € introduit la procédure directement devant la juri-diction compétente. Le règlement prévoit un formulaire type A dans son annexe I, détaillant la nature du litige, le montant réclamé, etc. Ce formulaire peut parvenir par tous les moyens de communication admis par l’Etat membre dans lequel la procédure est engagée. Au cas où la demande n’entre pas dans le champ d’application du règlement (infra), la juridiction est tenue d’en infor-mer le demandeur (… plus besoin de conseil donc !). Si le demandeur ne retire pas sa demande, la juridiction donne suite à cette dernière selon le droit procédu-ral applicable dans l’Etat membre où la procédure se déroule.

Lorsque les informations fournies par le demandeur sont insuffisantes, la juridiction envoie au demandeur le formulaire B (annexe II) en lui demandant de compléter et/ou de corriger sa demande. Elle lui précise le délai. Quand le demandeur ne rectifie et/ou ne corrige pas sa demande dans ce délai, la juridiction rejette la demande. Il en est de même quand la demande est manifestement non fondée ou irrecevable.

Notification  : Quand la juridiction a reçu le formulaire de demande dûment complété, elle remplit à son tour un formulaire de réponse (formulaire C, annexe III) à destination du défendeur. Accompagné d’une copie de la demande et, le cas échéant, des pièces justificatives, ce formulaire C doit être signifié ou notifié au défendeur dans les 14  jours. La signification ou notification des actes se fait par voie postale avec accusé de réception daté. Le défendeur, quant à lui, dispose de trente jours pour répondre. Ce délai commence à courir à partir de la date de signification ou notification du formulaire pré-cité.

Réponse  : Dans un délai de 14  jours à compter de la réception de la réponse du défendeur, la juridiction transmet au demandeur une copie de la réponse accom-pagnée de toute pièce justificative utile.

Toute demande reconventionnelle présentée par le défendeur au moyen du formulaire type A est signifiée ou notifiée au demandeur de la même manière qu’au défendeur (voir plus haut). Le demandeur dispose d’un délai de 30  jours pour répondre. Si le montant de la

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demande reconventionnelle dépasse la limite de 2.000 €, la demande ainsi que la demande reconventionnelle seront traitées selon le droit procédural applicable dans l’Etat membre où la procédure se déroule (et non selon la procédure européenne de règlement des petits litiges).

Décision dans les trente jours : Dans les trente jours à compter de la date de réception des réponses du défen-deur ou du demandeur (en cas de demande reconven-tionnelle), la juridiction est tenue de rendre une décision. Toutefois, elle peut demander aux parties de lui fournir des renseignements complémentaires dans un délai qui ne dépasse pas trente jours. De plus, elle peut décider d’obtenir des preuves ou de convoquer les parties à une audience (voir plus loin). Cette dernière doit se tenir dans un délai de trente jours à compter de la convocation. Dans ce cas, la juridiction prend sa décision dans un délai de trente jours après une audience ou après réception de toutes les informations nécessaires.

Lorsque les parties ne répondent pas dans les délais prescrits, la juridiction rend toutefois une décision rela-tive à la demande ou à la demande reconventionnelle. La décision est reconnue et exécutée dans les autres Etats membres. La décision ne peut en aucun cas faire l’objet d’un réexamen au fond dans l’Etat membre d’exécution. A la demande d’une des parties et sans frais supplémen-taires, la juridiction remplit le formulaire D en annexe IV qui certifie qu’une décision a été rendue.

Preuves  : C’est la juridiction qui détermine les moyens d’obtention des preuves et l’étendue des preuves indis-pensables à sa décision. Elle opte pour le moyen d’obten-tion des preuves le plus simple et le moins contraignant.

Exécution de la décision : L’exécution de la décision se déroule selon le droit procédural de l’Etat membre d’exé-cution.

B. Champ d’applicationLa procédure européenne vise des litiges transfronta-liers, c’est-à-dire des litiges dans lesquels au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un Etat membre autre que l’Etat membre de la juridic-tion saisie. Le domicile est déterminé conformément au

règlement 44/2001/CE concernant la compétence judi-ciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale 7. Le juge de la juridiction saisie applique la loi relevant de cette juridiction pour savoir si une partie a son domicile dans le même Etat. Lorsqu’une partie n’a pas son domicile dans l’Etat dont la juridiction est saisie, le juge applique la loi de l’autre Etat membre pour déterminer le domicile 8. Quand il s’agit de sociétés et de personnes morales, elles sont domiciliées là où est situé leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement 9.

Le règlement ne s’applique pas aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité d’Etat (« acta jure imperii »). Sont également exclus :

– l’état et la capacité des personnes physiques ;

– les régimes matrimoniaux, obligations alimentaires, testaments et successions ;

– les faillites, concordats et autres procédures analo-gues ;

– la sécurité sociale ;

– l’arbitrage ;

– le droit du travail ;

– les baux d’immeubles, sauf en ce qui concerne les procédures relatives à des demandes pécuniaires ;

– les atteintes à la vie privée et aux droits de la per-sonnalité, y compris la diffamation.

C. Rôle des juridictions – langues, audiences et frais

La juridiction n’oblige pas les parties à assortir la demande d’une qualification juridique et les aide à trou-ver un accord amiable. Si nécessaire, elle informe les par-ties sur les questions de procédure.

Langues et traductions  : La demande doit être intro-duite dans la ou les langues de la juridiction saisie. Ces langues seront également utilisées pour la réponse, toute demande reconventionnelle, le descriptif des pièces justificatives, etc. Lorsque la juridiction reçoit une autre pièce dans une autre langue, elle peut demander

7. Règlement 44/2001/CE du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « Bruxelles I », JO L 12 du 16 janvier 2001, p. 1-23.

8. Article 59 du règlement 44/2001/CE.9. Article 60 du règlement 44/2001/CE.

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une traduction lorsque cette pièce lui semble néces-saire pour rendre une décision. Une partie peut refuser d’admettre une pièce rédigée dans une langue qu’elle ne comprend pas ou dans une langue autre que la ou les langues officielles de l’Etat membre de la signification ou de la notification.

Audiences : La juridiction saisie d’une procédure euro-péenne de règlement des petits litiges tient une audience si elle l’estime nécessaire ou lorsqu’une des parties le demande. Toutefois, la juridiction peut rejeter une telle demande lorsqu’une audience est manifestement inutile pour garantir une procédure équitable. L’audience peut avoir lieu par vidéoconférence ou toute autre technolo-gie de communication.

Frais  : La partie qui succombe supporte les frais de la procédure.

D. Refus et recoursL’exécution de la décision peut être refusée par la juri-diction de l’Etat membre d’exécution sur demande du défendeur lorsque :

– la décision est incompatible avec une décision anté-rieure rendue entre les mêmes parties dans un litige ayant la même cause ;

– la décision antérieure a été rendue dans l’Etat membre d’exécution ou y réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance ; et que

– l’incompatibilité des décisions n’a pas été et n’aurait pas pu être invoquée au cours de la procédure euro-péenne de règlement des petits litiges.

De plus, lorsqu’une partie a formé un recours contre la décision rendue dans le cadre de la procédure euro-

péenne de règlement des petits litiges ou en a demandé un réexamen, l’autorité compétente dans l’Etat membre d’exécution peut limiter la procédure d’exécution à des mesures conservatoires, subordonner l’exécution à la constitution d’une sûreté ou, dans des circonstances exceptionnelles, suspendre la procédure d’exécution.

Le recours contre une décision rendue dans le cadre d’une procédure européenne de règlement des petits litiges se déroule selon le droit procédural des Etats membres. Le défendeur peut demander un réexamen d’une décision auprès de la juridiction qui l’a rendue lorsque :

– la signification ou la notification de la demande ou la citation à comparaître à une audience n’est pas assortie de la preuve de réception ;

– la signification ou la notification n’a pas été effec-tuée en temps utile pour lui permettre de préparer sa défense, sans comportement fautif de sa part ;

– il est impossible au défendeur de contester la demande pour des raisons de force majeure ou suite à des circonstances particulières, sans qu’il y ait eu faute de sa part.

En tout état de cause, le défendeur est censé réagir rapi-dement. Quand le réexamen est justifié, la décision ini-tiale est nulle et non avenue.

A l’heure de conclure, il est temps de se souvenir, sans autre commentaire, mais regrets peut-être, d’un beau texte émanant du Code de procédure civile (d’origine et non pas ancien) dans sa rédaction de… 1810, à tout le moins de 1975  : article 2 «  les parties conduisent l’ins-tance… ».

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Le thème de cette contribution  : «  Le titre exécutoire européen » aurait aussi pu s’intituler « Du rêve à la réa-lité ».

Quel européen convaincu, quel juriste, quel juriste euro-péen convaincu (et ce n’est pas incompatible) n’ont pu rêver un jour d’une harmonisation, ou en tout cas d’une plus grande cohérence, des systèmes juridictionnels et des règles de droit au sein de l’Union européenne  ? Un titre exécutoire, dont la forme et les effets seraient identiques dans tous les pays de la Communauté euro-péenne, ne serait-il pas l’aboutissement logique de cette harmonisation des systèmes juridiques ?

Mais il ne « faut pas rêver ».

Cet aboutissement ne peut être que la conséquence en amont d’une politique volontariste d’uniformiser les sys-tèmes juridiques des pays de l’Union européenne. Sans cette uniformisation préalable, il ne peut y avoir de véri-table titre exécutoire européen, mais uniquement un « embryon ». Mais l’on sait tous que l’embryon a vocation à se développer et à grandir.

Le titre exécutoire européen, tel qu’il existe aujourd’hui, est cet embryon en formation, un des premiers pas vers l’existence d’un droit propre à l’Union européenne contri-buant à la construction de l’espace judiciaire européen.

Le règlement 805/2004/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exé-

cutoire européen pour les créances incontestées 1 est le résultat d’une lente évolution historique dont les étapes essentielles sont :

– le plan d’action du Conseil de l’Union européenne adopté le 3 décembre 1998, concernant les modali-tés de mise en œuvre des dispositions du traité d’Amsterdam relatives à l’établissement d’un espace de liberté, de sécurité et de justice (plan d’action de Vienne) 2 ;

– l’approbation par le Conseil européen, lors de la réunion de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, du principe de la reconnaissance mutuelle des déci-sions judiciaires en tant que pierre angulaire d’un véritable espace judiciaire européen 3 ;

– l’adoption par le Conseil, le 30 novembre 2000, d’un programme relatif à des mesures de mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle des déci-sions en matières civile et commerciale et pré-voyant la suppression de l’exequatur par la création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées 4.

Indépendamment du règlement 805/2004/CE compor-tant 33 articles, avec les annexes de I à VI (qui sont des formulaires identiques pour tous les pays de l’Union européenne), les principales dispositions et précisions sur le titre exécutoire européen se trouvent dans :

Le titre exécutoire européen

Emmanuel Joly*Ancien Président de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Bordeaux (AMCO)(* Les observations contenues dans cet article appartiennent à leur auteur et n’engagent pas d’autres organismes ou

personnes)

1. Règlement 805/2004/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, JO L 143 du 30 avril 2004, p. 15-39.

2. Plan d’action du Conseil et de la Commission concernant les modalités optimales de mise en œuvre des dispositions du Traité d’Amsterdam relatives à l’établissement d’un espace de liberté, de sécurité et de justice, adopté par le Conseil « Justice et affaires intérieures » du 3 décembre 1998, JO C 19 du 23 janvier 1999, p. 1-15.

3. Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, disponibles à l’adresse suivante : http://www.europarl.europa.eu/summits/tam_fr.htm.

4. Projet de programme des mesures sur la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale, JO C 12 du 15 janvier 2001, p. 1-9.

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– le règlement 1869/2005/CE de la Commission du 16  novembre 2005 remplaçant les annexes du règlement 805/2004/CE 5 ;

– la circulaire en date du 26 mai 2006 de la Direction des Affaires civiles et du Sceau relative à l’entrée en vigueur du règlement 805/2004/CE 6 ;

– les articles  509-1 à 509-7 du Code de procédure civile.

L’article 33 du règlement 805/2004/CE prévoit son entrée en vigueur le 21 janvier 2005 et précise qu’il est applicable à partir du 21 octobre 2005 à l’exception des articles 30, 31 et 32 (dispositions purement administratives et for-melles) qui sont applicables à partir du 21 janvier 2005. Le règlement n’est applicable qu’aux décisions rendues, aux transactions judiciaires conclues et aux actes authen-tiques dressés ou enregistrés postérieurement à sa date d’entrée en vigueur, soit après le 21 janvier 2005.

La définition de l’objet du règlement à l’article 1er est édi-fiante car elle est révélatrice  : d’une part, des objectifs larges, généreux et généraux visés et, d’autre part, des limites et des contraintes restreignant sinon l’efficacité, du moins l’intérêt du titre exécutoire européen. Cette définition est la suivante  : «  le présent règlement a pour objet de créer un titre exécutoire européen pour les créances incontestées en vue, grâce à l’établissement de normes minimales, d’assurer la libre circulation des décisions, des transactions judiciaires et des actes authentiques dans tous les Etats membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une procédure intermédiaire dans l’Etat membre d’exécu-tion préalablement à la reconnaissance et à l’exécution ».

Afin d’éviter un plan trop « scolaire » et « classique », dans le cadre de cette étude, il est apparu préférable d’adop-ter une vision plus subjective et critique.

C’est la raison pour laquelle nous aborderons successi-vement, dans une première partie, les avancées incon-testables et les aspects positifs résultant de la création du titre exécutoire européen et, dans une seconde par-tie, les limites, les faiblesses et même les lacunes de ce titre exécutoire européen tel qu’il résulte du règlement 805/2004/CE.

I. LE TITRE EXECUTOIRE EUROPEEN  : UNE AVANCEE CERTAINE VERS UN VERITABLE ESPACE JUDICIAIRE EUROPEEN

Le titre exécutoire européen résultant du règlement 805/2004/CE tire sa force, son intérêt et son attractivité des éléments suivants  : un domaine d’application géo-graphique étendu, une notion large et extensive des titres exécutoires visés, une simplicité dans la procédure de certification, une limitation des recours à son encontre et une facilité de mise à exécution.

A. Le domaine géographique d’application du titre exécutoire européen

Aux termes de l’article 2-3 du règlement, il s’applique à tous les Etats membres de l’Union européenne, à l’excep-tion du Danemark. Il est applicable dès que l’exécution est demandée dans un autre Etat membre. S’agissant de la France, les territoires d’Outre-mer et la Nouvelle-Calé-donie, qui ne font pas partie du territoire de l’Union euro-péenne, ne sont pas concernés par ce règlement.

B. La nature des titres exécutoires visés par le règlement

Aux termes de l’article 3-1 du règlement, il s’applique aux décisions, transactions judiciaires et actes authentiques. La nature des titres exécutoires visés est donc très large.

En ce qui concerne les décisions, l’article 4 précise qu’il s’agit de «  toute décision rendue par une juridiction d’un Etat membre, quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, telle qu’arrêt, jugement, ordonnance ou mandat d’exécution, ainsi que la fixation par le greffier du montant des frais du procès ». La décision doit être exécutoire dans l’Etat membre d’origine, mais elle peut ne pas être encore passée en force de chose jugée. Une décision exécutoire par provision peut donc être certifiée en tant que titre exécutoire européen.

5. Règlement 1869/2005/CE de la Commission du 16 novembre 2005 remplaçant les annexes du règlement 805/2004/CE du Parlement européen et du Conseil portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, JO L 300 du 17 novembre 2005, p. 6-18.

6. Circulaire en date du 26 mai 2006 de la Direction des Affaires civiles et du Sceau relative à l’entrée en vigueur du règlement 805/2004/CE, Bulletin Officiel du Ministre de la Justice n° 103 du 1er juillet au 30 septembre 2006.

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En ce qui concerne les transactions 7, il peut s’agir d’une transaction approuvée par une juridiction ou conclue devant une juridiction au cours d’une procédure judi-ciaire et exécutoire dans l’Etat membre dans lequel elle a été approuvée ou conclue. Il ne peut par conséquent s’agir d’un acte sous seing privé, tant qu’il n’a pas été judiciairement homologué.

En ce qui concerne les actes authentiques  8, il s’agit de tout acte dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique établi par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à ce faire par l’Etat membre d’origine. Sont considérés comme des actes authen-tiques au sens du règlement les actes authentiques à for-mule exécutoire visés par l’article 3-4 de la loi française du 9  juillet 1991, par les articles 474 à 479 du Code de procédure civile italien et par l’article  517.2 4e  et 5e  du Code de procédure civile espagnol. En revanche, ne sont pas considérés comme des actes authentiques, suscep-tibles d’être certifiés comme titre exécutoire européen, les actes délivrés par les notaires anglais, écossais ou irlandais puisqu’ils sont dépourvus de force exécutoire. L’authenticité porte sur la signature et le contenu de l’acte authentique.

C. La procédure de certificationIl s’agit d’une procédure simple dite de certification qui présente certaines variantes selon la nature du titre qui doit être certifié.

En ce qui concerne les décisions, en application de l’article 509-1 du nouveau Code de procédure civile, les requêtes aux fins de certification des décisions de justice sont présentées au greffier en chef de la juridiction qui a rendu la décision. Les articles 509-4 à 509-7 précisent les caractéristiques de cette procédure simplifiée à savoir :

– requête présentée en double exemplaire, avec indi-cation précise des pièces invoquées,

– obligation de motivation de la décision rejetant la requête aux fins de constatation de la force exécu-toire,

– remise du certificat, ou de la décision au requérant contre émargement ou récépissé ou notification par lettre recommandée avec accusé de réception.

Une partie de la doctrine s’est étonnée de ce qu’en France, la compétence avait été octroyée à une autorité non juridictionnelle alors même que le texte du règle-ment faisait référence à une juridiction et supposait un contrôle non formel notamment au regard des normes minimales sur la régularité du jugement. Il convient de remarquer que le certificat est délivré au moyen d’un for-mulaire pré-rempli constituant l’annexe I du règlement.

En ce qui concerne les transactions, l’article  24 du règlement précise que la demande doit être adressée à la juridiction par laquelle la transaction a été approuvée ou devant laquelle elle a été conclue, aux fins de certifi-cation en tant que titre exécutoire européen au moyen du formulaire type figurant à l’annexe II. En France, le décret du 22 mai 2008 modifiant l’article 509-1 du CPC a donné compétence au greffier en chef de la juridiction qui a homologué la transaction. Les mêmes critiques ont été formulées par la doctrine concernant cette attri-bution de compétence paraissant contraire au texte du règlement. En cette matière, l’autorité compétente pro-cède à un contrôle purement formel et n’a pas à vérifier ni le respect des règles de compétence, ni le respect des normes minimales.

En ce qui concerne les actes authentiques, c’est, d’après les termes de l’article 25-1 du règlement, l’autorité dési-gnée par l’Etat membre d’origine qui a compétence pour la certification. C’est le formulaire de l’annexe III du règle-ment qui doit être utilisé pour la certification des actes authentiques notariés. En France, d’après l’article 509-3 du Code de procédure civile, applicable depuis le 2 mai 2010, il s’agit du notaire ou de la personne morale titu-laire de l’office notarial conservant la minute de l’acte reçu.

D. Les recoursLe certificat n’ayant aucune valeur juridictionnelle, sa délivrance ne peut faire l’objet d’aucun recours ainsi qu’il résulte de l’article 10-4 du règlement. En revanche, le greffier pouvant refuser de délivrer le certificat si les conditions ne sont pas réunies, le refus de délivrance peut faire l’objet d’un recours. La décision de refus sus-

7. Article 24 du règlement 805/2004/CE précité.8. Article 3 du règlement 805/2004/CE précité.

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ceptible de recours doit être motivée (article  509-5 du Code de procédure civile).

Le recours est exercé, conformément à l’article  509-7 du Code de procédure civile, par requête au président du Tribunal de Grande Instance (dispensé du ministère d’avocat), le président du Tribunal de Grande Instance statuant après avoir entendu ou appelé le requérant et l’autorité requise.

E. Exécution du titre certifiéA partir du moment où le titre a été certifié en tant que titre exécutoire européen, sa reconnaissance et son exé-cution sont permises dans tout autre Etat membre sans qu’une déclaration de force exécutoire soit nécessaire, c’est-à-dire sans mise en œuvre d’un mécanisme de contrôle dans l’état d’exécution. Il n’est plus question de procédure d’exequatur dans l’Etat d’exécution.

L’article 20-1 du règlement précise même que la décision certifiée en tant que titre exécutoire européen « est exé-cutée dans les mêmes conditions qu’une décision rendue dans l’Etat membre d’exécution  ». Les procédures d’exé-cution du titre exécutoire européen sont régies par la loi de l’Etat membre d’exécution. C’est l’application du principe selon lequel en matière d’exécution c’est la loi du lieu d’exécution qui doit s’appliquer. Le créancier doit s’adresser aux autorités chargées de l’exécution dans l’Etat membre dans lequel il souhaite faire exécuter le titre.

En France, il s’adressera donc directement à un huissier de justice auquel il devra fournir :

– une expédition de la décision réunissant les condi-tions nécessaires pour en établir l’authenticité,

– une expédition du certificat, – si nécessaire, la transcription de ce certificat ou sa traduction dans la langue officielle de l’Etat membre d’exécution ou de toute autre qu’il aura déclaré accepter pour les jugements en provenance des autres Etats membres dont l’exécution est souhai-tée sur son territoire (à ce titre, la France a déclaré accepter les certificats en français, anglais, alle-mand, espagnol et italien).

Les dispositions qui viennent d’être appliquées ont donc pour but de favoriser le développement du titre exécu-toire européen par un large champ d’application, une

simplicité procédurale et une limitation des contesta-tions. Cependant, ces dispositions sont sensiblement modérées, tempérées et même neutralisées par d’autres dispositions qu’il convient d’étudier.

II. LE TITRE EXECUTOIRE EUROPEEN  : SES FAIBLESSES ET SES LACUNES

Des raisons politiques évidentes et les distorsions des systèmes juridiques existant actuellement dans les pays de l’Union européenne ont empêché la création d’un titre exécutoire européen généralisé. Le réalisme poli-tique et juridique a prévalu et a conduit à enfermer, en l’état, le titre exécutoire européen dans des limites et des contrôles et, notamment, la limitation à certaines matières à l’exclusion d’autres, la limitation à certains objets, la soumission à des règles de compétence et des normes minimales et la possibilité de neutraliser l’exécu-tion de la décision.

A. Les matières concernéesCes matières sont définies à l’article 2 du règlement qui précise que le règlement s’applique en matière civile et commerciale.

Sont donc exclues les matières fiscales, douanières ou administratives, de même que la responsabilité de l’Etat pour les actes ou les omissions commis dans l’exercice de la puissance publique.

Sont également exclus, d’après l’article  2-2 du règle-ment, l’état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux, les testaments et les successions, les faillites, concordats et autres procédures analogues, la sécurité sociale, l’arbitrage.

B. L’objet du titreC’est la limitation la plus importante. Qu’il s’agisse de décisions, de transactions judiciaires ou d’actes authen-tiques, le règlement ne s’applique que si ces titres portent «  sur des créances incontestées  ». Cette limitation est d’autant plus importante qu’à l’article 4 du règlement, le mot « créance » est défini de la façon suivante : « un droit à une somme d’argent déterminée qui est devenue exigible, ou dont la date d’échéance a été indiquée dans la décision, la transaction judiciaire ou l’acte authentique ».

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Il y a donc deux conditions  : d’une part, une créance de somme d’argent et, d’autre part, une créance incontestée.

La créance de somme d’argent exclut donc tout ce qui n’est pas créance pécuniaire et, par voie de conséquence, les obligations de faire ou de ne pas faire. En revanche, l’article 8 du règlement apporte un correctif important, à savoir qu’un certificat de titre exécutoire européen partiel peut être délivré dans le cas où seulement une partie de la décision est conforme aux exigences du règlement. En conséquence, si une décision judiciaire prononce entre autres une condamnation à une somme d’argent, cette décision pourra faire l’objet d’un titre exécutoire européen partiel uniquement en ce qui concerne la condamna-tion au paiement de la somme d’argent. La créance doit être exigible ou la date d’échéance doit être connue. En revanche, peu importe le montant de la créance.

La notion de créance « incontestée » est une des notions les plus complexes de ce règlement. L’article 3-1 du règle-ment distingue deux sortes de créances incontestées :

– La créance incontestée résultant d’une reconnais-sance explicite par le débiteur.

Pour simplifier, on peut dire qu’il s’agit d’une créance établie par acte authentique, par transaction conclue devant un juge ou homologuée par lui, ou par un jugement résultant d’une procédure au cours de laquelle la dette a été reconnue. Dans le cadre de la procédure de certification, l’autorité compétente devra vérifier, par exemple par la lec-ture des motifs de la décision à certifier, le caractère incontesté de la créance. Pour simplifier le travail du greffe, la circulaire du Ministère de la Justice du 26  mai 2006 préconise que dans les décisions soit mentionné d’office, dans le dispositif, que la créance n’a pas été contestée au sens du règlement.

– La créance incontestée résultant d’une reconnais-sance implicite par le débiteur.

Ce caractère de reconnaissance implicite du carac-tère incontesté de la créance résulte, d’après le règlement, des conditions suivantes : le débiteur ne s’est jamais opposé à la créance par les voies de procédure qui lui étaient ouvertes  ; le débiteur n’a pas comparu «  ou ne s’est pas fait représenter lors d’une audience relative à cette créance après l’avoir

initialement contestée au cours de la procédure judi-ciaire, pour autant que sa conduite soit assimilable à une reconnaissance tacite de la créance ou des faits invoqués par le créancier […] ».

La circulaire du 26 mai 2006 donne deux exemples. Tout d’abord, un débiteur qui a fait opposition à une injonc-tion de payer, mais qui n’a pas comparu lorsque l’affaire a été appelée devant le tribunal, est réputé n’avoir pas contesté la créance. Ensuite, dans le cadre d’une procé-dure orale, un défendeur qui a fait parvenir au tribunal des écrits discutant les prétentions adverses, mais qui n’a pas soutenu oralement ses prétentions, est réputé n’avoir pas contesté la créance.

En droit français, par exemple, le défaut n’est aucune-ment interprété comme une absence d’opposition du défendeur  ; il semble donc difficile de considérer ce défaut du défendeur comme une absence d’opposition et appliquer l’article 3-1 c) du règlement.

Le régime de la certification des titres exécutoires diffère sensiblement selon que la créance a été explicitement reconnue ou qu’elle ne l’a été qu’implicitement. En effet, lorsque la créance n’a pas été explicitement reconnue, la décision ne peut être certifiée que si des normes mini-males de procédures et des règles de compétences ont été respectées.

C. Les règles de compétence et les normes minimales

Les règles de compétence : Si la décision porte sur une créance explicitement reconnue par le défendeur, et lorsque la créance est relative à un domaine pour lequel le règlement 44/2001/CE du 22 décembre 2000 a prévu des règles de compétences spéciales, l’autorité chargée de la certification (le greffier en chef en France), outre le caractère exécutoire de la décision, doit également contrôler la compétence de la juridiction qui a statué. Si la décision consacre une créance implicitement incon-testée, l’autorité chargée de la certification (en France le greffier en chef ) doit, lorsque le débiteur condamné au paiement l’est au titre d’un contrat de consommation, vérifier que la décision a été rendue par une juridiction de l’Etat membre dans lequel le débiteur a son domicile, au sens de l’article 59 du règlement 44/2001/CE 9.

9. Règlement 44/2001/CE du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO L 12 du 16 janvier 2001, p. 1-23.

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Les normes minimales : Le chapitre III du règlement fixe des normes minimales applicables aux procédures rela-tives aux créances incontestées. Ces normes minimales concernent la procédure judiciaire dans l’Etat membre d’origine, afin de garantir que le débiteur a été correc-tement informé de l’action en justice intentée contre lui. Ces normes minimales s’imposent si la créance est incon-testée au sens des articles 3.1b ou 3.1c, c’est-à-dire si la créance n’a été que tacitement reconnue par le débiteur. Ces normes minimales concernent :

– Le contenu de l’acte introductif d’instance  : aux termes de l’article 16 du règlement, le débiteur doit être informé en bonne et due forme sur la créance, et plus spécifiquement sur le montant de la créance, si des intérêts sont exigés, le taux des intérêts et la période, la cause de la demande. Il doit également être informé (article 17 du règlement) sur les forma-lités procédurales à accomplir pour contester la créance (les délais à respecter, l’adresse de l’institu-tion à laquelle il faut s’adresser, la nécessité d’être représenté ou non par un avocat, les conséquences d’une absence, d’objection ou de non-comparution, etc.).

– Les conditions de la notification de l’acte introductif d’instance : aux termes des articles 13, 14 et 15 du règlement, les modes de signification doivent se caractériser par une « certitude absolue » ou « par un très haut degré de probabilité » que l’acte signi-fié ou notifié est parvenu à son destinataire. Cependant, aux termes de l’article  15, la significa-tion ou la notification peut aussi avoir été faite à un représentant du débiteur. Pour le détail de ces normes minimales, il convient de se reporter aux articles précités du règlement, et d’observer qu’elles ne garantissent pas que le débiteur ait pu effective-ment prendre connaissance de l’acte introductif d’instance et qu’elles peuvent donc être jugées insuffisantes par la doctrine.

Les sanctions du non-respect des normes minimales : Le non-respect des normes minimales est tempéré par certaines dispositions du règlement, par exemple :

– Si les règles minimales relatives au contenu de l’acte introductif d’instance n’ont pas été respectées, la certification pourra intervenir si le débiteur avait la

possibilité d’exercer un recours prévoyant un réexa-men complet à l’encontre de la décision et qu’il a omis de le faire.

– Si les règles minimales relatives à la notification des actes n’ont pas été respectées, le créancier pourra tout de même obtenir certification de la décision en tant que titre exécutoire européen si le comporte-ment du débiteur, au cours de la procédure judi-ciaire, prouve qu’il a reçu personnellement et en temps utile l’acte introductif d’instance.

A contrario, nonobstant le respect des règles minimales en matière de notification d’acte, l’article 19.1 du règle-ment impose un réexamen de la décision, avant certifica-tion, dans l’hypothèse où le débiteur aurait été empêché de contester la créance pour des raisons de force majeure ou par suite de circonstances extraordinaires, sans qu’il y ait eu faute de sa part. Il en est de même si la significa-tion ou la notification n’est pas intervenue en temps utile pour permettre au débiteur de préparer sa défense, sans qu’il y ait eu faute de sa part.

D. Rectification ou retrait du titre exécutoire    européen

Le certificat peut être rectifié lorsque, du fait d’une erreur matérielle, il existe une divergence entre le certificat et la décision qu’il certifie (discordance sur le nom d’une des parties ou sur le montant dû), ou retiré, « s’il est clair que le certificat a été délivré indûment, eu égard aux conditions prévues par le règlement » 10.

Ces demandes doivent être présentées à l’autorité com-pétente (en France, le greffier en chef ) par requête aux fins de rectification ou de retrait. Le contrôle de l’autorité porte sur l’existence d’une erreur matérielle ou d’une vio-lation des règles prévues pour la délivrance du certificat. Ces demandes sont dispensées du ministère d’avocat et doivent être formées en utilisant les formulaires figurant à l’annexe IV.

E. Neutralisation de l’exécutionNonobstant le principe de l’intangibilité de la décision certifiée, la juridiction compétente en matière d’exécu-tion dans l’Etat membre d’exécution (en France le juge de l’exécution) dispose, en vertu des articles 21 et 23 du

10. Article 10-1 b) du règlement 805/2004/CE précité.

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règlement, de pouvoirs étendus pour neutraliser l’exécu-tion de la décision.

Ainsi, les compétences données au juge de l’exécution français sont plus étendues que celles qui lui sont dévo-lues par la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des pro-cédures civiles d’exécution et le décret du 31 juillet 1992 pris pour son application.

Le juge de l’exécution peut refuser l’exécution  11 sur demande du débiteur lorsque la décision certifiant en tant que titre exécutoire européen est incompatible avec une décision de justice antérieure rendue dans un Etat membre ou dans un pays tiers si celle-ci a été rendue entre les mêmes parties, à la même cause, et peut être reconnue dans l’Etat membre d’exécution.

De la même façon, aux termes de l’article  23 du règle-ment, l’autorité compétente en matière d’exécution (en France le juge de l’exécution) peut : limiter l’exécution à la prise de mesures conservatoires, subordonner l’exécu-tion à la constitution d’une sûreté qu’il détermine et sus-pendre la procédure d’exécution dans des circonstances exceptionnelles.

Ces dernières dispositions s’appliquent lorsqu’une demande de rectification ou de retrait du certificat a été présentée à l’autorité certificatrice ou lorsqu’un recours au fond ou une demande de réexamen à raison de cir-

constances exceptionnelles a été formé contre la déci-sion devant une juridiction de l’Etat membre d’origine. Ces mesures seront appréciées par l’autorité compétente (juge de l’exécution en France) en fonction des perspec-tives de succès de l’action engagée par le débiteur et du risque qu’un préjudice irréparable soit causé du fait de l’exécution.

III. CONCLUSION

Au résultat de ce bref exposé, il est évident que l’on ne peut que souhaiter une extension du champ d’applica-tion du titre exécutoire européen à un domaine beau-coup plus large que les créances de sommes d’argent incontestées. Cependant, le préalable incontestable est une harmonisation des systèmes juridiques des pays de l’Union européenne et, notamment, des règles de procé-dure, afin que les décisions rendues dans l’un ou l’autre des pays de l’Union européenne présentent les mêmes garanties de sécurité juridique et de protection des droits individuels. Sans cela, il ne pourra y avoir de véri-table extension du titre exécutoire européen à d’autres domaines. Le titre exécutoire européen résultant du règlement 805/2004/CE est, certes, un pas décisif, mais ce n’est qu’un pas d’une longue marche 12.

11. Article 21 du règlement 805/2004/CE précité.12. Bibliographie : Droit processuel civil de l’Union européenne sous la direction de Loïc Cadiet, Emmanuel Jeuland, Soraya Amrani-Mekki, LEXIS NEXIS ;

La circulation automatique des titres exécutoires imposés par le règlement 805/2004 du 21 avril 2004, Louis d’Avout, Docteur en droit, Université Panthéon-Assas (Paris II), in Revue critique de droit international privé 2006, p. 1.

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I. INTRODUCTION  : HALTE AU FORUM SHOPPING

Dans un registre amusant, la bande dessinée nous four-nit un exemple de ce que le législateur européen a voulu éviter dans les affaires  : l’évasion des Dalton sans cesse renouvelée donne l’occasion au héros Lucky Luke de se distinguer.

Dans un registre plus sérieux, l’évasion des avoirs d’entre-prises en plus ou moins grande difficulté a donné l’occa-sion de restreindre le sacro-saint principe européen de libre circulation des avoirs et des marchandises.

Les droits nationaux régissant ces biens et avoirs étant loin d’être harmonisés, il fallait appliquer un autre prin-cipe européen, qui est la reconnaissance, sans cesse améliorée et devenue automatique, des décisions d’ou-verture des procédures d’insolvabilité. Toutefois, pour éviter les disparités des législations, une seule procédure pouvait s’avérer insuffisante, notamment en fonction de la règle de droit international privé  : lex rei sitae appli-cable aux immeubles, et il a donc fallu permettre l’ouver-ture de procédures secondaires dans les pays d’implan-tation des biens concernés.

Par ailleurs, ces mêmes disparités de législations permet-taient aux entrepreneurs peu scrupuleux de choisir véri-tablement la législation la moins répressive pour faire reconnaître leur insolvabilité et échapper ainsi aux pour-suites individuelles d’une part et aux sanctions de l’autre.

Sans viser l’objectif irréaliste d’une harmonisation des législations des pays membres de l’Union européenne, les buts poursuivis ci-dessus ne pouvaient être atteints que par un règlement dont la force contraignante et l’applicabilité immédiate dans les droits internes assurait l’efficacité. C’est le règlement du Conseil 1346/2000/CE 1 du 29  juin 2000, d’ailleurs exclusif des règlements dits « Bruxelles I 2 et II bis 3 ».

Tenter une définition des procédures avant d’en aborder le régime interétatique que constitue ce règlement est une nécessité première de la présente contribution sans quoi le reste ne serait pas compréhensible.

« Procédure collective fondée sur l’insolvabilité du débi-teur qui entraîne le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d’un syndic » : telle est la définition donnée par le règlement lui-même.

Quant au champ d’application :

– Rationae loci  : en sont exclus le Danemark, le Royaume-Uni en cas d’incompatibilité avec une législation du Commonwealth et tous pays pour lequel la directive est incompatible avec une Convention antérieure signée avec un ou plusieurs pays tiers.

– Rationae materiae  : en sont exclus les entreprises d’assurances, les établissements de crédit, les entre-prises d’investissements qui fournissent des ser-vices ou détiennent des fonds ou valeurs mobi-lières, les organismes de placements collectifs.

Procédures d’insolvabilité en Europe

Alain Provansal*Président de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Marseille(* Les observations contenues dans cet article appartiennent à leur auteur et n’engagent pas d’autres organismes ou

personnes)

1. Règlement 1346/2000/CE du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, JO L 160 du 30 juin 2000, p. 1-18.2. Règlement 44/2001/CE du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en

matière civile et commerciale, JO L 12 du 16 janvier 2001, p. 1-23.3. Règlement 2201/2003/CE du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matri-

moniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement 1347/2000/CE, JO L 338 du 23 décembre 2003, p. 1-29.

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II. OUVERTURE

A. LieuEn cas d’insolvabilité, une procédure collective est ouverte par le Tribunal dans le ressort duquel se situe le centre des intérêts principaux du débiteur, c’est-à-dire là où il gère habituellement ses intérêts.

Pour la Cour de cassation, il n’y a pas de présomption que ce soit le domicile du débiteur 4. La circulaire de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau du 17  mars 2003 5 recommande que le centre des intérêts principaux du débiteur, au sens du droit de l’Union européenne, soit déterminé en privilégiant le lieu de l’administration centrale de la société tel qu’il peut être établi par les élé-ments objectifs et vérifiables par les tiers.

Pour la Cour de justice de l’Union européenne 6, a contra-rio, dans l’hypothèse où le lieu de l’administration cen-trale d’une société ne se trouve pas au siège statutaire de celle-ci, la présence d’actifs sociaux, comme l’existence de contrats relatifs à leur exploitation financière dans un Etat membre autre que celui du siège statutaire de cette société, ne peuvent être considérés comme des éléments suffisants pour renverser cette présomption  ; elle ne pourrait être renversée qu’à la condition qu’une appréciation globale de l’ensemble des éléments perti-nents permette d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de ladite société ainsi que la gestion de ses intérêts se situent dans cet autre Etat membre.

B. ProcéduresLa procédure est ouverte dans le pays du centre des inté-rêts principaux et elle est unique ou multiple. En effet, outre cette procédure principale, peut être ouverte une procédure secondaire :

– avant même la procédure principale, si les créan-ciers locaux le demandent, qui deviendra secon-daire dès que la procédure principale sera ouverte ;

– après la procédure principale en cas d’établisse-ment dans un autre pays membre et elle sera limi-tée à ce pays.

C. RecoursLa tierce opposition formée par les créanciers établis dans un autre Etat membre est recevable 7 ; elle est fondée si le débiteur ne fournit pas l’inventaire de ses biens situés dans un autre pays ni le passif qui y a été contracté 8.

D. Loi applicableCas général  : C’est la loi du pays d’ouverture pour le déroulement et la clôture de la procédure principale, la procédure secondaire étant régie par la loi du pays où elle a été elle-même ouverte. Selon l’article 4 du règle-ment, cette loi régit les règles matérielles de la procé-dure  : définition du débiteur, des biens concernés, des pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic, les effets sur les procédures et les contrats en cours, les poursuites individuelles, les créances et leur déclaration.

Cas particuliers : – pour les instances en cours, c’est la loi du pays où elles se déroulent,

– pour les biens immobiliers, la loi du pays d’implan-tation,

– pour les relations du travail, c’est la loi de l’Etat membre applicable au contrat de travail,

– pour les droits et obligations liés aux systèmes de paiement ou aux marchés financiers, c’est la loi de l’Etat membre applicable audit système ou marché.

Exceptions : Ne sont pas affectés par la procédure d’in-solvabilité et la loi du pays d’ouverture 9 :

– les droits réels des tiers, – les droits de compensation par un créancier, – le droit du vendeur bénéficiant d’une clause de réserve de propriété,

4. Cass. com., 28 octobre 2008, n° de pourvoi 06-16108 ; Cass. com., 7 octobre 2008, n° de pourvoi 07-18804 ; Cass. com., 15 février 2011, n° de pourvoi 10-13832.

5. Circulaire relative à l’entrée en vigueur du règlement 1346/2000/CE du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, Bulletin officiel du Ministère de la Justice n° 89, 1er janvier - 31 mars 2003.

6. Arrêt de la CJUE 20 octobre 2011, Interedil Srl, en liquidation / Fallimento Interedil Srl et Intesa Gestione Crediti SpA, aff. C-396/09.7. Cass com., 30 juin 2009, Eurotunnel, n° de pourvoi 08-11902 à 08-11906.8. Cass. com., 24 juin 2010, n° de pourvoi 09-67469 : pour un allemand ayant saisi un tribunal français.9. Voir les articles 5, 6 et 7 du règlement1346/2000/CE précité.

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– les droits sur les immeubles, navires, aéronefs qui seront régis par la loi du registre public où ils sont inscrits,

– les droits relatifs à des brevets régis exclusivement par la procédure principale.

E. Les effetsLeur examen conduit à étudier la reconnaissance de la décision d’ouverture et ses conséquences.

1. PrincipeLe jugement d’ouverture dans un pays membre a un effet immédiat, même sans publicité — qui sera cependant à effectuer si elle est obligatoire en vertu de la législation du pays d’ouverture — sans contrôle supplémentaire même si le débiteur n’est pas susceptible d’être l’objet d’une telle procédure dans les autres pays.

Une juridiction d’un Etat membre n’a pas à contrôler les motifs ayant permis à la juridiction d’un autre Etat membre de se déclarer compétente pour ouvrir une procédure principale d’insolvabilité à l’encontre d’une société ayant son siège en France bien qu’étant filiale d’une société ayant son siège en Angleterre 10.

La circulaire précitée, au contraire, préconise aux juridic-tions nationales françaises d’ouvrir le contrôle de l’exe-quatur :

– au contrôle de la compétence de la juridiction étrangère fondée sur le siège du débiteur,

– au contrôle de l’absence de fraude et au respect du droit à la défense,

– à l’absence d’ouverture antérieure d’une procédure principale en France, ce dernier point se justifiant.

Lorsque la publicité a été effectuée, elle entraîne pré-somption de connaissance de la procédure d’insolvabilité.

Toutefois, la loi de l’Etat d’ouverture n’est pas applicable à celui qui a bénéficié d’un acte préjudiciable à l’ensemble des créanciers s’il apporte la preuve que cet acte est sou-mis à la loi d’un autre Etat membre que celui de l’ouver-ture et que cette loi ne permet pas, en l’espèce, d’atta-quer cet acte.

La simple présentation d’une copie certifiée conforme de la décision éventuellement traduite dans la langue du pays où le syndic entend agir, si ce pays l’exige, même si aucune procédure secondaire n’est ouverte.

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 21 janvier 2010 11, a reconnu l’applicabilité de la loi polo-naise du jugement d’ouverture prévoyant la suspension des poursuites à une mesure conservatoire pratiquée en Allemagne sur des biens allemands.

Ce principe est comme toujours assorti d’exceptions et comporte un bémol. La première exception est relative aux effets contraires aux règles d’ordre public du pays d’applica-tion. La seconde exception touche les décisions limitant le secret postal ou les libertés individuelles. Le bémol consiste en ce que la limitation du droit des créanciers n’est possible que pour ceux qui ont donné leur accord.

2. ConséquencesLe premier principe est l’interruption des instances et l’invitation à déclarer les créances 12. Le second principe est que le syndic peut agir conformément à la loi d’ou-verture. Il a le pouvoir de déplacer les biens du débiteur ou d’exercer toute action révocatoire si des biens ont été transférés après le jugement d’ouverture.

Cependant, le syndic doit respecter la loi du pays où il agit et les droits des tiers 13, notamment du vendeur, avec réserve de propriété 14.

Un bémol peut être relevé : un créancier qui a recouvré tout ou partie de sa créance doit restituer au syndic ce qu’il a obtenu (selon les termes de la loi française du 25  janvier 1985 et sa numérotation, on aurait dit  : «  Le docteur syndic a prié le créancier malade de dire « 33 » ce qui l’a fait tousser et cracher ses louis d’or »). Toutefois, le débiteur du débiteur qui a payé le débiteur de bonne foi au lieu du syndic n’a pas à restituer à condition que le paiement ait eu lieu avant la publicité de la décision d’ouverture.

3. Pouvoirs du syndicLe syndic doit établir un compte consolidé des dividendes de tous les pays de l’Union où une procédure est ouverte.

10. Cass. com., 27 juin 2006, SAS Isa Daisytek, n° de pourvoi : 03-19863, Bull. n° 149.11. Arrêt de la CJUE du 21 janvier 2010, MG Probud Gdynia sp. z o.o., aff. C-444/07, Rec. 2010 p. I-417.12. Cass. com., 23 janvier 2007 n° de pourvoi 04/5976.13. Article 18 du règlement 1346/2000/CE précité.14. Article 6 du règlement 1346/2000/CE précité.

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Il doit respecter l’égalité et collaborer avec les syndics des procédures secondaires et vice versa. Le syndic peut faire une publicité bien que celle-ci ne soit pas une condition de reconnaissance de la procédure dans un autre pays.

III. APPLICATIONS

A. Décisions concernéesToute décision relative au déroulement et à la clôture, concordat compris, est reconnue au même titre que celle de l’ouverture de la procédure  15. Y compris celles qui en dérivent directement ou s’y insèrent, même ren-dues par une autre juridiction, et celles relatives aux mesures conservatoires. Toutefois, pour une procédure secondaire, encore faut-il constater la cessation des paie-ments 16. L’exécution de la décision se fera conformément au règlement « Bruxelles I ».

Cependant, dans le cas d’une procédure en extension, la question de savoir si ce sont les règles de la procédure principale ou celles de la procédure secondaire qui s’ap-pliquent a fait l’objet d’une question préjudicielle, posée le 13 avril 2010, par la Cour de cassation et relative à la confusion des patrimoines 17.

La réponse de la Cour de justice de l’Union européenne est cinglante. Pour elle, une juridiction d’un Etat membre qui a ouvert une procédure principale d’insolvabilité à l’en-contre d’une société (en retenant que le centre de ses inté-rêts principaux se situait dans cet Etat) ne peut étendre, en application d’une règle de son droit national, cette procé-dure à une deuxième société, dont le siège statutaire est situé dans un autre Etat membre, qu’à la condition qu’il soit démontré que le centre des intérêts principaux de cette dernière se trouve dans le premier Etat membre 18.

Et la Chambre commerciale de la Cour de cassation de suivre cet arrêt, par sa décision du 10  mai 2012  19, par laquelle elle reproche à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence d’avoir prononcé l’extension d’une procédure principale française à une société italienne sans avoir recherché si le centre des intérêts principaux de cette dernière était, de

manière vérifiable par les tiers (centre effectif de direc-tion et de contrôle), situé en France.

B. Ouverture d’une procédure secondaireSi l’importance des biens du débiteur dans un autre pays de l’Union le justifie, le syndic de la procédure princi-pale ou toute autre personne ou autorité est habilitée en fonction de la loi du pays dans lequel l’ouverture est demandée  ; il n’est pas nécessaire que l’insolvabilité du débiteur soit constatée dans ce pays (sauf pour la Cour de cassation française en vertu de l’arrêt de 2008 précité).

La procédure secondaire ne peut être qu’une procédure de liquidation si elle est ouverte après la procédure prin-cipale.

Le règlement prévoit l’obligation de production des créances par les créanciers  ; l’obligation de production des créances par le syndic secondaire à la procédure principale ; l’obligation, lorsque le pays de la procédure secondaire l’exige et en cas d’insuffisance de l’actif s’y trouvant, pour le demandeur à l’ouverture d’une procé-dure secondaire de faire l’avance des frais ou de donner une garantie 20.

La procédure secondaire peut être suspendue trois mois si le syndic principal le demande, sous réserve que ce soit l’intérêt des créanciers de la procédure principale.

De la même manière, la fin de la suspension peut être sollicitée par le syndic principal si elle est nécessaire pour les créanciers des deux procédures.

Le syndic principal peut demander la conversion en liquidation judiciaire de la procédure secondaire si elle est utile aux créanciers.

La clôture de la procédure secondaire intervient sur la demande ou avec l’accord du syndic principal ou, à défaut, si elle n’affecte pas les créanciers de la procédure principale.

Le syndic de la procédure secondaire DOIT transférer les actifs dans la procédure principale 21.

15. Article 25 du règlement1346/2000/CE précité.16. Cass. com., 18 mars 2008, n° de pourvoi 06-20749.17. Cass. com., 13 avril 2010, n° de pourvoi 09-12642, Bull. n° 81.18. Arrêt de la CJUE du 15 décembre 2011, Rastelli Davide e C. Snc / Jean-Charles Hidoux, aff. C-191/10.19. Cass. com., 10 mai 2012, n° de pourvoi 09-12642.20. Article 30 du règlement 1346/2000/CE précité.21. Article 35 du règlement 1346/2000/CE précité.

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D O S S I E R S P E C I A L • T I T R E R E T R E C O U V R E R L E S C R E A N C E S E N E U R O P E 39

Lorsqu’un syndic provisoire est nommé par la juridiction de l’établissement principal du débiteur pour assurer la conservation des biens, ce syndic provisoire est habilité à demander toute mesure de conservation ou de pro-tection sur les biens du débiteur qui se trouvent dans un autre Etat membre prévue par la loi de cet Etat jusqu’au jugement d’ouverture 22.

C. Droits et obligations des créanciersUne information dans la langue de la procédure prin-cipale doit être donnée aux créanciers connus par la juridiction ou le syndic ou encore toute autorité devant recevoir la production  ; un formulaire a été établi dans toutes les langues de l’Union européenne portant le titre « Invitation à produire une créance. Délais à respecter » ; à défaut de formulaire d’invitation à déclarer, la forclusion n’est pas opposable 23.

La production de la créance doit se faire par écrit selon les formes et délais du pays d’ouverture 24, en précisant la nature, le montant, la date de naissance de la créance, les privilèges, sûreté ou clause de réserve de propriété la garantissant et sur quels biens et en joignant les pièces justificatives.

La production doit se faire par une personne habilitée 25, encore que la justification des pouvoirs puisse être fournie par une attestation postérieure à l’expiration du délai 26.

La production peut se faire dans la langue de l’Etat du domicile du créancier (mais la traduction peut en être réclamée)  ; les mots « production de créance » doivent cependant figurer dans la langue du pays d’ouverture 27.

C’est la loi de l’Etat d’ouverture qui détermine les règles concernant la production, la vérification et l’admission des créances. Il appartient néanmoins à la loi de la source de celle-ci de définir la qualité de créancier.

Et, en matière contractuelle, c’est la loi à laquelle est soumis le contrat qui fait naître la créance déclarée  ; en l’espèce, la Cour de cassation reconnaît la qualité de créancier à la fois à un trustee et à un agent de sûreté créanciers solidaires déclarant la même créance 28.

D. Droit transitoireLe règlement s’applique aux procédures postérieures à l’entrée en vigueur fixée au 31 mai 2002 29. Le règlement remplace les Conventions bi ou multilatérales.

Un rapport doit être déposé sur son application au plus tard au 1er juin 2012 afin de le modifier ou de le compléter.

IV. CONCLUSION

Le traitement européen de l’insolvabilité n’est ici que palliatif mais d’autres dispositions de la législation euro-péenne tendent à éviter que les débiteurs ne soient en cessation des paiements.

La directive 2000/35/CE 30 du 29 juin 2000 sur les retards de paiements dans les transactions commerciales (le cré-dit fournisseur étant très supérieur au crédit bancaire) a visé ce but mais sans doute était-elle insuffisante puisque a été publiée, le 17 février 2011, la directive 2011/7/UE 31 qui porte le même nom et resserre les délais.

Toutefois, rien de comparable à la législation européenne fournie relative à la protection des consommateurs, y compris en matière de crédit.

Liberté, sécurité, justice figurent au fronton de l’espace européen et sont en exergue du règlement mais c’est le bon fonctionnement du marché européen qui motive la recherche du bon fonctionnement des procédures d’in-solvabilité, lesquelles relèvent du domaine de la coopé-ration judiciaire civile au sens du Traité.

22. Article 38 du règlement 1346/2000/CE précité.23. Cass. com., 7 juillet 2009, n° de pourvoi 07-17028 et n° 07-20220.24. Cass. com., 16 novembre 2010, n° de pourvoi 09-16572.25. Cass. com., 22 juin 2010, n° de pourvoi 09-65481.26. Cass. com., 15 décembre 2009, n° de pourvoi 08-14949.27. Article 42 du règlement 1346/2000/CE précité.28. Cass. com., 13 septembre 2011, n° de pourvoi 10-25533.29. Cass. com., 8 juillet 2008, n° de pourvoi 07-15010 : pour une procédure ouverte en... 1993 !30. Directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions

commerciales, JO L 200 du 8 août 2000, p. 35-38.31. Directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions

commerciales, JO L 48 du 23 février 2011, p. 1-10.

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Dossierspécial

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Si le Traité de Rome est conçu pour instaurer et faciliter la libre circulation des personnes, ses évolutions successives par les règlements étudiés jettent un pont vers la libre cir-culation des actes et décisions judiciaires. Mais sans pos-sibilité d’exécuter de manière uniforme, tous ces beaux procédés procéduraux, tous ces beaux titres européens n’auront qu’une efficacité théorique. Sans révision régu-lière des instruments européens pour contrôler leur bien-fondé théorique et leur application sur le terrain, point d’avancée dans la construction judiciaire de l’Union.

C’est pour ces raisons, notamment, que la Commission européenne a organisé une consultation publique dans la perspective d’une modernisation du régime d’insol-vabilité européen 1 et qu’elle a présenté une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, en 2011, portant création d’une ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale 2.

D’abord, soulignons bien qu’il s’agirait d’une saisie conser-vatoire quelle que soit l’existence ou non d’un titre de condamnation ; d’une procédure autonome qui serait uti-lisée en lieu et place des procédures de droit national pour bloquer des fonds, c’est-à-dire qu’il s’agirait d’une procé-dure in rem qui viserait un compte et non un débiteur.

Insolvabilité, sécurité sociale et arbitrage seraient exclus du domaine de cette future ordonnance ; en revanche, les régimes matrimoniaux, les effets patrimoniaux des parte-nariats enregistrés et les successions y seraient inclus.

La saisie conservatoire serait possible que le créancier soit ou non en possession d’un titre exécutoire et n’em-pêcherait pas les mesures conservatoires et d’exécution propres à chaque Etat membre.

Les juridictions nationales demeureraient compétentes pour autoriser la mesure en délivrant une ordonnance de saisie conservatoire et les juridictions de l’Etat du lieu de saisie seraient en outre compétentes quand il y a titre pour cette délivrance.

Les conditions d’obtention de l’ordonnance seraient une créance fondée en son principe (s’il y a titre c’est super-fétatoire) et un risque de mise en échec de l’exécution si la mesure n’est pas accordée, notamment si le débiteur déplace ou dilapide ses avoirs.

Dans un espace (plus large que celui de l’Union) où l’accès à un juge indépendant et impartial est la règle, la tendance des règlements européens s’affirme encore : la mesure pourrait être ordonnée sans procédure contra-dictoire, donc sans audition du débiteur  ; les juristes français n’en sont pas offusqués, habitués qu’ils sont aux mesures conservatoires autorisées hors la présence du débiteur, mais un recours devrait être permis ; en l’espèce il le serait devant la juridiction qui a délivré l’ordonnance, consommateurs, salariés et assurés ayant cependant le droit de présenter leurs objections devant une juridic-tion de l’Etat membre où ils ont leur domicile.

Comme de bien entendu, les significations transfron-tières devraient se faire selon le règlement 1393/2007/CE 3. Elles seraient utilisées pour la banque tiers saisie obligée

Propos conclusifs

Alain Provansal*Président de l’AAPPE, Avocat au Barreau de Marseille(* Les observations contenues dans cet article appartiennent à leur auteur et n’engagent pas d’autres organismes ou

personnes)

1. La consultation était ouverte du 30 mars au 21 juin 2012. Le document de consultation est disponible à l’adresse suivante : http://ec.europa.eu/justice/newsroom/civil/opinion/120326_en.htm.

2. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d’une ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale, 25 juillet 2011, COM (2011) 445 final.

3. Règlement 1393/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (signification ou notification des actes), et abrogeant le règlement 1348/2000/CE du Conseil, JO L 324 du 10 décembre 2007, p. 79-120.

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de bloquer le compte à hauteur de l’autorisation et pour le débiteur afin de lui ouvrir les recours.

Pour rassurer les sceptiques en amont, il faut remarquer que la proposition prévoit que les Etats devraient mettre en place des mécanismes facilitant la recherche des informations.

Pour les rassurer en aval, il faut noter que l’exequatur de l’ordonnance de saisie conservatoire serait inutile et ce, dans le droit fil des procédures de règlement des petits litiges  4, et de la procédure d’injonction de payer euro-péenne  5. L’établissement tiers saisi devrait seulement indiquer si des fonds suffisants ont fait l’objet d’une saisie en vertu de l’ordonnance.

Pour les rassurer au mitan, la proposition prévoit que la banque devrait publier une déclaration dans les huit jours indiquant si des fonds suffisants ont fait l’objet d’une saisie conservatoire  ; pour la protection des don-nées, si l’ordonnance a produit son plein effet, la banque n’aurait pas à révéler le solde du compte.

Mais pour nous désoler tous, avocats membres de Droit et Procédure et de l’AAPPE, spécialistes présumés, spé-cialistes espérés, membres ou non-membres, la propo-sition ne retient nullement la représentation obligatoire par avocat, ce qui fait craindre des saisies intempestives ou malfaisantes, personne n’ayant notre déontologie professionnelle.

4. Règlement 861/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges, JO L 199 du 31 juillet 2007, p. 1-22.

5. Règlement 1896/2006/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer, JO L 399 du 30 décembre 2006, p. 1-32.